Chapitre 1
Enquêter la diversité de la société tunisienne
p. 23-36
Texte intégral
1La tradition d’enquête en Tunisie est relativement ancienne. Quelques années après l’indépendance, l’Institut national de la statistique (INS), créé en 1969, réalise à intervalles réguliers des enquêtes démographiques et économiques (indice du prix à la consommation, démographie de la population, etc.). À la fin des années 1990, le nombre d’instituts de sondage privés s’accroît progressivement, mais leur champ d’activité reste essentiellement tourné vers la consommation des ménages, dans un objectif commercial. Ce n’est qu’après la révolution de 2011, grâce à la naissance d’un nombre important d’associations issues de la société civile et à une liberté de parole accrue, que se mettent en place ici et là des enquêtes qui abordent des questions sociétales et politiques.
2L’engagement politique et associatif suscite en effet un intérêt particulier depuis 2011. Ce thème est traité en investissant des terrains variés tels que l’engagement partisan ou associatif1, la participation électorale (Gana et Van Hamme, 2020) ou encore l’intérêt pour la politique (Lamloum et Ben Zina, 2015). Les jeunes constituent la population privilégiée de ces enquêtes. Comme ils ont été très visibles durant les événements de 2011, leur prise de distance vis-à-vis de la politique – et, plus largement, de différentes formes d’engagement – interroge.
3Ces enquêtes sont le plus souvent financées par des organisations internationales (Banque mondiale, Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit [GIZ], Programme des Nations unies pour le développement [PNUD], Organisation internationale pour les migrations [OIM], etc.), en collaboration avec des institutions tunisiennes (Observatoire national de la jeunesse [ONJ], Union générale des travailleurs tunisiens [UGTT], Forum tunisien des droits économiques et sociaux [FTDS], ministères, etc.). Dans le cadre d’une étude menée en partenariat avec l’ONJ, deux enquêtes ont été réalisées en 2012-2013, l’une en milieu rural et l’autre en milieu urbain, afin d’observer les obstacles à l’inclusion des jeunes dans la société tunisienne2 ; elles ont montré que, « à la fin de 2012, seulement 8,8 % des jeunes ruraux et 31,1 % des jeunes citadins interrogés ont déclaré avoir confiance dans les institutions politiques » (BIRD, 2014, p. 80). Financée par le PNUD, une autre enquête sur les attentes des jeunes menée en 2013 auprès de 1 100 volontaires âgés de 15 à 29 ans, sur tout le territoire tunisien, a confirmé le faible niveau d’engagement de la jeunesse dans les partis politiques et son scepticisme à l’encontre des organisations politiques existantes (Hamdi, 2018). En 2014, l’ONJ enquête sur les nouvelles formes d’engagement chez les jeunes Tunisiens3 puis, l’année suivante, s’intéresse à leur participation à la vie politique, ainsi qu’à leur rapport à la religion et à la liberté de conscience4.
4Depuis 2011, d’autres thématiques comme la migration, la santé ou le genre bénéficient de financements de la part d’organismes occidentaux – le plus souvent allemands ou français. À titre d’exemple, une enquête financée par l’Union européenne et le ministère tunisien de la Femme a été réalisée par le Centre de recherches, d’études, de documentation et d’information sur la femme (Credif) sur « la violence fondée sur le genre dans l’espace public en Tunisie5 ». Sur la question migratoire, plusieurs structures ont pris l’initiative d’enquêtes quantitatives, comme celle commanditée par le FTDS sur les jeunes et la migration non réglementaire6.
5En 2017, l’INS réalise pour la première fois une enquête nationale, conduite auprès de 4 500 ménages, sur la façon dont les Tunisiens perçoivent la sécurité, la liberté et la gouvernance locale. Il s’agit de déterminer l’implication de la population dans la vie politique et associative, mais l’enquête traite aussi des craintes et préoccupations face au changement politique7.
6Ainsi, au rythme des mobilisations et mouvements sociaux, de nombreuses études ciblées ont été menées depuis 2011. Cependant, les résultats restent confinés à un cadre professionnel ou associatif et font rarement l’objet de publications8. En 2016, au moment de la conception de l’enquête ETST, il n’existe pas en Tunisie de travaux conduits en population générale sur les évolutions sociales de la société tunisienne, la plupart portant soit sur des thématiques ciblées, soit sur des populations ciblées – en particulier les jeunes.
7L’objectif de l’enquête ETST est d’aborder, au sein d’un même questionnement, un ensemble de thématiques qui permettent de saisir les différentes facettes de la société tunisienne. Outre la diversité des sujets abordés – qui seront développés dans ce chapitre –, l’enquête prend le parti d’une approche par les parcours individuels en recourant à une grille biographique, selon le modèle de plusieurs enquêtes de l’Ined (Biographies et entourage, 2000 ; HDV, 2003). Elle constitue la première enquête nationale tunisienne recueillant des données biographiques au moyen d’une grille de type Ageven9.
I. Une enquête innovante pour les thématiques abordées
8Comme l’a souligné l’introduction, la majorité des enquêtes de la statistique publique tunisienne se concentrent sur les aspects économiques et démographiques de la société. Celles qui évoquent un aspect particulier de la société tunisienne portent le plus souvent sur une population ciblée — par exemple, les jeunes, les chômeurs, les femmes. Conçue dans le cadre de l’Otma, l’enquête ETST a réuni un groupe de travail franco-tunisien de chercheurs expérimentés et de jeunes chercheurs10, afin de réfléchir collectivement, en lien avec leurs propres expériences, à un ensemble de thématiques à introduire dans le questionnaire.
9Une première étape a consisté à effectuer un ensemble d’entretiens11 (tableau 1) pour explorer les entrées et les thématiques qui permettraient de saisir la diversité de la société tunisienne et, plus largement, identifier ses éléments de cohésion et de fragmentation. Pour interroger des profils les plus diversifiés possibles, que ce soit par l’âge ou le statut social, les entretiens ont été effectués dans l’espace public – rue, cafés, médina, transport en commun, centre commercial, etc. –, dans différents espaces du gouvernorat de Tunis (quartiers centraux et périphériques).
Tableau 1. Les entretiens exploratoires de l’enquête ETST

10À partir d’une restitution commune de ces entretiens sous forme de focus group, différentes thématiques qui semblaient pertinentes pour le questionnaire ont été listées :
- la place des femmes au sein de la société : parcours de formation, emploi, inactivité, autonomie économique, stratégies individuelles ;
- les jeunes : chômage des jeunes diplômés, colère et déception, désillusion face à la politique, pratiques culturelles, ambitions ;
- les relations de genre au sein de la société ;
- la mise en couple, le célibat prolongé, les modalités de choix du conjoint, le rôle de la famille, les obstacles économiques au mariage ;
- les relations au sein du couple : le partage des tâches quotidiennes et parentales, le divorce, la remise en couple ;
- les relations entre générations : autorité et parfois ruptures, transmission de valeurs mais aussi obligations ;
- la place respective du français et de l’arabe : transmission familiale, statut social, pratiques quotidiennes, transformation au fil des générations, difficultés face à l’écrit ;
- les mobilités géographiques et l’emploi : projets migratoires, négociations familiales ;
- l’engagement et les convictions : diversité des formes d’engagement, pratiques religieuses, importance au sein du couple.
II. Élaboration du questionnaire de l’enquête ETST
11Le questionnaire de l’enquête a été élaboré en 2016. Plusieurs thématiques – et la manière de les aborder par le parcours biographique, ce qui permet une approche à la fois factuelle et subjective – ont été développées en s’inspirant de l’enquête HDV (Guérin-Pace et Ville, 2009). Par ailleurs, la fin du questionnaire de l’enquête HDV sur le sentiment de libre arbitre et le choix d’un dessin représentant sa vie, inspiré par les travaux de Leclerc-Olive (2002), ont été repris sous la forme d’une synthèse.
12Le questionnaire s’organise donc en plusieurs parties. Comme dans toutes les enquêtes de la statistique publique, il comporte dès le début un tableau de composition du ménage (TCM) qui permet de recueillir des informations sur toutes les personnes vivant dans le foyer et d’effectuer le choix de l’individu à enquêter parmi les adultes présents, selon une méthode de tirage aléatoire12.
13Une fois que la personne à enquêter est désignée, la suite du questionnaire s’organise en plusieurs parties. La première est composée d’une grille biographique permettant de retracer le parcours géographique, familial et professionnel des personnes interrogées et, d’une manière plus subjective, le regard porté par chacune sur sa trajectoire, ainsi que le recueil des événements marquants de sa vie (Laborde et al., 2007).
14Les thématiques retenues ont été organisées en différents modules (tableau 2). Pour chacune d’entre elles, nous avons introduit un ensemble de questions visant à recueillir des informations factuelles mais aussi un matériau plus subjectif sur la perception et les représentations des différentes situations ou pratiques. À titre d’exemple, dans le module sur les langues, on commence par recueillir les pratiques linguistiques selon des situations variées, en fonction des interlocuteurs et des activités, mais des questions permettent d’éclairer le regard que porte la personne interrogée sur l’arabe parlé par les jeunes ou encore la nécessité de parler français ou anglais aujourd’hui en Tunisie.
Tableau 2. Structuration du questionnaire de l’enquête ETST

15Une fois élaboré, le questionnaire de l’enquête a été soumis au Conseil national de la statistique (CNS) afin de recevoir un visa, puis révisé en fonction des recommandations apportées. Quelques questions ont été modifiées et des modalités de réponse ont été ajoutées. Par exemple, la question sur la religion pratiquée a été retirée et remplacée par une question sur le sentiment d’appartenance religieuse et par plusieurs questions sur les pratiques religieuses. La position du CNS était motivée par l’interdiction, inscrite dans la loi tunisienne, de demander aux personnes leur appartenance religieuse ou de les identifier selon ce critère. Concernant les questions d’opinion, le CNS a proposé d’ajouter une question sur la perception de la présence des réfugiés en Tunisie, dans un contexte politique où l’afflux massif de migrants libyens divisait la société. Le questionnaire a ensuite été traduit en arabe13, puis formaté pour une passation sur tablette Android14. Comme dans l’enquête HDV, la grille biographique a été conservée sur un support papier afin de faciliter le travail de restitution pour l’enquêté et celui de recueil des informations pour l’enquêteur (une grille biographique est reproduite en annexe de ce chapitre).
III. Construction de l’échantillon de l’enquête ETST
16Le tirage de l’échantillon a été réalisé par l’INS, en prenant comme base de sondage celle des districts issus du recensement général de la population et de l’habitat (RGPH). Au dernier recensement (2014), le découpage administratif du territoire tunisien est le suivant : sept régions (Grand Tunis, Nord-Est, Nord-Ouest, Centre-Est, Centre-Ouest, Sud-Est et Sud-Ouest), subdivisées en 24 gouvernorats, 264 délégations et 2 084 secteurs. À ce découpage administratif se superpose un maillage politique communal15 qui ne couvre par l’ensemble du territoire. En effet, en Tunisie, la commune est créée et délimitée par décret, et le statut urbain est uniquement octroyé aux communes, indépendamment de leur taille (Belhedi, 1993). Est considéré comme urbain tout territoire qui appartient à une commune. Dans la majorité des cas, une délégation ne contient qu’une seule commune. En revanche, une commune peut couvrir tout ou partie d’une délégation. Un secteur – la plus petite division administrative – peut être soit communal, soit non communal, soit mixte. Le découpage administratif sert de base pour le découpage technique utilisé par l’INS. Le découpage technique des zones géographiques communales est différent de celui des zones non communales (encadré 1).
Encadré 1. Découpage statistique du territoire tunisien (INS)
Découpage en unités primaires : les îlots
Le découpage diffère selon qu’il s’agisse ou non d’une zone communale.
En zone communale, l’espace est découpé en sections (délimitées par des artères principales, des voies ferroviaires, etc.), puis en îlots (pâtés de maisons).
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Exemple de découpage d’une section urbaine en îlots (source : Anis Boujaama).
En milieu non communal, on distingue des agglomérations principalesa, qui sont découpées en sections puis en îlots de la même manière qu’en milieu communal. Le reste du territoire est subdivisé en zones naturellesb composées d’agglomérations secondairesc (supérieures à 10 ménages) et de logements isolésd.
Découpage en unités secondaires : les districts
Le district est un ensemble d’îlots (un ou plus) contenant en moyenne 70 ménages. En milieu non communal, il s’agit d’un ensemble de zones naturelles (une ou plus). Quel que soit le milieu, un district ne peut être partagé entre deux secteurs administratifs. La Tunisie compte 31 750 districts.
a. Dans les zones non urbaines, on appelle « agglomération » tout rassemblement de 10 bâtiments et plus, espacés de moins de 200 m. Si l’agglomération contient 80 ménages et plus, elle est dénommée « agglomération principale ».
b. Tout espace géographique non communal délimité par des frontières naturelles (chaîne de montagne, rivière, etc.) ou artificielles (routes principales, voies ferroviaires, etc.).
c. Agglomération de moins de 80 ménages.
d. Ensemble de logements distants de plus de 200 m.
17Le budget alloué à l’enquête20 a conduit à fixer une taille d’échantillon d’environ 3 000 ménages. Une demande a été adressée à l’INS afin de réaliser le tirage à l’échelle nationale. Un échantillon de 300 districts, représentatifs de la population tunisienne et répartis par gouvernorat, délégation, secteur et milieu (communal ou non communal), a été fourni par l’INS, et un sondage aléatoire à deux degrés (gouvernorat, milieu) a été utilisé. Une technique d’échantillonnage spatial dite « par point de chute GPS21 » (encadré 2) a ensuite été mobilisée pour construire un échantillon de répondants à partir de la liste des districts fournis par l’INS. Une carte numérique de chacun des districts à enquêter était remise aux enquêteurs sur un support Google Maps qui leur permettait de déterminer leur position en temps réel par rapport aux îlots du district à enquêter.
Encadré 2. Technique d’échantillonnage par point de chute GPS
Les données fournies par l’INS précisent le nombre de districts, ainsi que, pour chaque district, le secteur, la délégation, le gouvernorat et le milieu (communal ou non). En l’absence de cartes pour l’ensemble des districts tirés, il a fallu développer une technique permettant de surmonter cet obstacle et de redessiner les districts à partir des secteurs. Cette technique se déroule en plusieurs étapes.
On commence par tracer un rectangle autour du secteur de façon que les quatre côtés soient tangents aux limites extrêmes du secteur (Nord, Sud, Est, Ouest).
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On détermine ensuite les coordonnées GPS des quatre angles (Xmin, Xmax, Ymin et Ymax), puis on choisit aléatoirement un point D de coordonnée (X, Y)a. Si le district souhaité est communal et que le point GPS tombe dans la zone non communale, on répète l’opération. Le nombre d’itérations dépend du milieu voulu.
Une fois le point D fixé, on trace le district selon les règles suivantes : si le milieu est communal, on cherche l’îlot le plus proche du point de chute GPS, on fait ensuite de même avec le deuxième îlot le plus proche, puis avec le troisième, de façon à obtenir un nombre de logements supérieur à 70. Le nombre approximatif de logements est estimé selon les caractéristiques visibles (villa ou bâtiment, ombre, etc.). La règle est de tracer un district contenant au minimum 70 logements.
Le ratissage effectué sur le terrain par l’enquêteur démarre par le premier îlot jusqu’à obtenir le nombre souhaité de ménages répondants. On fixe au départ un pas qui correspond au nombre de logements retenus par îlot (5 logements dans l’enquête ETST). Le point de départ d’un îlot est repéré par le coin le plus bas (le plus au sud). Si deux coins possèdent la même latitude, on choisit celui situé à gauche. Une fois le coin de départ déterminé, l’enquêteur effectue le ratissage, tout en gardant le mur (limite de l’îlot) à sa droite. Avant de commencer le ratissage, un nombre aléatoire entre 1 et 5 est tiré pour désigner le premier logement à enquêter grâce à une fonction programmée sur la tablette.
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Si le milieu est non communal et que le point D coïncide avec une agglomération principale, on utilise la même technique que pour le milieu communal. Dans le cas où le point D ne coïncide pas avec une agglomération principale, on trace des zones naturelles au lieu de tracer des îlots. Comme pour les îlots, on commence par le coin le plus bas, puis on choisit un nombre aléatoire entre 1 et le pas (5), puis on commence le ratissage des logements de bas en haut (du sud vers le nord).
a. Tirage d’une valeur aléatoire pour X comprise entre Xmin et Xmax, et d’une valeur pour Y comprise entre Ymin et Ymax.
IV. Du terrain à la base de données
18La préparation du terrain de l’enquête a démarré à la fin de l’année 2015. Une fois le questionnaire élaboré, les principales phases ont consisté à traduire ce dernier en arabe, à préparer le dossier technique pour obtenir le visa du CNS, à développer l’application de saisie sur tablette, à préparer la gestion logistique (ressources humaines et outils nécessaires en fonction de l’échantillon) et à former les groupes d’enquêteurs, contrôleurs et superviseurs.
1. Développement de l’application Android
19La passation du questionnaire a été réalisée sur tablette Android, ce qui a nécessité le développement d’une application23 permettant d’effectuer une saisie assistée du questionnaire et de la grille biographique (papier), un calcul instantané et automatique de l’avancement du terrain pour chaque enquêteur, un contrôle de la cohérence des données, une transmission automatique des questionnaires remplis et une synchronisation en continu des bases des données.
20Les questions, les modalités de réponse et les filtres ont été conçus de façon à faciliter le travail de l’enquêteur et à contrôler la saisie de l’information. Pour respecter la méthodologie associée à la grille biographique, celle-ci a été remplie sur papier. Une fois le questionnaire passé, l’enquêteur devait saisir sur sa tablette les informations figurant sur les grilles papier. Un identifiant unique lui permettait ensuite de faire la jointure entre la grille biographique et le questionnaire.
21Outre les avantages liés au filtrage automatique des questions selon les situations individuelles des enquêtés, la passation sur tablette a permis de garantir de manière optimale la qualité de l’information recueillie24.
2. Enquête pilote et terrain de l’enquête
22L’enquête pilote a été réalisée en septembre 2016 auprès d’un échantillon de 150 ménages en milieu rural et urbain dans la région du Grand Tunis. Elle a permis d’apporter quelques corrections au questionnaire, de mettre à jour l’application Android et d’actualiser le planning, ainsi que les besoins en ressources. L’enquête sur le terrain a été menée entre octobre et décembre 2016 auprès de 4 205 ménages et a donné lieu à la passation de 3 163 questionnaires25. Le taux de refus global après contact du ménage est faible : 7,8 %, répartis en refus du ménage (6,1 %), refus de l’individu (0,9 %), réponse partielle ou interruption de l’interview (0,8 %). Les ménages avec lesquels un contact n’a pas été possible à établir s’élèvent à 17 %. La restitution du terrain de l’enquête fait l’objet du chapitre suivant (chapitre 2).
3. Le redressement de l’échantillon
23Une fois le travail de terrain achevé, les données ont été rassemblées au sein d’une base de données contenant 831 variables. La première étape de vérification a consisté à comparer la population enquêtée par gouvernorat, échelle de représentativité de l’échantillon, à celle du recensement (tableau 3).
Tableau 3. L’échantillon de l’enquête ETST au regard des données du recensement de 2014

24Les différences observées entre l’échantillon de l’enquête et les données du recensement ont été corrigées par une méthode de calage sur marge26, en utilisant les variables pour lesquelles les écarts étaient les plus importants, à savoir l’âge (sous-représentation des plus âgés), le genre (surreprésentation des femmes) et le niveau d’éducation (sous-représentation des moins éduqués). Ces observations rejoignent celles faites habituellement dans les enquêtes. Les résultats de la procédure de redressement par un calage sur marge sont acceptables au vu de la taille de l’échantillon et de la convergence de l’algorithme (figure 1). La variable de pondération qui en résulte permet d’estimer les proportions issues des résultats de l’enquête en respectant le poids respectif de chaque caractéristique sociodémographique introduite dans la procédure de redressement. C’est cette variable qui sera utilisée dans tous les traitements effectués dans cet ouvrage.
Figure 1. Redressement de l’échantillon de l’enquête ETST (capture d’écran)

25Dans un dernier temps, et conformément à la loi statistique tunisienne sur les données individuelles, il a été procédé à l’anonymisation des données en supprimant tous les noms des personnes interrogées, leur adresse et les repères GPS qui pourraient permettre de les identifier.
Conclusion
26L’enquête ETST constitue une démarche originale à plus d’un titre. À la différence des enquêtes essentiellement économiques et démographiques de la statistique publique en Tunisie, elle cherche à saisir un ensemble de facettes de la société post-révolutionnaire. Si une volonté de mieux connaître la société tunisienne s’est fait jour depuis la révolution, c’est le plus souvent sous l’égide d’organismes internationaux, selon des besoins précis et sur des thématiques et des populations très ciblées. Relativement modeste, la taille de l’échantillon ne permet pas d’effectuer des analyses à une échelle géographique fine, mais elle a été soigneusement construite pour être représentative de la population à l’échelle des gouvernorats et elle est donc largement suffisante pour réaliser des analyses sociodémographiques en tenant compte de la composante régionale – un vecteur important des inégalités territoriales en Tunisie.
27Par ailleurs, cette enquête est le fruit d’une collaboration franco-tunisienne déjà ancienne, intégrant formation et recherche, et qui s’est appuyée sur un réseau existant qui a permis d’élaborer le projet au moment où la Tunisie tournait une page de son histoire. Colloques, séminaires et études de terrain se sont enchaînés, associant chercheurs expérimentés et jeunes chercheurs, doctorants et étudiants, pour échanger sur la révolution et sur la manière de saisir cet événement sans précédent. C’est dans cet esprit que ce projet a été conçu, avec la volonté de former des jeunes chercheurs aux différentes étapes d’élaboration d’une enquête, depuis les ateliers de réflexion et de terrains accompagnés jusqu’à la passation du questionnaire, encadrée par des superviseurs chevronnés, dans un contexte national tendu. Elle constitue donc une expérience unique au regard de la diversité des axes abordés dans le questionnaire, par l’introduction d’une dimension biographique dans une enquête nationale (une première en Tunisie), par la technique d’échantillonnage fondée sur une méthode spatiale innovante, dans le choix du support tablette et, enfin, dans la formation de l’équipe d’enquêteurs et de superviseurs.
Bibliographie
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Belhedi A., 1993, De l’urbain en Tunisie. La ville, difficultés de mesure et essai de définition, Montréal, INRS-Urbanisation, Document de recherche.
Gana A., Van Hamme G., 2020, « Les bouleversements politiques en Afrique du Nord au prisme de l’analyse électorale », Maghreb-Machrek, 243(1), p. 5-10.
10.3917/machr.243.0005 :Guérin-Pace F., Samuel O., Ville I. (dir.), 2009, En quête d’appartenances. L’enquête Histoire de vie sur la construction des identités, Paris, Ined Éditions, coll. « Grandes Enquêtes ».
Hamdi S., 2018, Jeunes et action politique : comportement électoral, nouvelles formes d’expression dans l’espace urbain en Tunisie, thèse de doctorat, Université Grenoble-Alpes/Université de Sfax.
Laborde C., Lelièvre E., Vivier G., 2007, « Trajectoires et événements marquants : comment dire sa vie ? Une analyse des faits et des perceptions biographiques », Population, 3(62), p. 567-585.
10.3917/popu.703.0567 :Lamloum O., Ben Zina M. A. (dir.), 2015, Les jeunes de Douar Hicher et d’Ettadhamen. Une enquête sociologique, Tunis, Arabesques/International Alert.
Annexe
Annexe 1. Grille biographique de l’enquête ETST

Notes de bas de page
1 Gallup World Poll 2013. Ces enquêtes sont effectuées dans 150 pays à travers le monde, auprès d’un échantillon d’environ 1 000 répondants dans chaque pays.
2 Ces deux enquêtes ont été réalisées dans le cadre du projet « Surmonter les obstacles à l’inclusion des jeunes », conduit par la Banque mondiale en partenariat avec l’ONJ et le Centre pour l’intégration en Méditerranée (CMI). L’enquête en milieu urbain (THYSUA) portait sur 4 214 ménages, contre 1 400 pour celle en milieu rural (THSYRA).
3 Réalisée en 2014 dans le cadre d’un projet de recherche financé par le Centre de recherche pour le développement international (CRDI), l’enquête portait sur un échantillon de 1 722 jeunes âgés de 18 à 30 ans et résidant dans les quatre gouvernorats du Grand Tunis. Elle a utilisé la méthode des quotas suivant le milieu (urbain et non urbain), le sexe, la catégorie d’âge et le niveau d’instruction.
4 http://193.95.68.150/index.php/fr/sondage-d-opinion/l-etat-de-la-religion-et-la-liberte-de-conscience-en-tunisie
5 L’enquête a été menée en 2015 auprès d’un échantillon représentatif de la population tunisienne (2 873 femmes et 1 000 hommes), en étroite collaboration avec l’INS.
6 Cette enquête a été réalisée sur un échantillon de 1 168 individus (53 % d’hommes et 47 % de femmes), âgés de 20 à 29 ans et issus de six quartiers populaires répartis sur le territoire tunisien : Ettadhamen (gouvernorat de l’Ariana), Ezzouhour (Kasserine), Zarzis (Médenine), Zahra (Mahdia), Taieb El Mhiri (Kef), Essourour (Gafsa), https://ftdes.net/emigration2017/
7 Les résultats de cette enquête font l’objet d’un rapport de 37 pages publié en 2018 en langue arabe, http://ins.tn/publication/enquete-nationale-sur-la-perception-des-citoyens-envers-la-securite-liberte-et-la
8 On peut trouver quelques résultats sur les sites Internet des organismes ou associations, le plus souvent en arabe.
9 Il s’agit d’une grille en format papier sur laquelle figurent, en ligne, l’âge ou l’année et, en colonne, les dimensions biographiques retenues pour l’enquête (géographique, familiale, professionnelle, etc.). Son utilisation vise à aider la personne enquêtée à replacer dans le temps les événements vécus et à les situer en termes d’âge et de calendrier (Antoine et al., 1987).
10 Il s’agit de collègues de l’UR12 (Ined), de la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis (FSHST) et de doctorants. Ont participé à l’élaboration du questionnaire : F. Guérin-Pace, H. Kassar, M. Blidon (université Paris 1), A. Filhon (université de Rennes 2), K. Kateb, A. Lebugle (Ined), S. Bassalah (FSHST), G. Vivier (Ined, service des enquêtes et sondages) et S. Zegnani (université de Rennes 1).
11 Ces entretiens ont été réalisés dans Tunis et à sa périphérie, dans le cadre d’un atelier doctoral qui s’est tenu en octobre 2016.
12 La méthode pour le choix de l’individu repose sur l’algorithme Random, incorporé dans l’application Android et qui permet d’effectuer un tirage aléatoire.
13 Nous remercions très chaleureusement notre collègue Ahlem Bouchiba pour sa traduction du questionnaire en arabe, qu’elle a effectuée de manière très professionnelle.
14 Cette étape a été menée par Anis Boujaama.
15 Les communes les plus peuplées sont subdivisées en arrondissements. C’est le cas de Tunis.
20 L’enquête a été financée en partie par la subvention accordée par le ministère français des Affaires étrangères au projet Otma et en partie par l’Ined. La FSHST a mis des moyens à disposition pour l’enquête sur le terrain.
21 Cette technique a été mise au point par Anis Boujaama, coauteur de ce chapitre.
23 Cette application a été développée par Anis Boujaama, coauteur de ce chapitre.
24 Certaines procédures ont été développées pour garantir la qualité de l’information recueillie. Si l’une de ces procédures détecte un problème, la sauvegarde ne peut s’effectuer. L’application signale alors visuellement (couleur, clignotement) l’emplacement du problème. L’enquêteur est alors amené à corriger les erreurs et à compléter les données manquantes. Certaines données, comme la date, l’heure de début et de fin de l’interview, les coordonnées GPS, etc., sont enregistrées de façon automatique.
25 Le nombre de questionnaires complets est de 3 160. Cependant, d’une question à l’autre, certaines réponses manquent. Pour simplifier la lecture des tableaux, nous indiquerons n = 3 160 lorsque le champ concerne l’ensemble des enquêtés.
26 Le redressement a été réalisé avec le module SAS de la macro PROC CALMAR, en utilisant un modèle logit.
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