Chapitre 4
Science et reproduction humaine : le clonage dans deux fictions littéraires
p. 63-72
Texte intégral
1Dès 1932, avec la publication du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, la fiction littéraire s’est emparée de la reproduction humaine bouleversée par les avancées de la science. Dans ce roman, les femmes n’étant plus vivipares, toute naissance a lieu au laboratoire dans des tubes à essais. Huxley y détaille « le procédé moderne de fécondation » permettant de produire des individus de différentes castes, chaque caste ayant son rôle propre dans le fonctionnement de la société.
2C’est dans le même esprit que la fiction littéraire s’est intéressée au clonage. Dans son célèbre Tous à Zanzibar (Stand On Zanzibar), le romancier de science-fiction John Brunner (1968) évoquait déjà le clonage sur un ton léger. Grâce au docteur Sugaiguntung, l’Etat imaginaire du Yatakang envisageait de produire des clones, ôtant de ce fait son caractère sexué à la reproduction, si bien que quelqu’un pouvait s’exprimer ainsi : « s’ils peuvent faire ça [le clonage] je me demande pourquoi je ne pourrais pas avoir un gosse de toi ? Avec ça, aucun de ces abrutis de mâles n’a plus de raison de s’en occuper ! » (Brunner, p. 283).
3Sujet à la fois scientifique, technique et éthique, le clonage, qui a fait l’objet d’une analyse anthropologique privilégiant une approche d’ordre biopolitique (Franklin, 2007), se trouve au cœur de deux romans particulièrement suggestifs : Reproduction interdite de Jean-Michel Truong (1989) et Auprès de moi toujours de Kazuo Ishiguro (2005). La fabrique des clones y est abordée dans le style propre à chacun de ces auteurs.
4Spécialiste d’intelligence artificielle, Truong, inspiré par Le dossier 51 de Gilles Perrault, présente dans son roman Reproduction interdite les pièces d’un dossier d’instruction sur une affaire criminelle, autour du suicide présumé du personnage central, Hughes Ballin, membre de l’Académie des sciences, prix Nobel de médecine, « biologiste de génie, [qui] réalisa en 1993 la première gestation in vitro complète d’un être humain » et [qui] fonda, l’année suivante, « la première société au monde spécialisée dans la production de clones, Reproductique SA […]. »
5Ishiguro construit, lui, un récit à énigme, plongeant le lecteur dans l’univers quotidien d’un collège anglais, Hailsham, à l’étrange fonctionnement, avec de nombreux interdits et des objectifs cachés. Le lecteur n’apprend que tardivement que les trois personnages principaux, Kathy, Ruth et Tommy sont, en réalité, des clones.
6Ces œuvres littéraires, sans prétention scientifique particulière, font écho à l’histoire du clonage et aux débats qu’il suscite.
I. Clonage et questionnement éthique
7Premier mammifère cloné, la brebis Dolly est née en 1996 dans un laboratoire écossais. Ian Wilmut, Keith Campbell et leur équipe obtiennent cette naissance par manipulation de cellules de glande mammaire d’une brebis adulte. La prouesse technique ayant suscité un grand émoi, la peur d’un développement du clonage humain a conduit le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) à condamner, en 1997, « le clonage reproductif [comme] un mode de filiation très hautement problématique ». Puis le clonage dit « thérapeutique » fit débat, avec des embryons produits pour disposer de « cellules souches embryonnaires » destinées à soigner des organes malades. La biologie a ensuite privilégié la reprogrammation cellulaire qui permet d’éviter la création d’embryons.
8Dans un entretien avec le sociologue Jacques Saliba, le biologiste Henri Atlan considérait qu’à partir du moment où le clonage pouvait être pratiqué chez les mammifères, il pouvait être appliqué à terme à l’homme (Saliba, 1999). La question éthique portait sur la légitimité de l’utilisation de cette technique pour les êtres humains. « Faut-il faire naître, par ce moyen, des bébés ? », s’interrogeait Henri Atlan.
9Il soulevait trois problèmes : la sécurité de la technique (viabilité de l’individu né ainsi), la marchandisation de la vie humaine (possibilité d’acheter un « double » pour soi ou ses proches) et l’illusion d’un déterminisme génétique absolu (le devenir d’un individu strictement conditionné par ses gènes et non par son environnement). Grâce au clonage, remarque Atlan, un homme stérile pourrait avoir un enfant biologique avec une femme, ce qui reviendrait à mélanger un noyau de cellule de cet homme et l’ovule de sa partenaire : « l’enfant qui naîtrait serait un garçon génétiquement identique à son père », brouillant les générations. Un « acharnement procréateur » présenterait, pour le biologiste, des risques sociaux. René Frydman (Martin, 2010), père du premier « bébé-éprouvette » français, s’inquiétait des risques psychiques liés à la création d’un double dont on ne saurait identifier le lien de parenté (parent ? frère ou sœur ?). Un autre risque qu’il envisageait était « l’instrumentalisation d’organismes humains » et la « commercialisation du vivant ».
10La PMA suscite aussi de fortes oppositions, souvent perçue comme une étape conduisant à terme à autoriser le clonage humain. La Fondation Jérôme Lejeune (2019), pivot du mouvement « pro-vie » en France, dénonce ainsi une nouvelle technique mêlant PMA et clonage, citant le cas de la « FIV à trois parents » qui consiste à implanter le noyau d’une femme dans l’ovule d’une donneuse, fécondé ensuite par le sperme du père, ce qui accréditerait l’idée d’une forme de continuité entre PMA et clonage.
11Un des reproches faits par le CCNE au clonage reproductif est d’être « asexué dans son principe ».
III. Une reproduction sans sexualité
12Les dystopies envisageant les questions démographiques disjoignent volontiers la reproduction de la sexualité. Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley (1932) en est un des exemples les plus frappants avec « le procédé moderne de fécondation ». Huxley imaginait une liqueur permettant de conserver les ovules dans un « récipient poreux », ensuite « immergé dans un bouillon tiède contenant des spermatozoïdes qui y nageaient librement. » D’une autre manière, La servante écarlate de Margaret Atwood (1985) réduit la sexualité des servantes à l’acte procréateur, dans le cadre d’une spécialisation de certaines femmes. Defred, l’héroïne du roman, évoque ainsi sa condition de servante : « notre fonction est la reproduction ; nous ne sommes pas des concubines, des geishas ni des courtisanes. […] Nous sommes des utérus à deux pattes, un point c’est tout : vases sacrés, calices ambulants ».
13Chez Truong et Ishiguro, le clonage est une façon de procréer, de créer des êtres humains ou apparemment tels, en contournant la reproduction sexuée. Truong envisage la fabrique de clones sur un mode industriel grâce à une production de masse. Le centre de production alsacien de Plobsheim (CP24), « le plus moderne du monde », occupe une superficie de plus de 1 700 hectares. Dans le roman de Truong, la reproduction sexuée reste cependant la façon courante de procréer, les clones constituant une sous-population instrumentalisée. Ainsi une grossesse peut donner lieu à la « production par clonage d’une réplique de l’embryon ». Le clone peut alors être utilisé pour la santé de la personne au cours de sa vie.
14Ishiguro imagine, lui, une population très particulière, celle des clones, dont la vocation est exclusivement de permettre de « réparer les vivants ». Sans évoquer leur mode de fabrication, il fait entrer le lecteur dans leur vie quotidienne et leur intimité. Évoquant toutefois la « théorie des "possibles" », Ishiguro suggère que les clones sont des copies d’êtres humains :
« C’est pourquoi, quand vous étiez vous-mêmes dehors – dans les villes, les centres commerciaux, les restaurants de routiers – vous essayiez de repérer les “ possibles” – les gens qui auraient pu être vos modèles et ceux de vos amis. » (Ishiguro, 2006, p. 217.)
15La production de clones se fait indépendamment de l’âge normal de la procréation puisque le clone peut être produit à partir d’un bébé aussi bien que d’une personne âgée. Si la reproduction est sans sexualité, la sexualité est aussi sans reproduction.
III. Une sexualité sans reproduction
16La dissociation entre reproduction et sexualité était déjà absolue chez Huxley : il est très tôt préconisé aux femmes « un Succédané de Grossesse » pour éviter tout désagrément. Dans La servante écarlate, Margaret Atwood, elle, introduit une sexualité conjugale sans procréation, liée à la stérilité de nombreuses femmes.
17Les héros humains de Truong peuvent avoir des relations physiques avec les clones, ces derniers n’étant que des esclaves sexuels. Les clones d’Ishiguro ne peuvent envisager de se reproduire – il leur est « totalement impossible d’avoir des bébés – mais ils disposent d’une grande liberté sexuelle :
« […] Nous avions donc les exposés de miss Emily, nous expliquant combien il était important de ne pas avoir honte de notre corps, de “respecter nos besoins physiques”, que le sexe était un “très beau cadeau” tant que les deux personnes le voulaient vraiment. » (Ishiguro, 2006, p. 152.)
18Au collège de Hailsham, cette liberté se nourrit de l’insouciance à l’égard de la procréation. Kathy se souvient par exemple que « certains étaient heureux [d’]avoir des rapports sexuels sans [s’]inquiéter de tout ça [le risque d’avoir un bébé] » (Ishiguro, 2006, p. 119).
19Les élèves du collège peuvent avoir des rapports sexuels entre eux ; ils peuvent en avoir aussi avec des personnes extérieures au collège mais, dans ce cas, ils doivent se montrer prudents :
« Nous devions faire extrêmement attention aux rapports sexuels dans le monde du dehors, surtout avec des gens qui n’étaient pas des élèves, parce que là-bas le sexe signifiait toutes sortes de choses. » (Ishiguro, 2006, p. 135.)
20Pour Truong comme pour Ishiguro, la production de clones a pour vocation la préservation de la santé des humains.
IV. Les clones au service de la santé
21Truong imagine un dispositif particulier pour la santé des individus fortunés : l’« assurance transplantation ». Grâce à celle-ci, lors de la grossesse d’une femme, un clone est un produit qui servira de réservoir d’organes au profit du bénéficiaire de cette assurance. L’auteur fournit des détails pratiques sur la façon de recourir à un clone pour raison médicale : après qu’un organe vital a été prélevé, le restant fait l’objet d’une conservation par cryogénisation. Comme il s’agit d’un véritable marché du clone, une « gamme complète et originale de produits obtenus par clonage » (embryons et fœtus, clones adultes et sous-produits) est offerte comme débouchés à l’industrie pharmaceutique (embryons et fœtus), aux laboratoires de recherche médicale (embryons et fœtus, et « sujets mûrs d’âge divers, livrés sous différents conditionnements, vivants ou congelés ») et à la chirurgie de masse et à la chirurgie de luxe. Le « besoin de clones » se ferait d’autant plus sentir que la société serait confrontée à une montée de la violence et à une dégradation de l’environnement. Du fait de l’augmentation de la durée de la vie, il y aurait un besoin accru de clones pour remplacer des « organes usés ».
22Chez Ishiguro, les clones sont exclusivement élevés pour des dons d’organes : Meg B., un des clones, en est ainsi à son troisième prélèvement, tandis que Chrissie, autre clone, n’a pas survécu à sa deuxième ponction d’organe. Après un don, affaibli, le donneur se rend dans un « centre de convalescence ». Et le destin du clone est alors de mourir d’épuisement, car il lui est difficile de survivre à un quatrième prélèvement. Pour se remettre d’une prise d’organe, les clones bénéficient de l’aide d’un accompagnant : Kathy assiste Ruth puis Tommy. Elle accomplit très bien sa mission, soulageant la souffrance et l’inquiétude grâce à son empathie et à sa force de caractère, considérant que « les accompagnants ne sont pas des machines ». En revanche, Laura, autre clone, ne parvient pas à « gérer » convenablement sa situation d’accompagnante.
23Créés pour rendre service aux humains, les clones s’en distinguent parfois assez peu.
V. Humains/non humains
24Il est parfois difficile, dans les utopies et a fortiori les dystopies, de distinguer des êtres humains des autres créatures. Dans Les voyages de Gulliver, Jonathan Swift (1726) introduit les Houyhnhnms qui ont l’apparence de chevaux, mais sont plus humains que les humains et représentent une sorte de peuple idéal qui devrait leur servir de modèle. Dans la littérature proprement dystopique, le caractère « presque humain » de créatures comme les robots, les androïdes ou les clones, est source d’ambiguïtés.
25De manière pour le moins provocatrice, Truong relate une querelle entre médecins et vétérinaires pour savoir « qui doit soigner les clones humains ». Un extrait de La Gazette du praticien mentionne le cas d’un vétérinaire de Charente-Maritime, « région traditionnelle d’élevage de clones », mis en cause par l’Ordre des médecins pour avoir « vacciné contre la tuberculose le cheptel d’un éleveur de clones de la région. » Or, pour l’Ordre des médecins, « les clones humains seraient, du point de vue de l’anatomie, de la physiologie et de la pathologie, en tous points analogues à des humains ». En réalité, cet organisme ne prétend pas que les clones sont des humains mais soutient qu’ils « ressemblent en tous points [sic] à des humains » et donc relèvent des membres de l’Ordre. Cet argument est farouchement contesté par le Syndicat national des vétérinaires. Poursuivant le parallèle avec les humains, Truong prévoit un besoin de « psychopédagogues experts en conditionnement opératoire des clones. » Cela rappelle le « robot psychologue » du roman Robots d’Isaac Asimov (1950). Dans Reproduction interdite, le « dogme de la non-humanité des clones » auxquels les scientifiques se sont accoutumés est mis en cause, car il permet en dernier ressort qu’il soit considéré comme « juste de tuer un clone, quand c’est pour soulager la souffrance d’un homme. »
26Ishiguro, lui, confère une certaine humanité aux clones en raison de l’éducation qu’ils peuvent recevoir. Dans Auprès de moi toujours, Kathy et Tommy rendent visite à miss Emily qui leur explique que l’enseignement dispensé à Hailsham tend à abolir la frontière entre humain et non-humain :
« Ensemble nous avons constitué un mouvement restreint mais qui faisait beaucoup de bruit, et nous avons remis en question toute la manière dont le programme de dons était géré. Plus important encore, nous avons démontré au monde que si les élèves étaient élevés dans un environnement humain, cultivés, il leur était possible de devenir aussi sensibles et intelligents que n’importe quel être humain. Avant cela, tous les clones – ou les élèves, comme nous préférions vous appeler – n’existaient que pour suppléer à la science médicale. Dans les premiers temps, après la guerre, c’est grosso modo ce que vous étiez pour la plupart des gens. Des objets obscurs dans des éprouvettes. » (Ishiguro, 2006, p. 399-400.)
27Une humanité des clones transparaît aussi lorsqu’ils souffrent après chaque don. Le fantasme du « sursis », évoqué dans le roman d’Ishiguro à plusieurs reprises, suggère également une certaine sensibilité des clones; une rumeur veut que des élèves vivant une histoire d’amour fassent des dons plus tardivement que les autres :
« Si vous étiez un garçon et une fille, et que vous étiez amoureux, vraiment, sérieusement amoureux, et que vous pouviez le montrer, alors les gens qui dirigent Hailsham, ils vous arrangeaient ça. Ils arrangeaient ça pour que vous passiez quelques années ensemble avant de commencer vos dons. » (Ishiguro, 2006, p. 239.)
28Kathy et Tommy apprennent finalement que ce sursis n’existe pas et qu’ils s’étaient bercés d’illusions. Comme celui des autres, leur destin est impitoyablement fixé :
« Vos vies sont toutes tracées. Vous allez devenir des adultes, et avant de devenir vieux, avant même d’atteindre un âge moyen, vous allez commencer à donner vos organes vitaux. C’est pour cela que chacun de vous a été créé. […] Vous avez été introduits dans ce monde dans un but précis, et votre avenir à tous, sans exception, a été déterminé à l’avance. » (Ishiguro, 2006, p. 131.)
29Si une échelle des « pseudo-humains » devait être établie, le robot pourrait en être placé à la base et le clone au sommet.
VI. De la mécanique au vivant
30Les êtres terrestres de la science-fiction n’ayant pas la qualité d’humains peuvent être aussi bien des robots que des androïdes. Dans Robots, Asimov réfléchissait déjà à la condition d’une créature artificielle dans ses rapports avec l’être humain. Ainsi, la relation qu’entretient Gloria, une petite fille, avec son robot « bonne d’enfants », Robbie, n’est pas celle que l’on peut avoir avec une machine, même si le robot reste chez Asimov une créature d’essence mécanique (Asimov, 1958).
31Dans Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? Philip K. Dick (1968) imagine, lui, des androïdes fabriqués aussi par des procédés mécaniques, mais avec une telle sophistication qu’il devient par la suite impossible de les distinguer des humains1. Ce qui les différencie des hommes et des femmes ne relève pas de la biologie mais exclusivement de « l’analyse comportementale ».

Image extraite du film de Ridley Scott, Blade Runner, d’après le roman de Philip K. Dick Do Androids Dream of Electric Sheeps? L’image représente Pris et Batty, deux réplicants, androïdes quasiment indiscernables des véritables humains, leur seule différence étant leur manque d’empathie.
Source : Daryl Hannah et Rutger Hauer, Blade Runner, 1981, Ridley Scott © The Ladd Company/Shaw Brothers/Warner Bros. Pictures/Blade Runner Partnership/Diltz/Bridgeman Images.
32Truong dépeint un monde où coexistent robots et clones, livrés à une compétition économique sans merci. Alors que pour lui le robot n’est qu’une créature mécanique, le statut du clone, création biologique, est plus flou. D’un point de vue éthique, le clone n’est pas un humain et une loi précise que les « répliques » ne peuvent bénéficier de la même protection que l’œuf humain. Cette loi fixe une ligne de partage entre embryon-source dont « le destin d’être humain n’est nullement altéré » par l’opération et la réplication, et embryon-objet, simple copie de l’original pouvant faire l’objet d’une exploitation commerciale.
33Ishiguro franchit une étape supplémentaire en attribuant une âme aux clones. Celle-ci se révèle dans les dessins des élèves au collège de Hailsham :
« Nous avons, explique miss Emily, emporté vos œuvres car nous pensions que cela révélerait votre âme. Ou, pour l’exprimer plus subtilement, nous l’avons fait pour prouver que vous aviez une âme. » (Ishiguro, 2006, p. 398.)
34Les deux œuvres de fiction considérées ici sont à replacer dans une histoire des utopies et des dystopies à contenu démographique. Quel lien entretiennent-elles avec le réel ? Dans une interview de 20152, Truong expliquait ne pas vraiment faire œuvre de science-fiction mais plutôt avoir écrit un roman d’anticipation car, confiait-il alors : « mes histoires débouchent sur des réalités très proches ».
35De son côté, Ishiguro situe son roman en « Angleterre à la fin des années 1990 » et non dans un avenir plus ou moins lointain. Interrogé par la télévision en 20103, il affirmait que l’objectif initial dans Auprès de moi toujours (Never Let Me Go) était « d’écrire une histoire sur la façon dont les gens vivent l’amour et l’amitié, en particulier quand ils commencent à réaliser que leur temps est compté du fait de la présence de la mort ». Faire œuvre de science-fiction était, concède-t-il, son intention dernière et non première.
36Dans la réalité d’aujourd’hui, en dépit de ses promesses dans le domaine de la santé, le clonage humain fait l’objet de fortes résistances, de nature avant tout éthique. Certains jugent inacceptable de détruire des embryons pour produire des cellules souches à des fins thérapeutiques. Sans avoir recours à des embryons, la technique des cellules IPS (cellules souches pluripotentes induites) ouvre des nouvelles voies pour « réparer les vivants » en levant l’obstacle éthique. Pour autant les progrès réalisés ne laissent pas présager une banalisation du clonage humain.
Bibliographie
Asimov I., 1950, I, Robot, Gnome Press, New York ; éd. fr, Les robots, 1967, Paris, Éditions OPTA, coll. « Club du livre d'anticipation ».
Atwood M., 1985, The Handmaid’s Tale, Toronto, McClelland and Stewart ; éd. fr., La servante écarlate, 2021, Paris, Robert Laffont, coll. « Pavillons poche ».
Brunner J., 1968, Stand on Zanzibar, New York, Doubleday ; éd. fr., Tous à Zanzibar, 972, Paris, 1Robert Laffont, coll. « Ailleurs et demain ».
Dick P.K., 1968, Do Androids Dream of Electric Sheep ?, New York, Doubleday ; éd. fr., Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, Paris, 2014,Nouveaux Millénaires.
Fondation Jérôme Lejeune, 2019, La PMA : un manuel qui explique tout, coll. « Les Manuels de la fondation ».
Huxley A., 1932, Brave New World, London, Chatto and Windus ; éd. fr., Le meilleur des mondes, 2017[1932], Paris, Pocket.
Ishiguro K., 2005, Never Let me go, London, Faber and Faber ; éd. fr., Auprès de moi toujours, 2008, Paris, Gallimard, coll. « Folio ».
Martin J., 2010, « Clonage reproductif : besoin de bon sens et de gouvernance internationale », Revue médicale suisse, 6, p. 410-411.
Saliba J., 1999, « Le clonage en question : science, éthique, représentation sociale. Entretien avec le professeur Henri Atlan », 5, Socio-anthropologie.
Swift J., 1726, Gulliver’s Travels, London, Benjamin Motte ; éd. fr. Les voyages de Gulliver, 1976[1727], Paris, Gallimard, « Folio ».
Truong J.-M., 2015[1989], Reproduction interdite, Paris, Gallimard, « Folio SF ».
Wilmut I., Schnieke A. E., McWhir J., Kind A.J., Campbell K.H.S., 1997, « Viable offspring derived from fetal and adult mammalian cells », Nature (385), p. 810-813.
Notes de bas de page
1 Do Androids Dream of Electric Sheep? Ce roman phare de Philip K. Dick a servi de base au scénario du film Blade Runner de Ridley Scott sorti en 1982.
2 Festival Imaginales d’Epinal (festival des mondes imaginaires), 28-31 mai 2015, Interview de Jean-Michel Truong, à l’occasion de la sortie de la version poche de Reproduction interdite ; https://www.youtube.com/watch?v=2MJ1mQH78fI.
3 Film Independant Preview Sceenings ; https://www.youtube.com/watch?v=_jCB59pPG7k (traduction des auteurs).
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