Chapitre II.
Loi du rapport inverse
p. 11-19
Texte intégral
1Si l’on recherche les conditions de l’accroissement annuel de P, on trouve d’abord que, toutes choses égales d’ailleurs, l’accroissement est en raison inverse de la densité. Cette loi, que nous nommons loi du rapport inverse, a été indiquée par Sadler (The law of P). Pour la mettre en relief, substituons à l’ordre géographique suivi dans le chapitre qui précède, l’ordre de condensation.
2L’accroissement est calculé sur la moyenne des deux recensements les plus récents et sur leur différence. Lorsque le recensement manquait, on y a suppléé par les évaluations que donnent les auteurs compétents, cités p. 3 et suiv.
ECHELLE DE DENSITÉ ET D’ACCROISSEMENT.




3En tête de cette énumération nous voyons les pays qui ont plus de 100 habitants par kilomètre carré. L’accroissement de P y est, pour la plupart, nul ou presque nul. La Lombardie, bien que chargée d’une population serrée, l’accroît encore de 7 pour 1000 : on sait que cette riche contrée, où l’agriculture est très-perfectionnée, commence maintenant ses progrès dans les autres branches d’industrie, qui y étaient restées longtemps fort arriérées. La Saxe s’accroît plus encore : le travail y est momentanément surexcité par l’association douanière (Zollverein) ; il est probable que cette fièvre d’accroissement ne tardera pas à se calmer. Les rois allemands, pour qui tout accroissement de travail amène un accroissement de recettes fiscales, ont soin de persuader à leurs peuples que le Zollverein est une source d’aisance pour tous ; et de cet espoir exalté naît un essor exagéré de la Population. Nous verrons plus loin quelle influence ont ces excès sur son bien-être.
4A l’autre bout de la liste se trouvent les pays où la Population est si rare, qu’il faut parcourir un ou plusieurs kilom. carrés pour trouver 1 ou 2 habitants. Là, l’augmentation annuelle est d’une rapidité immense : là on pourrait voir doubler la Population en moins de 20 ans (Van-Diemen), en 6 ans (Texas, Australie), en 4 ans (Swan-River). Mais ces calculs de doublement, auxquels maints statisticiens se sont laissé aller, ne sont qu’un jeu frivole, si on ne les soumet à la loi que nous démontrons en ce moment, et à celle que nous démontrerons plus tard, de l’équation des subsistances.
5Entre les deux extrêmes, la loi du rapport inverse semble souvent souffrir exception. Il serait bien intéressant de rechercher toutes les causes de ces interversions, qui sans doute ne sont qu’apparentes. On peut en expliquer quelques-unes. Ainsi, les montagnes et le froid empêchent le développement de la Population, bien que très-raréfiée, dans la Suède et la Norvège.
6L’empire de Russie n’a pas cette excuse. Placé, pour la condensation, au dernier rang de tous les États qui se disent policés, il devrait être au premier pour l’accroissement annuel ; il est à peine au quinzième.

7Pourrait-on assigner une autre cause d’un tel retardement que l’horrible oppression qui pèse sur le travail, et la spoliation légale qu’il subit ?
8Si l’on doit reconnaître l’influence du gouvernement sur la marche de P, il ne faudrait pourtant pas l’exagérer. Il y a des peuples qui savent se développer sans lui et malgré lui. Il y a des pays qui, placés sous le même régime abrutissant, habités par la même race, sous le même climat et dans des conditions semblables, prennent un développement étonnamment inégal. Tel est l’Etat romain, dit pontifical. Si l’on énumère ses 20 provinces dans l’ordre de la densité de P, on trouve au haut de la liste :
Ancona | 129 hab. au kil. c. |
Fermo | 118 |
Forli | 105 |
Macerata | 98 hab. au k. c |
Ravenne | 85 |
Bologna | 82 |
9et au bas :
La Comarca | 31 |
Velletri | 28 |
Orvieto | 25 |
Cività-vecchia | 17 |
10Si l’on dressait de ce misérable Etat une carte figurative à la Dupin, les provinces qui entourent la ville papale auraient la nuance la plus décolorée, comme étant les plus désertes. Il est vrai qu’on y a rétabli les droits féodaux supprimés par Napoléon, le droit d’aînesse, les substitutions, les fidéi-commis (Mon. univ. 1/10/54). Leur impuissance de production est si grande que, malgré la faveur du climat, les habitants ne font pas même toute l’huile qui leur est nécessaire : ils en importent en moyenne 3 fois plus qu’ils n’en exportent (Guib.).
11On a fort célébré le rapide accroissement de la Population aux Etats-Unis : il était dû au nombre rare des habitants. Le Nouveau-Monde est soumis comme l’ancien à la loi du rapport inverse. Maintenant que plusieurs de ces États sont arrivés à une condensation pareille à celle de l’Europe, l’accroissement s’y est ralenti de la même manière :
Massachussets, | Ohio, |
New-York, | Delaware, |
New-Jersey, | Maryland. |
Pensylvanie, |
12Rhode-Island offre une exception, dont nous demandons la cause à nos confrères les statisticiens d’outre-mer. Nous leur demandons en même temps pourquoi quelques Etats, au contraire, semblent beaucoup plus lents dans leur accroissement que ne voudrait la rareté de leur Population :
Maine, | Caroline du Nord, |
Vermont, | Caroline du Sud, |
New-Hampshire, | Virginie. |
13En Belgique, période 1841-50, les provinces de Luxembourg et de Namur, qui ont la moindre densité, 42 et 72 par kilom. carré, accroissent de 11 et 12 par 1 000 et par an, tandis que les autres provinces qui dépassent 100 et 200 habitants au kilom. carré, n’accroissent que de 6 à 7 (Exposé offic., p. 5).
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