Sur les changements dans la quantité de population dans la paroisse cathédrale de Vesterås durant 148 années1
Texte intégral
1On ne trouve en général dans nos églises aucun relevé ancien de baptêmes, d’enterrements ni de mariages jusqu’à l’époque du roi Charles XI, lorsque des registres paroissiaux furent introduits dans tout le royaume comme le demandait le règlement de l’Église publié alors. La cathédrale de Vesterås a cependant de telles listes depuis la fin de 1622 lorsque l’on commença à les tenir dans toutes les paroisses du chapitre de Vesterås comme l’ordonnait l’évêque d’alors, le docteur Johann Rudbeck dont la mémoire a été dignement conservée à cause des nombreuses mesures utiles qu’il prit. Il est pourtant regrettable que ceux à qui il incombait de noter les enterrements et les mariages de 1701 à 1712 négligèrent de le faire. On recommença à noter les décès en 1712, mais seulement ceux des plus de 15 ans, et l’on continua ainsi jusqu’en 1726 où l’on recommença à noter tous les enterrements. Les registres de mariage n’entrèrent en vigueur qu’en 1741, du moins n’en ai-je pas trouvé de plus anciens. Les relevés de baptêmes ont été poursuivis sans interruption jusqu’à aujourd’hui.
2Outre la ville entière, la paroisse cathédrale comprend une petite paroisse rurale appelée Saint-Ilian. Elle ne contient que 16 domaines [Hemman] ½, le nombre d’individus est d’environ 300. Sa chapelle étant déserte depuis 1611, les gens utilisent depuis lors le service religieux de la paroisse citadine et sont de ce fait inclus dans le relevé ci-dessous.
3J’ai examiné depuis quelques années les anciens mémoriaux de la cathédrale afin de collecter des renseignements généalogiques. Il m’a semblé valoir la peine de savoir à cette occasion si la paroisse avait vu sa population augmenter ou diminuer. J’ai fait à cette fin des relevés des registres de naissances, de décès et de mariages pour chaque année de 1623 à 1770 d’où j’obtiens le nombre des naissances annuelles durant 148 années ; mais, du fait de la négligence déjà évoquée, je n’ai les enterrements que pour 123 années et les mariages pour 108. J’ai pris la liberté d’adresser ces extraits à l’Académie royale des sciences avec quelques observations que j’y ai jointes.


4Afin d’éviter les longueurs, je n’ai pas distingué les sexes et j’indiquerai seulement que, parmi les 1 855 naissances des 20 dernières années, il y a eu 952 garçons et 903 filles. Parmi 1 987 décès dans la même période, il y en a eu 952 du sexe masculin et 1 035 du féminin.
5J’ai indiqué les décès de 1713 à 1725 bien que le relevé lui-même soit incomplet afin que l’on voie au moins en quelles années plus ou moins de maladies ont sévi.
6On peut faire les remarques suivantes :
71. Quoique les quantités de naissances, de décès et de mariages soient souvent plus ou moins grandes en une année par rapport aux précédentes et suivantes, elles sont cependant en général moins élevées dans les premières années, 1623-1640, que dans les dernières. Dans les premières, il y a en moyenne 69 naissances et 82 décès par an bien qu’il y ait eu 2 années de peste et une pendant laquelle beaucoup de maladies sévirent ; 20 couples ont été mariés. Mais, dans les 30 dernières années, en prenant un nombre moyen, il y a eu 94 naissances, 104 décès et 27 couples mariés par an2.
8Je crois pouvoir vraisemblablement conclure que la paroisse est actuellement plus peuplée que vers 1630. Pourtant la quantité de population semble avoir rapidement augmenté dans la ville entre 1640 et 1650 de sorte qu’elle était alors aussi forte, voire plus forte, qu’à présent, puis qu’elle s’est maintenue à peu près égale jusqu’à aujourd’hui, avec de petits changements et particulièrement une notable diminution entre 1700 et 1720.
92. Dans les premières années, il y a eu dans l’ensemble plus de naissances que de décès lorsqu’il n’y a eu ni peste ni autre épidémie, tandis que dans les 40 dernières, il y a eu souvent plus de décès ; toutefois la différence n’est, Dieu soit loué, pas très grande. On voit immédiatement que, en général, la paroisse ne peut pas maintenir sa quantité de population par les naissances autochtones mais doit remplacer les pertes par un apport étranger. Il y a eu la peste en ville en 1623, 1630, 1652, 1653 et 1710. Lors de la dernière année, la peste s’est déclarée en septembre et a duré jusqu’en février 2011 ; elle avait alors emporté à peu près 300 personnes. La dysenterie a été cause d’une forte perte en 1639. De 1691 à 1698, des maladies sévirent durant une grande partie de cette période, et durant les deux dernières, la mortalité provint de la disette et de la cherté. La variole et la dysenterie ont eu, à tour de rôle, leur contribution aux fortes pertes de 1736 et de quelques années suivantes. En 1742 et 1743, des soldats s’établirent en ville et contribuèrent quelque peu à l’augmentation de la mortalité. Je laisse à d’autres estimer les causes pour lesquelles la mortalité a en général quelque peu augmenté dans les dernières années. Qu’il en soit réellement ainsi, cela paraît assez en ce que, durant 30 ans, de 1660 à 1690, il n’y eut que 74 décès contre 104 les 30 dernières années. La différence entre le nombre de naissances et celui du peuple n’est, pour les deux périodes, pas si grande. Cela ne doit-il pas être imputé à un excédent croissant et à la plus grande faiblesse en résultant ?
103. Depuis que le Tabellverket a été institué, les paroissiens, jeunes et vieux ensemble, ont été chiffrés ainsi :

11Le nombre moyen des hommes était ainsi de 1 294, celui des femmes de 1 581 et celui du peuple entier 2 875. Il s’est trouvé annuellement à peu près 93 enfants nés, 99 individus décédés et 26 couples mariés. Il vient alors une naissance pour 39 personnes vivantes, un décès pour 29 (1 homme pour 27 personnes vivantes et 1 femme pour 31) et un nouveau mariage pour 110. Parmi ces proportions, c’est celle des naissances aux personnes vivantes – habituellement de 1 pour 28 – qui s’éloigne le plus de l’ordinaire. Il y a donc dans la paroisse de Vesterås trop peu d’enfants engendrés par rapport à la quantité de population. En revanche, plus d’individus meurent par an qu’à l’ordinaire dans le pays où seulement un décède sur 36 ou sur 40 dans les bonnes années. La proportion des mariages à la population ne s’éloigne pas beaucoup de l’ordinaire.
12Les ménages ont été en ville de 380 à 400, 50 à la campagne. Il vient donc 6 à 7 personnes par ménage.
Addition aux observations précédentes, envoyées récemment par l’auteur
13Si l’Académie royale estime qu’il vaut la peine d’insérer dans ses mémoires les observations que j’ai envoyées il y a quelques années, il pourrait être opportun d’y joindre cet ajout portant sur les trois dernières années même s’il est peu agréable d’y constater une telle quantité de décès dans les deux dernières.

14On remarque que la quantité de population est certes encore à peu près aussi élevée qu’auparavant, entre 2 800 et 2 900, alors que le nombre des naissances a un peu diminué, particulièrement en 1773 où il est plus petit que dans n’importe quelle année depuis 1737. Au contraire, le nombre des décès est, hélas, plus élevé qu’en n’importe quelle autre année depuis la peste de 1710. Sur les 275 décédés, il y en a 113 de moins de 10 ans et 162 plus âgés.
15Des fièvres putrides, qui ont régné pendant toute la première moitié de cette dernière année, ont emporté 86 personnes, toutes âgées de plus de 10 ans. La dysenterie, qui a débuté en mai chez les enfants, a culminé en juillet et août pour cesser en octobre. Elle a tué 62 personnes dont 36 de moins de 10 ans. La variole a régné durant les 4 premiers mois et a emporté 22 enfants. La coqueluche a suivi, et 14 enfants en sont morts. Les 91 restants sont morts de toutes sortes de maladies.
16Parmi les morts, il y en a eu 17 de plus de 70 ans, 4 hommes et 13 femmes, l’une de ces dernières ayant atteint 93 ans.
Notes de bas de page
1 Ce texte est paru pour la première fois sous le titre « Anmärkningar Om Folk-numerns förändringar i Westerås Domkyrko Församling på 148 år » in Abraham Abrahamsson Hülphers, Kungl. Svenska Vetenskaps Academiens Handlingar, vol. 34, 1773, p. 349-357 [NdT].
2 Il s’agit des années 1740 à 1770 et l’on y compte en réalité une moyenne annuelle de 102 décès [NdT].
Auteur
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