Description de la paroisse de Kuusamo en Laponie1
p. 327-330
Texte intégral
1Les plus anciens habitants ont sans doute été des Lapons, ce qui est confirmé par les noms lapons des montagnes et des lieux dans les récits dignes de foi, et plusieurs tas de bois pourris de rennes recouverts de mousse. On ne peut savoir combien de temps auparavant les Lapons ont commencé à habiter là ; il est probable que cet endroit a été l’une des provinces les plus anciennement peuplées de Laponie […].
[L’auteur retrace l’histoire de la province]
2Dès lors que le nombre des nouveaux cultivateurs a augmenté, celui des Lapons a peu à peu décru. Ils avaient certes, par ordonnance royale, protection de leurs eaux poissonneuses, mais leurs autres moyens de subsistance diminuant d’année en année, ils durent émigrer vers d’autres endroits de la Laponie. Beaucoup se mirent à cultiver la terre, mais souffrirent de famine au cours des dures années 1695 et 1696. En 1718, parmi les ménages qui se trouvaient alors en Kitka et Maanselkå, il n’en restait que 10 Lapons, lesquels sont ensuite partis ou se sont reconvertis en cultivateurs. Les habitants de Kuolajärvi conservèrent plus longtemps leur mode de vie lapon d’antan, mais durent peu à peu se mettre à l’agriculture. Très peu de gens se trouvent aujourd’hui dans la paroisse qui peuvent être appelés Lapons du fait de leurs moyens de subsistance, à savoir seulement 10 ménages à Kuolajärvi qui n’élèvent que quelques têtes de bétail sur leur terre mais tirent de la chasse leur principal et favori moyen de subsistance. C’est pourquoi on appelle encore la paroisse terre lapone, plus d’après son état passé que d’après le présent.
3À la fin de 1769, il y avait dans la paroisse :

4Et l’on en tire :

5Il n’y a donc que 988 personnes laborieuses : très peu pour cultiver une région aussi étendue ; il n’y a que 13 personnes par lieue carrée suédoise, ou encore 26 en ôtant la moitié de la superficie de la paroisse pour les lacs, les montagnes et la terre inutilisable ; mais même si la quantité diminue ainsi, comme jusqu’ici, elle peut néanmoins devenir plus importante avec le temps. Le bienheureux pasteur Forbus a compté ici 655 individus en 1718. Ainsi, en 51 ans, la quantité a été multipliée par presque trois. Après 1749 et le début du Tabellverket, la quantité des naissances s’est accrue de 684 en plus de celle des décès, comme le montre le tableau suivant des naissances et des décès annuels dans la paroisse.

6On voit que, dans ces années, il y a eu presque le double de naissances par rapport aux décès, ce qui indique une forte population bénie du Seigneur, et ce sans compter les maladies contagieuses qui ont, certaines années, causé de grands dommages. À peu près 75 enfants par an provenant de 275 mariages, ce qui n’est pas extraordinairement élevé ; 275 mariages sur 1 910 individus, c’est également trop peu, et cela montre que beaucoup d’adultes en âge de se marier demeurent célibataires. Aussi, la principale cause de la croissance rapide du peuple provient-elle de ce que la région est très saine et que les mœurs font que, dans les années ordinairement bonnes, il y a un décès sur seulement 50 ou 60 individus alors qu’ailleurs il y en a communément un sur 35. De ce que, ici en particulier, les enfants en bas âge et les jeunes gens sont plus épargnés qu’à l’ordinaire, il apparaît que le nombre des vivants de moins de 15 ans est monté en 1769 à 807, alors que dans les 15 dernières années, pas plus de 1 116 enfants naquirent. D’après la proportion de la mortalité dans d’autres endroits du royaume, pas plus de 713 sur ces 1 116 devaient vivre en 1769. L’une des raisons semble en être que la rougeole ne se propage pas aussi souvent et aussi facilement que dans des endroits plus habités. En 21 années, seulement 88 en sont morts. En outre, la pleurésie, une conséquence de l’insouciance quasi annuelle des gens, en a emporté 95, les maladies inflammatoires, qui sévirent en 1756, 1757 et 1758, 124 ; des maladies infantiles inconnues, 212. Dans ces trois seules rubriques, il y a plus de décès au cours des 21 dernières années que dans l’ensemble des décès en 32 années, de 1717 à 1749, la mort ayant été ici beaucoup plus clémente. Mais il n’y avait aussi à cette époque que la moitié du peuple d’aujourd’hui.
7Que la région, durant de nombreuses années, de 1750 à 1764, ait été bénite avec une bonne récolte annuelle, que les gens aient été en bonne santé et que beaucoup de mariages heureux aient pu à temps avoir lieu, tout cela a indubitablement beaucoup contribué à l’avancement de la population.
[L’auteur termine son mémoire par une longue description des mœurs, de la langue et des coutumes des habitants de la région.]
Notes de bas de page
1 Ce texte est une partie du mémoire d’Elias Lagus (constitué de 4 volets, dont 3 publiés dans le volume de 1772, le quatrième en 1773). Il est paru pour la première fois en suédois sous le titre « Utdrag af en Beskrifning öfver Kusamo socken i Kemi Lappmark » in Elias Lagus, Kungl. Svenska Vetenskaps Academiens Handlingar, vol. 33, 1772, p. 222-235. Les textes entre crochets sont des résumés des parties non traduites [NdT].
Auteur
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