Chapitre 13
Mobile/immobile : qu’apporte le télétravail aux familles de grands mobiles ?
p. 293-308
Texte intégral
Introduction
1L’amélioration de l’offre de transports a rendu possible la faculté de résider à distance de son lieu d’emploi tout en escomptant des retours hebdomadaires. Cette absence du domicile ne reste toutefois pas sans incidence sur la vie familiale. En effet, ce fonctionnement a une implication directe sur l’organisation quotidienne des familles en raison du manque de disponibilité, mais aussi sur les organisations professionnelles de chacun des conjoints. L’une des caractéristiques de ces mobilités est qu’elles sont genrées (Ortar, 2013 ; 2015). Dans une étude réalisée dans six pays européens, Béate Collet et Andréa Dauber (2010) relèvent une différence de profil sociodémographique entre les hommes et les femmes : le groupe des femmes est un peu plus jeune et éduqué que celui des hommes et majoritairement sans enfant. La surreprésentation masculine après la naissance des enfants interroge les attentes que continuent d’avoir les entreprises envers l’un et l’autre sexe, le poids de l’assignation sociale à des rôles sexués après la naissance, ainsi que les conceptions différentes que semblent avoir les hommes et les femmes de leur projet professionnel et familial.
2Avec la globalisation, les marchés du travail se sont transformés et sont devenus flexibles par le biais de l’introduction de nouvelles formes de régulation du travail, telles que l’outsourcing, la sous-traitance, les stratégies de travail à domicile, ou l’embauche d’un nombre important d’employés temporaires à temps partiel ou saisonniers. La production sur le territoire national est devenue malléable grâce à l’éloignement des firmes centralisées, rigides, orientées vers la production de masse, remplacées par des entreprises petites, décentralisées, orientées vers des niches du marché. La flexibilité, « qui cristallise la manière d’organiser le travail dans le capitalisme contemporain » (Périlleux, 2001, p. 21) et dont l’importance croît, est à la fois une des formes et une conséquence de la mobilité. Elle favorise la mise en œuvre d’une organisation souple à même de répondre aux exigences du marché. Selon Luc Boltanski et Ève Chiapello (1999), pour les employés, la flexibilité productive se présente comme une ouverture créatrice aux possibles et facilite une nouvelle configuration idéologique. Elle autorise une plus grande autonomie dans l’organisation de l’activité des individus. Elle permet de s’adapter avec une plus grande souplesse et d’ajuster leur trajectoire professionnelle – dans la mesure où les individus sont à même de se mouvoir dans ce système (Sennett, 1998).
3La flexibilité favorise de nouvelles formes de travail comme le télétravail. Ce dernier peut être analysé comme une cause et une conséquence de la mobilité et des possibilités de déplacement accrues offertes par les nouvelles technologies de communication, qui favorisent une dématérialisation des relations. Le télétravail n’est pas un substitut de la coprésence, mais il crée de nouvelles configurations pour les réseaux de coopération et de partage de connaissances (Kesselring, 2009). Paradoxalement, le télétravail produit l’absence. En effet, bien qu’il introduise l’univers professionnel dans le cadre familial, il est instauré du fait de l’inaccessibilité quotidienne du lieu de travail – qu’il faut néanmoins que l’employé fréquente périodiquement, ce qui impose une absence de la sphère familiale. Les mobilités observées dans le cadre du télétravail relèvent également d’un choix de lieu de résidence. Qualifiées de migrants de style de vie (Benson et O’Reilly, 2009), ces personnes recherchent des espaces qui leur accorderont, figurativement, un asile ou une nouvelle naissance. Il s’agit autant de sortir d’une routine devenue trop lourde, de créer l’occasion de tout recommencer, que du désir d’une vie plus apaisée qui retrouve de son sens et se caractérise au moins en partie par des loisirs et de la relaxation. La mobilité est donc partie prenante d’un marché de l’emploi de plus en plus flexible, mais relève aussi des aspirations individuelles et de choix de vie.
4Lorsqu’émerge pour les conjoints la nécessité d’une mobilité et donc de faire famille à distance, qui gardera les enfants et restera au foyer est la plupart du temps présenté comme une évidence révélatrice des impensés qui entourent encore la maternité et la paternité. Analysant la place des hommes dans la société, Christine Castelain-Meunier (2002) constate que nous sommes restés dans une société matri-focalisée. Le soin des enfants demeure le monopole de la mère, le père étant rarement considéré comme un interlocuteur éducatif à part entière (ibid. ; Gojard, 2010). Ces normes « font peser essentiellement sur les femmes les tensions liées à l’organisation de la vie quotidienne et à la conciliation des vies professionnelles et familiales » (Garcia, 2011, p. 376). Un constat que partage François de Singly, qui note que « le coût de l’enfant est toujours supporté bien davantage par les femmes, y compris lorsqu’elles ont les moyens de déléguer les tâches familiales » (de Singly, 2002, p. 212). Demeure un investissement différent de la paternité et de la maternité, qui se traduit par une appréhension autre des priorités familiales et professionnelles (Pochic, 2000). Dans ces conditions, le choix de qui sera « célibataire géographique » ne fait que rarement l’objet de discussions, et ce d’autant plus que « le coût social » qui résulte de l’absence, de l’éloignement physique et émotionnel, n’est calculé qu’au féminin (Catarino et Morokvasic, 2005). Cette prédominance de la fonction maternelle à la maison n’empêche pas la recherche d’un certain partage des tâches reposant sur la présence de l’homme (Castelain-Meunier, 2002 ; Lesnard, 2009).
5Dès lors, comment faire famille quand les lieux d’emploi imposent de vivre séparément tout ou partie de la semaine ? Pour les conjoints, l’exercice exige la recherche d’un temps supplémentaire à accorder à la vie familiale. Ils peuvent réduire leur temps de travail et/ou agir sur les déplacements liés à leur fonction professionnelle et modifier les modalités d’exercice de leur emploi en télétravaillant. Le télétravail est ici entendu comme une activité professionnelle menée au domicile, donc à distance de son employeur (pour les salariés) ou du donneur d’ordre (pour les travailleurs indépendants) grâce aux technologies de l’information et de la communication – ce qui implique que le télétravail ne peut s’appliquer qu’à des emplois utilisant ces technologies.
6Ce type d’activité a fait l’objet d’un accord-cadre européen en 2002, puis en 2005 en France. Il concerne un travail qui aurait pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, mais qui est effectué hors les murs de l’entreprise de façon régulière. En 2013, officiellement, entre 5 à 10 % de la population télétravaillait (Ferhenbach et al., 2009). Officieusement, il y aurait environ 17 % de télétravailleurs1, ce qui place la France dans la moyenne européenne2. Selon l’Office for National Statistics, le taux de télétravailleurs au Royaume-Uni oscillait aussi entre 10 et 20 % en 2010 selon le type de télétravail comptabilisé, comme le travail en décalé, qui consiste à commencer à travailler depuis son domicile pour éviter les heures de pointe. Le télétravail prend deux formes principales selon le lieu d’exercice du travail : travailler à son domicile ou d’un bureau satellite (ou télécentre). Cette distanciation de l’équipe d’appartenance et du manager, qui perd son pouvoir de contrôle direct, est compensée par l’usage d’outils de communication permettant aux télétravailleurs d’accéder aux systèmes d’information (Dumas et Ruiller, 2014).
7Le télétravail réalisé dans le cadre d’une recherche de conciliation entre une vie familiale et professionnelle dans un contexte de grande mobilité géographique relève d’un choix minoritaire au sein de la population des télétravailleurs. Tout d’abord, l’analyse de la littérature montre que les télétravailleurs sont majoritairement des hommes, plutôt très qualifiés, qui bénéficient de bonnes conditions de travail à domicile (Felstead et Jewson, 2000 ; Felstead et al. 2005), d’une relation de confiance avec leur employeur et d’une autonomie dans la réalisation des tâches. Cette forte représentativité masculine interroge sur la capacité du télétravail à favoriser une meilleure articulation entre famille et emploi. Par ailleurs, le télétravail constitue fréquemment une façon de gérer une surcharge de travail, et représente donc un surplus d’horaires à effectuer, plus rarement une recherche d’équilibre famille-travail (Tremblay et al., 2006). Il a surtout augmenté sur une base régulière ou occasionnelle. Enfin, au Royaume-Uni comme en France, pouvoir télétravailler ne découle que très rarement d’une proposition de l’employeur mais exige au contraire une démarche volontariste (Edgell, 2012) et son accord dépend de l’appréciation des supérieurs hiérarchiques.
8Dans ce chapitre, nous étudions le télétravail du point de vue du travailleur mobile puis du conjoint « statique » afin d’analyser ce qu’ils révèlent de la production d’un « faire famille » dans un contexte de mobilité. Observer ces deux formes de télétravail permet aussi de mettre en évidence la variété des perceptions de l’absence selon les organisations professionnelles ainsi que les différences genrées d’appropriation du télétravail.
9Le corpus sur lequel nous fondons notre analyse est tiré de l’enquête qualitative Grands mobiles (Ortar, 2006-2008)3, pour laquelle avaient été interrogés des travailleurs mobiles au sein d’un large spectre de professions – cadres, employés du public ou du privé, artisans et ouvriers. Il était également tenu compte de la variété des trajectoires résidentielles et migratoires, pour saisir la diversité des profils et des situations de mobilité. Ces enquêtés avaient été aisés à trouver, que ce soit par le biais du bouche-à-oreille ou de forums de discussion sur Internet ; certains, ayant eu vent de l’enquête, nous avaient volontairement sollicitée. Au total, 42 entretiens semi-directifs ont été conduits auprès de personnes âgées de 32 à 55 ans, tranche d’âge lié aux contraintes familiales et professionnelles qui nous intéressaient dans le cadre de cette enquête. Vingt-six couples ont été rencontrés ainsi que 4 parents divorcés ayant connu le célibat géographique lorsqu’ils étaient en couple. Les entretiens ont été le plus souvent conduits auprès des 2 conjoints, séparément ou ensemble selon les disponibilités du couple. Au sein de ce corpus, 6 travailleurs mobiles, 4 hommes et 2 femmes, tous cadres, télétravaillent. Trois conjointes immobiles, 1 employée et 2 autoentrepreneuses télétravaillent également.
10Parmi les couples rencontrés, 11 étaient anglophones (interrogés par Caroline Legrand). Afin de mieux cerner la distinction pouvant exister entre migration de style de vie et mobilité spatiale professionnelle, il nous était en effet apparu opportun d’interroger des Britanniques ayant élu domicile en France4 alors qu’ils travaillaient dans leur pays d’origine ou ailleurs, effectuant donc là un choix résidentiel et de mode de vie. La population des Britanniques se distingue à plus d’un titre. Selon les chiffres de l’Insee, en 2007, elle représente 4 % des étrangers vivant en France, soit la 3e population d’Européens derrière les Portugais et les Espagnols. Cette population, plus aisée que les autres, s’est installée depuis plusieurs décennies dans les territoires ruraux français (Buller et Hoggart, 1994) : la migration des Britanniques en France est principalement une migration résidentielle à destination de zones où l’emploi est rare.
I. Télétravailler : le conjoint mobile
11Encore aujourd’hui, le télétravail s’inscrit dans un contexte social particulier. Au sein des entreprises comme des administrations coexistent une méconnaissance de cette forme de travail et la crainte que l’éloignement ne se traduise par une absence d’implication de l’employé. Au niveau des managers, les freins découlent aussi d’une absence de volonté à remettre l’organisation de leur service en question (Ortar et Drouilleau, 2014 ; Ortar, 2016). Pour les employés, les limites au développement de la pratique viennent plutôt de la peur de s’isoler et de mettre leur carrière en danger si la demande de télétravail était interprétée comme un désinvestissement. Aussi, en France comme au Royaume-Uni, chaque demande de télétravail a fait l’objet d’un traitement singulier. L’acceptation dépend de la capacité de l’entreprise à faire face aux demandes de ses collaborateurs, ainsi que de la relation établie avec le supérieur hiérarchique. Lorsque Ronan5 et Sévérine (rencontrés séparément), un couple de cadres quadragénaires parents de 2 enfants, rentrent en France après un séjour professionnel de 2 ans au Royaume-Uni, ils décident de vivre à Lyon – un choix de vie, Ronan ne supportant plus la vie parisienne. C’est toutefois à Paris que siège l’entreprise de ce dernier. Ronan sollicite un détachement à Lyon une partie de la semaine, mais son chef de service refuse d’y accéder. Le motif invoqué est la trop grande difficulté à gérer efficacement un employé hors les murs de l’entreprise et l’inadéquation du poste. Lorsque Ronan est promu 1 an plus tard, il présente de nouveau sa requête, qui est cette fois acceptée. Il obtient la mise à disposition d’un bureau à Lyon, ce qui implique la rédaction d’un contrat spécifique avec la structure lyonnaise et la duplication de sa ligne téléphonique et des assurances, un ensemble de services qui représente un surcoût pour l’entreprise. Sa situation reste toutefois révocable à tout moment, cas de la plupart des enquêtés exerçant dans des conditions similaires.
12Outre des modalités d’accord du télétravail largement arbitraires, l’organisation concrète du travail diffère selon les contextes de mobilité et les cultures professionnelles nationales. Quand les Français, tel Ronan, négocient des arrangements hebdomadaires, les Britanniques recherchent des aménagements mensuels. Matthew télétravaille ainsi 2 semaines en France pour 3 passées au Royaume-Uni, tandis qu’Angela télétravaille 1 semaine sur 4 sauf pendant les vacances scolaires françaises, où son temps de travail à domicile augmente.
13Lors des temps de présence au domicile, les salariés doivent articuler leur activité autour des contraintes imposées par le quotidien de la maisonnée. De façon pratique, il s’agit d’organiser un espace au sein de la maison et des temps de travail pour s’assurer que la quantité et qualité de leur travail sont maintenues et leur crédibilité professionnelle accrue. Les possibilités de flexibilité dans le travail sont ainsi limitées par les contraintes horaires imposées par l’employeur ou les clients, mais aussi par celles de la famille. Les études sur le sujet montrent toutefois qu’après un temps d’adaptation nécessitant des ajustements, les télétravailleurs arrivent facilement à séparer temps de travail et temps familial (Tremblay et al., 2006 ; Felstead et Jewson, 2000). La séparation est d’autant plus aisée à effectuer si le télétravailleur dispose d’une pièce à part. Dans les entretiens, la difficulté de l’articulation des deux temps est peu évoquée, contrairement aux gains familiaux.
14Didier, un quinquagénaire cadre du secteur privé, marié à une enseignante du secondaire et père de 3 enfants, travaille pour une agence régionale basée à Lyon. Sa famille réside à côté de Pont-en-Royans dans le Vercors, où il travaillait jusqu’en 1997 – époque à laquelle il doit changer d’emploi en raison de son licenciement. Deux possibilités s’offrent alors à lui : travailler pour une association environnementale à Grenoble ou prendre un poste de chargé de mission à la région, emploi qu’il choisit pour son intérêt professionnel. Il ne souhaite pas pour autant emménager à Lyon. Travaillant dans le rural et sur l’espace rural, il n’envisage pas de vivre toute la semaine en ville. Déménager lui paraît d’autant plus hors de propos que son emploi ne le retient qu’une partie de la semaine à Lyon. Il demande donc à télétravailler 2 jours et demi par semaine et une réduction de son temps de travail de 10 % pour continuer à s’occuper de ses enfants le mercredi après-midi. Cette organisation lui est accordée notamment en raison de la confiance dont il bénéficie et de son fort investissement dans son travail, qui se traduit par d’importants dépassements horaires. Le télétravail exercé 2 jours et demi par semaine de même que l’obtention d’un temps partiel – même s’il s’agit, dans les faits, d’un temps plein effectif avec un déport des horaires de travail en soirée –, donne à Didier l’impression d’avoir vu grandir ses enfants. Le télétravail lui permet en outre de participer aux charges domestiques grâce à une répartition sur la semaine des tâches et de l’accompagnement des enfants.
15Ronan et Sévérine, déjà évoqués, ont souvent travaillé à distance l’un de l’autre. Pour Sévérine, il s’agit d’un mode de fonctionnement inhérent à leur couple. Cela s’est traduit par des absences du domicile plus ou moins longues selon les époques, avant puis après la naissance des enfants, laquelle a modifié leur perception de l’absence de l’autre en raison des contraintes temporelles inhérentes aux modes de garde des enfants et de la fatigue accrue. Sévérine reste la plupart du temps auprès des enfants, mais l’organisation familiale est modifiée un temps quelques années auparavant en raison des trajets quotidiens importants de Sévérine. « On n’avait qu’une petite fille à cette époque, c’est moi qui l’amenais à la crèche le matin, c’est moi qui la prenais à la crèche le soir, Sévérine rentrait mais elle rentrait tard et c’est moi qui faisais tout, les repas, les lessives, qui, si elle pleurait la nuit, c’est moi qui me levais parce que Sévérine se levait tôt. À un moment c’était trop lourd ! », se rappelle Ronan. Sévérine évoque cette époque comme celle d’un retrait de la maternité, ce dont, épuisée par ses navettes quotidiennes, elle dit ne pas s’être rendue compte sur le moment.
16Le couple est donc conscient de l’impact de l’absence d’un des deux conjoints tant en termes de fatigue que d’organisation lorsqu’il déménage à Lyon bien que Ronan travaille toute la semaine à Paris. Sévérine garde un mauvais souvenir de cette période. C’est la première fois qu’elle a à s’occuper seule de l’intégralité du quotidien et de l’éducation de leurs enfants alors même qu’elle occupe un emploi très accaparant. La présence accrue de Ronan depuis l’obtention de 2 jours de télétravail est perçue comme une possibilité de redonner une continuité à son rôle de père et de rééquilibrer le partage des tâches et des soins aux enfants, comme l’évoque Ronan : « Quand je suis là, c’est moi qui amène les deux à l’école, il y en a une qui était malade donc c’est moi qui ai dormi avec elle, c’est moi qui ai pris le matin, parce que j’avais la disponibilité, c’est moi qui ne suis pas venu ce matin au travail et qui l’ai amenée chez le médecin, etc., et qui ai attendu que la nounou puisse venir ». La présence de Ronan donne à Sévérine une plus grande latitude pour organiser son temps de travail et ses déplacements. C’est surtout la gestion des impondérables comme la maladie des enfants qui devient plus facile : « Qu’il soit là une partie de la semaine, ça donne de la légèreté, s’il y a une tuile il n’y a pas que moi ! » Le couple évoque également le bien-être des enfants, qui souffraient de l’absence en semaine de leur père.
17Pour Didier comme pour Ronan et Sévérine, 2 couples biactifs qui tiennent à un partage relativement égalitaire des tâches, le télétravail offre ainsi la possibilité de redonner une continuité au quotidien malgré l’absence et permet de rendre supportable à celui qui reste le surcroît de travail engendré par les déplacements. Le télétravail répond ainsi pleinement à l’objectif de conciliation des temps de travail et familial, et module les effets d’une mobilité par ailleurs acceptée pour les bénéfices professionnels qu’elle procure. Utilisé pour renforcer une présence au domicile, il ne correspond pas à un arrangement au quotidien destiné à soulager un emploi du temps complexe, mais est saisi comme une opportunité de rendre compatible deux aspirations : exercer une profession bien rémunérée et si possible intéressante, et vivre ailleurs, que ce soit pour favoriser l’emploi du conjoint ou habiter sur un lieu d’élection.
18Les motivations des Britanniques optant pour le télétravail sont en tous points similaires. Angela et Tom, 2 quadragénaires britanniques, décident de d’émigrer en France en 2004 à la naissance de leur 2e enfant. Elle, journaliste, prend un congé parental de 1 an, tandis que son conjoint quitte son emploi d’ingénieur high-tech pour créer une épicerie/café littéraire dans leur village d’accueil breton. Si Angela n’a jamais envisagé d’arrêter son activité professionnelle et apprécie son mode de vie, Tom souhaite faire une pause pour prendre le temps de voir grandir ses enfants. L’installation en France ne devait pas excéder la durée du congé maternité, soit 1 an. Toutefois, lorsque l’année s’achève, Tom demande à prolonger le séjour et propose que tous les deux quittent leur emploi pour vivre en France, arguant de la meilleure qualité de vie pour les enfants, leur bilinguisme, ainsi que des avantages financiers procurés par un système éducatif gratuit, de qualité et accessible dès l’âge de 3 ans. Angela refuse d’abandonner son emploi et décide de devenir travailleuse mobile pendant 1 an. Elle négocie du télétravail pour raison familiale auprès de son entreprise. Elle souhaite télétravailler 2 semaines pour 2 semaines de présence et obtient de télétravailler 1 semaine sur 4 et pendant pratiquement toutes les vacances scolaires. Elle rentre également toutes les fins de semaine.
19L’année s’achève mais la situation se prolonge. Lorsque nous les rencontrons, cela fait 2 ans et demi qu’Angela télétravaille. Tom est parfaitement à l’aise dans son rôle de père partiellement au foyer organisant son travail comme il le souhaite. Angela trouve toutefois que cet arrangement devient trop lourd pour elle : « Cela allait pour 1 an, peut-être 2, mais plus que ça, c’est vraiment très très dur ». Elle éprouve du mal à conserver des repères spatio-temporels et des difficultés à savoir où est son foyer. La distance est supportée au prix d’une séparation stricte des sphères professionnelle et familiale, pour éviter en particulier que ses sentiments pour ses enfants interfèrent avec son travail : « Je sais que je vais être 4 jours sans les voir. Donc, je ne veux pas les déranger et me bouleverser. » Elle estime que cette expérience « crée énormément de tensions dans nos relations familiales. Je ne pense pas que je peux recommander à quelqu’un de faire cela, sauf pour une période bien définie de temps ». Même si elle admet aussi que si sa famille vivait à Londres, elle ne verrait probablement pas plus ses enfants en raison des temps de transport et de l’amplitude de ses horaires de travail, la séparation et les allers-retours chaque semaine lui semblent désormais insupportables. Aussi, même si l’arrangement a été décidé en couple, il n’apparaît pas durable en raison de la fatigue engendrée par les transports, des efforts auxquels Angela doit consentir pour rester éloignée de ses enfants et de la rupture dans le quotidien familial introduite par ses absences plusieurs semaines consécutives.
20Matthew relève la même difficulté. Il est ingénieur, travaille à Londres pendant que sa femme, Kathleen, sans emploi au moment de l’enquête, et leurs 2 enfants vivent dans la Vienne, où la famille s’est installée pour restaurer une maison destinée à devenir un gîte. La vente de leur bien au Royaume-Uni devait leur permettre de financer l’installation, puis de démarrer leur activité. Très vite, ils sont dépassés par les coûts des travaux et la complexité de les coordonner dans un pays dont ils ne maîtrisent pas la langue. Leur bien s’avère de plus inadapté à leurs projets. Pour faire face d’une part aux délais imposés par la revente puis à l’achat d’une ferme plus en adéquation avec leurs attentes, et d’autre part au coût des travaux supplémentaires entrepris, le couple décide que Matthew retournera travailler au Royaume-Uni chez son ancien employeur le temps de démarrer leur nouvelle activité, un rapide tour des offres locales et le niveau des rémunérations françaises l’ayant dissuadé de rester. Matthew négocie alors de télétravailler 2 semaines en France pour 3 passées au Royaume-Uni. Contrairement à Angela, il ne rentre pas les week-ends, ses temps de présence au domicile familial se limitant aux périodes télétravaillées. À Londres, il loge chez ses beaux-parents. Au moment de l’entretien, il vit ainsi entre 2 logements où il n’avait jamais vécu préalablement. Il estime ne plus posséder de véritable chez lui, car il ne maîtrise les codes d’aucun de ses deux lieux de vie : chez ses beaux-parents parce que leur routine préexistait à son arrivée, et au domicile familial parce que son absence a reconfiguré les positions de chacun et les exigences à son endroit. Tout retour impose une phase de réadaptation à l’ensemble du groupe familial qui est d’autant plus difficile que la rupture est longue. Matthew souffre de la même difficulté qu’Angela à habiter. Il estime ainsi n’avoir plus réellement sa place à Londres ni en France. Il se compare à un gitan (gypsy) lorsqu’il évoque sa difficulté à constituer des repères dans ce nouveau mode de vie et à se sentir chez lui quelque part. Cette mobilisation d’une figure de l’errance pour décrire sa situation renvoie à son incapacité à habiter aucun des lieux de son quotidien et sa difficulté à se repérer dans un espace de flux. La perte de ses ancrages spatiaux influe sur sa capacité à supprimer la distance lors de ses séjours auprès de sa famille. La perte de repères mentionnée par tous les enquêtés est ici accrue par le fait que ses lieux de vie sont nouveaux et ne sont que de transit.
21Le télétravail permet de redonner du temps à la vie familiale, de rendre plus acceptable la distance. Pour autant, l’expérience des Britanniques et des Français montre que si les travailleurs mobiles sont absents du domicile pour des durées sensiblement égales lorsqu’elles sont annualisées, la scansion du temps importe. Les absences quelques jours par semaine permettent la poursuite des rituels domestiques et rendent plus facile le partage des tâches. En effet, même si l’absence modifie la répartition du travail domestique, le retour hebdomadaire permet de le rééquilibrer au cours de la semaine, ce qui rend l’absence moins pesante pour le travailleur mobile mais aussi pour son conjoint et ses enfants, auprès desquels il lui est possible de reprendre son rôle sur la base d’activités de routine. Une absence prolongée rend plus difficile cette inscription dans le quotidien, car les places de chacun évoluent pendant les séjours sur les lieux de travail et une nouvelle organisation familiale se crée (Ortar, 2015). Le retour nécessite alors un effort de chacun des membres pour inclure de nouveau l’absent, tout comme il demande à l’absent de réapprendre le quotidien. Les conditions d’exercice du télétravail influent ainsi fortement sur l’existence d’un quotidien familial partagé de tous.
II. Le télétravail des immobiles
22Lorsqu’il exerce, le conjoint immobile – une femme la plupart du temps – a besoin d’une aide supplémentaire pour garder les enfants et/ou de flexibilité dans son travail pour organiser le quotidien de la maisonnée et faire face aux contraintes temporelles accrues générées par le surcroît de travail domestique. La demande de flexibilité est rarement accordée. En effet, même si la situation familiale est connue des employeurs et que l’emploi est exercé dans des professions traditionnellement féminines et réputées porteuses d’un moindre conflit autour de la conciliation domicile/travail, les demandes d’aménagement liées à la situation personnelle sont rarement prises en compte. Pour faire face à leurs obligations, la plupart des femmes demandent à réduire leur temps de travail et certaines exercent depuis leur domicile. Les moins qualifiées sont assistantes maternelles quand les autres – très peu nombreuses dans l’enquête, uniquement des Britanniques résidant en milieu rural – bénéficient des avantages des outils de communication informatique et télétravaillent à domicile avec un statut de travailleuse indépendante. C’est le cas de Rusty – mariée, 1 enfant, dont le conjoint est bateleur sur la Nièvre –, qui aménageait des aires de jeu au Royaume-Uni et tente de créer une activité de conseil, de Jane – mariée, 2 enfants, dont le conjoint est ingénieur en mécanique sur des bateaux de croisière –, illustratrice free-lance qui fabrique également des bijoux qu’elle vend par Internet, et de Mary, qui retranscrit des réunions à plein temps. Mary était secrétaire de direction au Royaume-Uni. Elle et son conjoint, Andrew, ingénieur dans les nouvelles technologies, appréciaient l’Andalousie et la France où ils se rendaient pendant leurs vacances. Devenus parents en 2003, ils trouvent que leur vie londonienne n’a plus de sens. Ils courent sans cesse, se voient peu afin de limiter les horaires de garde de leur petit garçon, et leur avenir professionnel leur semble de peu d’intérêt. Ils vendent leur maison et achètent un corps de ferme délabré dans le Morbihan où ils s’installent bien qu’ils ne parlent pas français. Elle est alors enceinte de leur 2e enfant et a démissionné. Lui conserve son emploi théoriquement le temps qu’ils aient achevé leur installation. Très rapidement, le couple se désillusionne lorsqu’il se rend compte de la cherté de la vie en France et de l’étroitesse du marché de l’emploi local qui ne correspond pas à leurs compétences. Après une période d’incertitude, Andrew et Mary décident de poursuivre leur projet d’installation. Andrew loue alors un appartement à Londres qui sert de résidence secondaire à sa femme et ses enfants pendant les vacances et sollicite une réduction de son temps de travail afin de rallonger les fins de semaine passées en France. Mary cherche à travailler, mais les emplois qualifiés sont rares, en particulier pour une Anglo-Saxonne ne maîtrisant pas le français. Elle essaye alors d’exercer depuis son domicile et obtient un emploi de retranscription de réunions pour une société britannique. Télétravailler lui offre la possibilité d’échapper à une trop grande déqualification. Mary estime ainsi sa situation préférable à celle de la plupart des Britanniques qu’elle connaît en Bretagne, en raison du relatif intérêt que présente son emploi, de sa rémunération supérieure à ce qu’elle aurait pu trouver localement et de la possibilité d’organiser ses horaires de travail. Le télétravail lui permet en outre de contourner la barrière linguistique.
23Cette solution du télétravail présente toutefois des difficultés. Les recherches réalisées en Suède et au Canada montrent que l’emploi du temps des télétravailleurs est dépendant de celui des autres travailleurs, dès lors que des interactions existent avec des collègues ou des clients. Nombre de télétravailleurs effectuent les soirs et les week-ends le travail en souffrance (Johnson, 1999 ; Sajous, 2015). Le télétravailleur est également tributaire des horaires familiaux, notamment des temps d’éveil ou de présence des enfants (Haddon et Silverstone, 1995), une contrainte accrue par la jeunesse des enfants (Hardill et Green, 2003 ; Ortar, 2009) et la parcimonie des modes de garde là où résident les Britanniques rencontrés. Mary n’a ainsi pas réussi à trouver de nourrice pour garder son fils, la seule résidant à proximité de chez elle ayant refusé. Mary télétravaille depuis 1 an et demi lorsque nous la rencontrons. Sa 1re année a été très difficile : « Cela a été une année très difficile parce que j’avais un emploi à plein temps avec un enfant qui était très exigeant et difficile. Et j’avais aussi un enfant de 2 ans qui était aussi très exigeant, qui voulait que je joue avec lui et qui voulait que je fasse des choses et qui maintenant déteste que je sois sur l’ordinateur, il déteste que je travaille dans cette pièce parce qu’il sait que lorsque j’allume l’ordinateur… Donc pendant 1 an, je me levais à 5 h du matin et je travaillais pendant 2 heures avant que les enfants se réveillent, et après j’essayais d’avancer durant la journée mais je n’arrivais jamais à faire beaucoup, et puis le soir, je couchais mes pauvres enfants à 6 h 30 pour que je puisse travailler de 7 h à minuit. »Jane fait état de la même difficulté lors du démarrage de son activité. À la naissance de sa fille, elle quitte son emploi salarié d’employée de bureau pour consacrer plus de temps à son enfant en l’absence de son conjoint qui, à l’époque, partait en mer pendant 4 mois.
24Le travail à domicile impose d’expérimenter « un type distinctif de combat, sur une base routinière, pour définir et faire émerger des aspects de leur vie professionnelle que des employés rencontrent rarement, c’est-à-dire le processus de s’automanager sur laquelle le sens et l’expérience des productions localisées à domicile s’articulent6 » (Felstead et Jewson, 2000, p. 112) dans un temps très contraint. Les aléas des temps de veille des enfants obligent Mary comme Jane à réduire leur temps de sommeil pour faire face au travail en cours. Pour Mary, les difficultés se sont aplanies lorsque son plus jeune fils a été scolarisé. Le cadre établi par les horaires de l’école l’aide à planifier son travail. Pour Jane, travailleuse indépendante, l’organisation de son emploi du temps ne dépend que d’elle et ce d’autant plus qu’à ses débuts les commandes étaient rares. Elle fait état de sa difficulté à prendre le temps de démarcher pour recevoir des commandes alors qu’elle avait peur de ne pas trouver ensuite le temps de réaliser le travail obtenu.
25Télétravailler offre la possibilité de faire face à l’absence du conjoint en supprimant les temps de déplacement. Le bénéfice pour la famille est financier : ces femmes auraient eu du mal à travailler dans d’autres conditions en raison de leurs choix de vie et de leur besoin de disponibilité pour prendre soin de leurs enfants. Il est aussi temporel, dans la mesure où le télétravail donne la possibilité d’organiser son temps et donc de mieux s’adapter à celui des enfants. La gestion de l’ensemble des tâches qui incombent aux femmes en l’absence de leur conjoint en est ainsi facilitée. Une telle organisation semble plus tenable dans le temps que lorsque c’est celui qui part qui télétravaille, car, les enfants grandissant, travailler et prendre soin d’eux devient plus aisé, tandis que pour celui qui part la fatigue s’accumule et ses effets tendent à être ressentis de façon plus importante au fil du temps.
26Pourquoi les conjointes sont-elles alors aussi peu nombreuses à opter pour cette organisation professionnelle ? Contrairement à leur conjoint, télétravailler ne se réduit pas à une demande de disponibilité 1 à 2 jours par semaine. À la nécessité d’organiser son travail – une contrainte présente pour toutes les femmes devant faire face à l’absence de leur conjoint –, s’ajoutent d’autres contraintes posées par la création d’une activité de télétravail. Les emplois pouvant être réalisés sans jamais se déplacer chez son employeur sont rares. La solution peut alors être de créer son activité, comme l’ont fait Jane ou Rusty. Jane avait ouvert son site de vente sur Internet avant de déménager en France. Elle l’a poursuivi une fois installée en France tout en conservant un régime fiscal britannique grâce à un prête-nom. Rusty a désiré créer son entreprise après avoir emménagé à Parthenay. Comme la plupart des Britanniques rencontrés, le couple souhaitait ouvrir des chambres d’hôtes. Le projet est rapidement abandonné, car ils se sont rendu compte de la difficulté de sa réalisation. Rusty décide alors de créer sa propre activité de conseil en s’appuyant sur ses compétences professionnelles. Elle se heurte à plusieurs difficultés qu’elle n’avait pas anticipées. La première est que sa faible maîtrise du français est une véritable barrière pour communiquer avec les services administratifs afférents à la création d’entreprise. La deuxième est qu’elle va devoir investir des fonctions comptables pour lesquelles elle s’estime incompétente. Elle suit les formations prescrites par la chambre de commerce mais se sent malgré tout démunie. Le désarroi de Rusty permet de souligner la différence entre le télétravail de celui qui part et de celui qui reste. Le conjoint en mobilité doit certes adapter son organisation du travail en fonction de ses déplacements et de ses séjours au domicile, mais il n’a pas à changer d’emploi ni à développer une nouvelle activité. L’investissement temporel et intellectuel de même que les compétences requises ne sont pas les mêmes entre la poursuite d’une profession dans des conditions différentes et la création d’une activité ex nihilo. La première démarche impliquerait d’exercer dans un domaine pouvant faire l’objet de la création d’une entreprise dont l’activité peut être réalisée à domicile, ce qui est loin d’être le cas de toutes les femmes rencontrées. Enfin, la création d’entreprise impose l’acquisition de nouvelles compétences dans des conditions rendues difficiles par une organisation familiale tendue – sans compter, pour Rusty, l’apprentissage d’une nouvelle langue.
27Les difficultés de ces femmes permettent de comprendre pourquoi les conjointes de travailleurs mobiles sont si peu nombreuses à opter pour le télétravail et préfèrent réduire leur quotité de travail ou exercer un emploi moins qualifié mais offrant une compatibilité avec les exigences familiales. Télétravailler à temps complet implique de surcroît un isolement social que la plupart des enquêtées n’étaient pas prêtes à accepter, même si cela leur aurait simplifié le quotidien. Alors que l’ensemble des charges familiales pèse sur le conjoint restant, celui-ci ne dispose que de très peu de temps personnel en dehors de son temps de travail, lequel est vécu comme une possibilité d’évasion des charges familiales (Ortar, 2015).
Conclusion
28Télétravailler répond à un désir de conciliation de la vie professionnelle et familiale qui comporte des enjeux différents selon qui exerce de celui qui part ou qui reste. Il est genré dans la mesure où plus de conjoints que de conjointes sont mobiles. Pour le conjoint qui part, la mise en œuvre du télétravail est la stratégie privilégiée pour accroître la présence auprès des siens, mais rarement acceptée par l’employeur. Le télétravail n’annule toutefois pas les contraintes liées à l’exercice de la mobilité. Selon les modalités de sa mise en œuvre, la continuité de la présence auprès des siens sera possible ou demandera lors de chaque retour un temps d’ajustement des membres de la famille. Le télétravail exercé au domicile familial à temps plein par les conjointes est encore peu investi. S’il accorde une flexibilité supplémentaire, il n’offre de solution aux difficultés d’organisation et de mode de garde des enfants qu’au prix d’un isolement et d’une fatigue accrue qui en rendent la pratique difficile sur le long terme. Les conditions mêmes de l’exercice du télétravail alourdi du travail domestique et parental que les femmes assument – et qui est socialement prescrit – impose de distinguer entre un télétravail à dominante masculine, et un autre, féminine. Pour celui qui part, le télétravail participe du « faire famille », le temps supplémentaire passé au domicile étant dédié à maintenir les relations familiales et à conserver sa place au sein de la famille. Pour celui qui reste, le télétravail est avant tout un outil pour faire face à l’accroissement des obligations en l’absence du conjoint. Si le bénéfice indirect est aussi le maintien de la cohésion de la cellule familiale, le bénéfice direct est de concilier au quotidien famille et travail, et ce faisant de maintenir la cohésion du groupe familial malgré l’absence, pour qu’il perdure.
Bibliographie
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10.22230/cjc.2006v31n3a1721 :Notes de bas de page
1 Étude nationale Télétravail LBMG Worklabs 2013, réalisée auprès de 2 000 personnes et 1 500 tiers-lieux. http://blog.kronos.fr/les-chiffres-clefs-du-teletravail-en-2016/?utm_content=buffer97e5a&utm_medium=social&utm_source=twitter.com&utm_campaign=buffer
2 Voir Bergum, 2007 sur la difficulté à comparer les situations de télétravail entre pays européens et les précautions à prendre avec ces chiffres.
3 La recherche a reçu un financement de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) de 2006 à 2007 et d’un financement complémentaire du CERTU en 2008.
4 Selon l’Insee, le nombre de Britanniques résidant en France serait de 150 819 (Insee, recensement 2008, exploitation principale), un chiffre en constante progression au cours de la dernière décennie.
5 Les prénoms des personnes interrogées ont été changés.
6 Traduction de l’auteur.
Auteur
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