Chapitre 10
Accès à l’eau et précarité hydrique en région bruxelloise
p. 183-206
Texte intégral
I. L’accès à l’eau en Belgique : des sociétés publiques aux commandes
1En Belgique, le secteur de l’eau n’a pas été libéralisé. Le pays compte plusieurs sociétés publiques chargées d’assurer le captage, le traitement, le transport, le stockage et la distribution d’eau potable. Des disparités régionales importantes peuvent être constatées, que ce soit au niveau des politiques tarifaires, des procédures de recouvrement des impayés ou encore des mesures préventives mises en place.
2Le droit fondamental à l’eau n’est pas mentionné comme tel mais découle naturellement du droit à mener une vie conforme à la dignité humaine, consacré par l’article 23 de la Constitution1.
3Le parlement belge s’est régulièrement interrogé sur l’opportunité d’ajouter un article dans la Constitution consacrant nommément le droit à l’eau et insistant sur la dimension sanitaire, sociale, culturelle, symbolique et environnementale de l’accès à l’eau potable, qui lui confère une valeur fondamentale pour l’humanité. De nombreux parlementaires ont d’ailleurs soulevé, comme les Nations unies2, que « l’eau ne peut donc être considérée comme un bien économique ou comme une marchandise, mais doit être considérée comme un bien commun, collectif et public3 ».
4Au niveau de la région de Bruxelles-Capitale, l’ordonnance « eau » précise que « l’eau fait partie du patrimoine commun de l’humanité et de la région de Bruxelles-Capitale. Toute personne a le droit de disposer d’une eau potable de qualité et en quantité suffisantes pour son alimentation, ses besoins domestiques et sa santé. [...] Le cycle de l’eau est géré de façon globale et intégrée par le secteur public, dans le cadre d'un développement durable. Les services de l’eau sont d’intérêt général4 ».
5L’eau courante est fournie par une structure publique : l’intercommunale « Vivaqua »5. En 2017, un tiers seulement des ménages disposait d’un compteur individuel géré par cette société qui établit donc la facture. Plus de 60 % des ménages relèvent d’un comptage collectif et reçoivent – en lieu et place d’une facture d’eau de Vivaqua – un décompte de charges établi par le propriétaire, soit forfaitairement, soit sur la base de compteurs de passage.
1. Protection du consommateur
6En cas de défaut de paiement, la coupure d’eau est autorisée exclusivement sur décision de justice et au terme d’une procédure lors de laquelle les autorités locales sont informées. Généralement, le Centre public d’action sociale6 envoie alors un courrier au ménage menacé de coupure, afin de lui proposer son aide, laquelle peut, dans certains cas, se décliner sous la forme d’une prise en charge totale ou partielle de la dette. Lorsque les ménages ne se présentent pas en justice, le juge a l’obligation de donner droit au fournisseur d’eau, autorisant ainsi la coupure.
7La loi détermine deux périodes de trêve, hivernale et estivale, durant lesquelles toute décision de coupure ne peut être exécutée (mais les personnes déjà sanctionnées au préalable resteront privées d’eau durant cette période ). Par ailleurs, les nombreux ménages qui ne disposent pas d’un compteur individuel ne peuvent légalement se voir priver de fourniture d’eau. L’absence de compteurs individuels protège donc d’une certaine manière le ménage de la coupure en fourniture d’eau. Notons enfin que les dispositifs du réducteur de débit ou du compteur prépayés auxquels ont recours parfois d’autres régions en cas de défaut de paiement, n’est pas utilisé à Bruxelles.
8En dépit de ce dispositif de protection du consommateur, les juges autorisent chaque année la coupure pour les ménages bruxellois disposant d’un compteur individuel, soit un peu plus de 1 000 ménages en 2018.
2. Le prix de l’eau
9Le prix moyen de l’eau en 2017 est 30 % moins cher en région de Bruxelles-Capitale que dans les autres régions du pays, et similaire au prix moyen parisien. La facture moyenne avoisine les 250 € par an, ce qui représente moins de 1 % des revenus du ménage médian, soit nettement moins que l’énergie ou les télécoms. Cependant, à la différence des télécoms ou de l’énergie, la périodicité des factures est généralement annuelle et non mensuelle.
10La tarification, qualifiée de « progressive et solidaire » par le législateur, est appliquée pour tout logement équipé d’un compteur individuel placé par la société d’eau. Elle est fondée sur quatre tranches de consommation par personne, auxquelles correspondent des prix unitaires d’autant plus élevés que la consommation est importante. Le calcul prend en considération deux éléments : la consommation, basée sur le volume d’eau potable, indiqué par le compteur, et le nombre de personnes dans le ménage, domiciliées à la même adresse. Ce dispositif a été mis en place par le gouvernement de la région bruxelloise dans le but de pratiquer un « coût-vérité de l’eau », appliquant le principe du « pollueur/payeur ».
11Ainsi, le mètre cube d’eau de la tranche la plus chère est près de 4 fois plus élevé que le prix de la tranche la moins chère. Il en résulte que les fuites d’eau et autres surconsommations non maîtrisées sont généralement facturées à un prix prohibitif. De même, les prix explosent dès lors qu’un ménage héberge une personne qui n’y est pas administrativement comptabilisée7, ce qui se produit entre autres pour les ménages qui vivent en situation irrégulière sur le territoire belge, ou encore lorsque l’on héberge un proche de manière temporaire. On peut donc s’étonner de voir cette tarification qualifiée de « solidaire », d’autant que les statistiques bruxelloises montrent une consommation d’eau légèrement supérieure pour les ménages des premiers déciles de revenus.
3. Un droit qui prend l’eau
12De 2006 à 2018, le nombre de coupures domestiques d’eau est passé de 143 coupures/ an à plus de 1 000 coupures/an8(voir figure 1). Ainsi, le phénomène de la privation d’eau – encore exceptionnel en 2006 – touche-t-il à ce jour autant de ménages que la coupure d’électricité ou de gaz. Par ailleurs, il se pourrait que l’emballement observé en 2016, attribué à un durcissement des politiques de récupération de créances, soit appelé à se prolonger, voire à s’amplifier encore. En effet, si chaque ménage devait être équipé d’un compteur individuel, ainsi que le veut la tendance actuelle, le nombre de coupures pourrait encore être multiplié par trois9. L’accès à l’eau et par conséquent le droit fondamental à cet accès seraient alors plus malmenés que jamais. Or on ne sait pratiquement rien des ménages dont l’eau a été coupée.
Figure 1 - Nombre de coupures d’eau domestique par an

Source : Rapports d’activité de Vivaqua.
13Parallèlement à la coupure d’eau, le nombre de plans de paiement octroyés par Vivaqua a, lui aussi, connu une hausse régulière depuis 2008 et un doublement en 8 ans. En 2018, plus de 28 000 ménages/an sont concernés par un plan de paiement (voir figure 2), soit nettement plus que le nombre de ménages qui s’en voient proposer un pour l’électricité.
Figure 2 – Nombre de plans de paiement octroyés par an par Vivaqua

Source : Rapports d’activité de Vivaqua.
14En somme, les difficultés financières d’accès à l’eau touchent un nombre sans cesse croissant de ménages. Et encore, les chiffres dont nous disposons ne rendent-ils l’image que d’une partie seulement des difficultés d’accès à l’eau. En effet, deux ménages sur trois ne disposent pas de factures d’eau et échappent donc à ces statistiques, tandis que d’autres subissent des difficultés techniques non quantifiées d’accès à l’eau (obsolescence des installations, fuites, etc.).
15Si cette hausse a de quoi inquiéter, c’est aussi parce que rien à ce jour ne permet d’en voir la fin comme évoqué précédemment, la politique de généralisation progressive des compteurs individuels devrait conduire, à terme, à un triplement du nombre des ménages sujets à une facturation individuelle et le cas échéant à une coupure, tandis que les prix de l’eau, qui ont déjà grimpé de plus de 50 % en 10 ans, devraient vraisemblablement connaître de nouvelles hausses dans les années à venir en raison de la réaffectation nécessaire du réseau souterrain d’égouttage.
16Or, le coût de l’eau est actuellement un facteur d’appauvrissement, affectant nettement plus lourdement le budget des ménages à bas revenus que celui des autres ménages. Les 25 % de ménages aux revenus les plus faibles (quartile 1) consacrent en moyenne 1,4 % de leur budget à la consommation totale à l’eau contre 0,8 % pour les ménages aux revenus les plus élevés (quartile 4). En cela, l’eau occupe sans surprise le haut de la liste des biens de première nécessité, ceux dont on ne fait pas l’économie, fût-ce pour préserver l’équilibre budgétaire.
17Qui se cache derrière les données chiffrées de la précarité hydrique10 en région bruxelloise ? Notre société garantit-elle aujourd’hui un accès à l’eau et à l’assainissement en quantité et qualité suffisantes pour tous ? Chacun peut-il boire, se laver, avoir accès aux sanitaires, cuisiner en fonction de ses besoins ?
18Pour répondre à ces questions, des « naufragés » du système, des personnes qui peuvent témoigner que « non, l’eau n’est pas accessible à tous » ont participé à une recherche menée par le Centre d’appui social énergie (Case) de la Fédération des services sociaux (FDSS)11. Ils ont accepté de raconter leur histoire, de décrire leur parcours, les conséquences sur leur quotidien, les leviers auxquels ils ont fait appel et le degré de succès de leurs démarches. Ils ont délivré leurs recommandations pour améliorer le système d’accès à l’eau.
II. Une recherche exploratoire sur les difficultés d’accès à l’eau de ménages logés : contexte et méthode
19Le Centre d’appui social énergie est un service de la Fédération des services sociaux financé par Bruxelles Environnement12 dont la mission principale est d’apporter un soutien aux travailleurs sociaux bruxellois sur toutes les questions relatives à l’énergie et à l’eau quelle qu’en soit la nature : sociale, administrative, juridique, comportementale ou autre. Un de ses leviers d’actions est de produire des recommandations à l’attention des responsables politiques afin que l’accès à l’énergie et à l’eau soit un droit fondamental pour tous et que ce droit soit rendu effectif par une série de mesures sociales et politiques.
20Son travail d’analyse et de formulation est nourri tant par les demandes de renseignements ou d’accompagnements exprimées par les travailleurs sociaux à travers la permanence, que par la mise en place de réseaux d’échanges sur les pratiques de chacun.
21Alerté en 2016 par l’explosion du nombre de coupures d’eau et de problèmes de paiement en région de Bruxelles-Capitale, le Case a pris la mesure des difficultés croissantes d’accès à l’eau13. Par ailleurs, au-delà des chiffres, les échos qui remontaient du terrain étaient, eux aussi, plus préoccupants que jamais. Si différentes recherches quantitatives ont déjà pu être menées (Prevedello et al., 2015 ; Van Vooren, 2018), peu d’entre elles apportent des réponses aux questions telles que : qui est ce public concerné par les difficultés d’accès à l’eau alors qu’il bénéficie d’un logement équipé, d’un point d’accès à l’eau potable et d’installations de production d’eau chaude ? Quelles sont les trajectoires qui ont conduit à ces situations extrêmes ? Quelles sont les causes identifiées par le public lui-même et quels sont les impacts sur le quotidien ? Si des mesures sociales existent, sont-elles connues et/ou utilisées par le public cible et quel est le degré de satisfaction de celui-ci par rapport aux services et solutions proposés ? Quelles sont les recommandations des premiers concernés ?
22À l’heure actuelle, il existe peu de recherches menées en Belgique et plus spécifiquement en région bruxelloise sur l’accès à l’eau des personnes et des ménages en situation de précarité. L’angle d’approche régional est un paramètre important étant donné que les mesures de protection sociale, les procédures en cas de non-paiement et la majeure partie de la règlementation régissant la relation locative et les normes du logement diffèrent d’une région à l’autre. Les données qualitatives font tout particulièrement défaut. Lorsqu’elles existent, elles sont souvent intégrées dans un domaine de recherche plus large tel l’accès à l’énergie et au logement (Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale, 2015 ; Baudaux, 2014).
23Grâce à une subvention reçue de la Fondation Roi Baudouin en 2017, le Case a pu réaliser un travail de recherche exploratoire, afin de recueillir, au travers d’entretiens, le témoignage de personnes rencontrant des difficultés d’accès à l’eau.
24La recherche porte sur les ménages occupant un logement, et donc ayant a priori à disposition un point d’eau potable, des sanitaires et des installations de production d’eau chaude mais qui éprouvent des difficultés d’accès à l’eau en qualité et en quantité suffisantes.
25Différentes réunions de travail ont été organisées en collaboration avec les travailleurs sociaux des CPAS et des associations en relation direct avec ce public pour, d’une part, collaborer à l’élaboration du protocole de recherche et du guide d’entretiens et d’autre part, définir les stratégies de contact avec les ménages en situation de précarité.
26Ces travailleurs sociaux font un constat identique : de plus en plus de personnes se présentent à leurs permanences sociales pour des problèmes en lien avec l’eau. Ils s’accordent sur l’extrême nécessité de reconsidérer le secteur de l’eau dans sa globalité et de trouver des pistes d’action afin que le droit des plus vulnérables soit pris en considération.
27Les personnes interviewées ont été sélectionnées par ces CPAS et les services sociaux associatifs privés partenaires. Aucune consigne n’était donnée quant à leur profil, leur âge, leur genre ou leurs ressources. Ce choix de faire l’impasse sur un échantillonnage représentatif émane à la fois des contraintes internes du projet (temps et moyens humains) et de la difficulté d’accéder au public cible. C’est en cela – d’abord et avant tout – que la recherche est qualifiée « d’exploratoire ».
28Les travailleurs sociaux partenaires ont invité leurs bénéficiaires à participer aux entretiens en présentant le projet comme la possibilité de faire entendre leur voix, de partager leur expérience et de participer à une prise de conscience plus générale qui aurait comme finalité de tenter de mettre en place des dispositifs, des mesures sociales et des actions citoyennes pour résoudre cette problématique.
29Ils en ont fait la proposition aux bénéficiaires qui venaient directement pour des problèmes d’accès à l’eau, qu’il s’agisse d’une coupure, d’une facture impayée, d’une relation conflictuelle avec le propriétaire, ou encore d’un problème lié aux installations.
30Au total, dix-sept entretiens ont été réalisés de manière directe et des informations complémentaires ont été obtenues en participant à deux rencontres collectives organisées par un service de prévention sur le thème de l’eau.
III. Quelles sont les causes identifiées par les personnes éprouvant des difficultés à accéder à l’eau ?
31La problématique d’accès à l’eau lorsqu’on vit dans un logement se décline sous différentes facettes et les problèmes rencontrés peuvent être cumulatifs. Si la problématique la plus souvent évoquée est une difficulté d’accès d’ordre financier, les entretiens mettent aussi en évidence des écueils d’ordre technique, liées à l’état du logement et des installations et le déséquilibre dans la relation locative pour faire valoir ses droits. Ils évoquent aussi des obstacles de nature administrative, des défaillances dans la communication et le mode opératoire de différents services.
32Les ménages rencontrés sont pour la plupart en situation de risque de pauvreté et/ou d’exclusion sociale. Être privé d’eau ne serait alors qu’une problématique parmi d’autres ? Les ménages qui sont au-dessus des seuils de risques14 sont-ils, dès lors, épargnés ? Si l’échantillon n’est pas suffisamment représentatif pour l’affirmer, les problématiques mises en lumière invitent néanmoins à mettre en doute ce postulat. Les difficultés d’accès à l’eau peuvent à elles seules engendrer des situations de pauvreté. Une facture conséquente déséquilibre le budget, la défaillance des installations techniques entrave l’occupation correcte du logement, la privation génère des conséquences tant sur le plan social que sanitaire.
1. Les causes financières
33Parmi les causes les plus souvent identifiées par les interviewés reviennent l’insuffisance des revenus, mise en évidence par le montant d’un loyer qui déséquilibre le budget ou encore des situations de surendettement qui génèrent la difficulté d’établir des priorités dans le paiement des dépenses ou le remboursement des dettes, ainsi qu’une accumulation de frais liés au non-paiement. Selon l’enquête EU-SILC 2017, la proportion de la population bruxelloise vivant sous le seuil de risque de pauvreté15 se situe entre 30 et 37 %, soit près du double de la valeur nationale. Si l’on considère le taux de risque de pauvreté ou d’exclusion sociale16, il se situe entre 35 et 42 % de la population.
On n’est pas arrivés à payer les montants. Comme je vous disais, il y avait juste mon frère qui travaillait et lui, c’est juste le loyer qu’il pouvait payer. Il a 850 euros par mois et ici c’est déjà 700 euros de loyer (femme, locataire, sans revenus, isolée avec 2 enfants)17
J’ai eu des petites difficultés avec des factures, j’avais un emploi en intérim donc voilà ça a tout... comment expliquer... en intérim, je n’avais pas mon revenu par mois alors c’était plus compliqué de payer les choses à temps... voilà c’est comme ça que je suis venue au service de médiation de dettes. C’était plus le loyer en premier puis c’étaient quelques petites factures d’hôpital... des factures simples (femme, locataire, allocations de chômage, isolée avec un enfant).
34Ces difficultés financières sont renforcées par le prix de l’eau identifié comme trop élevé et la difficulté récurrente d’obtenir un plan de paiement auprès de Vivaqua. Celui-ci sera refusé s’il n’est pas sollicité dès l’émission de la facture ou si les mensualités proposées ne correspondent pas aux critères définis par la société distributrice. Certains auront accepté la mensualité proposée mais ne pourront finalement pas y faire face.
35La nécessité de payer l’intégralité de la dette d’eau et des frais de justice pour rouvrir le compteur engendre des périodes de privation longues, allant de 1 à 120 jours avec une moyenne de 50 jours pour les personnes rencontrées.
36Enfin, la difficulté de faire face au paiement d’une facture annuelle plutôt qu’à une facture mensuelle ou trimestrielle est également mise en avant, le budget des ménages ne permettant pas d’honorer une somme conséquente non provisionnée préalablement.
Je suis au chômage et je touche moins de 1 000 euros. Quand je retire mes différents frais, loyer, gaz, électricité, GSM [téléphone portable] et tout ça, tout ce qui est nécessaire dans une vie, il ne me reste que 100 euros pour manger, aller prendre un café parfois. Comment est-ce que je pourrais faire avec une facture de 500 euros qui arrive en une fois ? Courir dans un service de médiation de dettes ? Ce n’est pas une vie ça. 15 ou 30 euros par mois c’est possible mais pas 500 euros d’un seul coup (homme, locataire, allocations de chômage, isolé).
2. Les causes liées au logement
37Certains ménages vivent dans des logements insalubres au sein desquels les équipements d’eau ne sont qu’une composante d’une situation dans son ensemble problématique : sols instables, humidité, appareils de production d’eau chaude défaillants, tuyauteries cassées rendant l’accès à l’eau impossible dans une partie ou l’ensemble des pièces, toilettes non privatives. Le logement peut être interdit de location par la Direction de l’inspection régionale du logement de la région Bruxelles-Capitale (DIRL)18. Cependant, faute de solution de relogement, les occupants continuent à y vivre. La décision manque alors d’effectivité.
38À Bruxelles, plus qu’ailleurs en Belgique, la proportion importante de locataires et la forte tension du marché locatif conduisent à la fois à des loyers élevés et à un état du bâti qui, même s’il tend à s’améliorer, demeure mauvais. Selon l’enquête 2018 de l’Observatoire bruxellois des loyers, le loyer médian s’élève à 700 euros et le loyer moyen à 739 euros, ce qui signifie qu’un isolé bénéficiant du revenu d’intégration sociale consacrera 70 % de son revenu au paiement de son logement. L’Observatoire des loyers signale aussi que le niveau de confort des logements bruxellois en location s’est considérablement amélioré au cours des vingt dernières années, même s’il n’y a que 55 % des logements qui sont jugés en bon ou en très bon état par les locataires y résidant ; ce sont principalement les problèmes d’isolation thermique et sonore qui sont considérés comme les plus handicapants par les locataires (De Keersmaecker, 2019).
39Dans d’autres situations, les problèmes rencontrés concernent uniquement les équipements en eau et se caractérisent par des chasses ou des robinets qui fuient ― parfois depuis le début de la location ― ou qui sont irréparables car trop vétustes ou inaccessibles. Ces situations engendrent de l’inconfort, une impression de « gaspillage », d’injustice mais surtout des frais conséquents réclamés en définitive au locataire.
Il y a des problèmes d’humidité qu’elle [la propriétaire] a fait réparer mais qui reviennent, mais elle s’en fout. Il y a un trou dans la cuisine depuis qu’on est rentrés. Elle n’a rien voulu savoir, bon heureusement il ne pleut pas dedans... Il y a des problèmes d’électricité. Il y a un monsieur qui est venu et nous a dit qu’il risquait d’y avoir un incendie mais elle s’en fout aussi... Le problème, c’est comme j’ai des petits retards de loyers anciens, je ne l’ennuie pas pour ça... C’est dangereux mais si je commence à l’ennuyer pour ça, elle va aussi m’ennuyer pour autre chose... Je préfère avoir un logement pas toujours en sécurité, mais bon… (femme, locataire, allocations de chômage, isolée avec 1 enfant).
40Enfin, différentes problématiques liées au contrat de bail et à la relation locative sont mises en lumière : absence d’état des lieux, décompte de charges manquant ou fallacieux, propriétaire ne répondant pas à ses obligations de réparation et de mise en conformité de son bien, manque de communication et d’information claire sur les délais quant à la réalisation des travaux ou encore engagement de main-d’œuvre non déclarée. Le recours au juge de paix19 est perçu, faute d’un accompagnement adapté, comme inaccessible. À défaut d’en percevoir un bénéfice direct, la procédure décourage les personnes lésées. Les courriers envoyés avec le soutien des services sociaux restent sans suite.
Je suis venu demander de l’aide à une association pour chercher un appartement. Ils sont venus chez moi et ils ont fait un rapport qui a été envoyé au propriétaire. Le Service d’Inspection régionale est aussi venu. Après cela, la commune m’a envoyé une lettre pour dire : « On interdit la location de l’appartement, alors il faut trouver un autre logement ». Je cherche, je cherche mais jusqu’à maintenant, je n’ai pas trouvé. Je continue à payer mon loyer qui est de 650 euros et mes charges, 260 euros. Le document de la commune disait « interdiction de louer », mais pas que je ne devais plus payer mon loyer. (homme, locataire, allocations de la mutuelle, couple avec un enfant).
3. Les causes administratives ou liées au recouvrement
41Les personnes interrogées évoquent aussi des difficultés à comprendre la procédure en cas de non-paiement. Elles partagent leur incrédulité face au risque de coupure, imaginant celle-ci interdite en Belgique.
42Les convocations auprès du juge de paix n’atteignent pas toujours leur destinataire car elles sont envoyées à l’ancienne adresse, sont perdues dans le courrier ou ne sont pas identifiées comme telles. Lorsque les personnes en situation de non-paiement se présentent devant le juge, elles n’obtiennent pas toujours une réponse favorable à leurs demandes en termes de délais, de plans de paiement ou de prise en compte de leur situation particulière.
Je suis convoquée devant le juge de paix pour cette facture. J’y vais avec mon fils qui n’allait pas encore à l’école à l’époque. L’avocat d’Hydrobru était en retard alors le juge me demande d’attendre ailleurs car le petit faisait trop de bruit. L’avocate arrive, je lui explique ma situation, que le propriétaire est en cause et elle me propose de demander elle-même un report d’audience. Je me suis dit : « super »et puis… je suis condamnée par défaut (femme, locataire, statut d’artiste, isolée avec un enfant).
43Les documents envoyés sont difficilement compréhensibles et nécessitent l’intervention de tiers (voisins, famille, services sociaux) pour être complétés. Se pose alors un problème de temporalité. Les factures sont payées en retard. La prise de contact tardive engendre l’impossibilité d’obtenir des facilités de paiement.
4. Les causes liées aux rapports institutionnels
44Les difficultés dans les contacts avec les institutions s’illustrent par des faits tels que le manque d’informations claires de la part de Vivaqua quant aux sommes à payer et à la justification de celles-ci ou encore la difficulté d’atteindre le bon service et la personne en charge du dossier.
Hydrobru m’a convoqué. Ils ont mené une action en justice contre moi en me disant que je devais payer. J’ai dit : « Non, il y a une fuite ». Je l’ai dit à l’avocat de Hydrobru parce qu’on a été 3 fois chez le juge de paix. Et puis apparemment, le CPAS a payé une partie des factures pour moi mais Hydrobru n’était pas au courant. Tout était emmêlé : on ne savait plus qui avait payé quoi. Hydrobru et la juge disaient que je devais fournir des preuves que quelque chose avait été payé (homme, locataire, employé, isolé).
45Plus précisément, lors de la coupure, ils citent l’absence d’informations de la part des techniciens, que ce soit de manière directe si les habitants sont présents ou par le biais d’un avis en cas d’absence.
46Les mêmes difficultés sont rencontrées vis-à-vis de certains CPAS et sociétés de logements sociaux : absence de réponse, délai de traitement long ou encore mauvaise identification des missions des différents services internes.
47Dans son rapport bruxellois sur l’état de la pauvreté, l’Observatoire de la santé et du social (2016) évalue la situation de sous-protection sociale et analyse le « non recours au droits sociaux ». La sous-protection sociale peut prendre différentes formes dont celle de la non-demande (le droit est connu mais non demandé). Présente dans les situations rencontrées au travers des entretiens, cette non-demande peut être volontaire ou involontaire (liée à la connaissance mais également à la capacité de demander).
48Le rapport décrit :
« Le nombre de démarches, le temps (nombre d’heures que prennent les démarches, délais, renouvellements, …) et les épreuves de la demande participent “au risque de non-recours”. […] Or, ce sont très souvent dans les discours, les démarches, de plus en plus nombreuses, qui découragent. Il semble qu’il y ait un seuil de démarches accomplies pour les personnes qui, une fois franchi, laisse certains individus dans une situation de non-demande par découragement, humiliation, autre solution trouvée, épuisement, fatigue, tristesse, anxiété, colère, rage, dégoût des services, des lois, des institutions, […] Si la non-demande involontaire se rapporte souvent à la non connaissance, la non-demande volontaire se décline, aux plus extrêmes des sentiments éprouvés par les personnes, du désir de vivre autrement et loin des normes sociales (en marge de toute aide publique) à une forte amertume, voire une rage envers “le système” ou la “chose publique” tandis que d’autres personnes se sentent épuisées par l’expérience vécue et ne souhaitent plus rien demander. » (Observatoire de la santé et du social, 2016, p. 17-19.)
IV. Quels sont les impacts sur les ménages ?
49Les conséquences d’une difficulté d’accès ou d’un non-accès à l’eau sont multiples. Elles diffèrent en fonction de la problématique de départ, de son degré de gravité (risque de coupure, accès limité en raison d’un problème technique, coupure avérée) et prendront des proportions variables en fonction du soutien offert par l’entourage ou les institutions sollicitées.
1. Conséquences financières
50Les frais liés au non-paiement (frais de rappel, de mise en demeure, de justice, d’exécution du jugement) viennent alourdir la dette alors que son montant principal est déjà difficile à honorer.
51D’autres conséquences financières résultent des effets de la coupure totale ou partielle (en cas de panne des installations) et de la nécessité de les pallier : achat de bouteilles d’eau, de lingettes nettoyantes, utilisation de services extérieurs payants comme les laveries automatiques, les piscines20, les toilettes des gares, adaptation de son mode de cuisine (repas non cuisinés, plats industriels, repas à l’extérieur), etc.
Heureusement, ma fille était encore à la maison. On a pris notre caddy tous les jours et on allait chercher des bouteilles d’eau, 2 fois 6 bouteilles, à un commerçant qui vendait des petites bouteilles. J’en avais pour 2 euros par jour. Et moi, évidemment, je n’ai pas de voiture. Et ma fille non plus. Donc on allait à pied. Donc j’allais au plus près, au premier commerçant. Il y a plein de choses qui font que vous êtes obligés de faire certaines choses. Et pas la meilleure économiquement (femme, locataire, employée, isolée avec un enfant).
52Enfin, des frais supplémentaires sont liés aux multiples déplacements et démarches qui doivent être réalisés pour pallier le manque d’eau, faire valoir ses droits et/ou solliciter des aides auprès de services sociaux.
2. Conséquences sur le logement
53Les situations de coupures engendrent l’impossibilité d’utiliser les toilettes, la douche, le bain, les différents robinets ou encore la machine à laver. Avec le temps, le logement se dégrade par manque d’entretien ou en raison d’une utilisation inadaptée des installations par manque d’eau. Parfois, le ménage pallie le manque d’équipements ou leur défaillance en achetant lui-même les appareils nécessaires (W.-C, robinetterie, douche).
Ma facture est chère, tous les robinets sont des vieux robinets et ça coule. Je n’arrive pas à les fermer correctement et c’est depuis l’ancien locataire. Je voulais les changer. J’ai acheté des nouveaux robinets, maintenant il faut appeler un plombier mais ça coûte cher... (homme, locataire, pension de retraite, isolé).
3. Conséquences relationnelles
54Les conséquences sur les relations sociales sont nombreuses. Les personnes interviewées évoquent le repli sur soi, l’impossibilité d’inviter des gens à la maison, les conséquences de l’isolement. Elles sollicitent l’aide de leur famille ou de leurs voisins mais soulignent la nécessité que cette aide soit provisoire afin de préserver la bonne entente. Parfois, les difficultés font émerger des conflits familiaux.
55Les participants disent éprouver des sentiments de solitude, de tristesse, d’incompréhension, de colère, de honte, d’être dépassés par la situation ou de confusion. Ils évoquent une rupture de confiance par rapport aux institutions mais aussi une perte de dignité.
Le service social, je vous dis la vérité. J’ai jamais demandé pour mendier ou… Jamais. Je ne demande pas ça. Si je suis un homme, je dois travailler. Vous comprenez ? Mais là, franchement, à chaque fois que je vais dans un travail, je ne trouve qu’un obstacle chez moi (homme, locataire, allocations de chômage, isolé).
56Le stress occasionné par la situation se répercute sur la vie professionnelle et la scolarité des enfants, de même que le temps consacré à solliciter les différentes institutions, à accomplir les démarches nécessaires.
Ici, ils ne pensent qu'à l’argent malheureusement. On est des êtres humains. Quand c’est trop c’est trop. C’est comme ça. On est obligé. Mais vivre comme ça, sans travail, sans rentes, sans femme, plein de saletés, c’est dégoutant. Même par exemple, pour aller me présenter à un travail. J’ai la honte. C’est l’hygiène (homme, locataire, allocations de chômage, isolé).
4. Conséquences sur la santé
57Tous les manques liés à l’absence d’eau engendrent des conséquences sur la santé. Les participants citent l’impossibilité de se laver, de préparer à manger, d’aller aux toilettes, de boire, de prendre soin de son corps. Et même si l’entourage est sollicité pour pallier le manque, l’accès reste provisoire et précaire. Il engendre une modification des habitudes et un renoncement à une partie de sa consommation.
L’eau c’est la source de la vie. Si on ne boit pas pendant 4 jours... Une plante, on ne l’arrose pas, elle meurt ! (homme, locataire, allocations de la mutuelle, en couple avec un enfant).
58Devant l’impossibilité de faire face aux montants des factures, les interviewés disent établir des priorités et par conséquent renoncer aux frais médicaux. Pour nombre d’entre eux, la situation de stress engendrée par les difficultés a un impact conséquent sur la santé mentale : angoisse, dépression, perte d’estime de soi. Si des pathologies étaient déjà présentes avant, elles n’en sont que renforcées.
Oui, ça a un impact, un peu quand même parce qu’on n’est pas heureux... Cette situation toute la journée, ça tourne dans le cerveau et on y pense toute la journée, dans la rue et ça tourne en boucle dans la tête, ce n’est pas quelque chose qu’on oublie, c’est notre vie et ça tourne... même la nuit en dormant... Enfin on ne dort pas parce que ça tourne dans la tête... (homme, locataire, allocations de chômage, isolé).
V. Quelles stratégies sont mises en place pour faire face aux situations de précarité hydrique ?
59À la réception d’une facture qui ne peut être honorée faute de moyens, les ménages disent avoir réagi de différentes manières : négocier un plan d’apurement auprès du fournisseur d’eau, solliciter une aide financière auprès du CPAS ou encore ne pas réagir.
60Les démarches de négociations amiables vis-à-vis de la société distributrice ont, pour nombre des ménages, abouti à un échec et ce, pour deux motifs principaux : la mensualité proposée était trop faible ou les délais pour introduire la demande étaient dépassés. L’octroi d’un plan d’apurement de la dette ne garantit pas à lui seul la résolution du problème car le paiement des mensualités n’est pas toujours respecté. La procédure de recouvrement se poursuit et l’affaire est portée devant le juge de paix avec le risque que la procédure aboutisse à une coupure portant sur des impayés au niveau du logement actuel ou d’un logement antérieur.
61Face à une convocation devant le juge, de nombreux ménages ne se présentent pas et sont condamnés par défaut. Ils disent ne pas avoir omis volontairement de se présenter et expliquent ne pas avoir reçu la convocation du tribunal ou ne pas avoir compris la procédure en cours. Pour les ménages présents, ils ont sollicité un plan de paiement ou un report d’audience mais n’ont pas toujours été suivis dans leur demande.
62Pour plusieurs personnes, il fut nécessaire de recourir à un intervenant social ou juridique pour obtenir une information sur l’état de la situation et/ou faire valoir ses droits.
63Certains ménages ont sollicité le CPAS pour obtenir une aide financière. Le CPAS dispose d’un fonds social créé par Vivaqua depuis 1998. Ce fonds est alimenté par une contribution de 0,03 € prélevée sur chaque mètre cube facturé. L’enveloppe globale est ventilée entre les CPAS de chaque commune,au prorata du nombre de personnes domiciliées dans la commune bénéficiaire du revenu d’intégration sociale.
64L’intervention du fonds peut couvrir une facture adressée par Vivaqua, la prise en charge d’un montant calculé sur la base forfaitaire de 80 litres par personne par jour ou l’intervention d’un ouvrier chargé d’effectuer des réparations. Toute personne physique peut prétendre à l’intervention du fonds mais les critères d’appréciation de l’état de nécessité et d’octroi sont laissés à l’appréciation du CPAS.
65L’aboutissement de la demande d’aide et le délai de réponse varient d’une situation à l’autre. Les personnes rencontrées pour lesquelles l’aide n’a pas été octroyée évoquent comme motifs exprimés par le CPAS la récurrence des demandes (le CPAS est déjà intervenu par le passé) ou le fait que leur statut administratif n’est pas en ordre (absence de titre de séjour valable). Ces personnes demeurent donc privées d’eau.
66Les services sociaux privés ou associatifs sollicités sont identifiés comme des services de proximité et constituent la première porte franchie en cas de difficultés. Ils accompagnent les personnes dans leur demande auprès du CPAS. En fonction de leur spécificité, ils interviennent dans la tentative de résolution du conflit avec le propriétaire (rédaction de courriers, rapports, contacts téléphoniques, plainte à la DIRL), réalisent des visites du logement et donnent une série de conseils quant aux problèmes rencontrés.
67Certains ménages soulignent avoir pu bénéficier du soutien de leur famille ou de leurs voisins. L’aide apportée se décline par la mise à disposition des équipements sanitaires (douche, W.-C., machine à laver) ou la possibilité de venir remplir un certain nombre de bouteilles d’eau pour les utiliser à domicile.
Heureusement qu’on a une maman. Si on n’avait pas une maman... Je voudrais bien savoir comment on aurait fait. Comment on aurait fait ? Comment ? Je ne sais pas. C’est ce que j’ai expliqué. Si je n’avais pas eu de famille ici, comment j’aurais fait ? La maman… Tous les jours, il fallait... parce que ce n’est pas ici. C’est à Molenbeek. Faire tout le trajet avec les bidons. Parce que ma mère, elle ne pouvait pas tous les héberger. Ce n’est pas très grand… (femme, locataire, employée, isolée avec 6 enfants).
Du coup il y a la famille qui habite autour. Ils ramènent de l’eau dans les bouteilles vides, ça fait deux mois les toilettes on les utilise plus, pour se laver on va chez mon oncle par exemple, puis chez ma tante… Mais c’est difficile parce que les gens veulent plus qu’on passe chez eux… (femme, locataire, sans revenus, isolée avec 2 enfants).
68Les personnes complètement isolées ne peuvent recourir à la solidarité familiale ou au voisinage. D’autres expliquent ne pas avoir fait part de leurs difficultés à leur entourage car ils éprouvent un sentiment de honte et préfèrent dissimuler leur situation.
Ma mère ne sait pas pour moi que je viens ici, non je ne parle pas de ça à la famille sinon j’existe plus... pas que j’existe plus mais... j’oserais plus me montrer là... Non ils ne comprendraient pas parce qu’ils n’ont jamais eu de difficultés, pour eux tout doit être comme ça et voilà... (femme, locataire, employée, isolée avec un enfant).
VI. Quelles sont les recommandations des ménages en précarité hydrique ?
69La question des recommandations était abordée sous la forme d’une question tout à fait ouverte du type « Comment améliorer le système d’accès à l’eau en Belgique ? Quelles seraient vos propositions ? ».
70De manière générale, les recommandations suivantes sont évoquées par les ménages consultés.
Pouvoir disposer d’une information claire sur l’état de sa situation (sommes à payer, état de la procédure, démarches à accomplir).
Eh bien, j’étais au travail. Mon frère m’appelle. Il me dit : « il faut que tu viennes, il y a deux agents qui sont là pour couper l'eau ». Je lui dis : « tu es sûr ? » Il dit : « oui ». Il a fait son nécessaire pour qu’ils ne coupent pas au moins le temps que je termine car j’étais occupée. Il était 10 h 30. Je suis arrivée en disant :
― Qu’est-ce qui se passe ?
― Et voilà, on a entamé une procédure de coupure.
― Vous êtes sûrs ? À cette adresse ?
― Oui.
Ils m’ont montré le document :
― J’ai ça.
― Contactez Hydrobru !
J’ai contacté, personne. Je recontacte, je recontacte… personne. Mais après, je devais reprendre le travail. J’ai repris le travail et je ne les ai eus que le lendemain. Et avant de les avoir, ça été vraiment... parce qu’on ne comprenait pas (femme, locataire, employée, isolée avec 6 enfants).
Interdire les coupures, trouver des alternatives à celles-ci
71Pour les personnes concernées, la coupure est vécue comme un traumatisme, une injustice, une mesure disproportionnée par rapport au non-paiement de la facture. Pour elles, cette mesure ne trouve pas sa place dans une société moderne dotée de mécanismes de sécurité sociale et de solidarité. Lorsque les sommes sont dues, les personnes ne contestent pas devoir les payer mais expriment ne pas avoir les moyens de les payer. Elles regrettent une non-prise en considération de leur situation particulière, l’absence d’un dialogue possible et le manque d’alternatives.
On devrait enquêter et ne pas fermer. Faire vraiment une bonne enquête et que les gens puissent prouver qu’ils ne peuvent pas payer. Et dans ce cas-là, ne pas couper l’eau. Et leur conseiller de voir un médiateur. Avant de couper, ça j’insiste. Voir aussi qu’il n’y a pas que les gens qui ne travaillent pas qui ont des soucis. On n’est pas à l’abri d’un accident (femme, locataire, employée, isolée avec un enfant).
Par exemple, si on avait dit : « je ne paye pas, je m’en fous », je comprendrais que la personne soit réticente. Mais là, on était prêt à payer avec un échéancier. De toute façon, la somme totale, on ne l’avait pas. Venez saisir, saisissez, mais ouvrez l’eau ! Faites le strict minimum mais ne faites pas un truc aussi brutal ! En 2017, ce n’est pas possible ! C’est comme si vous avez un malade et vous coupez l’électricité. Et on vous dit : « c’est comme ça… » En plus, c’est stupide leur raisonnement parce que finalement, on nous coupe l’eau mais ça nous force à aller acheter de l’eau. Ça nous coûte plus cher à nous et ça nous donne encore moins les moyens de les rembourser. C’est un abus de pouvoir (femme, locataire, employée, isolée avec 6 enfants).
Diminuer le prix, mettre en place un tarif social
72Le prix de l’eau est perçu comme trop élevé au vu du budget des ménages fragilisés. La mise en place d’un tarif social adapté aux revenus permettrait de rééquilibrer les budgets précarisés21. Notons que le montant du loyer est également souvent mis en cause.
Les factures arrivaient chez moi mais c’était trop cher pour une personne. Je ne me lave pas tous les jours. Je n’ai pas de lave-vaisselle. Je n’ai pas de machine à laver. Je n’ai rien. […] Je pense qu’il y a des besoins fondamentaux, des besoins vitaux et qu’il faudrait faire un effort par rapport à cela. Je pense qu’il y a suffisamment de taxes et d’impôts pour récupérer et l’eau… ben, l’eau c’est vital. Il faut permettre une vie décente aux gens quels que soient leurs moyens, quelle que soit leur situation (homme, locataire, allocations de chômage, isolé).
Être informé de ses droits, des aides existantes
73Les personnes sont peu informées de leurs droits et des mesures sociales existantes. Elles considèrent par exemple que le CPAS est inaccessible lorsqu’on ne bénéficie pas du Revenu d’intégration sociale (équivalent du RSA en France). Elles ne sont pas informées des possibilités offertes par le Fonds social de l’eau ni des autres programmes mis en place par le CPAS ou les associations (par exemple : interventions techniques, programmes de prévention, accompagnement administratif, service de médiation de dettes, etc.).
74Elles peinent également à imaginer faire, à leur tour, valoir leurs droits devant la justice, contre un propriétaire qui ne répond pas à ses obligations ou contre une décision prise par le CPAS, par exemple. Et ce, par crainte de représailles, parce qu’elles n’imaginent pas qu’une décision sera prise en leur faveur, parce qu’elles pensent que cette décision ne sera pas effective ou porteuse de solutions directes et enfin, en raison du coût.
On m’a dit d’aller voir un médiateur de dettes. J’ai téléphoné et on m’a dit : « vous avez un salaire ? Vous avez une carte du CPAS ? ». Alors ça m’a fermée. Je me suis dit : « si c’est comme ça, je n’ose pas y aller ». Le fait de savoir que vous travaillez, que vous avez un salaire, vous pensez que les portes sont fermées d’avance (femme, locataire, employée, isolée avec un enfant).
Mettre en place une facture mensuelle
75Une mesure évoquée comme préventive à l’endettement est la possibilité de payer sa facture mensuellement.
Il faudrait changer le système par rapport au paiement. Peut-être des factures mensuelles ou tous les trois mois pour que ce soit plus facile à la place de toujours devoir téléphoner. Même si à chaque fois on a un petit plan de paiement. On n’est pas tranquille tant qu’on n’a pas fini de payer. Avec une facture par trimestre, on se sentirait plus soulagé. C’est payé, on est tranquille (femme, locataire, employée, isolée avec un enfant).
Créer un service social au sein de la société de distribution d’eau
76La demande de créer un service social au sein de Vivaqua répond à deux attentes. D’une part, pouvoir s’adresser à du personnel qui prendra le temps d’apporter des informations claires et précises et, d’autre part, bénéficier d’une analyse de la demande (par exemple lors de la sollicitation d’un plan de paiement) au regard des capacités financières réelles du ménage. Cette recommandation met en évidence le souhait d’un traitement personnalisé de sa situation, au vu des missions de service public de la société distributrice.
Disposer d’un compteur individuel
77Cette recommandation des locataires vivant dans un immeuble disposant d’un compteur collectif répond au souhait, d’une part, de maîtriser sa propre consommation et d’en payer le prix juste et, d’autre part, de ne pas être soumis aux décomptes de charges des propriétaires vis-à-vis desquels les participants expriment de la méfiance. Les participants n’identifient pas le déploiement des compteurs individuels comme un risque d’accroissement du nombre de coupure à plus grande échelle mais le voient comme l’opportunité d’une maitrise plus juste de leur situation individuelle.
Avoir un compteur, c’est mieux. Quand je rentre dans le logement, je prends les index et en fin d’année, je les prends encore une fois. Quand je reçois la facture, je peux vérifier. Si j’utilise plus, je donne plus. Si j’ai utilisé moins, la société me rembourse. Il faut économiser l’eau parce que l’eau sur la Terre, c’est bientôt fini. Après, nous ferons quoi ? Nous ne donnons pas un bon monde à nos enfants (homme, locataire, allocations de la mutuelle, couple avec un enfant).
VII. Conclusion
78L’apport premier de cette recherche est probablement de rappeler que l’accès à l’eau est indispensable mais qu’il n’est pas effectif : en cela, ce chapitre complète judicieusement les réflexions menées en début d’ouvrage sur la mesure de la pauvreté en eau (chapitre 1) et sur le droit à l’eau (chapitres 2, 3 et 6) en montrant d’une part que les chiffres seuls ne peuvent suffire à décrire la détresse de ceux qui sont privés d’un accès à l’eau ou pour qui il est mis en péril, et d’autre part que le droit à l’eau doit non seulement être défendu mais aussi être renforcé.
79À cet égard, le parcours et les recommandations des ménages éclairent également sur le cap à tenir vers un droit effectif.
80Il y a lieu d’interdire les coupures qui ne font qu’aggraver des situations de précarité existantes et qui contribuent à renforcer les mécanismes d’exclusion et d’améliorer l’accessibilité des mesures sociales et des institutions qui les mettent en œuvre.
81De manière préventive, une politique tarifaire tenant compte des capacités financières de chacun, assortie de mesures visant à accroître la qualité des logements et des installations, diminuerait fortement les risques de précarité hydrique.
82Enfin, soutenir les locataires qui veulent faire valoir leurs droits, revoir les procédures de recouvrement et renforcer la collaboration et la communication entre les intervenants contribuerait à réduire le taux de non-recours.
83Cette recherche exploratoire appelle un prolongement au travers d’une recherche qualitative de plus grande envergure sur un échantillon plus large par exemple. Elle pourrait contribuer à définir le concept de précarité hydrique au-delà de ses aspects économiques et d’un seuil d’accessibilité fondé exclusivement sur le rapport entre le coût de l’eau et les revenus. On ne peut nier ni ses dimensions techniques (fuites, obsolescence ou absence des équipements), ni ses dimensions sociales et administratives, dans lesquelles la relation locative et les rapports institutionnels jouent un rôle particulier. Un travail de mise à l’épreuve des recommandations exprimées par les participants devrait être mené en étudiant davantage encore les causes et pistes pour lutter contre les différentes formes de non-recours.
84L’eau n’est pas seulement une ressource naturelle. Elle est aussi un droit fondamental. La consécration du droit à l’eau n’a néanmoins jamais conduit à sa gratuité obligatoire ou à l’interdiction légale des coupures. Toute l’ambigüité de la question repose sur le paradoxe entre la reconnaissance idéalisée de l’eau comme bien commun, fourni par un acteur public, et la réalité d’un bien effectivement marchand. A minima, pour réduire cette dommageable contradiction, les fournisseurs publics devraient, selon nous, garantir la gratuité d’une tranche minimale afin que, désormais, l’ensemble des citoyens puissent consommer ce bien de première nécessité. Car sans un droit inconditionnel à l’eau, les autres droits humains ne peuvent être réalisés tant il est consubstantiel à la dignité et à la vitalité.
Bibliographie
Baudaux A., 2014, « Energy poverty in Brussels: first results of a qualitative survey », Queen’s Political Review, p. 88-99.
Centre d’Appui SocialEnergie, 2017, Précarité hydrique : une tempête dans un verre d’eau ?, Social Energie News, 1.
Centre d’Appui SocialEnergie, 2018, Accès à l’eau un droit pour tous ? Paroles de naufragés, rapport de recherche ; http://www.socialenergie.be/wp-content/uploads/18006-A5-V-Brochure_04_BD.pdf.
De Keersmaecker M-L, 2019, Observatoire des loyers. Enquête 2018, SLRB-BGHM.
Hydrobru, 2016, rapport annuel d’activités ; https://www.vivaqua.be/content/uploads/2021/02/2016_vivaqua_rapport_dactivites.pdf
Observatoire de la santé et du social Bruxelles, 2016, Aperçus du non-recours aux droits sociaux et de la sous-protection sociale en région bruxelloise, Commission communautaire commune, p. 16-19.
Prevedello C., Kryvobokov M., Lemaire E., Pradella S., 2015, Étude sur les consommations résidentielles d’eau et d’énergie en Wallonie, AquaWal, Centre d’études en habitat durable.
Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale, 2015, Services publics et pauvreté, rapport bisannuel 2014 -2015, p. 150-180.
Van Vooren D., 2018, De l’eau pour tous ! État des lieux de la précarité hydrique en Belgique, Éditions de la Fondation Roi Baudouin.
Notes de bas de page
1 Article 23 de la Constitution : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. À cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice. Ces droits comprennent notamment : le droit à la protection de la santé ; le droit à un logement décent ; le droit à la protection d’un environnement sain ».
2 Article 11 de l’Observation générale, n° 15 selon lequel « l’eau devrait être considérée comme un bien social et culturel et non essentiellement comme un bien économique ».
3 Proposition de résolution relative au droit universel à l’eau, DOC 52 2546/001, 9avril 2010. Malheureusement, elle n’a pas pu être votée avant la dissolution de la Chambre des représentants en mai 2010.
4 Ordonnance bruxelloise du 20 octobre 2006 établissant un cadre pour la politique de l’eau, art. 2.
5 Les intercommunales Vivaqua et Hydrobru ont récemment fusionné pour laisser place à Vivaqua. Dans les extraits de témoignages, les personnes citent encore régulièrement Hydrobru.
6 Le Centre public d’action sociale (CPAS) assure la prestation d’un certain nombre de services sociaux publics. Chaque commune ou ville a son propre CPAS offrant un large éventail de services (aides financières, service énergie, aides au logement, médiation de dettes, insertion socioprofessionnelle, etc.).
7 Par exemple, trois personnes vivant ensemble et consommant 120 m3 d’eau par an paieront 702 € si seule l’une d’elles est prise en compte dans la composition de ménage ; elles paieront 432 € si les trois personnes sont prises en compte dans la composition du ménage.
8 Source : rapports d’activité de Vivaqua.
9 Les ménages fournis en eau par le biais d’un compteur collectif sont actuellement prémunis contre la coupure. La généralisation des compteurs individuels se traduirait par un triplement du nombre de compteurs individuels et donc – à proportion constante de compteurs individuels coupés – à un triplement du nombre absolu des coupures d’eau.
10 On peut définir la précarité hydrique comme une situation dans laquelle se retrouve une personne qui n’a pas accès à une eau soit en quantité, soit de qualité suffisante et qui, par conséquent, n’est pas en mesure de répondre à ses besoins de base comme l’alimentation, l’hygiène corporelle et le logement. Cette définition de la précarité hydrique s’apparente à la notion de précarité en eau définie en introduction de l’ouvrage : elle n’inclut pas l’idée de seuil relatif à la part de dépense en eau dans le budget disponible du ménage utilisée dans l’évaluation de la pauvreté en eau (voir chapitre 1 du présent ouvrage), qui permet de délimiter la frontière entre les ménages pauvres en eau et ceux qui ne le sont pas. Sandrine Vaucelle (chapitre 4) utilise également la formulation de précarité hydrique mais selon la définition donnée à la pauvreté en eau dans le chapitre 1 du présent ouvrage.
11 François Grevisse s’est chargé d’encadrer la recherche et de la récolte de données quantitatives alors qu’Anne Delvaux a procédé aux entretiens et analyses des données avec le soutien de l’équipe de recherche de la FDSS.
12 Créé en 1989, Bruxelles Environnement est l’administration de l’environnement et de l’énergie en région de Bruxelles-Capitale : https://environnement.brussels/.
13 Les constats sont décrits dans Centre d’Appui SocialEnergie, 2017, Précarité hydrique : une tempête dans un verre d’eau ?, Social Energie News, 1 ; https://www.fdss.be/wp-content/uploads/A4_Publication_Eau_Fev17_3-1.pdf.
14 En région bruxelloise, le taux de risque de pauvreté ou d’exclusion sociale est compris entre 35 % et 42%. Ce taux de risque de pauvreté ou d’exclusion sociale correspond au pourcentage de personnes répondant à au moins une des conditions suivantes : (1) vivre dans un ménage avec un revenu disponible inférieur au seuil de risque de pauvreté ; (2) être âgé de 0 à 59 ans et vivre dans un ménage avec une faible intensité de travail ; (3) se trouver dans une situation de privation matérielle sévère. Source : baromètre social - rapport bruxellois sur l’état de la pauvreté, 2018.
15 Le seuil de risque de pauvreté correspond à 60 % du revenu disponible équivalent médian. En Belgique, sur base de l’enquête EU-SILC 2017 (revenus de 2016), ce seuil est de 13 670 € par an.
16 Le taux de risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, défini ci-dessus, se distingue du seuil de risque de pauvreté par la prise en compte d’autres dimensions de la pauvreté que celle des revenus (pauvreté monétaire).
17 Les citations sont issues de la recherche exploratoire Accès à l’eau, un droit pour tous ? Paroles de naufragés menée en 2018 par le Centre d’Appui SocialEnergie, Fédération des services sociaux. https://www.socialenergie.be/wp-content/uploads/Conclusions_recherche_precahydrique.pdf.
18 Lorsqu’un logement ne respecte pas les conditions minimales de sécurité, de salubrité et d’équipement élémentaire (humidité prononcée, pas d’éclairage naturel, pas de chauffage, pas d’eau chaude, etc.), l’occupant peut porter plainte auprès de la Direction de l’inspection régionale du logement de la région Bruxelles-Capitale (DIRL). Si les inspecteurs constatent des manquements au Code du logement, le service adressera une mise en demeure au bailleur afin que celui-ci fasse les travaux dans les douze mois. Si le logement présente des risques réels et sérieux pour la sécurité, il pourrait être interdit immédiatement à la location, laissant souvent le locataire dans l’impasse et les difficultés de relogement.
19 La justice de paix est la juridiction compétente pour des contestations relatives aux louages d’immeubles qui naîtraient d’un bail ordinaire, d’un bail de logement, d’un bail commercial et d’un bail à ferme, et ce, quel que soit le montant ; des demandes en paiement d’indemnités d’occupation et en expulsion de lieux occupés sans droit ; https://www.tribunaux-rechtbanken.be/fr/tribunaux-etcours/justice-de-paix.
20 Contrairement à la situation parisienne décrite par Lucie Bony et Claire Lévy-Vroelant dans le chapitre 9 de cet ouvrage, il existe très peu de bains-douches à Bruxelles et ceux-ci sont payants. Dans le cadre de cette enquête, ils n’ont été mis en évidence comme « solution ponctuelle » pour accéder à l’eau que dans un seul entretien.
21 Cette recommandation fait écho à celle mise en avant par Henri Smets pour « rendre effectif le droit à l’eau », à savoir développer « l’aide aux personnes démunies pour le paiement des factures d’eau » (voir chapitre 6 du présent ouvrage).
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