En quoi a consisté la révolution démographique
p. 78-86
Texte intégral
I
1On a vu que la démographie de la France avait comporté jusque vers la fin du xviiie siècle – et celle des autres pays européens jusqu’à des époques plus récentes – une forte natalité, résultant du fait que, d’une manière très générale, la restriction des naissances dans le mariage n’était point pratiquée. Pour bien caractériser cette démographie ancienne, d’autres indications, d’une haute importance, sont à ajouter. L’esprit de prévoyance, au regard de la vie familiale, n’était pas absent : la plupart des hommes avaient la préoccupation que cette vie familiale n’entraînât point pour eux, pour leurs enfants éventuels, une dégradation de la condition à laquelle ils étaient accoutumés, qu’ils considéraient, à ce titre, comme normale pour eux et pour les leurs. La tendance dominante était donc pour chacun de vouloir maintenir le « niveau de la vie » – comme l’on dirait aujourd’hui – existant, d’empêcher que ce niveau ne fût abaissé par la multiplication excessive de la famille ; et le moyen que l’on employait à cet effet était de pratiquer le célibat ou de retarder le mariage. Une fois marié, on laisse agir la nature ; mais quand une famille est nombreuse, une partie des enfants, surtout si cette famille a du bien, ne se marient pas, soit qu’ils entrent en religion, soit qu’ils aillent faire carrière au dehors. Beaucoup d’hommes, par ailleurs, ne se marient qu’après s’être assuré une situation leur permettant d’élever convenablement les enfants qui leur viendront.
2Les caractéristiques qui viennent d’être indiquées – une tendance à maintenir le niveau de bien-être accoutumé, et la nuptialité réglée par la volonté de l’homme comme méthode pour obtenir ce résultat –, définissent ce qu’il convient d’appeler un régime démographique : c’est le régime d’après lequel Cantillon, analyste très pénétrant de la société de son temps, a construit sa théorie de la population1.
3Antérieurement à ce régime, il y en a eu un autre. Là, aucune préoccupation des conséquences que peut avoir, pour le bien-être des individus, des familles, la multiplication sans frein des membres de celles-ci2. Non seulement on ne limite pas les naissances dans le mariage, mais personne ne s’abstient de se marier, ne retarde son mariage dans une pensée de prévoyance. De la sorte, la natalité sera supérieure à celle que l’on a dans le régime précédemment considéré ; mais la population tendant à croître, il en résultera un abaissement du niveau du bien-être, conséquemment une augmentation de la mortalité, jusqu’à ce que celle-ci, devenant égale à la natalité, enraye l’accroissement de la population.
4Après ces définitions sommaires, il y aurait bien des remarques à introduire pour donner une idée complète, et en même temps une idée juste, des deux régimes indiqués. S’il s’agit, par exemple, du régime primitif, il conviendrait de dire que la natalité qu’il comporte ne correspond pas nécessairement au maximum absolu de la natalité, c’est-à-dire au maximum physiologique ; il s’établira au-dessous de ce maximum en raison, notamment, des coutumes concernant la durée de l’allaitement, et tout d’abord l’âge du mariage – car si les calculs individuels de prévoyance ne jouent point par rapport au mariage, la coutume régit celui-ci. Il faudrait noter que, contrairement à ce qu’on imagine souvent, et à ce que certains auteurs ont écrit, le « minimum d’existence » auquel, dans le régime primitif, la classe inférieure de la société est réduite n’indique pas un état constant de misère : pour les humains comme pour les bêtes, la condition où s’égalisent la mortalité et la natalité ne tient pas les individus, leur vie durant, au bord de la mort, et peut comporter même une part de bien-être appréciable. Il faudrait dire encore que, si le régime primitif tend vers un équilibre où la mortalité, résultat de la densité de la population, limite à son tour celle-ci, la détermination de cet équilibre n’est pas sans présenter des difficultés : on voudra sans doute, pour cette détermination, laisser de côté les catastrophes résultant d’événements tout à fait exceptionnels comme un déluge, une grande peste, une invasion ; mais s’il y a des épidémies, des famines qui reviennent périodiquement, encore que la périodicité n’en soit pas très régulière, et si la fréquence de ces accidents est telle que le maximum théorique de la population soit rarement atteint, ou ne le soit jamais, ne faudra-t-il pas tenir compte de telles fluctuations – ce qui d’ailleurs ne laissera pas d’être délicat ?
5Ce que nous tenons surtout à souligner, c’est que nos deux régimes démographiques, si on veut en donner des définitions rigides, seront des schèmes auxquels la réalité ne correspondra, bien souvent, que d’une manière imparfaite. Il en est déjà ainsi pour le régime primitif. Celui-ci pourra, dans la réalité, s’écarter de la pureté théorique si le souci des conséquences économiques de la reproduction détourne un certain nombre d’individus du mariage ou les détermine à retarder leur mariage : comment d’ailleurs, si cela n’arrivait pas, pourrait s’effectuer le passage du régime primitif à ce régime que la France avait au xviiie siècle, et qu’on pourrait appeler le régime intermédiaire ? Il n’est pas inconcevable, même, qu’une autre altération du régime primitif se produise et que, la restriction des naissances dans le mariage s’y introduisant, on aille directement au régime qui est celui de la France de nos jours ; et peut-être est-ce une telle transformation qui se fait, actuellement, dans certains pays.
6Du régime intermédiaire, on peut dire quelque chose de pareil : lui aussi est susceptible de s’altérer, pour céder la place au régime que nous appellerons contemporain. Mais tout d’abord, le régime intermédiaire est, par sa définition même, en quelque sorte flottant. Ce qu’il y a d’essentiel en lui, à savoir la tendance au maintien du niveau de vie accoutumé, ne peut être, dans l’individu, que vague ; et les calculs que cette tendance inspirera ne sauraient aboutir exactement, dans l’ensemble, au résultat visé.
7Supposons les régimes primitif et intermédiaire réalisés à l’état pur. Quels seront, dans ces régimes, les facteurs qui vont influer sur la population ?
8Il y a d’abord la productivité de l’économie. On a rencontré déjà cette notion. Elle est extrêmement complexe, en ce sens que la productivité dépend elle-même d’un grand nombre de données. Ici comptent les richesses naturelles du sol, du sous-sol, de la mer, la fertilité des « fonds » que la nature offre à l’homme pour être exploités par lui, puis la valeur des hommes appelés à exploiter ces fonds, c’est-à-dire l’ensemble de leurs qualités physiques, intellectuelles et morales, puis encore le développement de la technique productive et la diffusion du savoir technique, les capitaux mis en œuvre dans la production, l’organisation et le fonctionnement plus ou moins satisfaisants de la vie publique et de l’administration des collectivités. Une mention doit être faite du régime et de la distribution de la propriété, lesquels peuvent inciter à des modes d’exploitation des fonds qui, réduisant le produit brut de ceux-ci – pour en accroître le produit net –, seront défavorables à la population3. Et il convient encore de rattacher à la notion de la productivité les goûts des consommateurs, la direction de la demande, laquelle favorisera plus ou moins la population, selon la préférence qu’elle accordera aux biens dans lesquels est incorporée une quantité relativement forte du travail humain, ou aux biens qui en contiennent moins4.
9D’un autre côté, il y a la mortalité : que l’on entende la mortalité dans son rapport avec le niveau du bien-être, la courbe que dessine la mortalité selon que le bien-être sera plus ou moins grand – courbe variable, cela est évident, selon l’état du savoir médical et hygiénique, et l’utilisation qui est faite de ce savoir5.
10La productivité, et la mortalité au sens qui vient d’être dit – nous l’appellerons, pour la commodité du discours, la mortalité relative –, tout se réduit à cela dans le régime démographique primitif : car cela conditionne et détermine le nombre des hommes qui pourront vivre, qui vivront sur un territoire donné. Un facteur comme la natalité plus ou moins forte – résultant, par exemple, de l’âge plus ou moins jeune où la coutume veut que soient conclus les mariages – ne modifiera pas ce nombre ; il aura seulement cette conséquence, si l’on est momentanément en dessous, qu’on l’atteindra plus ou moins vite.
11Dans le régime intermédiaire, les mêmes facteurs agissent pour conditionner et déterminer la population, plus un facteur nouveau qui est la tendance des hommes à maintenir, pour eux et pour les leurs, le genre de vie accoutumé. Ici, c’est un facteur psychologique qui intervient. Mais ce facteur psychologique se trouve être un facteur de stabilité qui, par définition, si l’on peut ainsi dire, tend à maintenir la population constante.
12En somme, dans les deux régimes, les facteurs pouvant varier, et en conséquence faire varier la population – pour mieux parler, pouvant changer le point d’équilibre de celle-ci –, sont des facteurs d’un caractère objectif, étrangers à la psychologie.
13Faut-il donner une idée de ce que sera, dans l’un et l’autre des régimes dont il s’agit, l’action de tels facteurs ? Considérons seulement la technique comme étant, parmi les éléments d’où résulte la productivité, un élément qui normalement varie dans un sens unique, celui du progrès, et d’autre part la mortalité relative, au sujet de qui on peut faire la même remarque.
14Dans le régime primitif, si la technique progresse, le bien-être de la population en sera accru, d’où un abaissement de la mortalité – il s’agit cette fois de la mortalité effective –, et conséquemment une augmentation de la population ; cette augmentation ramènera peu à peu le bien-être à son niveau primitif, et la diminution du bien-être fera elle-même remonter la mortalité. Au bout de ce processus, quand l’équilibre sera rétabli, on aura une population accrue, avec un niveau de bien-être pareil à ce qu’il était tout d’abord.
15Prenons maintenant l’hypothèse d’un abaissement de la mortalité relative. Sans qu’il soit nécessaire de développer le processus qui conduira au nouvel équilibre, il suffira d’indiquer que cet équilibre nouveau comportera lui aussi une population accrue, mais avec un niveau de bien-être réduit : cette réduction, qui affectera les conditions de la vie quotidienne, sera la rançon de la diminution des risques de mort et des risques de maladie, puisque la maladie est habituellement l’antichambre de la mort.
16Dans le régime intermédiaire, en cas de progrès de la technique, on aura comme tout à l’heure, avec l’équilibre rétabli, un même bien-être – puisque la caractéristique essentielle du régime est que la volonté de l’homme y agit en vue de maintenir constant un certain niveau de vie – et une population accrue. En cas d’abaissement de la mortalité relative, on aura toujours un même bien-être, avec une population égale à celle d’auparavant, le seul changement étant que le frein de la restriction de la nuptialité devra agir davantage afin de ramener les naissances au niveau abaissé des décès.
17Dans une discussion plus complète, il faudrait encore, pour l’un et l’autre régime, envisager l’action combinée du progrès de la technique et de l’abaissement de la mortalité relative.
18Voudra-t-on tenter de faire des applications de la théorie à l’histoire ? Prenons, par exemple, la France pendant le règne de Louis XV. Elle est sous le régime démographique intermédiaire. Si la mortalité relative s’abaisse, ce n’est encore que dans une mesure faible, en sorte qu’on peut négliger d’en faire état. En revanche, la technique de la production, particulièrement de la production agricole, réalise des progrès qui ne sont pas négligeables et – chose notable – il s’agit non pas de progrès qui se seraient manifestés à une certaine date, mais de progrès se développant d’une manière continue, à la fois par l’augmentation du savoir, la diffusion et l’utilisation de celui-ci. Et alors, le processus par lequel un équilibre détruit sera remplacé par un nouvel équilibre étant un processus lent, comme les conditions du nouvel équilibre vont changeant sans cesse, ce processus continuera de se développer sans atteindre son terme. Il y a lieu d’ailleurs d’ajouter cette remarque importante que, lorsqu’une population vivant sous le régime intermédiaire connaît pendant un temps suffisamment long un niveau de vie supérieur à celui auquel elle était antérieurement accoutumée, une accoutumance nouvelle se fait à ce niveau supérieur. L’ensemble de ces considérations donne une explication vraisemblable des caractéristiques que l’on observe dans l’exemple envisagé, à savoir une augmentation de la population résultant immédiatement d’une mortalité inférieure à la natalité, et une certaine amélioration des conditions de vie.
19Un exemple encore : celui que nous présente l’Angleterre du xixe siècle, jusqu’au moment où commence le déclin – qui va être si rapide et si profond – de la natalité. Ici aussi, la technique progresse – beaucoup plus que dans la France du xixe siècle ; et la productivité bénéficie en outre, dans une mesure considérable, de cette situation privilégiée que l’Angleterre possède parmi les nations, grâce à ses ressources minérales, à son avance comme nation industrielle, à sa supériorité pour les transports maritimes, la banque, l’assurance. En même temps, la mortalité est fortement réduite. Comme résultat, on a simultanément une croissance de la population beaucoup plus rapide que dans l’exemple précédent, et aussi une amélioration plus marquée des conditions de vie.
II
20Nous venons de parler de deux régimes démographiques entre lesquels il existe une parenté assez étroite. Le troisième régime, le régime contemporain, est très différent.
21Ce régime contemporain, on l’a vu, se caractérise par la pratique généralisée de la restriction des naissances. Et au sujet de cette pratique, l’observation doit être faite qu’elle peut avoir des conséquences allant beaucoup plus loin que celles de la restriction de la nuptialité. Le célibat, le mariage retardé ne sauraient donner, comme moyens de diminuer la procréation, que des résultats limités. Des besoins de divers ordres, des nécessités même font que la plupart des hommes se marient, et se marient à un âge relativement peu avancé – du moins en est-il ainsi depuis bien longtemps ; car dans la Rome antique on a vu qu’il pouvait en aller autrement. La restriction des naissances dans le mariage, elle, a, pour jouer, une marge beaucoup plus étendue.
22Mais ce qu’il y a d’essentiel dans le régime contemporain, c’est que l’intention de régler la procréation n’est plus, dans la réalisation, guidée par une vue simple, celle d’assurer un niveau de vie convenable, c’est-à-dire de maintenir le niveau de vie accoutumé. C’est par des vues diverses, nous le savons, qu’elle sera guidée.
23Or, quand des vues économiques – dans l’acception stricte de ce mot – détermineront la procréation, ce sera souvent, non pas pour maintenir l’ancien niveau de vie, mais pour l’élever, au profit des parents et au profit de la progéniture. Quand on veut éviter que le patrimoine se partage après sa mort, on est conduit le plus souvent à ne vouloir qu’un enfant. Là où l’on craint la gêne apportée par les enfants, la restriction des naissances pourra aller jusqu’à supprimer complètement celles-ci.
24Il y a donc un facteur psychologique qui agit, comme dans le régime intermédiaire. Mais le facteur psychologique que l’on rencontre dans le régime intermédiaire représente une des conditions de l’équilibre de la population ; il est par essence, comme il a été dit déjà, un principe de stabilité : les autres conditions de l’équilibre étant supposées constantes, la population ne variera pas. Le facteur nouveau en présence duquel nous sommes est, au contraire, un principe de changement.
25Des conséquences importantes découlent de là.
26Que deviendra l’action des facteurs non psychologiques qui, dans les deux premiers régimes, influaient sur la population ? Le progrès de la technique n’aura plus comme conséquence nécessaire un accroissement de la population. Sans doute il tendra à augmenter celle-ci en tant que, élevant le niveau du bien-être, il diminuera la mortalité.
27Mais que se passera-t-il du côté de la natalité ? Le niveau plus élevé du bien-être pourra modifier les dispositions des hommes au regard de la restriction des naissances : mais dans quel sens ? Divers auteurs ont cru voir que la natalité baissait quand il y avait plus d’aisance, en telle sorte que l’élévation du niveau du bien-être aurait aujourd’hui une influence contraire à celle d’autrefois. Mais la relation que l’on a cru constater, et qui a existé en effet pendant un temps, paraît se vérifier moins chaque jour : si les gens aisés ont adopté les premiers la prévoyance familiale – pour désigner d’un mot l’ensemble des idées et des sentiments qui font limiter les naissances –, la classe populaire tend à les rejoindre à cet égard, et peut-être les dépassera-t-elle. Tout ceci étant, dans la mesure où le mouvement de la population deviendra indépendant de la productivité, l’augmentation de cette dernière aura pour conséquence le relèvement du bien-être ; elle entraînera, notamment, la hausse des salaires6.
28Quant à l’abaissement de la mortalité relative, elle provoquera tout d’abord une augmentation de la population avec diminution du bien-être. Pour ce qui est de l’influence qu’ensuite la diminution du bien-être pourra exercer sur la population, on vient de voir qu’elle n’est pas aisée à déterminer.
29La remarque capitale, c’est que, dans le régime contemporain, il n’y a plus d’équilibre de la population. Dans les deux autres régimes, il en existait un, qui se définissait par rapport à un certain ensemble de données ; ces données étant supposées constantes, on tendait vers une égalisation de la mortalité et de la natalité, vers un état de la population destiné à demeurer par la suite stationnaire. On ne voit plus rien de tel aujourd’hui.
30Ajoutons qu’en fait, jadis, la courbe générale de la population, à travers les générations et les siècles, se caractérisait comme une courbe ascendante, montant d’ailleurs lentement, du moins avant le xixe siècle. Ceci était le résultat nécessaire des progrès de la technique productive, des progrès de la médecine et de l’hygiène, qui doivent être continus, à moins de grands bouleversements comme il s’en est produit dans l’histoire. Avec le régime démographique contemporain, cet accroissement de la population cesse d’être nécessaire : on pourra même voir la population décroître, malgré les progrès, si remarquables seraient-ils, soit de la technique productive, soit de la médecine et de l’hygiène. Et il n’y a plus aucun fondement pour certaines idées auxquelles des auteurs se sont attachés, ou qui ont un large cours : l’idée d’un état stationnaire où la population se fixerait un jour7, et aussi l’idée, parente de celle-là, de la réparation assurée des pertes de population que causent certaines grandes calamités. Ronsard disait :
« Le Gaulois semble au saule verdissant :
Plus on le coupe, et plus il est naissant,
Et rejetonne en branches davantage,
Prenant vigueur de son propre dommage8. »
31Ronsard avait raison pour son temps, mais non pour le nôtre. Après les pertes immenses de la dernière guerre, le surcroît de naissances qui s’est manifesté en France au lendemain de cette guerre a été minime. Il y avait en 1914, sur le territoire actuel de la France, 753 000 naissances : on en aura 834 000 en 1920, 812 000 en 1921 et, dès 1922, on se retrouve, avec 760 000 naissances, à peu près au niveau de l’avant-guerre.
32Tout changement de régime, dans le domaine démographique comme ailleurs, peut être regardé comme constituant une révolution. La soudaineté du changement n’est pas nécessaire. La révolution qui nous occupe a commencé, pour les différents pays déjà affectés par elle, non pas sans doute tel ou tel jour, mais cependant à des époques que l’on peut indiquer, au vu des statistiques, avec une précision très suffisante. Pour ce qui est de dire, par rapport à chaque pays, quand elle s’est trouvée ou quand elle se trouvera accomplie, c’est une question qui ne comporte que des réponses arbitraires, parce que le régime nouveau se définit comme un régime non d’équilibre, mais de mouvement.
33Nous avons, par ailleurs, marqué la grande importance théorique du changement qui a introduit le régime démographique actuel. Nous avons donné aussi une idée de la gravité qu’il pouvait présenter dans l’ordre pratique. En approfondissant ce dernier point, la révolution démographique contemporaine va apparaître comme proprement formidable.
Notes de bas de page
1 Voir R. Cantillon, Essai sur la nature du commerce en général, partie I, chap. 11 et 15.
2 Ceci est une vue générale qui peut comporter des exceptions. Dans certaines peuplades primitives ou peu avancées, le souci d’une multiplication excessive existe, provoquant l’avortement ou l’infanticide. Parfois, d’ailleurs, le recours à ces pratiques est imposé par une véritable nécessité : ainsi dans ces tribus de chasseurs où la famille est contrainte fréquemment à de longs déplacements, et qui ne disposent pas de moyens de portage ; car la mère ne peut guère porter qu’un enfant (voir P. Descamps, « Comment les conditions de vie des sauvages influencent leur natalité », Revue de l’Institut de sociologie, septembre 1922 ; « La natalité chez les primitifs », Bulletin de la Société d’anthropologie de Paris, 1923.
3 Voir notre Utilité sociale de la propriété individuelle (1901), partie I, chap. 2.
4 Voir notre article « Une théorie négligée : de l’influence de la direction de la demande sur la productivité du travail, les salaires et la population », Revue d’économie politique, 1910.
5 L’utilisation du savoir médical et hygiénique dépend pour partie du bien-être, ainsi qu’il a été dit plus haut : ce fait n’est pas sans rendre quelque peu délicate la démarcation entre les deux facteurs dont l’influence est examinée ici.
6 Dans le même sens, à propos de l’influence de la direction de la demande, voir notre article déjà cité, « Une théorie négligée ».
7 J.V. Tallqvist, dans Recherches statistiques sur la tendance à une moindre fécondité des mariages (op. cit., p. 98-99), admet qu’un pays puisse un jour tendre à se dépeupler ; mais alors l’immigration comblera les vides. D’après lui, pour le complexe des peuples, la décroissance de la fécondité est destinée à s’arrêter – il ajoute que des périodes immenses devront être parcourues avant qu’on n’arrive à l’état stationnaire de la population. Ce raisonnement se fonde sur l’argument que, la fécondité descendue à un certain niveau, le manque de bras, les hauts salaires agiront comme des primes à la famille. Mais cet argument n’a aucune solidité.
8 Bocage royal (Discours à la princesse Elizabeth, reine d’Angleterre). Il existe un autre texte de Ronsard où la même comparaison reparaît, présentée dans des termes à peu près identiques (Entrée de Charles IX à Paris, éd. Laumonier, t. VI, p. 427).
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