Chapitre 4. Enquête « Trois générations », Cnav, France, 1992
p. 121-147
Résumé
L’enquête « Trois générations » traite des solidarités familiales, à savoir leur nature, leur forme et leur circulation entre les générations. Réalisée sous la direction de Claudine Attias-Donfut, dans le cadre de la Cnav et avec le concours de l’Insee, elle présente l’originalité d’inclure trois générations adultes, appartenant à la même famille sans vivre nécessairement sous le même toit. Menée sur l’ensemble du territoire de la France métropolitaine et à partir d’un échantillon aléatoire de personnes âgées de 49 à 53 ans en 1992, ayant au moins un parent vivant et un enfant adulte, l’enquête porte finalement sur 4 668 personnes, dont 1 958 enquêtés pour la génération intermédiaire, 1 217 pour la génération des parents âgés et 1 493 pour la génération des jeunes adultes. Compte tenu des non réponses dans l’une ou l’autre génération, les données recueillies pour certaines lignées se limitent parfois à deux questionnaires, et dans certains cas, ne sont disponibles que pour la génération pivot (dont le questionnaire a été conçu pour contenir les informations de base sur l’ensemble de la lignée). Finalement, sur les 1 958 lignées sur lesquelles on a recueilli des informations, un peu plus de la moitié, 995, cumulent les réponses des trois générations.
Cette phase quantitative a été complétée par une enquête qualitative sur un sous-échantillon de 30 lignées, sélectionnées parmi celles qui avaient donné leur accord pour participer à cette seconde phase. Seules ont été retenues les lignées dans lesquelles les trois générations avaient répondu et étaient toutes d’accord pour cette réinterrogation. Celle-ci s’est déroulée en 1997-1998 dans trois zones (Île-de-France, Toulouse et Lyon) et sous forme d’entretiens approfondis au domicile de la personne interrogée, enregistrés et retranscrits. Au total 90 entretiens ont été réalisés et exploités. La méthode de recueil des données combine plusieurs techniques : l’entretien semi-dirigé (reprenant certaines des questions de l’enquête statistique, pour en explorer les significations), le dessin de la généalogie et l’observation ethnographique au cours de l’entretien.
Texte intégral
1Équipe de recherche
2L’équipe de recherche de l’enquête quantitative, dirigée par Claudine Attias-Donfut, inclut : Alain Rozenkier et Sylvie Renaut. Ont également été associés à l’exploitation de cette enquête François-Charles Wolff, Luc Arrondel et André Masson.
3L’équipe de recherche de l’enquête qualitative est composée de Claudine Attias-Donfut, Nicole Lapierre et Martine Segalen.
4Initiateur de la recherche
5Cette enquête sur les relations et les pratiques d’entraide entre générations au sein de la famille a été conçue comme le prolongement empirique d’un travail théorique sur la « sociologie des générations ». Son objectif était de tester certaines des hypothèses qui y avaient été élaborées, notamment sur la transformation des rapports entre générations en relation avec la modernisation et l’évolution de l’État providence, sur l’articulation entre les changements des rapports de sexe et de génération, et sur l’impact des besoins accrus des personnes âgées dépendantes, résultant de l’augmentation de la longévité. Sur ce dernier point, l’enquête « Trois générations », s’inscrit dans la ligne du programme de recherche de la Caisse nationale d’assurance vieillesse qui place dans ses thèmes prioritaires la dépendance des personnes âgées, ses modalités, son incidence, ses coûts et les formes diverses de sa prise en charge individuelle, familiale et collective. Les résultats d’une précédente recherche menée à la Cnav sur le « prix de la dépendance », en 1988, avaient permis d’évaluer l’ampleur de l’aide apportée par l’entourage familial, et principalement par les enfants, pour faire face à la dépendance et son rôle incontournable dans le maintien à domicile. L’enquête « Trois générations », dont les objectifs portaient notamment sur l’approfondissement de l’étude du soutien familial aux personnes âgées et des rapports entre générations, la prolonge d’une certaine façon. Son projet a été approuvé par le conseil d’administration de la Cnav en 1991.
1. Problématique et objectifs
1.1. Courant de recherches dans lequel s’inscrit l’enquête
6Cette recherche se situe aux frontières de la sociologie de la famille, des générations et celle du « cours de vie », tel qu’il est façonné par les relations entre générations. Son approche des liens de parenté rompt avec les visions, alors dominantes en sociologie de la famille (orientées vers l’étude du couple et des jeunes enfants), et privilégie la dimension de la filiation et de la généalogie sur celle de l’alliance ou de l’unité familiale de résidence. Elle prend en compte l’importance de la ligne générationnelle, accrue du fait de l’allongement de la vie moyenne, et de l’avènement de la famille multigénérationnelle.
7Dans les années 1970 et 1980, des études avaient mis en évidence le rôle de la famille comme maillon essentiel du système de santé. Ce thème a fait l’objet d’un appel d’offre de la mire « Famille, santé, société » en 1984. Cependant, les études qui ont été menées dans ce cadre n’ont pas suffisamment intégré l’ensemble du réseau familial dans sa dimension intergénérationnelle. L’entraide familiale est un champ de recherche riche de très nombreux travaux, français, anglo-saxons et plus largement européens, qui conjuguent à la fois approches théoriques et différentes méthodes d’analyse statistique. En France, si certains auteurs (Gokalp, Pitrou ou Roussel) avaient perçu, dès la fin des années 1970, la permanence des liens familiaux dans la parenté proche, ce n’est que plus tard que se sont développées les recherches visant à identifier des types de pratiques ou de comportements dans la famille, à partir de préoccupations souvent assez proches comme la question des mécanismes de l’aide et des motivations du don (Lévesque et al., 1997).
8Dans ce champ de recherche, cette enquête est unique, non seulement par le fait qu’elle interroge trois générations adultes d’une même famille en posant des questions identiques, symétriques ou complémentaires à chacun des membres interviewés, mais aussi par le mode de construction des générations, ancré sur la génération pivot, dont le rôle clé a pu ainsi être mis en évidence de façon pionnière. Il faut souligner l’intérêt de disposer d’une enquête conçue dans une dimension trigénérationnelle quand de nombreux travaux, qui étudient le soutien et l’entraide intergénérationnels, le font à partir des réponses d’un seul membre de la parenté, sans pouvoir mettre en perspective ces réponses avec le reste de la lignée42.
1.2. Objectifs
9L’analyse des transmissions socio-économiques et statutaires descendantes et ascendantes forme l’axe principal de la recherche. Transmissions ascendantes et transmissions descendantes procèdent au réseau complexe de l’échange familial au travers des générations. Le considérer dans son intégralité (c’est-à-dire non pas à sens unique et non limité à deux générations successives), mais en englobant l’ensemble de la lignée, était indispensable pour évaluer les coûts sociaux et familiaux des charges, qui sont partagés par la famille et les politiques sociales : les soins aux enfants, aux vieillards dépendants et à tout membre de la famille ayant besoin d’aide. Si l’on s’accorde généralement sur l’intérêt de calculer le coût d’un enfant ou le coût de la dépendance des personnes âgées, il convient également d’en évaluer les « bénéfices », même différés.
10Ces trois générations se situaient chacune à des étapes différentes de leur cycle de vie : les grands-parents retraités de 70 à 80 ans, abordaient leur quatrième âge, tandis que les parents quinquagénaires, au faîte de leur vie professionnelle, voyaient leurs enfants peu à peu quitter le foyer pour démarrer une vie indépendante et créer leur propre famille. Elles combinent ainsi les caractéristiques des générations familiales, historiques et économiques, et permettent de considérer les rapports de générations dans toutes ces dimensions enchevêtrées. Le questionnement portait, pour chaque génération, sur les caractéristiques sociodémographiques de l’enquêté, de son conjoint, de ses parents, de ses beaux-parents, de ses enfants, les contacts et relations familiales, les activités sociales, les aides et services reçus ou rendus financiers et en nature, les donations et héritages, la vie professionnelle, les loisirs et vacances, les attitudes et opinions sur les relations de couples, les modèles d’éducation, les représentations des générations.
1.3. Présentation du type d’enquête
11Les entretiens « face à face », menés par les enquêteurs de l’Insee, sur la base d’un questionnaire « fermé » après prise de rendez-vous par lettre et téléphone, duraient en moyenne une heure et demie. Les entretiens approfondis, pour la phase qualitative, duraient au minimum deux heures.
1.3.1. Financement
12La majorité du financement du projet a été assurée par la Cnav. S’y sont associés la Cnaf (Caisse nationale des allocations familiales), la Cnam (Caisse nationale de l’assurance maladie), la msa (Mutualité sociale agricole), l’Arrco (Association pour les régimes de retraite complémentaire), l’Agirc (Association générale des institutions de retraite des cadres), la Caisse de sécurité sociale dans les Mines, l’Ircantec (Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques).
1.3.2. Date et durée de la collecte
13Les premières réunions de travail avec l’Insee ont débuté en 1990 et ont porté sur la méthodologie d’échantillonnage. L’enquête pilote a été réalisée entre le 15 janvier et le 15 mars 1992 en régions Poitou-Charentes et Midi-Pyrénées, les deux directions régionales de l’Insee participant au test. L’enquête générale a démarré en avril 1992 avec la formation des responsables des enquêtes dans les directions régionales. À l’automne 1992, l’enquête est poursuivie auprès des 1 654 grands-parents et 1 842 enfants. Compte tenu de la complexité de l’échantillon et du risque de refus des parents ou des enfants de participer à la deuxième phase de l’enquête, un entretien a été proposé à chacune des personnes pour lesquelles l’adresse est connue, même si l’on sait d’emblée la famille « incomplète ». Ainsi, 1 217 et 1 493 entretiens sont réalisés respectivement auprès des parents et des enfants des pivots, soit un taux d’acceptation de 73,6 % pour les personnes âgées et d’environ 80 % pour les jeunes.
1.3.3. Taille de l’échantillon
14L’échantillon initial, composé de plus de 10 000 personnes tirées au sort dans le fichier du recensement 1990 sur le seul critère de l’âge, couvre 122 zones d’enquêtes arrêtées et choisies au plus près des zones d’enquêtes de l’échantillon maître 1990. De cette façon, le réseau enquêteurs déjà existant a été utilisé, ce qui a permis de limiter leurs déplacements et d’éviter le recrutement de nouveaux enquêteurs. Ces 122 zones sont représentatives de l’ensemble du territoire métropolitain et sont réparties sur les 18 directions régionales de l’Insee. Celles-ci disposent, pour chaque zone dont elles ont la charge, d’une liste d’une centaine de noms de personnes nées entre 1939 et 1943.
15Après l’obtention des coordonnées téléphoniques, la réalisation de la préenquête téléphonique permet de déterminer si les personnes contactées entrent dans le champ de l’enquête et si elles acceptent de recevoir un enquêteur pour un entretien d’environ une heure. L’échantillon « pivot » est ainsi constitué et un entretien individuel par questionnaire auprès de chaque personne est réalisé par les enquêteurs de l’Insee. Pour parvenir à l’objectif de 1 500 séries de trois enquêtes (1 500 familles à trois générations adultes), 2 000 entretiens doivent être réalisés auprès de la génération pivot. Un échantillon total de 4 668 personnes enquêtées appartenant à 1 958 familles trigénérationnelles a été réalisé.
TABLEAU 15. NOMBRE D’ENQUÊTES RÉALISÉES AUPRÈS DES TROIS GÉNÉRATIONS

Source : Cnav, 1992 (fiches adresses)
2. Description du questionnaire
16Le questionnaire de l’enquête se découpe en dix chapitres qui vont permettre de retracer un profil complet de l’enquêté (connaître ses relations familiales, ses loisirs, sa santé, etc.). Il se présente comme suit (pour plus de précision, voir en annexe) :
17Chapitre 1 : Composition de la parenté (sexe, âge, situation matrimoniale, nombre d’enfants, âge et niveau fin de scolarité, diplômes, statut d’activité, catégorie professionnelle)
181.1. Composition et état civil du ménage
191.2. État civil et situation des enfants
201.3. État civil et situation des parents et beaux-parents
21Chapitre 2 : Relations familiales (fréquences des relations et proximité géographique)
222.1. Relations avec les enfants vivant hors ménage
232.2. Relations avec les parents vivant hors ménage
24Chapitre 3 : Activités de loisirs (activités communes avec la parenté)
253.1. Temps libre
263.2. Vacances
27Chapitre 4 : Logement et équipement du ménage
284.1. Confort du logement
294.2. Statut d’occupation du logement (logés par leur famille, propriétaires
30ou accédants, locataires)
31Chapitre 5 : Patrimoine et ressources
325.1. Biens immobiliers (autre que logement principal)
335.2. Actifs, dépôts, placements
345.3. Ressources monétaires de l’enquêté et du conjoint (prestations
35sociales, pensions de retraites, salaires et autres revenus)
36Chapitre 6 : État de santé
376.1. État de santé de l’enquêté
386.2. Personnes handicapées ou dépendantes de la famille
39Chapitre 7 : Échanges de services au sein de la famille
407.1. Garde des petits-enfants
417.2. Autres services domestiques et financiers
42Chapitre 8 : Héritages et donations
438.1. Reçus de la lignée de l’enquêté
448.2. Reçus de la lignée du conjoint
458.3. Conjoint décédé
468.4. Donations versées
47Chapitre 9 : Biographie – Événements de vie
489.1. Jeunesse
499.2. Vie professionnelle
509.3. Vie familiale
51Chapitre 10 : Attitudes, opinions, représentations (transferts culturels intergénérationnels)
5210.1. Influences parents-enfants
5310.2. Modèles de relations entre générations
5410.3. Modèles de relations de couple
5510.4. Générations historiques
3. Collecte des données
3.1. Déroulement de la collecte
56La collecte s’est déroulée en deux temps. Une première enquête sur le terrain a été réalisée auprès de l’échantillon des 49-53 ans, obtenu à la suite de l’enquête téléphonique sur les 10 000 personnes tirées de façon aléatoire à partir du recensement de la population en 1990. Au cours de l’entretien, l’enquêté était invité à donner l’adresse d’un de ses parents et d’un de ses enfants adultes. Seuls les parents de la personne interrogée, et non ses beaux-parents pouvaient être choisis. Lorsque les deux parents étaient en vie, le choix de la mère ou du père était fait de façon aléatoire, selon une technique de tirage prédéfinie. Quand l’enquêté avait plus d’un enfant adulte, le choix de l’enfant à interroger se faisait également de façon aléatoire selon une technique de tirage prédéfinie.
57Une deuxième phase d’enquête s’est déroulée ensuite auprès de ces deux échantillons de parents et d’enfants, qui pouvaient se trouver dans une tout autre région de France. Ont été écartées au préalable les générations habitant hors de la France métropolitaine ou en Corse, pour des raisons de disponibilités d’enquêteur.
3.2. Taux de non-réponse
58Sur plus de 10 000 fiches adresses, l’enquêteur a pu entrer en contact avec la personne désignée dans près de 70 % des cas. La recherche ou la localisation des personnes a été plus difficile dans les grosses agglomérations où la proportion de personnes sur liste rouge est nettement plus élevée que sur le reste du territoire. En ce qui concerne l’interview téléphonique, 40 % des personnes ayant accepté de répondre se sont trouvé être dans le champ de l’enquête, soit un pourcentage supérieur à celui estimé lors des simulations. À l’issue de la préenquête téléphonique, sur 2 716 personnes susceptibles de participer à la suite de la recherche, 1 958 entretiens sont menés à bien ; 84 % des personnes enquêtées ont accepté de donner l’adresse de leur parent et 94 % celle de leur enfant, soit 1 615 familles pour lesquelles on dispose des deux adresses.
3.3. Traitement des données
59Disposer de données pour trois générations d’une même lignée induit des méthodes d’analyses propres et permet des innovations statistiques. Par exemple, la confrontation des réponses à une même question et leurs discordances peuvent être utilisées pour faire des correctifs et affiner les mesures. C’est ce qui a été accompli dans l’évaluation des aides données et reçues, faisant régulièrement l’objet d’une sous-déclaration.
60Par ailleurs, l’étude des déterminants d’un comportement relationnel (transfert, garde, cohabitation, etc.) doit prendre en compte non seulement les variables caractérisant la personne interrogée, mais aussi celles se rapportant à l’autre (parent ou enfant). Ainsi, par exemple la probabilité pour un grand-parent de garder un petit-enfant ne dépend pas tant de la situation de ce grand-parent que de celle de son enfant, père ou mère du petit-enfant à garder. Introduire dans une même analyse de régression des données recueillies auprès de personnes différentes enrichit les possibilités d’analyse. Dans cette perspective, les traitements statistiques ont eu recours aux modèles logit et probit. D’autres modèles ont été utilisés, dont les analyses de correspondance et les clusters.
4. Principaux thèmes traités et analysés
61Cette enquête a mis en évidence la direction principalement descendante des transferts économiques entre générations au sein de la famille. Allant des plus âgés aux plus jeunes, les aides financières peuvent être considérées comme des transferts en sens opposé à ceux de la solidarité nationale. Ils accomplissent un cycle redistributif entre les générations : accumulation/ transmission au profit des plus jeunes, contributions sociales par ces derniers alimentant les transferts sociaux au profit des plus âgés. Ce cycle relativise le poids des retraités sur les actifs. Ces flux circulaires, individualisés, « familialisés » se produisent, sans doute, avec des inégalités sociales. Ils ne font pas moins partie de l’enrichissement global de la société et mettent en évidence l’importance du rôle social et économique des retraités, ce qui contredit (ou nuance) les visions alarmistes dominantes sur le vieillissement de la population.
62De nombreux thèmes ont été traités à partir des données de cette enquête, parmi lesquels il faut souligner celui de la grand-parentalité qui a pu être traitée de façon approfondie et apporter pour la première fois un tableau assez complet des grands-parents dans la famille moderne en France. Comparés aux générations précédentes, les grands-parents contemporains étonnent par leur plus fort investissement de toute nature envers leurs petits-enfants. Et, dans le champ de la famille, les analyses de l’enquête qualitative, complétant les données quantitatives, ont mis en évidence la permanence des liens de filiation, dans un « nouvel esprit de famille » combinant autonomie et interdépendance des membres de la famille, et en particulier des générations.
5. Évaluation de l’enquête
63L’évaluation qui peut être faite de cette enquête est globalement très positive, en raison de la richesse de ses données qui révèlent des phénomènes que les enquêtes classiques auprès d’individus isolés sont impuissantes à détecter. Lorsque l’on étudie une relation, il convient d’en interroger les protagonistes autant que possible. La leçon à tirer est tout d’abord qu’il est important de faire preuve de créativité dans la construction de programmes empiriques et d’échantillonnage.
64En matière d’étude de générations, la prise en compte de la dimension de la filiation est essentielle, même pour comprendre et interpréter les phénomènes de cohorte, car les liens familiaux « établissent des ponts entre les cohortes ».
65Malgré la complexité d’une telle enquête et les difficultés inévitables qu’elle présente dans la réalisation du terrain (vaincre les réticences d’enquêtés à donner l’adresse d’un vieux père ou d’une vieille mère, retrouver un parent ou un enfant dans une région éloignée, les convaincre de répondre, etc.), les familles se sont finalement bien investies dans cette enquête. Toutes les générations y ont collaboré avec intérêt, y compris, et même surtout, les plus jeunes, signe du sens qu’ils accordent à la filiation. Il serait bon que cette enquête ne reste pas unique et qu’il y ait de nouvelles enquêtes trigénérationnelles permettant une comparaison dans le temps.
6. Perspectives
6.1. Projets d’exploitation pour les années à venir
66Les données de l’enquête « Trois générations » datent de 1992 et doivent être actualisées par de nouvelles enquêtes. Les projets en cours incluent certaines comparaisons avec ces données, par exemple l’enquête « Passage à la retraite des immigrés » (PRI), dont le questionnaire s’inspire de l’enquête « Trois générations ».
67Le programme de recherche de la Cnav, tel qu’il a été approuvé successivement par le chiffre d’affaires du 4 mai 2000, prévoit l’étude de la retraite des immigrés en France. Dans cet objectif, la direction des recherches a établi un état des lieux de la connaissance sur ce thème (large analyse bibliographique, étude des données statistiques disponibles, etc.), qui a notamment permis de mettre en évidence des lacunes de connaissance et de souligner les nombreuses zones d’ombre qui subsistent. Il a montré qu’il n’existait aucune étude statistique en Europe sur le vieillissement et le passage à la retraite des immigrés.
6.2. Données de l’enquête PRI
68L’enquête PRI, réalisée entre novembre 2002 et février 2003 par la Caisse nationale d’assurance vieillesse et l’Insee43, s’intéresse aux conditions et aux modalités du passage à la retraite des immigrés. Elle a été menée auprès de personnes désignées par tirage aléatoire, à partir du recensement Insee de 1999, parmi les ménages comportant au moins une personne immigrée âgée entre 45 et 70 ans au moment de l’enquête. L’échantillon ainsi constitué comporte 6 211 individus, dont les âges moyen et médian s’établissent respectivement à 55,8 et 55 ans et dont 46,4 % sont des femmes. Il est représentatif de la population immigrée résidant en France métropolitaine en 2003, c’est-à-dire de l’ensemble des personnes nées étrangères à l’étranger appartenant à la tranche d’âge sélectionnée. L’entretien réalisé au domicile de l’enquêté par un enquêteur de l’Insee, à l’aide d’un questionnaire CAPI, durait en moyenne une heure et demi.
69Le questionnaire de l’enquête PRI recueille des informations sur les caractéristiques démographiques, économiques et sociales des migrants, sur leur état de santé, ainsi que sur la nature et la configuration de leurs réseaux familial et social. Il comporte aussi de nombreuses questions sur chacun de leurs enfants et sur leurs échanges de toute nature avec eux.
Bibliographie
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Renaut S., 2001, Evaluating family support, an analysis of three generations in France, Working Paper, Institute of Community Studies, London.
Annexe
Annexe Extrait du questionnaire « Relations entre générations et soutien familial »






Notes de bas de page
42 Une mention particulière doit être faite pour l’enquête longitudinale, menée par l’université de Californie du Sud, sur trois générations auprès d’environ 300 familles enquêtées en 1971, 1985, 1988 et 1991 (Bengtson et al., 1995). L’échantillon de base n’a pas été construit sur la base de cohortes de naissance, comme dans l’enquête « Trois générations », mais à partir des listes d’adhérents de tous âges à une compagnie d’assurance médicale.
43 Réalisée sous la direction de Claudine Attias-Donfut, avec la collaboration de Rémi Gallou et Alain Rozenkier, cette enquête a bénéficié des soutiens du Fasild, de l’Agirc-arrco, de la MSA et de la caisse des Mines.
Auteur
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