Conclusion générale
p. 167-170
Texte intégral
1Un résumé critique de ces cinq études figure dans l’introduction. Nous nous limiterons, dans la conclusion, à indiquer quelques sujets d’études auxquels nous avons pensé au cours de ce travail.
2Les études sur les migrations, longtemps très rares, deviennent peu à peu plus fréquentes. A une amélioration des sources s’ajoute un intérêt, relativement récent, suscité par une concentration urbaine excessive1.
3La méthodologie applicable à des études concrètes reste néanmoins assez rudimentaire et les recherches hautement formalisées sont plus nombreuses que les études dites appliquées. C’est surtout dans ce sens que nous ferons quelques suggestions.
41/ La mobilité géographique est inséparable de la mobilité professionnelle qui rend compte d’une grande partie des mouvements.
5Les quelques données que l’on possède pour la France montrent que la mobilité géographique a tendance à décroître au fur et à mesure que l’on descend dans ce qu’il est convenu d’appeler l’échelle sociale.
6Selon une étude de l’I.N.S.E.E.2, publiée en janvier 1970, pour 100 personnes actives appartenant au groupe des professions libérales, 21,6 % avaient changé de catégorie de commune entre le 1.1.1962 et le recensement de 1968. Du même ordre chez les cadres moyens, la proportion tombe à 16,3 % chez les employés et 14,2 % chez les contremaîtres et ouvriers qualifiés. Elle diminue encore, très faiblement, chez les manœuvres, apprentis et ouvriers spécialisés.
7Ces résultats sont loin de recouper ceux dont nous disposons sur la mobilité professionnelle3.
8Si l’on ne dispose pas des changements d’établissement (unités de production, administrations, établissements commerciaux...), les taux de changement de catégorie socio-professionnelle augmentent fortement, lorsqu’on passe des cadres aux employés de bureau. Ils sont plus élevés encore pour les ouvriers ; dans cette dernière classe, ils sont deux fois plus élevés chez les manœuvres que chez les contremaîtres et ouvriers qualifiés.
9Il en va de même des changements de profession, plus élevés dans les professions manuelles (agriculteurs exclus) que dans les non manuelles.
10D’autres éléments (logement, obstacles financiers) sur lesquels nous ne connaissons que très peu de choses, limitent la mobilité géographique de certaines catégories de la population active.
11Plus généralement, il est vraisemblable que, comme la prévention des naissances, la mobilité géographique suppose une prévision particulièrement difficile dans les couches sociales à bas salaires, contraintes à un travail répétitif.
122/ Dans la typologie très sommaire du chapitre III, nous avons distingué les migrations compensées par une migration en sens inverse, des migrations de redistribution, c’est-à-dire la somme des soldes positifs, ou, ce qui revient au même, négatifs, entre circonscriptions.
13Cette décomposition très simple revient à supposer que tous les emplois créés dans une zone peuvent être occupés par une personne de cette zone, ce qui est loin d’être le cas. S’il ne semble pas que les données des recensements permettent l’étude plus précise en longue période, les données plus récentes, dont nous disposons pour les périodes 1954-62 et 1962-68, permettraient des analyses plus fines.
14Il serait d’abord possible de restreindre le champ de l’étude à la seule population active et surtout d’établir une séparation des emplois en classes entre lesquelles les migrations professionnelles ne seraient possibles que dans certaines proportions.
15Il serait également nécessaire d’introduire le temps : la création, dans une zone donnée, d’une importante unité de production à la fin d’une période intercensitaire ne suffit pas à empêcher des départs au cours de la période, même s’il y a finalement coïncidence entre le volume des emplois créés et les besoins en l’absence de migrations.
16Il serait nécessaire, en outre, d’ajouter aux deux types de migrations distinguées plus haut, les mouvements qui proviennent des différences de fécondité, très élevées, entre départements.
173/ Les différences de fécondité entre villes et campagnes et leur évolution sont également très mal connues. Outre l’intérêt sociologique que présenterait leur étude, une évaluation de ces différences permettrait d’estimer le volume des migrations qu’elles entraînent. Elle permettrait aussi d’étudier, séparément, l’évolution de la fécondité urbaine et de la fécondité rurale.
184/ L’influence du mode d’occupation de logement sur la mobilité intra-urbaine et sur les déplacements à plus longue distance pourrait faire l’objet de certaines études. Nous ne savons pas4, par exemple, si la propriété d’un logement tend à diminuer la mobilité de leurs occupants et, si oui, dans quelle mesure.
19D’autre part, la population des locataires est loin d’être homogène. La division “logement” de l’I.N.S.E.E. distingue les locataires en trois groupes selon qu’ils occupent un ensemble ancien (construit avant 1948), un logement social (le plus souvent HLM) ou un logement construit après 1948.
20Dans l’agglomération parisienne, la mobilité, mesurée par les taux annuels de déménagement, est assez voisine dans les deux premiers groupes ; les loyers pratiqués y sont en moyenne5 beaucoup moins élevés que ceux du marché dit libre.
21Dans le troisième groupe, plus homogène et à loyers beaucoup plus élevés, les taux de déménagement sont de l’ordre du triple des taux précédents. N’ayant rien à perdre, sur le plan financier, d’un changement de logement, les locataires du troisième groupe rapprochent plus facilement leur domicile de leur travail.
22S’il est certain que certaines formes d’aide au logement, voire, dans certains cas, certaines rentes de situation, rallongent, en moyenne, les trajets domicile-travail, nous ne savons pas dans quelle mesure.
235/ Signalons aussi le domaine, beaucoup plus théorique et d’approche plus difficile, des liens entre la densité de population et l’intensité des migrations. On peut exposer le problème sur un exemple fictif : que se passerait-il si la population de la France était répartie, toutes choses égales par ailleurs, sur un territoire 2, 3,... n fois plus petit ? Dans quelle mesure la réduction des contraintes de distance et une circulation plus efficace des informations diverses en matière d’emploi accroîtraient-elles le volume des déplacements ? Plus concrètement par exemple, les habitants des régions très peuplées comme le Nord et la Lorraine se déplacent-ils davantage, et dans quelles proportions, que les habitants des régions de faible peuplement ?
246/ Au chapitre V, nous avons calculé des indices du moment : nombres moyens de changements de commune, département, région, entre tel et tel âge, dans les conditions de mobilité observées au cours d’une période (parmi un groupe de 100 personnes).
25Le calcul d’indices plus précis, où seraient individualisées les zones de départ, d’arrivée, ou les deux à la fois, fournirait une description très concrète des migrations au cours d’une période.
26A titre d’exemple, pourraient être calculés :
Le nombre moyen de départs des communes rurales entre 15 et 50 ans (pour un groupe de 100 ruraux à 15 ans).
Le nombre moyen d’arrivées en région parisienne entre 15 et 50 ans (pour un groupe de 100 parisiens à 15 ans).
Le nombre moyen de départs de la région parisienne entre 50 et 70 ans (pour 100 parisiens à 50 ans).
etc.
277/ L’estimation des soldes des migrations des départements et régions par période intercensitaire, est possible, à partir des données des recensements et de celles de l’état civil6, depuis que les statistiques des recensements sont assez précises (milieu du 19e siècle). A notre connaissance, elle n’a jamais été faite. Elle complèterait les études générales sur les migrations.
Notes de bas de page
1 Non en nombre d’habitants (sauf dans la région parisienne), mais dans les conditions où elle a lieu.
2 Les collections de l’I.N.S.E.E., série D 4, Démographie et Emploi (v. en bibliographie, ref. 28).
3 La mobilité professionnelle en France entre 1959 et 1964 (Etudes et conjoncture, n° 10, octobre 1966).
4 Sinon de façon très sommaire.
5 Ces deux groupes ne sont pas homogènes : les loyers pratiqués dans les logements sociaux sont d’autant plus élevés que leur date d’achèvement est plus récente. Dans le parc “ancien”, la juridiction introduit des différences encore plus importantes.
6 V. note 35 du chapitre III.
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