Chapitre IV.
Fluctuations des migrations et précision des perspectives de population des villes et agglomérations urbaines
p. 103-144
Texte intégral
1Nous venons d’étudier les fluctuations, au cours du temps, de l’ensemble des changements de département ; très fortes jusqu’à la seconde guerre mondiale elles tendent à se réduire. Sans qu’on puisse en tirer de conclusions définitives pour l’avenir, depuis 25 ans environ la croissance est beaucoup plus régulière.
2Cette régularité d’ensemble n’est-elle pas la résultante de mouvements localisés qui restent très variables ? Quelles sont, par exemple, les fluctuations du volume des migrations ayant pour origine, ou pour destination, une circonscription déterminée ?
3Nous étudierons d’abord les fluctuations des taux de migration nette1 des départements, régions et agglomérations, de 1954-62 à 1962-68.
4Cette étude restreinte du problème des fluctuations présente un intérêt particulier : lorsqu’on établit des perspectives par région ou agglomération, la méthode de prévision des migrations revient, en pratique, à extrapoler les soldes observés pendant la période précédente. La variabilité des soldes dans le temps détermine la précision des perspectives.
5Les résultats peuvent aussi dépendre de caractéristiques propres aux deux périodes retenues : 1954-1962 et 1962-1968. Dans une seconde partie, nous comparerons la croissance des villes et des régions au cours de ces deux périodes.
6Nous présenterons, dans la 3e partie, la méthode de prévision de population par région et unité urbaine, et nous étudierons enfin la précision de ces perspectives en comparant les effectifs prévus au 1-1-1968 aux résultats du recensement (4e partie : Précision à court terme).
I – Fluctuations des taux de migration nette
Les données
7Nous avons utilisé une récente étude de l’INSEE2 qui fournit, entre autres renseignements, les taux annuels3 de migration nette des régions, départements et agglomérations de plus de 50 000 habitants au recensement de 1968.
8Ces taux ne sont connus dans un périmètre constant4 que pour les deux périodes 1954-62 et 1962-68. Ils prennent en compte à la fois les migrations internes et externes, autrement dit, pour chaque circonscription, c’est le bilan : arrivées – départs (quelle que soit l’origine ou la destination des migrants : autres circonscriptions, étranger), rapporté à sa population.
9Pour une circonscription donnée, par exemple telle région de programme d’indice i, on possède donc deux taux annuels moyens :
10t1i (1954-62)
11t2i (1962-68)
12Les distributions de ces taux sont données pour chaque période dans le tableau XXVI. Leur dispersion diminue avec la taille des circonscriptions. Elle est plus faible pour les régions que pour les départements, plus faible encore pour ces derniers que pour les agglomérations. Les valeurs moyennes des taux, données dans le même tableau, ne sont pas nulles mais positives.
13Dans le cas des agglomérations de plus de 50 000 habitants, le solde des migrations internes avec les communes rurales et unités urbaines de moins de 50 000 habitants, est positif. Il s’y ajoute le solde, également positif, des migrations externes (entre la France et l’étranger).
14Dans le cas des départements et régions, qui constituent, à la différence des agglomérations, un découpage exhaustif du territoire, le solde positif des migrations externes relève la valeur moyenne des taux de migration nette5.
Tableau xxvi. – distribution des taux annuels de migration nette(1) : t1i (1954-62), t2i (1962-68) ET DES variations (t2i – t1i)

Mesure des fluctuations
15Les distributions des valeurs t2i – t1i données dans le tableau XXVI, fournissent des premiers éléments d’appréciation. Leur dispersion est élevée, voisine de celle des distributions t2i et t1i.
16Faisant abstraction du sens de variation des taux de migration nette, nous avons étudié leur module6 : les résultats du tableau XXVII sont figurés sur le graphique 20.

Graphique 20. – Fluctuations des taux de migration nette.
17L’amplitude (t2i – t1i) des fluctuations doit être comparée aux valeurs t1i. Le calcul des erreurs relatives

18commises en prévoyant pour la seconde période, les taux observes au cours de la première, n’aurait guère de de sens : leurs valeurs dépendraient surtout de celles de t1i qui se distribuent, de part et d’autre de zéro, en valeurs positives et négatives. A la limite, dans les cas où t1i = 0, les erreurs seraient infinies.
19Pour apprécier les valeurs des fluctuations, relativement à celles des taux, nous avons donc calculé les valeurs

20données dans le tableau XXVII (dernière ligne).
Tableau xxvii. – fluctuations des taux de migration nette.

21Ces rapports de la variation moyenne

22en module c’est-à-dire compte non tenu du signe des variations, à la valeur moyenne du taux de migration nette au cours de la première période (toujours en module), mesurent l’amplitude relative des fluctuations d’une circonscription fictive de caractéristiques moyennes.
23Leurs valeurs varient de 75,0 % (régions) à 44,3 % (unités urbaines de plus de 50 000 habitants). La conclusion de ces quelques calculs est donc nette : l’amplitude des fluctuations des taux de migration nette est très élevée par rapport à l’ordre de grandeur de ces taux.
24Quelle est la signification de ces résultats, notamment pour les unités urbaines ?
25La mesure repose sur la comparaison des seules périodes 1954-62 et 1962-68. L’évolution de la mortalité et de la fécondité des villes, donc de leur taux d’accroissement naturel, est assez lente pour que les fluctuations du taux de migration nette d’une ville donnée reflètent assez fidèlement celle de sa croissance ; ces fluctuations peuvent provenir :
D’aléas de croissance propres à la ville : période de haute, ou de basse conjoncture dans une branche d’industrie fortement représentée dans la ville, implantation de nouvelles usines7 etc.
D’évolutions à plus long terme : la croissance moins rapide de l’emploi industriel, l’augmentation plus rapide du secteur tertiaire, favorisent la croissance des villes qui assurent des fonctions de service nombreuses à une zone d’influence étendue. A l’inverse elles ralentissent la croissance des villes à prédominance industrielle. De 1954-1962 à 1962-1968, cette tendance à long terme a été accentuée par les effets du plan de stabilisation (v. tableau XXX).
De variations à l’échelon national.
26Nous venons de voir que, de 1962 à 1968, ce qu’il est convenu d’appeler la conjoncture économique a entraîné un ralentissement particulièrement net de l’augmentation des emplois industriels. On doit aussi lui imputer, au moins en partie, une baisse de l’immigration étrangère traditionnelle (Algériens, Espagnols, Portugais...).
27Comme le retour massif des rapatriés, pour l’essentiel après le recensement de 1962, ces événements ont un caractère aléatoire dans la mesure où ils n’étaient guère prévisibles sinon à très court terme.
28Ils expliquent en partie la variabilité des taux de migration nette mesurée par comparaison des deux périodes. Les fluctuations mesurées apparaissent hétérogènes : elles ne peuvent être assimilées en totalité à des fluctuations de croissance propres à la ville (1e composante) et dépendant des caractéristiques des périodes retenues.
29La mesure des fluctuations propres impliquerait d’abord un effort de conceptualisation plus rigoureux que la séparation sommaire en trois composantes donnée plus haut. Elle ne serait possible que si l’on possédait les valeurs des taux de migration nette pour un nombre suffisant de périodes8. Elles supposeraient en outre une bonne connaissance historique et économique des périodes en question (composantes 2 et 3). On voit que la mesure des fluctuations propres, qui supposerait enfin la mise au point d’une méthode statistique appropriée, serait longue et difficile.
30Dans le cadre plus restreint de ce chapitre, nous n’apporterons que quelques éléments de réponse après avoir examiné plus en détail dans la seconde partie les caractéristiques des deux périodes 1954-1962 et 1962-1968.
II – Quelques caractéristiques de la croissance des villes et régions au cours des périodes 1954-62 et 1962-68
31Le tableau XXVIII, tiré de l’étude de G. Calot déjà citée, retrace l’évolution de la population des régions au cours des périodes 1954-62 et 1962-68.
32De la première à la seconde, on observe d’abord une forte réduction de la croissance de trois régions particulièrement peuplées : Nord, Lorraine et région parisienne, et une accélération de celle des quatre régions du Midi9.
Tableau xxviii. – evolution de la population des régions, 1954-62, 1962-68. (Source : Recensements).

Croissance récente de la région parisienne
33Le ralentissement de la croissance de la région parisienne a fait l’objet d’études quantitatives10 qui en donnent une description sans pour autant l’analyser.
34A défaut d’une étude approfondie qui sortirait du cadre de ce chapitre, nous avons dressé un inventaire, non nécessairement exhaustif, des modifications intervenues au cours de la dernière période (1962-68).
351) Augmentation rapide du prix du sol
36On ne possède pas de séries statistiques suivies et précises, sur le prix du sol dans l’agglomération parisienne. Les données fragmentaires dont on dispose montrent toutefois que l’augmentation, très rapide en valeur relative depuis la Libération, est devenue beaucoup plus rapide, en valeur absolue, depuis 1959-6011.
37Les conséquences de cette accélération ont été multiples.
Baisse de l’emploi industriel (v. tableau XXX) en raison des reventes des terrains occupés par des usines pour des opérations immobilières, de l’augmentation de leur coût pour de nouvelles implantations et peut-être d’une efficacité plus grande des mesures de décentralisation.
Hausse très rapide du coût du logement ; liée à la hausse du prix du sol, elle a entraîné une stagnation, voire une diminution de la taille moyenne des logements dans le secteur à loyers “libres” (v. tableau XXXI) et une hausse très rapide des loyers12.
Tableau xxix – variations annuelles du nombre des menages. utilisation de la construction neuve. (effectifs annuels en milliers). Périodes : Mai 1954 – Mars 1962 Mars 1962 – Mars 1968

Tableau xxx. – variation annuelle des effectifs dans l’industrie et le secteur tertiaire, (Source : insee).

Tableau xxxi. – nombre moyen de pieces par logement selon la taille des localites et la date de construction.

382) Déclin relatif de la construction en région parisienne (v. tableau XXIX).
39De 1954-62 à 1962-68, le volume annuel de la construction a augmenté à la fois en région parisienne et dans le reste de la France. Cependant, malgré l’augmentation du poids relatif de la région au cours de la première période, la proportion de logements construits en région parisienne est passée de 31 à 20 % de l’ensemble.
40Les décohabitations, assez nombreuses de 1954 à 1962, sont devenues beaucoup plus rares au cours de la seconde période : de 1962 à 1968, les décohabitations en région parisienne ont représenté 5 % de l’ensemble des décohabitations, contre 20 % au cours de la période précédente13.
41A l’inverse, le volume annuel des destructions de logements, lié à une densification progressive du tissu urbain, et les transformations en locaux professionnels, ont augmenté : le solde net des désaffectations en région parisienne est passé de 24 à 46 % du volume de la construction neuve.
42Comme le déclin relatif de la construction de logements en région parisienne, l’augmentation du rythme des transformations est sans doute liée à la croissance nettement plus rapide du secteur tertiaire (v. tableau XXX) : certains terrains, où ont été édifiés des bureaux, n’ont pu être affectés à la construction de logements.
43La “situation du site” a provoqué à la fois une densification du tissu urbain et une hausse des valeurs foncières, qui ont, à leur tour, freiné l’augmentation du parc de logements et du nombre des ménages.
44De 1954-62 à 1962-68, l’accroissement annuel du nombre des ménages est passé de 41 000 à 46 000 par an. Une progression constante en valeur relative aurait conduit à un accroissement annuel de 52 000 ménages au cours de la 2e période. En tenant compte de la variation de la taille moyenne des ménages, on retrouverait les résultats du tableau XXVIII pour la région parisienne : baisse d’environ un quart du taux annuel d’accroissement.
45La croissance d’une ville est à la fois une augmentation du nombre des logements et de la population : en d’autres termes du contenant et du contenu.
46On peut se demander si l’augmentation du contenant suit celle du contenu, l’accompagne, ou, au contraire, la limite. Plus généralement, on peut étudier les relations mal connues entre l’augmentation du parc de logements et celle de la population.
47En attendant les prochains recensements, les résultats précédents fournissent quelques éléments de réponse14. Le ralentissement de la croissance observée dans la région parisienne au cours des six années 1962-68, provient en partie de difficultés d’accroissement du parc de logements. Il est vraisemblable que cette tendance de poursuivra, ou même s’accentuera au cours des prochaines années.
48Le lien entre l’accroissement de la population et celui du nombre de logements est cependant loin d’être d’une rigidité absolue : le retour en quelques mois de 750 000 rapatriés a été absorbé par le parc de logements de quelques régions (région parisienne, Midi méditerranéen) sans que s’ensuive immédiatement une augmentation massive de la construction.
49Une limitation par le contenant, c’est-à-dire par le logement s’est déjà produite, pour des raisons différentes, après la première guerre mondiale. Le blocage des loyers, décidé pendant la guerre et maintenu ensuite, a provoqué un arrêt brutal des investissements immobiliers dont les effets ont été particulièrement sensibles dans l’agglomération parisienne.
50De 1886 à 1911, l’augmentation de population de l’agglomération15 représentait une part importante de l’augmentation de la population urbaine (36,5 %). De 1921 à 1926, la proportion tombe à 24,7 %. Au blocage des loyers correspond alors un freinage de la croissance dont ont “bénéficié” les villes de province.
51Après 1926, les effets de la politique du logement social, particulièrement marqués dans la région parisienne, entraînent une reprise de la croissance “au détriment” des villes de province ; la proportion remonte à 38,6 %.
523) Dégradation progressive des conditions de vie (transports, loisirs, cadre...) que traduit une augmentation très forte des départs à destination des autres régions de 1962 à 1968. Le volume annuel des arrivées dans la région parisienne16 est resté constant mais le solde positif des migrations internes est devenu minime. L’agglomération croît pour l’essentiel par accroissement naturel et immigration étrangère17. La hausse importante des départs vers la province peut provenir d’une prise de conscience de la dégradation des conditions de vie dans la région parisienne, mise en évidence par plusieurs enquêtes d’opinion, qu’on ne pourrait que très arbitrairement séparer de l’évolution de l’emploi et du logement.
53Revenons au tableau XXVIII. La région parisienne, le Nord et la Lorraine représentaient en 1962 près du tiers de la population française.
54Leur croissance, moins rapide de 1962 à 1968, s’est accompagnée d’une baisse sensible de leurs taux de migration nette.
55La saturation du site parisien et les deux crises régionales les plus récentes peuvent rendre compte, au moins en partie, des fluctuations du tableau.
56Elles expliquent aussi le relèvement des valeurs moyennes des taux de migration nette qu’on observe dans le tableau XXVI, (dernière ligne) pour les régions (+ 0,16 %) et départements18 (+ 0,19 %).
Autres régions
57Le tableau XXVIII met en évidence une grande stabilité des taux d’accroissement naturel ; l’évolution des taux de variation de 1954-62 à 1962-68 provient pour l’essentiel de celle des taux de migration nette.
58De la première à la seconde période, et mises à part les trois régions déjà citées, l’augmentation des taux annuels de migration nette est quasi-générale. Elle est particulièrement élevée dans les quatre régions du midi en raison du retour des rapatriés sur lequel nous allons revenir (+ 0,7 % par an).
59L’augmentation est plus faible (+ 0,2 % par an) dans les régions périphériques19 de la région parisienne et dans les autres régions. Les premières conservent néanmoins un taux de croissance un peu supérieur.
Tableau xxxii. – évolution de l’emploi industriel par region (1954-68)

60Le tableau XXVIII ne permet cependant qu’une analyse assez sommaire : l’évolution de la population totale d’une région dépend pour l’essentiel de celle de l’emploi et de la structure par âge initiale.
61Les disparités de structure par âge entre régions ne sont pas négligeables et l’évolution de l’emploi assez hétérogène : celle de l’emploi tertiaire est composite ; à une évolution séculaire qui traduit une redistribution des activités économiques s’ajoute, au moins dans certaines régions, le maintien d’un secteur tertiaire “refuge” lié à la stagnation de l’emploi industriel. De 1962 à 1968, ce maintien a pu être assez important pour rendre compte d’une part, inconnue mais non négligeable, de l’augmentation du secteur tertiaire (v. tableau XXX).
62L’évolution de l’emploi agricole peut être liée en partie à celle de l’emploi industriel par des liens de complémentarité de même nature.
63L’évolution de l’emploi industriel par région (tableau XXXII) est loin de recouper l’évolution démographique d’ensemble. C’est dans les régions périphériques de la région parisienne et, plus récemment, dans les régions sous-industrialisées de l’Ouest que la croissance est de très loin la plus forte. L’industrialisation des régions du midi s’est accélérée au cours des six dernières années mais reste modérée, celle des régions de l’Est se poursuit à un rythme ralenti.
Migrations entre la France et l’étranger
64De 1954-62 à 1962-68, les migrations externes ont légèrement augmenté : de 0,41 % à 0,46 % par an.
65Cette augmentation ne saurait rendre compte des fluctuations des taux de migration nette qui figurent au tableau XXVI. Les fluctuations (t2i – t1i) sont d’un ordre de grandeur très supérieur à 0,05 % par an. Leurs valeurs moyennes t2i – t1i sont de 0,30 % pour les régions, 0,43 % pour les départements, 0,69 % pour les agglomérations.
66L’augmentation des migrations externes résulte en fait d’un double mouvement : afflux de rapatriés d’Algérie, pour l’essentiel après le recensement de 1962, diminution légère des migrations traditionnelles (Algériens, Espagnols, Portugais...). De l’une à l’autre période, leur volume annuel passe de 185 000 à 160 000 par an20.
67La localisation des rapatriés est assez différente de celle des migrants traditionnels pour rendre compte d’une part plus importante des fluctuations observées. Il importe de conserver présente à l’esprit cette particularité de la période.
Tendances récentes de l’urbanisation
68Revenons au tableau XXVI. De 1954- 1962 à 1962-1968, le taux moyen de migration nette est passé de 1,51 à 1,34 % par an dans les villes et agglomérations de plus de 50 000 habitants ; soit une baisse moyenne, non négligeable, de 0,17 % par an. Le tableau XXXIII en fournit l’explication. De 1962 à 1968 s’est légèrement accentué un des traits majeurs de l’urbanisation depuis les années 50 : la croissance rapide des petites villes et des villes moyennes au “détriment” des plus grandes.
69Le taux d’accroissement de l’ensemble des villes a très légèrement baissé mais, en moyenne, les villes de moins de 50 000 habitants ont connu une croissance plus forte. Au-delà de ce seuil, la croissance est moins rapide.
70Seul fait exception le groupe des 20 villes et agglomérations de plus de 200 000 habitants21 dont le taux d’accroissement est resté de 2,0 % par an.
Tableau xxxiii. – taux annuel moyen de variation selon la taille des localites (perimetre constant 1968)

Tableau xxxiv. – variations de population (effectifs absolus en milliers) selon la taille des localités(1) 1954 – 1962

Tableau xxxiv. – (suite) 1902 – 1968

71Dans ce groupe, il y a eu compensation entre une croissance plus rapide des métropoles régionales et un ralentissement de la croissance des autres villes de plus de 200 000 habitants. Le taux de croissance des premières est passé de 1,8 à 2,0 % par an, celui des secondes est passé de 2,2 à 2,0 % par an22.
72Les huit villes retenues vers 1960 pour accéder au rang de métropoles indépendantes de la région parisienne, quasi inexistantes aujourd’hui en France, ont connu de 1962 à 1968 une croissance égale à celle des autres villes de plus de 200 000 habitants, mais inférieure à l’ensemble des villes de plus de 50 000 habitants (v. tableau XXXIII).
73De 1962 à 1968, la croissance des villes a été presque indépendante de la taille au-dessus de 10 000 habitants. La poursuite de cette tendance conduirait à une croissance “quasi-homothétique” d’un réseau urbain particulièrement inadapté.
74A de légères variations près, le taux d’accroissement naturel est resté constant dans chaque classe ; la baisse des taux de migration nette au-dessus de 50 000 habitants et sa hausse au-dessous de ce seuil rendent compte de l’évolution observée.
75Pour l’ensemble des unités urbaines, le taux de migration nette a peu varié : il est passé de 1,1 à 1,0 %, mais sa composition s’est modifiée ; l’augmentation des migrations externes a compensé une baisse importante des migrations de ruraux vers les villes : pour l’ensemble des communes rurales, le taux de migration nette est passé de – 0,9 à – 0,6 % par an23.
76Notons enfin l’importance de l’immigration étrangère dans l’accroissement de la population totale et, plus encore, de la population urbaine (tableau XXXIV). Si l’on suppose que le solde des migrations externes a grossi exclusivement la population urbaine24, il aurait représenté entre 1954 et 1962, 32,3 (/o de cet accroissement.
77De 1962 à 1968, la proportion est moindre mais reste comprise entre 25 et 30 %25.
Retour sur les fluctuations
78Dans la première partie, nous avons mesuré les fluctuations par comparaison des taux de migration nette de 1954-62 et de 1962-68.
79Nous avions alors insisté sur l’interprétation prudente à donner aux résultats obtenus : aux fluctuations propres aux villes, départements et régions se mêlent, dans des proportions difficiles à évaluer, les variations qu’entraînent certaines évolutions à plus long terme et surtout les variations imputables à des événements caractéristiques des périodes étudiées.
80Au terme de la seconde partie, nous sommes en mesure de compléter la liste des événements qui, caractérisant la seconde période par rapport à la première, ont eu des incidences sur les fluctuations :
ralentissement notable de la croissance de la région parisienne.
deux crises régionales importantes (Nord et Lorraine).
retour des rapatriés (+ 750 000 personnes réparties pour l’essentiel dans quelques régions).
baisse légère de l’immigration étrangère traditionnelle.
au cours de la seconde période s’est accentuée la tendance plus ancienne à la redistribution des activités au profit du secteur tertiaire ; tendance particulièrement marquée de 1962 à 1968 (plan de stabilisation), qui favorise la croissance des villes à fonctions tertiaires nombreuses.
la reprise de la croissance des petites villes et des villes moyennes, qui remonte aux années 1950, s’est également accentuée de 1962 à 1968.
811) et 2) ont entraîné une hausse générale des taux de migration nette des autres régions.
823) a provoqué une hausse particulièrement marquée des taux de migration nette des régions du Midi.
83Au vu de cette liste, sans doute incomplète, on pourrait être tenté de conclure que les particularités de la période 1962-68 retirent beaucoup de valeur à la mesure des fluctuations.
84Un bref examen des périodes antérieures amène à nuancer ce premier jugement.
85Les crises régionales ne sont pas nouvelles ; depuis les crises cycliques du 19e siècle, la croissance économique s’est accompagnée d’une redistribution géographique souvent très rapide des activités économiques : le ralentissement de la croissance de la région parisienne, par exemple, n’a de nouveau que ses causes. Si la croissance de la région a été, en moyenne, beaucoup plus rapide que celle du reste de la France, elle n’a jamais été très régulière. Au cours des cinquante dernières années, elle a déjà connu deux phases de ralentissement : de 1921 à 1926 (ralentissement relatif dû au blocage des loyers) et de 1931 à 1936 (quasi-stagnation en raison des effets accentués de la crise).
86Si l’on met à part les rapatriés, la baisse légère de l’immigration traditionnelle est très faible par rapport à ses fluctuations au cours des périodes précédentes26.
87L’immigration étrangère en France a débuté vers 1850. Jusqu’en 1921, le solde d’immigration27, non négligeable, a été soumis à des fluctuations constantes. De 1921 à 1926, les pertes de guerre et une croissance économique particulièrement forte, provoquent un recours massif à l’immigration étrangère. Le solde atteint environ 200 000 personnes par an, soit une valeur voisine des soldes très élevés observés depuis 1950 environ.
88Le solde baisse de plus d’un tiers au cours de la période suivante (1926- 31) et devient négatif de 1931 à 1936 : les retours l’emportent alors sur les départs.
89L’immigration est très modérée dans l’immédiat après-guerre : + 75 000 personnes par an de 1946 à 1954 ; les pertes ont été moindres qu’en 1914-18 et la remise en route d’une économie beaucoup plus atteinte a été plus lente.
90Le solde passe à 185 000 personnes par an au cours de la période suivante (1954-62) puis à 160 000 par an de 1962 à 1968 (rapatriés exclus).
91La baisse de l’immigration étrangère au cours de la dernière période apparaît donc légère par rapport aux variations, souvent très fortes, des périodes précédentes. Même en incluant les rapatriés dans le solde, la variation de 1954-62 à 1962-68, ne serait pas exceptionnelle.
92La tendance à la redistribution des activités économiques au profit du secteur tertiaire est assez ancienne, elle a seulement été plus accentuée de 1962 à 1968.
93Il en va de même du mode de croissance des villes suivant la taille. Il est vraisemblable, sinon vérifié, que la croissance des villes petites et moyennes n’était pas négligeable aux débuts de l’industrialisation, lorsque la plupart des échanges économiques avaient lieu dans le cadre des régions, voire d’unités géographiques plus restreintes. Ces villes ont connu ensuite une phase de croissance lente et même dans certains cas de stagnation ou de déclin jusqu’à la seconde guerre mondiale. C’est des années 1950 que date leur reprise démographique rapide : de 1962 à 1968, il y a seulement accentuation légère d’un changement radical qui a eu lieu 15 ans plus tôt.
94Aussi incomplet qu’il soit, ce court historique montre que les événements qui caractérisent les deux périodes 1954-62 et 1962-68 ne sont pas, à proprement parler, nouveaux.
95Ils peuvent frapper parce qu’ils sont plus récents et conduire à un grand scepticisme sur l’interprétation à donner à la mesure des fluctuations. En pratique, il semble plutôt que, comme les deux dernières périodes, la plupart de celles qui les ont précédées ont été caractérisées par de nombreux événements susceptibles de provoquer des fluctuations des taux de migration nette des régions ou agglomérations.
96Selon les périodes ces événements sont plus ou moins nombreux, leur incidence sur les fluctuations est plus ou moins forte, mais il serait exceptionnel de rencontrer deux périodes consécutives où les variations des taux de migration nette fourniraient une mesure pure de ce qu’on a appelé plus haut les fluctuations propres.
97A cet égard, les deux périodes 1954-62 et 1962-68, apparaissent presque privilégiées, du moins en ce qui concerne les fluctuations de la croissance des villes.
98D’une part, parce que le rythme général de la croissance urbaine est resté quasi constant d’une période à l’autre alors qu’il a été sujet à des variations importantes au cours des périodes précédentes.
99D’autre part, parce que les périodes précédentes nous sont moins bien connues que les deux plus récentes. Il est donc possible que nous ayons omis certains événements qui aient provoqué des fluctuations notables.
100Dans la suite de ce chapitre, nous étudierons la précision des perspectives, établies par reconduction des tendances de la période 1954-62, au cours de la période 1962-68.
101Compte tenu de ce qui précède, il n’y aura pas lieu de considérer les résultats très partiels28 obtenus comme particulièrement affectés par les événements qui ont caractérisé les deux périodes 1954-62 et 1962-68. Il importait de souligner ce point qui repose en définitive sur une idée simple : les périodes récentes, leurs caractéristiques propres, semblent souvent exceptionnelles parce que ceux qui les ont vécues sont encore vivants et que la mémoire collective en garde des traces toutes fraîches ; les périodes passées peuvent sembler avoir été moins riches en événements de tous ordres parce qu’elles sont moins bien connues.
III – Perspectives des régions et unités urbaines
Migrations et perspectives
102Lorsqu’on établit des perspectives de population pour l’ensemble de la France, on prend en compte les migrations externes qui représentent, depuis une vingtaine d’années, près des deux cinquièmes de l’accroissement de la population française.
103On doit a fortiori, tenir compte des migrations lorsqu’on établit des perspectives à un échelon géographique plus fin (régions, départements, agglomérations). D’abord, parce que les migrations externes ne se localisent pas indifféremment sur le territoire (elles viennent grossir, dans leur grande majorité, la population urbaine et plus particulièrement certaines zones), ensuite parce qu’aux migrations externes s’ajoutent les migrations internes.
104Le tableau XXVIII (p. 110) donne une séparation de l’accroissement des régions en accroissement naturel et solde migratoire. Le solde net des migrations (internes + externes) représente une part importante de l’évolution de la population de chaque région ; dans les régions en forte croissance, sa contribution est souvent plus élevée que celle de l’accroissement naturel, il en va de même dans les villes et agglomérations urbaines (v. tableau XXXIII, p. 119).
105Lorsqu’on établit des perspectives, on reconduit en général les tendances observées pendant une période plus ou moins longue du passé : tendances de la mortalité, de la fécondité et enfin des migrations, internes ou externes.
106L’amplitude des fluctuations des taux de migration nette, observées dans la première partie de ce chapitre, conduit à s’interroger sur la précision des perspectives établies maintenant de façon régulière pour la population des régions et grandes agglomérations.
107Nous avons utilisé les perspectives établies par F. Cazin à la division des économies régionales de l’INSEE à partir des données du recensement de 196229 (Perspectives dites base 1962)
108Ces perspectives donnent une estimation de la population au 1-1-1968 qui va nous permettre d’évaluer leur précision à court terme (6 ans).
109Cette date du 1-1-68 est la première étape du calcul qui se poursuit jusqu’au 1-1-200230.
110Le calcul fournit, à chaque étape, une estimation de la population totale ventilée en trois groupes d’âges : 0-19 ans, 20-59 ans, 60 ans et plus.
111Ces résultats ont été calculés pour chaque région, et, à l’intérieur de chaque région, pour chaque ville ou agglomération de plus de 50 000 habitants31 et pour l’ensemble des communes rurales.
112Avant de passer au calcul de précision à court terme, nous indiquerons brièvement la méthode de calcul.
Méthode de calcul des perspectives par région et unité urbaine
113Elles ont été établies en trois phases :
1141) Perspectives P1 d’évolution naturelle établies par la méthode classique utilisée dans le cas d’une population fermée. Fécondité et mortalité ont été supposées constantes au niveau observé32 en 1962. On obtient ainsi la population qu’on observerait dans chaque région en l’absence de mouvements migratoires.
1152) Perspectives P2, compte tenu des migrations internes. F. Cazin a utilisé les données recueillies au recensement de 1962 sur les lieux de résidence en 1954
116Elles permettent de calculer :
L’effectif recensé en 1962 résidant dans la zone i en 1954 (quelle que soit la zone de résidence en 1962). En d’autres termes, c’est la population qu’on aurait observée dans la zone i en 1962 en l’absence de migrations internes au cours de la période.
Parmi l’effectif précédent, l’effectif de ceux qui résident dans une zone quelconque, mettons j, en 1962.
117Le rapport du second au premier de ces effectifs donne le taux d’émigration33 de la zone i à la zone j (en 8 ans).
118De ces taux en 8 ans, on passe à des taux annuels tij supposés constants au cours des périodes suivantes pour établir les perspectives.
119On passe alors des perspectives P1 d’évolution naturelle aux perspectives P2, compte tenu des migrations internes :
120Du taux annuel tij, on passe à un taux en 6 ans qu’on applique à la population P1i prévue dans la zone i (au 1-1-1968, sans migration).
121On obtient ainsi l’effectif survivant en 1968 de ceux qui ont quitté i pour gagner j au cours de la période 1962-68.
122D’où l’on déduit :
Par sommation sur j : l’ensemble des survivants au 1-1-1968, qui ont quitté une zone quelconque i, au cours de la période 1962-68.
Par sommation sur i, l’ensemble des survivants au 1-1-1968, qui ont gagné une zone quelconque j, au cours de la même période.
123Le calcul a été mené séparément pour chaque groupe d’âges ; il permet de passer des perspectives P1 par zone et groupe d’âges au 1-1-1968 (sans migration) aux perspectives P2 établies à la même date en prenant en compte les migrations internes.
124En conclusion cette méthode repose sur la reconduction, de période en période :
Des taux d’émigration observée dans chaque zone au cours de la période 1954-62.
De la répartition par destination des migrants originaires d’une zone donnée.
125A court terme, elle est très proche d’une reconduction des taux de migration nette34 de chaque zone.
126Elle privilégie néanmoins le point de vue “Emigration”. Une reconduction des taux d’immigration d’une part, de la répartition des immigrants par zone d’origine d’autre part, conduirait à des résultats différents, notamment à long terme. Nous reviendrons plus bas sur cette question.
1273) Perspectives P3, compte tenu des migrations internes et externes.
128De la population par zone et groupe d’âges au recensement de 1962, on est donc passé successivement :
Aux perspectives P1 (sans migrations internes) au 1-1-1968.
Puis aux perspectives P2 au 1-1-1968 (compte tenu des migrations internes, compte non tenu des migrations externes).
Enfin aux perspectives P3.
129Cette succession d’opérations est décrite sur le graphique 21. Il suffit de les recommencer pour obtenir les perspectives à la deuxième étape des perspectives, puis à la troisième...

Graphique 21. –
130F. Cazin a calculé successivement :
Une suite de perspectives P1 : P(62) → P1 (68) → P1 (70) → P1 (75) →.. qui donne la population par groupe d’âges, qu’on observerait dans chaque zone en l’absence de migrations internes depuis le recensement de 1962 (chaîne P1)
Une suite : P (62) → P1 (68) → P2 (68) → P1 (70) → P2 (70) → P1 (75). etc, qui donne la population qu’on observerait en l’absence de migrations externes depuis le recensement de 1962 (chaîne P2)
– Enfin la chaîne P3 qui donne les populations prévues.
131La comparaison des trois séries (chaînes P1, P2, P3) fournit des résultats qui seront discutés plus bas, après le calcul de la précision des perspectives. Signalons pour conclure que, dans ce bref résumé, nous n’avons pu exposer, dans tous ses détails techniques, la méthode utilisée ; nous en avons conservé l’essentiel en restant fidèle à l’esprit de la méthode.
IV – Précision des perspectives urbaines
132On a comparé les effectifs calculés par l’INSEE à la première étape des perspectives, soit le 1-1-196835, aux résultats du recensement de 1968.
133Ces perspectives ont été calculées à partir du recensement de 1962, c’est donc à un terme très court, 6 ans, que nous allons en évaluer la précision.
134A partir de ces données, nous avons calculé pour chaque unité urbaine, de plus de 50 000 habitants, deux taux annuels de variation au cours de la période 1962-68 : le taux prévu et le taux observé.
135Par différence on obtient l’erreur absolue sur le taux de croissance prévu. Rapportant cette différence au taux prévu, on en déduit l’erreur relative sur le taux annuel de variation, égale à l’erreur relative sur l’accroissement absolu.
136Ces quatre valeurs figurent pour chaque ville en annexe VII. Les taux de croissance prévus sont souvent éloignés des taux observés. En d’autres termes, les erreurs relatives sur l’accroissement, étudiées en détail plus bas, sont importantes.
137Le tableau XXXV résume le tableau de calcul de l’annexe VII. II donne des moyennes des quatre valeurs précédentes36 pour des regroupements par taille des unités urbaines et selon le taux de croissance prévu37.
138Pour chaque regroupement, ou encore sur une ligne du tableau XXXV, le taux moyen prévu est beaucoup plus proche du taux moyen observé (colonnes 1 et 2 du tableau) que pour chaque ville prise isolément.
139L’écart entre les deux taux est encore plus faible pour des regroupements plus larges selon le taux de croissance prévu (toutes tailles) et selon la taille (tous taux prévus).
140Enfin pour l’ensemble des unités urbaines de plus de 50 000 habitants, la prévision est très bonne : taux prévus et taux observés coïncident (2 % par an).
Sens des erreurs
141Si les écarts sont assez réduits pour l’ensemble des villes d’une classe donnée leur sens n’est pas dépourvu de signification (v. colonne 3).
Tableau xxxv. – precision des perspectives de population des unites urbaines. valeurs moyennes des taux annuels d’accroissement prevus, et observes de 1962 A 1968. erreurs relatives moyennes sur l’accroissement 1962 – 68.

142Pour les villes dont la croissance prévue était élevée (groupe III : plus de 2,5 % par an), les valeurs observées sont, en moyenne, plus faibles que les valeurs prévues. L’écart de 0,5 % par an, n’est pas négligeable, surtout si on le compare au module moyen de l’erreur absolue dans cette classe (0,9 % par an).
143A l’inverse, dans le groupe II (villes pour lesquelles était prévue une croissance moyenne de 1,5 à 2,5 % par an), la croissance observée est supérieure à la croissance prévue.
144Mettant provisoirement à part le groupe de villes pour lesquelles la croissance prévue était faible (groupe I : moins de 1,5 % par an), on peut proposer l’interprétation suivante : la croissance d’une ville est en partie aléatoire ; si certaines caractéristiques (situation géographique, capacité d’accueil du site, desserte etc.) ont un caractère permanent et déterminent le taux de croissance moyen pendant une période qui peut être assez longue, certains facteurs à caractère aléatoire provoquent des fluctuations à plus court terme38.
145Au cours de la période 1954-62, sur laquelle repose la prévision, certaines villes ont eu une croissance particulièrement rapide et se sont trouvées dans le groupe III. Elles sont revenues au cours de la période 1962-68 à une croissance voisine de leur croissance moyenne en longue période ; leur croissance réelle a été inférieure à la croissance prévue par reconduction des taux exceptionnellement élevés de la période 1954-62. D’où le biais systématique qui apparaît à la lecture du tableau XXXV.
146L’inverse a dû se produire, au moins en partie, dans la classe intermédiaire (taux de croissance prévus compris entre 1,5 et 2,5 %).
147Ces écarts moyens ne sont nullement négligeables par rapport aux écarts entre taux prévus et observés dans chaque ville, comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous, qui reprend les totaux intermédiaires des colonnes 3 et 4 du tableau XXXV.

148En attribuant exclusivement les écarts moyens par classe au biais systématique mentionné plus haut, on expliquerait la moitié des écarts entre taux prévus et observés.
149Revenons maintenant au groupe I (villes dont la croissance prévue est inférieure à 1,5 % par an). On devrait, en bonne logique, y trouver des villes dont la croissance au cours de la période 1954-62 a été exceptionnellement “faible”. La croissance moyenne observée devrait donc être supérieure aux valeurs prévues. C’est au contraire l’inverse qui se produit bien que l’écart soit quasi nul ( – 0-1 % par an).
150L’examen de la composition du groupe en fournit l’explication : 12 des 22 villes sont à prédominance industrielle marquée et souvent à vocation industrielle ancienne39.
151– Leur croissance, faible de 1954 à 1962, et même dans certains cas leur déclin démographique, se sont accentués au cours de la période 1962-68 où l’augmentation de l’emploi industriel a été particulièrement lente (v. tableau XXX).
152En l’absence de ce qu’on peut considérer dans une certaine mesure, comme un aléa, les taux moyens observés auraient été supérieurs aux taux prévus.
153Ce biais systématique, qui provient en partie de la méthode de prévision utilisée (reconduction des tendances observées pendant la seule période 1954-62), suggère une amélioration : l’utilisation des tendances observées au cours de plusieurs périodes intercensitaires, atténuerait l’influence des aléas de courte période.
154Nous verrons plus bas que cette amélioration, qui reste possible en théorie, serait aujourd’hui un luxe. La prise en compte de deux périodes intercensitaires pour la prévision alourdirait un programme de calcul déjà compliqué alors que l’utilisation des perspectives reste très aléatoire.
Etude des erreurs
155Revenons au tableau XXXV : la colonne (5) donne le module40 moyen de l’erreur relative sur le taux d’accroissement41 1962 68.
156Les valeurs sont très élevées, de l’ordre de 50 % dans le groupe I et de 30 % dans les groupes II et III. Ces différences proviennent du mode de calcul de l’erreur relative : à erreur absolue égale sur le taux prévu, l’erreur relative est d’autant plus élevée que le taux prévu est plus bas.
157Le module de l’erreur relative est également lié à la taille de l’agglomération. Il est en moyenne deux fois moins élevé dans les villes de plus de 200 000 habitants ; au-delà de cette taille se produisent des compensations qui atténuent les fluctuations à court terme de la croissance.
158Les calculs précédents donnent les valeurs moyennes des erreurs. Lorsqu’on s’intéresse à une ville donnée, on se pose plutôt la question : quelle est la probabilité pour que l’erreur sur la prévision dépasse x, y, z % ?
159Le graphique 21 bis donne la distribution des erreurs relatives sur l’accroissement 1962-68. L’étalement des distributions diminue avec le taux de croissance prévu mais les intervalles de longueur minimale contenant 80, 90, ou 95 % des erreurs sont très larges (v. graphique 21 bis).
160Dans le cas intermédiaire des villes à croissance moyenne l’erreur relative est :
161Dans 20 % des cas extérieurs à l’intervalle : 30 %, + 50 %.
162Dans 10 % des cas extérieurs à l’intervalle : 60 %, + 50 %.
163Dans 5 % des cas extérieurs à l’intervalle : 80 %, + 100 %.
164La dispersion des erreurs relatives est également liée à la taille. Elle varie environ du simple au double lorsqu’on passe de la classe “Plus de 200 000 habitants” à la classe “50 à 100 000 habitants”.
165Dans la première de ces deux classes, si l’on met à part le groupe I (villes à croissance faible) pour lequel le calcul d’erreurs relatives n’a qu’une signification très limitée, la dispersion des erreurs est faible :
16690 % des erreurs sont comprises dans l’intervalle : – 20 %, + 5 %.
16750 % des erreurs sont comprises dans l’intervalle : – 10 %, +0 %.
168Dans les grandes villes, la précision des perspectives est très acceptable.
169Nous avons vu plus haut les limites du calcul des erreurs relatives sur l’accroissement, dont les valeurs sont étroitement liées à celles de cet accroissement.
170Les incidences de l’imprécision des prévisions dépendent de la taille de la ville. Plus la taille des villes est grande par rapport à l’erreur absolue annuelle sur l’accroissement des effectifs et plus les incidences de l’erreur sont réduites : à valeur égale de cette erreur, une population active plus nombreuse, un parc de logements plus grand permettent de mieux atténuer les fluctuations de la croissance.
171En ce sens la colonne (4) du tableau XXXV, qui donne le module moyen de l’erreur absolue sur le taux annuel, en d’autres termes les valeurs moyennes par classes de la quantité :

172présente autant, sinon plus d’intérêt que les erreurs relatives moyennes que nous venons de commenter.
173L’examen de la colonne (4) du tableau XXXV montre que les erreurs absolues sur le taux annuel sont d’autant plus faibles que le taux de croissance prévu est plus faible.
174L’étude des erreurs absolues sur le taux de croissance conduit à un résultat en contradiction apparente avec celle des erreurs relatives : l’imprécision des prévisions imputable aux fluctuations de la croissance a des incidences d’autant plus réduites que le taux de croissance prévu est plus faible. La dispersion des erreurs absolues sur le taux annuel de variation diminue également avec le taux de croissance prévu et la taille des villes (v. tableau XXXV bis et graphique 21 bis).

Graphique 21 bis. – Distributions des erreurs relatives sur l’accroissement 1962-1968 (ajustées).
Tableau xxxv bis. – distribution des erreurs absolues sur le taux annuel de croissance (source : tableaux de l’annexe vii) intervalles en (p. cent/an)

Tableau xxxv ter. – croissance annuelle prevue (en effectifs) et erreurs sur la croissance prevue dans des villes (fictives) ayant les caracteristiques moyennes de chaque groupe.

175L’étude des erreurs relatives présente l’avantage de rapporter les écarts entre accroissements prévus et observés aux accroissements prévus. En revanche les erreurs absolues sur l’accroissement donnent de la précision des perspectives une description plus concrète.
176Le tableau XXXV ter a été déduit du tableau XXXV. Pour chaque groupe (taux de croissance prévu x taille), nous avons calculé dans une ville fictive présentant les caractéristiques moyennes du groupe :
la variation annuelle prévue (en effectifs)
l’écart annuel moyen entre accroissement prévu et accroissement observé.
177L’erreur sur la variation annuelle d’effectifs augmente avec la taille (tous taux d’accroissement prévus, dernier groupe du tableau XXXV ter). Elle passe de 1 300 à 6600 hts lorsqu’on passe de la ville moyenne de 50000 à 100 000 hts (70 000 hts environ) à la ville moyenne de plus de 200 000 hts (350 000 hts environ).
178Les erreurs sur la variation annuelle augmentent nettement avec le taux de croissance prévu42.
179La ville moyenne de plus de 50 000 hts (dernière ligne du tableau) comptait environ 140 000 hts en 1962. L’accroissement annuel prévu y était de 3 000 hts par an environ. L’écart entre accroissements annuels prévus et observés a été de l’ordre de 1 000 hts par an (en plus ou en moins) ; soit encore 300 à 400 logements par an. Notons toutefois que les perspectives à très court terme menées par les instances locales (qui disposent d’informations sur les projets d’implantation et l’évolution prévisible de l’emploi) peuvent être plus précises, sous certaines réserves formulées plus bas.
180Ces informations peuvent aussi permettre d’atténuer les incidences des fortes fluctuations de la croissance des villes.
181Au terme de cette étude, il est possible de poser un problème qui touche à l’ensemble de la méthode.
182Par reconduction de tendances observées de 1954 à 1962, la division des économies régionales établit des perspectives à une échéance qui dépasse l’année 2 000 compte tenu des fluctuations importantes de la croissance urbaine, il est possible que des perspectives menées par des moyens plus simples mais reposant sur la prolongation de tendances plus longues43 soient aussi précises à long terme.
Les perspectives comme modèles
183Les perspectives présentent enfin un intérêt comme modèles. Elles permettent d’évaluer les conséquences à long terme de certaines hypothèses.
184Le tableau XXXVI donne les effectifs et structures par âge de la population prévue par groupe d’unités urbaines44 au 1-1-2002.
185Cette date est assez éloignée pour que l’incidence des structures par âge initiales sur les résultats soit minime. A ce stade des perspectives les populations prévues sont proches de la stabilité.
186Les perspectives P1 donnent les populations qu’on observerait en 2002 en l’absence de migrations, si se maintenaient la fécondité et la mortalité observées dans chaque zone en 1962.
187Les variations de mortalité sont faibles entre villes regroupées par classe de taille45 ; ce sont surtout celles de la fécondité qui rendent compte des différences observées entre les groupes d’unités urbaines du tableau.
188En l’absence de migrations, l’augmentation de la population rurale serait importante : + 7,4 millions d’habitants en 40 ans. Celle des unités urbaines serait un peu plus élevée en valeur relative en raison de structures par âge plus favorables au départ (v. tableau XXXVI). L’accroissement de l’agglomération parisienne, où les taux de fécondité sont particulièrement bas, serait faible : + 1,3 millions d’habitants en 40 ans.
189Par comparaison des perspectives P1 avec les perspectives P2, qui reconduisent les courants de migrations internes observés de 1954 à 196246 on observe que les populations totales (France entière) prévues au 1-1-2002 diffèrent de 700 000 personnes environ (P1 > P2). Le solde des migrations internes est positif dans les villes et particulièrement dans les plus grandes. En moyenne, on attribue donc aux migrants une fécondité plus basse que celle de leur localité d’origine ; d’où l’écart entre les populations prévues.
Tableau xxxvi. – perspectives de population au 1-1-2002 : effectifs prevus, repartitions, structures par age (Source : Perspectives INSEE – base 1962).

190La comparaison permet aussi d’évaluer l’influence des migrations internes sur les répartitions par âge : alors que les seules différences de fécondité conduiraient à des populations beaucoup plus “vieilles” dans les grandes villes et surtout dans l’agglomération parisienne, la prise en compte des migrations internes produit des résultats inverses. Dans l’agglomération parisienne, les migrations réduiraient presque de moitié la proportion de “60 ans et plus”.
191La prise en compte des migrations internes réduit à 500 000 personnes en 40 ans l’accroissement de la population rurale. Il faut s’interroger sur la validité de ce dernier résultat : depuis une centaine d’années, la population rurale baisse de façon assez régulière en longue période, ce qui paraît contradictoire avec une augmentation même minime, au cours des 40 prochaines années.
192Cette augmentation provient de la méthode utilisée pour extrapoler les mouvements migratoires : nous avons vu plus haut (p. 127 et 12 8) qu’on reconduit les taux d’émigration tij d’une zone quelconque i, à destination d’une autre zone j.
193La population urbaine augmente rapidement. En appliquant à la population croissante des villes des taux d’émigration constants à destination des communes rurales, on obtient des flux croissants de migrants, qui équilibrent au bout d’un certain temps, le flux de migrants des communes rurales à destination des communes urbaines.
194Si à l’inverse on avait reconduit les taux d’immigration de période en période, on aurait abouti, pour des raisons analogues, à une diminution trop forte de la population rurale.
195En l’état actuel de ce que l’on connaît des mécanismes qui régissent les mouvements migratoires, il n’y a, a priori, aucune raison de reconduire les taux d’immigration ou d’émigration. Il semblerait préférable de choisir, comme invariants, des quantités qui fassent intervenir à la fois les populations Pi et Pj des zones de départ et d’arrivée, soit par exemple :

196ou mij et mji représentent les flux de migrants observés entre zones i et j au cours de la période sur laquelle repose la prévision.
Conclusions
197Pour la première fois en 1968, on disposait, dans un périmètre constant, celui des agglomérations délimitées en 1962, de prévisions de population et d’effectifs au recensement. Leur comparaison nous a permis une évaluation de la précision des perspectives à un terme très court : 6 ans.
198Les résultats peuvent laisser assez pessimiste. La précision moyenne des perspectives est faible : l’erreur relative moyenne47 sur l’accroissement des unités urbaines de plus de 50 000 habitants est de 36 % (en 6 ans).
199La dispersion des erreurs est également très élevée : dans le cas des villes pour lesquelles était prévu un accroissement moyen, la même erreur est dans un cas sur dix extérieure à l’intervalle (– 60 % ; + 70 %).
200La précision augmente nettement avec la taille des villes : les erreurs relatives moyennes varient du simple au double lorsqu’on passe de la classe des villes de plus de 200 000 habitants à celle des villes de 50 à 100 000 habitants. Dans cette dernière classe, la dispersion des erreurs est aussi beaucoup plus faible.
201Plus qu’à la méthode employée, qui comporte néanmoins un biais systématique, les erreurs de prévision sont dues aux fluctuations des taux de migration nette, ou, ce qui revient presque au même, à celle de la croissance urbaine.
202La croissance d’une ville n’a rien d’un processus régulier, elle est soumise à des variations rapides qu’on peut, du point de vue de la prévision, assimiler à des aléas : implantation d’industries nouvelles, essor ou déclin d’une branche d’industrie fortement représentée dans la ville etc...
203A ces fluctuations propres à la ville s’ajoutent les variations que provoquent des évolutions à plus long terme ou des événements dont les répercussions sont nationales comme les fluctuations de l’immigration étrangère, le retour des rapatriés en 1962, etc...
204La marge d’erreur que comportent les perspectives par ville provient donc pour l’essentiel de leur mode de croissance ; il serait illusoire de penser qu’elle puisse être réduite de façon notable.
205Elle est assez forte pour qu’on puisse sérieusement se demander s’il est utile de calculer des perspectives de population urbaine.
206Nous répondrons par l’affirmative pour trois raisons :
2071) Parallèlement aux perspectives précédentes, établies par l’INSEE, des perspectives sont établies dans de nombreuses villes par des instances locales de planification ou d’urbanisme.
208Elles diffèrent des premières par les méthodes utilisées, d’ailleurs variables d’une ville à l’autre. Elles en diffèrent aussi par l’utilisation qui en est faite : toute perspective de population a des incidences politiques, par exemple en matière d’attribution de crédits. Par leur implantation locale, par les liens plus ou moins formalisés qui les unissent à certains groupes, les organismes qui les établissent sont le plus souvent amenés à surestimer la croissance prévue48.
209Ces perspectives, qui reposent sur des hypothèses résolument volontaristes, perdent alors neutralité et cohérence. Elles gagneraient en intérêt si elles étaient assorties de tests de cohérence à l’échelon national et surtout d’une étude des moyens nécessaires à leur réalisation. En l’état actuel du contrôle de la collectivité sur les localisations industrielles, elles semblent souvent utopiques. Le regroupement des populations prévues pour l’ensemble de la France donnerait sans doute des résultats surprenants.
210Elles conservent toutefois un intérêt : d’abord parce que l’établissement de projections rend nécessaire l’étude de la croissance de la ville dans le passé. Ensuite parce que les perspectives à l’échelon local ne se limitent pas à une prévision de population par sexe et groupe d’âges mais comportent des perspectives dites induites (population active, population scolaire, logements, équipements divers...).
211En outre, alors que les perspectives établies par l’INSEE concernent l’ensemble de l’agglomération, les perspectives à l’échelon local sont souvent établies à un niveau plus fin ; communes d’une agglomération, quartier...
212Enfin, et sous les réserves émises plus haut, les instances locales disposent souvent de renseignements plus détaillés (par exemple données sur l’évolution prévisible de l’emploi dans certaines branches d’activité économique de la ville) qui ne sont pas prises en compte dans les perspectives établies à l’échelon national49.
2132) Des marges importantes d’erreurs dont souffrent les perspectives à 6 ans, on pourrait déduire que les prévisions à une échéance plus lointaine sont dénuées d’intérêt.
214Leur précision dépend en fait de la forme générale des courbes de croissance urbaine, plus précisément de la façon dont les fluctuations à court terme s’inscrivent dans une évolution à plus long terme.
215Il est même possible que des prévisions à long terme, reposant sur les tendances dégagées au cours de plusieurs périodes intercensitaires, soient plus précises (en % de l’accroissement) que des prévisions à court terme. Ce serait notamment le cas si les courbes d’évolution de la croissance des villes avaient la forme figurée sur le graphique 22.

Graphique 22. –
2163) Dans l’hypothèse d’une attribution rationnelle des crédits d’équipement aux villes, les prévisions de population pourraient être un critère utile de choix.
217Entre deux villes de même niveau d’équipement dans un certain domaine (hospitalier, universitaire...), le choix de l’implantation d’un nouvel équipement pourrait prendre en compte les perspectives de population à moyen terme des villes et de leurs zones d’influence : entre deux localisations présentant les mêmes avantages, il est souvent préférable de localiser un équipement dans la zone où la croissance prévue est la plus rapide. La dispersion des taux de croissance est assez importante pour que ce critère puisse être déterminant50.
218Enfin, comme on l’a vu plus haut, les perspectives présentent un intérêt comme modèles d’évolution de la population.
Notes de bas de page
1 Taux de migration nette : solde migratoire d’une circonscription rapporté à sa population.
2 G. Calot, S. Mugnier et M. Burs : L’évolution démographique des régions, départements et grandes unités urbaines entre 1962 et 1968. Collections de l’INSEE – Juin 1969 – D1
3 Taux entre recensements divisés par la longueur de la période.
4 Périmètre défini pour les agglomérations au recensement de 1968.
5 Notons aussi que dans le cas d’un découpage exhaustif (départements, régions) et en l’absence de migrations externes, c’est la moyenne des taux de migration nette, pondérée par la population des circonscriptions, qui serait nulle : ∑P1i t1i = 0 ∑P2i t2i = 0
La moyenne arithmétique des taux n’a a priori, aucune raison d’être nulle, sinon en probabilité. Nous reviendrons plus bas sur ce point.
6 Ce terme, utilisé couramment en mathématiques, évite une confusion avec une autre acception usuelle : valeur absolue par opposition à valeur relative.
7 Les implantations de nouvelles unités de production provoquent des fluctuations de croissance qui varient en relation inverse de la taille des villes. Les fluctuations peuvent néanmoins rester importantes dans les grandes agglomérations.
Entre 1962 et 1968 par exemple, l’implantation de deux usines de l’industrie automobile à Rennes s’est traduite par la création de 3 à 4 000 emplois occupés par des actifs résidant dans l’agglomération. (Source : Délégation à l’aménagement du territoire).
Compte tenu des effets induits et de la population inactive, l’accroissement de population a été très supérieur. Malgré plusieurs études, les valeurs du multiplicateur de population restent mal connues, mais les estimations sont en général supérieures à 30 habitants par emploi industriel. Soit, pour l’agglomération de Rennes, un accroissement de population supérieur à 10 000 personnes (6 % de la population recensée en 1962).
8 Ces données pourraient être calculées depuis l’origine des recensements pour les départements et régions (v. chapitre III, note 35).
9 Provence-Côte d’Azur, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et Aquitaine. Leur croissance plus rapide est imputable en grande partie au retour des rapatriés. Il existe peut-être également une tendance à la localisation des activités économiques dans les régions du midi, liée à une réduction des contraintes classiques de localisation : poids des produits, proximité de certaines sources d’énergie et de matières premières traditionnelles (fer, charbon...).
10 v. notamment P. Bertrand “Le déséquilibre des migrations Paris-Province s’atténue”. Economie et Statistique. n° 10 – mars 1970.
11 v. notamment J.J. Granelle : Espace urbain et prix du sol. (Ed. Sirey, Paris 1970). Les tableaux des pages 140 et 141 donnent l’évolution d’un indice relatif à 15 communes de la proche banlieue.
Les séries établies par le C.I.N.A.M. de 1952 à 1964, relatives aux 12e et 15e arrondissements de Paris, conduisent aux mêmes conclusions (“Evolution du parc logement et démolitions d’immeubles dans le département de la Seine” VIIIe partie, p. 106).
12 Si l’on fait abstraction des fluctuations à court terme, qui sont fréquentes et nullement négligeables, il existe un lien assez rigide entre le prix de vente des logements et le niveau des loyers. Selon l’étude la plus récente de l’INSEE (Etudes et conjoncture, Septembre 1968), l’augmentation des loyers dans l’agglomération parisienne aurait été de 58,5 % pendant la période de trois ans et demie qui sépare les enquêtes d’août 1963 et de mars 1967. Cette augmentation est relative à l’ensemble du parc (logements à loyers “libres” construits après 1948, logements sociaux, logements anciens) où les écarts de loyers restent considérables.
Elle inclut les glissements entre catégories (remplacement progressif du parc ancien par des constructions neuves à loyers “libres”) et à l’intérieur d’une catégorie (libération progressive des loyers dans le parc ancien).
13 L’effectif des décohabitations est égal à celui des logements, construits au cours d’une période, qui ont contribué à réduire le nombre de situation où cohabitent, dans un même logement, des personnes n’appartenant pas à la même famille (restreinte). Pour une définition statistique plus précise, v. par exemple, en bibliographie, la référence 20 bis.
La notion de cohabitation est sociologique ; elle est distincte de celle de surpeuplement qui repose sur un rapport (statistique) entre le nombre de pièces d’un logement et celui de ses occupants. En pratique les deux notions sont liées. Les décohabitations s’accompagnent le plus souvent d’une amélioration de l’indice de peuplement.
14 Les estimations du tableau XXIX reposent sur les résultats des recensements de 1954, 1962 et 1968. Leur précision, qui dépend de celle des recensements, a pu être affectée par une augmentation sensible des taux d’omissions nettes au recensement de 1968 (sous-dénombrement supplémentaire de 200 000 personnes par rapport au recensement précédent).
Cette augmentation nullement négligeable ne modifie pas les conclusions précédentes : ces 200 000 personnes correspondent à environ 80 000 ménages ; en admettant que la moitié des omissions aient eu lieu en région parisienne, le sous-dénombrement serait de 40 000 ménages entre 1962 et 1968, soit environ 7 000 par an.
La prise en compte de cette augmentation volontairement très élevée des omissions nettes en région parisienne, conduirait, compte tenu du mode de calcul des trois postes d’utilisation de la construction neuve :
. à relever de 7 000 unités par an l’effectif de logements neufs correspondant à l’accroissement démographique (45 000 au lieu de 38 000).
. à réduire du même nombre le solde annuel des désaffectations nettes (qui resterait en augmentation très forte par rapport à 1954-1962).
Les estimations du volume annuel de la construction neuve et des décohabitations seraient en pratique inchangées.
En définitive les conclusions tirées plus haut du tableau XXIX ne seraient guère modifiées.
15 On ne peut attribuer en totalité cette baisse au blocage des loyers. La proportion ci-dessus dépend en outre du volume de l’immigration étrangère et de celui de la croissance urbaine d’ensemble.
16 En provenance des autres régions.
17 832 000 étrangers ont été recensés en 1968 dans l’agglomération parisienne, contre 575 000 en 1962.
18 La moyenne des taux de migration nette des départements ou régions, qui constituent des découpages exhaustifs du territoire, pondérés par leur population est égale au solde positif des migrations entre la France et l’étranger.
solde annuel des migrations externes (1954-62)
solde annuel des migrations externes (1962-68)
A valeur égale du solde des migrations externes, une baisse des taux de migration nette dans quelques régions peuplées provoque une augmentation des taux des autres régions et donc de leur moyenne arithmétique.
L’augmentation du solde des migrations externes, de 0,41 % (1954-62) à 0,46 % par an (1962-68) a provoqué en outre un léger relèvement d’ensemble.
19 Cette tendance est postérieure à la seconde guerre mondiale. De 1876 à 1962, la croissance de la population active non agricole a été beaucoup moins rapide dans la périphérie de la région parisienne que dans l’ensemble de la province (Région parisienne et périphérie exclues). V. à ce sujet “La décentralisation industrielle et le bassin parisien”, Population 1967 p. 527 à 543. Cette tendance récente est liée à la saturation du site parisien dont “bénéficient’ en grande partie les régions de la périphérie.
20 Source : “L’immigration étrangère en France” réf. bibliographie n° 32.
21 Agglomération parisienne exclue.
22 Taux calculés à partir des variations de la population de l’ensemble des métropoles régionales et de l’ensemble des villes de plus de 200 000 hts.
23 Cette baisse du solde des migrations rurales à destination des villes est en partie une conséquence indirecte du vieillissement de la population rurale où l’excédent naturel des naissances sur les décès a fortement baissé : de 0,52 % par an en 1954-1962 à 0,33 % par an en 1962-1968.
24 Cette hypothèse doit être assez proche de la réalité mais ne fournit cependant qu’un ordre de grandeur, au reste assez éloquent : près du tiers des nouveaux arrivants en ville sont des immigrants étrangers.
25 Rapatriés exclus du solde de l’immigration et de l’accroissement de la population urbaine.
26 V. à ce sujet “Immigration étrangère en France, une nouvelle méthode de mesure”. Population, n° 4, 1971.
27 Excédent des arrivées en France sur les départs.
28 Les perspectives sont souvent établies à long terme (30 ou 50 ans) mais elles sont récentes : on ne peut pour l’instant comparer les valeurs calculées à la réalité qu’à un terme très court, à moins d’établir, rétrospectivement, des perspectives à seule fin de les comparer aux résultats des recensements. Le développement pris récemment par les perspectives justifie largement des recherches dans cette voie.
29 Perspectives démographiques régionales et urbaines préparatoires au VIe plan base 1962, réf. bibl. n° 29. L’INSEE a établi depuis, par une méthode identique, des perspectives basées sur les résultats du recensement de 1968.
30 En six étapes : 1-1-1970, 1-1-1975, 1-1-1980, 1-1-1986, 1-1-1994, 1-1-2002.
31 En 1962.
32 Les disparités importantes de la fécondité et de la mortalité entre régions d’une part, agglomérations et communes rurales d’autre part, rendaient nécessaire l’emploi de taux de fécondité et de quotients de mortalité propres à chaque unité de découpage géographique retenue (v. chapitre III).
Pour les régions et les unités urbaines de plus de 500 000 hts. les taux et quotients ont été calculés à partir des recensements et des données de l’état civil. Pour les autres échelons géographiques, nous avons procédé à des estimations.
33 Sous réserve que la mortalité des migrants soit identique à celle des non migrants, ce rapport de survivants en 1962 est débarrassé de l’effet perturbateur de la mortalité. En pratique, la mortalité différentielle est assez faible pour pouvoir être négligée.
34 Bilan : Arrivées moins départs en proportion de la population de la zone.
35 Effectifs ramenés, par extrapolation linéaire, à la date du recensement de 1968 de façon à pouvoir effectuer la comparaison.
36 D’autre part, dans les deux dernières colonnes figurent des modules moyens d’erreurs absolues (colonne 4) et relatives (colonne 5).
37 L’incidence de ces deux paramètres sur la précision des perspectives est discutée plus bas.
38 Voir à titre d’exemple, la note 7 de ce même chapitre.
39 Montceau-les-Mines, Forbach, Maubeuge, Montluçon, Denain, St-Chamond, Bruay-en-Artois, Douai, Lens, St-Etienne, Roubaix, Lille.
40 Les erreurs relatives moyennes par classe seraient dépourvues de signification réelle : il s’établirait des compensations entre erreurs négatives et positives d’une même classe. Seule présente un intérêt leur distribution sur laquelle nous allons revenir.
41 Ou, ce qui revient au même, sur l’accroissement absolu 1962-68.
42 Mis à part le groupe des villes de plus de 200 000 hts, en raison notamment des fluctuations aléatoires imputables au petit nombre d’observations.
43 Par exemple l’extrapolation linéaire de la population totale des zones observées à 3 ou 4 recensements, redressée pour obtenir une cohérence (France entière) avec les perspectives établies pour l’ensemble de la France.
44 Classement selon la taille en 1962.
45 D’autant que, contrairement à une opinion courante, la baisse de la mortalité ne conduit pas à un vieillissement de la pyramide des âges dont la forme dépend surtout des valeurs de la fécondité et des migrations.
46 Cette évaluation reste cependant théorique puisqu’on ne sait si les migrants adoptent, en matière de fécondité, les comportements moyens de leur milieu d’arrivée. Il est possible, sinon très vraisemblable, qu’à la première génération, les taux moyens de fécondité soient intermédiaires entre les milieux d’origine et d’arrivée. Il suffit en outre que les migrations aient une inertie assez forte pour que l’évaluation conserve sa valeur puisque les taux de fécondité de la période 1954-62, appliqués aux nouveaux migrants dans le calcul des perspectives, prennent en compte la fécondité des migrants de périodes antérieures.
47 En module.
48 Les perspectives établies par la Mission d’aménagement de la Basse Seine en fournissent un bon exemple : La Basse Seine s’étend, de part et d’autre de la Seine sur une partie importante de la région de Haute Normandie. En 1962 elle comptait 1 050 000 habitants sur un total de 1 400 000 pour l’ensemble de la région, soit 71 %.
Les perspectives assez volontaristes établies pour 1985 prévoient pour la Basse Seine, un effectif de 1 800 000 personnes sensiblement égal aux prévisions établies par l’INSEE pour l’ensemble de la région : 1 840 000 personnes (Base 1962) et 1 804 000 (Base 1968) ; Source : Dictionnaire des projections.
49 Toutefois il ne faut pas surestimer ces informations. L’évolution prévisible de l’emploi et les implantations nouvelles ne sont connues qu’à un terme assez court (quelques années).
50 Ce critère a déjà été utilisé dans le secteur privé pour l’implantation d’équipements commerciaux importants.
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