Chapitre VIII.
Les types de transition démographique
p. 219-272
Texte intégral
« Il n’y a pas d’humanité. Il y a seulement des bipèdes aussi différents entre eux que les éléphants et les girafes ».
WITKIEWICZ, S. I.
1Par type ou forme de transition démographique, nous entendons, dans un premier temps1, non pas les différentes combinaisons possibles2 de variations des taux bruts de natalité et de mortalité, mais leur résultat effectif, les modalités d’évolution observées du solde naturel.
Formes a priori
2Ce solde peut, par exemple, se trouver pendant longtemps supérieur à celui de la période prétransitionnelle : on a alors une transition longue. Il peut, au contraire, ne lui demeurer supérieur que pendant une période brève (du moins à l’échelle qui nous occupe) : on a alors une transition courte. Mais ce critère de durée totale ne saurait suffire à caractériser le profil de transition. On doit également faire entrer en ligne de compte des éléments tels que la hauteur (les pays pauvres ayant à l’évidence des transitions « hautes », alors que les pays riches ont connu des transitions « basses »), la durée de la phase de croissance maximale (si celle-ci se prolonge pendant plusieurs décennies, autrement dit si la baisse de la natalité tarde à se faire sentir, le pays peut être soumis à de profondes tensions telles que : poussée anarchique des bidonvilles, aggravation du chômage urbain, accentuation de la dépendance, etc.) enfin l’asymétrie (le maintien prolongé d’une natalité très sensiblement supérieure à la mortalité, pour des raisons de répartition par âge, exige, par exemple, un effort soutenu de constructions – logements, écoles, infrastructure, équipements divers – d’investissement et de création d’emplois).
3Imaginons un exemple. Si, à la limite, la baisse du taux brut de mortalité est très rapide et si celle du taux de natalité n’intervient qu’au moment même où le taux brut de mortalité est au plus bas, il s’agit alors d’une transition aiguë, (c’est-à-dire haute et à pointe fine), et on pense immédiatement à certains pays peu développés qui ont atteint de très fortes croissances démographiques. Ce cas extrême devrait, en théorie, aboutir à des croissances proches de 4 % par an, puisque le niveau traditionnel de natalité est fréquemment de l’ordre de 45 à 50 pour 1000 et que le taux brut de mortalité, compte tenu de l’importance de la fraction jeune de la population, tombe jusqu’à près de 5 à 10 pour 1 000. En fait, un tel type ne s’est, jusqu’à présent, rencontré qu’assez rarement : même là où la chute de la mortalité a été exceptionnellement rapide, comme à Sri Lanka ou à Formose, il a fallu cinquante ans pour faire passer l’espérance de vie du niveau traditionnel (25 à 35 ans) au niveau moderne (plus de 70 ans, chez les femmes). Or nous l’avons vu, la baisse de la natalité intervient le plus souvent dans un délai moins long. C’est ce délai de réaction, plus ou moins prolongé, et la vigueur de la baisse de la natalité qui dessineront les contours de la deuxième phase de la transition. Celle-ci, dont nous avons fixé assez arbitrairement le terme Tω, est déjà achevée pour l’ensemble des pays développés (y compris, depuis la fin des années 70, le Japon et, depuis le début des années 80, l’Europe ibérique, mais non compris l’Irlande) et si elle est commencée, par définition, dans tous les pays peu développés considérés ici, elle n’est cependant nulle part terminée. Il serait, par conséquent, assez prématuré de s’intéresser aujourd’hui, pour ces pays, à la symétrie ou aux types d’asymétrie des deux phases.
4Toutes les formes de transition ne sont pas également possibles. Certaines sont beaucoup plus fréquentes que d’autres et nous verrons que la combinaison des schémas de diffusion géographique de la baisse de la mortalité et des schémas correspondants pour la natalité permet de dégager, pour les pays développés, tout au moins, des types spécifiques. Si l’on cherche à classer les pays européens selon deux critères, l’époque de plus forte croissance de la population et le rythme correspondant de croissance, on constate que ces deux critères sont en relation très étroite et que, par ailleurs, le classement obtenu restitue assez fidèlement les clivages géographiques existants en Europe (conformément aux évolutions de la carte de la modernisation, saisie à travers des indicateurs tels que l’importance du secteur agricole ou le pourcentage de population adulte analphabète).
5Pour les pays peu développés étudiés, la distinction est moins claire et ne semble pas reposer sur un critère géographique, ni même historique. Surtout, il nous a paru tout à fait hasardeux d’esquisser dès à présent une typologie pour un phénomène dont l’évolution appartient souvent davantage à l’avenir (inconnu) qu’au passé (connu3). Nous les avons donc simplement classés selon leur niveau de croissance maximale (la période correspondante est encore trop récente pour être considérée comme définitive), en trois groupes :
2 à 2,5 % par an ;
2,5 à 3 % par an ;
plus de 3 % par an.
6Finalement, pour l’ensemble de notre échantillon, le groupement adopté et les figures correspondantes4 sont les suivants :
1) Pays développés européens et Japon
7a) France (figure VIII.1) ;
8b) Europe du Nord : Suède, Norvège, Finlande, Royaume-Uni, Danemark, Pays-Bas (figures VIII.2A à VIII.2F) ;
9c) Europe de l’Ouest : Belgique, Suisse, Allemagne (figures VIII.3A à VIII.3C) ;
10d) Europe centrale : Tchécoslovaquie, Autriche, Hongrie, Pologne (figures VIII.3D à VIII.3G) ;
11e) Europe du Sud (et Japon) : Italie, Yougoslavie, Espagne, Portugal, Grèce (figures VIII.4A à VIII.4F) ;
12f) Europe de l’Est : URSS, Bulgarie, Roumanie (figures VIII.4G à VIII.41) ;
13g) Irlande (figure VIII.5).
2) Pays d’immigration à peuplement européen
14– Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, États-Unis, Argentine, Uruguay (figures VIII.6A à VIII.6F).
3) Pays peu développés
a) Pointe de croissance maximale assez forte :
15Chypre, Chili, Chine, Inde (figures VIII.7A à VIII.7D) ;
b) Pointe de croissance maximale forte :
16Porto Rico, Corée du Sud, Sri Lanka, Hong-Kong, Cuba, Égypte, Tunisie (figures VIII.8A à VIII.8G) ;
c) Pointe de croissance très forte :
Europe et Afrique : Albanie, Maurice et Réunion (figures VIII.9A à VIII.9C) ;
Amérique latine : Guyane Britannique, Jamaïque, Panama, Trinité-et-Tobago, Brésil, Costa Rica, Mexique, Venezuela (figures VIII.9D à VIII.9K) ;
Asie : Formose, Singapour, Malaisie occidentale, Fidji (figures VIII.9L à
VIII.90).
17De façon à mieux mettre en évidence les tendances à long terme, toutes les figures ont été présentées suivant une même échelle qui resserre la dimension temps. Nous ne ferons que les commenter brièvement dans leurs grandes lignes et leurs spécificités.
18Après cette description des profils nationaux, un essai de synthèse sera ensuite dressé pour isoler les caractéristiques des principaux types de transition.
I. – Les profils de transition : les cas nationaux
1) Pays développés européens et Japon
a) France
19La France mérite une place spéciale pour deux raisons :
La baisse de la natalité y a été très précoce.
Le profil de la croissance naturelle au cours de la période de transition
y est assez plat et il se place près de la croissance zéro.
20Non seulement natalité et mortalité déclinent à peu près au même rythme, mais elles tendent à s’équilibrer en permanence, sauf à la période de léger gonflement (1815-1845) où la croissance naturelle atteint le niveau de 6 p. 1 000 par an : c’est la vitesse de « pointe » la plus basse jamais observée au centre d’un processus de transition. A plusieurs reprises, en temps de paix, et dès la fin du xixe siècle, la croissance est négative. Le sursaut de natalité dans l’immédiat après-guerre n’en est que plus remarquable. Mais dès 1950, un fléchissement dans la courbe de natalité, suivi d’une cassure en 1972, tend à ramener la croissance dans sa zone traditionnelle (moins de 5 p. 1000). Au total, le profil français est tout à fait atypique ; l’histoire de la population diverge de celle des autres pays européens.
b) Europe du Nord
21Hormis le cas français, les pays d’Europe du Nord sont les premiers à avoir parcouru les différents stades de la transition démographique, avec plusieurs décennies d’avance sur le reste de l’Europe. Si l’on fait abstraction de la reprise de natalité de l’après-guerre, la Suède correspond presque parfaitement au modèle théorique (dont nous verrons qu’il est souvent mal – ou non – respecté) tels qu’il est exposé dans les manuels de démographie (voir, par exemple, Keyfitz et Flieger5). Tout se passe comme si la guerre avait, pour la natalité, créé une parenthèse historique d’une trentaine d’années, sans perturber aucunement, par contre, le processus spontané d’évolution et de maturation de la mortalité : le taux brut de mortalité diminue jusque vers 1960, puis, l’allure des progrès sanitaires ne pouvant plus compenser l’influence du vieillissement démographique, se met à croître lentement depuis. La croissance naturelle est, en conséquence, à son plus bas niveau depuis 1810.
22En Norvège, l’évolution est analogue. Dans ces deux pays, la longueur du délai de réaction de la natalité et la lenteur initiale de sa baisse se traduisent par un large plateau de croissance élevée, s’étirant sur plus d’une cinquantaine d’années, à une hauteur deux fois plus grande qu’au niveau moyen de croissance prétransitionnel. Avec l’accélération de la baisse de la natalité jusque vers 1935, le profil épouse la forme d’un dôme asymétrique.
Figure VIII.1. – Mouvement naturel de la population en France depuis 1740

Figure VIII.2. – Mouvement naturel de la population en Europe du Nord

23Par rapport à ses deux voisins Scandinaves, la Finlande se différencie sur deux points :
une natalité baissant nettement plus tôt6 (1750) et traditionnellement beaucoup plus forte ;
un retard considérable, à l’inverse, dans le déclenchement de la baisse du taux brut de mortalité (1870).
24D’où une phase, très longue, de diminution à long terme de la croissance naturelle (1750-1870), suivie d’un cheminement comparable à celui des pays voisins.
25Vers 1840, l’Angleterre-Galles présente des taux de natalité et surtout de mortalité déjà relativement bas (on sait cependant que les chiffres sont alors encore quelque peu sous-estimés), qui l’apparentent à la Suède à la même époque : le taux brut de mortalité y a donc certainement reculé bien avant la date apparente (1875) sur la courbe. Quelques spécificités cependant :
la poussée de croissance durant la phase centrale de la transition est due, non pas au déclin de la mortalité, mais à la forte expansion de la natalité à l’apogée de l’ère victorienne ;
le taux de mortalité est presque stationnaire depuis 1920, ce qui confirme notre remarque sur la baisse précoce des taux ;
le baby-boom est encore plus étroit qu’en Suède après la guerre.
26Dans l’ensemble, ces quatre pays se caractérisent à la fois par une transition très longue (un siècle à un siècle et demi) et un maximum de croissance situé vers les années 1870-1880 (1855-1860 en Norvège). Ils définissent ce que nous appellerons le modèle nordique de transition démographique.
27A une translation temporelle près, de l’ordre d’un quart de siècle, du moins pour la phase montante de la transition (croissance maximale vers 1900) le Danemark reproduit fidèlement le type nordique. Les Pays-Bas s’en rapprochent de la même manière, mais avec des niveaux de natalité et de mortalité assez élevés au départ, qui en font une variété hybride entre les pays d’Europe du Nord et ceux d’Europe de l’Ouest.
c) Europe de l’Ouest
28En Belgique et en Suisse, les paramètres évoluent à des niveaux et suivant des tendances assez semblables jusque 1940. Vers 1870, à la veille de la transition, la natalité est un peu supérieure à 30 p. 1 000 et la mortalité un peu supérieure à 25 p. 1 000. Vers 1900, époque du maximum de croissance, le taux brut de mortalité n’est plus que 18 p. 1 000. Mais sa baisse se ralentit, surtout en Belgique, d’où un rétrécissement très rapide de la croissance naturelle, ramenée, en l’espace de 40 ans de 1,1 % (1900) à 0,3 % par an (à la veille de la guerre). C’est, dès lors, plus aux écarts de mortalité qu’à ceux de natalité qu’il faut attribuer la moindre croissance de la Belgique depuis la guerre.
29Le cas de l’Allemagne est, dans ses grandes lignes, analogue, mais le maximum de croissance est plus haut (près de 1,5 % par an, toujours autour de 1900), à cause d’une plus forte natalité. L’affaissement de la croissance n’en est que plus spectaculaire : sans la brusque politique populationniste de Hitler, la croissance démographique allemande (comme en France, mais plus tard) serait vraisemblablement tombée à zéro ou en deçà7. Comparé à la poussée de naissances des années 1934-1941, et à la vague qui en est issue entre 1957 et 1967, le baby-boom d’après-guerre ressort à peine. Depuis 1965, la chute de natalité est, à nouveau, brutale, et beaucoup plus rapide qu’en Belgique et en Suisse ; depuis 1975, l’indicateur conjoncturel de fécondité se maintient à un niveau sans précédent historique à l’échelle d’un grand pays : 1,4 enfant en moyenne par femme.
Figure VIII.3. – Mouvement naturel de la population en Europe de l’Ouest

Figure VIII.3. – Mouvement naturel de la population en Europe Centrale

d) Europe centrale
30Comme les pays d’Europe de l’Ouest, les pays d’Europe centrale connaissent, durant leur période de transition, un plateau de croissance maximale à la fois :
plus tardif qu’en Europe du Nord ;
centré autour de 1900 ;
relativement bref (10 à 20 ans seulement).
31Mais les vicissitudes historiques (changements de frontières, transferts massifs de population, modification de régime politique pour trois d’entre eux) donnent à leur évolution un profil agité et atténuent entre eux certaines ressemblances traditionnelles.
32Les pays tchèques8 se singularisent par un profil relativement plat jusqu’à la fin du xixe siècle. Ensuite, jusque 1940, ils épousent un mouvement analogue à celui des autres pays d’Europe centrale (rétrécissement, plus ou moins important, de la croissance naturelle), pour voir, enfin, leur croissance largement commandée par des fluctuations politiques : reprise de la natalité sous l’occupation nazie, politique de population d’abord libérale (années 1950), puis restrictive à l’égard de la limitation des naissances avec adoption de mesures positives en faveur de la natalité, autour de 1970, avec légère tendance au recul de la natalité à la fin des années 70.
33Depuis plus d’un siècle, dans ses frontières actuelles, l’Autriche se maintient dans un zone de faible croissance, et son évolution reste très proche de celle de l’Allemagne : alors que, depuis quelques années, l’effondrement de la natalité l’avait entraînée vers un déficit de naissances, l’Autriche connaît, avec l’Anchluss (1938), une pointe de natalité qui dure quelques années, avec, là également, son inévitable contrecoup une génération plus tard, entre 1956 et 1969. Bien que la chute récente de la natalité soit moins abrupte qu’en Allemagne fédérale, la légère recrudescence du taux brut de mortalité, liée au vieillissement, a ramené le pays dans la zone de croissance naturelle négative.
34En Hongrie, dans la seconde moitié du xixe siècle, natalité et mortalité sont plus fortes qu’en Autriche, et si, entre 1900 et 1940, la natalité y diminue également de moitié, la mortalité, comblant son retard, tombe plus vite qu’en Autriche, d’où un affaissement beaucoup moins rapide de l’accroissement naturel. Au lendemain de la guerre, les ressemblances s’estompent : comme dans les autres pays de l’Est, les évolutions perdent leur spontanéité, balancées entre le laxisme (facilités d’avortement) des années 1950 (chute de la natalité au niveau le plus bas du monde, malgré une structure par âge relativement jeune et un fort pourcentage de population agricole) et l’austérité récente (reprise, à durabilité incertaine9, depuis une dizaine d’années liée au lancement de programmes sociaux visant à encourager l’agrandissement des familles).
35En Pologne, jusqu’au déclenchement de la transition démographique, les paramètres occupent chacun une position assez semblable à celle observée en Hongrie. Mais si la baisse de la mortalité y survient en même temps, celle de la natalité est plus tardive et moins franche. Le maximum de croissance est donc plus élevé et plus durable : à la veille de la Deuxième Guerre, le taux d’accroissement naturel est encore supérieur à 1 % par an. Le regain de natalité de l’après-guerre est à la mesure des pertes subies pendant la guerre10 (non figurées ici, faute de répartition des naissances et décès par année), mais, de même qu’en Tchécoslovaquie et en Hongrie, il cède vite la place à une chute brutale qui, là aussi, sera stoppée, mais plus tard, et sans mesure draconienne ni révision fondamentale de la politique familiale. La croissance démographique reste néanmoins très forte (près de 1 % par an) par rapport au standard européen ; si elle diminue en fin de période, c’est davantage par recrudescence de la mortalité que par affaiblissement de la fécondité.
36De manière générale, les pays d’Europe occidentale et centrale, groupés dans la série de figures VIII.3, connaissent donc une transition
37– plus tardive (maximum de croissance vers 1900, au lieu de 1870-1880) ;
38– et moins longue : un siècle ou moins, au lieu d’un siècle et demi (de 130 à 160 ans en Scandinavie), que dans le modèle nordique.
e) Europe du Sud (et Japon)
39Dans les pays d’Europe du Sud, le taux brut de mortalité se distingue relativement peu, par sa date de décrochement et son rythme de baisse, des pays d’Europe occidentale et centrale. La baisse de la natalité y est, par contre, plutôt lente, ce qui assure une progression démographique soutenue pendant une période longue, et d’autant plus longue que l’évolution est plus tardive.
40Durant 60 ans (années de guerre exclues), entre 1880 et 1940, l’Italie garde une croissance naturelle d’au moins 0,9 % par an (la politique populationniste de Mussolini n’a guère d’effet apparent sur les courbes), et la Yougoslavie d’au moins 1,1 %. Ce n’est que ces dernières années que la croissance naturelle est, en Yougoslavie, tombée légèrement en dessous de 1 % par an, à la suite d’une rechute de la natalité, qui, comme dans les autres pays communistes, a écourté le baby-boom, dès le début des années 1950 et s’est interrompue récemment (sans toutefois, dans ce cas, connaître de renversement). Ainsi, à la différence de l’Italie, qui, rapidement entraînée par sa partie Nord, voit sa natalité retomber, comme dans l’Ouest européen, depuis une quinzaine d’années, et son accroissement naturel se rétrécir peu à peu, la Yougoslavie maintient (conjoncturellement ; sans doute à cause de son hétérogénéité de peuplement) aujourd’hui sa natalité autour de 17-18 p. 1 000 et sa croissance naturelle autour de 1 %, c’est-à-dire à des niveaux semblables à ceux des autres pays d’Europe de l’Est et du Sud.
Figure VIII.4. – Mouvement naturel de la population en Europe du Sud

41L’Espagne se particularise par une anomalie très remarquable : une interruption de la baisse de la natalité qui dure plus d’une trentaine d’années, comme si le processus avait été mis en sommeil sous la dictature de Franco. Avec le réveil récent, la courbe recommence à pointer vers le bas. Mais en dehors des périodes de guerres, depuis 1900, le taux de croissance naturelle est, le plus souvent, de l’ordre de 1 % par an et, parfois, même assez supérieur (près de 1,3 % dans la période 1955-1965).
42Au Portugal, une anomalie comparable se présente, sous le régime de Salazar, à un niveau plus élevé cependant, et durant un laps de temps du même ordre (1932-1962). La baisse de la natalité enregistrée depuis est assez nette mais de pente modérée, en comparaison de la brusque plongée des années 1950 en Pologne ou en Hongrie, ou de la dizaine d’années qui a précédé 1975 en Autriche, Allemagne, aux Pays-Bas, ou même au Canada.
43Dans les deux cas, le recul de la mortalité11 s’est poursuivi régulièrement depuis 1900 ou 1920. D’où des schémas de transition présentant un plateau de croissance maximale très large (trois quarts de siècle), légèrement ascendant dans le cas de l’Espagne, ne culminant tous deux que récemment, vers 1969, à un niveau proche de 1,3 % par an. Le terme de la transition démographique n’est, suivant nos critères, donc pas encore tout à fait atteint, mais il paraît devoir l’être très prochainement, la courbe de mortalité ayant cessé de décroître (et étant peut-être appelée à croître légèrement) cependant que la natalité descend en deçà de 15 p. 1 000. Le type ibérique se distingue donc assez facilement du type méditerranéen, par son caractère plus tardif.
44Sur la Grèce, l’examen doit être circonspect, du fait de l’absence de données sur plus d’une trentaine d’années et de la valeur incertaine des chiffres (de mortalité surtout). Même fragiles12, les séries disponibles permettent, sans conteste, de l’apparenter à un type méridional, proche mais autre que le méditerranéen et l’ibérique : maximum de croissance encore récent, de l’ordre de 1 à 1,5 % par an, transition en voie d’achèvement, mais pour une période ultérieure.
45Le Japon, enfin, présente de curieuses ressemblances avec un pays comme le Portugal :
variables démographiques au même niveau vers 1880 : un peu plus de 20 p. 1 000 pour la mortalité, autour de 30 p. 1 000 pour la natalité (valeur faible pour l’époque, pouvant partiellement résulter, dans le cas japonais tout au moins, d’une certaine sous-estimation13) ;
croissance soutenue sur une cinquantaine d’années jusque vers 1955, autour de 1,2 à 1,4 % en moyenne par an. La divergence n’apparaît qu’après 1955. A la période d’effondrement de la natalité (1949-1956), consécutive à l’adoption de la loi eugénique (1948 : le pays vit alors dans la hantise du surpeuplement), et largement compensée, en termes de croissance naturelle, par une chute importante de la mortalité, succède une période de stabilité assez longue (1956-1972), suivie elle-même d’une légère baisse (nouvelle baisse de la fécondité). Là également, du fait des tendances présentes, la transition démographique est en train de s’achever : le Japon est revenu à un rythme de croissance naturelle comparable à celui de la fin du xixe siècle (0,8 à 0,9 % par an).
46Retenons que tous ces pays, groupés dans la série de figures VIII.4, sous le type méridional, se caractérisent par les traits distinctifs suivants :
croissance prétransitionnelle relativement forte :
plateau de croissance maximale très étendu (absence de fléchissement de la natalité durant la grande crise), postérieur à 1900 et relativement peu élevé, par rapport au niveau traditionnel ;
transition quasiment achevée (en Italie et en Espagne, par exemple, propulsée chacune par le Nord), ou proche de son terme, appelée à durer, en tout, entre 70 et 90 ans.
f) Europe de l’Est
47Malgré le caractère exceptionnellement troublé de l’histoire soviétique entre 1917 et 1945, avec les profondes entailles creusées par la mortalité dans la ligne de croissance, et malgré la brutalité des revirements législatifs visant la natalité, on peut – grâce aux travaux de reconstitution du mouvement de la population en Union Soviétique depuis 1860 (dans son territoire actuel), faits par J.N. Biraben – esquisser un profil de transition, dont voici les traits principaux :
niveau de croissance prétransitionnel très fort, lié à une natalité particulièrement élevée ;
chute très rapide de la mortalité, comparable à celle rencontrée dans des
48pays peu développés (passage d’un taux supérieur à 30 p. 1 000 en 1900, à un taux de 8 p. 1 000 en 1955), d’où :
un maximum de croissance assez élevé (près de 2 % par an) et relativement précoce (autour de la première guerre mondiale) ;
une transition démographique exceptionnellement courte : 70 ans (dès 1965, la croissance naturelle devient inférieure au niveau prétransitionnel, avec une espérance de vie à la naissance élevée chez les femmes : 74 ans).
49L’Union Soviétique constitue cependant un cas tout à fait à part, tant à cause de l’extraordinaire diversité des peuples qui la composent (chacun étant à un stade démographique donné) que de la régression importante de l’état sanitaire depuis le milieu des années 60.
50En Bulgarie et, dans une moindre mesure, en Roumanie, la marche générale du processus de transition est, même avant la guerre, assez similaire dans ses grandes lignes (c’est-à-dire en faisant abstraction des à-coups et cataclysmes que connaît l’URSS : famines, troubles civils, purges, déportations massives, etc.) à celle de l’Union Soviétique ; la chute de la natalité durant l’entre-deux-guerres y est, par exemple, également plus rapide que celle de la mortalité, et le maximum de croissance encadre la Première Guerre mondiale ; moindres, les niveaux de natalité et de mortalité prétransitionnels y sont certainement sous-estimés, surtout au début des séries chronologiques.
51Depuis la guerre, les politiques de population tendent à aller dans le même sens et changent à peu près en même temps (parfois de façon plus violente, comme en Roumanie, 1966), s’alignant sur une même position globale (il existe cependant d’importantes nuances dans le contenu des mesures destinées à peser sur le cours de la fécondité) que les autres pays d’Europe de l’Est. Mais, alors qu’en Bulgarie, la transition démographique peut déjà être considérée comme achevée, comme en URSS, depuis environ 1965 (l’espérance de vie féminine à la naissance à cette date étant de 73 ans), la Roumanie ne verra finir sa transition que d’ici à quelques années. Ce retard lui imprimera une durée de transition plus longue (près de 90 ans, contre 70 ans environ, en URSS et en Bulgarie), qui, jointe à la moindre altitude du plateau de croissance maximale, en fera une variante intermédiaire entre le type oriental européen et le type méridional.
g) Irlande
52Comme la France, mais à l’autre extrémité du processus de transition, l’Irlande se détache du reste des pays européens : la transition y est encore dans sa première phase (augmentation de la croissance naturelle14). Depuis la crise de la pomme de terre (1845-1848) et la famine qu’elle a provoquée, les comportements démographiques sont tout à fait originaux (taux de célibat définitif hors du commun, nuptialité très tardive) et en quelque sorte figés dans un immobilisme protecteur qui n’est pas sans rappeler l’ancien régime démographique de l’Europe de l’Ouest et contraste avec l’absence de freins démographiques (mariage précoce, universel et fécond) du siècle qui avait précédé. La natalité (21 à 23 p. 1 000, sauf pendant l’entre-deux-guerres) qui apparaissait, à la fin du xixe siècle, très faible pour l’époque (tant à cause de l’émigration, massive, que de la limitation des mariages), apparaît aujourd’hui, au contraire, nettement supérieure au standard européen. Mais le pays n’est évidemment pas resté à l’écart des progrès dans le domaine de la mortalité, si bien que l’accroissement naturel y est passé de 0,5 % par an vers 1900 à plus de 1 % vers 1960, sans que la natalité, résolument constante depuis de longues décennies, ne laisse, du moins jusque vers 1980, prévoir un infléchissement sensible (une importante évolution est cependant en cours aujourd’hui).
Figure VIII.5. – Mouvement naturel de la population en Irlande

53En fait, à y regarder de plus près, on constate que le profil est ambigu. L’Irlande a, semble-t-il, connu une double transition démographique. Jusque vers 1880, elle emprunte la même voie que les autres pays d’Europe du Nord (Angleterre-Galles, notamment), avec un maximum de croissance autour de 1870, pour diverger depuis. L’émigration, très importante (en dépit de sa croissance naturelle, le pays perd un tiers de sa population en une soixantaine d’années, de 1851 à 1911), fait d’abord baisser, assez nettement, la natalité avant de freiner, plus tardivement et durablement, par le jeu de la structure par âge, la diminution du taux brut de mortalité.
54Au-delà de ces quelques différences régionales, retenons que les grandes puissances mondiales connaissent leur apogée démographique dans le dernier tiers du xixe siècle, phénomène qui annonce la fin d’une ère d’expansionnisme. Pour l’Europe dans son ensemble, la poussée démographique culmine à la veille de la Première Guerre mondiale : en 1750, un cinquième de la population du monde se compose d’Européens, vers 1910, la planète est peuplée pour un tiers, de personnes de descendance européenne. Commence alors le lent déclin de l’Europe et émergent ensuite peu à peu d’autres populations.
Figure VIII.6. – Mouvement naturel de la population dans les pays d’immigration

2) Pays d’immigration
55Dans les grands pays d’immigration, la transition démographique ne peut, avec les critères adoptés jusqu’à présent, être, comme ailleurs, enserrée entre deux dates. Seul son point de terminaison peut, à la rigueur, se fixer commodément, à condition, toutefois, de substituer au critère de retour au niveau de croissance prétransitionnel (inutilisable en l’occurrence, puisque, selon un mécanisme que nous avons exposé plus haut, l’excédent naturel tend, à long terme, à décroître continuellement), un critère de fécondité. Un seuil de TBR de 1,25 a été retenu15. Si l’on veut, assez artificiellement (du moins pour l’aspect formel), fixer un point de départ à la transition, on peut utiliser les estimations de l’espérance de vie ou les taux de mortalité infantile. L’application de ces principes conduit à prêter une durée de transition de l’ordre de 75 ans aux États-Unis, et 70 au Canada (ce qui, suivant la norme européenne, placerait ces pays dans le groupe de transition « courte »), et de l’ordre de 90 à 95 ans en Australie et en Nouvelle-Zélande. En Argentine et en Uruguay, enfin, le point final de la transition se place dans le futur, mais on peut, apparemment, attendre une durée de transition intermédiaire entre celle de l’Amérique au Nord et celle de l’Océanie. L’hypothèse d’une durée plus longue n’est cependant pas exclue, notamment en Argentine, en raison du retard que tendent à prendre, depuis une dizaine d’années, les évolutions enregistrées.
56Quant à la forme de la transition, elle est partout analogue : c’est une ligne de pente décroissante. Autrement dit, elle revêt l’aspect formel d’une demi-transition, où n’apparaît que la phase descendante. La pente est variable selon les pays et les époques, en fonction de l’intensité relative des courants migratoires. Aux États-Unis et en Australie, par exemple, elle est très forte dans la seconde moitié du xixe siècle et jusqu’à la Première Guerre mondiale, ce qui correspond à la période de plus grande immigration : ainsi, en Australie, soixante ans après la découverte de l’or (1851), la population a décuplé, l’essentiel de l’immigration ayant eu lieu en début de période.
3) Pays peu développés
57Si, pour un grand nombre des pays peu développés considérés ici, la valeur des taux de natalité et de mortalité est, pour un passé plus ou moins proche, relativement douteuse, parce que sous-estimée, l’incertitude affectant le solde est, par contre, assez faible16 et les formes de transition n’en sont pas affectées, du moins dans leur silhouette générale (les dernières estimations des Nations Unies – 1985 – publiées en annexe sur la période de 1950-1985 permettent de se faire une idée du sous-enregistrement).
a) Pays à pointe de croissance assez forte
58Les cas de transition avec pointe de croissance inférieure à 2,5 % par an sont relativement rares. Il s’agit soit de pays semi-développés comme Chypre et le Chili, soit de très gros pays (Chine et Inde), où les contrastes d’évolution régionaux atténuent les variations globales.
59D’un cas à l’autre la poussée de croissance est assez différenciée puisque, pour passer du niveau « traditionnel » (autour de 0,5 % en Chine et en Inde, et un peu plus de 1 % au Chili et à Chypre) à la pointe de croissance, proche de 2,5 % par an, il a fallu 45 ans en Inde, 30 ans au Chili, 20 ans à Chypre et, semble-t-il17, une vingtaine d’années seulement en Chine (du fait des progrès exceptionnels de la lutte contre la mortalité). D’après les estimations de la Division de la Population des Nations Unies (1985), la croissance naturelle en Chine serait descendue de 2,4 % en moyenne par an, au cours de la période 1970-1975, à 1,5 % à peine en 1975-1980 et 1,2 % en 1980-1985. Le résultat ne paraît guère surprenant compte tenu de la législation et de la pression sociale relatives à la venue des enfants. En Inde, au début des années 80, l’accroissement avoisine encore 2 % ; il semble toutefois qu’un infléchissement soit en train de se produire, la natalité commençant à fléchir plus vite que la mortalité. Le maximum de croissance chinois a dû se rencontrer au cours de la période 1955-1974 (avec toutefois des évolutions « accidentelles » comme lors des années noires 1959-1961 marquées par une profonde catastrophe suivie d’une récupération des naissances différées : Calot, 1984), c’est-à-dire une dizaine d’années avant celui de l’Inde. Le freinage entrepris par la suite est si brutal qu’entre 1971 et 1977, l’accroissement se trouverait, d’après les estimations existantes amputé de moitié (1,3 au lieu de 2,6 %). La force de l’idéologie et la rigueur du système de planification familiale (à l’échelon local) y rendent parfaitement crédible un tel retournement, alors qu’en Inde, d’après les enquêtes et le dispositif d’enregistrement par sondage, aucun recul de la fécondité ne transparaît jusqu’au milieu des années 60 et vers 1970, la baisse ne fait que commencer, timidement du reste, pour le seul milieu urbain. En dépit du retard entraîné par les excès de certains zélateurs du planning familial (campagnes de stérilisation forcée dans certains États), la limitation des naissances a fini par produire des résultats sensibles puisque, selon les dernières estimations disponibles (1985), la croissance démographique serait désormais inférieure à 2 % l’an. Autrement dit, dans les deux géants asiatiques, qui, à eux seuls regroupent près de 40 % de la population mondiale, le ralentissement démographique est déjà très sérieusement amorcé.
Figure VIII.7. – Mouvement naturel de la population dans les pays peu développés à pointe de croissance démographique assez forte

TABLEAU VIII.1. – ÉVOLUTION DES TAUX BRUTS DE NATALITÉ (pour 1 000) DANS LES PAYS PEU DÉVELOPPÉS À TRANSITION AVANCÉE, 1950-1980

*Y compris Formose.
Source : Nations Unies : World Population Prospects as assessed in 1982, New York, 1985.
TABLEAU VIII.2. – ÉVOLUTION DES TAUX BRUTS DE MORTALITÉ (pour 1 000) DANS LES PAYS PEU DÉVELOPPÉS À TRANSITION AVANCÉE, 1950-1980

*Y compris Formose.
Source : Nations Unies, cf. tableau VIII.1
b) Pays à pointe de croissance forte
60Les sept pays concernés ont été classés suivant leur époque de croissance maximale. Si l’on arrêtait la lecture des figures au cinquième pays (figure VIII.8E : Cuba), on serait tenté de croire que plus ce maximum est récent, plus la phase de croissance explosive est courte. La réalité est moins simple, comme le montrent ensuite les exemples égyptien et tunisien.
61A Porto Rico, en effet, où le plafond de croissance est précoce, le taux de croissance naturelle demeure pendant plus de 20 ans supérieur à 2,5 % par an, cependant qu’à Hong-Kong, où le maximum est de même ampleur (3 %) mais postérieur de 10 ans, la pointe est plus aiguë et la période de croissance supérieure à 2,5 % par an ne dure qu’une dizaine d’années. Hong-Kong est d’ailleurs le seul pays peu développé où la transition est très proche de son terme : déjà, et depuis près de 15 ans, l’espérance de vie féminine à la naissance a franchi le seuil de 73 ans : en 1980, la croissance naturelle n’est plus que de 1,2 % contre 3,0 % en 1960. C’est aussi le cas de transition la plus brève jamais observé jusqu’à nos jours, puisque, d’après les tendances récentes, sa durée totale ne devrait guère excéder 40 ans. L’exemplarité et la portée d’un tel cas doivent cependant être nuancées, dans la mesure où plusieurs facteurs exceptionnels entrent en jeu. Hong-Kong est, en effet, à la fois :
un pays de petite taille ;
une île ;
une ville ;
un milieu de culture chinoise ;
un territoire où la contrainte d’espace est implacable : depuis le début du xixe siècle, la croissance démographique y a été foudroyante et la densité dépasse, d’ores et déjà, 4 000 habitants au km2.
62En Égypte où, depuis le début du siècle, la natalité, à quelques exceptions près, s’était maintenue entre 40 et 45 p. 1 000, un décrochage est survenu en 1967, alors que la chute de la mortalité, au lendemain de la dernière guerre, avait, d’un coup, libéré un important accroissement : en quelques années, la croissance passait de 1,5 à plus de 2,5 % par an. Si les séries retenues ici paraissent, au vu d’une mise au point récente (FARGUES, 1980) sous-estimées, notamment pour la mortalité d’avant-guerre, le profil d’ensemble ne semble cependant guère affecté. Depuis 1967, la poursuite du déclin, presque linéaire, de la mortalité, face à une baisse hésitante de la natalité, empêche la croissance naturelle de fléchir sensiblement. La recrudescence rapide de la natalité après 1972 – liée en majeure partie à l’arrivée aux âges de pleine fécondité de générations nombreuses (boom des naissances de la période 1945-1954, et surtout chute de la mortalité aux âges jeunes depuis la guerre) a fait soudain rebondir l’accroissement autour de 3 %, niveau sans précédent, qui pourrait annoncer un second maximum de croissance. Avec un taux brut de mortalité supérieur à 10 p. 1 000 en 1980, et une structure par âge très jeune, les hausses possibles de la croissance naturelle (ou du moins, les perspectives de maintien prolongé d’une croissance forte) sont, en effet, encore très importantes. Dans ces conditions, il est hautement probable qu’une diminution ultérieure de la natalité ne suffise pas, avant de nombreuses années, à ramener la croissance naturelle à un rythme inférieur à 2 % par an. La période de croissance forte (plus de 2 % par an) risque, par conséquent, de dépasser 50, voire 60 ans et d’être au moins trois fois plus longue qu’à Hong-Kong (18 ans) et deux fois plus longue qu’à Sri Lanka. Dans ces deux pays, en effet, la baisse de la natalité n’est intervenue que lorsque la mortalité était, soit très basse (Hong-Kong : 6 p. 1 000), soit basse (Sri Lanka : 10 p. 1 000), alors qu’en Égypte, le taux des années 1966-1968 était encore proche de 16 p. 1 000.
Figure VIII.8. – Mouvement naturel de la population dans les pays peu développés à pointe de croissance démographique forte

63En Tunisie, jusqu’au début des années 70, la situation se présente à peu près de la même façon qu’en Égypte, mais elle diverge par la suite, la natalité tunisienne continuant de baisser, quoique de manière ralentie.
c) Pays à pointe de croissance très forte
64Les pays à pointe de croissance supérieure à 3 % par an sont très nombreux, puisqu’ils représentent la moitié (17 sur 35) des pays peu développés étudiés. Ils ont comme traits communs :
Une phase de montée de la croissance assez longue : 15 à 30 ans18.
Un maximum de croissance postérieur à 1950.
Une pointe de croissance culminant sur un plateau à hauteur de 3 % environ par an et, dans quelques cas extrêmes, à hauteur de près de 3,5 ou même 4 % par an (Costa Rica, notamment, pendant une dizaine d’années).
Un plateau de croissance maximale plutôt bref (rarement plus de 20 ans, le plus souvent l’ordre de 15 ans), mais, bien entendu,
Une phase de croissance forte (plus de 2 % par an) plutôt longue ; pour cette dernière deux cas se présentent :
– celui des 7 petits pays d’Europe, d’Afrique ou d’Amérique latine, présentés en premier lieu sur nos figures (VIII.9A à VIII.9D) : cette phase s’échelonne (ou s’échelonnera) entre 20 et 30 ans ;
– celui de pays latino-américains à la fois plus importants et à croissance plus rapide, et des pays asiatiques (figures suivantes). La durée de cette phase y est (ou sera) alors nettement plus longue : 40 à 55 ans, voire davantage, sauf à Singapour (environ 35 ans). Elle semble dans certains cas (Jamaïque, Panama, Costa Rica) devoir s’achever vers 1980 ou peu après. A Formose et surtout à Singapour, où la transition est antérieure, cette phase s’est déjà produite. Dans d’autres cas, notamment au Brésil, au Mexique et au Venezuela, le processus paraît appelé à se prolonger pendant plus longtemps encore. Comme il s’agit, surtout pour les deux premiers, de pays déjà relativement peuplés, le Brésil19 et le Mexique vont ainsi voir leur population devenir parmi les plus importantes du monde.Une phase de dégonflement de la croissance généralement très rapide, puisque, le plus souvent, la baisse de la natalité s’y est déclenchée lorsque la mortalité était déjà proche de son point le plus bas. Sur ce dernier point toutefois, il convient d’être très prudent, car, si elle est amorcée dans tous les cas, la phase de dégonflement de la croissance en est toutefois à des stades très divers (entre 1,2 et 2,5 % par an). Certes, il est fréquent d’observer une certaine symétrie entre le mouvement descendant et le mouvement ascendant de la croissance. Dans certains cas même, comme à Singapour et (de manière moins nette) à Formose, où la transition est très avancée, le mouvement descendant est plus rapide que le mouvement ascendant. En fait, il ne faut pas s’y tromper : un examen plus détaillé montre qu’à la veille de la guerre, un premier palier de croissance (ou son ébauche seulement à Formose) était déjà apparu. Dans les deux cas, la chute considérable de la mortalité au lendemain de la guerre a propulsé ce palier un point plus haut, et la natalité a réagi plus vivement. On ne saurait donc tirer argument de ces cas particuliers. On ignore si la baisse de la natalité sera aussi rapide que celle de la mortalité, mais le ralentissement récent, du fait de l’inertie accumulée dans la pyramide des âges, observé en de nombreux cas, laisse penser le contraire.
Figure VIII.9. – Mouvement naturel de la population dans les pays peu développés à pointe de croissance démographique très forte

65Après ces observations générales, nous devons maintenant faire quelques remarques de caractère plus ou moins particulier :
Le classement de l’Albanie parmi les pays peu développés est, sous l’angle démographique, incontestable : le profil de transition y est tout à fait analogue à celui des pays africains, à côté desquels il est placé.
Le caractère très aigu de la transition dans les îles Maurice et de la Réunion, où la durée totale du processus semble appelée à ne durer qu’une quarantaine d’années, donc à être aussi brève qu’à Hong-Kong.
Le gonflement relativement lent (au début surtout) de la croissance dans les pays latino-américains où la mortalité a décroché à la même époque qu’en Europe.
Des anomalies évidentes :
– la faible valeur des taux de natalité et de mortalité d’avant-guerre en Albanie, de même que pour la natalité en Guyane Britannique ;
– la baisse en escalier de la mortalité au Brésil entre 1870 et 1920, suivie d’une remontée étonnante entre 1920 et 1940.Enfin, et surtout, le bon ajustement apparent de la forme de transition à des lois mathématiques : dans de nombreux cas (profils en cloche), on songe immédiatement à la courbe de Gauss. Auquel cas la fameuse courbe logistique de croissance de l’effectif de la population retrouve ses droits, du moins pendant la période de transition. Et, avec elle, de nombreux développements mathématiques ; il convient cependant de ne pas tomber dans le piège de la généralisation hâtive (ce chapitre a justement démontré combien la réalité démographique était multiple). On sait les débats qu’a déjà occasionnés, au cours des années 1920, l’ajustement des populations à des courbes logistiques (utilisées comme instruments de projection) pour les pays développés : voir notamment Pearl (1924), pour l’exposé et Knibbs (1926) pour la discussion et la réfutation. L’orientation fréquente, au vu des tendances récentes, de nombreux pays peu développés vers des profils de croissance naturelle non symétriques laisse penser que de tels ajustements ne vaudront également, pour le monde peu développé, que de manière très approximative (c’est-à-dire en ne considérant que l’allure générale des courbes de population envisagées sur très longue période).
II. – Quelques profils-types
66Cette présentation des divers profils de croissance transitionnelle aura pu sembler longue et touffue, mais nous avancions sur un terrain non défriché. Aussi éprouvons-nous le besoin de regarder en arrière et de retracer, à partir de quelques cas typiques, une esquisse de quelques formes de transition spécifiques. Pour dégager de tels types, de manière, du reste, toute provisoire pour les pays pauvres, (seuls quelques petits pays et peut-être la Chine continentale étant aujourd’hui, au sein du monde peu développé, proches de la fin de la transition), il suffit de reprendre le groupement adopté au fil de ce chapitre.
1) Les pays développés européens (type I)
67Ils se différencient par deux traits caractéristiques : plafonnement de la croissance naturelle à des taux inférieurs à 2 % par an, transition démographique très longue (de l’ordre de 75 à 200 ans).
68Si l’on isole les deux cas d’espèce que constituent la France (profil plat) et l’Irlande20 (profil en forme de U)21, l’ensemble européen peut lui-même, à son tour, de façon schématique, se scinder en trois sous-ensembles de pays qui ont entre eux une évolution assez semblable. Les sous-types correspondants seront dénommés : modèle nordique, modèle occidental et modèle méridional ; leurs caractéristiques respectives sont les suivantes :
Modèle nordique : durée de transition très longue (près d’un siècle et demi), maximum de croissance situé vers 1870-1880. Exemple : Suède.
Modèle occidental : durée de transition longue (environ un siècle), maximum de croissance plus tardif (vers 1900). Exemple : Allemagne.
Modèle méridional22 : durée de transition assez longue (70 à 90 ans), plateau de croissance maximale relativement large et postérieur à 1900. Exemple : Italie.
69Les formes européennes de transition démographique sont donc liées à la géographie et à l’histoire du développement : les progrès sanitaires et la limitation des naissances se sont, en effet, propagés du nord-ouest vers le sud et l’est du continent.
2) Les pays peu développés (type III)
70Ces pays où la fécondité a diminué notablement, se caractérisent à la fois par un plateau de croissance maximale culminant systématiquement au-dessus de 2 % et parfois très nettement au-dessus (jusqu’à 4 %) d’une part, et par une durée de transition qui – compte tenu de l’infléchissement soudain et rapide de la fécondité parmi les plus importants d’entre eux – semble appelée dans la plupart des cas à être relativement courte (de 40 à 80 ans environ), d’autre part. Pour ces différents pays, la baisse de la fécondité est encore trop récente pour que l’on soit en mesure d’établir, dès à présent, des clivages pertinents. Nous avons donc retenu la méthode la plus simple, qui consiste à classer ces pays suivant leur niveau de croissance maximale. Trois groupes ont été ainsi définis : croissance assez forte (de 2 % à moins de 2,5 % par an. Exemple : Inde), croissance forte (de 2,5 à moins de 3 % par an. Exemple : Égypte), croissance très forte (3 % et plus par an. Exemple : Mexique). On constate, de la sorte, que la majorité de ces pays ont vu leur plateau de croissance maximale avoisiner ou dépasser 3 % (mais sur une durée inférieure à 20 ans, pour tous les pays à transition avancée).
3) Les grands pays d’immigration (type II)
71Entre ces deux grands types clairement différenciés, se trouve un type intermédiaire (type II) comprenant les pays d’immigration (États-Unis, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Argentine, Uruguay). En raison de la sélection par âge des migrations et du vieillissement inéluctable des structures démographiques qui en découle, le profil de transition démographique s’apparente, non plus à une forme de cloche, mais à une ligne de pente décroissante et donc, graphiquement, revêt l’aspect formel d’une demi-transition, où n’apparaît que la phase déclinante (contraction de la croissance).
72Le tableau VIII.3 résume ces observations et la figure VIII.10 donne une représentation schématique23) de ces formes de transition à partir de la figuration correspondant à certains cas typiques. Seuls sont pris en compte, rappelons-le, les soldes naturels. Or il est clair, en particulier pour les pays de peuplement européen, que ceux-ci ont été affectés (à des degrés divers) par les migrations internationales. En dehors, par définition, des pays du type II (peuplement par immigration), on rencontre, à l’opposé, le cas extrême de l’Irlande (dépeuplement par émigration) et d’autres moins marqués (atténuation sensible de la croissance naturelle, liée à un fort courant d’exode de jeunes adultes) comme celui de l’Italie (où la croissance naturelle ne culmine, de ce fait, qu’à un niveau relativement faible : 1,2 % en moyenne par an, au lieu de 1,6 % en Suède et 1,5 % en Allemagne, par exemple).
Figure VIII. 10. – Profils principaux de transition démographique

TABLEAU VIII.3. – LES TYPES DE TRANSITIONS DÉMOGRAPHIQUES

(1) Suède, Norvège, Finlande, Royaume-Uni, Danemark, Pays-Bas.
(2) Belgique, Suisse, Allemagne, Tchécoslovaquie, Autriche, Hongrie, Pologne.
(3) Italie, Yougoslavie, Espagne, Portugal, Grèce, (URSS, Bulgarie, Roumanie).
(4) Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, États-Unis, Argentine, Uruguay, Israël.
(5) Chypre, Chili, Chine, Inde.
(6) Porto Rico, Turquie, Corée du Sud et du Nord, Sri Lanka, Hong-Kong, Indonésie, Cuba, Égypte, Tunisie, Afrique du Sud.
(7) – Europe, Afrique : Albanie, Maurice, Réunion.
– Amérique latine : Guyane Britannique, Jamaïque, Panama, Trinité-et-Tobago, Costa Rica, Colombie, Brésil, Venezuela, Mexique, République Dominicaine.
– Asie et Océanie : Formose, Singapour, Malaisie occidentale, Thaïlande, Fidji.
* Allemagne fédérale seule depuis 1946.
** Le type de transition démographique des pays de l’Europe de l’Est est assez similaire, tant par sa durée que par le caractère prolongé et tardif (époque encadrant la 1re guerre mondiale, ou entre-deux-guerres) de la période de plafonnement de la croissance naturelle. Quant au profil japonais, il s’apparente assez étroitement à ceux de la Grèce ou du Portugal.
*** Massachusetts seul.
N.B. La France et l’Irlande sont des cas atypiques.
Conclusion
73Il n’y a pas de modèle unique de transition démographique, mais, au contraire, une étonnante diversité de situations ; et le présent chapitre ne fournit qu’un avant-goût des variantes possibles pour les pays peu développés. Aussi grande que soit cette variété, il est toutefois possible de retenir, en première approche, un premier critère de classement : l’ancienneté du processus, liée à l’aire géo-culturelle d’appartenance. En effet, en règle générale, pour les pays étudiés, plus la transition est récente, plus elle tend à être courte et haute24. Mais, rien n’indique que l’avenir doive être la réplique du passé : les pays à transition moins avancée ont sur de nombreux points (culture, économie), des caractères qui les différencient profondément de leurs homologues à transition avancée.
Bibliographie
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Références bibliographiques
Seules sont mentionnées ici les sources ne figurant pas dans la bibliographie générale.
FARGUES, P. : Un siècle de transition démographique en Europe méditerranéenne, 1885-1985, Population, 1986, n° 2, pp. 205-232.
10.2307/3347751 :KIRK, D. : The relation of employment levels to births in Germany, MMFQ, avril 1942, 20 (2) pp. 126-138.
KNIBBS, G. H. : The growth of human populations and the laws of their increases, Metron, 5, n° 3, décembre 1925, pp. 147-162.
MACKENSEN, R. : Theoretical considerations regarding differential transition, UIESP, Congrès Mondial, Sydney, août 1967, pp. 37-46.
PEARL, R. : Studies in Human Biology, Baltimore, Williams and Wilkins, 1924, 653 p.
YULE, G. U. : The growth of populations and the factors which control it, Journal of the Royal Statistical Society, 88 (1), janvier 1925, pp. 1-58.
Notes de bas de page
1 Les échanges migratoires seront pris en considération plus loin, dans le chapitre X, consacré au multiplicateur transitionnel de la population.
2 Les variantes concevables sont extrêmement nombreuses : R. Mackensen en a fait une présentation théorique au congrès mondial de démographie de Sydney en 1967 (voir bibliographie finale). La terminologie qui suit nous est cependant propre.
3 Pour les pays à transition tardive la sûreté et la précision des connaissances va en diminuant avec le degré de retard de la transition : on ne dispose généralement que d’évaluations pluriannuelles, souvent sujettes à critiques.
4 Les pays pour lesquels les séries rétrospectives sont courtes (remontant à 1950 seulement, par exemple) et consistent le plus souvent en évaluations quinquennales, n’ont pas été représentés. Ce sont : la Colombie, la République Dominicaine, l’Indonésie, Israël, la Corée du Nord, la Turquie, et l’Afrique du Sud. La Colombie et la République Dominicaine se rattachent au type 3.c désigné ci-dessous (pointe de croissance très forte), la Corée du Nord, l’Afrique du Sud et la Turquie au type 3.b (pointe de croissance forte), l’Indonésie au type 3.a (pointe de croissance assez forte), Israël, enfin, plutôt au type 2 (pays d’immigration de peuplement) : voir l’annexe statistique, en fin d’ouvrage, pour les données détaillées et les tableaux VIII.1 et VIII.2 pour les séries quinquennales.
5 Keyfitz, N. et Flieger, W. : Population : Facts and Methods of Demography, San Francisco, W.H. Freeman and Co, 1971, p. 101. La Suède est d’ailleurs le plus souvent prise comme modèle.
6 Il pourrait cependant s’agir d’une fluctuation à long terme, liée aux accidents historiques de la période antérieure (épidémie, guerres : grande guerre du Nord, occupation russe) et aux perturbations de la structure par âge qu’elles ont pu provoquer (voir chapitre IV).
7 La politique économique a pu jouer davantage que les mesures proprement démographiques. Selon Kirk (1942), la reprise de la natalité en Allemagne pourrait, au vu de la relation observée entre emploi et natalité en divers pays européens, tenir pour les trois cinquièmes à la résorption progressive du chômage.
8 Pour la période 1785-1918, il s’agit, faute de données sur la Slovaquie, des pays tchèques seuls ; depuis 1919, de la Tchécoslovaquie (pays tchèques + Slovaquie). La Bohème et la Moravie s’apparentent assez étroitement à la sphère occidentale : leurs populations présentent, en effet, des caractéristiques analogues à celles des populations allemandes cependant que la Slovaquie se rattache plutôt à la sphère orientale (transition tardive).
9 Tout se passe comme si l’on avait affaire à un processus d’accumulation de stocks, par superposition d’effets calendaires (rattrapage de naissances différées et anticipation de naissances prévues). Si l’existence d’un tel mécanisme de concentration des naissances est indéniable et si donc la fluctuation à la baisse est inévitable, cette fluctuation n’exclut aucunement l’existence d’une efficacité de la politique engagée (seul le trend long, autrement dit l’évolution de la descendance finale des générations, étant porteur de signification).
10 La Pologne est le pays le plus touché par le déplacement de frontières et la modification de la composition ethnique (dans le sens d’une plus grande homogénéité) ; la comparaison avec l’avant-guerre est, de ce fait, délicate.
11 Au Portugal, la mortalité est probablement sous-estimée avant 1920 ; quant à la natalité, elle est exceptionnellement faible, en raison de la limitation très forte des mariages (âge au mariage très tardif, grande fréquence du célibat définitif).
12 Les données sur l’accroissement naturel sont généralement bien meilleures que sur chacune de ses composantes, les erreurs sur celles-ci étant de même sens. Des données corrigées ont été publiées par Siampos (1973) sur la période 1821-1970 : le niveau de la fécondité prétransitionnelle est très élevé (le mariage est précoce et quasi-universel) et comparable à ce qu’il est en de nombreux pays situés à l’est de l’Europe.
13 Le fait semble bien établi : l’on s’explique mal, sinon, la forte poussée de la natalité entre 1880 et 1920. Des chiffres corrigés existent cependant, année par année, depuis 1900 (Shinozaki, 1982). L’importance de la sous-estimation ne saurait cependant être exagérée, dans la mesure où la pratique du mariage assez tardif est très répandue.
14 Le cas irlandais est le seul à voir, dans cette phase, coexister un régime moderne de mortalité (espérance de vie à la naissance supérieure à 73 ans chez les femmes, dès 1970-1972) et un régime archaïque de fécondité, régulée par l’accès au mariage.
15 Ce choix n’est pas dénue d’arbitraire. Il est fondé sur certaines observations empiriques et une considération théorique : dans une population stable caractérisée par les valeurs : TBR : 1,25 ; ef0 = 73 ans et m = 27 ans (âge moyen de la maternité), la croissance démographique est de l’ordre de 0,7 % par an, chiffre moyen de croissance prétransitionnelle dans les pays ayant alimenté le peuplement du Nouveau Monde.
16 Pour deux raisons : les erreurs se compensent, d’une part, les recensements successifs permettent de saisir, avec une précision satisfaisante, l’évolution de l’accroissement naturel ; d’autre part, la qualité de l’enregistrement des naissances et des décès (indiquée dans les chapitres précédents) tend plutôt à s’améliorer avec le temps ; pour les pays où les données sont peu sûres, il existe généralement plusieurs séries d’estimations, souvent d’ailleurs reconsidérées avec le temps, au gré de l’accumulation d’informations nouvelles. Aussi avons-nous retenu ici principalement les résultats les plus récents publiés par les Nations Unies (tableaux VIII.1 et VIII.2, par exemple).
17 Les données chinoises sur la période antérieure à 1953 sont non seulement rares, mais fragiles. La publication de la composition par âges du recensement de 1982, ainsi que celle du recensement de 1964, ont permis de faire de grands progrès dans la connaissance de l’évolution des dernières décennies, sans lever pour autant tous les doutes, car de nombreuses incohérences subsistent.
18 Ceci dans la plupart des cas où les séries présentent de bonnes garanties de fiabilité.
19 Du point de vue du profil de transition, le Brésil ne peut être rangé parmi les pays d’immigration : même si le pays a connu une forte immigration dans les dernières décennies du xixe et les premières décennies du xxe siècle, l’essentiel du peuplement migratoire s’est produit avant la transition ; Mortara a ainsi pu établir que, sur la période 1840-1940, la croissance démographique était pour 81 % imputable à l’excédent naturel chez les habitants du pays (natifs).
20 Ces deux pays ont un point commun : au moment où leur histoire démographique a commencé à diverger par rapport à celle des autres pays européens (vers 1770 pour le premier et trois quarts de siècle plus tard pour le second), ils ont l’un et l’autre la plus forte densité. Mais chacun répond à sa manière au défi que pose la contrainte de subsistance : la France choisit de limiter les naissances dans les familles ; l’Irlande laisse partir ses fils vers l’Amérique. Il semble donc que la densité soit un facteur décisif dans la détermination du profil de transition : la rapidité de la baisse de la fécondité dans des pays comme le Japon et la Chine tend, du reste, à confirmer ce point de vue.
21 A la différence des autres, cette forme n’est pas définitive, puisque la fécondité irlandaise est encore très élevée.
22 Le profil relatif aux pays d’Europe orientale s’apparente assez étroitement au type méridional, ceci tant par sa durée que par le caractère prolongé et tardif (époque encadrant la Première Guerre mondiale, ou entre-deux-guerres) de la période de plafonnement de la croissance naturelle. Quant au profil japonais, il présente, nous l’avons vu, des analogies avec celui du Portugal.
23 La figuration est à dessein, très simplifiée, pour éliminer certains « accidents » historiques à court ou moyen terme.
24 Ceci vaut particulièrement pour les pays peu peuplés.
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