Chapitre 3. Paroles d’hommes, paroles de femmes dans la littérature africaine
p. 101-117
Texte intégral
1La littérature africaine s’est constamment fait un devoir de rendre compte de la réalité généreuse, mais douloureuse du continent. Dans cette optique, elle s’est particulièrement intéressée à l’évolution très rapide des rapports entre hommes et femmes. Celle-ci date, en gros, de la période des indépendances (années 1950-1960 selon les pays) et s’est propagée très rapidement sur tout le continent. La volonté commune de témoigner, de comprendre et de dénoncer se retrouve donc dans tous les pays. Qu’ils proviennent de l’Ouest, de l’Est ou du Sud, qu’ils soient rédigés en français ou en anglais, les romans, poèmes et pièces de théâtre consacrés à la femme sont, en effet, tous animés des mêmes intentions et marqués par les mêmes évolutions. Si l’on prend, par exemple, l’œuvre d’un des plus grands écrivains africains, le Nigérian Chinua Achebe, on est frappé par le renouvellement de la façon dont il représente la femme au cours des dernières décennies. L’intrigue de son célèbre premier roman Things Fall Apart (1958) était essentiellement masculine : l’épouse du héros n’avait même pas de nom et devait subir, en silence, les décisions, pas toujours judicieuses, de son époux. Trente ans plus tard, le roman Anthills of the Savanah (1987) se structure, au contraire, autour d’un personnage de femme moderne dont chacun reconnaît l’autorité incontestable :
Avec vous le monde a trouvé à qui parler. Oui ! Vous avez remis le monde à sa place, constate l’un des protagonistes. (p. 262)
2C’est, à peu de choses près, le même itinéraire que l’on retrouve dans toute la littérature de la seconde moitié du xxe siècle. Les premiers textes commencent par faire un retour sur la période de la colonisation en proposant des portraits de femmes soumises où l’on décèle, cependant, les prémices d’une libération inéluctable. Avec l’accélération des transformations sociales qui ont accompagné les indépendances, les écrits se sont attachés à consigner les espoirs, mais aussi les désillusions de cette période et ont montré comment les femmes ont été les bénéficiaires, mais aussi les victimes d’un bouleversement social qui paraissait, pourtant, devoir les favoriser.
3Parmi les dizaines de récits qui, depuis plus de cinquante ans, ont réussi à mettre les problèmes féminins au cœur de leurs problématiques, il n’a pas été trop difficile de faire un choix. Les textes qui s’apparentaient trop au documentaire fastidieux ou à la confession narcissique ont été écartés, de même que ceux, trop militants, qui sortaient du cadre de la production « littéraire », objet de notre analyse. Le critère de sélection le plus judicieux s’est avéré être finalement celui du style : en effet, la pertinence de l’analyse sociale et l’efficacité des messages que révèle cette littérature dépend essentiellement de l’habileté des auteurs à trouver un ton original et convaincant. Et c’est là une constante que l’on retrouve dans toutes les œuvres concernées, qu’elles aient été d’abord rédigées par des hommes puis, ensuite, par des femmes. En une première partie, il conviendra, en effet, de montrer la façon dont les hommes ont proposé les premiers portraits de femmes où se mêlent admiration et inquiétude. Puis, en une deuxième partie, il faudra souligner le courage de la prise de parole féminine qui s’est voulue à la fois militante et poétique.
I. Paroles d’hommes
4Ce sont des poètes, des romanciers ou des dramaturges qui ont été les premiers à s’emparer de la parole écrite et, par voie de conséquence, à s’intéresser à la femme africaine en tant que figure littéraire. Dès 1945, Léopold Sédar Senghor (1984) a lancé, dans Chants d’Ombre, son célèbre hymne en honneur des Africaines :
Femme nue, Femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté [...]
je chante ta beauté qui passe […]. (p. 16)
1. Des portraits louangeurs
5Cette présentation à la fois charnelle et hiératique a, pendant longtemps, conditionné la littérature masculine et entraîné les auteurs dans une célébration de la femme comme objet de convoitise dont on guette « les sourires qui s’épanouissent comme une fleur de troféré à son éclosion »1 ou dont on apprécie « les senteurs mélangées de parfums et d’encens macéré »2. Ces innombrables louanges à connotations sexuelles troubles ont été, la plupart du temps, accompagnées d’hommages appuyés à la place que la femme traditionnelle joue dans la société rurale :
Elle apportait le maïs à la meule et se mettait à le moudre. Sa voix était celle d’une soprano et était plus belle que celle d’une perdrix. Elle arrêtait son chant de temps en temps pour répondre aux salutations des gens qui passaient. (Onuora Nzekwu, 1965, Highlife for the Lizards, p. 26)
6Belles et bonnes, ces femmes sont, avant tout, décrites comme des mères :
L’homme, dit-on chez nous, n’est qu’un semeur distrait alors que la mère est considérée comme un atelier divin,
7déclare Hampaté Bâ dans L’enfant peul (1991, p. 49) et une multitude de portraits respectueux peuple la plupart des récits au masculin. Dans Aké : the Years of Childhood (1981), Wole Soyinka décrit, par exemple, avec fierté, comment l’impérieuse Chrétienne Sauvage dirige sa maison avec rudesse et bienveillance, mais s’implique aussi dans les mouvements de rébellion des femmes nigérianes : en pleine période d’agitation, il la montre s’occupant d’une manifestante qui donne naissance à un bébé et commente, malicieusement amusé :
Et personne ne s’étonna que ce fut une fille. (p. 296)
8Ces panégyriques de la femme africaine s’adressent d’ailleurs non seulement aux mères, mais aussi aux grands-mères (la figure lumineuse de la vieille Naana crée, dans Fragments, d’Ayi Kwei Armah (1970), un contrepoids au désespoir qui hante ce roman si sombre) et parfois aux cousines, comme la Grande Royale dans L’Aventure ambiguë de Cheik Hamidou Kane (1961) qui est le principe actif de vie de la communauté peule car « la seule à pouvoir trancher d’autorité » (p. 35).
2. Une dénonciation de la condition réservée aux femmes
9Mais à cette volonté de louanges hyperboliques (qui en a irrité beaucoup) en répond une autre qui trahit une profonde indignation devant le sort réservé aux femmes. Dans Monnè, outrages et défis (1990), Ahmadou Kourouma, par exemple, proclame :
Dans ce monde, les lots des femmes ont trois noms qui ont la même signification : résignation, silence, soumission. (p. 130)
10Dès 1970, le grand écrivain ivoirien avait, dans son premier livre, Les soleils des indépendances, brossé un portrait pathétique de la femme du héros : crucifiée physiquement (elle a été violée et en est restée stérile), elle est également déchue socialement car, en épouse passive, elle subit la mise à l’écart de son mari rejeté par les nouveaux pouvoirs et en est réduite : « à vendre à la criée des assiettes de bouillie aux travailleurs » (p. 45).
11Avec un militantisme très efficace, les écrivains plongent dans le monde tragique des femmes et cherchent à trouver les causes des aliénations dont les femmes sont victimes. Ils montrent comment la plupart de ces mères, de ces épouses et de ces prostituées sont la proie des redoutables fausses illusions qu’elles entretiennent au sujet des hommes. Dans les années 1950, la première héroine d’Abdoulaye Sadji était, dans Maimouna (1953), une jeune noire qu’il décrivait comme « la grande vaincue de la vie » et sa seconde était, dans Nini (1954), une mulâtresse de Dakar, qu’il qualifiait de « mendiante d’amour ». Vingt ans plus tard, Mongo Beti donne à son roman Perpétue (1974), le sous-titre accablant de L’habitude du malheur et montre comment, en refusant un mariage arrangé avec un vieillard, une jeune femme meurt sans avoir trouvé la moindre aide au sein de son entourage, y compris auprès des femmes qui lui déclarent cyniquement que, de mères en filles, elles ont, de tout temps, été piégées par la vie. Dans les années 1980. le propos d’Ibrahina Ly dans Toiles d’araignée (1982) est encore plus violent : son héroïne qui, elle aussi, a refusé un prétendant âgé, devient une véritable martyre qui meurt en prison :
Mariama s’en était allée sans un cri, sans un geste inutile... Elle avait dû venir au monde le rire aux lèvres, les pieds et les mains ouverts à l’univers entier ; elle partait, les yeux révulsés, une déchirure douloureuse à la bouche, les bras collés au corps. (p. 343)
3. Des positions ambiguës
12Ce sont là, bien sûr, des exemples extrêmes de la présentation des souffrances imposées aux femmes par une société totalement machiste. Mais, lorsque les écrivains traitent le sort de leurs compagnes avec moins de violence, ils versent dans une ambiguïté significative. La polygamie, par exemple, leur pose problème et les divise : certains la dénoncent tout de go en montrant la haine qui règne entre les femmes d’un foyer polygame. Dans l’espace confiné du village traditionnel de Highlife for Lizards, Onuora Nzekwu (1965) décrit comment les femmes se disputent la préséance et donc l’avenir de leurs enfants :
C’était toujours la même chose. Agom était l’arête qui me restait dans la gorge. Si je ne m’en occupais pas, elle allait me détruire. J’allais la rendre incapable de me nuire. (p. 128)
13En ville, où les conflits sont plus sophistiqués, Cheik Aliou Ndao montre, dans Excellence, vos épouses ! (1983), comment les co-épouses haïssent celle que leur mari, nommé ambassadeur, a choisi d’amener à l’étranger :
Ndikou m’en veut à mort... Quelle haine ! Elle m’écorcherait vive ! (p. 186)
14et se consolent en souhaitant tout le mal qu’elles peuvent à l’élue :
Une simple fille de berger qui n’est pas encore sortie de l’odeur de bouse de vache. (p. 188)
4. Les dangers de la modernité
15Le ton se durcit encore plus lorsque les écrivains se mettent à décrire les échecs pathétiques des nouveaux modes de vie qui sont maintenant offerts aux femmes africaines. Ils montrent, par exemple, que les mariages mixtes sont, la plupart du temps, voués à des échecs inévitables : dans The Edifice (1971), Kole Omotoso entraîne le couple formé par une Anglaise et un Nigérian dans une dérive stérile :
Puis-je encore l’aider ? Pourquoi ne pourrais-je pas l’aider ?... Peut-elle encore m’aider ? (p. 104)
16tandis que, dans Why are We So Blest ? (1972), Ayi Kwei Armah présente, en la personne d’une Américaine hystérique, une figure extrême de perversité féminine attachée à la destruction de ses partenaires masculins, ce qui, dans un certain sens, trahit sûrement la peur machiste de l’auteur devant l’émancipation si rapide de certaines femmes.
17Le thème sur lequel se retrouvent tous les écrivains est celui de la prostitution qui, pour eux, n’est qu’un avatar de la corruption sociale générale qu’ils fustigent sans trêve. Dès 1961, le Nigérian Ekwensi avait lié, dans sa célèbre Jagua Nana, le sort de son héroïne, prostituée notoire, à celui de la nation pervertie :
Elle était un pion dans les mains des criminels, des fonctionnaires importants, des entrepreneurs, des voleurs, des menteurs, des escrocs, de toute la fange, de toute la lie de la nation, (p. 137)
18La majorité des écrivains s’acharnent à montrer que la prostitution touche toutes les couches de la population, que ce soit les collégiennes, les étudiantes ou les femmes d’affaires. Parmi les innombrables textes qui traitent de ce sujet, la nouvelle, Girls at War (1972), de Chinua Achebe est un chef-d’œuvre d’indignation accablée : au début, le grand romancier nigérian nous présente une jeune écolière enthousiaste et digne qui s’engage dans l’armée pour soutenir la cause du Biafra, mais quelques pages plus loin, on la retrouve en jeune femme outrageusement maquillée qui fait de l’auto-stop sur les routes en monnayant ses charmes :
Quel terrible changement en moins de deux ans ! Elle était comme un miroir qui reflétait l’image d’une société dont le cœur est entièrement pourri et plein de vers. (p. 154)
19Dans ces textes de plus en plus politisés, la comparaison que les écrivains établissent entre la femme et l’Afrique prend un poids singulier. Certains persistent certes à la célébrer d’une façon positive :
La femme noire
C’est le soleil
C’est la fille
C’est l’Afrique (p. 45)
20déclare, encore Sipho Sempala, le poète sud africain dans The Blues is You in Me (1976). Mais avec l’arrivée des guerres, cet enthousiasme n’est plus de mise et c’est en utilisant des métaphores tragiques que les écrivains évoquent cette comparaison. Le romancier somalien Nuruddin Farah3 va jusqu’à présenter, dans A Naked Needle (1976), le continent noir comme : « Une vierge violée qui porte un enfant non désiré dont elle avorte. » (p. 101).
5. La femme engagée
21Mais si la nouvelle femme africaine apparaît, la plupart du temps, encore violentée par la vie, elle est, dans certains textes récents, animée d’une force qu’elle puise dans ses faiblesses. Les héroïnes du Kenyan Ngugi wa Thiong’o sont souvent des femmes vénales aux dimensions multiples : dans son admirable roman Petals of Blood (1977), le personnage principal est une prostituée à la fois économiquement forte (car elle possède des terrains qu’elle a acquis plus ou moins honnêtement) et physiquement faible (car elle a été jadis prise de force). Toutes ces contradictions ont fait d’elle une femme qui assume sa vie de pécheresse comme une métaphore de libération :
Il m’a fallu être dure, c’était la seule façon de m’en sortir. Non, je ne retournerai pas dans le troupeau des victimes : jamais, jamais. (P- 407)
22Libres de leurs corps et de leurs paroles, ces femmes rejoignent les luttes des hommes et deviennent des manifestantes4, des maquisardes5 ou, bien sûr, des combattantes comme dans Un fusil dans la main, un poème dans la poche, d’Emmanuel Dongala (1973) :
Elle était debout, les bras en V, tenant d’une main le drapeau, de l’autre, la mitraillette. Et malgré les rafales de feu et de fer qui l’atteignaient et la transperçaient de toutes parts, Yamaya, toujours debout, continuait à rire, à rire. (p. 95)
23Dans certains textes, les romanciers dotent même ces femmes-soldats d’inquiétants pouvoirs quasi surnaturels. Dans La Vie et demie, par exemple, Sony Labou Tansi (1979) confère à son héroïne une force cynique décuplée par la douleur et la décrit, liquidant, sans état d’âme, tous les dignitaires qui ont tué son père :
J’irai et je prendrai la ville. Ce corps a traversé des mondes, des pays, des vies, des temps. Et c’est avec lui que je prendrai la ville. (p. 106)
6. Des femmes porteuses d’espoir
24Sans céder à la démesure avec laquelle le romancier congolais dépeint ses personnages pour mieux « faire peur et faire honte » à son lecteur, nombre d’écrivains, et parmi les plus grands, utilisent leurs héroïnes non seulement comme des porte-parole de vengeance, mais aussi comme des figures d’espérance que la souffrance a sublimées. Le Sud-Africain John Maxwell Coetzee conclut, par exemple, Waiting for the Barbarians (1980) en faisant de la jeune barbare qui a été torturée par les soldats jusqu’à en perdre la vue, une image rédemptrice à qui les hommes confient confusément leurs espoirs inquiets :
Il se peut que lorsque les barbares vont arriver sur leurs chevaux, elle soit des leurs. Je l’imagine entrant au trot par la grande porte, à la tête d’une troupe de cavaliers, droite sur sa selle, les yeux brillants, telle un éclaireur, un guide. (p. 152)
25Le chemin parcouru en quelques décennies par les écrivains hommes témoigne donc à la fois de leur désir de faire amende honorable et de leur volonté de conférer aux femmes des dimensions mythiques qui leur rendraient leur aura d’antan. Leurs prises de position sont donc très complexes, voire ambiguës, car à leur désir de rendre justice aux femmes se mêle une tendance à se réfugier dans des généralisations trop schématiques comme l’idéalisation de la mère courage ou la glorification de la putain malgré elle.
26Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les écrivaines aient, à leur tour, décidé de proposer une analyse plus complexe et plus intériorisée de leur condition et aient tenté, en particulier, de montrer comment les femmes sont en train d’essayer de briser les tabous qui, jusque là, les avaient paralysées. Cette prise de parole se situe dans les années 1970, le roman séminal de cette production étant le célèbre Une si longue lettre que Marima Bâ publia en 1979 sur les problèmes de la polygamie. Et, depuis cette date, cette volonté impérieuse de s’exprimer n’a cessé de s’accroître, et même, de se consolider tout au long des dernières décennies.
II. Paroles de femmes
27Il faut, dès le départ, souligner que cette production très diverse reste, cependant, très homogène : on ne peut pas, par exemple, déceler des spécificités très nettes entre les multiples écrivaines de tant de pays pourtant si différents. On remarque bien, ici et là, des nuances d’approche et d’expression mais les différences sont balayées par la force de la prise de parole, par l’enthousiasme de l’engagement qui sous-tend tous ces textes de revendication. De plus en plus instruites, de mieux en mieux intégrées dans un système social nouveau, les femmes prennent une revanche éclatante. À la fois graves et impérieuses, elles entreprennent de réévaluer, à coups de faits de société et de réflexions intimistes, le bilan qu’avaient dressé les hommes.
1. Une relecture de la condition féminine
28Il est intéressant de comparer la façon dont les femmes reprennent les thèmes que les hommes avaient choisis : lorsque, par exemple, elles entreprennent, elles aussi, de glorifier la femme africaine, elles le font avec une intensité poétique tout à fait personnelle qui confère à leurs propos une dimension quasi magique, comme le proclame Werere Liking dans Elle sera de jaspe et de corail (1983) :
Éternelle Mère
Mère de la mer
Femme de toujours
Lumière du grand sentier. (p. 96)
29Mais la grande originalité de ces écrits au féminin est, bien sûr, le recul très critique qu’elles prennent par rapport à leur place dans la société. Lorsqu’elles abordent, par exemple, le sacro-saint postulat de la maternité, certaines d’entre elles font montre d’une audace étonnante. L’exemple le plus frappant est peut-être celui de la Nigériane Buchi Emecheta qui, lorsqu’elle se penche sur ce thème jusque là traité avec déférence, choisit un titre ironique, The Joys of Motherhood6 (1979). Il n’y a, en effet, que fort peu de joies sur terre pour l’héroïne de ce roman, une paysanne au cœur simple sur laquelle s’abattent en rafales toutes sortes de tragédies matérielles qu’elle tente de surmonter en épouse soumise et, surtout, en mère exemplaire. Elle donne naissance à neuf enfants auxquels elle réussit, au prix d’incessants sacrifices, à donner une bonne éducation mais c’est seule et abandonnée qu’elle mourra le long d’un fossé de son village où elle est revenue finir ses jours dans le pire des dénuements. La leçon implicite de ce livre accablant est claire : la maternité n’est pas (et ne doit pas être) le seul but de la femme africaine qui doit essayer de se réaliser en dehors des contraintes familiales.
30Ce message de libération, traité ici en creux par Buchi Emecheta, est repris de façon beaucoup plus radicale par d’autres écrivaines. Dans Elle sera de jaspe et de corail (1983), Werere Liking fait de son héroïne une misovire, une femme qui hait tellement les hommes qu’elle refuse d’envisager la maternité, ce qui revient à refuser aussi un avenir à l’Afrique :
J’aurais d’autant plus de difficultés à parler d’enfant que l’envie me viendrait d’écraser les miens dans l’œuf (p. 141)
31Dans ses premiers romans, Calixte Beyala (1988) s’était signalée à l’attention de tous par sa dénonciation véhémente de la sujétion que les femmes elles-mêmes font peser sur leurs semblables et avait dénoncé la collusion qui liait les différentes générations ; mais dans ses derniers écrits, on la voit tenter de faire sortir ses héroïnes de cette impasse en leur faisant choisir l’amour libre et découvrir la complicité entre femmes qui s’entraident dans le malheur.
2. Des femmes de plus en plus libérées
32Peu à peu, on voit, dans les écrits récents, les femmes construire leurs vies en dehors des normes traditionnelles. Dans Fureurs et cris de femmes, Angèle Rawiri (1989) considère l’enfant à qui l’héroïne va donner le jour non plus comme un instrument aliénant de pouvoir mais comme le fruit d’un choix restructurant, parce que librement consenti. C’est cette même évolution que l’on rencontre dans l’œuvre si représentative de Flora Nwapa malheureusement disparue. Dans ses premiers romans, publiés dans les années 1960, la romancière nigériane avait commencé par dresser des portraits de paysannes nobles, dignes et efficaces, comme celui de l’héroïne d’Efuru (1966) :
Nous sommes venus te voir, Efuru, pour te remercier de ce que tu as fait pour notre mère. Tu as fait ce que seuls les hommes sont capables de faire... Nous n’avons pas de mot pour te remercier. (p. 140)7
33Mais la guerre du Biafra qui, dans la littérature du Nigeria, a fait fonction de détonateur va singulièrement gauchir le propos de la romancière et faire voler en éclat cet angélisme quelque peu fastidieux. Dans One is Enough (1981), elle va mettre en scène une femme d’affaires prospère qui, lors de la guerre civile, a trafiqué entre les lignes et qui, maintenant, mène une vie de femme seule, dure et corrompue clamant son indépendance vis-à-vis des hommes et du mariage. Elle déclare, par exemple, qu’elle veut bien avoir des amants mais qu’elle ne veut plus entendre parler d’un nouvel époux. Dans le roman suivant qui porte un titre programme : Women are different (1986), Flora Nwapa choisit de décrire trois femmes aux destinées différentes mais qui éprouvent toutes les trois une grande méfiance vis à vis du mariage :
Les femmes ont maintenant le choix, le choix de monter leurs propres affaires, le choix de se marier et d’avoir des enfants mais aussi le choix de divorcer Le mariage n’est plus LA seule solution, (p. 119)
34Cette évolution foudroyante des mœurs touche toutes les générations et, en premier, les filles qui construisent leur liberté en maudissant leurs mères castratrices, comme le fait l’héroïne de Calixte Beyala dans Tu t’appelleras Tanga (1988) :
Je déstructure ma mère ! C’est un acte de naissance... Je lui échappe, je l’évacue. Au diable, Mâ. (p. 59)
35Sans tomber dans ces excès d’attitude et de langage qui en disent long sur les frustrations accumulées, la plupart des écrivaines brossent des tableaux qu’elles veulent plus ou moins mesurés de l’émancipation féminine. Le célèbre récit de Marima Bâ, Une si longue lettre, est, par exemple, rédigé sous une forme épistolaire qui permet à l’auteur de présenter un double point de vue : celui de la femme qui rédige la lettre et celui, en filigrane, de l’amie à qui cette longue missive est adressée. Toutes les deux sont issues des indépendances et sont imprégnées des espoirs de l’époque. Mais, malgré leur éducation et leur dignité, toutes les deux sont confrontées au problème de la trahison conjugale et de la polygamie. À l’arrivée d’une nouvelle épouse, Aissatou – la récipiendaire de la lettre – rompt les amarres et part à l’étranger se couler dans le moule de la femme africaine internationale :
Je ne m’y soumettrai point... Je me dépouille de ton amour, de ton nom. Vêtue du seul habit valable de la dignité, je poursuis ma route. (p. 50)
36Son amie – celle qui écrit – reste sur place en ressassant avec lucidité et aigreur les arguments machistes avancés par son mari lorsqu’il a pris une seconde femme :
Il me demandait compréhension. Mais comprendre quoi ? La suprématie de l’instinct ? Le droit à la trahison ? La justification du désir de changement ? (p. 53)
37Une fois veuve, elle tente précautionneusement de se forger, peu à peu, une liberté d’agir et de s’exprimer en tant qu’être à part entière, tout en restant consciente que :
Mouvant est le terrain des acquis, difficile la survie des conquêtes : les contraintes sociales bousculent toujours et l’égoïsme mâle résiste. (P- 129)
38La conclusion ouverte de cette longue confession à la fois combative et résignée : « Malgré tout-déceptions et humiliations-l’espérance m’habite. » (p. 131), est celle de nombreux récits dont les protagonistes ne semblent pas être vraiment en mesure de pouvoir pleinement prendre en charge leurs existences chaotiques. C’est, par exemple, l’impression que donne la fin du dernier roman de la Ghanéenne Ama Ata Aidoo, Changes (1991) dont l’héroïne, sous couvert de gestes libératoires, s’enfonce, en fait, dans l’aliénation d’un mariage polygame et se retrouve en proie à de naïves et pernicieuses illusions romantiques :
Un jour, peut-être, un jour, un jour, comme disait un chanteur de highlife qu’elle avait entendu un soir. (p. 166)
3. Des revendications violentes
39Ces hésitations et ces demi-mesures ont irrité la plupart des écrivaines qui n’ont pas voulu se laisser entraîner dans l’engrenage pernicieux de cette apologie de « l’intelligence du malheur ». Sans s’embarrasser des contraintes traditionnelles qui imposaient une certaine pudeur féminine, elles se sont mises à dénoncer tous les aspects de la dépendance féminine. Elles ont, pour cela, commencé par le plus facile : se gausser de la frivolité de tant de leurs consœurs qui se complaisent dans leurs vies d’épouses choyées et d’africaines occidentalisées et qui ne songent qu’aux voyages et aux mondanités. Puis elles sont passées à des dénonciations autrement virulentes et en sont venues, en particulier, à décrire les innombrables atteintes faites au corps féminin. L’excision vient en tête de ce réquisitoire, mais il faut souligner que ce thème, pourtant capital, n’est pas évoqué aussi systématiquement qu’on pourrait le croire et est même plutôt passé sous silence, sauf exceptions notoires comme celle de Calixte Belaya, toujours superbement violente dans Tu t’appelleras Tanga (1988) :
Cette honte me persécute, me pourchasse depuis le jour où la vieille, ma mère, m’a allongée sous le bananier pour que je m’accomplisse sous le geste de l’arracheuse de clitoris. (p. 20)
40Beaucoup de textes s’en prennent, par contre, de plus en plus systématiquement, à un autre abus : celui de la violence conjugale. Les héroïnes de Flora Nwapa, par exemple, n’acceptent plus leur statut de femmes éternellement battues et osent, enfin, rendre les coups. Celles de Bessie Head -en particulier dans son recueil de nouvelles The Collector of Treasures (1977) – sont encore plus violentes. L’une d’entre elles émascule froidement son mari et se retrouve en prison, avec d’autres épouses qui ont préféré tuer leur époux que de supporter les mauvais traitements qu’il leur infligeait.
41Certains textes s’attaquent avec moins de violence mais autant de détermination à des sujets tout aussi tabous. Dans Behind the Clouds (1982), la Nigériane Ifeoma Okoye traite, avec courage, du thème de la stérilité masculine et ose montrer que les accusations portées, en un premier temps, contre l’épouse sont fausses puisque c’est l’époux qui se révèle stérile. Dans son roman suivant, Chimere (1992), elle évoque un problème non moins douloureux, celui de l’opprobre qui, dans la société moderne, entoure la vie des enfants illégitimes et joue ainsi avec ambiguïté sur le problème des femmes stigmatisées pour avoir eu des enfants hors mariage.
42Mais c’est, bien sûr, la polygamie qui cristallise toutes les revendications et conduit certaines écrivaines à des positions jusqu’au-boutistes. Calixte Belaya n’hésite pas à proclamer qu’il faut interdire tout simplement la polygamie, mais peu de femmes osent remettre en cause aussi fermement ce bastion de la domination masculine. La plupart des écrivaines se contentent de présenter, avec une indignation croissante, les énormes difficultés qu’ont leurs consœurs à échapper à ces dispositions machistes qui leur imposent un sort absolument inéquitable. Leurs héroïnes se résignent bien souvent à des compromis douloureux, telle celle d’Aminata Sow Fall dans L’ex-père de la nation (1987). Lorsque son mari prend une seconde femme, elle adopte une position complexe, ambiguë et lui déclare :
Je serai toujours à tes cotés. Mais sans plus. Sans plus car je ne serai plus ta femme. Comprends que je ne verrai plus jamais en toi le mâle. (p. 58)
4. Les risques de l’émancipation
43Il va sans dire que toutes ces tentatives de renverser des rapports de domination immémoriaux entre hommes et femmes, profondément inscrits dans les sociétés patriarcales entraînent des perturbations psychologiques graves. Dans son admirable récit Nervous Conditions8 (1988), la Zimbabwéenne Tsitsi Dangarembga oppose deux portraits de jeunes filles sur le chemin de l’émancipation. La narratrice, dure et calculatrice, sacrifie tout et tous à son désir obsessionnel d’être éduquée tandis que sa cousine, – une enfant fragile et douce qui a reçu, en Europe, une instruction parfaite – s’enfonce, une fois rentrée en Afrique, dans une anorexie qui est la seule arme dont elle dispose pour s’insurger contre le sort de femme soumise qu’on lui réserve. La vigueur de ce texte exceptionnel vient de son écriture impitoyable : sans verser dans le pathétique ni la naïveté, la romancière excelle à montrer comment le machisme exacerbé des hommes traditionnels se trouve de plus en plus mis en échec par l’inébranlable volonté des jeunes femmes modernes.
44La fragilité de la condition des jeunes filles pousse encore certaines adolescentes à se tourner – comme dans les romans masculins- à une prostitution dont les romancières n’hésitent plus à dire maintenant qu’elle est souvent encouragée par les mères. Flora Nwapa (toujours elle) décrit, dans One is Enough (1981), un certain Cash Madam Club où les mères vendent leurs filles au plus offrant, tandis que la Gabonaise Angèle Rawiri, dans G’amèrakano (1988), met en scène trois générations de femmes : la jeune fille qui se désole de ne pas aider financièrement sa famille, la mère qui lui demande de se débrouiller comme le font les filles de son époque et la grand-mère qui s’insurge contre toute cette atmosphère de corruption féminine implicitement acceptée.
45Tous ces désarrois, toutes ces déchéances entraînent beaucoup de personnages féminins vers une déstructuration psychique extrême. La folie rôde au sein de ces intrigues d’antagonisme entre les sexes : dans Juletane (1982) de Myriam Warner-Vieyra, l’héroïne antillaise installée en Afrique se retrouve internée dans un asile parce qu’elle n’a pas supporté de voir son mari prendre une seconde femme et s’est mise à tout casser et à se cogner la tête contre les murs. Dans Un chant écarlate (1981) de Mariama Bâ, l’héroïne française délaissée en vient, dans une crise de folie, à empoisonner son enfant et à blesser son mari.
46Dans certains textes, les écrivaines relient fortement ces désordres mentaux aux contextes sociopolitiques troublés dans lesquels elles font évoluer leurs personnages. Dans Tu t’appelleras Tanga (1988), Calixte Belaya conduit son héroïne vers la « déraison » en la faisant réagir violemment aux troubles sociaux dont ce professeur est témoin. Troublée par la disparition de plusieurs de ses étudiants et indignée par le mutisme de ses compatriotes, elle confectionne une pancarte où elle demande : « Où sont nos enfants ? Égorgés par un boucher ? ». Les badauds de rue la conspuent : « Seuls quelques babengués crasseux, profitant de l’aplomb de qui sait que ses mots n’ont aucune portée, a suivaient en scandant : " Elle est folle, elle est folle ! “ » (p. 12). Arrêtée comme étant « un élément subversif et incontrôlable », elle est jetée en prison, d’où elle raconte son histoire.
47C’est évidemment en Afrique du Sud que cette interférence entre perturbations sociales et confusions mentales est la plus dramatiquement mise en scène. Dans toute son œuvre, Bessie Head dénonce une société où régnent tortures, viols et meurtres et, par voie de conséquence, brosse des portraits inquiétants de femmes profondément perturbées. Dans A Question of Power (1974), la romancière fait sombrer son personnage – qui se lance dans une recherche névrotique entre le Bien et le Mal – dans des fantasmes sexuels qui la conduisent à une démence catatonique. La violence quasi insoutenable de ce récit vient évidemment de l’expérience personnelle que l’auteur a eue, elle-même, de la folie, mais son œuvre restera comme l’illustration extrême des traumatismes que la brutalité officielle peut engendrer dans des esprits en quête d’idéal impossible.
48Il faut cependant souligner que la plupart des autres écrivaines africaines ont choisi, au contraire, des personnages qui trouvent, dans la lutte politique, un moyen de se structurer. Lorsqu’elles ont la possibilité de partager les « hoquets de l’histoire » avec les hommes, elles font montre d’une lucidité et d’un courage que les écrivaines se plaisent à souligner. Ceci est valable dans tout le continent et, en particulier au Nigeria, où des romans comme Destination Biafra (1982), de Buchi Emecheta, mettent à l’honneur9 les femmes qui, au sein des conflits meurtriers qui ravagent le continent, s’astreignent à ne pas s’apitoyer sur elles-mêmes et à passer à l’action, même si celle-ci reste encore dérisoire.
5. Se sauver par l’écriture
49Mais la véritable victoire de ces personnages féminins est, évidemment, le passage à l’écriture. Une si longue lettre commence par cette simple déclaration qui rend pleinement justice au pouvoir des mots :
Aissatou, j’ai reçu ta lettre. En guise de réponse, j’ouvre ce cahier, point d’appui dans mon désarroi. (p. 7)
50et, quelque dix ans plus tard, dans Tu t’appelleras Tanga (1988), l’héroïne de Calixte Beyala que personne ne veut écouter, décide, elle aussi, d’utiliser l’écriture pour s’exprimer. De nombreuses héroïnes de textes récents entreprennent de rédiger des lettres, des journaux intimes et, finalement, des livres. Dans son récit quasi autobiographique, Second Class Citizen (1974), Buchi Emecheta décrit ce passage à l’écriture d’abord comme un défi vis-à-vis d’un mari odieux qui la méprise. Peu à peu, la rédaction de son journal prend la forme d’une véritable libération et même d’un accouchement : elle compare les mots qui coulent d’elle à un placenta libérateur et un de ses amis l’encourage en ces termes :
Ce manuscrit, tu l’as enfanté ; il est sorti de toi, de ta tête. (p. 254)
51Et ce sont les mêmes métaphores que reprend Simone Kaya dans Le prix d’une vie (1984) dont l’héroïne porte son manuscrit comme un enfant. Toutes ces écrivaines reconnaissent à l’écriture une vertu thérapeutique car le fait d’écrire crée des connivences que, par exemple, Calixte Belaya exploite pleinement dans Tu t’appelleras Tanga (1988) où deux prisonnières échangent d’abord les récits de leurs vies et décident ensuite d’en faire un livre pour perpétuer leur rencontre :
Donne-moi ton histoire. Je l’embellirai pour toi, pour moi. Je la peindrai de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Donne-moi ton histoire et je répandrai ton rêve. (p. 13)
52Ces passages de relais ne se font pas toujours aussi facilement et beaucoup de textes trahissent, au contraire, les hésitations des romancières. Dans You Can’t Get Lost in Cape Town (1987), la Sud-Africaine Zoë Wicomb montre que l’écriture ne rapproche pas fatalement les êtres, mais peut, au contraire, es éloigner et les antagoniser : la mère de la narratrice déteste les nouvelles que sa fille vient de publier et l’accuse à la fois d’écrire « des choses insignifiantes et lugubres » et de se servir de la réalité pour – ajoute l’auteur en voix off – « dire l’indicible » (p. 226). Dans son admirable « chant-roman », Elle sera de jaspe et de corail (1983), Werere Liking émet, elle aussi, des doutes sur son entreprise d’écriture :
Dois-je vraiment écrire un journal de bord., , Est-ce utile ? Si j’écris, le journal comptera-t-il parmi les actes efficaces ? (p. 14)
53La plupart de ces textes-confessions sont rédigés à la première personne, mais ce ne sont pas pour autant des récits uniquement narcissiques car le « je » utilisé est, de plus en plus, collectif. Faisant mine de ne parler que d’elles-mêmes, les écrivaines parlent, en fait, pour toutes les femmes. Brisant tous les silences10, pourfendant tous les tabous, décelant tous les pièges, faisant l’inventaire de toutes les libertés, établissant tous les échéanciers à venir, elles avancent vers un avenir qui, pour le moment, a la forme indistincte d’un hypothétique bonheur, un concept sur lequel toutes butent de façons différentes.
54C’était sur un mode frileusement interrogatif que se terminait Une si longue lettre 11:
Le mot bonheur recouvre bien quelque chose, n’est-ce pas ? J’irai à sa recherche, (p. 131)
55C’est maintenant avec une approche plus négative que Tanella Boni tranche dans Une vie de crabe (1990) :
Le bonheur n’existe pas. Tout est jeu. Jeu de signatures, jeu de biens, jeu de maux. (p. 60)
56Mais c’est avec plus de générosité que Véronique Tadjo dans Champs de bataille et d’amour (1999) parvient, malgré la cruauté de l’époque récente qu’elle décrit, à se façonner un credo féminin à la fois très altruiste et très personnel :
Quand elle était heureuse, elle savait façonner le bonheur pour l’offrir aux autres. (p. 169)
57Ces textes de protestations et de revendications féminines adoptent, en général, le mode du réalisme accusateur que la fiction africaine utilise depuis des décennies et s’en servent comme d’une efficace arme de combat. Mais l’expression féminine est, peu à peu, parvenue à desserrer ce carcan du réalisme militant par des modes d’écriture de plus en plus libérés et audacieux. En privilégiant un langage cru, en créant des récits à voix multiples, en ayant recours à un humour souvent cynique et à une fantaisie débridée... ces écrits au féminin osent de plus en plus explorer des modes d’écriture en rupture de ban avec les règles établies (et respectées) par la plupart des écrivains. Ces textes restent profondément désespérés, mais apparaissent de plus en plus imprégnés de la fierté d’avoir conquis « les mots pour le dire », comme le proclame si simplement, mais si fortement Ama Ata Aidoo dans An Angry Letter in January (1992) :
J’ai été heureuse
D’être moi
Une Africaine
Une femme
Et un écrivain. (p. 25)
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 MKamara Lamine, Safran, 1985, p. 96.
2 Massa Matakan Diabaté, L’assemblée des djinns, 1985, p. 132.
3 Il a si bien réussi à décrire les femmes que bon nombre de ses lecteurs (et de ses lectrices) pensent que ces textes sont écrits par une femme.
4 Comme dans Les bouts de bois de Dieu d’Ousmane Sembéne (1960),
5 Comme dans Kotawali de Guy Menga (1976).
6 Traduit en français en 1994 avec la même irrévérence, sous le titre : Les enfants sont une bénédiction.
7 À noter que c’est toujours par rapport à la « norme » de ce que peut faire un homme qu’est appréciée l’action de l’héroïne.
8 Banalement traduit, en 1992, par « À fleur de peau ».
9 Malgré la naïveté de leurs intrigues et de leurs propos.
10 Titre d’une anthologie récente d’écrivaines nigérianes (Adewale et Segun, eds., 1996).
11 Mariama Bâ, 1979.
Auteur
Universitaire angliciste, université du Mans (France), spécialiste des nouvelles littératures anglophones (Afrique, Inde, Caraïbes, Australie) et des études postcoloniales. A publié récemment Littératures de l’Afrique anglophone, Edisud, 2007.
Coussy.jeanetdenise@wanadoo.fr
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