Chapitre VI
La population étudiante à l’épreuve des comparaisons internationales
p. 113-125
Texte intégral
1Deux grands types d’enquêtes permettent de cerner les mondes étudiants dans l’espace européen de l’enseignement supérieur.
2D’un côté, les enquêtes d’Eurostudent dressent un panorama des conditions d’études et des niveaux socioéconomiques des étudiants (Belghith et Vourc’h, 2011 ; Hauschildt et al., 2015). La première enquête a débuté en Allemagne pour devenir européenne en 2000 ; en 2015, avec vingt-neuf pays participants, la comparaison européenne gagne en pertinence, avec un effectif de 210 000 étudiants répondants. Eurostudent est devenu progressivement un instrument majeur de connaissance en appréhendant différents thèmes, dont le profil socioéconomique des étudiants et l’accès à l’enseignement supérieur, leurs perceptions des modalités d’études, leur mobilité internationale.
3De l’autre côté, deux projets de recherche centrés sur l’insertion professionnelle des diplômés de l’enseignement supérieur renseignent sur leur position sur le marché du travail plusieurs années après la fin des études. Ainsi, Cheers (Careers After Higher Education: A European Research Survey) a été la première enquête internationale impliquant onze pays d’Europe et le Japon ; 36 000 jeunes diplômés en 1995 ont répondu quatre ans après leur sortie de formation (Teichler, 2007). La seconde enquête, nommée Reflex (Research into Employment and Professional Flexibility), a concerné environ 40 000 diplômés en 2000, interrogés en 2005 dans quinze pays (Allen et Van der Velden, 2007). L’originalité de ces deux recherches est de comparer les compétences acquises par les étudiants en formation et celles requises dans leur activité professionnelle à partir d’une autoévaluation réalisée par les jeunes enquêtés.
4Au regard des données collectées auprès de ces étudiants en cours de formation et à la sortie de formation, ce chapitre présente les principaux résultats significatifs, après avoir exposé les données et les méthodologies mobilisées1. Neuf pays communs à ces deux grands types de programme ont été sélectionnés afin de pouvoir effectuer des comparaisons et relever les complémentarités : Allemagne, Autriche, Finlande, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, République tchèque et Suède. Le croisement de ces informations permet de dégager les tendances générales au niveau de l’Europe et de saisir les particularités de chaque pays. Malgré certaines similitudes avec l’ensemble des diplômés européens, les situations d’études et professionnelles sur le marché du travail, les perceptions des anciens étudiants français soulignent des spécificités, des atouts et des faiblesses.
I. Une comparaison européenne des conditions d’études
5L’objectif d’Eurostudent est de dresser un panorama de la situation sociale des étudiants et de leurs conditions d’études, en mobilisant des données comparables entre pays participants, à travers leurs propres enquêtes nationales et des indicateurs clés (encadré 1). Le nombre d’étudiants est représentatif des inscrits dans les formations de l’enseignement supérieur2.
Encadré 1
Eurostudent : un programme qui a pris de l’ampleur en Europe
L’histoire a débuté par une enquête en Allemagne, qui s’est élargie à huit pays en 2000 et mobilise, pour la 5e édition, vingt-neuf pays* ayant mené leurs investigations entre 2012 et 2015. Eurostudent est constitué d’un réseau européen de chercheurs, de représentants des ministères et d’organismes collecteurs de données, coordonné par l’Institut allemand DZHW (Deutsches Zentrum für Hochschul-und Wissenschaftforschung). Le nombre d’étudiants représentatifs des inscrits dans les formations de l’enseignement supérieur va de 1 700 en Suède à 41 600 en Autriche, avec un taux de réponse qui varie de 7 % en République tchèque à 70 % en Suisse. La France a un taux de réponse de 22 %, avec un effectif de 36 000 répondants dans le cadre de l’enquête CdV menée par l’OVE. Un socle de questions communes est intégré aux questionnaires passés dans chaque pays via Internet, papier crayon ou téléphone (Italie), centré sur dix thèmes : l’accès à l’enseignement supérieur, l’origine sociale, le profil, les types et modalités des études, le budget temps et les étudiants salariés, les ressources financières et les dépenses, le logement, la mobilité internationale, l’évaluation de leurs études et projets. Pour en savoir plus : http://www.eurostudent.eu.
*Pour la 1re édition de 1999-2002, huit pays (Autriche, Belgique, Finlande, France, Allemagne, Irlande, Italie, Pays-Bas) ; la 2e édition de 2003-2005, neuf pays ; pour la 3e édition de 2005-2008, vingt-trois pays ; la 4e édition de 2008-2011, vingt-sept pays.
1. Profils des étudiants et conditions de vie et d’études
6À travers les divers indicateurs définis par Eurostudent (Hauschildt et al., 2015), il est possible d’identifier trois groupes de pays selon les caractéristiques de la population étudiante et leurs conditions de vie.
a. Groupe 1 : France et Italie
7Dans ce groupe, le profil des étudiants est plus traditionnel (jeune et en formation initiale) que dans les autres contrées. D’abord, les jeunes entrent directement dans l’enseignement supérieur après les études secondaires (95 % contre 78 % en moyenne3 – cf. tableau 1). Les étudiants français et italiens sont également plus jeunes (22-23 ans au lieu de 26 ans pour l’ensemble des neuf pays), ils vivent davantage chez leurs parents, notamment en Italie (55 % contre 27 % en moyenne) et sont aussi les premiers de leur famille à poursuivre des études supérieures (étudiants de première génération), surtout en Italie (72 % contre 50 % en moyenne). En outre, les étudiants exerçant une activité rémunérée en cours d’études travaillent moins pour des besoins financiers, particulièrement en France (seulement 47 % contre 68 % en moyenne).
b. Groupe 2 : Norvège, Suède et Finlande
8Dans ce groupe, on trouve un profil d’étudiants davantage adultes, car ils accèdent moins directement dans l’enseignement supérieur après leurs études secondaires (entre 50 et 60 % – cf. tableau 1). Ils sont nettement plus âgés en moyenne (28-29 ans) et ont généralement quitté le domicile parental (seulement 10 % environ y habitent). Cette dernière situation incite un grand nombre de jeunes à prendre une activité rémunérée pour assumer les coûts de la vie et des études, surtout en Norvège et en Finlande (plus de 80 %). Enfin, en Norvège, 63 % des étudiants sont de première génération.
c. Groupe 3 : Pays-Bas, Allemagne, Autriche et République tchèque
9Les étudiants de ce dernier groupe sont relativement jeunes (24-26 ans) et offrent un profil proche du portrait traditionnel, comme ceux du groupe 1, avec un accès direct dans l’enseignement supérieur après les études secondaires : 88 % y accèdent en Allemagne, aux Pays-Bas et en République tchèque (tableau 1). Mais ils se distinguent par une volonté plus grande d’autonomie, notamment en Autriche, où seul un étudiant sur cinq habite chez ses parents et 76 % des étudiants exercent une activité professionnelle pour assurer le quotidien. Dans ce pays, les deux tiers des étudiants sont aussi les premiers de leur famille à suivre des études supérieures.
Tableau 1. Profil social et démographique des étudiants (%)

2. Une mobilité internationale modérée
10Au-delà des conditions de vie, l’aspect international des études met en relief d’autres singularités. Sur les neuf pays étudiés, environ un quart des étudiants a connu une expérience à l’étranger (inscription dans un établissement, stage, cours de langues). Ce chiffre plutôt modéré avoisine les 30 % pour les jeunes finlandais, norvégiens, tchèques et autrichiens, contre 20 % en France et moins de 20 % en Italie, en Suède et en Allemagne (tableau 2).
3. Évaluation des étudiants sur leurs études et projets
11De manière générale, les étudiants tchèques, français, finlandais et suédois s’estiment plutôt satisfaits de leurs études (environ 70 % pour la qualité pédagogique), alors que c’est le contraire en Autriche, où cela ne concerne que la moitié des jeunes (tableau 2). Quant à la projection sur le marché du travail, les étudiants norvégiens, suédois, finlandais et hollandais sont plus optimistes (deux tiers), tandis que les jeunes Tchèques et Français sont moins positifs (environ la moitié).
Tableau 2. Dimension internationale et opinion des étudiants (%)

II. Une comparaison européenne des conditions d’insertion professionnelle
12Deux enquêtes uniques en Europe, Cheers4 et Reflex5, consacrées au devenir professionnel des diplômés6 de l’enseignement supérieur (encadré 2), ont permis de comparer les profils des étudiants, leurs situations professionnelles, la correspondance entre leurs études et l’emploi occupé, la mobilité internationale et la valorisation de leurs compétences sur le marché du travail (Guégnard et al., 2008). Les résultats de ces deux enquêtes, à six ans d’intervalle, sont constants dans le temps et concernent les sortants des deuxième et troisième cycles universitaires, des écoles spécialisées, de commerce et d’ingénieurs (licence, maîtrise et plus)7.
Encadré 2
Deux enquêtes uniques en Europe
Le projet Cheers, première enquête internationale, a été mené par un consortium de treize équipes de recherche piloté par l’International Centre for Higher Education Research de l’université de Kassel, avec douze pays participants. L’enquête réalisée en 1999 par questionnaire postal (et par interview en Italie) a concerné 36 000 diplômés en 1995, soit environ 3 000 diplômés par pays, avec un taux de réponse global de 40 % (variant de 49 % en Suède à 15 % en Espagne). Financée dans le cadre d’un programme piloté par la DG 12, cette première enquête d’insertion européenne vise à étudier l’impact de différents facteurs sur l’accès à l’emploi des diplômés comme la structure des systèmes d’enseignement supérieur, le curriculum, le comportement au cours des études, la qualité de la réussite universitaire du programme européen. Le questionnaire de seize pages comprend 80 questions portant sur les origines sociales des diplômés, les parcours d’études, les transitions de l’enseignement supérieur à l’emploi, les débuts de carrière, les liens entre la formation et l’emploi, la satisfaction au travail et leur point de vue rétrospectif sur l’enseignement supérieur (Teichler, 2007). Pour en savoir plus : http://www.uni-kassel.de/incher/cheers ; http://www.qtafi.de/cheers-european-graduate-survey.html.
Le projet Reflex, conduit par le même consortium auquel se sont ajoutées quatre institutions et universités, a été piloté par le Research Centre for Education and the Labour Market, de l’université de Maastricht. L’enquête, menée par voie postale ou par mail dans quinze pays cinq ans après la fin des études, a touché 40 000 diplômés en 2000, soit en moyenne 2 000 étudiants par pays, avec un taux de réponse global de 30 % (allant de 70 % pour les Suédois à 18 % pour les Estoniens). Financée en partie par l’Union européenne dans le cadre du 6e Programme-cadre pour la recherche et le développement technologique (PCRD), l’enquête avait pour objectif de répondre à trois interrogations : quelles sont les compétences acquises par les diplômés de l’enseignement supérieur et mobilisées par les employeurs ? Comment les établissements contribuent-ils à la construction de ces compétences ? Quelles sont les tensions qui peuvent apparaître entre les diplômés, les établissements de formation et les employeurs, et comment les résoudre ? Le questionnaire de quatorze pages comprend une centaine de questions et porte notamment sur les études et les situations professionnelles des diplômés, leurs perceptions des compétences acquises lors de leurs études et requises par leur emploi. Pour en savoir plus : .
1. Une transition dans la vie active à géographie variable
13En majorité, les diplômés de l’enseignement supérieur (de niveau licence ou plus) ont un accès rapide et durable à l’emploi. Les deux tiers n’ont pas connu de périodes de chômage depuis leur sortie de formation, quelle que soit l’enquête (tableau 3). Moins de 4 % sont au chômage quatre ou cinq ans après la fin de leurs études. La plupart exercent des fonctions de directeur, ingénieur, cadre ou manager, les deux tiers en 1999 et les trois quarts en 2005. Ils soulignent l’existence d’un lien fort entre le contenu de la formation suivie et la qualité de l’emploi occupé. Quatre ou cinq ans après la fin des études, les trois quarts ont un emploi stable et près de 80 % travaillent à temps plein, en 1999 comme en 2005. Dans l’ensemble, ces résultats sont donc positifs et indiquent que les diplômés des pays enquêtés semblent plutôt dans une situation privilégiée par rapport à d’autres primo-arrivants sur le marché du travail. Cependant, les enquêtes révèlent des contrastes géographiques. Les jeunes formés dans les pays du Sud de l’Europe éprouvent davantage de difficultés, avec un risque de chômage plus important. Les disparités persistent aussi selon les disciplines et le genre. En bas de l’échelle se positionnent les lettres et les sciences humaines, en haut les filières de commerce, d’ingénieur et d’informatique. Le chômage des femmes reste légèrement supérieur à celui des hommes, en 1999 comme 2005 (5 % et 3 %).
14La France se trouve dans une position médiane entre Nord et Sud. Ses diplômés ont connu des conditions d’insertion professionnelle un peu moins favorables, avec une durée de recherche légèrement plus élevée pour une première embauche et un chômage supérieur à la moyenne au moment des enquêtes (Murdoch et Paul, 2003a ; Guégnard et al., 2008). Néanmoins, la part de chômeurs après des études supérieures a peu évolué (9 % en 1999, 8 % en 2005 contre 3 % et 4 % en moyenne).
15Pour l’ensemble des jeunes interrogés, la stabilisation sur des contrats à durée indéterminée ne s’effectue pas dès le premier emploi, mais intervient plus tard. Cinq ans après la sortie de l’enseignement supérieur, les Français se distinguent par l’obtention de nombreux postes stables, à l’image des Norvégiens et des Tchèques. Du côté de la flexibilité des emplois, les mêmes pays européens (Italie, Finlande et Allemagne) se démarquent quelle que soit l’enquête. À l’opposé, la précarité des emplois est faible en République tchèque et en Norvège (tableau 3).
Tableau 3. Quelques indicateurs des enquêtes Cheers et Reflex (%)

16Les femmes se placent moins bien que les hommes sur le marché du travail en Europe. Au fil des années, elles accèdent autant que les hommes aux professions de cadres, ingénieures et professeures (57 % en 1999 et 63 % en 2005). Cependant, les postes de direction sont plutôt masculins. La formation différenciée des femmes et des hommes les conduit vers des métiers et des espaces professionnels distincts (Guégnard et al., 2008). Seulement 7 % des diplômées ont suivi une filière d’ingénieur, contre un tiers pour les hommes, quelle que soit l’enquête. En miroir, un tiers des femmes ont effectué des études dans les domaines des sciences humaines, des lettres et des arts contre moins de 13 % des hommes. Ces orientations et ces choix ont une influence sur le type d’emploi futur. Ainsi, 10 % des diplômées sont embauchées comme ingénieures scientifiques et techniques contre 31 % chez les hommes (en France, 10 % des femmes et 24 % des hommes en 2005). En outre, le secteur public reste le premier employeur en Europe pour la population féminine, quel que soit le pays. Il regroupe la moitié des femmes actives occupées pour un tiers des hommes dans les États nordiques et les Pays-Bas.
17Le travail à temps partiel est une autre illustration de la flexibilité, qui touche aussi davantage les femmes (Guégnard et Paul, 2009). La durée du travail déclarée par les diplômés était en moyenne de 44 heures par semaine en 1999 (2 heures de moins qu’en 2005). Près de 17 % des femmes effectuaient moins de 36 hebdomadaires contre 6 % des hommes. Cet écart a augmenté au fil des ans : une activité professionnelle de moins de 35 heures concerne 23 % des femmes et 9 % des hommes, selon l’enquête de 2005 (Reflex). Cette dimension peut relever de stratégies individuelles pour concilier travail et vie familiale, notamment dans les pays du Sud où la prégnance du modèle familial traditionnel demeure, mais aussi de logiques différenciées : moyen d’accès à l’emploi pour les femmes aux Pays-Bas, fondée sur une demande des salariés en Suède ou en Finlande, reliée à l’incitation des pouvoirs publics en France ou liée à l’insuffisance des modes de garde des enfants.
2. Valorisation des compétences sur le marché du travail
18En 1999, la moitié des jeunes affirmaient que leurs connaissances et compétences acquises en formation initiale étaient utilisées sur l’ensemble de leur activité professionnelle (figure 1). Six ans plus tard, les trois quarts des diplômés estiment que leurs connaissances et compétences sont utilisées dans l’emploi occupé. Cette proportion était nettement plus faible pour la France en 1999 (28 %), alors qu’elle se situe dans la moyenne en 2005 (73 %). Une telle évolution est en partie liée aux libellés des questions8. Pour autant, la Norvège, la Finlande et la Suède se placent toujours parmi les pays qui valorisent le plus les compétences de leurs jeunes diplômés.
19Lors de l’enquête Cheers, près de 7 % des diplômés d’Allemagne, de France, des Pays-Bas et de la République tchèque déclaraient exercer une activité pour laquelle leur diplôme d’enseignement supérieur n’était pas nécessaire. Cette moyenne est restée stable en 2005, tous pays confondus, mais elle a nettement diminué pour les Français et les Tchèques, car seulement 3 à 4 % des diplômés de ces deux contrées donnent cette appréciation. En revanche, les diplômés italiens demeurent les plus nombreux à estimer que leur activité professionnelle ne correspond pas à leur niveau d’études.
Figure 1. Utilisation des compétences dans l’emploi en 1999 et 2005 (%)

Lecture : selon l’enquête Cheers, 43 % des diplômés allemands affirmaient, sur l’ensemble de leur travail, utiliser les connaissances et compétences acquises dans l’obtention de leur diplôme de 1995 ; 72 % des diplômés attestent que leurs connaissances et compétences sont utilisées dans l’emploi occupé en 2005 selon l’enquête Reflex. Source : enquêtes Cheers 1999 et Reflex 2005.
20Quelles sont les compétences acquises par les diplômés de l’enseignement supérieur et mobilisées par les employeurs ? Cette question se réfère à des mesures autodéclaratives des étudiants et recouvre divers termes comme capacité, qualité, connaissance, habileté, savoir-faire, faculté, aptitude, etc. Outre les risques de biais liés à la subjectivité individuelle, elles ont aussi tendance à limiter les compétences techniques plus spécifiques, qui constituent pourtant une partie de l’avantage compétitif des diplômés. La perception9 des compétences par les diplômés peut être complétée en croisant les niveaux acquis en formation et requis dans l’emploi, puis en les divisant en trois groupes : le niveau de compétences est inférieur au niveau requis dans l’emploi (en déficit) ; le niveau de compétences est supérieur au niveau requis dans l’emploi (en excédent) ; le niveau de compétences est équivalent au niveau requis dans l’emploi (cf. figure 2 pour les huit compétences communes aux deux enquêtes).
21En 1999, les capacités de négocier efficacement et de planifier, ainsi que les compétences en informatique sont données comme déficitaires pour l’ensemble des pays, avec quelques variations : pour l’informatique (Murdoch et Paul, 2003b), par exemple, ce chiffre est de 64 % chez les Suédois contre 47 % des Hollandais. D’une manière générale, les déficits sont moins nombreux six ans plus tard dans l’enquête Reflex (environ 20 % en moyenne), mais ils touchent le tiers des diplômés en France et en Italie, alors qu’ils sont plus faibles en Norvège et en Autriche pour la plupart des compétences. L’évolution la plus spectaculaire concerne l’informatique considérée en déficit par seulement 16 % des jeunes (contre 57 % en 1999). En 2005, 30 à 40 % des jeunes identifient trois compétences clés de leur enseignement supérieur : la maîtrise de leur domaine de discipline, l’esprit analytique et l’aptitude à acquérir de nouvelles connaissances. Du côté des faiblesses de la formation, les Français comme leurs camarades nomment en première position l’aptitude à écrire et parler dans une langue étrangère ; ils désignent ensuite la capacité à assurer leur autorité, la faculté à négocier de façon efficiente, l’aptitude à présenter en public des produits, des idées ou des rapports.
Figure 2. Les niveaux de compétences perçus par les diplômés du supérieur (niveau licence et plus) (%)

Lecture : dans l’enquête Reflex, pour la capacité de travailler sous pression, 36 % des jeunes estiment leur niveau en déficit (inférieur au niveau requis dans l’emploi), 24 % en excédent et 40 % affirment avoir un niveau de compétences équivalent au niveau requis dans l’emploi. Source : enquêtes Cheers 1999 et Reflex 2005.
22En définitive, les résultats de ces deux enquêtes réalisées en Europe à six ans d’intervalle mènent aux mêmes constats : les diplômés du supérieur ont un devenir professionnel enviable. Les deux tiers des répondants s’estiment satisfaits de leur activité professionnelle au moment des enquêtes Cheers et Reflex (64 % en 1999 et 67 % en 2005). Les Français se situent dans la moyenne européenne pour les deux cohortes de diplômés ; les Italiens sont les plus insatisfaits, à l’opposé des Norvégiens ; Autrichiens et Tchèques sont les plus enchantés. En 1999, d’après l’enquête Cheers, si la décision devait être prise de nouveau, 66 % des Français déclaraient forte ou très forte la perspective de choisir la même spécialité d’études, résultat proche de l’ensemble des diplômés (65 %), et 61 % le même établissement (65 % en Europe). Quelques années plus tard, donc en 2005, près de 60 % des jeunes choisiraient les mêmes études et la même institution d’enseignement supérieur (enquête Reflex) – les Français sont parmi les premiers.
Conclusion
23Ces enquêtes Eurostudent, Cheers et Reflex permettent à la fois de renseigner sur les modes de vie et d’études, d’analyser les débuts de carrière des jeunes sur divers marchés du travail, de dégager les tendances communes au niveau de l’Europe et de saisir les particularités de chaque État. Dans les neuf pays, des convergences et des distances apparaissent dans les conditions d’études et d’insertion professionnelle, mais aussi dans les perceptions des diplômés de l’enseignement supérieur. La France se trouve dans une position intermédiaire entre Nord et Sud et se singularise à plus d’un titre : une population étudiante la plus jeune d’Europe, un accès à l’enseignement supérieur dans l’immédiate continuité de l’enseignement secondaire, un nombre plus faible d’étudiants exerçant un travail salarié pour assumer les coûts de la vie, l’insuffisance de compétences en langues étrangères. Les données sur les parcours d’insertion confirment l’opposition géographique entre les diplômés des contrées du Nord et de l’Europe centrale, qui bénéficient de meilleures conditions d’insertion professionnelle, et ceux des pays du Sud, moins bien positionnés, tandis que ceux de Norvège et de République tchèque se distinguent par une stabilité de leurs emplois.
24Ces types de programme reposent sur les perceptions des jeunes. L’un est centré sur des indicateurs des conditions de vie et d’études au regard de leurs caractéristiques sociales, économiques et démographiques ; l’autre se focalise sur les trajectoires professionnelles au regard de leurs compétences acquises en formation. Entre les deux, il semble manquer une enquête reliant la réussite des étudiants aux modalités d’orientation vers l’enseignement supérieur, aux conditions et contextes d’études (Landrier et al., 2016), ces expériences pouvant par la suite influencer leur insertion dans le monde du travail.
Bibliographie
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Références bibliographiques
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Notes de bas de page
1 Dans le cadre de l’enquête Eurostudent, il s’agit de tableaux de données disponibles dans le rapport Eurostudent (Hauschildt et al., 2015, et sur le site d’Eurostudent). Pour les enquêtes Cheers et Reflex, de nouvelles exploitations ont été réalisées à partir des bases de données.
2 Préparant à des diplômes de niveaux 5 à 7 selon la classification internationale ISCED (International Standard Classification of Education) ; pour la France, les 1er et 2e cycles universitaires, les écoles spécialisées, de commerce et d’ingénieurs.
3 La moyenne est calculée en référence aux neuf pays sélectionnés.
4 Les pays concernés en 1999 sont les suivants : Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, République tchèque, Royaume-Uni, Suède et Japon.
5 Les pays concernés en 2005 sont les mêmes que pour Cheers, auxquels s’ajoutent la Belgique (Flandres), l’Estonie et la Suisse.
6 Sortants de niveaux ISCED (International Standard Classification of Education) 5A et 5B, avant la réforme LMD (licence-master-doctorat). Les échantillons sont représentatifs des différents types de l’enseignement supérieur dans chaque pays.
7 Un autre projet nommé Hegesco (Higher Education as a Generator of Strategic Competences) a été mené trois ans plus tard en Slovénie, Turquie, Pologne et Hongrie, en interrogeant les étudiants en 2008 par un questionnaire via mail.
8 Pour Cheers, les jeunes répondent par rapport à leur diplôme : « Sur l’ensemble de votre travail, estimez dans quelle mesure vous utilisez les connaissances et les compétences que vous avez acquises dans l’obtention de votre diplôme de 1995 » (sur une échelle de valeurs allant de 1 : pas du tout à 5 : énormément). Pour Reflex, les jeunes répondent à une interrogation plus large sans référence directe à leur diplôme : « Dans quelle mesure vos connaissances et vos compétences sont-elles utilisées dans cet emploi ?» (l’échelle de valeurs va de 1 : pas du tout à 5 : dans une très large mesure). Les chiffres présentés dans la figure 1 regroupent les valeurs 4 et 5.
9 Pour Cheers, les diplômés estiment rétrospectivement leur niveau d’acquisition pour 36 connaissances, qualifications et compétences : « Veuillez indiquer dans quelle mesure vous possédiez les compétences suivantes au moment de votre diplôme de 1995 et dans quelle mesure elles sont requises dans votre travail (de 1 : pas du tout à 5 : énormément) ». Pour Reflex, les diplômés répondent à cette question pour 19 compétences au moment de l’enquête : « Comment notez-vous votre propre niveau de compétences (de 1 : très bas à 7 : très haut) et quel est le niveau de compétences requis dans votre emploi actuel (de 1 : très bas à 7 : très haut) ? ».
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