Chapitre 3
Les dépenses d’habitation
p. 103-118
Texte intégral
I. Propriétaire ou locataire
1Près des deux tiers du public jugent préférable de posséder son logement plutôt que de le louer, et environ la moitié des personnes qui sont locataires, cas de 92 % du public, manifestent le désir de devenir propriétaires. Enfin, près de six personnes sur dix forment le vœu de se retirer un jour à la campagne, dans leur maison.
2Jugez-vous préférable d’être propriétaire, ou locataire de votre logement ?

3La majorité des Parisiens partagent l’opinion opposée à celle de la majorité des provinciaux. Les hommes plus que les femmes, les personnes âgées de moins de 50 ans plus que celles qui ont dépassé cet âge, estiment généralement qu’il est préférable d’être propriétaire de son logement. Les employés et fonctionnaires sont les moins nombreux, les industriels et commerçants les plus nombreux à partager cet avis.

4Les personnes qui sont propriétaires d’un immeuble comme celles qui sont propriétaires de leur logement estiment plus que les autres qu’il est préférable d’être propriétaire plutôt que locataire. Cette opinion se trouve moins répandue parmi celles qui paient un loyer élevé.

5Si vous êtes locataire, avez-vous le désir de devenir propriétaire de votre logement ?

6La grande majorité des Parisiens n’a pas le désir de devenir propriétaire (63 % contre 27 %). C’est dans les grandes villes et dans le Sud-Est que ce désir est le plus fréquent (de 50 000 à 100 000 habitants : 56 %, plus de 100 000 habitants : 52 %, Sud-Est : 58 %).
7Les hommes et les personnes âgées de moins de 50 ans souhaitent davantage devenir propriétaires. Tel est aussi le cas des ouvriers et des industriels et commerçants. Les employés et fonctionnaires expriment le moins souvent cette ambition.

8Le désir de devenir propriétaires de leur logement est un peu plus répandu parmi les personnes dont les ressources sont moins élevées.

9Formez-vous le vœu de vous retirer un jour à la campagne, dans votre maison ?

10Dans les petites villes et à Paris, ce vœu est le plus fréquent (respectivement 60 % et 60 %). Il est le moins fréquent dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest (49 % et 48 %).
11Les hommes, les personnes d’âge moyen formulent davantage le vœu de se retirer un jour dans leur maison à la campagne ; les membres des professions libérales moins souvent.

12Ce vœu est le moins répandu parmi les personnes qui n’ont pas d’enfants (53 %).
13Il est moins répandu parmi ceux qui sont déjà propriétaires de leur logement.

14L’aspiration à être propriétaire de son logement est étroitement liée au désir d’habiter une maison individuelle plutôt qu’un appartement dans un immeuble collectif.

II. La proportion des ressources affectées au loyer
15Onze pour cent du public ne se prononcent pas sur la proportion des ressources qu’il est convenable d’attribuer à son loyer et l’on est en droit de penser que ces abstentions s’expliquent par le caractère flottant du coût de la vie à l’époque de l’enquête. Parmi ceux qui se prononcent, un tiers environ fixe à 10 % la proportion convenable, un tiers à moins et un tiers à plus, ce qui fixe la moyenne aux environs de 10 %.
16Quelle proportion de vos ressources vous paraît-il raisonnable d’attribuer à votre loyer (sans tenir compte des frais de chauffage de la maison, ni des impôts locatifs, mais en comprenant toutes les charges) ?

17Cette proportion moyenne des ressources de 10 % affectée au loyer semble très ancrée dans l’esprit de la population française. On n’observe en effet aucune différence selon les diverses générations. C’est à peine si les membres des professions libérales et les industriels et commerçants consentiraient une dépense légèrement plus élevée : la moyenne s’établit pour eux à 12 %. Quand le loyer payé effectivement augmente, on observe une très légère élévation de ce chiffre moyen. Seuls les Parisiens consentiraient une augmentation assez sensible de leurs dépenses de loyer.

III. Le confort et les dépenses supplémentaires
18On se souvient que quelques améliorations de la demeure étaient proposées à l’appréciation du public, et on lui demandait s’il consentirait une dépense supplémentaire pour en bénéficier. Le tableau suivant les rappelle, avec en regard les réponses du public :

19Ces réponses risqueraient de faire illusion. On a le sentiment, par exemple, qu’une immense majorité souhaite avoir un approvisionnement en eau chaude, même s’il faut payer un supplément de loyer. Mais, si près des trois quarts considèrent indispensable la présence simultanée d’une cave et d’un grenier, moyennant un supplément, le public, dans son ensemble, consentira-t-il à payer à la fois les deux suppléments ? Sinon, que devront prévoir en premier lieu les architectes ? D’autre part, si près de la moitié du public estime qu’il serait bon de prévoir soit un atelier de bricolage, soit une salle de jeux, y a-t-il vraiment 50 % des Français qui consentiraient à engager l’une ou l’autre de ces dépenses supplémentaires ? Leur réponse vaut en quelque sorte dans l’abstrait. Si l’on réfléchit en outre que l’ensemble de ces améliorations représenterait une augmentation de loyer de 36,5 %, y aura-t-il beaucoup de personnes pour la consentir ? Une question de priorité et de nombre relatif de constructions comportant tel ou tel élément de confort se pose donc à la fois aux architectes et aux urbanistes. Comment la résoudre ?
20Pour sortir d’embarras, on a imaginé de demander au public de classer par ordre de préférence décroissante les dépenses supplémentaires qu’il consentirait le plus volontiers. Les résultats obtenus ont été traduits en graphiques. Ces graphiques évoquent des courbes qui parlent au statisticien. Celui-ci reconnaît dans la courbe obtenue pour la cave et le grenier une courbe de franche popularité et pour l’eau chaude, une courbe de moindre popularité. En ce qui concerne la salle de jeux, il est en présence d’une courbe de franche impopularité, et l’atelier de bricolage de moindre impopularité. Enfin, les graphiques se rapportant à l’installation d’un dispositif pour laver le linge et d’un endroit spécial pour sécher le linge évoquent des courbes en cloche, c’est-à-dire une distribution normale. La théorie démontre que, dans ce cas, on n’est pas en présence d’une opinion publique, d’un mouvement général en faveur de telle ou telle opinion, mais d’opinions privées qui restent isolées. Tout se passe comme si chacun opinait dans son propre sens, pour des raisons qui lui sont particulières.
21Il ressort de cette analyse que le public désire en premier lieu disposer à la fois d’une cave et d’un grenier, et ensuite, mais seulement ensuite d’un approvisionnement en eau chaude. La dernière dépense qu’il consentirait serait celle qu’entraîne la salle de jeux. La défaveur de l’atelier de bricolage est un peu moins accusée. Enfin, quant aux deux dispositifs destinés à faciliter le blanchissage du linge, on ne peut conclure avec certitude. Le public ne se prononce pas ; il est tantôt intéressé et tantôt pas, avec un léger avantage de l’installation pour laver le linge par rapport à celle pour le faire sécher. L’état de l’opinion reste donc incertain sur ce point.
22Enfin, on a étudié les préférences du public selon les diverses catégories sociologiques auxquelles il appartient. Des graphiques ont été ainsi obtenus qui suggèrent des remarques intéressantes.
23Si la présence simultanée d’une cave et d’un grenier, de l’installation de l’eau chaude, d’un dispositif pour laver le linge, d’un séchoir, d’un atelier de bricolage, d’une salle de jeux, entraînent un supplément de dépense, essayez de classer, par ordre de préférence décroissante, les six installations pour lesquelles vous consentiriez le plus volontiers cette dépense ?

24La présence d’une cave et d’un grenier apparaît moins nécessaire aux Parisiens qu’aux provinciaux, particulièrement ceux du Nord-Ouest. Les ouvriers sont le plus convaincus de cette nécessité, les membres des professions libérales le moins convaincus.
25Les jeunes plus que les vieux, les Parisiens bien plus que les provinciaux, les membres des professions libérales surtout et les industriels et commerçants consentiraient une dépense supplémentaire pour disposer de l’eau chaude. Les employés et fonctionnaires et surtout les ouvriers la consentiraient beaucoup moins aisément.
26L’installation pour laver le linge rencontrerait la faveur des femmes plus que des hommes, des vieux plus que des jeunes, surtout des habitants du Nord-Ouest, des industriels et commerçants et des ouvriers plus que des employés et fonctionnaires et des membres des professions libérales.
27Un endroit spécial pour faire sécher le linge plairait aux femmes plus qu’aux hommes, aux habitants des petites villes plus qu’aux autres et en particulier qu’aux Parisiens, aux industriels et commerçants plus qu’aux autres groupes professionnels.
28Les hommes plus que les femmes aimeraient disposer d’un atelier de bricolage. Mais cette idée est franchement impopulaire à Paris, parmi les industriels et commerçants et surtout les membres des professions libérales. Elle agréerait davantage aux employés et fonctionnaires et surtout aux ouvriers.
29Quant à la salle de jeux, elle est plus impopulaire parmi les vieux que les jeunes, moins impopulaire parmi les Parisiens que les provinciaux. L’idée en paraît inutile surtout aux ouvriers et satisferait surtout les membres des professions libérales.
30D’autre part, la préférence des milieux moins aisés va à la cave et au grenier avant l’installation de l’eau chaude, à l’inverse des milieux aisés qui consentiraient en premier lieu un supplément de loyer pour avoir l’eau chaude.
31Le niveau de fortune ne paraît pas avoir d’influence sur les dépenses consenties afin de disposer d’une installation pour laver le linge et d’un endroit spécial destiné au séchage du linge. Cela confirme le fait qu’aucun courant d’opinion ne se dégage à cet égard.
32Une dépense supplémentaire pour avoir un atelier de bricolage serait plutôt consentie par les milieux peu aisés, tandis qu’au contraire, les milieux aisés sont les moins défavorables à payer une certaine somme pour disposer d’une salle de jeux.
Comportement relatif du public devant six améliorations possibles de l’habitation, moyennant des suppléments de loyer

Cave et grenier

Variations significatives parmi les diverses catégories de la population.
Eau chaude

Variations significatives parmi les diverses catégories de la population.
Installation pour laver le linge

Variations significatives parmi les diverses catégories de la population.
Endroit spécial pour sécher le linge

Variations significatives parmi les diverses catégories de la population.
Atelier de bricolage

Variations significatives parmi les diverses catégories de la population.
Salle de jeux

Variations significatives parmi les diverses catégories de la population.
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