Chapitre 6
L’expression d’une identité de couple chez les jeunes : processus relationnel et biographique
p. 125-144
Texte intégral
I. Mariage, couples et construction d’une « identité de couple »
1. Le couple comme étape de la socialisation des jeunes
1Dans leur article « Le mariage et la construction de la réalité », Berger et Kellner (1988) présentent le mariage comme « une phase décisive de la socialisation » qui, contrairement aux phases précédentes survenues au cours de l’enfance ou de l’adolescence, prend place au sein d’un ensemble déjà donné de significations et de pratiques qui sont alors réactualisées. Pour cette raison, on ne saurait se résoudre au constat « en creux » généralement admis dans la littérature sociologique selon lequel le mariage permet de lutter contre l’anomie, sans étudier de manière positive sa force intégratrice en l’examinant à sa juste valeur, comme un « instrument créateur de nomos ». Berger et Kellner font référence à l’institution du « mariage », mais dans le contexte actuel de désinstitutionnalisation de la vie privée, leur perspective mériterait d’être élargie à toutes formes de relations conjugales1.
2Le couple est peu abordé en tant qu’instance socialisatrice dans la sociologie de la jeunesse reposant le plus souvent sur une conception duale de la socialisation : la primaire, au cours de l’enfance, fondée sur la famille et l’école, et la secondaire, à l’âge adulte, fondée principalement sur le travail. Lorsque les relations amoureuses ou sexuelles des jeunes sont étudiées, elles sont souvent interprétées comme un instant de bascule entre une forme de socialisation et une autre, entre un cadre normatif qui viendrait du haut (les parents) et un autre qui viendrait d’à côté (le contrôle des pairs) ; ces relations affectives ne sont pas envisagées comme une nouvelle structure d’influence possible ouvrant sur d’autres types d’identification (Maillochon, 1999). La mise en couple, conçue comme aboutissement dans les travaux sur la jeunesse et l’entrée dans l’âge adulte, ou comme début du processus conjugal dans les travaux sur la famille, est peu étudiée pour elle-même comme un véritable moment de construction de soi. Il semble pourtant intéressant d’aborder la manière dont les jeunes élaborent leurs identités, notamment en référence au couple, au moment crucial où ils s’inscrivent dans le renouvellement des générations et que leur propre rôle va osciller entre instance socialisée (en tant « qu’enfant de ») et instance socialisante (en tant que « parent de »).
3Les travaux de Claire Bidart (2002, 2005) montrent bien en effet combien la construction d’une « identité d’adulte » est intimement liée à l’élaboration d’un couple, y compris dans ses formes les moins institutionnalisées. La possibilité de se positionner par rapport à un autre que soi apparaît non seulement comme une étape importante de l’entrée dans l’âge adulte, mais aussi comme l’un des ressorts fondamentaux d’élaboration des identifications plurielles des jeunes (Maillochon, Selz, 2007). Il apparaît donc intéressant d’étudier comment la formation d’un couple modifie l’identité personnelle, notamment dans le recours à la référence à « l’autre soi » que constitue le partenaire - et que nous appellerons ici « l’identité de couple ».
2. Un point aveugle de la sociologie du couple
4Dans un contexte de crise des identités, notamment sexuées, où les formes antérieures d’identification des individus font place à des formes d’identification narratives et réflexives en construction permanente (Dubar, 2000), il y a tout lieu de penser que la diversité des parcours amoureux et conjugaux influe sur les modes de construction de soi. Or, si les sociologues s’accordent sur la banalisation de la notion d’identité et l’inflation de ses acceptions (Dubar, 2000 ; Brubaker, 2001 ; Avanza et Laferté, 2005), peu de recherches abordent spécifiquement la question de l’identité de couple.
5L’orientation principalement démographique des recherches françaises sur la mise en couple des jeunes explique sans doute qu’elle soit moins explorée comme expérience subjective du processus de construction identitaire que comme étape objective des parcours de vie (Bozon, 1991, 2006 ; Villeneuve-Gokalp, 1990 ; Galland, 2004). François de Singly (1996, 2000) étudie l’importance du couple comme espace de révélation des identités personnelles et, plus particulièrement, le rôle du conjoint dans la réalisation de soi, mais il n’envisage pas la construction d’une véritable identité de couple et encore moins son éventuelle diversité sociale. Les études qui, au contraire, décrivent bien les différentes formes de configurations et d’interactions conjugales dans leur contexte biographique, historique et social ne les problématisent pas dans une théorie de la socialisation intégrant la notion d’identité (Kellerhals et al., 1993 ; Widmer et al., 2004). La construction d’une identité de couple reste donc peu explorée, même si le couple semble une étape importante du parcours de socialisation, en particulier chez les jeunes.
6Même s’ils n’abordent pas spécifiquement ce cas, les travaux de Claude Dubar (2002) fournissent des pistes analytiques intéressantes pour étudier empiriquement la construction d’une identité de couple. Claude Dubar distingue en effet deux catégories d’analyse – une dimension relationnelle et une dimension biographique – à travers lesquelles il faut penser les processus de construction de « l’identité pour autrui » et de « l’identité pour soi ». Or, le couple constitue un cas d’étude particulièrement intéressant parce qu’il peut être lu à la fois comme l’un des événements relationnels majeurs (la construction d’un lien singulier avec un « autre soi ») et l’une des étapes décisives des biographies individuelles (la mise en couple). Il est donc possible d’observer comment une identité de couple se structure dans un « espace-temps générationnel » pour reprendre les termes de Dubar, c’est-à-dire dans les nécessaires relations aux autres, conditionnées par un parcours individuel, mais marqué socialement.
7Une enquête quantitative ne permet certainement pas d’observer finement la dialectique entre « identité pour autrui » et « identité pour soi » à la base du processus de construction identitaire des individus. Néanmoins, les données de l’enquête Histoire de vie fournissent des éléments pour décrire chacune de ces deux facettes, les replacer dans leurs contextes relationnel et biographique et voir dans quelle mesure elles coïncident ou non.
8Les cadres sociaux qui conditionnent les modes d’élaboration de l’identité de couple « pour autrui » seront explorés dans un premier temps. L’énoncé du statut matrimonial, ou plus généralement conjugal, en fournit une certaine approximation. Cette identification au couple prend place dans un parcours de socialisation qu’il convient de prendre en considération. En effet, l’identité de couple se structure par rapport à d’autres identités héritées, en particulier les identités « sexuée » et « familiale ». Or, ces formes identitaires anciennes que Dubar qualifie de « communautaires », ne sont plus aussi déterminantes qu’auparavant dans les parcours de socialisation. Plus que des héritages donnés une fois pour toutes, elles seront ici abordées de manière relative comme des identités marquées par des parcours de mobilité ou de reproduction sociale.
9L’identité de couple « pour soi » sera ensuite décrite comme le souhait de se définir avant tout comme le conjoint ou la conjointe de quelqu’un, par rapport aux autres identifications possibles, notamment par rapport aux « autres significatifs » importants que sont les ascendants et les descendants dans cette période de transition importante. C’est dans les différentes possibilités d’articulation entre identité « pour autrui » et « pour soi » que se dessinent le plus clairement les différentes constructions identitaires des hommes et des femmes à la période où ils se mettent en couple2.
II. Situations conjugales, autonomisation familiale et parcours professionnels
10Alors que le déclin du mariage a suscité un renouveau des questionnements sur le sens du couple et de son institutionnalisation (Roussel, 1978 ; Batagliola, 1988) et occasionné des descriptions des nouvelles formes de relations (Villeneuve-Gokalp, 1990), peu d’études récentes abordent les conditions sociales et relationnelles des mises en couple des jeunes3.
1. Mise en couple et ancrages familiaux
11La mise en couple est le plus souvent décrite au sein des études consacrées à l’entrée dans la vie adulte où elle apparaît comme une étape parmi d’autres événements comme la fin des études, le premier emploi, le premier logement indépendant. Depuis les années 1950, la réalisation de ces différentes étapes est de plus en plus tardive et resserrée, mais leur ordre diffère peu en moyenne (Galland, 2000). De fait, l’enquête Histoire de vie indique une faible proportion de couples stables entre 18 et 35 ans, situation qui est de loin la plus fréquente pour les hommes de 18 à 35 ans (42,3 % d’entre eux) et, dans une moindre mesure pour les femmes (32,3 %). L’absence de relations amoureuses stables4 ne désigne pas nécessairement un état de solitude, mais intègre également des cas où la relation amoureuse est incertaine ou de courte durée. À la notion de « célibat », on lui préférera donc celle de « solo »5, en référence à Kaufmann (2006), qui désigne à la fois les personnes qui n’ont pas de relations et celles pour lesquelles le processus de conjugalité n’en est qu’à ses balbutiements ou apparaît hors-champ. Les solos sont plus fréquents à 18 ans qu’à 35 ans, âge où la majorité des jeunes sont en couple, institutionnalisé ou non.
Figure 1. Évolution des formes de relations conjugales en fonction de l’âge et du sexe

Champ : jeunes de 18 ans à 35 ans compris (n = 2798).
Source : enquête Histoire de vie-Construction des identités, Insee, 2003.
12Le mariage ne concerne qu’une faible proportion de jeunes de 18 à 35 ans (26,3 % des hommes et 31,3 % des femmes) témoignant à la fois du recul de cette institution et de l’élévation de l’âge des personnes qui choisissent néanmoins de convoler : rarissime avant 25 ans, il concerne tout de même la moitié des jeunes entre 31 et 35 ans. La relative désaffection du mariage ne signifie pas le déclin du couple mais sa reconfiguration dans des formes moins institutionnalisées (cohabitation ou sentiment d’être dans une relation « stable »). Avant 25 ans, 36 % des jeunes hommes et 58 % des jeunes femmes sont déjà en couple « stable », même si celui-ci n’est pas formalisé par une cohabitation et encore moins une officialisation. Cette proportion plafonne autour de 80 % avant 35 ans, les hommes rattrapant leur retard par rapport aux femmes.
13Au cours des dernières décennies, la place du mariage a considérablement évolué dans le parcours conjugal (Bozon, 1991, 1992) et dans le parcours de transmission et de reproduction des générations. Le mariage n’occupe plus centralement la fonction de rite de passage qu’il a eue auparavant. En effet, il ne peut être envisagé ni comme une fin - la rupture avec la famille d’origine – souvent largement consommée au moment où les couples se marient, ni comme un début – la condition d’élaboration d’une nouvelle unité familiale. Pour les générations précédentes, l’obligation d’être marié avant d’avoir des enfants était importante (8,5 % des enfants naissaient hors mariage en 1975) alors que cette nécessité s’est largement assouplie depuis (46,2 % en 2003 d’après l’Insee). De fait, parmi les 18-35 ans interrogés, 40 % des jeunes parents ne sont pas mariés. Le mariage n’est donc plus, loin s’en faut, l’élément fondateur de la famille, même si le couple demeure, pour presque tous (91,5 %), le principal cadre d’exercice de la parentalité.
14Si le départ de chez les parents est de plus en plus tardif et n’exprime souvent qu’une autonomie toute relative, y compris financière (Galland, 2000 ; Ciccheli et Erlich, 2000), il semble désormais nécessaire non seulement à l’élaboration d’une famille, mais bien plus, à la formation d’un couple ou de toute relation amoureuse. Le lien entre décohabitation familiale et cohabitation conjugale a déjà été mis en avant (Villeneuve-Gokalp, 1997 ; Galland, 2000), mais il importe aussi de l’élargir à toutes les formes de relations amoureuses stables. Les trois quarts des jeunes qui demeurent encore chez leurs parents vivent en solo. Les autres déclarent qu’ils ont une relation amoureuse « stable » qui n’est que très rarement cohabitante (1 %) ou officialisée par un mariage (1,8 %). La vie en couple semble nécessairement s’accompagner d’un départ de chez les parents : 98,2 % des mariés et 99 % des cohabitants ont quitté le domicile parental6. De même devenir parents semble aller de pair avec la coupure d’avec les siens : seuls 1,7 % des jeunes parents habitent encore chez leurs parents.
2. Mise en couple et parcours professionnels
15Les étudiants se singularisent par leurs comportements conjugaux : seuls 11 % d’entre eux (respectivement 8 % des hommes et 13,5 % des femmes) sont mariés ou en cohabitation alors qu’ils sont respectivement 50,5 % et 57,5 %7 parmi les 18-35 ans enquêtés par l’enquête Histoire de vie (figure 2).
Figure 2. Formes de relations conjugales suivant le sexe et l’occupation

Champ : jeunes de 18 ans à 35 ans compris (n = 2798).
Source : enquête Histoire de vie-Construction des identités, Insee, 2003.
16La faible institutionnalisation des liens des étudiants ne reflète pas uniquement leur jeune âge. À âge égal8, les étudiantes et plus encore les étudiants, ont 4 fois moins (respectivement 14 fois moins) de chances que les actifs d’être mariés. Le faible engagement relationnel des étudiants semble aller bien au-delà de la norme sociale qui imposerait d’être indépendant financièrement avant de convoler, ce qui, au demeurant est le cas de certains étudiants (Van de Velde, 2008). En effet, suivre des études ne semble pas seulement différer la possibilité de « s’installer » avec un partenaire, mais plus généralement, d’être en relation stable, en particulier pour les hommes. C’est ainsi que 79 % des étudiants et 56 % des étudiantes vivent en « solo », c’est-à-dire qu’ils n’ont pas de liaison amoureuse ou ne la considèrent pas encore comme « stable ». Là encore, il ne s’agit pas que d’une question d’âge, mais bien de situation : le rapport des probabilités de n’avoir aucune relation amoureuse par rapport à être en couple (quel qu’il soit) est 3,2 fois plus important pour les étudiants que pour les autres jeunes (respectivement 2,4 fois pour les femmes), aussi bien à 18 ans qu’à 30 ans9. Période de transition, de formation intellectuelle et professionnelle, les études sont aussi le temps d’apprentissages relationnels et sexuels (Le Gall et Le Van, 2007) qui ne se définissent pas nécessairement encore dans le modèle de la conjugalité.
17En revanche, le niveau d’études n’a pas d’effet significatif, à âge égal, sur le fait ou non de vivre en couple et, le cas échéant, sa nature (mariage, cohabitation ou simple relation). C’est parce qu’elles représentent une période d’attente et d’accomplissement dans le parcours professionnel des jeunes que les études semblent limiter leur installation en couple, en particulier pour les hommes.
18Pour les jeunes hommes, la mise en couple – et le mariage en particulier – semblent étroitement associés à l’acquisition d’une activité professionnelle10 : seuls 6,8 % des hommes mariés n’ont pas d’emploi (principalement à cause du chômage). Quelle qu’en soit la raison (chômage, inactivité, études), ceux qui n’ont pas d’emploi sont moins souvent installés en couple que les actifs occupés et moins souvent engagés dans une relation stable. Pour les jeunes femmes, la pression sociale associant activité professionnelle et mise en couple semble moins forte que pour les jeunes hommes : à âge égal, les chômeuses, et surtout les étudiantes, convolent certes moins fréquemment que les femmes actives, mais les femmes au foyer sont 2,3 fois plus souvent mariées que les actives11.
19Avant 35 ans, le mariage semble plus conditionné par le parcours des individus que par leurs caractéristiques sociales ou individuelles : être marié est moins lié au niveau d’études atteint qu’au fait d’être encore ou non étudiant/e ; être marié est moins lié à la catégorie socioprofessionnelle qu’au fait d’avoir un emploi pour les hommes et de ne plus faire d’études pour les femmes. Quelle que soit la situation sociale des jeunes, c’est donc une double horloge – chronologique d’une part (l’âge des individus) et biographique d’autre part (le passage par des étapes obligées, en particulier la fin des études et, dans une certaine mesure, l’entrée dans la vie active) – qui semble le mieux rendre compte de leurs inégales probabilités d’accès au mariage, avec des variations suivant le genre.
3. Couples et homogamie sociale
20Les contraintes sociales du mariage s’expriment de manière différente pour les hommes et les femmes, comme l’avait notamment montré François de Singly dans son ouvrage Fortune et infortune de la femme mariée (1987). Pour les hommes, être cadre plutôt qu’ouvrier augmente les chances de se marier ou de vivre en concubinage. Il en est de même pour les femmes de profession intermédiaire par rapport aux ouvrières.
21La position sociale relative des époux semble aussi très liée au type de liens engagés. Les hommes qui ont un statut social supérieur ou égal à celui de leur compagne sont relativement plus souvent mariés que les autres (tableau 1). Réciproquement, ceux qui ont une situation professionnelle moins bonne ou pas encore clairement affirmée sont plus souvent en cohabitation, comme si le mariage était soumis à une double condition pour les hommes : avoir une activité professionnelle d’une part, et une réussite au moins équivalente – et de préférence supérieure – à celle de l’épouse d’autre part.
Tableau 1. Proportions de mariage suivant les positions professionnelles relatives des conjoints (%)

(a) « L’homogamie, aussi isogamie, est le fait de choisir son conjoint dans le même milieu social ou culturel que le sien propre. À l’inverse, l’hétérogamie signifie l’alliance matrimoniale hors de son groupe statutaire et comporte, entre autres, deux formes : l’hypergamie, choix par une femme d’un conjoint de statut et de condition économique supérieurs aux siens (favorisant la mobilité ascendante des enfants), l’hypogamie illustrée par le cas de femmes de sang royal contraintes d’épouser un conjoint de statut inférieur. », Claude Rivière in André Akoun Pierre Ansart (dir.), Dictionnaire de sociologie, Le Robert/Seuil, 1999. Par souci de comparabilité, ici l’hypergamie désigne le fait de se marier à une personne de milieu supérieur et l’hypogamie à une personne de milieu inférieur. Pour la construction effective des variables, voir l’annexe 2.
Champ : jeunes de 18 ans à 35 ans compris, mariés ou en concubinage (n = 1508).
Lecture : 38,3 % des hommes en couple sont en situation d’hypogamie sociale (avec une personne d’un milieu socioéconomique supérieur) parmi lesquels 54,4 % des couples sont mariés.
Source : enquête Histoire de vie-Construction des identités, Insee, 2003.
22Du point de vue des femmes, le lien entre activité professionnelle et mariage n’est pas aussi fort, de même que la position relative acquise par rapport au mari. Au contraire, celles qui n’ont pas d’emploi ou dont la position sociale n’est pas encore clairement établie sont aussi celles qui sont le plus fréquemment mariées12.
4. Couples et parcours sociaux
23Si la mise en couple semble plus liée à une dynamique relative qu’à un statut social, il faut toutefois considérer les facteurs sociaux qui conditionnent les biographies. La littérature sociologique a bien mis en évidence les mécanismes de reproduction des inégalités sociales et de son influence dans l’élaboration des parcours de vie. Même si le départ du domicile des parents est un préalable à la mise en couple, il ne signifie pas une rupture des liens avec la famille et en particulier, il ne doit pas masquer le poids de l’héritage social et culturel qui perdure au-delà de la décohabitation.
24Le mariage semble plus important dans les milieux populaires ou relativement traditionnels. Les enfants d’agriculteurs (qu’il s’agisse du père, de la mère ou des deux) sont plus souvent mariés que les autres. Il en est de même quand les mères sont ouvrières ou inactives. Au contraire, les enfants de mère cadre sont relativement moins mariés que les autres, les garçons le plus souvent en cohabitation et les filles en « solo ». Lorsque le père est cadre, les filles se marient plus souvent que les autres, mais les garçons restent au contraire plus souvent seuls13. Le fait que le parent du même sexe soit cadre semble limiter les relations des jeunes.
25Or, il apparaît là aussi que ce n’est pas seulement le statut des parents – qu’il s’agisse du père ou de la mère – qui conditionne les formes de mise en couple, mais aussi le parcours social du jeune par rapport à celui de ses ascendants14, avec des différences importantes suivant le genre. Une analyse multivariée permet d’évaluer les conditions sociales du choix du mariage, une fois l’âge – qui constitue le facteur explicatif le plus important – contrôlé.
26Le mariage semble peu lié à la position des jeunes par rapport à leur père en comparaison du fait d’être actifs en emploi pour les hommes et de ne plus être étudiantes pour les femmes.
27En revanche, le positionnement social par rapport à la mère semble important, bien que jouant dans des sens différents suivant le sexe des enfants : pour les hommes, un statut équivalent à celui de leur mère a tendance à limiter leurs chances de se marier alors qu’il l’augmente pour les femmes. La mise en couple, et en particulier le mariage, pourrait s’inscrire pour les hommes dans un parcours de distinction par rapport à leur mère, et pour les femmes dans un parcours d’imitation. Les femmes en situation d’ascension sociale par rapport à leur mère se distinguent au contraire par une propension relativement plus forte à vivre en solo et par le fait de ne pas se marier, comme si les engagements professionnel et relationnel ne pouvaient, dans leur cas, se cumuler, ou comme si elles cherchaient à éviter de reproduire le modèle de leur mère et à accroître la distance avec leur milieu d’origine.
Tableau 2. Probabilité d’être marié ou de vivre en solo suivant le sexe (régressions logistiques)

Champ : jeunes de 18 ans à 35 ans compris, en couple stable (n=1845).
ei = effectifs inférieurs à 20. Effectifs compris entre 20 et 30 entre parenthèses.
Significativité : Test du Ki2 : ★ : ns : non significatif ; p<0,05 ; ★★ : p<0,005 ; ★★★ : <0,0005.
Lecture : Parmi les hommes en couple sans enfant, 39,6 % des 18-24 ans se déclarent avant tout comme le conjoint de quelqu’un, 56,2 % entre 25 et 30 ans et 54 % entre 31 et 35 ans avec une significativité à p<0,0005.
Source : enquête Histoire de vie-Construction des identités, Insee, 2003.
III. Définir son identité dans l’enchaînement des générations
1. Les différentes « identités pour soi » relationnelles
28Le mariage constitue, d’après Berger et Kellner, une phase complémentaire de la socialisation primaire. La nouvelle unité conjugale prend place au sein d’un nombre important de relations qui se reconfigurent à l’occasion. Comment se définit-on dès lors par rapport aux autres membres de sa famille et notamment dans l’enchaînement des générations dans une période de vie marquée par l’élaboration de sa propre unité familiale15 ?
29Avant 35 ans, les jeunes se désignent plus fréquemment en tant qu’individus à part entière : 28 % s’identifient en premier lieu à « un homme ou une femme tout simplement » auxquels s’adjoignent vraisemblablement les 2,7 % insatisfaits des définitions relatives qui étaient proposées dans l’enquête. Dans cette période d’importantes reconfigurations des liens amoureux et familiaux, les définitions de soi par rapport à un autre prennent toute leur importance : le statut de parent vient en premier (24 %), devançant de peu le fait de se sentir « l’enfant de ses parents » (21 %). Se définir par rapport à son conjoint ou son compagnon concerne seulement 19 % de la population auxquels s’ajoutent, d’une certaine façon, les 5,4 % qui se désignent comme « célibataires » (plutôt qu’hommes ou femmes »), insistant ainsi plus sur une définition relative que par leur individualité.
30Certaines différences d’identifications entre hommes et femmes se font jour : les hommes se définissent plus souvent en référence à leur famille d’origine et leur couple ; les femmes à leurs enfants et à leur identité en tant que femme.
31Pour mieux les comprendre, il convient de les interpréter en fonction des situations familiales des individus, qui conditionnent leurs réponses aux questions d’identité non seulement structurellement (en raison des filtres du questionnaire16), mais aussi culturellement (voir annexe 1).
2. La relativité des identifications relationnelles
32S’identifier à une place ou à une fonction dans la structure familiale est évidemment relatif à la situation familiale (Crenner, 2006). Il est par conséquent délicat d’interpréter les choix des individus – qu’il s’agisse d’identifications liées à un événement nouveau dans sa vie (se déclarer conjoint ou parent) ou d’identifications plus anciennes (être le fils/fille de…, être un homme/une femme) – dans la mesure où ces choix sont fortement conditionnés par le contexte relationnel des personnes interrogées et la manière dont l’enquête en rend compte. Deux écueils doivent être évités : d’un côté, la tautologie (on se sent parent quand on a des enfants, conjoint lorsqu’on est en couple) ; de l’autre, l’artefact (on se sent fils/fille lorsqu’on n’a pas d’enfants et pas de conjoints) qui est peut-être moins l’expression d’une véritable identification que la conséquence du faible nombre d’alternatives dans cette situation17.
33Il apparaît néanmoins que, dans la tranche d’âge des moins de 35 ans, la position de père ou de mère est celle à laquelle les individus s’identifient le plus, et de loin, quand les conditions sont réunies : 56 % des femmes et 58 % des hommes en couple et ayant des enfants (contre respectivement 72 % et 67 % de ceux qui ne sont pas en couple18) se déclarent parents avant tout. Hommes et femmes se distinguent peu sur ce point.
34En revanche, se sentir « l’enfant de » semble moins fonctionner comme identité positive, expression d’un véritable choix, que comme identité substitutive, à défaut d’autres possibilités. En effet, ce choix principalement fait par des jeunes sans enfant et sans conjoint stable, est la seule identification par rapport à autrui, les autres items insistant au contraire sur l’absence (célibataire) ou l’individualisme (homme/femme tout simplement). Le rôle d’enfant semble différent selon les hommes et les femmes, en fonction de leur statut matrimonial et familial. Pour les hommes, il semble que ce soit la possibilité de se définir avant tout comme conjoint qui diminue le plus le sentiment filial ; pour les femmes, c’est plutôt la possibilité de se définir comme mère à leur tour.
35Dans tous les cas, les femmes se définissent plus comme une individualité à part entière (être une femme tout simplement) que les hommes qui, lorsque cela est possible, font au contraire plus souvent référence au lien conjugal.
36Si l’établissement d’un lien conjugal apparaît comme un moment important de la définition des identités, et pas seulement en référence avec la course des générations (Maillochon, Selz, 2007), il ne fonctionne pas suivant les mêmes mécanismes pour les hommes et pour les femmes.
3. Une identité de couple en construction : se définir avant tout comme « le conjoint de… »
37Définir son identité à travers son lien avec son conjoint semble l’apanage des jeunes à un stade très particulier de leur biographie relationnelle : lorsqu’ils sont en couple stable, mais n’ont pas encore d’enfants. Dans ces conditions, la moitié des hommes endossent le rôle de « conjoint » et c’est le cas d’un tiers des femmes qui se définissent aussi fréquemment par leur identité de « femme tout simplement » ou de « fille de… » (tableau 3). L’identité conjugale est très fortement concurrencée par l’identité de parents dès lors que les couples ont des enfants : plus de la moitié des hommes et des femmes dans cette situation se déclarent en effet « parents » avant tout et seulement 20,3 % des hommes et 15,4 % des femmes comme « conjoint/e ». Dans ces conditions, se définir par rapport à son partenaire peut apparaître comme un choix identitaire plus affirmé que celui effectué par les personnes en couple sans enfant (qui ont moins de possibilités d’identifications). Dans les deux cas, les hommes se définissent plus fréquemment comme « conjoint » que les femmes comme « conjointe », mais les logiques sociales qui président à leur choix sous contraintes19 n’obéissent pas aux mêmes règles suivant le sexe et la situation biographique.
Tableau 3. Modalités d’identifications suivant la situation familiale des enquêtés (%)

Champ : jeunes de 18 ans à 35 ans compris (n = 2798).
Lecture : 36 % des hommes sans enfant et sans conjoint se disent avant tout « un homme tout simplement ».
Source : enquête Histoire de vie-Construction des identités, Insee, 2003..
Tableau 4. Se déclarer le (la) conjoint(e) en fonction du sexe et des différentes configurations familiales (%)

Champ : jeunes de 18 uns à 35 ans compris, en couple stable (n=1845).
ei = effectifs inférieurs à 20. Effectifs compris entre 20 et 30 entre parenthèses.
Significativité : Test du Ki2 ; ns : non significatif: ★ : p<0,05 : ★★ : p<0,005 : ★★★ : p<0,0005.
Lecture : Parmi les hommes en couple sans enfant, 39,6 % des 18-24 ans se déclarent avant tout comme le conjoint de quelqu’un, 56,2 % entre 25 et 30 ans et 54 % entre 31 et 35 ans avec une significativité de p<0,0005.
Source : enquête Histoire de vic-Construction des identités, Insee. 2003.
38Parmi les hommes sans enfant, ce sont surtout les hommes en situation de mobilité sociale tout en restant dans une catégorie sociale moyenne qui se définissent avant tout comme le « conjoint » d’une femme dont la position professionnelle est similaire à la leur (professions intermédiaires ou employés, (tableau 4). Cette qualification est un choix par défaut par rapport aux autres possibilités « fils de » ou « homme » qui ne sont pas directement liés aux mêmes contraintes sociales20. Plus que la simple identification à « un homme simplement », l’engouement des jeunes hommes en couple pour se définir comme conjoint avant tout, semble bien traduire une construction de la masculinité qui passe par la possibilité de construire un lien conjugal. Pour les femmes sans enfant, les conditions d’affirmation d’une identité de couple ne sont pas les mêmes que celles des hommes dans la même situation. Ce sont aussi les femmes de profession intermédiaire ou employée qui s’identifient le plus au rôle de conjointe, mais les ressemblances s’arrêtent là. En effet, ce sont surtout des femmes en situation d’hypergamie sociale et de mobilité descendante par rapport à leur père qui ont le plus souvent recours à cette identité. Alors que ce sont surtout les hommes en bonne situation professionnelle par rapport à leurs parents, ou proches de celle de leur épouse, qui se réfèrent à l’identité de couple, ce sont, au contraire, les femmes en situation de double domination sociale ou professionnelle qui y recourent, comme si dans leur cas, elle était un refuge plus qu’un faire-valoir.
39Le propos n’est pas d’établir un bilan mesuré des avantages et inconvénients économiques et sociaux du mariage (de Singly, 1987) ou du couple suivant le sexe, mais bien de montrer dans quelles circonstances contrastées, les hommes et les femmes font différemment appel à cette étiquette, en fonction d’intérêts difficiles à évaluer ici.
40Les conditions d’expression d’une identité de couple ne sont pas les mêmes pour les personnes qui ont des enfants et effectuent alors ce choix de façon plus démonstrative.
41Parmi les hommes qui sont pères, ce sont ceux qui ont une situation professionnelle relativement élevée (professions intermédiaires et cadres), ou ceux dont le père et, dans une moindre mesure la mère, ont une situation favorable, qui se définissent relativement plus souvent comme conjoint, qu’ils soient mariés ou non.
42Au contraire, parmi les femmes qui sont mères, ce sont aussi celles qui ont les postures sociales ou professionnelles les plus défavorisées qui recourent à leur identité de conjointe, en particulier lorsqu’elles sont effectivement mariées. Ce sont surtout les inactives ou celles dont la mère l’était aussi qui se définissent par rapport à leur mari. Les écarts entre ce que les situations de « mari de » et « femme de » représentent sont exacerbés lorsque les hommes et les femmes ont d’autres possibilités d’identification.
Conclusion
43Pour les jeunes de moins de 35 ans, les études constituent, en quelque sorte, une période de latence dans la construction de liens amoureux stables. À leur issue, les contraintes sociales pesant sur la mise en couple et le choix du mariage sont assez fortement différenciées selon le sexe. L’acquisition d’un certain statut social et, dans une certaine mesure, le maintien d’une forme de continuité sociale par rapport aux parents semblent souhaitables, voire nécessaires, pour que les hommes s’unissent et plus encore se marient, alors que ce type de pressions ne s’exerce pas en ces termes pour les femmes. L’identification au couple semble donc s’inscrire dans un parcours de stabilité voire de réussite sociale pour les hommes. Se définir comme le « mari de » semble attester d’un certain capital hérité et accumulé grâce à la situation professionnelle, et participer en quelque sorte à sa consolidation. Le recours à l’identité de couple semble donc être pour les hommes un nouvel attribut relationnel qui s’ajouterait aux autres formes d’identification et viendrait ainsi sanctionner et conforter une certaine réussite sociale.
44Les femmes ne sont pas soumises aux mêmes exigences professionnelles que les hommes pour être en relation stable. L’acquisition d’un statut social et la réussite semblent moins nécessaires à la mise en couple et au mariage, et l’ascension sociale, notamment par rapport à la mère, apparaît plutôt comme un frein à l’établissement de relations. Dans ces conditions, les femmes qui se définissent comme « conjointe » le font moins dans une perspective de valorisation d’un nouvel attribut relationnel qui viendrait s’ajouter à leur palmarès social que dans une perspective de valorisation par procuration. Pour les femmes, le recours au couple apparaît plus comme une identité compensatoire accordée dans les situations où elles disposent de moindres attributs sociaux (pas d’activité par exemple). Même si les formulations des questions prenaient soin de ne parler que de conjoint/ conjointe, de mari/épouse, c’est bien à l’assignation des rôles de « mari de » et de « femme de » que ces chiffres renvoient et à leur signification asymétrique dans des rapports sociaux de genre. Dans le cas des hommes, se définir comme le « mari de » s’apparente à un rôle positif évoquant le lien quel qu’il soit (mariage ou concubinage) et éventuellement une certaine réussite sociale qui lui est associée ; dans le cas des femmes, se définir comme « la femme de » renvoie moins à une fonction qu’à une condition que le mariage entretient plus encore que les autres formes de relations de couple.
ANNEXES
1. Description de la population des jeunes suivant les différentes situations conjugales et familiales

Champ : jeunes de 18 ans à 35 ans compris (n=2798).
Source : enquête Histoire de vie-Construction des identités, Insee, 2003.
2. Élaboration des variables de mobilité par rapport aux ascendants et d’homogamie par rapport aux conjoints

45Au moment où ils sont interrogés pour l’enquête, les jeunes n’ont pas tous acquis un statut qui leur permette d’être comparés à leurs parents, mais une grande partie est néanmoins dans une situation de mobilité ascendante, en particulier à l’égard de leur mère. Une partie de l’ascension sociale observée s’explique mécaniquement par la transformation des formes de stratification sociale et notamment la disparition des emplois liés à l’agriculture et la tertiarisation des emplois. À cette évolution générale de la structure des emplois s’ajoutent des mécanismes plus sexués : les garçons ont de meilleures situations que leur mère car ils bénéficient en partie de l’écart substantiel qui existe entre niveau d’emploi des hommes et niveau d’emploi des femmes, toutes générations confondues ; les femmes ont de meilleures situations que leur mère car elles sont aussi plus nombreuses à travailler que dans la génération précédente. Les jeunes femmes sont plus nombreuses que les hommes à connaître une ascension par rapport à leur père ce qui ne peut s’expliquer simplement structurellement. La situation des femmes par rapport à leurs parents est souvent plus indéterminée que celle des hommes, mais lorsqu’elles sont actives, leurs parcours sont plus ascensionnels que les hommes de la même génération. Cette tension professionnelle se ressent aussi dans la manière dont elles sont en couple au cours de cette période.

Mobilité des hommes et des femmes par rapport à leurs parents respectifs
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Références bibliographiques
10.3917/gen.061.0134 :Avanza Martina, Laferté Gilles, 2005, « Dépasser la « construction des identités ? » Identification, image sociale, appartenance », Genèses, 61, p. 134-152.
Batagliola Françoise, 1988, La fin du mariage ?, Syros, Paris.
Berger Peter Ludwig, Kellner Hans, 1988, « Le mariage et la construction de la réalité », Dialogue, 4e trimestre.
Bidart Claire, 2002, « Se dire adulte » in Juan S., Le Gall D. (dir.), Conditions et genres de vie. Chroniques d’une autre France, L’Harmattan, p. 153-169.
Bidart Claire, 2005, « Les temps de la vie et les cheminements vers l’âge adulte », Lien Social et Politiques, 54, p. 51-63.
Bozon Michel, 1991, « Le mariage: montée et déclin d’une institution » in François de Singly, La famille : l’état des savoirs, Paris, La Découverte, p. 47-57.
10.2307/1533916 :Bozon Michel, 1992, « Sociologie du rituel du mariage », Population, 2, p. 409-434.
10.3917/dec.bozon.2006.01 :Bozon Michel, Héran François, 2006, La formation du couple, Paris, La Découverte.
Brubaker Rogers, 2001, « Au-delà de "l’identité" », Actes de la Recherche en Sciences sociales, 139, p. 66-85.
10.3406/caf.2000.894 :Ciccheli Vincenzo, Erlich Valérie, 2000, « Se construire comme jeune adulte. Autonomie et autonomisation des étudiants par rapport à leur famille », Recherches et Prévisions, 60, p. 61-77.
Crenner Emmanuelle, 2006, « Rôles familiaux et identité », Économie et statistique, 393- 394, p. 185-202.
Dubar Claude, 2002 (1e éd. 1991), La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand Colin.
10.3917/puf.dubar.2010.01 :Dubar Claude, 2000, La crise des identités. L’interprétation d’une mutation, Paris, Puf.
10.3406/estat.2000.7494 :Galland Olivier, 2000, « Entrer dans la vie adulte : des étapes toujours plus tardives mais resserrées », Économie et statistique, 337-338, p. 13-36.
Galland Olivier, 2004 (1e éd. 1991), Sociologie de la jeunesse, Paris, Armand Colin.
Kaufmann Jean-Claude, 2006, La femme seule et le Prince Charmant. Enquête sur la vie en solo, Paris, Armand Colin.
Kellerhals Jean, Troutot Pierre-Yves, Lazega Emmanuel, 1993 (1e éd. 1984), Microsociologie de la famille, Paris, Puf, Paris.
Le Gall Didier, Le Van Charlotte, 2007, La première fois. Le passage à la sexualité adulte, Paris, Payot.
10.3406/debaj.1999.1061 :Maillochon Florence, 1999, « Entrée dans la sexualité, sociabilité et identité sexuée » in Lemel Yannick, Roudet Bernard (dir.), Filles et garçons jusqu’à l’adolescence : socialisations différentielles, Paris, L’Harmattan, p. 269-301.
Maillochon Florence, Selz Marion, 2007, « Entrée dans l’âge adulte et constructions identitaires », Communication pour le colloque RJS III (Réseau Jeunes et Sociétés), Marseille, octobre.
10.2307/1531716 :Roussel Louis, 1978, « La cohabitation juvénile en France », Population, 33 (1), p. 15-42.
10.3917/puf.singl.2004.01 :Singly (de) François, 1987, Fortune et infortune de la femme mariée, Paris, Puf.
Singly(de) François, 1996, Le soi, le couple et le mariage, Paris, Nathan.
Singly (de) François, 2000, Libres ensemble, Paris, Nathan.
10.3917/puf.vande.2008.01 :Van de Velde Cécile, 2008, Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe, Paris, Puf, coll. « Le lien social ».
Villeneuve-Gokalp Catherine, 1990, « Du mariage aux unions sans papiers : histoire récente des transformations conjugales », Population, 35 (2), p. 265-298.
Villeneuve-Gokalp Catherine, 1997, « Le départ de chez les parents : définitions d’un processus complexe », Économie et Statistique, 304-305, p. 149-162.
10.2307/3323181 :Widmer Éric, Kellerhals Jean, Lévy René, 2004, « Quelle pluralisation des relations familiales ? Conflits, styles d’interactions conjugales et milieu social », Revue française de Sociologie, 45, p. 37-67.
Notes de bas de page
1 Dans la suite du texte – et faute de terme plus adapté dans la langue française - nous emploierons le terme « conjugal » pour désigner le fait d’être en couple (marié ou non, cohabitant ou non).
2 Pour des raisons liées à la nature des données de l’enquête, l’étude ne porte que sur les relations hétérosexuelles.
3 L’exploration des données de l’enquête Histoire de vie est effectuée sur la population des « jeunes » de moins de 35 ans. Bien que la catégorie de « jeunes » soit le plus souvent associée en France à celle des 18-25 ans, éventuellement des 18-30 ans, la limite d’âge a été fixée arbitrairement à 35 ans de manière à obtenir un seuil dans la plupart des événements étudiés (départ de chez les parents, mise en couple, mariage, activité professionnelle).
4 La question posée aux personnes ne vivant pas en couple était ainsi formulée : avez-vous une relation amoureuse stable ?
5 Dans la suite du texte, l’expression « solo » sera utilisée, faute de terme plus adéquat, pour désigner l’ensemble des personnes qui ne sont pas en relation amoureuse stable.
6 Les rares personnes qui vivent en couple chez leurs parents se caractérisent non pas par leur jeune âge, mais pas leur situation professionnelle précaire.
7 Les différences commentées dans le texte sont toutes significatives au seuil p< 0,0001.
8 Comme à chaque fois que la formule « à âge égal » sera employée, les commentaires se reporteront aux résultats d’une régression logistique non reproduite ici.
9 Résultat d’une régression logistique qui explique le mariage par le statut et l’âge. Des résultats convergents sont obtenus si le modèle intègre d’autres variables comme c’est le cas, plus loin dans l’article (cf. tableau 2).
10 Il s’agit d’une étude de co-occurrence et non pas d’une étude sur l’enchaînement des événements. L’absence de datation systématique du mariage dans l’enquête ne permet pas de savoir si l’entrée sur le marché du travail précède ou non le mariage. On constate néanmoins l’étroite corrélation des événements qui attestent de la nécessité de penser conjointement ces événements, quel que soit leur ordre.
11 Sur 435 femmes mariées, 65 déclarent être inactives l’année de leur mise en couple alors qu’elles ne l’étaient pas auparavant, et 80 le sont l’année d’après (d’après la grille biographique).
12 Une telle asymétrie des conditions professionnelles relatives d’accès au mariage est possible grâce au décalage d’âge qui existe au sein des couples.
13 Ces différences demeurent significatives lorsqu’elles sont contrôlées par l’âge. Une régression logistique de la probabilité de vivre en couple ou marié en fonction de la PCS de la mère et du père, de l’âge de l’individu et de son statut exclut que les enfants de cadres soient plus solitaires parce qu’encore dans un processus universitaire (la durée des études des enfants de cadre étant plus longues que celle des ouvriers).
14 Pour la construction des variables de parcours social, voir l’annexe 2.
15 L’analyse qui suit repose principalement sur l’étude des premières réponses à la question F4 présentée en annexe. L’analyse des possibilités d’identification « ensuite » i.e. comme deuxième choix n’est pas abordée ici. Elle est surtout intéressante pour les personnes les plus âgées (Crenner, 2006).
16 Plusieurs choix forts ont été faits pour limiter le nombre d’items proposés aux personnes enquêtées en fonction de leur statut matrimonial :
– ne pas poser de questions sur le sentiment de paternité aux personnes n’ayant pas d’enfant biologique. Cette décision interdit toute mesure du sentiment d’être parent chez les nombreuses personnes qui vivent en famille « recomposée » et y élèvent des enfants issus d’une précédente union de leur conjoint/e. Il est en outre impossible de saisir ce sentiment dans des situations diversifiées : quand une personne a éduqué ses frères et sœurs par exemple, ou recueilli un enfant, etc.
– ne poser la question sur le célibat que pour les personnes célibataires alors qu’il aurait pu être intéressant de voir dans quelle mesure la nature du couple (concubinage ou mariage) transformait éventuellement la définition de soi : d’un individu - « séparé »- à une personne « reliée » à une autre.
17 D’après le schéma du tableau 3, les personnes qui ne sont pas en couple stable et n’ont pas d’enfants, ont le choix entre quatre types d’identifications possibles, alors que les personnes qui sont en couple stable et ont des enfants, ont le choix entre cinq types d’identifications possibles. La modalité « être fils/fille de », présente dans les deux situations, n’a donc pas la même probabilité de tirage théorique dans les deux cas.
18 La comparaison du niveau de choix de l’identification « père ou mère avant tout » est possible parmi ceux qui ont des enfants, entre ceux qui sont en couple et ceux qui ne le sont pas, dans la mesure où les individus interrogés se voyaient proposer dans les deux cas, le même nombre d’identifications.
19 On ne peut malheureusement pas mesurer l’effet d’avoir des enfants sur le type d’identification puisque cette variable entre dans la définition des possibilités de choix d’identification. C’est donc seulement les logiques internes de chaque situation définie suivant les quatre quadrants du tableau 3 qui peuvent être comparées les unes aux autres, d’où la double impossibilité de recourir à des régressions logistiques.
20 Une analyse non présentée ici montre que, dans les mêmes conditions (en couple sans enfant), se définir avant tout comme un « homme » est très fortement lié à la profession occupée : indépendant en premier, cadre en second. Par ailleurs, la position sociale des hommes par rapport à leurs parents n’a pas d’effet sur leur propension à se déclarer « fils de… » et ce sont les étudiants plus que les indépendants ou les cadres qui se définissent majoritairement comme un homme tout simplement.
Auteurs
Est sociologue, chargée de recherches au CNRS (Centre Maurice Halbwachs, ERIS) et chercheur associée à l’Ined, unité « Identités et territoires » (UR12). Elle étudie les réseaux de sociabilité des jeunes et ses implications dans différents domaines : les comportements sexuels par exemple, ou la construction des identités sociales (individuelle ou conjugale) au moment du passage à l’âge adulte.
Est statisticienne et informaticienne, ingénieur de recherches CNRS dans l’Équipe de Recherche sur les Inégalités sociales (ERIS), Centre Maurice Halbwachs (CMH). Elle réalise l’exploitation d’enquêtes en analyse secondaire en collaboration avec des sociologues.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Trajectoires et origines
Enquête sur la diversité des populations en France
Cris Beauchemin, Christelle Hamel et Patrick Simon (dir.)
2016
En quête d’appartenances
L’enquête Histoire de vie sur la construction des identités
France Guérin-Pace, Olivia Samuel et Isabelle Ville (dir.)
2009
Parcours de familles
L’enquête Étude des relations familiales et intergénérationnelles
Arnaud Régnier-Loilier (dir.)
2016
Portraits de famille
L’enquête Étude des relations familiales et intergénérationnelles
Arnaud Régnier-Loilier (dir.)
2009
Inégalités de santé à Ouagadougou
Résultats d’un observatoire de population urbaine au Burkina Faso
Clémentine Rossier, Abdramane Bassiahi Soura et Géraldine Duthé (dir.)
2019
Violences et rapports de genre
Enquête sur les violences de genre en France
Elizabeth Brown, Alice Debauche, Christelle Hamel et al. (dir.)
2020
Un panel français
L’Étude longitudinale par Internet pour les sciences sociales (Elipss)
Emmanuelle Duwez et Pierre Mercklé (dir.)
2021
Tunisie, l'après 2011
Enquête sur les transformations de la société tunisienne
France Guérin-Pace et Hassène Kassar (dir.)
2022
Enfance et famille au Mali
Trente ans d’enquêtes démographiques en milieu rural
Véronique Hertrich et Olivia Samuel (dir.)
2024