Introduction
Texte intégral
1Comme c’est souvent le cas après un règne de nature autoritaire et quasi dictatorial aussi long que celui de Suharto, un désordre généralisé va succéder à l’Ordre nouveau et gagner tout le grand archipel, amenant l’Indonésie au bord de l’implosion. Signe parlant de cette intense fébrilité, le pays, qui n’avait eu que deux présidents depuis son indépendance, Sukarno de 1945 à 1966 et Suharto de 1966 à 1998, en aura trois en l’espace de six ans : B.J. Habibie pendant 17 mois, Abdurahman Wahid (Gus Dur) pour moins de deux ans et Megawati Sukarnoputri (Mega) pendant à peine trois ans, de 2001 à 2004. Le premier des trois, Habibie arrive au pouvoir sans grand soutien politique, ni au sein de la population ni parmi l’élite militaro-bureaucratique du pays. Plus que tout craint pour son esprit fantasque et ses frasques multiples, il surprend tout le monde en faisant face à une situation chaotique avec intelligence et détermination. Ainsi, il abolit rapidement certains des principaux vestiges d’un Ordre nouveau subitement devenu ancien, dont il avait pourtant été un acteur majeur, et entreprend une volée de réformes courageuses qui ouvre l’ère de la Reformasi. Pour finir, il quitte le pouvoir avec dignité une fois son rôle accompli. Le deuxième Gus Dur, arrivé à l’inverse au pouvoir fort d’un large soutien populaire au terme des élections générales anticipées de juin 1999, tout auréolé de ses qualités de leader islamique modéré partisan de la pluralité, s’avère selon beaucoup un piètre président. Son bilan est toutefois plus positif qu’il n’y paraît car il poursuit les réformes, avant d’être finalement vaincu par l’adversité. Néanmoins, presque aveugle et handicapé par une santé défaillante, il règne dans une grande confusion en prenant des décisions contestées et en se mettant progressivement à dos tous ses soutiens, au point d’amener le parlement à le déchoir de manière humiliante de ses responsabilités. La troisième, Mega se retrouve alors subitement au pouvoir en tant que vice-présidente, comme cela avait été le cas pour Habibie. Elle est la première femme à occuper la fonction suprême dans le plus grand pays musulman du monde, alors que les partis islamiques lui avaient préféré Gus Dur pour la présidence. Malgré son expérience politique limitée, son manque de charisme, son caractère un peu borné et son style mutique, elle aussi poursuit clairement, même à contrecœur, les réformes démocratiques entreprises. Après avoir rétabli une certaine stabilité économique et relancé la croissance, elle organise en 2004 les premières élections présidentielles au suffrage universel de l’histoire indonésienne1. Les trois parties de ce chapitre couvrent chacune des présidences de ces personnalités aux profils on ne peut plus différents.
Notes de bas de page
1 Nous avons largement puisé pour ce chapitre 5 sur deux de nos articles publiés dans la revue française Politique Internationale : « Indonésie : une mue douloureuse » (1999/2000 : 419-455) et « L’Indonésie survivra-t-elle ? » (2003 :217-236).
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