1 Évolution qui, de toute évidence, a aussi ses limites. Ainsi, tant qu’il y aura des États, il y aura toujours des secrets d’État, et Pierre Péan (1986) a bien montré la place éminente qu’occupe, parmi ces secrets d’État, le secret scientifique.

2 On prend ici pour repère l’article de Rossi (1973).

3 Certaines de ces études sont remarquables. Beaucoup d’entre elles ne portent pas seulement sur les savoirs stricto sensu, mais sur les cultures, les visions du monde, les mythes et pratiques rituelles dont il est en effet difficile de dissocier les savoirs. Par exemple Julien Alapini (1950) ; Bernard Maupoil (1981) ; Marc Augé (1975) ; Ivan Karp et Charles Bird (1980). D’autres études, en revanche, et elles sont de plus en plus nombreuses, s’efforcent de circonscrire de façon plus étroite, à l’intérieur des pratiques culturelles, celles qui relèvent de manière spécifique de la production du savoir, et les corpus oraux, les textes qui, parfois, en découlent. Par exemple, et pour nous en tenir au seul domaine des mathématiques, Claudia Zaslavsky (1973) ; Abdoulaye Élimane Kane (1987) ; Toussaint Tchitchi (1994) ; Victor Houndonougbo (1994). On signalera au passage les travaux remarquables, désormais disponibles en français, du Mozambicain Paulus Gerdes sur l’ethnomathématique bantu, notamment Gerdes (1995) et Gerdes (1996).

4 Cette thèse (Dahoun 1997) préparée sous la direction de Peter Weingart et co-dirigée par Roland Waast a été soutenue à l’Université de Bielefeld, en Allemagne.

5 Un des grands problèmes de la recherche en Afrique, et probablement dans d’autres régions périphériques ou en voie de périphérisation, concerne la visibilité de travaux qui, effectués dans les pires conditions, atteignent parfois malgré tout, par une sorte de miracle dont il reste à percer le secret, une qualité tout à fait honorable, conforme à ce qu’on appelle les « normes internationales ».

6 Voir les observations de Léopold Gnininvi (1978), physicien togolais.

7 L’archéologue béninois Alexis Adandé (1994) rappelle avec humour qu’à l’occasion du référendum De Gaulle de 1958, les adversaires de l’indépendance usaient volontiers d’un argument massue, celui du sous-développement technologique : « Vous ne savez même pas fabriquer une aiguille, et vous voulez l’indépendance ! ». Les résultats du référendum montrent à quel point de tels arguments furent efficaces. La masse des électeurs ne se souvenait plus guère du développement extraordinaire d’une métallurgie lourde du fer qui avait fleuri pendant des millénaires, ni de l’existence des bas-fourneaux dont certains étaient encore en activité à l’époque, à l’abri de toute publicité tapageuse.

8 « Civilisation de l’oralité » est une expression de Maurice Houis (1971).

9 Le terme générique ethnoscience, en anglais, est de date récente : il paraît en 1950 dans la troisième édition d’un ouvrage collectif publié sous la direction, entre autres, de George Peter Murdock (Murdock et al. 1950). En revanche, le mot ethnobotany remonte à 1895, date à laquelle il a été forgé par un agronome américain, J. W. Harshberger. Ethnozoology remonterait, semble-t-il, à 1914. L’ethnoscience comme projet s’est donc en quelque sorte précédée elle-même à travers ses spécifications. Elle est une tentative pour penser après coup, rétrospectivement, le statut de pratiques disciplinaires déjà largement développées.

10 Une bonne illustration de ce préjugé est le commentaire de Lévy-Bruhl (1910) sur le système numérique yoruba : de ce que seize (16), dix-sept (17), dix-huit (18) et dix-neuf (19) se disent en yoruba « vingt moins quatre », « vingt moins trois », « vingt moins deux » et « vingt moins un », le philosophe-ethnologue concluait que le Yoruba est incapable de détacher sa pensée de la vision concrète d’un tas de vingt objets. Donc qu’il est inapte à l’abstraction et, par voie de conséquence, à la pensée rationnelle. Lévy-Bruhl avait simplement oublié que le latin exprime les nombres 18 et 19 exactement de la même façon (duodeviginti, undeviginti), ce qui n’a jamais fait dire à personne que le latin était une langue « primitive ».

11 La validation des connaissances suppose au préalable un effort de conceptualisation et de reformulation proche de ce que Canguilhem appelait la « mathématisation des doctrines informes ». On lira avec intérêt, sur ce point, Georges Canguilhem (1972).

12 Sur la pluralité des rationalités, on lira avec intérêt Robin Horton (1967a ; 1967b) ; Robin Horton et Ruth Finnegan (1973) ; Kwasi Wiredu (1976) ; Bryan R. Wilson (1970) ; Martin Hollis et Steven Lukes (1982).

13 Sur les formes possibles de synthèse entre médecines « traditionnelle » et « moderne », on lira avec intérêt Simone de Souza (1994) ; Judith Farquhar (1994).

14 Source: Hountondji, P. J. 2005. Le savoir mondialisé : déséquilibres et enjeux actuels. In Mondialisation, cultures et développement. (Dir.) I. Ndaywel è Nziem et J. Kilanga Musinde. 17–19. Paris : Maisonneuve et Larose.