Féminisme et politique des communs
p. 335-350
Note de l’éditeur
Référence papier : Federici, S., ‘Féminisme et politique des communs’, in C. Verschuur, I. Guérin et I. Hillenkamp (dir.), Genre et économie solidaire, des croisements nécessaires, Cahiers Genre et Développement, n°10, Genève, Paris : L'Harmattan, 2017, pp. 335-350. Acheter le .pdf chapitre éditeur.
Texte intégral
Introduction : pourquoi les communs ?
1Le 31 décembre 1993, les zapatistes ont pris d’assaut le zócalo (hôtel de ville) de San Cristóbal de las Casas pour protester contre la loi mexicaine qui mettait fin à l’existence des terres communales. C’est au moins depuis cette date que le concept de « communs » a gagné en popularité dans les rangs de la gauche radicale, à l’échelle internationale comme aux États-Unis1, s’imposant comme un point de convergence entre anarchistes, marxistes, socialistes, écologistes et écoféministes.
2Cette idée en apparence archaïque a conquis une place centrale dans les discussions qui animent les mouvements sociaux, et ce pour différentes raisons importantes dont deux se distinguent particulièrement. En premier lieu, nous avons assisté à l’effondrement du modèle révolutionnaire étatiste qui, pendant des décennies, était venu contrecarrer les efforts déployés par les mouvements radicaux pour créer une alternative au capitalisme. En second lieu, le projet néolibéral visant à subordonner toute forme de vie et de savoir à la logique du marché a éveillé les consciences sur les risques que nous courons en vivant dans un monde où notre rapport aux océans, aux arbres, aux animaux et à nos congénères se concrétise par l’unique biais du lien monétaire. Les « nouvelles enclosures » ont mis en lumière une infinité de biens et de rapports communaux que beaucoup croyaient disparus ou sans valeur avant qu’ils ne soient menacés de privatisation2. Mieux encore, outre la persistance des communs dans le temps, elles ont démontré que de nouvelles formes de coopération sociale se créent en permanence, y compris dans des domaines où cette coopération était auparavant totalement inexistante, par exemple sur l’internet.
3Dans ce contexte, l’idée de communs offre une alternative logique et historique dans la conception de la propriété publique et de la propriété privée – donc dans celle de l’État et du marché. Elle nous permet d’invalider l’idée reçue selon laquelle ces deux types de propriété sont non seulement mutuellement exclusifs, mais aussi exclusifs de toute autre possibilité politique. Les communs ont également servi un propos idéologique, ce concept fédérateur préfigurant la société coopérative que la gauche radicale s’évertue à créer. Mais l’interprétation de ce concept laisse place à des ambiguïtés et à des divergences importantes qu’il sera nécessaire de clarifier pour élaborer un projet politique cohérent fondé sur le principe des communs3.
4On peut notamment se demander quels sont les éléments qui peuvent constituer un commun. La terre, l’eau et l’air en sont des exemples, tout comme les communs dits numériques ; nos acquis sociaux (par exemple les retraites de la sécurité sociale) sont souvent décrits comme des communs, à l’instar des langues, des bibliothèques et des produits collectifs des anciennes cultures. Mais peut-on estimer que tous ces communs sont dotés d’un potentiel politique équivalent ? Sont-ils tous compatibles ? Et comment peut-on s’assurer du fait qu’ils ne donnent pas l’image d’une unité qui resterait à construire ? Enfin, devrions nous parler des « communs » au pluriel ou, comme le suggèrent les adeptes du marxisme autonomiste, « du commun », ce concept désignant, dans leur perspective, les rapports sociaux propres aux formes dominantes de la production dans l’ère postfordiste ?
5À partir de ces questions, j’examinerai dans cet essai les idées politiques associées aux communs dans une perspective féministe. Par perspective féministe, j’entend ici le point de vue forgé dans la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe et pour une autre répartition du travail reproductif, ce dernier étant, pour paraphraser Linebaugh, le roc sur lequel toute société est bâtie et le critère à l’aune duquel chaque modèle de société doit être évalué. Je pense que cette démarche est nécessaire à l’élaboration d’une meilleure définition de cette notion politique et à une clarification des conditions dans lesquelles le principe du ou des communs est susceptible de devenir le fondement d’un programme anticapitaliste. Elle est même d’une importance toute particulière pour les raisons évoquées dans les deux sections suivantes.
Communs mondiaux, communs de la Banque mondiale
6En premier lieu, la Banque mondiale et les Nations unies se sont approprié le langage associé aux communs depuis le début des années 1990, et ce pour le mettre au service de la logique de la privatisation. Sous prétexte de protection de la biodiversité et de sauvegarde des communs mondiaux, la Banque mondiale a transformé les forêts tropicales en réserves écologiques, expulsant les populations qui y puisaient leur subsistance depuis des siècles et garantissant la possibilité d’y accéder à ceux et celles qui en ont les moyens financiers – notamment par le biais de l’écotourisme4. Pour leur part, les Nations unies ont amendé les textes de droit international régissant l’accès aux océans pour permettre aux gouvernements de limiter le nombre d’acteurs susceptibles d’utiliser les eaux marines, encore une fois sous prétexte de préserver l’héritage commun de l’humanité5.
7La Banque mondiale et l’ONU ne sont pas les seules institutions à avoir transposé l’idée des communs pour l’adapter aux intérêts du marché. Pour différentes raisons, la revalorisation des communs est devenue un phénomène de mode chez les économistes du courant dominant et les ordonnateurs du capitalisme. En témoigne l’abondance croissante de la littérature relative à ce sujet et aux thèmes apparentés : le capital social, l’économie du don et l’altruisme. En atteste également l’attribution en 2009 du prix Nobel d’économie à la politologue Elinor Ostrom6, la tenante la plus audible de cette tendance.
8Ceux et celles qui planifient le développement ou élaborent les politiques ont découvert que, dans des conditions appropriées, la gestion collective des ressources naturelles peut s’avérer plus efficace et moins propice aux conflits que la privatisation, mais aussi qu’il est possible de faire en sorte que la production issue des communs concorde avec les attentes du marché7. Ils et elles ont aussi reconnu le fait que la marchandisation des rapports sociaux poussée à l’extrême était intrinsèquement vouée à l’échec. Les idéologues capitalistes aspirent à étendre la forme marchande à tous les aspects de la fabrique sociale, conformément à ce que prône le néolibéralisme, mais leur projet n’est ni réalisable ni même souhaitable dans la perspective de la reproduction à long terme du système capitaliste. L’accumulation capitaliste est structurellement dépendante de la libre appropriation d’immenses quantités de travail et de ressources considérées comme externes au marché – par exemple le travail domestique non rémunéré accompli par les femmes –, sur lesquelles les employeurs ont toujours compté pour assurer la reproduction de la main-d’œuvre.
9Bien avant le krach de Wall Street, divers économistes et théoricien-nes du fonctionnement social ont évoqué le risque que la marchandisation de toutes les sphères de la vie nuise au bon fonctionnement du marché. Et il ne s’agit pas là d’une coïncidence. Ils et elles pensent que les marchés dépendent également de l’existence de rapports non monétaires comme la confiance et le don (Bollier 2002, 36-39). En bref, le capital peut apprendre des vertus du bien commun. La revue The Economist – l’organe de presse qui véhicule les idées économiques associées au libre-échange depuis plus de 150 ans – s’est elle-même prudemment jointe au mouvement dans son numéro du 31 juillet 2008.
10Selon The Economist, l’économie des « nouveaux communs » en est encore à ses balbutiements. Il serait donc prématuré de préjuger de la véracité des hypothèses sur lesquelles elle se fonde. Mais elle pourrait s’avérer utile pour mener la réflexion sur certains problèmes – notamment la gestion de l’internet, la propriété intellectuelle ou la pollution à l’échelle internationale –, pour la prise en charge desquels les responsables politiques auront besoin de toute l’aide possible.
11Nous devons donc veiller à ce que le discours que nous élaborerons sur les communs ne puisse être utilisé par la classe capitaliste en crise pour renaître de ses cendres en s’attribuant par exemple le rôle de protecteur de l’environnement sur notre planète.
Quels communs ?
12En second lieu, si les institutions internationales ont acquis la capacité à rendre les communs compatibles avec les marchés, la création d’une économie non capitaliste fondée sur les communs est une question qui reste sans réponse. Avec les travaux de Peter Linebaugh – et notamment du Magna Carta manifesto (Linebaugh 2008) –, nous avons appris que les communs sont les fils conducteurs de toute l’histoire de la lutte des classes, jusqu’à nos jours, et que, dans la pratique, la lutte pour les communs est omniprésente. L’État du Maine se bat pour préserver ses pêcheries menacées par les flottes des grandes entreprises ; les habitant-es des Appalaches s’organisent pour protéger leurs montagnes de l’exploitation minière ; les mouvements de l’open source et des logiciels gratuits s’opposent à la marchandisation du savoir et créent de nouveaux espaces de communication et de coopération. Comme le montre Chris Carlsson dans son ouvrage Nowtopia (2007), l’Amérique du Nord voit se développer de très nombreuses activités et communautés invisibles fondées sur le principe de la mise en commun. Selon cet auteur, la production de « communs virtuels » et d’autres formes de vie sociale qui s’épanouissent hors de l’économie monétaire/de marché ont fait et font encore l’objet d’un énorme investissement créatif.
13La création des jardins urbains a été un phénomène particulièrement important. Ces derniers se sont répandus aux États-Unis dans les années 1980 et 1990, essentiellement à l’initiative des communautés d’immigrant-es originaires d’Afrique, des Caraïbes et du sud des États-Unis. On ne saurait surestimer l’importance de cette nouveauté. Les jardins urbains ont ouvert la voie à un processus de « rurbanisation » qui s’avère indispensable si nous souhaitons reprendre le contrôle de notre production alimentaire, régénérer notre environnement et assurer notre subsistance. Ces jardins sont certes un facteur de sécurité alimentaire, mais ils constituent aussi des lieux de vie sociale, de production de savoir et d’échanges culturels et intergénérationnels. Comme le dit Margarita Fernandez (2003) à propos des jardins urbains de New York, ils « renforcent la cohésion de la communauté », dans la mesure où leurs utilisateur-trices s’y rassemblent pour travailler la terre mais aussi pour jouer aux cartes et fêter les mariages, les naissances ou les anniversaires8. Certains jardins ont noué des partenariats avec des écoles locales pour qu’une éducation à l’environnement soit dispensée aux élèves après les cours. Mieux encore, les jardins sont « des lieux de transmission et de croisement des pratiques culturelles » qui permettent par exemple aux pratiques culturales et légumes africains de se mêler à ceux des Caraïbes (Fernandez 2003).
14Mais la caractéristique la plus importante des jardins urbains tient au fait que les produits qui y sont cultivés sont destinés à la consommation de voisinage plus qu’au circuit commercial. Les jardins urbains se distinguent donc des nombreux autres communs de type reproductif dont la production alimente le marché – par exemple les pêcheries de la « Côte des homards » 9dans le Maine – ou est achetée sur le marché – notamment dans le cas des fiducies foncières qui protègent les territoires naturels. Les jardins urbains sont, quant à eux, restés un phénomène communautaire spontané. Aux États-Unis, les mouvements ont été peu nombreux à tenter d’étendre leur présence à d’autres environnements et à faire de la terre un enjeu de leur lutte. De manière générale, la gauche n’a pas entamé la discussion sur la possibilité de constituer un tout cohérent en rassemblant les communs de plus en plus nombreux défendus, exploités ou revendiqués par les divers acteurs en présence. Cet ensemble cohérent pourrait constituer le fondement d’un nouveau mode de production.
15Dans leurs ouvrages Empire (2000), Multitude (2004) et, plus récemment, Commonwealth (2009), Antonio Negri et Michael Hardt proposent une théorie qui fait exception. Ils affirment qu’une société bâtie sur le principe des « communs » est déjà entrée dans un processus évolutif du fait de l’informatisation et de la « cognitivation » de la production. Selon cette théorie, un espace commun et une richesse commune se créeront au-delà de toutes les questions relatives à la définition des règles d’inclusion et d’exclusion, dans la mesure où la production se transformera vraisemblablement en production de savoir, de culture et de subjectivité. Puisque le fait d’accéder aux ressources disponibles sur l’internet et de les utiliser tend à les multiplier plutôt qu’à les raréfier, il devient possible d’imaginer une société fondée sur l’abondance – le seul obstacle restant à lever par la « multitude » tenant à la capacité du capitalisme à « capter » la richesse produite.
16L’attrait de cette théorie réside dans le fait qu’elle ne sépare pas la constitution du « commun » d’une part et l’organisation du travail et de la production de l’autre, la première étant considérée comme immanente à la seconde. Mais sa limite tient à la vision du commun qui la sous-tend et qui définit comme un absolu le travail d’une minorité dotée de compétences inaccessibles à la majorité de la population mondiale. Cette théorie néglige également le fait que ce travail produit des marchandises destinées au marché et que la communication/production en ligne est dépendante des activités économiques – de l’industrie minière, de la fabrication des puces informatiques et de certains matériaux rares extraits de la terre – qui, telles qu’elles sont actuellement organisées, ont des effets extrêmement destructeurs au plan social comme au plan écologique10. En outre, parce qu’elle met l’accent sur le savoir et l’information, cette théorie élude les questions relatives à la reproduction de la vie au quotidien. Cet oubli est toutefois caractéristique de tous les discours sur les communs, ceux-ci traitant principalement des prérequis formels à l’existence des communs et beaucoup moins des conditions matérielles nécessaires à la construction d’une économie fondée sur ces communs, une économie qui nous permettrait de mettre fin à notre dépendance au travail salarié ainsi qu’à notre subordination aux rapports sociaux capitalistes.
Les femmes et les communs
17Dans ce contexte, une perspective féministe sur les communs prend toute son importance. Elle permet en premier lieu de prendre conscience du fait que, les femmes ayant toujours été les premiers sujets du travail reproductif, elles ont toujours été plus dépendantes que les hommes de leur accès aux ressources naturelles communales, elles ont davantage souffert de la privatisation de ces ressources et se sont davantage engagées dans leur défense. Comme je l’ai écrit dans Caliban and the witch (Federici 2004), dans la première phase de développement du capitalisme, les femmes ont été en première ligne de la lutte contre l’enclosure des terres, en Angleterre comme dans le « nouveau monde ». Elles ont été les défenseuses les plus ferventes des champs communaux que les colons européens tentaient de détruire. Au Pérou, quand les conquistadors ont pris le contrôle des villages, les femmes se sont réfugiées dans les hautes montagnes et ont recréé des formes de vie collective qui ont perduré jusqu’à nos jours. C’est d’ailleurs à cette période, aux XVIe et XVIIe siècles, que se sont produites les attaques les plus violentes à l’encontre des femmes – la persécution des supposées sorcières. Aujourd’hui, alors que s’opère un nouveau processus d’accumulation primitive, les femmes constituent la principale force sociale d’opposition à la marchandisation totale de la nature et de soutien à un mode non capitaliste d’utilisation de la terre et à la pratique de l’agriculture vivrière. Les femmes sont les agricultrices de subsistance de la planète. En Afrique, elles produisent 80 % de la nourriture consommée par la population, et ce malgré les tentatives de la Banque mondiale et d’autres agences internationales visant à les convaincre d’abandonner leurs activités pour pratiquer une agriculture de rente. Dans les années 1990, pour faire face à l’augmentation du prix des denrées alimentaires, les femmes se sont approprié les terres du domaine public dans de nombreuses villes africaines pour planter du maïs, des haricots et du manioc « le long des routes, dans les parcs, le long des voies ferrées ». Elles ont ainsi bouleversé le paysage urbain africain et, dans le même temps, mis à bas la séparation entre ville et campagne (Freeman 1993 ; Federici 2008). En Inde, aux Philippines et dans toute l’Amérique latine, les femmes ont replanté des arbres dans les forêts dégradées, se sont unies pour mettre fin aux activités des bûcherons, ont organisé des blocus pour lutter contre l’exploitation minière et la construction de barrages et ont mené la révolte contre la privatisation de l’eau (Shiva 1989, 102-117 ; 1991, 274).
18Dans tout le tiers-monde, depuis le Cambodge jusqu’au Sénégal, les femmes ont créé des associations de crédit fonctionnant comme des communs monétaires pour obtenir un accès direct aux moyens de reproduction (Podlashuc, 2009). Quel que soit le nom qu’on leur donne, les tontines (leur dénomination dans différentes parties du continent africain) sont des systèmes bancaires autonomes, autogérés et exclusivement féminins qui mettent des fonds à la disposition des individus ou des groupes qui ne peuvent pas accéder aux banques. Ces tontines reposent exclusivement sur le principe de la confiance. En cela, elles diffèrent fondamentalement des systèmes de microcrédit encouragés par la Banque mondiale. Ces derniers reposent en effet sur la surveillance mutuelle et l’humiliation, recourant parfois à des méthodes extrêmes (par exemple au Niger), comme l’affichage sur la place publique de la photographie des femmes qui n’ont pas remboursé leurs traites. Cette pratique a conduit un certain nombre de femmes au suicide11.
19Les femmes ont également mené le mouvement de collectivisation du travail reproductif, d’une part pour tenter de réduire les coûts de cette reproduction et d’autre part pour se protéger mutuellement de la pauvreté ainsi que des violences perpétrées par l’État ou par les hommes à titre individuel. Les ollas communes (cuisines collectives) créées par les femmes chiliennes et péruviennes se distinguent tout particulièrement. Dans les années 1980, celles-ci ont eu recours à cette solution pour contrer les effets de l’inflation galopante qui les empêchaient de faire individuellement leurs courses (Fisher 1993 ; Andreas 1985). Comme la remise en état des terres et la constitution de tontines, ces pratiques sont l’expression d’un monde dans lequel les liens communaux restent forts. Mais il serait erroné de considérer ces modes de fonctionnement comme pré-politiques, « naturels » ou encore comme un simple produit de la « tradition ».
20Après plusieurs phases de colonisation, la nature et les coutumes ont disparu partout sur la planète, excepté dans les zones où les populations se sont battues pour les préserver et les réinventer. Comme Leo Podlashuc l’a noté dans Saving women : saving the commons (2009), le communalisme dont font actuellement preuve les femmes de la base produit une réalité nouvelle et façonne une identité collective. Il constitue un contre-pouvoir au sein des foyers et des communautés et a également permis aux femmes d’entamer un processus d’auto-valorisation et d’autodétermination riche d’enseignements.
21Ces luttes montrent tout d’abord que la « mise en commun » des moyens matériels de reproduction est le mécanisme primaire par lequel se créent l’intérêt collectif et les liens de réciprocité. Cette mise en commun constitue à la fois la première ligne de défense contre l’esclavage et le prérequis à la construction d’espaces autonomes susceptibles de saper de l’intérieur la mainmise du capitalisme sur nos vies. Les expériences décrites sont indéniablement des modèles qui ne peuvent être transplantés. Aux États-Unis, par exemple, la remise en état et la mise en commun des moyens de reproduction devront nécessairement prendre d’autres formes. Mais là encore, en mettant nos ressources en commun et en nous réappropriant la richesse que nous avons produite, nous pouvons commencer à défaire le lien existant entre notre production et les flux de marchandises qui, par le biais des marchés mondiaux, sont à l’origine de la spoliation de millions de personnes sur la planète. Nous pouvons commencer à dissocier notre vie quotidienne du marché mondial, mais aussi de la machine de guerre et du système carcéral dont dépend désormais l’économie américaine. Mieux encore, nous pouvons dépasser la solidarité abstraite qui caractérise souvent les rapports entre être humains au sein des mouvements, et qui limite notre engagement, notre résistance et les risques que nous sommes prêt-es à assumer.
22Dans un pays où la propriété privée est défendue au moyen du plus imposant arsenal du monde et dont le corps social a été profondément fracturé par trois siècles de pratiques esclavagistes, la recréation du/des commun/s apparaît comme une tâche redoutable, un processus de longue haleine qui combinera expérimentation, construction de coalitions et réparation. À l’heure actuelle, cette démarche peut sembler d’une difficulté insurmontable, mais elle est la seule susceptible d’agrandir l’espace au sein duquel nous pouvons agir de manière autonome et refuser le fait que notre reproduction se fasse aux dépens des autres communs et communautés de la planète.
Reconstructions féministes
23Maria Mies décrit de façon très éloquente les répercussions de cette évolution, notamment quand elle souligne le fait que la production de communs nécessite en premier lieu une profonde transformation de notre vie quotidienne visant à réassocier ce que la division sociale du travail a dissocié. En effet, quand la production est mise à distance de la reproduction et de la consommation, nous oublions souvent les conditions dans lesquelles notre nourriture, nos vêtements et nos outils de travail ont été produits. Nous négligeons leur coût environnemental et social ainsi que le destin des populations sur lesquelles nous déversons nos déchets (Mies et Bennholdt-Thomsen 1999, 141ff.). En d’autres termes, nous devons dépasser notre état d’irresponsabilité quant aux conséquences de nos actions, irresponsabilité qui résulte du caractère destructeur de la division sociale du travail selon la perspective capitaliste. En bref, la production de notre mode de vie se transforme inévitablement en une production de mort pour d’autres. Comme le montre Mies, la mondialisation a aggravé cette crise dans la mesure où elle a créé une distance supplémentaire entre ce qui est produit et ce qui est consommé, amplifiant par là même notre incapacité à prendre conscience du sang versé pour la nourriture que nous mangeons, le pétrole que nous utilisons, les vêtements que nous portons et les ordinateurs avec lesquels nous communiquons, et ce malgré des interactions mondiales en apparence plus intenses (Mies et Bennholdt-Thomsen 1999).
24La perspective féministe nous incite à prendre comme point de départ le dépassement de cet état d’inconscience pour entamer une reconstruction des communs. Pour que ces derniers puissent exister, il nous faut impérativement refuser de fonder notre mode de vie et notre reproduction sur la souffrance des autres et de considérer que nous sommes séparés de ces autres. Si la création d’un commun doit avoir un sens, elle doit consister à faire de notre propre personne un sujet commun. Le slogan « Pas de communs sans communauté » doit être compris dans ce sens. Mais cette « communauté » ne doit pas être entendue comme une réalité cloisonnée, c’est-à-dire comme un regroupement de personnes unies par des intérêts exclusifs qui les séparent des autres – par exemple les communautés fondées sur la religion ou l’appartenance ethnique. Elle doit plutôt reposer sur des notions fondatrices comme la qualité des rapports entre ses membres ou les principes de coopération et de responsabilité appliqués à la communauté elle-même mais aussi à la planète, aux forêts, aux océans et aux animaux.
25Il est certain que la création d’une communauté de ce type – comme la collectivisation de notre travail quotidien – n’est qu’une étape préliminaire. Elle ne peut se substituer ni à des campagnes anti-privatisation de grande envergure ni au fait que nous reprenions possession de notre richesse commune. Mais ce processus constitue une partie importante de notre éducation aux modalités collectives de gouvernement et de notre reconnaissance de l’histoire comme projet collectif, cette conception de l’histoire étant sans doute la principale victime de l’ère néolibérale du capitalisme.
26En conséquence, notre programme politique doit, lui aussi, inclure la communalisation des tâches domestiques, ce qui suppose de remettre en avant la riche tradition féministe américaine qui a été à l’origine des expérimentations menés par les socialistes utopiques au milieu du XIXe siècle, ou encore les tentatives de réorganisation et de socialisation du travail domestique – et donc du foyer et du voisinage – menées par les « féministes matérialistes » à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Ces dernières expérimentations sur l’entretien collectif des domiciles se sont prolongées jusqu’à ce que la poussée anticommuniste des années 1920 y mette un terme (Hayden 1981 ; 1986). Nous devons revisiter et revaloriser ces pratiques et, plus important encore, la capacité des féministes de cette période à considérer le travail reproductif comme une sphère importante de l’activité humaine qui devrait être révolutionnée plutôt que niée.
27L’approche par la création de modes de vie collectifs est particulièrement pertinente puisqu’il n’existe pas de travail plus demandeur en main-d’œuvre que la reproduction de l’existence des êtres humains et que, dans une très large mesure, ces activités sont irréductibles par la mécanisation. Nous ne sommes pas en mesure de mécaniser la garde des enfants, les soins aux personnes malades ou le travail psychologique nécessaire à la restauration de notre équilibre physique ou émotionnel. Malgré les efforts déployés par les industriels futuristes, nous restons incapables de robotiser le care sans causer de très graves désagréments aux personnes prises en charge. Personne n’acceptera de recourir aux services d’un robot-infirmier, notamment pour dispenser des soins aux enfants et aux malades. La qualité des soins ne peut être garantie que par un partage des responsabilités et un travail en coopération, selon des modalités qui ne soient pas nuisibles à la santé de ceux et celles qui prennent soin des autres. Depuis des siècles, la reproduction des êtres humains est un processus collectif. Notamment dans les quartiers prolétaires, celle-ci a toujours été prise en charge par les familles étendues et par les communautés sur lesquelles tous et toutes pouvaient s’appuyer pour faire en sorte que les personnes âgées, même vivant seules, ne se trouvent pas frappées par la solitude et la dépendance qu’elles connaissent actuellement dans nos sociétés. Ce n’est qu’avec l’avènement du capitalisme que s’est opérée la privatisation complète de la reproduction, un processus qui a désormais atteint un tel niveau qu’il en est devenu destructeur. Il est indispensable d’inverser cette tendance et la période actuelle est propice à la mise en œuvre de ce projet.
28À une époque où la crise du système capitaliste détruit les composantes de base de la reproduction de l’existence de millions de personnes dans le monde, États-Unis compris, reconstruire notre vie quotidienne est à la fois une possibilité et une nécessité. À l’instar des grèves, les crises sociales/économiques brisent la discipline du travail salarié et nous imposent de nouvelles formes de vie sociale. Ce phénomène s’est produit pendant la grande dépression et a donné naissance au mouvement des hobos, ces travailleurs itinérants qui, dans leur quête de liberté par la mobilité et le nomadisme, ont transformé les trains de marchandises en communs (Caffentzis 2006). Aux intersections des voies ferrées, les hobo jungles, organisées et dotées de règles d’auto-gouvernance et de solidarité, préfiguraient le monde communiste en lequel nombre de hobos avaient foi (Anderson 1998 ; DePastino 2003 ; Caffentzis 2006). Quelques Bertha Boxcar12 mises à part, cet univers comptait surtout des hommes. Il s’agissait d’une fraternité d’hommes qui ne pouvait espérer perdurer à long terme. À la fin de la crise économique et de la guerre, les hobos ont été apprivoisés par les puissantes machines de fixation de la force de travail que sont la famille et la maison. Conscient de la menace que représentait la recomposition de la classe ouvrière qui s’était opérée pendant la grande dépression, le capital américain a excellé dans la mise en application du principe qui a caractérisé l’organisation de la vie économique : la coopération sur le lieu de production, la séparation et l’atomisation sur le lieu de reproduction. Les maisons familiales atomisées produites en série par Levittown, reliées par la voiture – leur cordon ombilical – ont non seulement sédentarisé la main-d’œuvre mais aussi mis un terme au type de communs autonomes de travailleur-euses que représentaient les hobo jungles (Hayden 1986). Aujourd’hui, alors que des millions d’Américain-es perdent leur maison et leur voiture et que les saisies, les expulsions et la croissance exponentielle du chômage déstabilisent les piliers de la discipline de travail capitaliste, de nouveaux terrains communs prennent forme, à l’image des villes de tentes qui fleurissent d’une côte à l’autre. Mais, cette fois, les nouveaux communs devront être construits par les femmes. Elles devront veiller à ce que ceux-ci ne restent pas des espaces éphémères ou des zones autonomes temporaires et deviennent les fondements de nouveaux modes de reproduction sociale.
29Partant de l’idée que la maison est l’oikos sur lequel repose l’économie, on peut affirmer que ce sont impérativement les femmes – celles qui ont toujours travaillé à la maison, qui en ont toujours été prisonnières – qui doivent prendre les initiatives nécessaires à la transformation de la maison. Ce sont elles qui doivent faire en sorte que la maison devienne un centre de la vie collective, un lieu de circulation des personnes et de mise en œuvre de formes variées de coopération, un abri plutôt qu’un lieu d’isolement et de fixation, mais aussi le fondement de modes collectifs de reproduction. Comme nous l’avons déjà mentionné, nous pouvons nous inspirer du projet que les féministes matérialistes du XIXe siècle ont conçu pour la maison. Convaincues du fait que la maison était « la composante spatiale de l’oppression des femmes », ces féministes ont créé des cuisines communales et un système coopératif d’entretien des domiciles cherchant à permettre aux travailleuses de prendre le contrôle de la reproduction (Hayden 1981).
30Ces objectifs sont désormais d’une importance cruciale. Mettre fin à l’isolement au sein des foyers est plus qu’un prérequis si nous souhaitons satisfaire nos besoins les plus fondamentaux et acquérir davantage de pouvoir face aux employeurs et à l’État. Comme nous l’a rappelé Massimo de Angelis (2007 ; 2009), il s’agit également de nous protéger du désastre écologique qui nous guette. Les conséquences destructrices de la multiplication « non économique » des actifs reproductifs et des habitations auto-clôturées que nous nommons maisons sont avérées. Nous accentuons la déperdition de chaleur dans l’atmosphère en hiver et nous nous exposons à une chaleur insupportable en été. Plus important encore, nous nous trouverons dans l’incapacité de construire à la fois une société différente et un puissant mouvement visant à l’autoreproduction si nous ne redéfinissons pas notre reproduction en des termes plus coopératifs et si nous continuons à séparer le personnel du politique et le militantisme politique de la reproduction de notre existence quotidienne.
31Nous devons enfin affirmer clairement que le fait d’assigner aux femmes la tâche de mettre en commun/collectiviser la reproduction n’est en rien une concession à une conception naturaliste de la féminité. De nombreuses féministes préféreraient mourir plutôt qu’obéir à cette conception, et c’est bien compréhensible. L’assimilation des femmes à un commun appartenant aux hommes est une idée profondément ancrée dans notre conscience collective, les femmes étant perçues comme une source naturelle de richesses et de services que les hommes peuvent s’approprier aussi facilement que le capitalisme s’est emparé des richesses de la nature. Mais, pour paraphraser Dolores Hayden, la réorganisation du travail reproductif – et par conséquent celle du foyer et de l’espace public – n’a rien à voir avec l’identité ; elle a tout à voir avec le travail et, pourrait-on ajouter, avec le pouvoir et la sécurité (Hayden 1986, 230). Je pense ici au vécu des femmes membres du mouvement des sans-terre, au Brésil. Quand les différentes communautés auxquelles ces femmes appartenaient ont obtenu le droit d’exploiter les terres qu’elles occupaient, ces femmes ont souhaité que leurs nouvelles maisons soient disposées de façon à leur permettre de continuer à les entretenir collectivement, à faire la lessive et la cuisine ensemble, à partager le travail avec les hommes comme cela se faisait durant la lutte et, enfin, à pouvoir secourir rapidement toute femme qui serait maltraitée par un homme. Défendre la nécessité de confier aux femmes un rôle moteur dans la collectivisation du travail reproductif et du logement ne revient pas à faire des tâches domestiques une occupation féminine naturelle. Il s’agit en fait de refuser de passer sous silence les expériences collectives, le savoir et les luttes que les femmes ont accumulées dans le champ du travail reproductif et qui, au plan historique, constituent une part essentielle de notre résistance au capitalisme. En nous reconnectant à cette histoire, nous franchissons une étape particulièrement importante pour les femmes et les hommes d’aujourd’hui, une étape qui permettra de défaire l’architecture genrée de la vie que nous menons et de reconstruire nos maisons et nos vies comme des communs.13
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 La revue en ligne britannique The Commoner est une source d’informations clé sur la politique des communs et ses fondements théoriques (www.commoner.org.uk).
2 On peut par exemple évoquer la lutte que mènent de nombreuses communautés de l’État du Maine contre l’accaparement des eaux de la source Poland Spring par la société Nestlé. En se les appropriant, Nestlé a sensibilisé la population à l’importance vitale de cette eau et des aquifères qui l’acheminent et leur a redonné leur véritable statut de commun (Food and Water Watch 2009). Food and Water Watch se définit comme une « organisation à but non lucratif œuvrant à garantir la présence d’eau pure et d’aliments sains aux États-Unis et dans le reste du monde ».
3 Pour prendre connaissance des débats actuels sur les communs, le numéro de Turbulences – la revue britannique des mouvements sociaux – daté du 5 décembre 2009 et intitulé Ideas For Movement (www.turbulence.org.uk) représente une excellente source.
4 Pour plus de détails sur ce point, voir l’important article d’Ana Isla « Who pays for the Kyoto protocol ? » (Isla 2009). L’auteure y montre que la préservation de la biodiversité a servi de prétexte à la Banque mondiale et à d’autres agences internationales pour limiter l’accès aux forêts tropicales, considérées comme des « puits de carbone » et des « générateurs d’oxygène » (cité dans Salleh 2009).
5 La Convention des Nations unies sur le droit de la mer, adoptée en novembre 1994, établit une zone économique exclusive qui s’étend sur 200 milles marins au-delà de la mer territoriale et dont les ressources – des pêcheries jusqu’au gaz naturel – sont exploitées, gérées et protégées par chaque nation. Cette convention régit également l’extraction minière en eaux profondes et l’utilisation des produits de cette dernière. Sur le débat relatif au concept d’« héritage commun de l’humanité » au sein des Nations unies, voir Buck (1998).
6 Selon Wikipedia, Ostrom s’est consacrée à l’étude de la gestion collective des biens communs et « souligne les modalités selon lesquelles les êtres humains interagissent avec l’écosystème pour permettre un rendement des ressources durable à long terme ». (page 1 de l’article sur Elinor Orstrom consulté le 9 janvier 2010). Voir par exemple Orstrom (1990).
7 Pour plus d’informations sur ce sujet, voir Juma et Ojwang (1996) pour un traité précurseur sur l’efficacité des rapports de propriété communaux dans le contexte du développement et des programmes de type capitaliste.
8 Voir Margarita Fernandez (2003, 23-26) et un autre travail à la fois précurseur et important sur les jardins urbains (Wilson et Weinberg 1999).
9 Les communs piscicoles du Maine sont à l’heure actuelle menacés par une nouvelle politique de privatisation justifiée par la prétendue nécessité de préserver cet environnement et ironiquement baptisée « partage des prises ». Dans ce système déjà mis en œuvre au Canada et en Alaska, les gouvernements locaux définissent la quantité de poisson qu’il sera possible de pêcher et allouent une part de cette quantité aux différents bateaux de pêche en fonction du volume pêché par chacun par le passé. Ce système s’est avéré désastreux pour les petits pêcheurs indépendants qui se sont rapidement trouvés dans l’obligation de vendre leur part au plus offrant. La communauté piscicole du Maine se prépare à protester contre la mise en œuvre de cette politique. Voir Fishermen’s Voice (2009).
10 On a par exemple calculé que la fabrication d’un seul ordinateur personnel nécessite l’utilisation de 33 000 litres d’eau et de 15 à 19 tonnes de matières diverses (voir Sakar 1999, 126 ; Dias 2009). Dias évoque la thèse de Global Witness – une organisation qui œuvre à la prévention des conflits liés aux ressources –, qui veut que le commerce des minéraux indispensables à l’industrie de l’électronique alimente la guerre civile qui déchire la République démocratique du Congo.
11 Cette information m’a été fournie par Ousseina Alidou, la directrice du Center for African Studies de la Rutgers University (NJ).
12 Le film Bertha Boxcar (1972) est l’adaptation par Martin Scorsese du livre de Ben Reitman intitulé Sister of the Road (Reitman 2002), « une fiction autobiographie sur la radicale et éphémère Bertha Thompson « (Wikipedia)
13 Federici, S. 2010. Feminism and the politics of the commons. In Uses of a whirlwind: Movement, movements, and contemporary radical currents in the United States. (Eds.) K. Van Meter, C. Hughes et S. Peace. 283-294. Oakland: AK Press. Traduit de l’anglais par Aurélie Cailleaud.
Auteur
Philosophe
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