Culture du café et transformations des rapports de genre en pays bamiléké au Cameroun
p. 167-188
Note de l’auteur
Ces données ont été réunies grâce à un programme de coopération d’enseignement et de recherche des années 1998 à 2005 (programme Campus du Ministère des Affaires étrangères français).
Texte intégral
1Au Cameroun, comme dans d’autres contextes ruraux africains, depuis la fin des années 1980 s’étendent des pratiques culturales qui remettent en question le modèle de développement antérieur où les cultures de rente (café, cacao) ont joué un rôle singulier dans la structuration des paysages et des systèmes productifs, des relations spatiales entre ville et campagne, des liens à l’État et au marché. Mises en place avec la colonisation, ces cultures de rente, qui ont fait l’objet d’une large diffusion par les États nouvellement indépendants et assuré une certaine prospérité au système café paysan de polyculture, sont confrontées depuis 20 ans à une situation critique sous l’effet conjoint de la dérégulation du marché international (la rupture de l’accord de l’organisation internationale du café ayant fait fortement chuter les cours entre 1989 et 2005) et du retrait de l’État de l’encadrement de la filière. Dans ce contexte de difficultés économiques et de remise en question des cadres du développement, les femmes rurales et les paysannes se sont engagées dans une « révolution silencieuse », portées par des innovations organisationnelles (forte implication dans les nouvelles organisations paysannes, mise sur le marché des produits vivriers, reconquête de terres au détriment des cultures de rente et des terres en pâturage) et une nouvelle position dans l’économie locale. Pourtant, conformément au modèle dominant du contrat agricole de genre, dans les systèmes de représentation, le masculin reste associé au marché, au changement technique et le féminin au domestique et à la « tradition ». Le café est par exemple une culture d’homme : depuis les « années du développement », l’engagement dans des modes productifs « modernes » a conforté une répartition des rôles sociaux culturellement validée et a façonné l’identité des planteurs.
2Depuis deux décennies, alors que les revenus des hommes, tirés pendant plus de 20 ans de prix à la production incitatifs, sont en forte baisse, ceux des femmes s’améliorent, notamment par la valorisation commerciale de produits agricoles, transformés ou non, dans le cadre de circuits courts. Ce changement dans la mobilisation de la richesse brouille les identités de genre et modifie les rôles et implications de chacun et chacune notamment au sein de l’espace familial. Les femmes s’inscrivent dans un nouveau rapport à l’argent. Reposant sur cette répartition des rôles entre hommes et femmes, ou tentant de la dépasser, de nombreuses expériences montrent que les femmes s’engagent de plus en plus dans des activités agricoles marchandes mais aussi dans le salariat agricole, contribuant ainsi à la stabilité économique de nombreuses exploitations.
3Ces changements modifient également les rapports spatiaux des femmes par leur accès à une plus grande mobilité en particulier dans les liens aux mondes urbains. Pourtant, peu de travaux portent sur la question de la nouvelle construction sociale des identités masculines et féminines en milieu rural et de ses effets sur la composition, l’organisation et le fonctionnement des exploitations agricoles. Or, les capacités productives nouvelles des femmes rurales et paysannes occasionnent des changements discrets mais efficaces dans les places socialement accordées aux biens et aux savoirs selon le genre ; l’importance de ces changements est centrale quand on évoque la question du développement agricole. Le renouvellement des rôles féminins et/ou masculins interroge les modifications de la société rurale contemporaine et, au-delà, les modalités du développement rural et agricole. L’enjeu est l’analyse des nouvelles conditions de production, d’accès et de distribution des ressources et des technologies qui s’instaure suite à l’introduction des multiples mutations liées aux réponses féminines dans la recherche d’alternative de revenus.
4La démonstration s’organise en trois temps : d’une part, le récit de la rencontre du chercheur avec le terrain permet de pointer les changements qui se sont opérés sur ces hauts plateaux de l’ouest depuis un demi-siècle ; d’autre part, une tentative d’explication des significations de genre des plus grandes mobilités spatiales contrôlées par les femmes ; et enfin, une analyse des nouveaux rapports des paysannes à l’argent.
Voyage dans l’ouest Cameroun : un récit géographique d’observation des dynamiques de genre
5Rendre compte de ses pratiques, des objets que l’on étudie mais aussi des méthodes mobilisées est un devoir du chercheur. La présentation de son engagement méthodologique suppose l’explication de ses pratiques, mêlant description et analyse, implication et explicitation. Cette posture suppose de partir de la manière dont on s’introduit dans les contextes de travail et de la manière dont, en tant que chercheur, on porte ses regards. En partant de la description des récits de voyage, le géographe s’interroge sur ce qu’il retient de ce qu’on lui dit, sur ce qu’il retient de ce qu’il voit. Le récit est ici interrogé comme outil descriptif du terrain. La proposition est d’interroger la subjectivité du chercheur, de lui donner une valeur scientifique. Par le récit, sont déclinés des éléments qui expliquent comment est observé un terrain et comment, dans ce rapport, se modèle l’objet de recherche retenu et la manière dont il est questionné.
6C’est en 1998 que je découvre pour la première fois la région bamilékée de l’ouest Cameroun. Le voyage vers l’ouest dure une demi-journée en partant de Yaoundé sur une bonne route goudronnée très fréquentée. Au trois-quarts du chemin, après avoir traversé des paysages de forêts exploitées, puis de vastes plaines herbacées, commence la montée vers le plateau. L’escarpement est fort1, faisant du pays bamiléké une véritable citadelle naturelle. Le paysage change brusquement, devenant fortement vallonné, plus boisé ; apparaissent les premières plantations de café, aujourd’hui marqueurs identitaires au même titre que les grands arbres (avocatiers, colatiers, manguiers, safoutiers, néfliers du Japon), le bocage de haies vives ou d’eucalyptus (depuis les années 1940).
7Dans les chefferies bangang au pied de la montagne Bamboutos et à celle de Bangoua au bord sud-est du plateau, des figures de femmes émergent de mes souvenirs. Rosalie, responsable d’une organisation paysanne, qui, venue témoigner de son engagement lors d’un colloque à l’université de Dschang sur l’avenir de la caféiculture sur le plateau, a pris le micro à la fin des discours et des propos avertis des scientifiques pour dire sa lecture des choses. Dire que les femmes sont présentes dans les organisations paysannes. Qu’elles y prennent leur part d’initiatives comme dans les groupes (loung) de femmes, au village ou en ville, lors des tontines notamment, qui occupent dans cette société, valorisant la réussite individuelle et la mobilité sociale (Champaud 1981), une place privilégiée dans la quête d’une « surface relationnelle » (Courade 2001, 25).
8Qui mieux que les bayam selam, collectrices de brousse et revendeuses, figurent ces individualités autour desquelles se bâtissent les collectifs ? Au marché aux pommes de terre de Baranka, à la frontière anglophone, encerclé de brume au sommet de la montagne Bamboutos, dans le froid du matin, ces commerçantes habillées comme des hommes sont là, venues en camion qu’elles sont en capacité financière d’affréter, par des chemins de terre difficiles d’accès et dangereux durant la saison des pluies. Elles adoptent la gestuelle masculine, parlent fort, donnent des ordres, palpent, observent et achètent aux paysannes, montent sur les chargements, dorment où elles peuvent, parfois à même les sacs dans les camions pour ne pas être volées ; elles prennent d’énormes risques, y compris dans leur corps, en déambulant sur les marchés ou en travaillant jusque tard dans la nuit. La bourse qu’elles portent à la ceinture les identifie, objet d’autant plus symbolique par sa présence visuelle que les paysannes qui vont au marché portent leur argent en toute discrétion. Inévitablement, des histoires circulent sur ces femmes, tout autant admirées pour leur indépendance que craintes de ce fait. Elles travaillent seules et c’est de cette capacité à circuler et à payer qu’elles tirent l’ambiguïté de leur situation. Car « celui qui paye, celui qui donne de l’argent » est quelqu’un que l’on se doit de respecter, qu’il soit homme ou femme. C’est autant celle que l’on apprécie si elle est capable d’assurer les dépenses liées à son rang que celle qui rassure car elle protège. C’est aussi celle qui circule entre les lieux et qui tire son avantage de sa capacité à être en mouvement. C’est d’ailleurs là une nouveauté exprimée comme telle : les femmes aujourd’hui passent les frontières des lieux et des activités. Elles partent de leur concession pour aller vendre une partie de leur production au marché voisin ; elles achètent sur le marché ou directement auprès de paysannes pour revendre ailleurs ; elles vont rendre visite à leurs enfants et en profitent pour acheter en chemin des pommes de terre, du plantain, des arachides ou des ananas et les revendre en ville au moment d’une réunion de leur association ; elles cuisinent du couscous de maïs pour le vendre sur le marché car ce plat bamiléké est particulièrement apprécié à Yaoundé. Les femmes investissent aussi, dès lors, des lieux dont elles étaient absentes et surtout elles ont acquis une liberté de circulation dans et entre des lieux moins contrôlés. Aller seule au marché et entrer dans le bar pour offrir à l’étrangère que je suis une bière n’est en rien un fait anodin sur l’assurance acquise. Lorsque le mari entre à son tour et qu’une bière lui est malicieusement offerte, les jeux d’attitudes et le cadre d’interaction sont éloquents à observer : le sourire appréciatif de l’épouse devant la situation renversée, celle d’offrir, en présence d’une étrangère, une boisson alcoolisée à son mari dans un lieu public connoté au masculin, tellement marqué que la présence des femmes paysannes, au village, y est très récente. L’analyse du cadre et des jeux de figuration se poursuit lorsque les enfants entrent en scène : ils demandent une boisson gazeuse au père qui répond : « Adressez-vous à votre mère, elle peut payer, elle! ».
9Mes souvenirs sont aussi d’autres lieux d’assurance, de reconnaissance. Ce sont les cases obscures, aux angles poussiéreux d’où émergent, face à la porte, seule trouée de lumière, quelques plats noircis par la suie. À l’opposé et à l’abri des regards, les réserves de grains, en entrant à gauche le lit de bois, maison-antre au foyer central composé de trois pierres, seulement éclairée par la lumière du feu. La case est un univers clos, un lieu qui permet le repli de la femme et de ses enfants sur eux-mêmes, un lieu où tout est contenu, retenu, caché. Lieu clos, de renfermement, la case est aussi un lieu de socialisation féminine où, à la chaleur du foyer, la parole se délie. De l’extérieur, les cases des femmes, identiques, font comme une haie d’honneur que l’on emprunte et qui se heurte, en bas du chemin, à la maison du chef de la concession, spacieuse, aux fenêtres parfois vitrées, souvent la seule maison éclairée par l’électricité, singulière par le mobilier, vieux fauteuils décatis, pièces avec table et chaises. La maison obstrue le passage, incontournable : organisation exemplaire où le social et le spatial se lisent en vis-à-vis. À l’arrière, le domaine de l’homme, près du marigot, lieu de l’eau et de l’humide, entretient son mystère autour du bois sacré lorsqu’il demeure. Le marquage de l’espace et son organisation rigoureuse sont toujours assurés par les jeux de limites des haies vives de bambous, encore entretenues. L’univers familial est un univers clos. Entrer dans les concessions, c’est pénétrer dans son organisation et sa hiérarchie que l’on peut suivre parfois encore en écoutant les vieux expliquer les anciennes traces des passages marqués au sol qui organisaient les circulations surveillées des femmes. Dans les familles de notables et, encore aujourd’hui, pour les femmes et filles de chefs, demeurent vivaces les interdits notamment des moments, des présences et des passages, mais aussi les manières de faire et de se présenter dans les différents lieux organisant la vie dans la concession et l’espace villageois.
10Autre souvenir, celui du bruit des pas des femmes. Les femmes marchent, portent sur la tête et sur le dos. Le plateau bamiléké est un pays de chemins et de pistes denses et sinueuses. Les paysannes quittent à l’aube leur concession et partent dans la brume, la houe sur l’épaule, rejoignant des voisines. Elles marchent parfois des kilomètres jusqu’à leur champ qu’elles travaillent seules ou à plusieurs lorsqu’elles s’échangent du temps de travail (dans le cadre du chi). Les femmes passent, traversent et s’arrêtent peu. Elles circulent constamment dans l’espace de la chefferie en raison de l’exiguïté et de la dispersion des parcelles (les nà’a) qu’elles cultivent. Une femme dispose de champs aussi bien dans la concession de son époux que dans celle de ses parents ou de sa belle-famille. Elle crée, dans le finage villageois et au-delà, son propre maillage qui relie les lieux cultivés, y compris entre la ville, le village et la brousse. Quoi qu’il en soit de cette diversité d’accès au foncier, les paysannes marchent, portent et s’épuisent, mais elles s’organisent aussi en collectif autour des organisations paysannes pour défendre leurs droits, accéder à des formations, promouvoir des projets. Mais que ce soit vers la plaine de Galim ou vers les terres de la montagne, leurs cultures, longtemps considérées comme marginales, sont aujourd’hui primordiales pour contourner la contrainte de la saturation des terroirs, l’épuisement des sols et la reconversion du système productif. À tel point qu’aujourd’hui, certains planteurs de café reconsidèrent leur désintérêt pour les cultures vivrières et investissent surtout dans le maraîchage sur leur terre. Les femmes de la ville, qui bien souvent n’ont jusqu’alors jamais travaillé la terre, se retrouvent aussi aujourd’hui dans la contrainte de la survie en « comptant sur le champ ». Elles quittent Dschang au petit matin, marchent jusqu’à une trentaine de kilomètres parfois, atteignent pour certaines l’escarpement vers la plaine de Mbo et travaillent des terrains très pentus. Le travail est pénible et surtout il ne suffit pas de bien produire, faut-il encore « sortir à temps les légumes du champ ». Sans transport, il arrive qu’une partie de la récolte pourrisse sur place.
11Ce récit de terrain témoigne d’un changement majeur que l’on observe ailleurs en Afrique. La crise de la fin des années 1980 est en effet apparue dans un contexte de changements rapides, mais encore peu apparents, des statuts, des rôles et des places sexués.
12Durant 30 ans, du début des années 1960 à la fin des années 1980, le pays bamiléké des hauts plateaux de l’ouest Cameroun a vécu de l’argent généré par la rente caféière. La société bamilékée de l’ouest Cameroun s’est inscrite typiquement, depuis les années 1960, dans les politiques de développement privilégiant l’insertion sur les marchés internationaux via la vente de cultures commerciales : autour du café ont été réorganisés les systèmes productifs alors que le complexe agroforestier était préservé ; les paysages de bocage ont permis l’implantation des caféiers à l’abri des grands arbres, qui sont autant de symboles de l’emprise foncière des chefs (de famille, de quartier, de chefferie), tout en étant devenue une culture fortement identitaire pour les hommes ayant le statut de planteur. Réservée dans les années 1930, par la puissance coloniale, aux chefs et aux notables, cette culture s’est diffusée rapidement 30 ans plus tard, sous la pression des mouvements sociaux, sans trop modifier les paysages mais en supprimant l’association agriculture et petits élevages caprins et ovins qui caractérisait jusqu’alors le système traditionnel. À partir de la fin des années 1980, la filière café pâtit d’effets conjoncturels de baisse des cours et structurels de baisse des rendements (avec l’avancée en âge des arbustes alors que l’apport d’engrais est difficile en raison de l’augmentation de leur prix). La crise des années 1990 a créé le contexte d’un changement notable des systèmes de production. Aujourd’hui, les paysans explorent d’autres organisations productives qui modifient plus radicalement les paysages et qui engagent les femmes dans des pratiques spatiales et organisationnelles nouvelles. Selon les chefferies, les pieds de café sont aujourd’hui arrachés et les grands arbres coupés au profit d’une extension des surfaces en cultures vivrières qui font l’objet d’une forte spéculation pour nourrir les villes. Avec les difficultés de la filière du café et les diverses crises subies par les campagnes de l’ouest, les paysannes ont impulsé des changements qui interrogent les modalités spatiales des rapports de genre.
13Ces évolutions favorisent une plus grande autonomie économique, sociale et spatiale des femmes. Leur entrée dans des activités génératrices de revenus (vente du vivrier marchand en campagne et activités informelles en ville), mais aussi le niveau élevé de scolarisation des filles, comme « la monétarisation des échanges de prestations entre mari et épouse et la nucléarisation des unités de production sont de puissants facteurs de changements dans les relations entre époux et épouses. Même si les femmes, conscientes de ce qu’elles sont en train de remettre en question, avancent à “bas bruit” » (Locoh 1996, 3). Ces changements entre Yaoundé et les campagnes bamilékées, dans la mobilisation de ressources financières par les hommes et les femmes, sont relativement similaires.
14En ville, les hommes sont confrontés à la « compression » des emplois formels. « Les changements socio-économiques actuels affectent plus fortement les hommes que les femmes : les rôles des hommes et leurs identités sont plus questionnés et fragilisés alors que ceux des femmes sont renforcés » (Silberschmidt 2001, 1). Dans les campagnes, les difficultés de la filière café arabica concernent sévèrement les planteurs de diverses conditions. Beaucoup d’hommes « n’ont plus les moyens » alors que le recours à l’entraide communautaire est difficile : « Nombreux sont ceux qui croyaient être sortis de la précarité et s’y retrouvent brutalement plongés » (Courade 2001, 20), obligés à « vivre petit ».
15Les situations sont ainsi comparables : les paysannes entrent « de plain-pied dans les circuits de l’économie monétaire dont elles avaient été exclues par l’agriculture d’exportation » (Chaléard 1996). Aujourd’hui, en pays bamiléké, elles bouleversent l’ordre des choses et retrouvent cette relative autonomie en mettant sur le marché une part toujours plus grande des produits vivriers qu’elles cultivent, mais également en produisant des légumes exclusivement pour le marché, comme les pommes de terres, les carottes ou les choux. Par ailleurs, un certain nombre d’urbaines précarisées retournent au champ et cultivent plusieurs lots : dans le cadre d’une agriculture urbaine (notamment les bas-fonds), de déboisement dans les espaces périurbains et dans un mouvement de retour au village pour travailler une terre familiale en ligne féminine, le plus souvent. Ainsi, un grand nombre de femmes rurales et urbaines se retrouvent pareillement dans la production, la transformation et la commercialisation des produits vivriers : pour les femmes de faible condition économique, le champ et le commerce de proximité représentent un univers commun.
16Aujourd’hui, l’enjeu est de comprendre comment ces femmes négocient leur place réelle et symbolique dans les espaces référentiels et identitaires, notamment dans l’articulation renouvelée des relations entre la ville et le village. Dans le contexte singulier des années 1990 où de nombreuses femmes en Afrique se sont fortement inscrites dans l’économie informelle, en pays bamiléké nous insistons sur l’analyse des conséquences spatiales de deux faits majeurs : d’une part, l’implication croissante des paysannes dans les mobilités spatiales chefferies/mondes urbains ; d’autre part, la signification sociale du passage des activités féminines de l’économie domestique à l’économie marchande avec comme corollaire la présence plus visible d’un certain nombre de femmes, pour des raisons de travail, dans l’espace public (Guétat-Bernard 2007).
Mobilité spatiale, circulation et espace de travail
17Les mobilités spatiales des femmes peuvent être lues comme une adaptation de leur rôle de femme-nourricière, qui induit, à partir de cette place sociale, des changements des rapports de genre au sein des familles. « L’image de la femme nourricière, représentation dominante, sert de point de départ aux stratégies des femmes. Dans le prolongement du discours de la reproduction qui renvoie aux règles, elle nourrit l’imaginaire. L’identité féminine se construit à partir de ce discours-là » (Puget 1999). Les stratégies féminines d’accès à des espaces nouveaux de production de cultures vivrières sont alors en continuité avec les représentations de leur place dans la société locale et les pratiques des aînées (Guétat-Bernard 2003). S’opèrent pourtant des changements qui permettent aux femmes d’accéder à des inscriptions spatiales nouvelles.
18Les espaces féminins de production comprennent ainsi les champs proches de l’espace habité (nka’a) et les terres de réserve (tswet, le champ éloigné et tswet lekwet, le champ éloigné dans la montagne) que le chef octroie temporairement aux femmes. Traditionnellement, chaque femme s’inscrit, par le lien foncier, dans des rapports sociaux familiaux, de lignages (du père et de la mère) mais aussi de voisinage. Chaque femme est ainsi tributaire de l’octroi d’un don de terre en droit d’usage auprès de son mari, de son père, de sa mère, de ses voisins, de ses consanguins. Chacune se trouve au centre d’un réseau social d’alliances territorialisées via le rapport foncier : l’étendue des réseaux de parentèle, en ligne masculine et féminine, et le nombre d’enfants garantissent aux femmes l’accès à diverses parcelles. Mais si les hommes tolèrent une transmission tacite de femme à femme à l’intérieur de leur concession, les réseaux d’alliances de voisinage ou familiaux se centrent de plus en plus aujourd’hui sur la famille de moins en moins élargie. Il existe aussi une concurrence accrue des hommes et des femmes pour l’accès à la terre. L’élargissement d’un marché de la terre interroge par ailleurs sur la reconnaissance des droits d’usufruit sur la terre face au droit de propriété.
19L’introduction du café a toutefois modifié cette organisation spatiale car les arbustes ont été plantés à proximité des concessions, sur les meilleures terres. Hurrault (1970) défend aussi l’idée que l’introduction du café a altéré le système agricole par la pratique d’une seconde campagne de plantations totalement incompatible avec l’élevage.
Obligées de pratiquer sous les caféiers un sarclage soigné en septembre-octobre, beaucoup de femmes ont pris l’habitude de faire, d’abord sous les caféiers, puis en des emplacements quelconques à l’intérieur des concessions, une seconde campagne de cultures (patates, haricots, doliques, courges, mais aussi choux et poireaux). La plupart des hommes ont préféré renoncer aux quelques chèvres qu’ils élevaient encore, que d’affronter des discussions continuelles en empêchant leurs femmes de cultiver à leur guise. (Hurrault 1970, 255)
20Or, aujourd’hui, l’apport d’engrais de cet élevage fait cruellement défaut lorsque les engrais chimiques sont devenus trop chers à l’achat alors que, désormais, l’impossibilité pour les petits paysans d’obtenir des revenus complémentaires par l’élevage et l’utilisation des communaux a renforcé les inégalités sociales.
21La mobilisation de la mémoire orale des vieilles femmes permet de resituer cette histoire. « Les terres les plus favorables, puis les réserves furent ainsi confisquées légalement pour y établir les plantations » (Morin 1996, 120). Les surfaces disponibles pour les cultures vivrières ont été réduites massivement, obligeant les femmes à porter leurs activités sur la partie supérieure des concessions. Puis, « ces terres médiocres s’épuisant, les femmes ont poussé leur mari à demander le partage des dernières terres d’usage collectif » (Hurrault 1970, 254). L’un des enjeux des violences politiques des années 1958-1962 était précisément la démocratisation de cette culture. L’extension sociale et spatiale du café a supposé, un temps, la complantation avec les cultures vivrières en raison du confinement des femmes sur les terres proches du village pour des raisons d’insécurité. À la fin des troubles, les femmes ont mobilisé des espaces productifs plus lointains, considérés comme des réserves foncières. Aujourd’hui, en raison des difficultés de la filière du café arabica et de l’augmentation de la pression foncière (dont les raisons sont l’inégalité de la répartition foncière par l’accaparement d’une vaste portion du terroir par quelques « grands », le retour des « jeunes hommes » de la ville, la pression démographique, la spéculation autour du « vivrier marchand », la baisse de fertilité des sols), deux dynamiques majeures s’observent.
22Premièrement, il existe une grande diversité de gestion des terres du plateau selon les environnements physique (qualité des sols, plus ou moins fortes pentes), historique (espaces plus ou moins fortement et tardivement en contact avec le pouvoir colonial), culturel ou encore économique (proximité des axes routiers, des marchés urbains). Le paysage du plateau est ainsi contrasté entre les chefferies qui ont maintenu le bocage et celles où les paysages sont désormais ouverts. Le pays bamiléké est connu pour son système agro-forestier à trois étages (Gauthier 1994). La strate haute (10 m environ) comprend les arbres fruitiers, des espèces de bois d’œuvre ou nécessaires à la pharmacopée. La strate moyenne, entre 3 et 10 m, est celle des agrumes, des goyaviers, des bananiers et papayers. Au-dessous, s’établissent les cultures, elles-mêmes étagées : maïs, ignames, choux, arachides, etc. Les activités des femmes contribuent aujourd’hui aux changements des paysages. Les femmes, qui ont supporté le surcoût de travail sur les plantations de café de leur époux, indiquent que lorsque les prix du café ont durablement baissé, elles ont volontairement endommagé les racines des caféiers alors que pendant longtemps, il était interdit d’arracher les arbustes productifs. Lorsque les interdits des structures d’État ont été moins coercitifs, les paysannes ont encouragé leur mari à couper les caféiers, voire les grands arbres, pour éviter aux cultures vivrières et maraîchères un trop grand ombrage. Les paysages s’ouvrent désormais pour laisser place au soleil bienveillant aussi pour les plantations de canne à sucre.
23La deuxième dynamique est la nécessité pour les paysannes d’aller chercher des terres en culture de plus en plus loin de leur concession et de la chefferie : les terres de « campagne » (ngu2) – celles historiquement incluses irrégulièrement dans l’espace productif, terres que toute femme peut cultiver, mais sur lesquelles l’usage n’établit aucun droit foncier – mais aussi celles de la montagne bamboutos ou encore celles des plaines (de Galim notamment en direction du pays Bamoun), longtemps délaissées car trop insalubres. Les « élites urbaines » et les notables continuent de s’approprier ces terres collectives pour clôturer de vastes domaines. Les paysannes de faible condition sont également en conflit avec ces mêmes investisseurs car il est arrivé que des terres amendées par les collectifs de femmes fassent l’objet d’une expropriation et d’un phénomène d’enclosure avec l’assentiment du chef de village qui obtient des contreparties symboliques ou financières. L’appropriation foncière de la montagne est alors un enjeu de plus en plus conflictuel entre les collectivités coutumières, les éleveurs, les paysans – hommes et femmes –, les citadins, l’État. La tendance aujourd’hui est à une appropriation individuelle des terres collectives.
24Le secteur de Galim s’étend, quant à lui, sur un ensemble de collines peu peuplées couvertes de savanes. Sur ces sols peu favorables, se pratique une agriculture pionnière et spéculative, alors que le défrichement est total. Dès les années 1965, les pouvoirs publics soucieux de décongestionner le plateau central avaient mis en place une politique de colonisation encadrée. Puis la colonisation s’est effectuée de manière plus anarchique, en fonction des projets d’investissement des élites. Contre un salaire (pambe) ou une sorte de métayage, les « petits frères » et les femmes travaillent leurs parcelles. Ces femmes, venues de loin, résident à Mbouda d’où elles descendent chaque jour dans les champs. Elles y dorment aussi parfois. Certaines femmes vivant en ville ont aussi acheté de la terre en leur nom. La plaine est ainsi un espace nouveau d’investissements fonciers pour les femmes (Guétat-Bernard 2003). Mais « l’intérêt économique à court terme, pour ces femmes qui sont toujours en tenure précaire, ne leur permet pas d’appliquer des techniques de reconstitution ou de protection des sols » (Morin 1993, 115).
25Les cultures sur ces terres lointaines de la montagne et plus encore de la plaine induisent pour les femmes un surcroît de fatigue et de travail : sans engrais, sans matériel, les terres de la montagne sont amendées, terrassées et celles des plaines drainées. Pourtant, sans investissement ni méthode ou matériel cultural nouveau, avec une concession de la terre à titre provisoire, les femmes ont des pratiques particulièrement préjudiciables aux milieux naturels (Morin 1996, 115). Elles n’ont pas le droit de planter des arbres ou des arbustes ou d’édifier des haies ou des clôtures qui sont autant des symboles d’appropriation. L’érosion y sévit alors brutalement (Morin 1996, 121). Par ailleurs, ces femmes supportent des allongements d’heures de marche alors même que l’absence de route carrossable ou de moyens pour payer le taxi les oblige à transporter de lourdes charges sur leur tête ou parfois encore à laisser une part de la récolte dans les champs lorsqu’elles n’ont pas réussi à négocier avec les grossistes – les bayem sellam – la vente sur pieds de leur production. Durant la saison des pluies, pour rejoindre leur champ, notamment dans la plaine de Galim, elles doivent endurer les dures conditions de transport, parfois perdre leur récolte si le véhicule est immobilisé. Pour éviter trop d’allers et venues, elles restent le temps des travaux agricoles (qui peut atteindre un temps cumulé de quatre à six mois par an) dans des cases de champ, vivant dans un confort rudimentaire. Une comptabilité précise du rapport coûts/bénéfices montrerait, dans de nombreux cas, un bien maigre bénéfice à la fin du cycle agricole. Même si, dans le court terme, les femmes assument les dépenses quotidiennes de leurs enfants. Leur absence, plusieurs semaines par an et pour des périodes plus ou moins longues, est une situation nouvelle. Certes, elles ont toujours circulé à l’intérieur d’un espace restreint de travail, l’émiettement de terres en culture étant d’ailleurs une très forte contrainte à l’amélioration des techniques de production. Mais aujourd’hui, cet espace s’élargit grandement. Il ne s’agit pas seulement d’une extension de leur espace productif, car les paysannes sont dans une démarche nouvelle de demande de terres en usufruit hors des réseaux sociaux familiaux ou de voisinages et surtout hors de leur chefferie. Dans ces espaces-temps de travail, loin du terroir d’origine, s’observent aussi de nouveaux apprentissages féminins que l’on peut considérer comme d’autres « lieux d’entre soi » (Héritier 1996) de femmes. Les femmes échangent de la nourriture, dorment côte à côte, s’entraident dans le travail au champ, se relaient pour la garde des enfants au village. Mais c’est toujours au nom de leur devoir de mère, productrice du vivrier, que ces changements s’inscrivent socialement (Guétat-Bernard 2003)
26Cet accès complexe au foncier explique ces modes d’exploitation agricoles différenciés selon la nature du droit coutumier qui s’applique aussi à l’échelle de la parcelle. Isabelle Grangeret-Owana (2001, 49) explique, dans une étude agronomique détaillée de la région, que la stabilité du droit d’usage de la terre, dans les champs de case (que les femmes obtiennent sur les terres de leur mari au moment du mariage) et dans les champs chez leur mère, encourage les paysannes à maintenir des modes d’exploitation soignés.
Les techniques agricoles traditionnelles des femmes sont particulièrement respectueuses de la fertilité des sols. L’écobuage consiste en une combustion étouffée d’une partie de la matière organique groupée en andain recouvert d’une pelisse végétale. Il libère des éléments minéraux importants et allège le sol en diminuant le taux d’argile. Le billonnage qui maintient le système racinaire au-dessus de la nappe phréatique en zone marécageuse sert aussi à l’enfouissement profitable d’herbes et de détritus restituant au sol une partie de la matière organique. (Grangeret-Owana 2001,113)
27Au contraire, dans les champs de leur mari, ceux du chef et ceux de la campagne, les droits fonciers sont temporaires. Sur ces parcelles, les associations et le calendrier culturaux sont simplifiés, comme le sont l’ensemble des techniques de culture. On vient de voir que cette précarité est évidente également sur les terres de réserve de la montagne qui peuvent leur être confisquées à tout moment, une fois mises en valeur, par de riches notables. L’accès aux terres des plaines, plus lointaines et hors de leur chefferie, s’effectue souvent par l’entremise des maris, contrairement aux terres de campagne, ngo, que les femmes cultivent plus librement. Toutefois, les tensions foncières qui s’affirment et le besoin en ressources monétaires permettent difficilement la reconduction des méthodes culturales ancestrales, y compris sur les terres centrales du terroir. L’agriculture de rapport qui se développe oblige à l’utilisation d’engrais chimiques et à l’abandon des temps de jachères faisant peser une lourde hypothèque sur la fertilité des sols, particulièrement pour les plus petites exploitations (Grangeret-Owana 2001, 115). On observe un autre changement dans ce schéma : un plus grand nombre de femmes vivant en ville participent au marché foncier qui s’affirme. Certaines sont en capacité d’acheter : elles sont commerçantes ou parfois elles reçoivent l’argent de leur réseau familial.
28La crise économique a ainsi induit une autre situation nouvelle : des femmes de la ville, les épouses de fonctionnaires notamment, qui parfois n’avaient jamais travaillé la terre, ont été contraintes depuis 15 ans de chercher de la terre en culture pour survivre. Elles s’inscrivent ainsi dans plusieurs dynamiques conjointes, qui induisent de leur part aussi, plusieurs formes nouvelles de mobilité spatiale. A Dschang ou à Yaoundé, mais aussi à Bafoussam, Mbouda, ces femmes s’inscrivent dans trois types de mobilités. À l’intérieur de la ville, dans les bas-fonds, elles dynamisent une agriculture urbaine : elles produisent notamment des légumes – en fait de la verdure : salades, épinards, etc. – qu’elles vendent directement sur le marché local du quartier. À la périphérie des villes, elles contribuent au déboisement : à Dschang, par exemple, les femmes travaillent les terres extrêmement pentues de l’escarpement vers la plaine M’bo. Elles produisent du maïs et du haricot pour l’auto-consommation. À Yaoundé, les femmes bamilékées négocient directement la terre avec les groupes autochtones sans pouvoir bénéficier d’un usufruit sécurisé. Les vols de récoltes sur pieds représentent aussi un souci majeur dans ces champs isolés. Certaines femmes aux moyens plus conséquents achètent de la terre dans ces zones péri-urbaines, parfois sans en informer leur mari et en gardant secrète leur acquisition de crainte qu’elle leur soit confisquée. Enfin, les femmes réactivent leur réseau d’alliance matrimoniale et demandent de la terre en usufruit au village, surtout celui de leur mère. Ainsi, selon le calendrier cultural, elles quittent la ville pour aller travailler les champs au village. L’objectif est aussi la production de nourriture pour le foyer. D’autres femmes urbaines se lancent dans des activités de commerce de bayem sellam en mobilisant aussi leurs réseaux d’alliance, surtout lorsqu’il s’agit d’acheter dans les marchés de brousse ou sur pied les récoltes (plantain, pommes de terre, légumes, sauf les grains alimentaires qui restent un commerce d’hommes) et de revendre sur les marchés urbains ou à domicile.
29L’ensemble de ces initiatives inscrit les femmes de la ville et de la campagne dans un rapport nouveau à l’espace de travail mais aussi à l’argent.
« L’argent sort du travail des femmes »
30Un renversement de la place relative qu’occupent les activités de l’époux et de l’épouse dans les budgets des familles s’opère depuis les années 1990 : les femmes sont en capacité de payer, « l’argent sort » des activités de travail des femmes. De plus en plus fréquemment, les épouses prennent à leur charge des dépenses incombant socialement aux pères de famille comme l’achat de l’huile, de la sauce, du savon, des vêtements, des frais de scolarité et de médicaments, en fait tout « ce qui ne sort pas du champ ». « L’homme est là, il n’a plus les moyens. » Ce qui fait dire à un de mes interlocuteurs : « L’homme pour le moment est devenu la femme et que la femme devienne homme ». Aujourd’hui, hommes et femmes s’observent, se qualifient ou se disqualifient en fonction de leur capacité ou incapacité à « faire sortir l’argent », à payer (Guétat-Bernard 2006).
31Cette situation fragilise les instances de socialisation (notamment le déclin de l’autorité paternelle quand le chef de famille n’a plus les moyens économiques de « soutenir » ses enfants) et conjointement la mise en cause du pouvoir masculin sur les femmes (Marie 1997, 428) notamment lorsque certaines femmes remettent en question l’idée même de travailler le champ de leur mari. À terme, on se trouve face à une situation étudiée ailleurs en Afrique, en Afrique australe et orientale notamment, où, non intentionnellement, le marché minerait le patriarcat. Le soubassement des relations de pouvoir étant précisément la maîtrise de la force de travail des cadets sociaux, enfants et épouses, on peut comprendre à quel point les structures de pouvoir sont ébranlées lorsque les épouses peuvent s’affranchir du contrôle de leur propre force de travail au travers des obligations de travail non réciproques que les maris attendent d’elles (Jackson 2000, 9 cité dans Guétat-Bernard 2006, 154). Pour cela, les paysannes qui le peuvent préfèrent payer les services d’une autre femme pour travailler sur les champs de leur mari. La mobilisation monétaire permet également aux femmes de s’affranchir de l’aide physique des hommes – pour mettre en culture de nouvelles terres par exemple, ce qui suppose la coupe d’arbres ou l’enlèvement de pierres –, en achetant leur force de travail. Les nouveaux rapports à l’argent des femmes sont ainsi un puissant facteur de bouleversement des relations de pouvoir au sein des familles et de la société.
32Cette analyse montre bien à quel point le passage de l’une à l’autre de ces sphères est symboliquement significatif pour les femmes. Mobiliser de l’argent est une opportunité réelle d’entrer dans un monde démarqué des relations de proximité de l’univers domestique. Les vieilles femmes bamilékées l’indiquent : autrefois, même vendre la poule au marché n’était pas socialement concevable pour elles. Les maris prenaient la volaille et la vendaient sans nécessairement donner l’argent à leur épouse : elles vivaient dans une situation de carence d’argent. Les seuls revenus monétaires étaient tirés de la vente de quelques produits (des arachides, des haricots, un régime de bananes, etc.) placés devant la clôture de la concession. Durant les décennies de prospérité, les épouses ne géraient pas l’argent du café mais en retiraient indirectement les bienfaits (scolarité des enfants, habillement, soin de santé). La gestion indépendante des revenus de leur travail est une situation récente. Elles peuvent aujourd’hui se payer les frais de transports pour se rendre en ville sans en référer à leur époux. Le salariat agricole, pambe, majoritairement féminin, qui se développe dans certaines chefferies, notamment autour de la ville de Foumban, est recherché par les femmes, en tant qu’employées, car il assure justement une rémunération « objective » de leur travail. À l’inverse, sur les champs de café de leur époux, le travail des épouses peut ou pouvait être considéré comme un travail gratuit parce qu’inséré dans les relations domestiques. Lorsqu’on rappelle à quel point deux contraintes fortes pèsent sur les activités féminines en agriculture : l’accès à la terre (dont nous avons parlé), mais aussi l’accès à la main-d’œuvre, on comprend que la possibilité aujourd’hui, y compris pour les paysannes, de payer une main-d’œuvre salariée représente une liberté d’action nouvelle. Les femmes qui ont les moyens d’employer un salariat agricole tentent ainsi de se dégager des hiérarchies complexes qui conditionnent l’accès à la main-d’œuvre dans les sociétés d’Afrique noire. Notre étude n’a pas malheureusement abordé cette question avec précision. Rappelons seulement qu’en Afrique noire « l’âge d’une femme, sa position parmi les femmes d’un mariage polygyne, le rang de son époux dans un ménage patriarcal multi-générationnel, son statut de femme “héritière” ou veuve, le nombre et le sexe de ses enfants et des épouses de ses enfants constituent des paramètres » essentiel à comprendre non seulement dans la mobilisation de la main-d’œuvre mais aussi selon ses qualités d’âge et de sexe. Pénélope A. Roberts insiste ainsi à juste titre sur le « caractère limitant d’accès à la main-d’œuvre » pour les projets d’entrepreneuriat féminin car « ces relations induisent des obligations de travail entre les femmes, entre hommes et femmes, et entre femmes et hommes » (Roberts 2001, 204).
33Dans le même temps, l’utilisation de l’argent permet aux femmes de renégocier la place qu’elles tiennent dans les relations familiales et lignagères. Lorsque, par exemple, elles sont en capacité de payer les boissons (la bière) et la viande (deux produits alimentaires connotés au masculin) lors des funérailles. Finalement, en payant avec leur argent ces dépenses, y compris lorsqu’il s’agit d’honorer un mort du côté de leur mari, les femmes de la ville ou de la campagne utilisent l’autonomie que leur procurent ces ressources monétaires pour « donner quelque chose » : en ce sens, elles donnent, et tout en reconnaissant l’autre (leur mari, les invités), elles s’inscrivent dans une relation de reconnaissance et de respect, ce qui est le propre de la logique de don. Alors que l’argent qui sert à payer les salarié(e)s agricoles s’inscrit dans l’économie de marché, celui utilisé lors des cérémonies familiales des funérailles est clairement marqué par les logiques familiales et culturelles. « Il n’y a pas d’argent unique, mais des monnaies multiples » qui continuent à jouer le rôle « d’intermédiaire social » (Zelizer 2005, 53).
34En pays bamiléké, lorsque les hommes obtiennent de leur épouse l’argent de l’écolage, ils se rendent toujours à l’école pour payer au directeur le montant annuel de l’inscription. Le père s’acquitte ainsi de son devoir. Ce jeu, derrière la scène sociale, permet de préserver « un usage officiel, public, solennel, extra-ordinaire du symbolisme qui est masculin, et un usage secret, privé, honteux et quotidien, qui est féminin » (Bourdieu 1980, 394). S’organise ainsi un jeu d’ambivalence où les femmes contribuent à la fragilisation du soubassement des rapports de force, tout en maintenant les apparences d’un jeu social qui continue de s’organiser autour des hommes relais – les maris, les pères ou les frères. Pourtant, là aussi des changements s’opèrent. Même si les pères continuent officiellement, ainsi, de maintenir leur rang, il arrive aussi de plus en plus fréquemment, souvent d’ailleurs par le biais de leurs réseaux associatifs, que les femmes s’engagent dans des débats publics sur des sujets particulièrement sensibles comme le foncier. La parole publique n’est plus seulement masculine. Les femmes comme les hommes deviennent des acteurs territoriaux de plus en plus visibles : par leurs réseaux associatifs ou ceux de leur mari, les femmes de la ville cotisent et se mobilisent pour des projets de développement au village (construction d’un dispensaire ou d’une école, électrification d’un quartier, aménagement d’un pont, etc.). Les paysannes, quant à elles, sont très présentes dans les organisations paysannes, structures parfois complètement féminisées.
35Le paradoxe est qu’aujourd’hui, en Afrique, alors que la monétarisation des rapports sociaux s’est généralisée, l’argent s’inscrit dans l’espace du manque par une rareté inédite de la monnaie. La circulation d’argent, soutenue auparavant par les logiques communautaires, hiérarchiques, redistributrices et clientélistes à travers lesquelles les structures et les jeux sociaux se maintenaient, s’est grippée (Moya 2004 en référence aux travaux de Marie 1997, 170). La crise économique qui touche le monde rural et urbain africain et la chute du pouvoir d’achat de la grande majorité des ménages et des chefs de famille en particulier ont considérablement alourdi la responsabilité financière reposant sur les épaules des femmes. Il revient in fine aux femmes de rassembler ou de compléter la « dépense quotidienne ». L’argent s’inscrit ainsi aujourd’hui dans « une grande proximité féminine : constamment manipulé par les femmes et mis en circulation dans un circuit complexe où s’enchevêtrent l’activité économique, les dépenses quotidiennes, les relations d’endettement, les dons, les contre-dons, les formes d’épargne, etc., se dessine alors un espace social inter-féminin marqué par une intense circulation d’argent » (Moya 2004, 172). Disséminé dans de multiples relations d’endettement et utilisé dans les cérémonies familiales et communautaires, l’argent sert alors à former et à élargir la trame de l’espace social.
Conclusion
36L’histoire contemporaine du pays bamiléké est comparable à celle d’autres contextes africains : la dynamique du vivrier marchand a pris le relais du « miracle du développement rural » (Lesourd 1997, 365) qu’ont assuré les cultures de rente durant plus de trois décennies, des années 1960 à la fin des années 1980. La croissance du marché intérieur pour les produits vivriers est concomitante de celle de la population urbaine. Elle a toutefois des antécédents et « n’est pas née de rien : les aires de production, les circuits de commercialisation et les lieux de vente et d’échanges existent depuis longtemps, antérieurement à la période coloniale, notamment en Afrique de l’ouest. Mais la poussée urbaine et le désenclavement des campagnes ont créé les conditions d’un marché important, basé sur des produits dont le paysan maîtrise les techniques de culture. De plus, alors que les cultures d’exportation sont toujours contrôlées par les hommes, le “vivrier marchand” l’est davantage par les femmes qui ont aussi la maîtrise de leur commercialisation et transformation. Le marché interne soutient une dynamique d’activités féminines riches et variées et contribue à rééquilibrer la détention du pouvoir économique dans le monde rural » (366), tout en rapprochant les dynamiques de développement rurales et urbaines.
37Ce rapport des femmes à l’économie marchande mais aussi la mobilisation et le contrôle de leur argent ont des répercussions sur les rapports sociaux de genre. Les femmes ont acquis plus de liberté de déplacement. Elles participent ainsi à la structuration de liens nouveaux entre ville et campagne par les circulations qu’elles organisent. Désormais en « capacité de payer », des femmes de la campagne ou de la ville élargissent leurs espaces de travail et acquièrent un rôle économique nouveau dans et hors de la sphère domestique. Toutefois, les systèmes de représentation associent toujours fortement le féminin à l’univers du don et à la communauté alors que finalement leur place dans l’économie n’est que modestement reconnue. Dans le même temps, l’identité socio-professionnelle valorisante de planteurs, de fonctionnaires ou d’employés d’entreprise n’a pas facilité la reconversion et l’inscription des hommes dans des travaux au statut social déprécié comme les activités informelles ou la production de vivres. Considérant « qu’elles n’étaient pas grand chose au départ », ils comprennent et apprécient au contraire l’engagement de leurs épouses dans une économie de « la débrouille ». S’ils « apprécient les femmes… par là », c’est-à-dire par le fait qu’elles ramènent de l’argent à la maison, le silence entre les deux termes de la phrase est significatif du « décalage entre la position sociale des femmes dans le modèle de référence qui nourrit les représentations à leur égard, et leur rôle économique réel, ainsi qu’un écart entre les règles et les pratiques » (Puget 1999). Même si les femmes ont, bien sûr, incorporé les systèmes de domination, les expériences nouvelles des femmes vis-à-vis du marché favorisent un travail réflexif qui préfigure des processus d’individuation féminins. Les femmes ont ainsi à repenser leur place entre l’ordre marchand, associé au travail productif d’individu rationnel, et l’ordre du don, associé à l’univers domestique, au collectif et aux logiques reproductives. Les deux ordres sont à la fois distincts et mêlés. En tant qu’actrices du développement, les femmes bamilékées s’inscrivent dans des univers institutionnels qui les contraignent. Dévoiler les discours sur le masculin et le féminin pour comprendre comment pensent les institutions (Douglas 2004) permet d’éclairer la réalité sociale et symbolique inscrite dans les constructions institutionnelles et le cours de l’histoire. L’enjeu est toujours de comprendre comment les mobilités spatiales observées ne sont pas de simples déplacements mais peuvent effectivement produire de nouveaux rapports spatiaux de genre, comme peut tout autant y contribuer l’inscription des femmes dans l’économie marchande.
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Notes de bas de page
1 Situé au sud-ouest de la dorsale des hautes terres camerounaises, le pays bamiléké est un haut plateau de 1450 mètres d’altitude moyenne avec le mont Bamboutos qui culmine à 2740 m. Le plateau est limité au nord par les Grassfields (1800 m d’altitude moyenne). À l’ouest et au sud-ouest, au sud de Dschang notamment, il s’interrompt brutalement par de vigoureux escarpements, au-dessus des plaines de Manfé et des Mbos. À l’est, son raccordement au plateau Bamoun (1100 m d’altitude moyenne) est assuré par une rupture de pente peu marquée, qui descend lentement vers la plaine du Noun. Le plateau se déploie en « une succession de collines polyconvexes, arrondies ou allongées, modelées dans une couverture basaltique et granitique. Cette topographie moutonnée confère à la région une relative homogénéité. Les pentes, peu étendues, sont recouvertes de sols volcaniques fertiles. Le climat est particulièrement salubre » (Fotsing 1995, 132). Ces hautes terres s’élèvent à des latitudes subéquatoriales. Les grands escarpements méridionaux et occidentaux, ainsi que les versants ouest de la dorsale, reçoivent des précipitations importantes. Des pluviosités annuelles entre 2500 et 4400 mm font de cette région « le pays des déluges » (Morin 1996, 8). Les façades et plateaux orientaux sont nettement plus secs avec parfois moins de 1500 m (plaine du Noun et chefferie de Bangangté) et peuvent manquer d’eau. Surtout, ces hautes terres semblent bénéficier d’un printemps perpétuel, de ciels plus lumineux et d’une salubrité qu’ont recherchés les hommes (Morin 1996, 9).
2 Le ngu ressort directement du chef, le fon. Il constitue sa « réserve » – au sens féodal – ou tsafo, domaine occupé par l’emplacement des constructions de la chefferie proprement dite, des pâturages communs, des terres vacantes, des pistes et cours d’eau. Le chef a un droit exclusif sur le tsafo, même si celui-ci ne lui appartient pas (Morin 1996, 43).
Auteur
Professor, Department of Geography, University of Lyon 3 and Laboratoire Dynamiques Rurales of the University Toulouse. Hélène Guétat-Bernard, Professor, is a geographer and socio-economist of development at the University of Lyon 3 and at the University of Toulouse where she is a member of the Rural dynamics research alliance (UMR 1926). She works on rural and agricultural development, with a focus on gender relations in the context of North-South rural worlds, spatial mobility and the construction of social and territorial identities. She cochairs a research seminar on Black Africas and Americas, and has been doing fieldwork both in Africa and South America. She supervises a number of graduate students who work on topics such as food networks, culinary heritage, as well as relation to money and to land.
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