Sécuriser l’existence des femmes et résister. Raisons d’agir des initiateurs et initiatrices d’organisations de l’économie sociale et solidaire
p. 155-175
Texte intégral
La résistance ne commence-t-elle pas dès lors que s’affirme, dans des gestes laissés sous silence, parce que considérés comme non significatifs au regard de l’Histoire — celle justement qui était censée aller inexorablement dans le sens de leur émancipation — un souci de dignité chez les plus fragiles, les plus stigmatisés, les plus exploités ?
(Bessin et Roulleau-Berger 2002, 4)
Introduction1
1Les femmes ont indéniablement contribué à l’expansion du mouvement pour l’association. En tant qu’initiatrices, salariées ou bénévoles, au sein d’organisations sans but lucratif productrices de biens ou de services, elles y sont d’ailleurs souvent surreprésentées (Tabariés et Tchernonog 2007 ; Braley 2011), y compris dans les fonctions de direction. Néanmoins, étant donné le nombre important d’emplois à temps non complet ou encore les niveaux de revenus relativement faibles (Braley 2011), cette surreprésentation ne se traduit pas en termes d’égalité. Dussuet et Flahault (2012) avancent même l’hypothèse de la nécessité, pour la « soutenabilité du secteur associatif », de ces conditions de travail médiocres. Au sein de ces organisations qui se réclament des idéaux d’émancipation (Cattani 2005), les acteur·trice·s – et en premier lieu les salarié·e·s – se trouveraient finalement piégé·e·s par un système de genre œuvrant précisément à travers des pratiques concrètes à rebours de ces idéaux : recrutement discriminant, faiblesse des salaires, non-reconnaissance des qualifications et, surtout, sexuation des tâches.
2Pourtant, la littérature montre que les organisations de l’économie sociale et solidaire (OESS) offrent également des marges de manœuvres pour atteindre une plus grande justice sociale et une meilleure reconnaissance des femmes et des minorités, et que celles-ci s’en saisissent pour résister (Fraser 2013 ; Fraser et al. 2015). L’hypothèse formulée dans cet article est que la participation dans une OESS pourrait donc constituer un acte de résistance aux effets hostiles du genre sur le marché du travail dans un contexte de globalisation. L’objectif n’est pas de mesurer l’égalité des sexes au sein de l’ESS, ni d’apporter une interprétation à la surreprésentation numérique des femmes, mais bien de proposer une réflexion sur les enjeux d’émancipation multiples pour les femmes qui traversent indéniablement les OESS. La première section positionne le propos au sein du courant critique en économie, et particulier celui de l’économie féministe, connue pour avoir interrogé le lien entre émancipation et accès au travail des femmes. Nous questionnerons ce lien à partir de la spécificité de l’ESS. À partir d’enquêtes réalisées dans sept OESS en Île de France (et présentées en section 2), nous tenterons de comprendre comment ces enjeux d’émancipation sont formulés par les initiateur·trice·s et s’ils structurent les pratiques des acteurs·trice·s. Nous verrons comment les OESS, à bien des égards, sont considérées comme étant des lieux qui offrent des perspectives – limitées et genrées – à une certaine catégorie de femmes, au détriment des enjeux de conditions de travail et d’autonomie financières sur lesquelles les initiateur·trice·s ont peu de prise (section 3) mais au profit de contenus d’émancipation articulés davantage avec les conditions d’existence. Les OESS seraient des lieux d’où il devient possible de « réparer » le vivant et de « résister », sans que soit nécessairement identifié l’« ennemi principal »2 contre lequel la résistance est organisée (section 4).
L’émancipation par l’ESS ?
3Les travaux menés à partir du champ de l’ESS par les socio-économistes ont contribué à rendre moins hégémonique la pensée économique orthodoxe centrée sur l’individu rationnel et l’équilibre du marché (Gadrey et Jany-Catrice 2012 ; Hillenkamp et Laville 2013). Pour les chercheur·e·s qui travaillent dans et/ou sur ce champ, l’enjeu est de reconnaître que les pratiques socio-économiques ne se résument pas à l’échange marchand et qu’il y a production de valeur au sein de l’ESS – alors que l’économie orthodoxe se centre sur la production de valeur marchande dans l’entreprise capitaliste (Hillenkamp et Laville 2013, 21). Les travaux des socio-économistes s’inscrivent généralement dans la continuité de Karl Polanyi à qui ils·elles empruntent la définition théorique mais aussi morale de la réciprocité comme souci d’autrui (Servet 2007, 264), dépassant le simple don-contre don (Servet 2007, 263). Les travaux sur l’économie solidaire considèrent que la réciprocité est le principe premier guidant l’action économique : « L’une des originalités majeures de la perspective de l’économie solidaire réside dans l’affirmation de la prédominance du principe de réciprocité sur les principes du marché et de la redistribution » (Fraisse, Guérin et Laville 2007, 245). Pour ces auteur·e·s, la réciprocité se substitue à l’intérêt individuel et au calcul « égoïste » du sujet marchand, elle possède une vertu démocratique et émancipatrice. « La dimension politique des activités de l’économie solidaire s’ancre dans cette réciprocité et la construction d’espaces publics qui autorisent un débat entre les parties prenantes sur les demandes sociales et les finalités poursuivies » (Eme et Laville 2005, 254).
4La dimension politique de l’ESS renvoie aux préoccupations d’égalité et d’émancipation portées par les organisations dont, rappelons-le, les femmes constituent les forces vives. Or trop rares sont les analyses qui opèrent un rapprochement entre ces préoccupations et la surreprésentation des femmes (voir cependant Odendahl et O’Neill 1994 ; Teasdale et al. 2011) et encore plus rares sont celles qui le font en termes féministes. Comme le constatent Hillenkamp, Guérin et Verschuur (2014, 6) : « Au mieux les acteurs et chercheurs dans ce champ se contentent d’affirmer que les différences entre les sexes doivent être prises en compte et que l’égalité de genre est un objectif de l’économie solidaire ».
5L’économie féministe, de son coté, s’est très peu préoccupée de l’ESS. C’est d’autant plus surprenant qu’elle partage les interrogations de l’ESS sur la production de valeur en dehors du marché (et notamment dans l’administration domestique). L’analyse critique menée depuis les années 1980 par les gender studies, et plus particulièrement par le courant des feminist economics, a également amené à dénoncer le biais masculin du paradigme orthodoxe en économie, tant dans les modalités de construction de cette discipline – à travers le processus de légitimation de ses représentants blancs et masculins ou sa théorisation à partir de la seule expérience masculine (Folbre 1986 ; Elson 1991) – que dans les effets concrets de l’économie capitaliste sur les femmes (Picchio 1992) avec une attention particulière au lien travail‑émancipation (considérée ici au regard de la famille). Jusque très récemment, l’ESS était considérée par les économistes féministes comme n’étant « ni État ni marché » et, par les plus radicales, comme étant les « petits doigts » opérant pour le compte de l’État (Nyland 1995). Par conséquent, à la fois dans ce qui a fait l’objet de l’effort critique de l’économie féministe et dans sa tentative de reconstruire un autre paradigme, le champ d’action et le projet économique portés par l’ESS demeurent quasiment absents de l’économie féministe. Or la crise actuelle et les politiques d’austérité sont en train de modifier profondément les conditions d’intégration des femmes dans le marché du travail. Face au potentiel d’emploi en déclin dans les entreprises à but lucratif et dans les services publics, la question de l’émancipation par et dans l’ESS mérite donc d’être posée à partir de ce qui constitue la spécificité de son fonctionnement.
6En dehors de certains travaux pionniers (Guérin 2003 ; Hersent, Guérin et Fraisse 2011 ; Hillenkamp, Guérin et Verschuur 2014 ; Dussuet et Flahault, à paraître), c’est surtout sur le terrain de l’action que s’opère la rencontre de l’ESS et du féminisme, par exemple à l’occasion de la Marche mondiale des femmes (Guérin et Nobre 2014) ou au sein de l’ADEL (Association pour le développement local)3. Dans la perspective de prolonger le développement « des théories pour l’action » (Bard 2003), ces militantes féministes se sont intéressées aux OESS comme champ possible d’action et, surtout, comme lieu d’analyse critique du capitalisme. À partir d’une conception qui situe l’ESS dans le cadre d’une économie productrice de valeur au sens économique et de changement social, de nouvelles questions commencent à être posées sur l’émancipation des femmes au sein des OESS ou, au contraire, sur les normes patriarcales qui s’y perpétuent. Les OESS sont à présent considérées par les mouvements de femmes comme étant d’un intérêt certain car : 1) elles peuvent être fortement liées aux mouvements sociaux et offrent la possibilité d’un soutien à la demande sociale des femmes au-delà des organisations féministes ; 2) elles peuvent créer des « espaces publics de proximité » (Fraisse 2007) où confiance en soi, conscientisation politique et capacité à négocier (avec les pouvoirs publics et/ou la famille) peuvent émerger ; 3) elles peuvent offrir une réponse aux défis de justice sociale (Guérin 2003). En fait, ces espaces permettraient « de socialiser et de mutualiser la prise en charge de problèmes qui incombent jusque-là à la sphère privée, et donc essentiellement aux femmes » (Guérin 2007, 248), autrement dit elles constitueraient l’incarnation du slogan féministe le « personnel est politique » (Nyland 1995, 51).
7Au confluent de l’économie féministe et de l’ESS, nous posons donc la problématique de l’émancipation4 des femmes depuis les OESS en lien avec la dimension réciprocitaire caractéristique de ces organisations. Dans cet article, il s’agira d’explorer la façon dont le potentiel émancipateur est formulé et par quelles voies il se diffuse dans les pratiques ou le discours des OESS.
Méthodologie et enquête de terrain
8Dans les sections suivantes, nous explorons empiriquement le lien entre émancipation et réciprocité à partir d’une enquête de terrain menée auprès d’OESS. L’objectif est de comprendre comment les enjeux d’émancipation y sont formulés et si la réciprocité – dont on précisera les formes – est mobilisée dans le cadre précis de ces enjeux, notamment dans la phase d’impulsion.
9La recherche a été menée entre 2014 et 2015 au sein d’OESS situées en Île-de-France. Après avoir réalisé une première enquête exploratoire auprès d’expert·e·s de l’ESS, nous avons repéré sept initiatives productrices de biens et/ou de services (voir tableau 1 en annexe5). Ces organisations sont situées sur des territoires franciliens qui bénéficient de la politique de la ville6. Il s’agit donc de quartiers dans lesquels une forte proportion de la population est en situation de précarité et/ou de pauvreté.
10Nous avons mené notre recherche auprès d’une entreprise de nettoyage écologique d’entreprise, d’une association de troc vert (échange de semences et de plantes), d’une association de vergers urbains, d’un collectif citoyen d’occupation d’espaces libres, d’un chantier d’insertion par la culture de roses biologiques, d’une crèche coopérative et d’une association de maintien à domicile de personnes âgées et d’aide-ménagère. Les OESS étudiées ont mis en œuvre un projet en cherchant à innover socialement, soit au niveau de leur produit ou service, soit dans leur processus de production. Ainsi, par exemple, dans la culture de roses biologiques, il s’agit d’ajouter de la valeur au produit à travers ses caractéristiques alternatives (local, biologique et solidaire). Dans la crèche coopérative, il s’agit de faire participer les salariées via le système coopératif : en devenant parties prenantes de la structure, dans un secteur caractérisé par une très forte volatilité du personnel et très réglementé (alimentation, hygiène, aménagement des locaux, qualification du personnel), la co-initiatrice du projet espère faire en sorte que les salariées ne « subissent plus » le travail.
11Sur le plan de la main-d’œuvre, cinq OESS étudiées comportent au moins un·e salarié·e et deux autres OESS fonctionnent exclusivement avec des bénévoles. Une seule organisation comporte une main-d’œuvre salariée et des bénévoles (voir tableau 1 en annexe). Dans toutes les OESS, les effectifs (salariés et bénévoles) sont très majoritairement féminins. Deux des organisations ont été créées par des femmes (qui sont également salariées de l’OESS), trois par des hommes (deux sont bénévoles et un est salarié) et deux conjointement par un homme et une femme (dans l’une des OESS, il et elle sont salarié·e·s et dans l’autre il et elles sont bénévoles). Nous désignons ces hommes et ces femmes comme étant les initiateur·trice·s des OESS7. C’est notamment leur point de vue et leur expérience qui servent de point de départ pour repérer, désigner et analyser les enjeux multiples d’émancipation au sein même des projets étudiés.
Sécuriser l’existence des femmes
La permanence de l’emploi ou le niveau d’existence
12L’enquête de terrain a permis d’examiner la mission que se sont donné·e·s les initiateur·trice·s en impulsant le projet. Chez les femmes, sécuriser sa propre existence et/ou celle de ses salarié·e·s est une motivation forte. Elle doit être resituée au regard de leurs expériences professionnelles antérieures. En effet, les expériences des femmes qui ont (co-)créé les OESS de notre enquête coïncident en plusieurs points : elles ont entre 30 et 40 ans, sont célibataires ou séparées8 et une grande majorité d’entre elles disent vivre et/ou avoir vécu le racisme. L’une d’elle a dénoncé clairement au cours de l’entretien le fonctionnement du marché du travail selon des normes sociales dominantes auxquelles elle ne correspond pas. Avant de vouloir créer leur propre emploi, ces initiatrices ont occupé des fonctions de cadres dans des structures (privées et à but lucratif), puis ont connu une longue période de chômage soit de manière volontaire (choix de cessation de contrat faute d’épanouissement personnel), soit de manière subie (fin de contrat à durée déterminée). La co‑initiatrice de la crèche coopérative explique : « Pendant un an et demi, j’ai envoyé plus de 100 CV, je n’ai eu qu’une seule réponse, pas un seul entretien d’embauche, alors j’ai décidé de créer mon propre emploi, j’arrivais en fin de droits » (06, février 2014). C’est en réaction à cette hostilité du marché du travail à son égard que s’est forgée la conviction qu’elle devait « créer son propre emploi ». L’initiatrice de l’entreprise de nettoyage écologique explique ainsi ses raisons d’agir : « Comme toute femme, je voulais sécuriser mon emploi. […] Les femmes plus que les hommes ont besoin de sécuriser leur emploi, elles ont beaucoup d’obstacles et de freins pour être sur le marché du travail et surtout pour y rester » (01, janvier 2014). C’est cette difficulté vécue qui amène aussi les initiatrices à se préoccuper de la sécurisation des personnes qu’elles embauchent.
13Les initiatrices préfèrent dès lors recruter un plus petit nombre de salarié·e·s dans l’organisation, offrir des salaires peu élevés et parfois seulement des temps partiels car le plus important, selon elles, est que l’emploi soit pérenne. Toutes les femmes salariées des OESS rencontrées sont en effet en contrat à durée indéterminée (CDI), exception faite des bénéficiaires du chantier d’insertion – ce dernier ayant la contrainte légale de ne pas embaucher des personnes pendant plus de deux ans.
14L’expérience de l’emploi chez les initiateurs est différente : il s’agit de cadres supérieurs du secteur privé ou du secteur non marchand ayant choisi de quitter leur emploi pour monter le projet d’OESS. En devenant salariés de l’OESS, ils disent avoir perdu une grande partie de leur salaire9 : « J’ai donc quitté mon emploi, j’ai signé ce qu’on appelle une rupture conventionnelle et depuis que je suis ici, j’ai perdu une grosse partie de ma rémunération sans compter les 18 mois sans salaires pour monter le projet » (06, mars 2014). À la différence des initiatrices, ils veulent « faire de l’argent ». L’un d’eux explique sa vision qui s’inscrit dans une perspective de justice sociale : « On est là pour faire des bénéfices ! Je l’ai dit à A. [la co-initiatrice du projet] qui me dit que c’est pas joli de le dire mais on est là pour faire du fric, on est là pour faire de l’argent ! C’est pas injuste de faire du fric, ce qui est injuste c’est de le garder et c’est la force d’une SCOP [société coopérative et participative], c’est qu’elle est juste dans la redistribution de l’argent » (06, mars 2014). L’objectif de rentabilité de l’activité n’en reste donc pas moins primordial pour les initiateurs : « Je suis ici pour faire de la rentabilité […], si on est pas rentable on tient pas » (05, juillet 2014) précise l’un d’eux. En ce qui concerne le personnel, les initiateurs partagent généralement la préoccupation déjà repérée chez les initiatrices « faire quelque chose pour les femmes » (05, juil. 2014). L’action repose ici sur une forme de bienveillance formulée à l’égard des femmes comme catégorie « essentielle » et non plus sur la perspective concrète et l’expérience partagée de difficulté dans l’emploi des initiatrices. Ainsi le fondateur du projet du chantier d’insertion s’appuie sur une volonté claire et précise : « Naturellement avec les fleurs, c’étaient‑elles qui étaient visées par le projet. […] Elles sont plus en lien avec la nature » (05, juil. 2014).
15Sur le plan des conditions de travail, nos observations confirment la littérature (Boivin et Fortier 1998 ; Braley 2011) : les salarié·e·s occupent un poste en CDI mais très souvent à temps partiel10 et avec un faible niveau de rémunération (qu’ils·elles soient employé·e·s ou employeur·se·s). Les OESS sont même qualifiées de « ghettos féminins d’emplois » (Lamoureux 1998, 47). Cette caractéristique n’est pas niée par les personnes interrogées qui n’éludent pas la question de l’indépendance financière. Eu égard à certaines situations, notamment la monoparentalité, les initiatrice reconnaissent un véritable enjeu : « Quand on a la charge de la famille, une femme monoparentale ne demande pas ou rarement un temps partiel, je ne vois pas comment elle vivrait. Je ne vois déjà pas comment elles font pour vivre à plein temps puisque leur loyer représente la moitié de leur salaire. Alors à temps partiel… Soyons clairs, c’est pas possible » (07, juin 2014). Mais c’est l’objectif de durabilité de l’emploi et l’effort consenti qui sont plus mis en avant. L’initiatrice de l’association de maintien à domicile explique : « Nos salaires sont peu élevés, entre un SMIC11 et un SMIC et demi mais pourtant je peux dire que l’on paye bien car nous payons les temps de transport » (07, juin 2014). On peut toutefois s’interroger sur la durabilité réelle des emplois créés. Les initiatrices interrogées affirment toutes se sentir épuisées et mentionnent la difficulté à maintenir leur activité sur le long terme faute d’accompagnement, de légitimité institutionnelle et de reconnaissance politique. C’est aussi l’une des conclusions importantes des débats du colloque sur l’entrepreneuriat des femmes dans l’ESS qui s’est tenu en février 2014. Madeleine Hersent soulignait alors que « les initiatives menées dans le champ de l’économie sociale et solidaire semblent condamnées à l’expérimentation permanente » (Merlant et Alet 2014, 5).
Resserrer les liens : proximité et réciprocité dans les OESS
16Ce n’est donc pas du côté financier que se situe la contribution des OESS à l’émancipation des salarié·e·s. En revanche, des cas observés se dégagent la mission que se donnent les initiateur·trice·s de ré-encastrer le travail – et les salarié·e·s – dans les liens sociaux par divers moyens. Cet objectif prend des formes différentes selon que l’OESS compte ou non des salarié·e·s. Toutefois, il n’est pas spécifiquement genré dans la mesure où il est évoqué par les initiateurs et les initiatrices et ne vise pas uniquement les femmes.
17La littérature sur l’ESS désigne les OESS comme étant des « espaces publics de proximité » car intermédiaires entre les sphères publique et privée et en raison des liens sociaux qui s’y déploient (Fraisse 2007). Un des effets de ces espaces est de recréer de la proximité ressentie, tant au niveau des liens sociaux que du territoire, et de limiter les effets délétères de la concurrence, voire la concurrence elle-même (pour l’usage d’un service ou l’accès à une ressource). L’instauration de pratiques réciprocitaires dans les conduites y contribue. La réciprocité devient alors une vraie ressource dans le fonctionnement du projet. L’association du fonctionnement d’une organisation à sa ressource (ou d’une hybridation des ressources) est un phénomène déjà repéré par la littérature en socio-économie de tradition polanyienne (Polanyi, 1944 ; Gardin 2006 ; Richez-Battesti, Petrella et Vallade 2012 ; Besançon et Chochoy 2014 ; Degavre, Bourguignon et Callorda 2015). Il ressort du terrain des formes originales de ressources issues de la réciprocité, et en particulier de la forme particulière de la réciprocité qu’est l’administration domestique. La présence de ressources mobilisées grâce aux relations affectives, comme par exemple le love money, ou de ressources fortement encastrées dans des relations de proximité et d’affectivité12 avec des parents, des ami·e·s, des voisin·e·s, des pratiques d’entraide et du soutien de la famille, particulièrement pendant les périodes de chômage, mérite d’être mentionnée : « Quand on a démarré ce projet, j’étais encore avec le père de mes enfants, il pouvait assumer les charges du foyer, autrement je ne vois pas comment j’aurais fait car effectivement j’avais le droit aux indemnités de chômage, mais elles ne durent qu’un temps… […] Toute seule, je n’aurai pas pu y arriver » (co-initiatrice et co-employeuse, 06, mars 2014). L’association conjointe de ces quatre ressources est présentée par les initiateurs·trice·s comme ayant été décisive pour l’émergence de leurs organisation et servir les finalités qu’elles se donnent.
18La plupart des OESS étudiées sont en outre localisées à moins de 500 mètres du lieu d’habitation des initiateurs·trice·s. « Notre idée au départ était de valoriser l’histoire de notre quartier, on a interviewé les personnes âgées du quartier pour qu’elles nous racontent l’histoire d’ici […] on a choisi le nom de l’association aussi en lien avec l’histoire du quartier où il y avait une exploitation minière au début du XXe siècle » raconte la co-initiatrice du troc vert (02, juin 2014). L’ancrage territorial et l’attachement affectif au quartier et à ses habitant·e·s sont des caractéristiques importantes de notre terrain.
19Les OESS cherchent en effet à s’ancrer dans un territoire vécu et habité par le personnel (salarié·e·s et bénévoles) et par les usager·ère·s. En cela, on peut qualifier cette proximité de territoriale. Il ne s’agit pas d’un territoire postulé mais bien d’un territoire marqué par les interactions et les intersubjectivités des différents acteurs et actrices présent·e·s. La proximité territoriale peut se traduire par exemple par des pratiques d’embauche du personnel dans un périmètre réduit autour de l’OESS (dans le cas de la crèche coopérative ou encore celui de l’entreprise de nettoyage écologique), ce qui revêt une grande importance pour le personnel féminin qui se trouve souvent face à des contraintes de mobilité (pas de permis de conduire, pas de possession de véhicule). Les interactions et la proximité ressentie peuvent également prendre une autre forme plus symbolique. Dans le cas des vergers urbains comme dans celui d’occupations des espaces libres, c’est l’expérience commune et partagée du regard sur les plantes qui lie les habitant·e·s. « Chaque habitant qui a une vue sur ce paysage en est le propriétaire » (initiateur, 04, juillet 2014). Le potager ou le verger urbains, dans leurs dimensions matérielles et symboliques, sont ainsi pensés comme des territoires qui rapprochent les individu·e·s. Les initiateurs de ces deux projets visent à transformer l’image négative des lieux (friche, voie de chemin de fer abandonnée, etc.) grâce à cette proximité territoriale et aux dynamiques d’innovation sociale qui s’y développent. La représentation positive de la nature et du jardin pourrait alors contrebalancer celle d’un espace « caché », « maudit », obscur (le tunnel de la voie de chemin de fer), dangereux, lieu de trafic de drogue, de violences, etc.
20Les OESS visent aussi à rapprocher les bénéficiaires et/ou les usager·ère·s e1 n associant volontairement des personnes en situation de vulnérabilité sociale et/ou économique. En cela on peut qualifier la proximité qui en résulte de sociale. C’est particulièrement le cas du chantier d’insertion où se côtoient des femmes exclues depuis de nombreuses années du marché du travail et/ou victimes de violences conjugales, des hommes également exclus durablement du marché du travail et/ou souffrant d’addictions (alcool, drogue), des accompagnateurs·trices du projet (travailleur·se·s socia·ux·les) et des client·e·s locaux venant acheter les roses biologiques. Producteurs, productrices et usager·ère·s discutent directement et ce lien constitue une qualité additionnelle au bien vendu. Le cas des vergers urbains illustre également le rapprochement des habitant·e·s d’un quartier (socialement très hétérogène mais majoritairement habité par des personnes en situation de très grande pauvreté) autour de la création et de l’entretien de vergers urbains dans des espaces libres de la ville (friches, balcons de fenêtre, toits d’usine, etc.) à partir de matériaux de récupération. Enfin, favoriser les liens entre individu·e·s de différentes classes sociales est une finalité particulièrement défendue par l’association de troc vert : « Échanger une plante c’est échanger un bout de vie. On n’échange pas seulement un bégonia contre un bambou, quand on échange une plante, on se raconte, on décrit sa façon d’être, de vivre […], ce troc permet des rencontres improbables entre catégories sociales… au fond l’intérêt pour les plantes est universel » (co‑initiatrice, 02, juin 2014). Ici le troc ne se déploie pas dans une vision utilitariste ni en tant qu’institution individualiste13. Et, bien que l’évènement soit largement ouvert à d’autres quartiers de la ville et au-delà, la plupart des participant·e·s au troc vert se (re)connaissent : c’est aussi pour eux·elles, l’occasion de se donner des nouvelles des plantes échangées et à travers, elles, se raconter soi-même. Dans ces échanges, il y a bien « quelque chose en plus » qui ressemble à cette « valeur du lien » décrite par Godbout (2007, 245) : « Le don contient toujours un au-delà, un supplément, quelque chose de plus que la gratuité essaie de nommer. C’est la valeur du lien ». Que ce soit pour les vergers urbains, le troc vert ou les espaces libres, les plantes sont des « objets intermédiaires » qui structurent les échanges au sein du groupe et l’action de celui-ci sur la forme de la réciprocité. Cette réciprocité prend une forme à la fois directe et simultanée lors de l’échange dans le troc mais également une forme indirecte à l’instar des pratiques de l’une des participantes du troc vert : « Depuis trois ans, je travaille bénévolement dans un cimetière, c’est un peu mon jardin. Il y a plein de jardinières qui sont abandonnées depuis plus de 50 ans et j’y mets des plantes nectarifères car je ne veux que des plantes qui attirent les abeilles, pour entretenir la vie » (02, mai 2014). Ce souci de rapprocher les vivant·e·s et de transmettre le vivant de génération en génération se retrouve bien dans le concept de « réciprocité alternative directe » de Mauss (1969) qui institue une solidarité qui dure à travers les générations. Autrement dit, en donnant pour ceux·celles qui viennent, on rend à ceux·celles qui sont parti·e·s. C’est bien aussi ce que nous dit l’initiateur du collectif d’occupation d’espaces libres : « Je fais ça pour rendre ce que j’ai pris » (04, juillet 2014). À travers ces pratiques réciprocitaires, le temps joue donc un rôle de vecteur, il rapproche et lie les vivant·e·s de génération en génération.
21Cependant, le risque est toujours grand d’un épuisement de la réciprocité, tout particulièrement pour les salariées qui doivent faire face aux difficultés de l’emploi qui les amènent à prioriser la sécurité de l’existence. Toutefois entre l’urgence quotidienne de faire face aux responsabilités familiales et la patience nécessaire, dans la durée, pour trouver les chemins de l’émancipation, les salarié·e·s et les bénévoles des OESS agissent, en premier lieu en mobilisant et en cherchant à développer compétences et savoir-faire et en luttant pour le sens du travail.
Des pratiques non unifiées de résistance aux effets du capitalisme
Lutter pour le sens du travail
22Outre la préoccupation pour la sécurité de l’existence, la préoccupation « d’offrir un sens » (co-initiatrice et co-employeuse, 06, mars 2014) aux travailleur·se·s est forte, particulièrement du côté des initiatrices : « Je voulais aussi que mes employées aillent travailler sans se dire : “Je vais au travail pour le travail” » (initiatrice et employeuse, 01, janvier 2014). De nombreux travaux montrent l’existence d’un sens du travail propre à l’ESS qui pourrait en compenser la précarité matérielle (Preston 1994, 41 ; Hély et Moulévrier 2013, 200). La participation des salarié·e·s est certainement un des moyens de cette construction de sens et l’on constate une volonté d’impliquer le personnel dans les décisions de l’organisation. La participation des femmes et la reconnaissance de leur voix comme « étant une voix qui compte » est par exemple l’un des défis majeurs de la coopérative de la petite enfance comme l’explique la co-initiatrice : « Nous sommes dans un secteur où il y a une très grande volatilité du personnel, nous pensons qu’il faut des salariées qui soient impliquées, qui ont envie de venir au travail, qui ont envie de monter des projets parce qu’elles y participent, parce qu’on leur demande leur avis » (06, mars 2014). L’implication des femmes dans la coopérative suppose cependant de nouveaux apprentissages (pour prendre la parole, comprendre le fonctionnement organisationnel et légal de l’organisation, etc.) qui ne peuvent s’acquérir que sur un temps long et qui nécessitent une confiance mutuelle entre toutes les parties prenantes, d’où la promesse d’une perspective durable dans l’emploi. La question du sens s’articule donc avec la question de la durabilité de l’emploi évoquée ci-dessus.
23La reconnaissance des compétences et la valorisation des savoirs, dans le cadre d’activités qui concernent l’entretien et le maintien du vivant, constituent aussi l’un des enjeux au cœur du sens du travail évoqués lors des entretiens. Au sein de l’entreprise solidaire de nettoyage écologique, de la crèche coopérative et dans l’association de maintien à domicile, on trouve un enjeu fort à faire reconnaître les activités comme relevant de compétences professionnelles et non domestiques, même si les compétences professionnelles peuvent prendre appui sur l’expérience vécue. Les sociologues du travail comme Guilbert (1966) et Kergoat (1982) l’ont bien montré, les qualités propres à la main-d’œuvre féminine ne sont pas reconnues parce qu’elles ne sont pas considérées comme des savoir-faire mais comme des aptitudes « innées », liées à la nature féminine et parce que ces qualités des femmes ont été socialement construites dans la sphère privée. Dans certains métiers ouvriers, l’acquisition des savoir-faire (habileté, patience, dextérité) se réalise à partir de l’expérience des femmes dans l’espace familial, ce qui les amène à intérioriser l’invisibilisation et la banalisation de leur propre qualification (Kergoat 1982). Au contraire, sur le terrain étudié, l’expérience vécue est activée de façon innovante et ne mène pas nécessairement à la dévalorisation – au moins sur le plan symbolique – de ce savoir. Le cas de l’entreprise solidaire de nettoyage écologique est très intéressant de ce point de vue. Pour valoriser une activité souvent présentée comme dégradante et « typiquement féminine », l’initiatrice a voulu proposer un service qui s’inscrit dans une démarche de développement durable : « J’ai voulu donner une autre dimension à la propreté en lui donnant une dimension écologique » (01, janvier 2014). Elle espère ainsi que le signe de qualité environnementale (considérée comme une valeur positive) lié à ce service rejaillira sur la valorisation du travail réalisé en amont. En outre, son projet a nécessité un changement dans les réflexes des salarié·e·s pour l’usage de certains produits. Afin de leur faire adopter des produits plus écologiques et moins agressifs, l’initiatrice a formé son personnel qui est très largement féminin. Ces personnes, majoritairement analphabètes, ont intégré une nouvelle connaissance sur les produits et sur leur usage conseillé. L’initiatrice a procédé grâce à la mise en place d’un code couleur sur les produits d’entretien ménager et a ainsi contribué de façon innovante à la formation d’un personnel non qualifié et réputé difficilement re-qualifiable.
24Dans les OESS étudiées, il semblerait donc que l’expérience de la sphère privée ne soit pas rappelée aux femmes pour activer la dévalorisation de leurs compétences mais bien pour expliquer leur présence dans ce travail et dans ce secteur‑là : « Les femmes veulent être dans un secteur qu’elles connaissent, c’est ce qui leur permet de concilier vie professionnelle et vie personnelle, cela leur permet d’avoir le plus faible nombre d’obstacles » (initiatrice et employeuse, 01, nov. 2014). Cette observation confirme un argument déjà repéré dans la littérature selon lequel certaines femmes ont une forme de préférence pour l’ESS (Hakim 2000 ; Themudo 2009 ; Teasdale et al. 2011, 71) en raison, entre autres, de ce rapprochement possible avec leur expérience de la vie privée. Néanmoins, étant donné l’hétérogénéité du groupe des « femmes », il est impossible de s’assurer d’une préférence « librement consentie » qui ne soit pas le choix des plus faiblement dotés sur le marché du travail14.
25Enfin, l’enjeu du sens passe aussi par le fait de rendre visible la contribution de chacun·e au produit ou service rendu par l’organisation. Toutefois, les enjeux ne sont pas identiques dans chaque organisation. En effet, le type de production et la tâche à accomplir dans le processus productif induisent une division du travail qui suppose une modalité de la tâche différente. Pour certaines OESS, il s’agit davantage d’une reconnaissance collective où le processus de développement du végétal efface la trace des interventions individuelles, ce qui permet à tou·te·s de bénéficier d’une reconnaissance partagée. Dans le secteur de l’environnement où les individu·e·s impliqué·e·s sont principalement des bénévoles (espaces libres, troc vert, verger urbain), il s’agit de (ré) activer collectivement des savoirs et des liens sociaux autour de la reproduction du vivant. Pour les salarié·e·s et les usager·ère·s du chantier d’insertion professionnelle de culture de roses biologiques, la reconnaissance du travail passe par le fait d’être impliqué·e·s dans tout le processus de production des fleurs (taille des rosiers, désherbages, coupe des fleurs, fabrication et vente des bouquets). L’objectif de l’initiateur du chantier d’insertion est de rendre fièr·e·s les salarié·e·s et les usager·ère·s en ramenant le fruit de leur travail à la maison. Le bouquet de roses serait ainsi la traduction matérielle des compétences et des savoir-faire acquis par les salarié·e·s et les usager·ère·s, autrement dit il incarnerait un sens du travail tourné vers l’entretien et le soin au vivant.
Réparer le « vivant »
26La contestation de l’idéologie de marché et de son hégémonie est présente dans le discours des initiateur·trice·s. Dans les organisations liées à l’environnement, le rapport que cultivent les individu·e·s avec les plantes et les semences se veut en rupture avec l’utilitarisme. Il faut avoir une « attention amicale et émue avec les plantes » (04, juillet 2014) précise l’un des initiateurs du collectif d’occupation des espaces libres. Dans ces OESS, le rapport aux plantes valorise l’expérience sensible et esthétique des individu·e·s, on choisit et on sélectionne les variétés qui tiennent, des plantes que l’on aime, des espèces que les futures générations pourront apprécier. Le lien que les individu·e·s nouent avec la terre et ce qui y pousse vise un objectif d’entretien (au sens de prendre soin de) mais aussi de réparation des effets des logiques capitalistes d’extraction et de prédation du vivant. Ces OESS sont également des espaces qui permettent de marquer sa résistance aux logiques marchandes. L’initiateur du troc vert explique : « Dans une période du business des jardins où l’on ne faisait que des pelouses pour vendre des tondeuses, ça me convenait bien de mettre le troc vert en avant […]. Ce jour‑là, une fois par an dans notre rue les gens se rencontrent. La plante, c’est un moteur, une énergie pour rencontrer l’autre. Ce qui est bien c’est que la rue soit bloquée, que les plantes nous appartiennent, à l’heure où on met des brevets sur le vivant, c’est super important de revendiquer que la rue est à nous tous, que les plantes sont à nous tous » (co-initiateur, 02, mai 2014). Cet initiateur bénévole trouve dans sa participation à un projet d’OESS la possibilité de montrer une autre image de lui-même, valorisante pour son activité professionnelle qui ne lui permet pas d’afficher ses convictions éthiques et politiques.
27Au sein de l’entreprise de nettoyage écologique, une forme de résistance a été mise en œuvre face aux pratiques dominantes et dangereuses pour la santé des salarié·e·s, par l’utilisation de produits jugés non toxiques pour l’organisme humain. Les salarié·e·s du secteur sont en effet particulièrement exposé·e·s à différentes substances nocives en manipulant les produits d’entretien. Prendre soin du corps des femmes, et particulièrement des « femmes dont on se soucie peu » (01, nov. 2014), est une des principales raisons d’agir de cette initiatrice. « J’ai offert des produits écologiques aux femmes, car les produits de ménage sont habituellement toxiques, ils posent des problèmes sur la fertilité et la fécondité des femmes » (01, nov. 2014) précise-t-elle encore. Cette initiatrice présente son action comme un don, qui relève finalement d’une pratique réciprocitaire, pour ses salarié·e·s dont elle dit beaucoup se soucier des conditions de travail, de la santé et du bien-être. Sa position peut être analysée à la fois comme cherchant à être « bienfaitrice » pour le corps des femmes et comme relevant du « sacrifice » puisqu’elle est avant tout attentive à la santé de ses salarié·e·s et renonce à l’être pour la sienne propre.
28En écho au soin du corps des femmes dans l’entreprise de nettoyage écologique, la culture des roses est présentée comme une activité ancrée dans « le beau ». Ce rapport à l’esthétique, pensé d’ailleurs comme universellement partagé, aurait des effets positifs auprès des salarié·e·s et des usager·ère·s sur leur propre image et sur leur estime d’eux·elles-mêmes. Pour l’initiateur du chantier d’insertion, la culture des fleurs permet de « faire du bien à des gens à qui ont a fait du mal. On propose un travail noble, ce qui change beaucoup des boulots qu’on propose dans l’ESS qui ne sont que des boulots de m… et que personne ne veut faire. Mais moi je pense qu’on ne reconstruit pas les gens avec de l’argent. Il faut autre chose » (05, février 2015). Pour lui, la démarche biologique constitue une véritable « recette réparatoire » qui doit être appliquée aux salarié·e·s et aux usager·ère·s du chantier d’insertion car « pour réparer les gens comme pour réparer la nature et les fleurs, il faut comprendre la source du problème, le bio c’est un alibi, une recette réparatoire pour réparer les gens » (05, février 2015)
Conclusion
29Cet article examine les enjeux multiples d’émancipation au sein de sept OESS sous l’angle de ses initiateur·trice·s. Les voies de l’émancipation, dont on sait qu’elles s’inscrivent dans un temps long, se traduisent principalement dans les OESS étudiées par des pratiques de résistances non unifiées aux effets du capitalisme sur les salarié·e·s, mais elles sont en premier lieu mises en place par les initiateur·rice·s de ces organisations « pour les femmes ». Le point de vue adopté ici suggère par ailleurs que la préoccupation des initiatrices pour leurs salarié·e·s est induite par un vécu professionnel propre et qu’il se formule en rapport avec ce dernier. Observer et comprendre les OESS de leur point de vue – qui ne peut se réduire à celui du patronat paternaliste envers ses employé·e·s classiques – semble ouvrir une dimension nouvelle de l’émancipation, plus large et à la fois décentrée par rapport à son interprétation allant dans un sens d’autonomie financière. Cela revient aussi à prendre quelques distances avec les analyses féministes de l’industrialisation et de l’histoire du salariat selon lesquelles l’accès à l’emploi ou aux transferts sociaux était en soi source d’émancipation pour les femmes. Alors que cette vision d’accès au revenu est plutôt privilégiée dans une perspective d’économie féministe, elle s’efface ici au profit d’une considération pour la requalification de compétences dévalorisées ou la reconnaissance de la contribution de chacun·e au produit ou service, objectifs quasi absents des entreprises à but lucratif. Or ils comptent pour la construction de l’identité individuelle et collective des femmes dans leur rapport au travail, au moins au même titre que l’accès au revenu. Ce sont la sécurité et les conditions d’existence toutes entières qui sont visées dans les préoccupations formulées pour un travail ancré dans une proximité territoriale et sociale. Ce serait en visant au-delà du seul cadre de travail que l’OESS pourrait avoir une action émancipatrice. Autrement dit, dans les OESS, l’émancipation des femmes ne se situerait pas tant dans un changement des rapports sociaux de sexe (les « intérêts stratégiques » des femmes voir Molyneux 1985) que dans la prise en compte d’« intérêts pratiques » (Molyneux 1985) compris à partir de leurs conditions d’existence (et plus uniquement de leurs conditions de travail ou de rémunération pour lesquelles les OESS ne sont pas favorablement positionnées). L’avantage, pour les initiateur·trice·s de resituer « l’intérêt des femmes » dans une perspective de réparation et de rapprochement des vivant·e·s, est d’élargir sur un temps potentiellement plus long l’horizon d’impact sous-tendu par leur initiative. Plus que l’émancipation, ces initiatives viseraient une forme de rédemption. C’est particulièrement fort dans les OESS qui intègrent la préoccupation écologique.
30Au-delà de la cette reformulation, notre recherche révèle aussi que le principe de « parité participative » comme objectif d’émancipation dont parle Fraser (2013, 54) et dont l’ESS serait le terrain d’intervention privilégié ne semble pas appliqué ici, ou difficilement. La question de l’absence de dispositifs participatifs ou l’échec de leur mise en place, constatée dans les OESS étudiées, est frappante. Elle laisse penser que les personnes salariées elles-mêmes ne prennent pas véritablement part à la formulation de cette vision de l’émancipation recueillie auprès des initiateur·trice·s. Il semble pour l’instant qu’il revienne aux initiateur·trice·s de poser les conditions et les normes de l’émancipation de leur personnel. En outre, si les politiques publiques ont encouragé l’émergence de ces initiatives, elles ont été peu présentes au niveau du suivi et de l’accompagnement. De ce point de vue, la question de savoir si « les armes des faibles » sont « de faibles armes » (Bessin et Roulleau-Berger 2002) reçoit ici une forme de réponse. Les OESS seules ne sauraient relever le défi de l’émancipation et à la réciprocité, déjà présente et menacée d’épuisement, doivent s’ajouter les ressources redistributives de l’État.
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10.1332/204080511X560620 :Annexe
Annexe 1 : Les organisations d’économie sociale et solidaire étudiées
Notes de bas de page
1 Cet article est issu de la recherche menée par les auteures au CIRTES (Université catholique de Louvain, Belgique) dans le cadre du financement par Belspo du Pôle d’attraction interuniversitaire (2012-2017) “If not for profit, for what and how ?”. Site : http://www. iap-socent.be. Nous tenons à remercier Aurélie Damamme et Ela Callorda Fossati pour leurs commentaires très constructifs sur une version antérieure de ce texte. Les auteures restent seules responsables de ses imperfections.
2 La formule est empruntée à Delphy (1999).
3 On peut souligner les travaux précurseurs d’Isabelle Mahiou et de Madeleine Hersent (Mahiou et Hersent 1986) et les études réalisées par l’ADEL qui, dès les années 1980, ont eu pour objet la place des femmes dans l’économie sociale.
4 Nancy Fraser propose d’élargir la problématique du conflit central entre marchandisation et protection sociale posé par Karl Polanyi à un troisième projet qu’elle nomme « émancipation » et qui vise « à s’affranchir des formes de sujétion ancrées tant l’“économie” que dans la “société” » (Fraser 2013, 43).
5 Les codes allant de O1 à O7 renvoient aux sept organisations étudiées dans le cadre de cette enquête.
6 La politique de la ville consiste en un ensemble d’actions de l’État visant à revaloriser certains quartiers urbains dits « sensibles » et à réduire les inégalités sociales entre territoires.
7 Il faut préciser que dans les OESS qui comptent des salarié·e·s, les initiateur·trice·s sont également les employeur·e·s, en revanche dans les OESS qui comptent des bénévoles, les initiateur·trice·s ne sont pas les dirigeant·e·s.
8 La co‑initiatrice, O6, vivait en couple avec ces enfants au moment du montage du projet. Lors des entretiens, elle était séparée.
9 Il s’agit d’une caractéristique que la littérature confirme depuis plusieurs années (Preston 1994 ; Braley 2011).
10 En effet, 73 % des femmes salariées de l’ESS occupent un poste en CDI (contre 63 % pour les hommes, et 70 % tous sexes confondus), contre 84 % dans le privé (contre 85 % pour les hommes, et 84 % tous sexes confondus) (Tabariés et Tchernonog 2007 ; Braley 2011). Toutefois, seulement 56 % de salariées de l’ESS en CDI travaillent à temps complet (contre 80 % pour les hommes, par ailleurs elles sont 69 % dans le privé contre 90 % pour les hommes, elles sont 72 % dans le public contre 88 % pour les hommes). Étant donné que les femmes sont les plus nombreuses à travailler dans le secteur de l’action sociale et qu’il s’agit du secteur qui embauche le plus avec des temps non complets multiples, un grand nombre d’entre elles occupent des emplois à temps partiel (sans que l’on ne sache s’il s’agit d’un temps partiel subi ou choisi). Ainsi, le secteur d’activité qui emploie le plus grand nombre de femmes à temps non complet reste l’aide à domicile, avec un écart hommes femmes de 27 points et à peine 19 % de femmes à temps complet dans l’ESS (Braley 2011). La littérature mentionne aussi l’ambivalence qui est liée au temps partiel dans l’ESS, et des salariées qui apprécient même la flexibilité du contrat qui peut s’ajuster selon leurs contraintes personnelles, notamment la garde des enfants à laquelle les femmes sont massivement assignées (Dussuet et Flahault, 2012, 5).
11 Salaire minimum interprofessionnel de croissance, c’est-à-dire le salaire minimum horaire en France.
12 « Social relations – whether based on power or solidarity, hierarchy or equality – shape the meaning of money and, conversely, the use of money shapes social relations » (Guérin 2006, 565) « […] Gifting and other modes of reciprocity generate affective bonds that conceal the hierarchical nature of social relationships » (Rankin 2002 cité par Guérin 2006, 559).
13 En s’appuyant sur la conception de l’échange « naturel » d’Aristote, Karl Polanyi considère le troc comme étant « enchâssé » dans l’économie (Maucourant 2005).
14 L’hypothèse de la préférence pro-sociale est rendue caduque par d’autres courants de la littérature féministes qui plaident pour « a sharp distinction between those theories of women’s paid work experiences which emphasise structure and constraint on the one hand, and those which emphasise agency and choice on the other » (Pilcher 1999, 52).
Auteurs
Magalie Saussey est socio-économiste, docteure de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris, France). Elle est actuellement titulaire d’une bourse de recherche postdoctorale dans le cadre du programme de recherche PAI intitulé « If not for Profit, for What and How ? » qu’elle réalise au Centre interdisciplinaire de recherche Travail, État et Société (CIRTES) de l’Université catholique de Louvain (UCL) en Belgique. Ses recherches portent sur les organisations d’économie sociale orientées vers la production de biens et/ou de services (produits agroalimentaires, eau potable, action sociale, environnement…) en Afrique de l’Ouest et en France. Plus particulièrement elle s’intéresse aux savoirs, aux formes de reconnaissance et d’émancipation des femmes. Elle mène actuellement une recherche avec Florence Degavre sur les dynamiques de genre dans les entreprises sociales.
Florence Degavre est socio-économiste. Elle est chargée de cours à la Faculté Ouverte de Politique Économique est Sociale (FOPES) et coordinatrice de recherche au Centre de Recherches Interdisciplinaires Travail, État et Société (CIRTES) de l’Université catholique de Louvain (UCL). Ses intérêts de recherche portent sur le care qu’elle analyse dans une perspective féministe et polanyienne, et plus globalement, sur les régimes de care européens et leurs évolutions. Dans ce cadre, elle a mené des recherches sur l’introduction de dispositifs de quasi-marchés dans le domaine du maintien à domicile en Europe et sur l’innovation sociale dans le secteur. Elle s’intéresse également aux dynamiques de genre dans l’économie sociale et dirige actuellement une recherche sur la présence des femmes dans les entreprises sociales.
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Les silences pudiques de l'économie
Économie et rapports sociaux entre hommes et femmes
Yvonne Preiswerk et Anne Zwahlen (dir.)
1998
Tant qu’on a la santé
Les déterminants socio-économiques et culturels de la santé dans les relations sociales entre les femmes et les hommes
Yvonne Preiswerk et Mary-Josée Burnier (dir.)
1999
Quel genre d’homme ?
Construction sociale de la masculinité, relations de genre et développement
Christine Verschuur (dir.)
2000
Hommes armés, femmes aguerries
Rapports de genre en situations de conflit armé
Fenneke Reysoo (dir.)
2001
On m'appelle à régner
Mondialisation, pouvoirs et rapports de genre
Fenneke Reysoo et Christine Verschuur (dir.)
2003
Femmes en mouvement
Genre, migrations et nouvelle division internationale du travail
Fenneke Reysoo et Christine Verschuur (dir.)
2004
Vents d'Est, vents d'Ouest
Mouvements de femmes et féminismes anticoloniaux
Christine Verschuur (dir.)
2009
Chic, chèque, choc
Transactions autour des corps et stratégies amoureuses contemporaines
Françoise Grange Omokaro et Fenneke Reysoo (dir.)
2012
Des brèches dans la ville
Organisations urbaines, environnement et transformation des rapports de genre
Christine Verschuur et François Hainard (dir.)
2006