Enjeux de l’action publique dans la ville face aux mouvements sociaux
p. 227-248
Résumés
Les politiques « d’inclusion urbaine », avec la prise en compte des habitants des quartiers pauvres et des équilibres de genre à l’intérieur de la ville, peuvent être considérées comme des éléments de concrétisation du « développement durable » défini notamment par les organisations internationales. Dans ces processus, la construction de normes internationales a été suivie de l’élaboration d’outils locaux destinés à les appliquer et à répondre à la demande des mouvements sociaux et groupes d’action locaux. Dans les deux cas, la question est posée de l’efficacité des politiques publiques et de la liaison entre actions internationale, étatique et locale.
This article aims at highlighting the main theoretical and methodological aspects of our researches on the processes of change and development of the urban environment with a gender perspective. For seven years these researches were conducted in the cities of Havana and Santo Domingo with the participative research-action and popular education approach. Our work was structured by these elements. Among the policies that were established on our research sites with the participation of the communities, we followed and studied more specifically those policies that promote community participation in the definition of their projects for life on the territories where they live, following the equity and “urban inclusion” principles. Our studies helped stir and deepen the debate on asymmetries, especially on gender asymmetries. Our research, addressing social, urban, environmental and gender transformations in the specific context of the Cuban revolutionary process, generates very interesting reflections.
Las políticas «de inclusión urbana», que tienen en cuenta a los habitantes de los barrios pobres y los equilibrios de género al interior de la ciudad, pueden ser consideradas como elementos de concretización del «desarrollo duradero» definido particularmente por las organizaciones internacionales. En estos procesos, la construcción de normas internacionales fue seguida por la elaboración de herramientas locales destinadas a aplicarlas y responder la demanda de los movimientos sociales y grupos de acción locales. En los dos casos, se plantea la cuestión de la eficacia de las políticas públicas y de la relación entre las acciones internacionales, estatal y local. (acciones internacionales y locales, estatales y privadas).
Texte intégral
1Le colloque « Des brèches dans la ville » a montré comment les femmes intègrent leur action dans le processus d’aménagement urbain à travers leur participation aux organisations de quartier, à la fourniture des services et aux instances démocratiques. Ces initiatives s’inscrivent dans une démarche plus large qui cherche à rétablir les équilibres sociaux dans la ville.
2Ainsi, dans la ville en croissance, ces initiatives contribueraient-elles au développement durable, mais encore faut-il définir ce dernier. Le développement durable se positionne aujourd’hui comme une métanorme (Kelsen 1962, 1996, Axelrod 1986), un objectif politique visant à un processus de changement dans lequel l’utilisation des ressources naturelles et économiques est en harmonie avec les besoins humains et favorise notre capacité future à les satisfaire. Il établit une relation entre les systèmes socio-économiques et les environnements physiques. La dimension sociale du développement durable est essentielle : il cherche à préserver les capacités de résilience, c’est-à-dire l’aptitude des systèmes économique, social et physique à se reproduire dans le long terme en s’adaptant et en se renouvelant (Milbert, 2003) Il inclut l’équité sociale, y compris dans les relations de genre. Enfin, il intègre la responsabilité sociale et la prise en charge par le citoyen de sa responsabilité écologique.
3Cependant, le contraste entre les objectifs du développement durable et l’évolution des villes du Sud est si grand que l’on est en droit de s’interroger sur la capacité du concept à se concrétiser. Un objectif a donc été de le détailler et de le raffiner (Cunha, Ruegg, 2003), pour pouvoir le traduire en action publique.
4Le but de cet article est de montrer que, depuis les années 1990, de nombreux outils, stratégies ou méthodes ont été mis au point, en particulier au sein des institutions internationales, pour faire passer la métanorme « développement durable » dans la pratique, y compris dans sa dimension d’équité sociale. Les politiques « d’inclusion urbaine », y compris la prise en compte des habitants des quartiers pauvres et des équilibres de genre à l’intérieur de la ville peuvent être considérées comme des éléments de concrétisation de la métanorme. Dans les deux cas (réhabilitation de bidonvilles, équilibres de genre), la construction de normes internationales a été suivie de l’élaboration d’outils locaux destinés à les appliquer et à répondre à la demande des mouvements sociaux et groupes d’action locaux. Dans les deux cas, la question est posée de l’efficacité des politiques publiques et de la liaison entre actions internationale, étatique et locale.
La vulnérabilité des villes du Sud et des quartiers pauvres
5La plupart des villes du Sud sont caractérisées par une vulnérabilité grandissante, qu’elle soit sociale, infrastructurelle ou industrielle. Des déficits très importants en matière de services essentiels (Milbert, 2003 : 315) rendent la vie quotidienne très difficile. Les problèmes d’accès à l’eau ont été largement documentés (Zerah, 1999), de même que l’accès à l’éducation, aux soins de santé (Obrist and Tanner, 2002, Harpham, 2002), aux transports (Deike, 2005) et à l’électricité (Ruet, 2001). Cet article tentera donc de se concentrer sur la réhabilitation des quartiers pauvres, enjeux centraux du développement durable et de la relation entre mouvements sociaux et politiques publiques.
6La féminisation de la pauvreté dans les villes et l’impact plus lourd de la pauvreté sur les femmes des bidonvilles ont été largement documentés. Caren Levy, dans le secteur des transports, Jo Beall, dans le secteur de la santé, Ann Schlyter dans le domaine de l’habitat, ont longuement décrit les conséquences des déficits en services pour les femmes vivant dans la ville et sur les mesures que devraient prendre les autorités (Levy, 1991, Beall 1995). Par ailleurs, les travaux de recherche de Caroline Moser se sont concentrés sur la demande en infrastructure des femmes et les impacts de la pauvreté et de la violence en milieu urbain, et sur les moyens d’y remédier, en particulier en Amérique latine (Moser, 1987, 2001). Ces travaux sont donc très orientés vers les mesures concrètes de politiques publiques qui prendront en considération la demande spécifique des femmes dans la ville.
7A ce titre, l’exemple des grandes villes indiennes apparaît particulièrement éclairant. Ces dernières connaissent une forte croissance économique, qui est aujourd’hui mise au défi par les questions environnementales et la croissance des inégalités sociales. En cela, elles constituent un excellent laboratoire d’analyse. Les bidonvilles, qui abritent jusqu’à 50 % de la population dans les plus grands centres urbains (Mumbai, Kalkota, Chennai), sont le témoignage de la faillite des politiques publiques nationales et de projets internationaux qui ne sont pas parvenus à se généraliser à l’échelle de la ville. Les bidonvilles sont à l’épicentre des risques environnementaux urbains. Leur aménagement et la prise en compte des besoins des habitants nécessitent des investissements importants, qui sont la condition indispensable au fonctionnement correct de la ville, en particulier dans une économie globalisée. Les femmes des quartiers pauvres s’y trouvent particulièrement pénalisées, en situation de danger permanent, non seulement par leur pauvreté, mais aussi du fait de leur spécificité de femmes : non-reconnaissance de nombreux droits citoyens, absence de services qu’elles doivent compenser par un surcroît de travail, non-prise en considération de préoccupations spécifiques, vulnérabilité face à une violence grandissante, situations personnelles dramatiques (Parkar, Fernandes and Weiss, 2003).
La construction de normes au niveau supranational
8Pour faire face aux défis créés par la triangulation croissance/menaces environnementales/exigences de développement social, l’organisation de conférences internationales a constitué une tentative de créer un consensus autour de normes de droit, de stratégie et d’action, y compris l’inclusion de nouveaux acteurs.
9Au cours des trente dernières années, les mêmes cercles internationaux ont promu l’élaboration et la mise en œuvre de normes ayant trait à l’inclusion urbaine (c’est-à-dire l’intégration sociale et économique de tous les habitants de la ville) et la reconnaissance du rôle des femmes dans le développement, avec la prise en compte de leur spécificité. Cette interface est apparue évidente dans le court laps de temps qui a séparé la Conférence de Beijing (1995) et celle d’Istanbul (1996). « In 1994, the Super Coalition on Women, Homes, and Community was formed from four worldwide networks so that women working on community development could be involved in Habitat II planning and could incorporate human settlement issues into the Fourth World Conference on Women (WCW) and it attendant NGO (nongovernmental organization) Forum. The Super Coalition paved the way for grassroots women to contribute ideas to the Preparatory Committee for Habitat II. When the women discovered that many of the gains achieved at the WCW were not reflected in the Habitat agenda, they drafted amendments that were later discussed by official bodies. The women also lobbied delegations and governmental groups on gender issues and found that many of their concerns were included in bracketed paragraphs for further consideration during Habitat II. Another success occurred when the Secretary-General of Habitat II appointed many women to the newly-created Huairou Commission, which will offer advice on gender issues and highlight women’s concerns during Habitat II » (Abbott 1996).
10La Déclaration d’Istanbul et l’Agenda d’Habitat réaffirment leur engagement pour améliorer la qualité de la vie et progressivement appliquer la promesse d’un droit au logement. L’Agenda d’Habitat s’engage à poursuivre les objectifs d’augmentation de l’offre de logement accessible financièrement, à mettre en œuvre des stratégies d’aménagement urbain durable (« sustainable urban development »), à adopter des stratégies de partenariat et de participation, à mobiliser les ressources financières nécessaires à ce programme. (Devas, 1999) Dans cette tentative normative, on peut considérer que l’Agenda d’Habitat a été élaboré d’une façon relativement consensuelle, puisque la Conférence d’Istanbul a rassemblé un nombre et une diversité d’acteurs sans précédent pour le secteur urbain. Cela aussi bien dans la conférence officielle, aux côtés des représentants nationaux, que dans les très nombreuses manifestations annexes, associant ONG, mouvements de femmes, groupements citoyens, secteur privé, représentants officiels et organisations internationales.
11Dans cette période des trente dernières années, de nombreuses autres conférences internationales ont abordé les politiques de la ville sous d’autres angles, qu’il s’agisse des droits de l’homme, du statut de la femme (Beijing, 1995), du développement social (Copenhague, 1995, Genève, 2000). Mais les débats les plus cruciaux ont eu lieu lors des trois principales conférences sur l’environnement, qu’il s’agisse de la Conférence de Stockholm sur l’environnement en 1972, de la Conférence sur l’environnement et le développement (Sommet de la Terre) à Rio en 1992 ou du Sommet mondial de Johannesburg en 2002. L’un des principaux résultats de la Conférence de Rio a été l’élaboration de l’Agenda 21, qui a eu de nombreuses conséquences concrètes sur les modalités de gestion de l’environnement urbain, au Nord et au Sud.
12En septembre 2000, une large majorité des chefs d’Etat a signé la Déclaration du Millenium, qui se veut l’agenda le plus complet concernant les objectifs de développement. Officiellement, les MDG renforcent, entre autres, les engagements pris à Beijing concernant les droits des femmes et à Istanbul concernant l’inclusion urbaine. Cette nouvelle façon de mettre en œuvre des normes d’action a été largement relayée à l’intérieur des pays, et saluée comme une méthode, beaucoup plus concrète et coordonnée, de concentrer les objectifs de diverses institutions (de recherche, de coopération, entreprises privées, fondations etc.) sur des priorités clairement exprimées et réalisables. De cette façon en effet, les MDG « insistaient non seulement sur les ressources mais aussi sur les capacités ». Les MDG ont certainement eu l’avantage de focaliser l’attention sur un certain nombre de problèmes clés énoncés de façon simple, et d’aider les institutions, y compris dans les pays du Nord, à coordonner leur action en direction de certains objectifs. On peut craindre dès à présent le sous-dimensionnement de ces objectifs, et, de nouveau, les difficultés de la mise en œuvre.
13Le Sommet de Johannesburg en 2002 (Rio+10), a réaffirmé son engagement vis-à-vis de l’Agenda d’Habitat et des Millenium Development Goals et a réaffirmé l’engagement des pays signataires à mettre en œuvre un certain nombre de normes : promouvoir la sécurité foncière et l’accès à la terre pour tous, promouvoir l’accès à l’eau potable, l’assainissement et les services de base pour les groupes vulnérables, mettre en œuvre la réhabilitation des bidonvilles et la régularisation des quartiers spontanés. Le lien avec le rôle des femmes est fait à travers l’objectif : « Promote gender equality and empower women ». Tout comme le Sommet de Rio, le Sommet de Johannesburg a donc reconnu la réalité de l’habitat de pauvreté et rappelé « the need to address, in an integrated manner, poverty, homelessness, unemployment, lack of basic services, exclusion of women and children and of marginalised groups, including indigenous communities, and social fragmentation, in order to achieve better, more liveable and inclusive human settlements worldwide ».
14Ces grandes conférences ont eu l’énorme avantage de mettre les différents acteurs face à face, d’établir un dialogue, et de faire naître la conscience du fait que l’habitat de pauvreté en milieu urbain constitue un désastre humain, environnemental, social et économique. Elles ont tenté d’édifier des normes de droit, tel le droit à l’habitat, sans y parvenir complètement. Elles ont tenté d’édifier des normes de stratégie et d’action, qui restent larges, difficiles à appliquer concrètement et non traduites en financements internationaux.
15La construction de ces normes montre d’évidence un front commun d’acteurs qui promeuvent avec la même énergie les principes de l’équité de genre, l’exigence de la participation démocratique, les droits sociaux (droit à l’habitat, à la santé, à l’éducation…), la lutte contre la pauvreté et le montage d’une stratégie de développement durable urbain. Ces conférences internationales, en particulier Rio et Istanbul, ont puissamment contribué à la reconnaissance de nouveaux acteurs sur la scène urbaine, tels que municipalités, mouvements sociaux, groupes d’action locaux et mouvements de femmes. Il en est résulté une modification profonde des stratégies et des projets urbains, qui ont désormais visé à développer l’interaction entre l’action publique et une « société civile », qui, dans l’esprit des organisations internationales, englobe l’ensemble des acteurs locaux.
16On peut cependant questionner le rôle de ces conférences internationales, et mettre en doute la validité de la tentative normative, à la lumière crue de financements fortement déclinants. En ce qui concerne les Etats du Sud, cette priorité est venue s’ajouter à la pile des injonctions, à un moment où ils disposaient de budgets et de pouvoirs amoindris et tandis que la libéralisation donnait le beau rôle aux initiatives privées. L’aide dans le secteur urbain a cessé d’être affiché comme une priorité dans la majorité des agences de coopération bilatérales, dans les années qui ont suivi la Conférence d’Istanbul (1996). Pis encore, les agences internationales qui ont le plus vigoureusement soutenu le dynamisme des villes et appuyé le principe de la réhabilitation de bidonville et du logement pour le plus grand nombre ont, dans le même temps, diminué leurs propres financements et réorienté leurs priorités, au point que le secteur urbain a pratiquement disparu des organigrammes et des statistiques de l’aide au développement. Leur stratégie globale et même leur idéologie ont aussi eu un impact sur l’aménagement urbain : elles ont insisté sur la suppression des subventions.
17D’une certaine façon, on peut donc poser la même question pour le développement durable urbain que pour l’objectif de l’équité de genre : tandis que la question est discutée au niveau international et que les principes d’action sont avalisés, le contenu du dossier s’avère beaucoup plus difficile à mettre en œuvre que prévu sur le plan politique.
18Malgré une conjonction qui paraissait très favorable, on constate, dix ans après Beijing, que les bilans de la mise en œuvre de l’Agenda d’Habitat ne prennent que faiblement en compte les avancées concernant les femmes (Commonwealth Human Ecology Council for Com-Habitat, 2005). Tout au plus ces évaluations notent-elles l’augmentation du nombre de femmes conseillères municipales, qui s’explique en Inde par la politique de sièges réservés, et l’apparition de mesures favorisant le crédit à la petite entreprise. Dans ce cas, les femmes sont mentionnées de concert avec les basses castes et les personnes handicapées comme bénéficiaires de ces crédits, à titre social.
La construction de quatre types d’outils communs aux objectifs d’inclusion sociale et d’équité de genre
19En moins de vingt ans, les modalités de participation à la gestion de la ville ont considérablement évolué, au Nord (Le Galès, 1996) comme au Sud (Baud and Post, 2004). De nombreuses villes semblent progresser vers un objectif de développement durable, avec le soutien de méthodes et d’outils renforcés. Les agendas 21 ont permis de mettre en œuvre des plans de développement prenant en compte les contraintes environnementales. Les programmes de gestion urbaine, les projets participatifs, la transparence des budgets se sont multipliés sans se généraliser.
20Il est reconnu que le développement des quartiers pauvres exige une interaction et un minimum d’intérêts communs et de consensus entre une multiplicité d’acteurs, dont un certain nombre de chercheurs se sont appliqués à analyser le statut et les ressources. Nous ne reviendrons donc pas sur une description détaillée de ces différents acteurs, dont Nick Devas dresse la liste : les agences internationales définissent des normes en interaction avec les autres acteurs, appuient les politiques publiques, en accord avec le gouvernement central, les municipalités, les établissements publics et les autorités déconcentrées, les chefs traditionnels, les représentants du secteur privé, le secteur informel. Les ONG, y compris les groupes d’actions locaux et les organisations ayant leur siège à l’étranger, jouent à la fois un rôle de groupe de pression et, par leur proximité avec la population, permettent de définir les besoins réels de celle-ci et d’organiser leur participation. Les organisations de la société civile formelle, tels les syndicats, les partis politiques ou les organisations représentatives des groupes religieux, relaient l’effort des autorités et facilitent l’établissement d’un consensus. Les organisations locales, fondées sur la communauté, permettent, avec les slum leader, d’organiser le dynamisme des hommes et des femmes des quartiers pauvres.
21L’analyse des relations de pouvoir qui président à l’aménagement d’un quartier s’est donc considérablement complexifiée. Il n’est pas certain que, sur le terrain, ces relais interinstitutionnels, permettant à des normes fixées sur le plan international de se concrétiser, apparaissent aussi simples que leur description officielle. Nous avons ainsi identifié quatre points de débat, en évolution rapide, qui nous paraissent des points clés pour l’évolution des politiques publiques urbaines au cours des prochaines années : les alliances entre institutions globales et locales, l’évolution de la décentralisation, le développement des mécanismes de participation, les questionnements autour de l’accès à la citoyenneté.
Contestation du niveau étatique et alliances entre institutions globales et locales
22Une des explications concernant la situation grave dans laquelle se trouvent les villes du Sud porte sur une évaluation négative des politiques publiques. Ainsi, la Cities Alliance rappelle, en introduction de son rapport d’activité, que « Many cities suffer from the effects of genuinely bad national and local urban policies, including misguided incentives, little financial autonomy, and consistent exclusion of much of the population on which the cities depend. And given inadequate policy responses, inequality is also growing. This challenge is greatest in Sub-Saharan Africa and South Asia, where slum dwellers now make up the majority of urban populations and where, not coincidentally, policies have been the weakest. » Dès le début des années 1990, les organisations internationales ont perçu les lacunes d’une approche top-down par projet, et la nécessité de construire des partenariats aboutissant à des politiques publiques ciblées.
23Mais ces injonctions internationales en matière de politiques publiques sont venues se contredire avec d’autres, au lieu de se compléter : ainsi les plans d’ajustement structurel et la libéralisation ont affaibli les Etats du Sud. L’action publique a été dénigrée, les Etats attaqués en particulier dans leur rôle de planificateur, de financier du logement, de régulateur du foncier, et surtout dans leurs responsabilités vis-à-vis du logement social. Ces fonctions, directement critiquées pour leur gestion et leur coût grandissant, ont souvent été fortement diminuées et au mieux confiées au bénéfice d’institutions privées ou semi-privées. Si certaines d’entre elles ont pu connaître un large succès (d’ailleurs aujourd’hui contesté), telles HUDCO pour le logement social ou SULABH International pour l’assainissement en Inde, nombre d’autres n’ont pas rempli leurs objectifs vis-à-vis des 40 % les plus pauvres des habitants des villes. Les agences internationales, porteuses d’objectifs de libéralisation économique, ont été critiques face aux subventions, y compris les subventions croisées, sans lesquelles il est difficile d’envisager une réhabilitation de bidonvilles et l’installation de services rendue particulièrement coûteuse par la densité démographique. Mais sans subventions ou sans compensations concrètes et immédiates en propriété foncière, le logement du plus grand nombre n’intéresse pas le secteur privé, comme le montre le rapport Mckinsey intitulé « Vision Mumbai » (Katakam 2003). Il est clair que la croissance économique, si elle profite aux autorités urbaines, peut permettre la mise en place de mesures de relogement. Cependant, en général, bidonvilles et bidonvillois sont une gêne à la croissance, symbolique et physique, et le besoin de terrains provoque la destruction des bidonvilles et la précarisation des bidonvillois.
24Ces constats ont conduit à la nécessité de créer des alliances contractualisées entre acteurs internationaux, nationaux et locaux, mettant en avant ce que l’on appelle la gouvernance multi-niveaux. L’idée est de créer un partenariat entre acteurs, qu’il s’agisse d’organisations internationales, d’ONG ou de groupes d’actions locaux. Elle implique de façon grandissante les citoyens et leurs délégués. La contractualisation est soumise aux règles de la « bonne gouvernance ». Enfin, la présence de plusieurs financeurs réduit les dépenses de chacun, au moment où bien peu d’agences de coopération donnent la priorité à la ville.
25C’est ainsi que de très nombreux types d’« alliances » et « d’initiatives » se sont mises en place dans le secteur urbain au cours des dix dernières années, y compris dans les villes du Nord (tree city initiative, children friendly city initiative, green city initiative, safe sity initiative …). Des groupes de femmes y jouent souvent un rôle clé et savent mettre en avant des questions nouvelles et spécifiques liées à leur insertion dans la ville, par exemple dans le cas de familles monoparentales. L’idée de la contractualisation associant des acteurs locaux est une pierre angulaire de la coopération décentralisée et des unions de villes. La recherche d’alliances est aussi à la base des city consultations du Programme de gestion urbaine, qui a été créé pour favoriser les cofinancements de projets urbains, et qui a systématiquement appuyé les initiatives locales, en particulier lorsqu’elles étaient issues des organisations de femmes.
26Mais l’exemple le plus achevé de cette démarche est la Cities Alliance, lancée en 1999 par la Banque mondiale et Habitat (UNCHS), qui se caractérise par une approche extrêmement positive et dynamique de la ville, qui affiche la reconnaissance de la valeur productive des habitants pauvres des villes, qui met en place les circuits de négociation et de prise de décisions permettant d’associer habitants et gouvernements locaux dans des politiques pro poor. Des équipes associant chercheurs et praticiens, villes du Nord et du Sud, organisations internationales et différents niveaux de gouvernement effectuent un important travail sur les organisations, sur les méthodes d’intervention et sur la coordination des acteurs.
27Cependant, ces alliances avec des institutions locales ne constituent pas en elles-mêmes un succès, mais seulement une condition du succès. En toute bonne foi, au cours de ces vingt dernières années, les chercheurs spécialisés sur l’habitat de pauvreté dans les villes du Sud ont cherché à montrer les méthodes qui marchent, les réussites, les « best practices ». Malheureusement, ces initiatives passionnantes sont souvent restées à l’état de projets pilotes et se sont avérées difficiles à reproduire.
28Les citer en exemple, et vouloir croire que ces réalisations constituaient en elles-mêmes des voies qu’il suffisait de décrire pour qu’elles soient reproduites, a créé une atmosphère optimiste qui a satisfait tous les acteurs : les ONG et les bailleurs, qui considèrent ainsi avoir trouvé une méthode, les chercheurs et les disséminateurs d’information qui ont à proposer autre chose qu’une vision lugubre de la situation sociale dans les villes du Sud, et surtout les responsables des politiques publiques, que ces projets et initiatives dispensent d’une stratégie à long terme.
Les perspectives de la décentralisation
29La décentralisation permet d’allier démocratie représentative et participative elle serait donc le bon outil pour promouvoir l’élaboration d’une stratégie de développement durable, prenant en compte les enjeux liés au genre. La décentralisation permet le renforcement d’un nouveau système de gouvernance, qui entérine l’affaiblissement de la relation de tutelle avec l’Etat central, privilégie la négociation entre acteurs (chacun d’entre eux disposant d’une parcelle de pouvoir) et qui renforce les capacités de promotion économique de la ville (Le Galès, 1995). L’action de la municipalité décentralisée s’exerce à travers la réglementation, par sa présence sur le terrain et grâce à plusieurs types de mesures qui ont un impact direct, positif ou négatif, sur le niveau de vie des habitants des bidonvilles : l’accès à la terre et au logement, l’accès aux services tels que santé, éducation, eau, assainissement, l’exercice de la citoyenneté, l’action en faveur d’un meilleur environnement, et même, de plus en plus souvent, les mesures en faveur de la création d’emplois.
30La division des fonctions entre Etats, autorités régionales et municipalités est loin d’être clarifiée dans de nombreux pays, et la gestion urbaine constitue l’un des points les plus délicats à régler, ne serait-ce que parce que la croissance urbaine et la gestion des services nécessitent une approche bien plus large que les limites municipales ; nombre de bidonvilles périphériques se développent aujourd’hui largement au-delà des frontières administratives de la ville. Il a été établi que la démocratisation au niveau local a permis l’apparition de nouvelles capacités d’initiative et une meilleure participation des citoyens (Fiszbein, 1997). Il reste que les instruments financiers à la disposition des municipalités demeurent faibles, et que peu d’entre elles sont équipées pour mener à bien une politique répondant aux besoins pour le plus grand nombre. La maîtrise des services techniques par les municipalités est le plus souvent peu performante. Dans l’ensemble, la marge de manœuvre de la municipalité est limitée, qu’il s’agisse de sa relation aux institutions de tutelle, de sa situation politique ou de ses capacités financières, du fait de la très faible élasticité des impôts.
31Les difficultés, et parfois les réticences du gouvernement local à mettre en œuvre une politique structurée qui inclurait réhabilitation des bidonvilles et croissance maîtrisée sont aggravées par le fait que les habitants des quartiers pauvres, hommes et plus souvent encore femmes, ne possèdent souvent pas de carte d’électeur local. Leur inscription comme électeur est en milieu rural, voire dans une autre région, tandis que les électeurs de la classe moyenne, avec lesquels il est aisé de construire une politique efficace de concertation (Kundu, 2005), ont souvent comme premier objectif de voir disparaître les bidonvilles qui gênent le développement de leur quartier ou de leurs activités. Les habitants des bidonvilles ne font pas partie des priorités des municipalités.
32La question de l’efficacité des politiques de lutte contre la pauvreté dans un contexte décentralisé reste donc un débat en cours. Les dépenses en direction des groupes sociaux défavorisés n’ont pas augmenté, (Campbell et al 1991 p. 34), même si on assiste parfois à une meilleure répartition des investissements en infrastructures sociales (Ranis and Stewart, 1994). De même, l’efficacité de la politique de décentralisation pour la promotion des femmes en politique n’est pas démontrée (Milbert 1995, Tawa-Lama 2004). Dans le jeu des élites, il apparaît souvent plus facile d’être élue députée au niveau national en appartenant à la famille d’un politicien connu, que d’être élue au sein d’une communauté locale, sauf dans le cas, tel que l’Inde, où une politique de réservation de sièges pour les femmes a été mise en place en même temps que la décentralisation.
33Les politiques de décentralisation, en déchargeant l’Etat de nombreuses responsabilités et en confiant aux villes la responsabilité de la gestion des quartiers pauvres, ont créé de fortes disparités. Tandis que certaines villes, exemplifiées par les Best Practices et la Cities Alliance, parvenaient à mener à bien des aménagements et des réformes, la majorité des villes décentralisées n’ont jusqu’à aujourd’hui ni les moyens ni la volonté politique de s’attaquer aux différentes composantes de « l’inclusion sociale ».
L’impératif de la participation
34L’option de la participation avait, dès les années 1970, été intégrée à une stratégie assez modeste de réhabilitation de bidonvilles, celle de l’UNICEF avec les Urban Basic Services, dont l’exemple le plus achevé a été développé à Hyderabad (Inde). Cette initiative a mêlé la participation active des habitants et l’effort de la municipalité, appuyée par l’UNICEF, pour apporter les services minima à la population de plusieurs bidonvilles, tels que les adductions d’eau, l’assainissement, les services d’éducation pour les enfants et les femmes, des services de formation et de santé. Ce programme a eu une influence importante sur la stratégie indienne de planification participative. Cependant, nos visites répétées sur les sites de ces projets montrent une absence de continuité dans le suivi aussi bien par la municipalité que par la communauté, résultant dans de nombreux problèmes de maintenance des services.
35De nombreuses ONG exécutent des projets de façon ponctuelle, dans les quartiers de bidonvilles, en essayant de répondre à la demande de la population locale, en général avec des financements internationaux. Un certain nombre de ces opérations, systématiquement citées, ont connu un grand succès du fait de la participation importante de la population. Cet engagement a parfois été structuré à travers des coopératives. La plus documentée est sans doute le Orangi Pilot Project à Karachi, qui fonctionne depuis les années 1980. De même, le programme d’inclusion sociale de Santo Andre a permis l’amélioration des conditions de vie de 16’000 habitants de favelas dans cette municipalité du sud de Sao Paulo. Le programme participatif développé à Dakar, lancé à la fin des années 1990, cherche à rendre l’initiative aux associations de quartier, et touche environ 1 million d’habitants (Legros, 2004). Dans les cas où ces opérations fonctionnent et prennent une dimension à l’échelle de la ville, on constate toujours les mêmes caractéristiques une municipalité très engagée, un sursaut citoyen, la participation active des habitants des quartiers pauvres (y compris les femmes), une bonne communication et des financements continus pendant plusieurs années. Mais il arrive aussi que les projets se terminent discrètement en quelques mois. Les financements reçus par l’ONG se sont taris, ou des intrigues politiques ont eu raison de la priorité donnée à ce quartier, laissant alors la population du bidonville dans une situation de frustration extrême et d’espoirs déçus.
36Legros (2004), dans ses enquêtes en Tunisie et surtout au Sénégal, s’est trouvé confronté à une participation d’opportunisme. Il a bien montré l’importance des évolutions en matière de participation démocratique et administrative, à l’égard de l’allégeance politique, à Tunis, ou à l’égard de mécanismes de « participation obligée », à Dakar, pour accéder aux financements de projets d’équipement : « dans la banlieue dakaroise, la règle de l’allégeance politique cède aujourd’hui le pas à celle de la “participation obligée”. Lorsque l’Etat était le principal fournisseur d’équipements, ces derniers étaient diffusés via les canaux du parti au pouvoir, certainement à des fins de fidélisation de la société. Accéder aux équipements nécessitait donc d’intégrer les clientèles politiques de l’Etat-parti et de prouver ainsi son soutien au régime en place. (…) Par exemple, à Yeumbeul, dans la banlieue de Dakar, des projets de lutte contre la pauvreté sont initiés par l’aide internationale et par les ONG. Ces projets combinent des actions d’équipement ou d’amélioration du cadre de vie avec des actions de soutien aux initiatives locales, dans le domaine social ou économique. La conditionnalité aux financements, par exemple, entre autres, de la coopération canadienne, est liée à l’appartenance à des associations, lesquelles ont comme point commun d’être des organisations reconnues par les pouvoirs publics malgré leur variété : associations de quartiers, associations sportives et culturelles, groupements d’intérêt économique, groupements de promotion féminine… » Les règles fixées par l’Etat et par les agences internationales sont donc parfaitement assimilées par la population, qui s’adapte avec une grande souplesse aux exigences de « participation » fixées par les instances de financement.
37Sans vouloir, en aucun cas, déprécier ceux qui, à l’intérieur des quartiers, savent représenter et défendre leur communauté avec courage et droiture, notre expérience personnelle en Inde du nord nous amène à constater que le leadership dans le bidonville est assuré uniquement par des hommes dont le statut est souvent douteux : les slumlords, appelés à New Delhi les pradhans. Il est rarissime que ces personnes soient élues ou désignées dans une assemblée. Les bidonvilles sont souvent divisés, par ethnie, par religion, par caste, par origine géographique ou par statut social. La puissance de ces hommes se révèle de façon informelle : ils conquièrent leur position grâce à leur entregent, leur aptitude à se positionner entre les différentes administrations et les habitants du bidonville. Cette capacité peut s’expliquer par leur appartenance à un parti, à une communauté religieuse, ou du fait de leurs qualités personnelles. Certains mettent en avant leur capacité à écrire, écouter et conseiller, et surtout connaissent des intermédiaires à l’intérieur de l’administration.
38Il est frappant de constater que ces leaders sont redoutés beaucoup plus qu’ils ne sont aimés et respectés. Au sein d’un même bidonville, leur territoire est très défini, et souvent ils ne se risquent pas à pénétrer dans les ruelles voisines, territoire d’un autre leader. Leur rôle demeure très ambigu, même s’ils se présentent en direction de l’extérieur comme des « travailleurs sociaux », « slum leaders », tout dévoués à la cause de leur quartier. Propriétaires informels des huttes, usuriers, intermédiaires monnayant leur entregent vis-à-vis de petits employés de l’administration, voici l’autre visage de la plupart de ces pradhans. Même lorsque leur travail peut véritablement s’apparenter à celui de « travailleur social », par exemple pour aider à la réinsertion d’un enfant à l’école, organiser l’accès aux cartes d’identité, faciliter les soins de santé pour une femme, s’informer sur les possibilités de relogement, force est de constater que le réseau fonctionne d’abord et principalement en fonction de leurs intérêts personnels et ceux de leur famille. La principale force des pradhans est leur réseau d’information et leur capacité à connaître, même par bribes, des mesures politiques à venir, qu’ils ne distilleront que parcimonieusement, qu’il s’agisse du lieu du resettlement, de l’administration en charge de l’opération, de la procédure… (cf. Lavigne et Milbert, 1983). Ces exemples montrent que les individus ne peuvent relayer pleinement les institutions dans « l’intermédiation sociale » telle qu’elle est décrite par F. Navez-Bouchanine (1997). Certes, comme le rappelle Legros, le leadership local est largement tributaire de l’aptitude des individus à pénétrer les rouages du système politico-administratif : « les systèmes d’action liés à la revendication des équipements de base esquissent dans la banlieue tunisoise, comme dans la banlieue dakaroise d’ailleurs, un pouvoir local largement déterminé par l’aptitude de personnalités locales ou d’individualités fortes à servir d’intermédiaires entre la population et les institutions publiques ». Mais, selon notre expérience à New-Delhi et Kanpur, ce pouvoir local, une fois conquis, sert à l’intermédiaire à entrer dans le cénacle du pouvoir au lieu de promouvoir le quartier qui l’a élu.
39La plupart des municipalités sont très peu armées pour mettre en œuvre la participation, si tant est qu’elles ont la volonté de la faire fonctionner auprès des habitants des bidonvilles. L’UNICEF en a fait l’amère expérience au Karnataka, lorsque les femmes promues « animatrices de quartier » se sont trouvées, à leur corps défendant, manipulées politiquement, selon l’exemple donné par E. Palm (1998). De même, Banashree Banerjee, à propos du programme APUSP en Andhra Pradesh (Inde) montre comment le gouvernement central a mis à disposition des autorités locales des fonds spécifiques destinés aux femmes les plus pauvres, dans le cadre de ses programmes de lutte contre la pauvreté urbaine. Les municipalités sont chargées de mettre en place des structures de groupes d’action locaux dans les bidonvilles, pour permettre la mise en place de ce programme. Alors que l’Andhra Pradesh est l’un des Etats les plus progressistes, pourtant les mécanismes de participation n’ont pas été mis en place dans la plupart des villes. Les femmes « représentantes » n’ont pas été formées pour mettre en œuvre le projet. Quelques individus, parmi lesquels des élus, prenaient les décisions à leur place et gardaient le contact avec la municipalité. La plupart des municipalités n’avaient pas les équipes ou les structures pour assurer la formation et le fonctionnement des groupes d’action locaux. Ils avaient néanmoins accepté immédiatement le projet et ses financements (APUSP, 2000, Banerjee, 2002). La question est donc de savoir si les formes de participation introduites par l’aide internationale vont prendre racine, permettre de dépasser les clivages et les clientélismes et modifier le rapport traditionnel hommes-femmes qui continue à structurer les relations à l’intérieur des municipalités et des quartiers, y compris les bidonvilles.
Citoyenneté et mouvements sociaux
40Dans de nombreuses villes indiennes, les bidonvillois sont considérés comme des « citoyens de seconde zone ». S’ils ne font pas partie d’un bidonville « reconnu » (notified), ils ne sont pas reconnus officiellement comme des habitants de la ville. Tous les efforts faits pour redonner une capacité d’initiative au citoyen, comme cela a été le cas à Delhi, vont vers les classes moyennes. Or celles-ci expriment un fort antagonisme vis-à-vis des habitants des bidonvilles. Cet antagonisme a toujours existé, mais il est aujourd’hui renforcé par l’appétit social et, paradoxalement, par la décentralisation et par la mise en œuvre de la démocratie locale, qui est dirigée vers les habitants officiels de la ville., La situation semble moins tranchée dans les villes latino-américaines. Cependant, rarissimes sont les villes dont les maires, tel Celso Daniel, maire de Santo Andre, ont eu le courage de s’attaquer aux intérêts établis pour essayer de résoudre frontalement la question des bidonvilles, parfois au prix de leur vie.
41On pourrait craindre qu’il n’y existe pas encore un système d’alliances suffisamment solide pour qu’un front international se crée et soit capable d’interférer dans le rapport de forces existant entre habitants du bidonville et pouvoir en place. Si l’on prend le cas des évictions à Mumbai et à Delhi, par exemple, celles-ci se sont multipliées au cours des trois dernières années, de façon discrète et efficace. Les bidonvilles sont éliminés un par un, par bulldozer, sans provoquer beaucoup d’émoi dans la presse locale et aucun écho dans la presse internationale. Des groupes d’action civiques créés au niveau international font circuler l’information parmi les spécialistes, lesquels réagissent avec les armes habituelles de l’advocacy, par courriers et campagnes de pétitions.
42On assiste donc à une série d’initiatives pour fédérer les grassroots movements sur le plan global, pour en faire un mouvement social transnational, comme cela s’est produit après la Conférence de Beijing, avec les mouvements de femmes (Batliwala, 2002). Certains de ces réseaux possèdent ancienneté, audience et un bon système d’informations, tel Habitat International Coalition, qui documente les grossières violations du droit à l’habitat, par exemple les évictions de mai 2005 à Harare (Zimbabwe). D’autres réseaux, plus locaux, et auxquels participent de nombreuses femmes, répondent aux mêmes objectifs de rassemblement de mouvements sociaux d’habitants et de mise en œuvre du droit à l’habitat (Afrique du Sud).
43Cependant, on remarque en Inde un paradoxe. D’une part, les mouvements de femmes y sont particulièrement développés ; les femmes ont participé activement aux manifestations agraires et au processus politique d’accession à l’Indépendance, et leur lutte a été couronnée de succès dans des nombreux combats liés au statut de la femme, au respect des droits humains, à l’accession à l’égalité entre hommes et femmes. Les Indiennes sont bien représentées dans les réseaux internationaux et dans les mouvements transnationaux liés à l’équité de genre. Elles ont également un bon accès aux sphères de la décision, et elles sont fréquemment parvenues à obtenir des modifications de la loi, à leur avantage, dans des circonstances rapides. Ainsi, à partir d’exemples tels que la loi de 1994 interdisant l’avortement sélectif de fœtus de sexe féminins, ou à partir de la mise en place des lois prenant en compte les conclusions de la Conférence de Beijing en 1995, on peut considérer que les mouvements sociaux ont un accès transparent aux milieux politiques, ce qui favorise la mise en œuvre de politiques publiques favorables à la condition féminine (la question de l’application de ces législations est d’un autre ordre de difficulté). Dans l’ensemble, les mouvements de femmes en Inde restent aujourd’hui préoccupés par des sujets qui ont trait au statut de la femme : bride-burning, dot, statut de la famille, égalité des femmes dans un Etat de droit. La préoccupation concernant la sécurité des femmes dans la ville est assez nouvelle, elle est discutée depuis l’apparition du travail de nuit pour les femmes de la classe moyenne (en particulier du fait des call centers).
44D’autre part, on constate le silence autour des politiques urbaines et la faiblesse des ONG de femmes qui s’y intéressent spécifiquement. De très nombreuses associations de femmes militent et travaillent dans les villes, mais très peu travaillent de façon directe sur l’aménagement, aux services et l’environnement de la ville. Peut-on donc faire l’hypothèse que les femmes indiennes, contrairement à la démarche menée par C. Lévy, J. Beall et C. Moser au cours des années 1990, ne voient ni la ville ni leur quartier selon une perspective de genre ? Cette situation semble en contraste avec de nombreuses situations latino-américaines, en particulier au Brésil, en Argentine ou au Pérou, où des femmes ont pris la tête de mouvements de lutte pour des logements, pour des services essentiels ou pour la conservation de l’environnement (Hainard, Verschuur, 2005), Nos recherches de terrain en Inde nous amènent à constater que les femmes dans les quartiers pauvres sont conscientes, mais pas assez confiantes : elles sont soumises à un poids social, à des responsabilités vitales, lourdes et immédiates et surtout à une somme d’incertitudes, en particulier sur le plan familial et de la sécurité foncière tels qu’elles ne peuvent lancer des luttes liées à leur environnement immédiat. Cela alors qu’elles sont parfaitement conscientes des enjeux liés à la sécurité foncière, à l’approvisionnement en eau, à un accès sûr à des toilettes ou à un environnement propre pour les enfants en bas âge, toutes préoccupations communes à toutes les femmes du quartier.
Conclusion
45Il apparaît donc très difficile de mettre en œuvre la composante sociale du développement durable, « l’inclusion sociale urbaine », qui permettrait d’assurer la satisfaction des besoins fondamentaux des groupes sociaux les plus défavorisés. Pourtant, une alliance objective et productive existe entre les institutions internationales, les mouvements sociaux transnationaux et les groupes d’action locaux. Ils se traduisent par des projets pilotes, des innovations, des publications. Il est impossible aujourd’hui de savoir si ces projets pilotes vont triompher du statu quo. Pour l’instant, il apparaît que la décentralisation n’a pas un impact décisif sur les politiques d’inclusion sociale dans la ville. Malgré la multiplication des acteurs, l’Etat et les municipalités sont maîtres des politiques publiques, de la loi et surtout de leur mise en œuvre. Prendre en compte les revendications et les attentes des femmes et des habitants des quartiers pauvres implique une remise en cause d’un ordre établi et d’une hiérarchisation sociale que la plupart des administrateurs, juges et politiciens des pays concernés ne sont pas prêts à faire.
Bibliographie
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Auteur
Docteure en droit et professeure à l’Institut universitaire d’études du développement, Isabelle Milbert est spécialisée dans les domaines des réseaux sociaux dans la ville et de la gestion urbaine, des questions de gouvernance et citoyenneté.
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