Dix ans de colloques internationaux genre et développement à l’IUED. Justice sociale et justesse des analyses : la puissance du genre
p. 15-22
Résumés
Les colloques internationaux « genre et développement » de l’IUED ont lieu depuis dix ans. Le premier colloque s'intitulait « Villes, environnement et genre ». Une recherche internationale a émergé à la suite de ce premier colloque, conduite avec un réseau d'équipes de chercheurs, durant sept années dans sept pays différents : Argentine, Brésil, Cuba, Burkina Faso, Sénégal, Bulgarie, Roumanie. Dix ans après, c'était l'occasion de faire le bilan de cette recherche.
La recherche s’intéressait aux réponses apportées par des organisations des quartiers à l'accroissement des inégalités engendrées par ce processus d'urbanisation dans les pays du Sud, avec une perspective de genre.
La construction de la masculinité et de la féminité présente certes des différences selon les contextes dans lesquels elles se construisent et se reproduisent, historiques, culturels, géographiques, ethniques, religieux, selon l'âge et les différentes classes sociales. Mais ce façonnement asymétrique se traduit toujours en inégalités entre hommes et femmes.
L'analyse de genre passe par la compréhension de la manière comment les valeurs symboliques s'inscrivent dans les institutions, dans les processus sociaux, dans la perception et l'organisation sociale concrète. Les discours de légitimation se servent de la façon dont chaque société se représente le genre pour justifier, naturaliser, les inégalités. Ainsi, peuton observer de quelle façon le genre possède ce pouvoir de production et reproduction des inégalités entre hommes et femmes.
Dans les analyses des mouvements de quartiers, la présence majoritaire des femmes et la division inégale des tâches en leur sein est rarement prise en compte.
Cet article montre qu’il est essentiel d'analyser le fonctionnement de ces organisations, structurées selon les asymétries féminin-masculin, et les changements des rapports de genre que la participation à ces organisations peut ou non encourager, dans un souci de plus grande justice sociale.
The gender and development colloquia have existed for ten year at IUED. The first colloquium was entitled: «Cities, environment and gender». It brought about an international research conducted by a network of researchers teams for seven years in seven different countries: Argentina, Brazil, Cuba, Burkina Faso, Senegal, Bulgaria, Rumania. This project’s tenth anniversary gave us the opportunity to share our assessment of this research.
The research addressed the responses of neighbourhood associations to growing inequalities resulting from the urbanisation process in the countries of the South with a gender perspective.
The construction of masculinity and femininity vary according to the historical, cultural, geographical, ethnic, religious, age and social class contexts in which they are built and reproduced. But it is an asymmetrical pattern that is always reflected by inequalities between men and women.
A gender analysis entails understanding how symbolic values are engraved in the institutions, in the social processes, in the perceptions and in the concrete social organisation. Legitimising discourses use each society’s way of representing gender to justify, naturalise, inequalities. Therefore we can see how gender has the power to produce and reproduce the inequalities between men and women.
In neighbourhood movements analysis, the fact that women are the majority and the unequal division of tasks within the movement are rarely considered.
This article shows how important it is to analyse the functioning of these organisations, structured as they are by female-male asymmetries, as well as the changes in the gender relationships that can or cannot be encouraged by participation in these organisations, in order to bring about more social justice.
Los coloquios internacionales «género y desarrollo» del IUED tienen lugar desde hace diez años. El primer coloquio trataba del tema «Ciudades, medio ambiente y género». Una investigación internacional surgió de este primer coloquio, conducida con una red de equipos de investigadores, durante siete años en siete países diferentes: Argentina, Brasil, Cuba, Burkina Faso, Senegal, Bulgaria, Rumania. Diez años después se hizo el balance de esta investigación.
La investigación se interesó por las respuestas dadas por organizaciones barriales al crecimiento de las desigualdades generadas por el proceso de urbanización en los países del Sur, con una perspectiva de género. La construcción de la masculinidad y la feminidad presenta ciertamente diferencias según los contextos en los cuales se construyen y se reproducen, históricos, culturales, geográficos, étnicos, religiosos, según la edad y las clases sociales. Pero esta construcción asimétrica se traduce siempre en desigualdades entre hombres y mujeres. El análisis de género pasa por la comprensión de la manera cómo los valores simbólicos se inscriben en las instituciones, en los procesos sociales, en la percepción y la organización social concreta. Los discursos de legitimación se sirven de la forma en que cada sociedad se representa la género para justificar, naturalizar, las desigualdades. Así se puede observar de qué manera el género posee este poder de producción y reproducción de desigualdades entre hombres y mujeres.
En los análisis de los movimientos barriales, la presencia mayoritaria de las mujeres y la división desigual de las tareas en su seno raramente se tiene en cuenta.
Este artículo defiende que es esencial analizar el funcionamiento de estas organizaciones, estructuradas según las asimetrías femeninomasculino, y las transformaciones en las relaciones de género que la participación en estas organizaciones puede o no fomentar, en vista a mas justicia social.
Texte intégral
1L’influence des colloques genre a été décisive dans la dynamique d’institutionnalisation du genre à l’IUED1. Depuis dix ans, l’IUED organise des colloques sur des thématiques qui lient études du développement et rapports de genre. Le premier colloque international s’est tenu en 1995, en même temps que la IVe Conférence mondiale sur les femmes organisée par les Nations unies à Beijing. Chacun de ces colloques a donné lieu à une publication, largement diffusée, depuis quelques années maintenant également accessible par Internet.
2Les colloques genre ont porté sur des thèmes aussi variés que les villes et l’environnement, la créativité, la santé, la masculinité, l’économie, les conflits, le pouvoir, les migrations…
3Les colloques sont l’occasion de présenter des recherches, des réflexions, des activités militantes ou des programmes novateurs, d’avoir des débats contradictoires, de tisser des liens, de rencontrer des personnes travaillant dans des contextes différents (géographiques, disciplinaires ou institutionnels) et avec des cadres conceptuels non nécessairement semblables.
4Le premier colloque s’intitulait « Femmes, villes et environnement ». Une recherche internationale a émergé à la suite de ce premier colloque, conduite avec un réseau d’équipes de chercheurs, durant sept années dans sept pays différents : Argentine, Brésil, Cuba, Burkina Faso, Sénégal, Bulgarie, Roumanie. Dix ans après, c’était l’occasion de faire le bilan de cette recherche.
5Le thème du dixième colloque reprend donc celui du premier, en tentant d’y apporter des perspectives et regards nouveaux, des questionnements différents, de contribuer avec des apports conceptuels, de présenter les résultats de la recherche menée durant toutes ces années.
6En 1995, la recherche s’intéressait aux réponses apportées par des organisations des quartiers à l’accroissement des inégalités engendrées par ce processus d’urbanisation dans les pays du Sud, avec une perspective de genre. Cela passait par la reconnaissance de la forte présence – pourtant généralement non reconnue – des femmes dans ces organisations. Cela signifiait analyser le fonctionnement de ces organisations, structurées selon les asymétries féminin-masculin, et les changements des rapports de genre que la participation à ces organisations pouvait ou non encourager.
7La forte urbanisation entraîne de rapides transformations des conditions de vie et des rapports sociaux, notamment ceux entre hommes et femmes. Les inégalités sociales s’approfondissent, la mondialisation néolibérale a des incidences considérables sur les transformations du travail (notamment celui des femmes), sur l’accès aux services de base et sur l’environnement.
8Particulièrement affectées par la dégradation de l’environnement, dans l’urgence, et devant le manque de services publics, les femmes interviennent activement dans les mouvements de base, dans les quartiers, ou à d’autres niveaux pour s’organiser, résister, proposer. Dans cette entreprise, elles sont soumises à des pressions (menaces, déconsidération) ; mais elles revendiquent aussi et obtiennent l’ouverture de nouveaux espaces de négociation, d’action et d’intervention, de remise en question des rapports de pouvoir au niveau domestique ou dans les organisations et la vie politique.
9La perspective de genre donne des clés de lecture pour comprendre la représentation et l’utilisation différentielle de l’environnement et de l’espace urbain. Elle demande de se pencher sur les représentations féminines ou masculines, sur le fonctionnement des institutions et des organisations, sur le pouvoir entendu comme constellation dispersée de rapports inégaux et, à l’intérieur de ces processus et structures, sur les capacités d’action de la personne comme sujet.
10Pourtant, il ne suffit pas d’interroger l’asymétrie des rapports de genre et son implication sur l’environnement et le développement, il faut encore se demander de quelle manière il peut y avoir conscientisation de l’inégalité de ces rapports sociaux entre les hommes et les femmes et quelles seraient les possibilités de les changer afin de permettre à tous, sans exclure les femmes, une véritable participation aux choix et aux processus de prise de décision.
11L’objectif du colloque en 2005 était de rendre compte comment l’introduction d’une perspective de genre ouvre de nouveaux horizons, de nouvelles pistes de compréhension et de réflexion, pour comprendre, mais aussi pour appuyer les mouvements de base, et fournir ainsi des éléments de compréhension aux diverses instances qui interviennent dans le domaine de l’environnement urbain, et plus largement dans les villes et le développement.
Emprise du genre et développement
12Comment les différences entre hommes et femmes se traduisent-elles en inégalités ? Comment expliquer la persistance des inégalités structurelles entre hommes et femmes ? Quels sont les mécanismes qui reproduisent cette asymétrie ? La construction de la masculinité et de la féminité présente certes des différences selon les contextes dans lesquels elles se construisent et se reproduisent, historiques, culturels, géographiques, ethniques, religieux, selon l’âge et les différentes classes sociales. Mais ce façonnement asymétrique se traduit toujours en inégalités entre hommes et femmes.
13Y a-t-il maintenant réellement une prise de conscience que ces inégalités-là ne peuvent être passées sous silence sous peine de déformer la réalité ? Pourquoi relever et dénoncer ce type d’inégalités là est-il souvent plus difficile que dénoncer les inégalités de classe, raciales, de caste, et autres ? S’intéresse-t-on aux rapports inégaux entre hommes et femmes dans le développement parce qu’on vise la défense des droits – plus bafoués chez les femmes – et la justice sociale, ou parce que l’on vise des objectifs d’efficacité en incluant les femmes ? Ne parvient-on à dénoncer ces inégalités que par l’artifice qui dit qu’elles sont contre-productives ? Inclure les femmes n’est pas toujours, loin de là, et parfois même au contraire, synonyme de réduction des inégalités, si cela ne touche pas aux mécanismes de reproduction des inégalités.
14Le genre est un outil pour analyser et comprendre la reproduction des inégalités entre hommes et femmes, pour éclairer le pouvoir insoupçonné et considérable qu’a cette asymétrie entre féminité et masculinité pour façonner les rapports sociaux. Cette dimension, peu incorporée dans d’autres cadres d’analyses (c’est un euphémisme), donne une profondeur nouvelle à la compréhension des faits sociaux.
15L’analyse de genre passe par la compréhension de la manière dont les valeurs symboliques s’inscrivent dans les institutions, dans les processus sociaux, dans la perception et l’organisation sociale concrète. Les discours de légitimation se servent de la façon dont chaque société se représente le genre pour justifier, naturaliser, les inégalités. Ainsi peut-on observer de quelle façon le genre possède ce pouvoir de production et reproduction des inégalités entre hommes et femmes.
16Dans les analyses des mouvements sociaux, la présence majoritaire des femmes et la division inégale des tâches en leur sein est rarement prise en compte. Lorsque les femmes se chargent de préparer les repas de milliers de piqueteros2, assurant au mouvement piquetero la possibilité de réaliser une action d’éclat, cette tâche est considérée comme allant de soi pour des femmes, comme une extension naturelle de la division des tâches domestiques ; elle n’est ni reconnue ni valorisée et les femmes n’accèdent pas aux postes de responsabilité dans le mouvement. Sans leur présence massive, sans leurs encouragements, sans leur aide concrète, pourtant, ces mouvements auraient fait long feu.
17Inclure une perspective de genre signifie se poser des questions comme celles-ci : comment expliquer la division inégale des tâches dans la sphère domestique, que celle-ci se perpétue, se reproduise et se traduise dans des inégalités dans la sphère productive, et dans la division internationale du travail ? Quels mécanismes permettent de maintenir les liens organiques entre sphère productive et reproductive, et donc la prospérité du secteur capitaliste ?
18En préservant l’économie domestique, qui permet de produire et reproduire la force de travail à moindre coût pour l’économie capitaliste, on assure la prospérité de cette dernière. Comme l’indiquait déjà Meillassoux en 19753, l’économie domestique appartient à la sphère de circulation du capitalisme, qu’elle approvisionne en force de travail et en denrées, mais reste en dehors de la sphère de production capitaliste. C’est en maintenant ces liens organiques entre économie capitaliste et domestique que la première assure sa croissance et sa prospérité. Les enjeux actuels sont de maintenir cette articulation, en préservant l’une pour continuer à lui soustraire sa substance, sans la détruire, pour alimenter l’autre. Cela implique de conserver la sphère domestique en dehors de la sphère de production capitaliste, tout en maintenant les liens organiques entre elles.
19Chacun sait que la majeure partie du « travail » au sein de l’économie domestique est réalisée par les femmes. Ce sont elles les principales responsables de la production/reproduction de la force de travail, au sein de la famille, dans le cadre de rapports de production de type domestique.
20Une partie de la force de travail produite – en grande partie – par les femmes du Sud, est exportée vers les pays du Nord ou vers les zones de production industrielle. Le nombre de migrants se monte actuellement entre 185 à 192 millions de personnes4 (OIM, 2005). Par ailleurs, on assiste à une internationalisation du marché du travail domestique : la moitié des migrants sont des femmes. Elles assurent des tâches reproductives dans des familles plus privilégiées (dans les pays tiers ou dans des pays du Nord), pour remplacer les femmes qui s’intègrent au marché du travail salarié. Le recours au marché mondial de la domesticité, chez des particuliers ou dans des institutions de soins est un phénomène croissant. L’articulation entre économie domestique et productive prend d’autres formes, mais repose toujours sur le travail – non rémunéré à toute sa valeur – des femmes, dont celui des migrantes. Des études montrent que l’argent envoyé dans leurs familles d’origine par ces travailleuses migrantes représente des sommes considérables5, qui serviraient surtout à assurer la reproduction sociale dans les pays d’origine. Ceci tendrait encore à montrer que ce secteur appartient toujours à la sphère de circulation du capitalisme, consommant des biens, produits au Nord (gadgets notamment) ou dans les pays d’origine (frais d’alimentation, de logement, de santé et d’éducation), mais non à la sphère de production.
21Souvent, les femmes ont été considérées comme une catégorie homogène, sans que soient prises en compte les différenciations de classe, ethniques, ou autres, entre elles. Longtemps aussi, les femmes sont restées invisibles en tant que travailleuses. Ces représentations erronées des femmes ont maintenant évolué, mais la reconnaissance du « travail » de reproduction sociale, sans laquelle pourtant l’économie ne pourrait tourner, n’est toujours pas un fait.
22Une question centrale pour comprendre la persistance des inégalités sociales est celle de l’articulation entre ces deux « modes » de production. Les rapports de genre inégaux permettent de maintenir ce lien organique inégal, à travers les mécanismes qui reproduisent ces inégalités entre hommes et femmes.
23Lors du colloque de 1995, je posais cette question : « Repenser, reconstruire le rapport entre ces deux sphères et entre les genres permettrait-il de bousculer la triste absence actuelle de perspectives de développement ? […] Les organisations de base ont un rôle fondamental à jouer en tant qu’espace de transformations et de luttes pour favoriser les changements de pouvoir entre hommes et femmes et rendre ses droits au genre exproprié »6. Dans le projet de recherche qui est né à la suite de ce premier colloque genre, nous avons justement accompagné, durant plus de sept ans, diverses organisations de base. Les résultats de ces travaux ont été discutés lors du dixième colloque genre de l’IUED, présentés dans ces actes ainsi que dans un livre sorti à l’occasion de ce colloque7. Ils ont notamment montré l’importance de l’effort à fournir sur les identités féminines et masculines.
24Le « travail » au sein de l’économie domestique n’a pas une utilité identique à celle du travail de production et va au-delà de la prise en charge de travaux utilitaires. Ce « travail », « naturellement » réservé aux femmes, à travers les mécanismes de reproduction des inégalités de genre, peut être à la fois source d’exploitation et de gratification. Dans la recherche mentionnée, qui s’est penchée sur les rapports entre hommes et femmes dans les mouvements de quartiers, ce constat apparaît également : les femmes s’investissent beaucoup dans ces organisations de base, mais leur engagement va bien au-delà des intérêts utilitaires, fussent-ils collectifs et en défense du bien-être social. Paradoxalement, cette surcharge de travail est aussi source de satisfaction, du fait de se retrouver entre elles, de sortir de leur confinement, de s’amuser, de partager des joies et des peines, de prendre conscience de situations oppressives similaires mais souvent tues. Cet élargissement de l’espace privé, fermé, vers un espace de quartier, plus public, avec une identité territoriale forte, occupé par un ensemble de personnes, et particulièrement investi par des femmes, est un passage qui ouvre la voie à des possibilités de changements des identités, de transformations sociales.
25L’engagement particulièrement important des femmes dans les organisations des quartiers étudiés correspond à un mouvement culturel, à un effort de compréhension de ce que signifie être homme et être femme, de renégociation des rapports de pouvoir. Tout en reproduisant à l’échelle du quartier les asymétries entre hommes et femmes, il ouvre un espace de liberté, même si cela est exigeant en termes d’investissement en énergie et temps – parfois lourds. Il s’articule autour de la notion de prise de conscience de droits. Il esquisse des perspectives pour changer le monde au niveau d’un quartier, donc pour tracer une autre manière de faire de la politique, selon d’autres valeurs. Il force aussi le questionnement sur le fonctionnement des organisations de quartier, sur les rapports ambigus entre « société civile » et Etat. Ce processus paradoxal révèle les brèches dans lesquelles il est possible de s’engouffrer, grâce à l’espace de manœuvre ouvert par les différents types d’organisations de quartiers pour entamer les mécanismes de reproduction des inégalités.
26N’est-il pas illusoire de penser pouvoir changer les rapports de genre ? Einstein, on le sait, avait dit qu’« il est plus difficile de désagréger un préjugé qu’un atome »… Les rapports de genre seraient-ils aussi résistants au changement qu’un atome ? Ils sont construits à partir de ce que représente, symboliquement, être femme et être homme dans chaque société, dans un groupe social, à un moment donné. Préjugés féminins et masculins traversent les institutions sociales. Celles-ci sont ainsi résistantes aux changements.
27Si les préjugés sont résistants, il n’empêche que chaque femme et chaque homme, dans un effort de compréhension de la manière dont le genre structure l’organisation concrète et symbolique de toute la vie sociale, peut agir sur cette réalité. En prenant conscience des causes des inégalités, en prenant conscience du droit à avoir des droits, en développant la volonté de changement pour réclamer leurs droits, et en construisant leurs capacités pour obtenir leurs droits, les individu-e-s deviennent sujets-femmes et sujets-hommes de leur propre histoire8.
28Le genre est, non seulement un outil d’analyse, mais un outil pour l’action. Il s’inscrit dans une démarche de transformation proche de celle de la recherche-action et des principes de l’éducation populaire. Loin d’être un concept normatif, il fournit des instruments d’analyse critique des fondements des inégalités, permettant à chacune et à chacun de repenser le développement.
Notes de bas de page
1 Voir l’article de l’auteur « L’introduction progressive de la perspective de genre à l’IUED » dans ce même volume.
2 Mouvements de chômeurs en Argentine, qui organisent des barrages de route pour réclamer le droit au travail.
3 Meillassoux, 1975, Femmes, greniers et capitaux, Maspéro, Paris, pp. 145-149.
4 OIM, 2005, Etat de la migration dans le monde en 2005, Genève.
5 Selon la Banque mondiale, l’argent envoyé sous forme de mandats par les travailleurs immigrés, qui sont pour moitié d’entre eux des femmes, représentait un montant de 167 milliards de dollars en 2005, le double d’il y a cinq ans. Les fonds transmis par des voies informelles pourraient accroître l’estimation officielle d’au moins 50 %. Cela représente environ le double de l’aide publique au développement, et une source majeure du financement extérieur. World Bank, 2006, Implications économiques des envois de fonds et de la migration, Washington, dossier de presse sur Internet : <http://web.worldbank.org/WEBSITE/EXTERNAL/ACCUEILEXTN/NEWSFRENCH/0,contentMDK:20726363~pagePK:64257043~piP:437376~theSitePK:1074931,00.html>.
6 Verschuur, Christine, 1995, « Du bon genre… ou des relations de genre appropriées », Femmes, villes et environnement, Actes du colloque Genre, Commission nationale suisse pour l’UNESCO, DDC, IUED, Genève, 229 p. p. 77-78.
7 Hainard, F. et Verschuur, Ch., 2005, « Mouvements de quartiers et environnements urbains, la prise de pouvoir des femmes dans les pays du Sud et de l’Est », éd. Karthala, Paris, 370 p.
8 Voir : Rauber, Isabel, 2003, Movimientos sociales y representación política, Ed. Ciencias Sociales, La Habana, 117 p.
Auteur
Anthropologue, titulaire d’un doctorat de l’université de La Sorbonne, chargée de cours en genre et développement à l’Institut universitaire d’études du développement, Christine Verschuur travaille depuis de nombreuses années dans le domaine du genre et développement, dans des projets de recherche et d’enseignement. Elle est coordinatrice du projet Suisse « Villes, environnement et rapports sociaux entre hommes et femmes » du programme MOST de l’UNESCO depuis 1996 avec François Hainard. Directrice de la publication Les Cahiers genre et développement, qui paraissent annuellement depuis 2000 chez L’Harmattan, elle est co-responsable du pôle genre et développement de l’IUED et des colloques genre.
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