V. Le système des causes matérielles et le prétendu droit international de la paix
p. 547-568
Texte intégral
1Par son volume, le second livre occupe près de la moitié du Traité. Quant à sa teneur, il est coutume d’affirmer que Grotius y expose les règles du droit international de la paix, par opposition au livre suivant, consacré à la guerre.574 Etait-ce bien là son intention ? Que l’alternative générale du tempus belli et du tempus pacis lui fût familière, nous l’avons dit plus haut ;575 et s’il n’y a pas lieu d’en déduire qu’il admettait l’existence correspondante d’une paire conceptuelle plus technique opposant un status belli à un status pacis, le titre du Traité montre du moins à satiété qu’il y est question, en plus du Ius belli, d’un Ius pacis. C’est du reste seulement dans cette perspective, semble-t-il, qu’on peut affirmer avec Lauterpacht que le De iure belli ac pacis, « quelque lacunaire qu’il puisse paraître au regard de l’actuelle étendue du droit international, était pourtant le premier traité global et systématique de droit international ».576 Pareille affirmation n’aurait guère de sens si son éminent auteur n’avait supposé que le Traité grotien comportait entre autres un authentique droit international de la paix. Or, ce Ius pacis, c’est bien le second livre qui semble devoir l’exposer.
2De fait, celui-ci embrasse la plupart des matières qui dans nos manuels de droit international forment le droit de la paix, dont en particulier le droit des traités577 et le droit diplomatique,578 ainsi que les questions relatives aux compétences territoriales579 et aux obligations et à la responsabilité internationales.580 Force est pourtant de relever aussitôt les imperfections de cette systématique, qui paraît à nouveau truffée de digressions étrangères au droit international, si bien qu’après de longs errements dans une jungle de droit civil, de droit pénal et de droit constitutionnel, on reste sur sa faim au point de vue de notre discipline.581 Or, à nouveau nous croyons que ce qui apparaît comme un ensemble de « digressions » n’est en fait que le résultat d’une lecture fondamentalement erronée. Car, plutôt qu’à la lumière du droit international moderne, c’est à partir du manuscrit de jeunesse que se révèle le vrai sens du livre second. C’est ce que nous tâcherons d’établir dans la suite, en montrant, d’abord, en quoi et dans quelle mesure ce livre perpétue le Mémoire, puis, les raisons qui nous interdisent d’y apercevoir un droit international de la paix au sens actuel de l’expression.
1. Le contenu du livre second se réduit à un système de justes causes de guerre
3En réalité, le livre second représente essentiellement une extension du système des causes matérielles esquissé au chapitre vii du Mémoire et dont on se souvient qu’il avait coïncidé avec un système général de compétences et de droits subjectifs.582 C’est à partir de cette intuition, dans cet esprit-là, que l’ensemble du livre est construit. Ainsi nous le prouve le début de son premier chapitre, qui en expose la systématique,583 rappelée tout au long de l’exposé par les phrases charnières qui le jalonnent ;584 ainsi nous le confirme un passage des Prolégomènes qui s’y rapporte.585 Tout cela ne dépasse pas en principe le système des causes matérielles du Mémoire. Comme là-bas, Grotius commence par poser la nécessité d’une cause matérielle sub ratione iusti, qui, par opposition aux simples prétextes sub ratione utilis, implique la poursuite d’un ius et suppose donc une iniuria préalable.586 Ces deux pôles de la cause matérielle587 ne sont certes plus dissociés avec la même acuité, Grotius insistant avant tout, dans ce passage introductif, sur ce que nous avons appelé le mobile, soit l’acte illicite commis par la partie adverse ; mais l’aspect complémentaire du motif s’affirme d’autant plus tout au long du livre.
4Derrière une architecture un peu plus subtile, nous reconnaissons ensuite les quatre catégories de causes matérielles et de droits subjectifs du Mémoire : défense, reprise d’un bien, poursuite d’une créance, châtiment.588 Là encore, on retrouve cette insistance sur la troisième catégorie, le rapport obligatoire, que les auteurs n’auraient pas suffisamment relevée ;589 et Grotius de spécifier davantage les sources de ces obligations : contrat, délit, ou ce qui leur est assimilé en vertu de la loi, quasi-contrat et quasi-délit,590 spécification due peut-être à la réflexion nouvelle entraînée par la composition de l’Inleidinge. Résumée dans un bref paragraphe liminaire, c’est donc cette même quadruple division qui fournit le plan de la majeure partie du livre second, soit les vingt et un premiers chapitres.
5D’autre part, nous y retrouvons la même volonté de conférer à ce système de droits subjectifs une validité générale, indépendante de la qualité du sujet envisagé. Dans le Mémoire déjà, les causes matérielles avaient été les mêmes pour la guerre privée et la guerre publique : construites tout entières à partir d’un sujet de droit universel, ces causes faisaient abstraction de la qualité du belligérant et de la forme de la guerre.591 Tout cela se retrouve dans le Traité.592 Grotius y marque fortement la portée générale du système par le fameux parallélisme qu’il trace entre les causes de guerre et celles des actions judiciaires : dans son esprit elles ne font qu’un, puisque la guerre ne fait que prolonger le procès par d’autres moyens.593 De même, il réaffirme la nécessité d’une cause juste dans la guerre publique autant que dans la guerre du particulier.594 Rien ici qui ne corresponde pièce pour pièce aux thèses de sa jeunesse.
6Les principes poses dans cette introduction demeurent-ils entiers au cours de la série de chapitres qui est censée les développer ? Malgré plusieurs détours considérables, on s’aperçoit que Grotius n’y perd jamais de vue son propos ; et même, qu’il ne s’agit point de détours véritables, puisqu’ils ne font que mener à chef son intention d’être exhaustif, d’établir l’ensemble des causes matérielles véritables, au rebours de celles qui n’en ont que l’apparence.595 C’est ce qui détermine la logique des deux groupes fort inégaux de chapitres composant ce livre, les vingt et un premiers, immense massif construit tout entier sur l’axe quadruple des droits subjectifs, et les cinq derniers, ombre brève portée par un soleil proche du zénith.596
7Le premier groupe expose tout le ius – pris au deuxième sens du terme597 – sous la forme d’un système, afin de montrer, comme par reflet, ce qui peut constituer une iniuria, et partant une cause de guerre authentique au regard du droit, par opposition aux simples prétextes. Les articulations essentielles correspondent bien au programme indiqué au début.598 Grotius commence par traiter la légitime défense, qui répond à l’iniuria nondum facta.599 Quant à l’iniuria facta, elle suscite deux types de réactions, visant soit à obtenir une réparation – ce terme étant pris en un sens large et non technique – soit à infliger une peine. La première voie donne lieu à deux grands exposés, consacrés l’un aux droits réels,600 l’autre aux obligations nées soit d’une manifestation de volonté licite,601 soit d’un délit.602 La seconde voie nous vaut un important exposé sur la justice pénale et la participation.603
8Les cinq chapitres qui achèvent et complètent ce livre présentent l’envers du système et les franges qui le relient à l’illicite. D’abord les prétextes, causae iniustae ou suasoriae ;604 puis les causes incertaines, causae dubiae ;605 ensuite la question classique des autres raisons pouvant vicier une guerre, juste par ailleurs si on la considérait sous l’angle de la seule vertu de justice ;606 enfin quelques remarques sur l’intervention en faveur d’alliés et sur la situation des subordonnés.607
9Tout le second livre s’organise donc autour d’un foyer précis, la justice matérielle de la guerre, et obéit à une intuition fondamentale, la coïncidence des causes matérielles avec un système général de droits subjectifs, système valant pour tout sujet de droit, pour tout belligérant potentiel, indépendamment de sa qualité privée ou publique. Or, l’ensemble se trouve parfaitement préfiguré dans le Mémoire de jeunesse.608
2. Inflexions « empiristes » et entorses au principe de l’indifférence de la qualité du sujet de droit face à la cause matérielle
10Reconnaissons pourtant que cette intuition initiale se réalise dans le Traité avec moins de pureté.609 Le système des causes matérielles du Mémoire était investi d’une portée non seulement générale, mais pour ainsi dire absolue, comme si Grotius l’avait construit dans l’espace isolé d’un laboratoire imaginaire, en fonction uniquement d’une nature humaine abstraite, sans tenir compte des interférences provoquées dans le monde réel par les communautés politiques issues de la volonté humaine ; dérivé des six premières leges et partant des deux premières regulae, ce système idéal de droits subjectifs était entièrement « naturel » et s’appliquait en cette qualité à n’importe quel individu, quels que fussent son statut et sa position civils.610 Dans le Traité, intervient en revanche à maintes reprises le droit volontaire, perturbant le milieu auparavant homogène du droit naturel. Conséquence immédiate : la qualité du sujet de droit n’est plus entièrement indifférente face au droit matériel – ce qui a pour effet indirect de nous rapprocher à nouveau de la tradition que Grotius avait si clairement contrecarrée dans le Mémoire.611
11Deux exemples illustreront cette altération, la théorie de la légitime défense et celle du droit pénal. La première est développée surtout en fonction du particulier. Ce ne serait que par une transposition que ses règles trouveraient à s’appliquer aussi à la guerre publique. L’intention de Grotius n’est évidemment pas de refuser aux Etats le droit de se défendre : mais cette faculté tend pour eux à se faire implicite dans l’exercice d’autres fonctions, telles que la récupération et la punition, qui leur compétent plus naturellement.612 Inversement, la compétence pénale devient maintenant un monopole de fait de la puissance publique : le pouvoir vindicatif du particulier, si énergiquement affirmé en 1605, est certes maintenu en théorie, puisque Grotius continue à insister avec force sur sa base « naturelle » ;613 mais en même temps il reconnaît implicitement que son exercice normal est dévolu à l’Etat :614 mouvement parallèle à celui qui voit s’atrophier la guerre privée elle-même.615 On dira qu’autrefois déjà on avait abouti en fait au même résultat pratique grâce aux limitations issues de la cause formelle ;616 toutefois, comme pour la guerre privée en général, l’intention s’est manifestement renversée, la compétence vindicative du particulier n’étant plus ici qu’exceptionnelle.617
12Ce remaniement s accentue encore par la distinction entre délit civil et crime pénal. A vrai dire, Grotius fut parfaitement conscient de cette différence dès 1605, comme l’attestent ses explications relatives à la lex v ;618 mais de toute évidence il entendait alors l’escamoter ; d’une manière assez typique, il parvenait ainsi à sauvegarder l’apparence architecturale de son système : car en faisant procéder tant le délit que le crime d’une source commune, du maleficium, il arrivait à les réunir dans la lex v, ce qui non seulement le rapprochait de la réalité historique médiévale, mais favorisait grandement le parallélisme qu’il tenait à établir entre guerre privée et guerre publique. En 1625, au contraire, les sources et les suites juridiques respectives du délit et du crime sont clairement dissociées : le délit, damnum iniuria datum, provient du maleficium ou de la culpa, et entraîne un devoir de réparer ;619 le crime, delictum, entraîne en revanche une poena qui tire sa justification du meritum, du caractère condamnable de l’acte.620 Or, cette dissociation s’accompagne d’un réarrangement systématique ; l’obligation délictuelle se rapproche désormais de l’obligation contractuelle et répond ainsi à proprement parler au id quod nobis debetur, soit à la troisième catégorie de droits subjectifs ;621 le châtiment est dès lors seul à former la quatrième catégorie, et le crime pénal en est l’unique objet.622 Le chapitre sur la justice pénale est le plus long de tout le Traité : on y trouve une véritable théorie du droit pénal – suivie au chapitre suivant par une théorie de la participation – ; sans doute est-il permis d’y voir avec Eysinga une suite indirecte de l’expérience d’Advocatus fiscalis, charge de procureur général que Grotius exerça dès 1607 jusqu’à sa chute.623
13La dernière partie de ce volumineux expose est consacrée a la guerre pénale ; plus encore que la justice criminelle en général, celle-ci n’est plus considérée que sous le rapport de la puissance étatique. Est-on autorisé à en déduire avec Vollenhoven que la guerre publique serait dès lors avant tout punitive ? Qu’il en naîtrait un véritable « Théorème de Grotius », conférant aux Etats la faculté de punir les crimes des autres Etats, fussent-ils commis à l’égard d’Etats tiers ? Qu’enfin, dépassant par ce biais les vues « égoïstes » des scolastiques qui n’avaient attribué cette compétence qu’à l’Etat lésé lui-même, Grotius aurait voulu inaugurer par là une théorie « altruiste », qui de surcroît représenterait le sommet et la principale originalité de son système ?624 Produit caractéristique de l’époque de la Société des Nations, cette interprétation – qui tient chez Vollenhoven presque de l’idée fixe – déforme à notre avis gravement l’intention de Grotius.625 Ses remarques sur la guerre punitive s’insèrent en réalité sans heurt dans la tradition de la Seconde scolastique, dont elles ne représentent qu’une variante ;626 nulle part elles n’apparaissent comme formant un nouveau « théorème » au sens de Vollenhoven. Le passage-clé sur la question vise avant tout à mettre en lumière l’essence de la compétence vindicative, son origine « naturelle », indépendante de son exercice par le particulier ou par l’Etat ;627 il se borne donc en substance à rappeler les positions du Mémoire sur ce point, dont on admettra, il est vrai, qu’à ce titre tout au moins Grotius les avait considérées comme relativement originales.628 C’est d’ailleurs bien selon l’esprit molinien décelable dans son manuscrit de jeunesse qu’il semble ici concevoir sans la moindre peine une guerre publique simplement récupératoire, non punitive ;629 et rien ne permet d’affirmer qu’il attachait plus d’importance à la punition qu’à la récupération.630 Au reste, la thèse du savant professeur néerlandais paraît trop fragile, malgré les nombreuses citations et la bouillante rhétorique mise à son service, pour qu’il soit nécessaire de la réfuter en détail ;631 aussi, refermera-t-on sans plus tarder cette parenthèse sur ce qu’il vaudrait mieux rebaptiser en définitive « Théorème de Vollenhoven ».
14Ainsi, ce que Grotius avait soigneusement évité dans le Mémoire, le lien immédiat entre la qualité d’un sujet de droit et le type de compétence, se voit donc en partie rétabli, dans le sens de la tradition scolastique. D’autres matières encore de ce deuxième livre ne trouvent en fait à s’appliquer qu’aux Etats. Certes, Grotius n’y voit sans doute qu’une adaptation à ce type de sujet de droit d’une règle plus générale, valant également pour les particuliers : ainsi l’acquisition originaire du pouvoir public de commandement trouve bien un correspondant dans les rapports privés ;632 de même, l’acquisition dérivée de la puissance publique et les conventions publiques.633 Pourtant les règles naturelles subissent dans tous ces cas une spécification considérable, due en particulier à l’intervention de normes positives. Le cas le plus frappant est celui du droit de légation : Grotius le fait dériver soit du droit civil, soit du droit des gens volontaire et ne s’arrête en fait qu’à ce dernier ;634 là encore, on songe à un parallélisme, dans le domaine du droit privé, avec les règles sur la représentation, mais Grotius en fait totalement abstraction.635 Cela ne suffit certes pas pour accréditer l’interprétation, à notre avis indéfendable, de Hély, qui, tout en ayant par ailleurs fort bien saisi l’intention générale du livre second,636 divise cependant les causes justificatrices suivant qu’elles ont trait à la guerre privée, à la guerre publique ou à la guerre mixte ;637 erreur qu’il n’aurait sans doute pas commise s’il avait connu le Mémoire, dont la découverte était alors toute récente.638 Il n’en reste pas moins que l’édifice simple, « naturel » et symétrique de 1605 l’a cédé ici à une construction à la fois plus vaste et moins cohérente, plus diversifiée et moins satisfaisante pour l’esprit. Mieux qu’alors, Grotius réalise la spécificité des sujets de droit, qui par conséquent ne sont plus au même degré interchangeables face à la norme matérielle.
15On est tenté d’affirmer que son attitude de « mathématicien » envers le droit s’est infléchie dans le sens de l’empirisme :639 au lieu de se limiter à un schéma abstrait tirant sa validité de sa rationalité intrinsèque, il tient compte désormais de maints éléments dus à la volonté positive et utilitaire de l’homme. Significatif nous paraît à cet égard l’abandon de la règle de collision énoncée par la lex xiii du Mémoire :640 les sources du droit interviennent maintenant de façon apparemment imprévisible.641 Une place bien plus grande est faite, parmi elles, au droit volontaire, en particulier au droit des gens.642 Cette attention nouvelle au concret reflète à la fois l’expérience de la vie politique intervenue depuis lors, et la composition de l’Inleidinge, manuel visant précisément à enregistrer une pratique et à la systématiser. Bien entendu, pas plus dans le Traité que dans le Mémoire, cette « pratique » n’est assimilable à ce que représente pour nous la pratique jurisprudentielle ou diplomatique. Alors que celle-ci détermine les raisonnements de l’internationaliste moderne par sa simple facticité positive, Grotius recherche pour sa part avant tout la « bonne », la « vraie » pratique, et juge donc celle-ci implicitement en fonction d’un modèle de conduite idéal ; il ne se résigne jamais à reconnaître la validité d’un usage irrationnel ou inéquitable qu’après l’avoir expliqué en termes soit d’utilité, soit de moindre mal.643 Du reste, comme dans sa jeunesse, il aime à repérer cette pratique non pas dans des recueils de documents encore inexistants ou dans les archives de son époque,644 mais surtout dans les lettres anciennes dont les exempla veterum continuent d’avoir à ses yeux d’humaniste valeur de paradigme.645 Il est vrai par ailleurs que la liste des auteurs cités atteste une ouverture accrue sur la littérature plus récente, en particulier sur nombre d’historiens et de voyageurs. L’auteur des Annales et Historiae de rebus Belgicis témoigne ainsi d’une sensibilité nouvelle à l’historicité du droit,646 quel que soit du reste la distance qui puisse le séparer à cet égard des générations même immédiatement postérieures.647
3. Divergences structurelles entre les deux systèmes de causes matérielles
16Jusque-là, on a insisté avant tout sur les analogies entre les deux systèmes de causes matérielles de 1605 et de 1625, analogies essentielles malgré les inflexions « empiristes » du Traité. Il reste à relever quelques différences d’ordre structurel intéressant plus spécialement la conception grotienne du droit de la guerre.
17On a vu que la distinction, assez clairement tracée en 1605, entre le mobile et le motif au sein de la cause matérielle, s’est estompée dans le Traité :648 la raison principale en tient probablement au fait que Grotius a renoncé à dissocier la cause matérielle circa quam de la cause in qua.649 Par cette division il avait réussi autrefois à rattacher le ius au premier aspect, l’iniuria au second : maintenant les deux gravitent autour de la cause circa quam, qui est en pratique seule à l’intéresser au livre second.
18Quant au cercle des objectifs licites, il n’est plus présenté comme materia in qua ; et les remarques y relatives sont reléguées au livre troisième. De la construction assez complexe par laquelle il avait cru devoir justifier les atteintes portées à la population ennemie en partant d’une analyse de la notion l’iniuria, on ne retrouve que certains vestiges, sans qu’ils aient plus la portée générale d’autrefois. Ainsi trouve-t-on certaines remarques en ce sens à propos des représailles ;650 mais Grotius y renonce entièrement quant à la guerre publique : là c’est en vertu de la déclaration de guerre que toute la population ennemie est constituée en objectif de guerre licite ; ce qui nous fait rejoindre et même dépasser la formule lapidaire de Cajetan.651 Ce n’est que par la voie des temperamenta que reparaîtra le problème des innocents, pour être résolu en gros dans le sens de la tradition :652 c’est là aussi que l’on retrouvera la plupart des réflexions de Grotius sur l’iniuria ;653 mais si auparavant elles lui avaient servi surtout à justifier l’extension du cercle des objectifs licites,654 leur signification s’est ici renversée, puisqu’il en déduit maintenant des restrictions, dont la portée devra d’ailleurs être appréciée plus bas.655
19Une autre divergence entre les deux ouvrages résulte du rôle joué à l’égard de la cause matérielle par la division en agents volontaires et instruments : pivot indispensable de la construction du Mémoire,656 elle n’occupe plus qu’une place marginale dans le Traité. Celui-ci se limite en fait à ce que Grotius y nomme encore les causes « effectrices » ;657 la situation juridique des causes « instrumentales » en est certes encore distinguée, mais elle ne fait l’objet que d’un bref chapitre dans chacun des trois livres, maigres appendices sans importance réelle. De poutre maîtresse en 1605, la division s’est donc muée en une simple garniture.
20La divergence s’explique sans doute par un revirement d’ordre théorique, à savoir l’abandon du principe de la causalité stricte du droit de guerre, qui avait suscité l’insolite construction d’autrefois. Mais peut-être s’explique-t-elle aussi par la différence du propos concret. C’est l’acte d’un subordonné qui avait donné lieu à la composition du Mémoire ; et la Compagnie dont dépendait Heemskerck pouvait être considérée elle-même comme sujet des Etats de Hollande ; ce double rapport déterminant toute la démonstration, il convenait d’expliciter avec soin la situation juridique du subordonné.658 En 1625, Grotius s’adresse à un monarque qui s’apprête à entrer dans l’une des guerres les plus dévastatrices de l’histoire moderne, et à travers lui il vise les gouvernants européens : partant, son attention se concentre sur la position des chefs, celle des subordonnés s’estompant corrélativement. Il n’y avait donc plus lieu, en 1625, d’insister sur la distinction des causes matérielles selon qu’elles concernent l’une ou l’autre de ces deux catégories de personnes.
21Du même coup, on constate d’ailleurs que, là encore, en revenant de la position tranchée et finement articulée de sa jeunesse, il se rapproche de la doctrine traditionnelle : ce qu’il avait alors analysé et dissocié avec tant de minutie redevient maintenant implicite. Le système des causes du livre second ne concerne plus directement que les agents volontaires ; les subordonnés y participent par voie médiate, à raison de leur situation instrumentale qui les empêche de se déterminer en toute liberté. En substance, le résultat est donc analogue. Mais Grotius n’indique plus clairement que c’est dans les ordres de leurs supérieurs que réside la cause matérielle de leur action.659
22Il revient en fait à la doctrine vitorienne qui ne faisait qu’excuser les subordonnés grâce à l’écran d’ignorance les séparant du centre de délibération et de décision.660 C’est du reste bien le plan de Vitoria qu’il suit, en examinant d’abord le cas du subordonné convaincu de l’injustice de la guerre et qui doit donc refuser de s’y engager ;661 puis le cas du doute, où c’est son devoir d’obéissance qui l’emporte.662 S’il précise que le soldat jouit dans cette dernière hypothèse non seulement de l’impunité mais d’un droit véritable, c’est qu’il se souvient en fait de ses thèses de 1605, bien que leur justification ne soit plus très apparente.663 D’ailleurs, confronté à nouveau au problème soulevé par le Quodlibet d’Adrien, c’est à lui plutôt qu’à Vitoria qu’il semble désormais se rallier, en se servant des arguments dégagés entre-temps par les dominicains et les jésuites.664 Bref, Grotius continue à résumer ici une longue tradition chrétienne sur le devoir d’obéissance et qui, à travers théologiens, sommistes et canonistes, nous fait remonter jusqu’aux passages topiques d’Augustin recueillis dans la Concordia.665 Mais l’ensemble a cessé de remplir au sein du Traité le rôle charnière d’autrefois.
4. Attitude assouplie devant les causes probables et devant la justice matérielle bilatérale
23Même repli vers la tradition en ce qui concerne la position des agents volontaires devant la cause matérielle incertaine. En 1605, Grotius s’était en réalité refusé d’entrer en matière, sans même véritablement poser le problème.666 Maintenant il accepte au contraire de lui vouer un bref chapitre, obéissant par là à l’hypothèse de travail posée en tête de l’ouvrage et répétée ici, suivant laquelle la certitude mathématique doit, en morale, souvent le céder à une simple approximation.667 Dans cet esprit, il tient compte, cette fois, de la subjectivité de l’agent volontaire. Elle joue dans les deux sens : s’il croit la guerre injuste, lors même qu’elle est en fait juste, il doit s’en abstenir ;668 mais il lui est inversement permis de l’entreprendre même si sa certitude n’est pas entière.669 Là encore, Grotius semble devenu empiriste, prêtant plus d’attention à l’ambiguïté du concret.670 Ainsi, on le voit maintenant reprendre la casuistique de Vitoria et de ses successeurs, en dépassant même à certains égards leur tolérance. Dans le doute, affirme-t-il, on peut choisir la voie qui paraît la moins dangereuse, si ce n’est qu’il faut d’abord essayer par tous les moyens d’éviter l’extrémité que représente la guerre : négociations, compromis ou tirage au sort, dont une forme particulière est le combat singulier.671 C’est bien de la Seconde scolastique que lui vient l’idée d’insérer ici ces modes pacifiques de régler les différends, quelles que soient ses autres sources possibles, dont par exemple le Nouveau Cynée d’Eméric Crucé ;672 l’importance de ces quelques paragraphes a du reste été fortement exagérée, à nouveau par les mirages rétrospectifs de l’ère de la Société des Nations.
24Cette attitude nouvelle ne manque pas de se répercuter sur sa position face au problème de la justice matérielle bilatérale de la guerre. En 1605, c’est de sa conception même de la cause matérielle qu’avaient résulté avec une nécessité quasi-mathématique les deux corollaires excluant la bilatéralité pour les agents volontaires aussi fermement qu’ils la déclaraient possible en faveur des subordonnés ; et ces solutions s’étaient ensuite répercutées directement sur les effets de la guerre.673 En 1625, cet enchaînement a disparu, ses maillons se retrouvent épars et isolés, ils ne remplissent plus la fonction déterminante d’autrefois.
25Alors que dans le Mémoire c’est dans le droit de guerre bilatéral des subordonnés que notre auteur avait vu le seul moyen d’expliquer et de justifier la bilatéralité des effets, il ne mentionne cet aspect dans le Traité plus qu’en passant.674 S’il est plus explicite sur les agents volontaires, c’est peut-être qu’il sent le besoin de justifier le revirement survenu à leur sujet par le fait qu’il admet dès maintenant pour eux aussi la possibilité d’une justice bilatérale. Non qu’il rejette véritablement sa position initiale : il maintient qu’objectivement la guerre ne peut être juste pour les chefs que d’un seul côté à la fois. Mais il accepte désormais de considérer leur situation aussi au point de vue subjectif, en admettant deux autres sens de iustum, ce qui le fait aboutir à deux solutions supplémentaires, dont l’une tient de l’erreur, l’autre, de l’incertitude matérielle.675 A ce sujet, il se réclame d’ailleurs indifféremment des théologiens espagnols, de Vitoria à Suarez, et des juristes que la question a préoccupés, Fulgose, Alciat et Gentili. Il estime donc, semble-t-il, que tous ces auteurs ont soutenu en substance des positions analogues et que celles-ci avaient toutes trait à la justice matérielle de la guerre. Nous savons que cela n’est pas tout à fait correct ;676 mais telle semble avoir été l’interprétation dominante de l’époque ; et Grotius s’y rallie, adoptant à son tour une attitude médiane. Du reste, à l’exception des jésuites les plus récents, il avait déjà fait état de ces auteurs en 1605, en les interprétant de la sorte ; mais ses conclusions ne valaient que pour les subordonnés. Peut-être est-ce l’analyse plus minutieuse des jésuites qui l’aura conduit à élargir la perspective et à inclure cette fois aussi les agents volontaires.
26Quelle est la portée de ce revirement ? Il devient maintenant concevable qu’une guerre soit juste de part et d’autre, non plus seulement pour les subordonnés, mais aussi pour leurs chefs : et quand bien même cette bilatéralité reposerait sur une erreur ou sur un doute, elle serait pleine et entière, emportant de part et d’autre des effets valables aussi au regard du droit naturel. Cependant Grotius restreint de deux manières l’influence pratique de cette conclusion. D’abord, il estime peu probable que cette hypothèse se produise véritablement.677 Ensuite et surtout, il annonce un autre type de bilatéralité, indépendante de la justice matérielle.678 Elle concerne à vrai dire uniquement les effets d’une espèce particulière de conflit, la guerre publique solennelle, à laquelle toutefois les développements fouillés du livre troisième montrent que Grotius attachait une importance prééminente. Les effets bilatéraux de la guerre publique solennelle ne dépendent plus de la cause matérielle, ils sont purement abstraits. On y reviendra longuement dans la suite ;679 il importe cependant de préciser dès maintenant que cette bilatéralité abstraite est entièrement distincte de la bilatéralité matérielle et causale dont Grotius est prêt, au livre second, à reconnaître désormais le bénéfice même aux « moteurs de la guerre » ;680 car cette différence semble avoir échappé à nombre de ses lecteurs.681 Et, vu la grande place attribuée dans le Traité à la guerre publique solennelle et à ses effets abstraits, l’importance relative de la bilatéralité matérielle semble devoir se réduire d’autant. La portée réelle de cet effacement sera examinée plus bas.682
5. Le droit international de la paix et le « Ius pacis » grotien
27Du système de causes matérielles contenu au livre second du Traité grotien, nous avons évoqué seulement quelques aspects généraux. Ils suffisent cependant pour nous mettre en mesure d’affirmer que, malgré les divergences relevées tout à l’heure, ce système descend en droite ligne de celui exposé au chapitre vii du Mémoire ; et que, si par son volume il dépasse de beaucoup son ancêtre, il n’en reproduit pas moins l’intention essentielle dans le nouveau contexte du Traité.
28C’est ce qui nous mettra aussi en mesure de réfuter les critiques adressées aux prétendues déficiences de ce deuxième livre. Elles se trompent d’objet parce qu’elles jugent ce livre en fonction d’un dessein étranger à son auteur : car en l’appréciant à la lumière d’un projet anachronique – celui d’avoir voulu créer un droit international de la paix au sens moderne – on prend pour des déficiences et des digressions inutiles ce qui s’insère en vérité tout naturellement dans le plan d’ensemble. Grotius entend seulement y pousser jusqu’à son terme ce qu’il avait amorcé vingt ans plus tôt, à savoir un système général de compétences et de droits subjectifs permettant de déterminer de façon exhaustive toutes les « matières » possibles de la guerre juste ; et l’on comprend sans peine qu’à ce point de vue il ait pu s’enorgueillir d’avoir épuisé le sujet et de l’avoir étayé plus solidement que tous ses prédécesseurs.683 On concédera que par rapport au Mémoire sa perspective se soit infléchie du sujet de droit vers la relation juridique objective,684 ce qui semble l’éloigner de son intention primitive ; il n’en demeure pas moins que cette relation ne l’intéresse jamais qu’au point de vue de sa violation possible, comme l’indique bien le cas du droit de légation ; et que, partant, l’ensemble demeure orienté vers les titulaires des droits.685 Dès lors, Grotius n’a pu considérer le deuxième livre de son Traité comme un « droit international de la paix » au sens actuel.686 A l’évidence, ce livre fait partie de son droit de la guerre, dont il représente une partie indispensable.
29Toutefois, objectera-t-on, à quoi d’autre pourrait se rapporter le terme pax indubitablement contenu dans le titre de l’ouvrage ? Nous croyons que, suivant l’ordre même voulu par la formule cicéronienne, Grotius a choisi d’en parler tout à la fin du Traité. Ce sont les chapitres xx à xxv du livre troisième qui constituent son Ius pacis. Certes, au point de vue systématique, ces six chapitres s’insèrent, eux aussi, dans le droit de la guerre ; car aux termes du plan grotien, ce livre se propose de parler « de ce qui est permis dans la guerre et sous quelles formes », d’abord en vertu des normes générales du droit naturel et du droit des gens, puis en tenant compte des stipulations spéciales du droit conventionnel.687 C’est avec ce deuxième volet que se confondent précisément les six chapitres en question. Le droit conventionnel dont ils traitent ne doit, bien sûr, pas s’entendre au sens de nos codifications permanentes du droit des conflits armés ; c’est d’une théorie générale des conventions entre belligérants qu’il s’agit. Cette matière, Grotius n’est pas le premier à l’aborder : Belli et Gentili lui ont servi à coup sûr de modèles ;688 et eux-mêmes avaient pu s’inspirer de plus d’un auteur médiéval.689 Mais Grotius confère à l’ensemble une rigueur théorique plus grande que ne l’avaient fait ces devanciers, attentifs qu’ils étaient surtout aux fonctions pratiques cruciales de ces commercia belli au sein du ius armorum, dont ils sanctionnaient tout l’aspect économique. De plus, il modifie un peu le sens de l’ensemble par son inclusion systématique dans les limitations formelles du droit de guerre. Par là même, cependant, il rejoint l’intention générale du chapitre viii du Mémoire, consacré précisément à la forma belli et comportant du reste déjà, sur une page et demie du manuscrit, quelques mentions relatives à la fides.690 Or, c’est bien ce terme-là qui donne la note des derniers chapitres du Traité : il apparaît au chapitre xix, intitulé De fide inter hostes, et se retrouve dans les titres des six chapitres suivants, deux fois avec le terme pax. Placés tout entiers sous le signe d’un double thème cicéronien – que la guerre doit être entreprise seulement en vue de la paix et que la bonne foi doit être respectée même envers l’ennemi691 –, ces chapitres culminent dans l’émouvante prière finale qui exprime ce que Grotius avait sans doute de plus cher ici-bas et qui se situe au-delà de son Traité : la paix. Malgré leur inclusion systématique dans le droit de la guerre, ce sont bien ces derniers chapitres qui contiennent à notre avis ce que Grotius considérait comme le Ius pacis.
30Il est vrai que pax a ici un sens assez particulier qui ne nous est plus guère familier, lors même que nous disons encore couramment « faire la paix ». Renversant la formule par laquelle Grotius définit la guerre, on pourrait dire que la « paix » désigne ici, contrairement à l’usage dominant, une action plutôt qu’un état.692 Selon l’acception étroite et technique que lui reconnaissaient volontiers les Romains, acception demeurée vivante durant le moyen âge – comme l’attestent Isidore ou Bartole693 – et jusque dans les traités de Belli, d’Ayala et de Gentili,694 la pax apparaît au premier chef comme le résultat de la pactio.695 Pendant exact de la déclaration de guerre, elle participait à ce titre du ius feciale et tirait donc tout son sens de la guerre qu’elle venait terminer. Rien d’étonnant à cela pour un âge qui savait encore conclure une paix : un art qui semble avoir passagèrement disparu au milieu des heurts idéologiques et des affrontements de masse du xxe siècle.696
31Telle est à notre avis la signification du ac pacis contenu dans le titre du Traité ; et Grotius nous en livre une double preuve qui rend superflue toute autre argumentation à ce sujet.
32La première se trouve dans le paragraphe liminaire du Traité. Grotius y déclare qu’il se propose d’examiner l’ensemble des différends – controversiae – pouvant s’élever entre personnes dépourvues de juge commun pour n’être pas comprises dans la même communauté civile.697 Cette double idée – les controversiae et l’absence de juge commun – confère à l’ouvrage toute son unité : plutôt que le droit international au sens moderne, il embrasse le droit extranational.698 De ces « controverses » qui forment son vrai point de départ, Grotius commence par nous dire qu’elles appartiennent au temps de guerre ou au temps de paix, avant de poursuivre : « Or, comme la guerre est entreprise en vue de la paix et qu’il n’y a point de litige dont ne puisse résulter une guerre, c’est avec raison que l’on traitera l’ensemble de ces controverses possibles à propos du droit de la guerre : ensuite, la guerre elle-même nous fera aborder la paix, en tant que celle-ci constitue sa fin. »699 On enregistre donc un mouvement général allant de la guerre vers la paix. Et c’est bien à propos de la guerre que sont traitées les controversiae, qui, considérées au point de vue substantiel, coïncident en réalité avec la materia belli du Mémoire. Partant, c’est au livre second qu’il en faut rechercher l’inventaire : dès l’abord, celui-ci ne pouvait donc représenter pour notre auteur un « droit international de la paix » ; il n’y est question que des sources juridiques des « controverses » et, partant, des justes causes de guerre. C’est seulement au livre troisième, au cours de la discussion sur la forma belli, qu’on finit par aboutir à la pax.
33L’autre preuve, plus frappante encore, figure dans le passage des Prolégomènes qui présente au lecteur en rétrospective la démarche d’ensemble du Traité. Il n’y est pas question de paix à propos du livre deuxième, mais uniquement de causes de guerre ; du troisième, en revanche, Grotius affirme qu’il s’achève par les divers « genres de paix et toutes les conventions de guerre ».700
34Ainsi – quelle que soit du reste la valeur logique du paragraphe liminaire cité auparavant, à notre avis plus élégant que vraiment solide701 – une chose est certaine : du début de sa rédaction jusqu’aux Prolégomènes, Grotius n’a toujours songé qu’à ce plan-là, qui ne souffre pas d’être jugé à la lumière de la systématique actuelle du droit international.702 A celle-ci, on n’accédera que plus tard, avec Richard Zouche, qui non seulement donnera au droit des gens des contours aussi nets que Hooker et Hobbes, mais y pratiquera aussi en premier – peut-être bien à la faveur d’une réinterprétation du titre grotien – la division en un droit de la guerre et un droit de la paix. Et c’est seulement après lui, grâce à un renversement progressif, que c’est le droit de la paix qui finira par livrer le cadre principal d’une discipline où la guerre tend à n’être plus qu’un prolongement des règles d’une procédure contentieuse applicable aux Etats souverains, comme l’attestent les manuels dès le soir de l’ancien régime.
35Mais Grotius, quant à lui, ne vise encore rien d’autre, à travers le second livre de son Traité, qu’à réaffirmer une intuition déjà entièrement contenue dans son Mémoire de jeunesse, entièrement distincte de notre droit international de la paix.
Notes de bas de page
574 En ce sens p. ex. C. van Vollenhoven, « Grotius and Geneva », BV, vi (1926), pp. 21-22 ; et, du même, « The Framework of Grotius’ Book De Iure Belli ac Pacis (1925) », VKAW, Afd. Letterkunde, Nieuwe Reeks, xxx, 4, pp. 100 ss, il est vrai que cet auteur n’applique au livre ii le qualificatif « droit de la paix » qu’entre guillemets, en reconnaissant que l’intention de Grotius était en fait ailleurs ; il reste cependant qu’il le lui applique et continue à l’interpréter en fonction de cette catégorie. Cette vue se trouve du reste confirmée dans l’un de ses derniers ouvrages, intitulé précisément « Du droit de Paix » ; on admettra toutefois que Vollenhoven y circonscrit bien l’esprit du livre ii et montre aussi en quoi celui-ci aidera par la suite à promouvoir le droit de la paix moderne. Du Droit de la Paix. De Iure Pacis, La Haye, 1932, p. 176.
L’opinion traditionnelle se trouve déjà consacrée dans la préface de Hamaker à son éd. du IPC : « Si utrumque librum inter se conferas, in oculos incurrit Jus pacis postea Dogmaticis de jure belli superadditum esse, indeque fieri ut alterius operis partes minus bene inter se aptatae sint et cohaereant » (loc. cit., p. x). Dans un sens analogue, l’Encyclopaedia Britannica, après avoir souligné à quel point la matière du IBP est déjà préfigurée dans le IPC, signale cependant entre autres la différence suivante : « The Jus pacis was an addition introduced first in the later work, an insertion which is the cause of not a little of the confused arrangement which has been found fault with in the De jure belli. » The Encyclopaedia Britannica, 11e éd., New York, 1910, v° Grotius, vol. xii, p. 622. De même, on relève ces phrases de J. B. Scott : « It may be admitted that the part concerning peace is, so to speak, interpolated in the text, and that it has more the air of an intruder than of an integral part of a project completely conceived in advance. It appears reasonable to believe that Grotius perfected the part which concerns war, which was before his eyes, and which was, according to him, the raison d’être of the treatise. » In : Hugo Grotius, De jure belli ac pacis libri tres, vol. ii, Oxford, 1925, Introduction, p. xxvi. Cf. aussi, entre beaucoup d’autres, A. Nussbaum, A Concise History, 1947, p. 102 ; P. Ottenwälder, Zur Naturrechtslehre, pp. 58 ss ; G. Ambrosetti, I presupposti, pp. 143 ss.
575 Cf. supra, pp. 458-460.
576 « ... however incomplete – when judged by reference to the present scope of international law – De Jure Belli ac Pacis may appear to be, it was the first comprehensive and systematic treatise on international law. » « The Grotian Tradition », p. 17. Pour sa part, B. M. Telders considère le IBP « het eerste naar volledigheit strevende handboek van internationaal recht, dat ooit is geschreven. » « Pour qu’on lise Grotius », p. 32.
577 IBP, ii, xv.
578 IBP, ii, xviii.
579 IBP, ii, ii-ix.
580 IBP, i, ii, x-xvii.
581 En guise d’exemple, citons encore ce passage de J. B. Scott, tiré de l’endroit précité, supra, note 574 : « The contents of the second book of the treatise of Grotius is very surprising, because it discusses questions relating to domestic law. The reason is simple, if Grotius’s point of view is accepted and when it is remembered that he endeavoured to explain in his treatise "the law of nature, the law of nations and the principles of public law", or whatever concerns the public government of a state. » Loc. cit., p. xxxv.
582 Cf. supra, pp. 177 ss.
583 IBP, ii, i, ii, 1.
584 Cf. en particulier IBP, ii, i, ii, 3, i. f. ; ii, ii, i ; ii, x, i, 1 ; ii, xi, i, 1 ; ii, xvii ; i ; ii, xx, i, 1.
585 IBP, Proleg., n. 34.
586 IBP, ii, i, 1.
587 Cf. supra, pp. 153 et 176.
588 IBP, ii, i, ii, 1. Cette quaternité est du reste rappelée au début du livre iii ; cf. infra, p. 570, note 717.
589 « Plerique bellorum tres statuunt causas iustas, defensionem, recuperationem rerum, & punitionem… in qua enumeratione nisi vox recuperandi sumatur laxius, omissa est persecutio eius, & quod nobis debetur… » IBP, ii,i, ii, 2 ; cf. IPC, cap. vii, fol. 30 (p. 69). Certes, Grotius ne fait ici plus qu’insinuer ce qu’il avait fortement souligné dans le IPC ; mais cette insinuation entend surtout expliquer le schéma qui précède immédiatement, où figure précisément le quod nobis debetur ; il maintient donc intégralement sa position d’autrefois. Cette relation entre les deux ouvrages et l’identité de leurs systèmes de droits subjectifs et de causes matérielles est bien aperçue par W. J. M. van Eysinga, « Quelques observations sur Grotius et le droit romain », Grotiana, x (1942-1947), La Haye, 1947, pp. 27-28. Nombre d’auteurs se sont en revanche laissés induire en erreur par une lecture superficielle du texte du IBP, si bien qu’à leur avis Grotius aurait admis trois catégories de causes : cf. p. ex. M. Bourquin, « Grotius et les tendances actuelles du droit international », RDILC, 53 (1926), p. 112, note 1 ; W. S. M. Knight, The Life, pp. 196-197 ; P. P. Remec, The Position, pp. 93-94 ; Hedley Bull, « The Grotian Conception of International Society », in : Diplomatic Investigations, Essays in the Theory of International Politics, éd. par H. Butterfield et Martin Wright, Londres, 1966, pp. 54-55. Pour des raisons encore moins compréhensibles, J. L. Brierly réduit le nombre des causes à deux (The Law of Nations, p. 32), sans avoir apparemment très bien saisi l’économie du second livre du IBP. Ces erreurs sont faciles à éviter par une comparaison des deux écrits grotiens, comme l’indique l’exemple de van Eysinga.
590 IBP, ii, i, ii, 1, i.f.
591 Cf. supra, p. 180.
592 Voilà ce que méconnaît fondamentalement la critique de Falchi, qui voit dans cette confusion des rapports de droit privés et publics « l’errore metodologico fondamentale che pervade la costruzione groziana », alors qu’on est en présence de l’une des idées centrales de tout le système. « Carattere ed intento », p. 576.
593 IBP, ii, i, ii, 1, i. pr.
594 IBP, ii, i, i, 3.
595 Qu’il ne s’agisse jamais de détours gratuits aux yeux de Grotius et que l’ensemble du système demeure centré sur les causes de guerre, nous est démontré par toute une série de passages : « Explicato, quantum instituto nostro sufficit, iure eo quod in personas aut res nobis competit, videndum etiam quae exinde nascatur obligatio adversum nos » (IBP, ii, x, i, 1). « ... generali tractatione quantum instituto nostro sufficit absoluta… » (IBP, ii, xii, xiii, 2, i. f.). « Quanquam privatis [sc. conventionibus] quoque istis belli causa nasci solet, frequentius tamen ex publicis. Ideo postquam de conventionibus generaliter a nobis tractata sunt satis multa, quaedam addenda sunt quae ad excellentiorem hanc speciem pertineant » (IBP, ii, xv, i). « Sed, ut ad institutum me recipiam, ob negatam sepulturam bellum iuste suscipi censuerunt veteres consensu magno » (IBP, ii, xix, v, 5). « An vero reges ipsi Us qui Christianam religionem reiiciunt, arma quasi poenae nomine inferre possint, supra capite de poenis a nobis disquisitum est quantum instituto sufficit » (IBP, ii, xxii, xxiv, 4 ; renvoi à IBP,ii, xx, xlviii-l). Cf. aussi IBP, ii, xxiv, i, i. pr.
596 En même temps ressurgit ici la dissociation entre le droit matériel (livre ii) et le droit procédural (livre iii) ; cf. supra, pp. 443-444, ainsi que infra, p. 568. Ce trait est excellemment relevé par C. van Vollenhoven, « The Framework », § 7, nn. 156 et 162, pp. 101 et 104, bien qu’il n’en aperçoive pas toutes les raisons, à nouveau par une méconnaissance du « précédent » de jeunesse, ce qui lui fait affirmer : « The “law of peace” in the book of 1625 is essential, and is almost entirely new. Neither any of Grotius’ predecessors nor his own book of 1604 presented a model ». Op. et loc. cit., n. 160, p. 103. En fait, le Mémoire comporte précisément, et de toutes pièces, ce « modèle ». Cf. aussi C. van Vollenhoven, Du Droit de Paix, p. 89.
597 Cf. supra, pp. 463-465.
598 Cf. supra, p. 549, note 583.
599 IBP, ii, i, iii-xviii.
600 IBP, ii, ii-x. Cet exposé comprend un chapitre sur ce que nous appellerions aujourd’hui le droit des personnes (v) et un chapitre sur le droit des successions (vii).
601 IBP, ii, xi, xvi.
602 IBP, ii, xvii.
603 IBP, ii, xx-xxi. Sur la différenciation, dans le IBP, entre crime pénal et délit civil, cf. infra, p. 553, note 617.
604 IBP, ii, xxii.
605 IBP,ii, xxiii.
606 IBP, ii, xxiv.
607 IBP,ii, xxiv-xxv.
608 Confronté globalement avec la tradition doctrinale du bellum iustum, ce système de causes matérielles mérite dès lors le même type de remarques que celui du IPC, supra, p. 444 ; il ne représente pas une nouveauté absolue comme le veut Vollenhoven, supra, p. 551, note 596, puisque le principe de la cause matérielle, implicite depuis longtemps, avait en plus été formulé au moins depuis saint Thomas ; mais, inversement, la tournure spéciale que lui confère Grotius (coïncidence avec un système général de droits subjectifs) en fait du moins une nouveauté relative, qu’il serait injuste de passer sous silence à la manière de Lauterpacht : « In the elaboration of the causes of just war Grotius made no obvious advance upon the already elaborate treatment of the subject by his predecessors. The merit of his own contribution lies in the clarity and in the emphasis with which he treated the subject. » « The Grotian Tradition », p. 37.
609 Voilà ce qui apparaît dans l’analyse assez fine qu’en donne P. P. Remec, mais qui souffre de ce qu’il ne semble pas apercevoir le principe fondamental sur lequel est construit le livre ii ; The Position, pp. 83 ss.
610 Cf. supra, p. 179.
611 Cf. supra, pp. 159 ss. Le parallélisme entre individus et Etats qu’il avait établi dans le IPC – annonçant la tradition hobbesienne, jusqu’à Vattel – se trouve donc en partie entamé. Mais il subsiste du moins dans son principe, comme le relève Lauterpacht, « The Grotian Tradition », pp. 26-30.
612 IBP, ii, i, xvi. C’est bien aux Etats que s’adresse l’interdiction de la guerre préventive (IBP, ii, i, xvii). Signalons en passant l’erreur de J. T. Johnson, Ideology, pp. 214 ss, qui croient pouvoir inférer de la formule iniuria nondum facta (IBP, ii, i, ii, 1) que Grotius autorisait en principe la guerre préventive. La tournure signifie seulement que l’acte illicite et le dommage ne sont pas encore consommés ; mais ils n’en doivent pas moins être imminents (IBP, ii, i, v). Si Grotius autorise la guerre préventive dans d’étroites limites, ce n’est pas par ce biais, mais par le détour de sa théorie de la compétence punitive, suivant laquelle un délit pourrait être puni dans certains cas dès le stade de la préparation, s’il en est déjà résulté un dommage partiel (IBP, ii, i, xvi, et ii, xx, xxxix). Cf. aussi K. E. Jeismann, Das Problem des Präventivkrieges im europäischen Staatensystem mit besonderem Blick auf die Bismarckzeit, Fribourg i. B. et Munich, 1957, pp. 22-23.
613 IBP, i, ii, v ; ii, xx, notamment § i, iii, vii-ix, et xl. Les limitations évangéliques énoncées aux § xiv-xvi ne font qu’en confirmer le principe.
614 IBP, ii, xx, ix, 4.
615 Cf. supra, pp. 530 ss.
616 Les limitations énoncées dans IPC, cap. viii, foll. 37’-38 (pp. 86-88), se retrouvent, un peu ramassées, dans IBP, i, iii, ii, 1.
617 L’infléchissement de la position du IBP par rapport au IPC peut être dû en partie aux réflexions intervenues entre-temps dans la Defensio fidei catholicae qui vont en fait bien plus loin dans cette direction. Grotius entendait entre autres y démontrer que le sacrifice du Christ équivalait à une peine. Or, constate-t-il, en infligeant cette peine, Dieu a dû agir de toute nécessité à titre de Rector, de supérieur, et non pas comme partie lésée ou créancier ainsi que le soutenait Socin. En effet, la partie lésée n’a pas le droit de punir ni même d’exiger la punition : elle n’a le droit qu’à une compensation matérielle pour le dommage subi, à titre de partie civile. Le droit de punir revient seulement à un supérieur, qu’il soit père de famille, chef d’Etat ou Dieu, le supérieur agissant non à titre de lésé ou de propriétaire, mais comme gardien du bien commun. La compétence vindicative du particulier est ici clairement rejetée : Grotius la considère soit comme une simple « vindicatio facti, quae pugnat cum ipsa naturali aequitati », soit comme le résultat d’une autorisation publique (DFC, ii, pp. 306-310). Considérées sur cet arrière-fond (qui met bien en évidence la relativité de la plupart des positions grotiennes, déterminées souvent par le contexte d’une polémique concrète), les thèses du IBP apparaissent en substance comme prolongeant celles du IPC.
618 IPC, cap. ii, foll. 8-8’ (pp. 15-17).
619 IBP, ii, xvii.
620 IBP, ii, xx. C’est delictum qui rend chez Grotius notre concept de « crime pénal » (cf. p. ex. IBP, ii, xxi, 1), crimen signifiant en latin essentiellement le chef d’accusation.
621 IBP, ii, i, ii, 1.
622 Cela revient en même temps à reconnaître la nature spéciale du droit pénal, notamment à raison de la relative indétermination du sujet habilité à infliger la peine (cf. IBP, ii, xx, iii-ix). C’est par là en particulier que le crime se distingue du délit, où l’ayant droit est au contraire clairement déterminé. Ce point est déjà discuté dans DFC, ii, pp. 307-308 (cf. supra, note 617).
La relation entre crimes et délits apparaît en plusieurs endroits (cf. IBP,ii, xx, xxxviii ; ii, xxi, i, 1 ; iii, xxii, iv, 3). Grotius les conçoit déjà à la manière moderne, en tant qu’actions « civile » et « criminelle » (IBP, iii, i, v, 3). Les deux continuent du reste à relever de la justice commutative, comme ce fut le cas dans le IPC ; cf. IBP, ii, xx, ii; IPC, cap. ii, fol. 8 (pp. 14-15).
623 W. J. M. van Eysinga, Hugo Grotius, chap. ii, p. 37.
624 Telle est la thèse essentielle des leçons professées par cet auteur à l’Université de Columbia, en juillet 1925, et publiées sous le titre « Grotius and Geneva » dans BV, vi (1926), pp. 3-44 ; la deuxième partie en est intitulée « Grotius’ Theorem », ibid., pp. 21-33. Cette position était cependant acquise déjà au lendemain de la grande guerre, comme l’indique la parution, à La Haye, en 1918, du pamphlet De drie treden van het volkenrecht. Cf. aussi, du même, « Grotius and the Study of Law », AJIL, 19 (1925), pp. 1-11 et « The Framework », notamment n. 15, p. 16 (« The chapter on punishment is the zenith of Grotius’ argument ») ; n. 16, p. 17 ; nn. 108-138, pp. 70-89 ; n. 218, p. 150.
625 La problématique de la guerre d’agression et de son illicéité intrinsèque n’est devenue prépondérante qu’à la suite de la première guerre mondiale ; elle ne joue qu’un rôle marginal pour Grotius et l’ensemble de ses prédécesseurs. Signalons toutefois que le problème est soulevé par le Panormitain, à propos de l’interprétation du commentaire du Hostiensis relatif à Decretales, ii, 24, 29, n. 13. On ne niera pas non plus que la figure du pacifragus, du Friedensbrecher, était bien connue dès le moyen âge, surtout dans le cadre du Saint-Empire, par le truchement des Landfrieden (cf. p. ex. Marianus Socinus (Nepos), Consilia, vol. iii, 68, nn. 37 et 75, foll. 96v et 98).
En ce qui concerne Grotius, il est évident qu’il n’approuvait point la guerre d’agression, du moins dans la mesure où elle ne se fondait pas sur une cause juste ; mais il est tout aussi évident qu’il ne lui attribuait pas le rôle cardinal que Vollenhoven lui fait jouer ; cela résulte déjà du simple fait que ce dernier a dû glaner les passages censés étayer son interprétation dans l’ensemble du IBP, lambeaux de phrases arrachés à des contextes fort différents ; jamais Grotius n’a songé à en faire un « théorème » et, encore moins, la thèse centrale de son ouvrage. Quant à la liste des autres « state crimes », constituée par la même méthode de dissection, elle n’est guère plus probante, et il est bien improbable que ce code pénal international réponde à l’intention de Grotius ; « The Framework », nn. 110-114, pp. 71-75. Bien que la compétence punitive soit affirmée en de nombreux endroits, ce n’est jamais qu’à côté et au même niveau que les autres compétences du juste belligérant. Le IBP n’est pas au premier chef l’ouvrage d’un pénaliste, malgré l’intérêt que pouvait porter au droit pénal le ci-devant Advocatus fiscalis. Grotius était d’un caractère conciliant, naturellement porté à la paix et à la concorde ; et il était par trop conscient des réalités politiques internationales, des rapports de force effectifs, pour croire en la vertu d’une application mécanique et aveugle d’un code pénal. Ne va-t-il pas, une fois, jusqu’à conseiller d’amnistier une bande de brigands ou de pirates devenue trop puissante, afin de la prévenir par ce biais de ses activités, plutôt que de lui appliquer une punition impossible à exécuter et donc d’emblée illusoire ? (IBP, ii, xxi, v, 5). Cf. aussi IBP, ii, xxiv, vii, qui prolonge les considérations d’opportunité de la Seconde scolastique (supra, pp. 406-407 et 437-439).
626 Cf. supra, pp. 409 ss.
627 IBP, ii, xx, xl. C’est de ce passage notamment que Vollenhoven entend faire découler la théorie « altruiste » de Grotius, par opposition à la position prétendument étriquée et « égoïste » du moyen âge. Or, le passage n’a pas la portée générale qu’il lui attribue. Son contenu est bien circonscrit par le sommaire grotien : « An reges & populi bellum rede inferant ob ea quae contra ius naturae fiunt, non tamen adversus ipsos ipsorumve subditos, explicatur, reiecta sententia statuente naturaliter ad poenam exigendam requiri iurisdictionem. » (On se demande toutefois si le tamen n’est pas dû à une lecture erronée du premier imprimeur ; le tantum figurant au début du § xl dans une phrase correspondante serait plus satisfaisant ; mais il faudrait admettre que l’erreur aurait échappé aux révisions successives que fit Grotius de son texte, ce qui, pour être peu probable, n’est cependant pas inconcevable, vu les autres obscurités de ce passage). Grotius prend ici position dans une dispute bien précise, due pour l’essentiel à l’opposition que firent Vitoria et Vasquez de Menchaca à une thèse d’Innocent iv ; cf. F. de Victoria, De indis, ii, n. 16 (le n. 40 auquel renvoie Grotius désigne le même passage, mais correspond à une numérotation globale de la Relectio) et De temperantia, n. 7 ainsi qu’un fragment qui se rattache, semble-t-il, à cette Relectio et qui développe le passage du De indis ; mais qui, n’ayant été découvert qu’en notre siècle, n’a pu être connu de Grotius ; cf. T. Urdanoz (éd.), Obras de Francisco de Vitoria, pp. 1039-1059 ; F. Vasquius, Controversiae illustres, i, 24, nn. 1-6 ; Innocens IV, Apparatus, ii, 34, 8 (Quod super his), n. 4 (Item ipse petro). Grotius dépasse en fait les positions des deux parties, en recourant à sa théorie du IPC sur la compétence vindicative du particulier (supra, pp. 226 ss). Le passage examiné n’est en substance qu’une application nouvelle de cette théorie, qui, dans la mesure où on l’applique aux princes comme le fait ici Grotius, coïncide paradoxalement avec certaines thèses vitoriennes (cf. De iure belli, n. 19). Vollenhoven a raison (avec Barbeyrac) de rendre attentif à une double obscurité dans ce paragraphe (« Un passage obscur dans le livre de Grotius », Grotiana, v (1932), pp. 23-25), mais le sens général n’en est pas moins suffisamment clair pour exclure l’interprétation qu’il en donne. Pour un passage parallèle, qui apporte du reste une nuance restrictive, cf. IBP, ii, xxi, iii.
628 IPC, cap. viii, foll. 39-42 (pp. 88-95) ; cf. aussi supra, note 627.
629 Cf. supra, pp. 417 ss.
630 Tout au plus accentue-t-il d’une manière nouvelle le fait que la compétence vindicative échoit par excellence à la puissance publique, comme on l’a signalé supra, p. 553 ; cf. IBP, ii, i, xvi.
631 Les thèses de Vollenhoven ont pourtant trouvé des partisans, comme p. ex. M. Bourquin, « Grotius et les tendances », pp. 94 ss ; H. Fortuin, De natuurrechtelijke grondslagen, pp. 163 ss, passim. Pour une bonne réfutation, L. J. C. Beaufort, La guerre comme instrument de secours ou de punition, La Haye, 1933, pp. 156-177. Cf. aussi la discussion de G. van der Molen, qui montre que l’idée de Grotius n’est guère originale et qu’en particulier Gentili n’avait rien à lui envier sur ce point ; Alberico Gentili, 1968, pp. 132 ss.
632 IBP, ii, v.
633 IBP, ii, vi et xiv-xv.
634 IBP, ii, xviii ; cf. supra, p. 542, note 552.
635 Du moins dans ce chapitre qui considère uniquement les rapports entre l’ambassadeur et l’Etat accréditaire, toujours dans la perspective d’une cause de guerre possible. Que Grotius assimilât par ailleurs la mission diplomatique à la représentation en droit privé est cependant attesté par IBP, ii, xi, xii, encore que le terme repraesentatio ne soit jamais utilisé qu’en relation avec le droit successoral ; cf. IBP, ii, vii, iv.
636 V. Hély, Etude, pp. 155-156.
637 Ibid., pp. 78 ss et 156 ss.
638 L’étude de Hély a été publiée en 1875, mais l’auteur paraît tout ignorer du IPC.
639 Relevons en ce sens cette appréciation de Hamaker, dans le passage de sa préface à son éd. du IPC où il compare ce dernier avec le IBP : « Ipsa juris gentium disciplina in utroque opere eadem est. Libri si quid discrepant, in forma discrimen cernitur, non in re. Auctor senior factus plus prudentiae adhibet, minus absolute loquitur, plura excipit. Multa viderat, multos vitae casus expertus erat : itaque opus, quod juvenis scripserat, mutavit prout mutatus ejus in multis animus postulabat. At de juris principiis et origine eadem sentiebat. » Loc. cit., pp. x-xi.
640 Cf. infra, Annexe i, p. 633.
641 Cf. supra, p. 6, note 13 et p. 528.
642 Cf. aussi supra, pp. 453-455.
643 Cf. p. ex. IBP, ii, xii, xxvi, 3 (validité des contrats iuris gentium entachés d’une inégalité) ; ii, xviii, i v (immunité de juridiction des envoyés diplomatiques) ; iii, ii, ii (justification des représailles) ; iii, iv, iv (justification des effets iuris gentium de la guerre publique solennelle) ; iii, iv, xv, 1 (interdiction du poison en tant que moyen de nuire à l’ennemi) ; iii, iv, xviii, 5 (interdiction de l’usage d’assassins) ; iii, vii, v (asservissement des prisonniers de guerre).
644 Malgré son parti pris de faire abstraction de la pratique contemporaine (cf. supra, P. 450, note 20), Grotius n’en laisse pas moins transparaître celle-ci de temps à autre, presque par mégarde, dirait-on ; cf. p. ex. IBP, iii, vi, xxiv, 7 et 8 (coutumes diverses en matière de distribution de la proye). Il arrive même qu’il évoque des événements contemporains ; ainsi l’avis qui lui fut demandé – sans doute lors des négociations commerciales entre les Provinces-Unies et la Grande-Bretagne – sur la licéité internationale d’un régime de monopole (IBP, ii, ii, xxiv, et W. J. M. van Eysinga, « Une actualité dans le De Jure Belli ac Pacis », Grotiana, vi (1933-1935), pp. 15-19) ; ailleurs, il évoque une affaire judiciaire pendante à Paris au moment même où il écrivait (IBP, iii, ix, xix, 2).
645 En ce sens, Grotius est un parfait représentant de ce que Ernst Lewalter appelle « scolastique humaniste », telle que l’aurait promue en particulier l’Ecole de Salamanque ; Spanisch-jesuitische und deutsch-lutherische Metaphysik des 17. Jahrhunderts, pp. 22-23. En ce qui concerne le fréquent usage que fait Grotius des belles lettres anciennes, on relèvera que même Descartes ne l’aurait, ne semble-t-il pas réprouvé sur ce point : « Mirum videri possit, quare graves sententiae in scriptis poetarum, magis quam philosophorum. Ratio est quod poetae per enthusiasmum et vim imaginationis scripsere. » Cogitationes privatae, éd. Adam-Tannery, t. x, p. 217, cité par W. Rod, Descartes, Munich et Bâle, 1964, p. 227, note 19. Science et poésie sont peut-être en définitive plus proches l’une de l’autre que nous sommes communément enclins à l’admettre.
646 Cf. p. ex. IBP, iii, ix, où se traduit une conscience aiguë de la formation historique de l’institution du postliminium.
Cette sensibilité à l’histoire ne suffit pas cependant pour accréditer les thèses de Massimo Panebianco sur la place de l’histoire dans le IBP ; Ugo Grozio e la tradizione storica del diritto internazionale, Naples, 1974. Son avis semble être que le but essentiel de Grotius fut d’établir l’existence d’un ius gentium antique, spécialement romain, et de le ramener au jour en tant que fondement juridique de la nouvelle société internationale de son propre temps. Grotius se serait ainsi fait le champion de la continuité du ius gentium, par opposition à un autre courant doctrinal soutenant au contraire qu’il y avait sur ce point rupture entre l’antiquité et les temps modernes. La preuve de sa thèse, Panebianco la perçoit dans le fait que Grotius reconnaît un ius gentium à côté du ius naturale, ainsi que dans la foi qu’il attache aux témoignages de l’histoire ancienne. Que Grotius admît une validité continue du ius gentium est certain ; mais il s’agit là avant tout, à ses yeux, de l’expression d’une vérité intemporelle que l’antiquité avait su exprimer avec une pureté « classique », alors que d’autres époques l’ont oubliée. C’est en tant qu’illustration de cette pureté que Grotius cite le plus souvent les auteurs anciens ; leurs opinions sont « exemplaires » au sens où le sont les portraits de Plutarque. Panebianco admet du reste un peu trop à la légère que les Romains – et Grotius avec eux – voyaient dans leur ius gentium un droit international au sens actuel. Plus généralement, il aurait fallu analyser au préalable la perception grotienne de l’histoire et de sa relation au droit. Une étude sur le Geschichtsverständnis de Grotius resterait à écrire ; cf. cependant A. Droetto, « Il “tacitismo” nella storiografia groziana », RIFD, 27 (1950), pp. 481-525.
647 Significatif paraît à cet égard déjà le jugement de Leibniz : « Fatendum est, Hugonem Grotium, eximium virum, majorem usus rationem habuisse, et quae ex omni historia ac veterum monumentis selegit, praeclare accommodasse ad regulas constituendas, quae nunc quoque vim habent. Poterat tamen utilior esse seculo, si seposita aliquando gravitate, qua semper ad illud eruditionis culmen assurgit, quo pauci, fateor, accedere possunt, familiariorem se reddidisset nobis, atque ea subinde tractasset, quae Magnis illis viris pro minutiis habentur, at nobis, (ut nunc sunt, credoque semper erunt res humanae) graves saepe difficultates pariunt : quemadmodum faciunt caerimoniae, tituli, receptae quaedam consuetudines, et observationes nonnullae viles in speciem, effectu magnae. Nimirum sunt multa, quorum scientia a nemine laudatur, ab omnibus tamen requiritur. » Caesarini Furstenerii tractatus, ix, pp. 50-51. Le passage se poursuit par une sorte de profession de foi en faveur d’un positivisme (au sens moderne) avant la lettre. Paru un demi-siècle après le IBP (1677), le traité de Leibniz le fait apparaître déjà en partie comme suranné à raison de sa méthode : déjà, la valeur des testimonia peritorum, qui aux yeux de Grotius ne faisait pas le moindre doute, se trouve partiellement contestée, du moins quant à leur utilité pratique.
648 Cf. supra, p. 549.
649 Cf. supra, pp. 148-150.
650 IBP, iii, ii, ii-iii et vi-vii.
651 IBP, iii, iv, vi-xvi. Pour Cajetan, cf. supra, p. 306, note 1456, et, pour la déclaration de guerre, infra, pp. 575 ss.
652 IBP, iii, xi, viii ss.
653 IBP, iii, xi, iii-vi. Cf. aussi supra, pp. 180 ss.
654 Cf. supra, ibid., et pp. 305 ss.
655 Cf. la discussion des temperamenta belli, infra, pp. 572 ss et 579.
656 Cf. supra, pp. 148 ss.
657 IBP, i, i, i.
658 Cf. supra, pp. 53-54.
659 IBP, ii, xxvi.
660 Cf. supra, pp. 197 ss.
661 IBP, ii, xxvi, iii. Xx
662 IBP, ii, xxvi, iv.
663 IBP, ii, xxiv, iv, 1.
664 IBP, ii, xxvi, iv, 4 et 8. On notera l’utilisation de la distinction entre iudicium activum et iudicium contemplativum ; cf. IBP, ii, xxvi, iv, 1 et 4, et supra, p. 198.
665 Cf. supra, pp. 189 ss.
666 Cf. supra, p. 221.
667 IBP, i, ii, i, 3 ; ii, xxiii, i ; cf. aussi, en un sens voisin, IBP, iii, i, ii, 1 ; en revanche, pour une légère restriction à l’infaillibilité des mathématiques, IBP, ii, xx, xliii, 1, où c’est à vrai dire plutôt la bonne perception des résultats qui est en cause.
668 IBP, ii, xxiii, ii, 1.
669 IBP, ii, xxiii, ii, 2.
670 IBP, ii, xxiii, i-v, constitue en fait un exposé succinct sur le probabilisme.
671 IBP, ii, xxiii, iii, xi.
672 J. ter Meulen, Der Gedanke der Internationalen Organisation, i, pp. 157-159 ; C. L. Lange, Histoire de l’Internationalisme, i, pp. 321-324 ; T. Ruyssen, Les sources doctrinales, i, pp. 439-440. La thèse d’une dépendance « évidente » semble avoir été exprimée pour la première fois par E. Nys, Les origines, p. 398. L’influence du Nouveau Cynée sur Grotius est mise en doute par Kurt von Raumer, Ewiger Friede, Friedensrufe und Friedenspläne seit der Renaissance, Fribourg i. B. et Munich, 1953, pp. 80-81. Une autre source d’inspiration possible est Gentili, qui insiste sur le recours à l’arbitrage avant d’en venir à la guerre ; De iure belli, i, 3, pp. 22 ss.
673 Cf. supra, pp. 221 ss et pp. 305 ss.
674 IBP, ii, xxvi, iv.
675 IBP, ii, xxiii, xiii.
676 Cf. supra, pp. 203 ss.
677 IBP, ii, xxiiii, xiii, 4.
678 IBP ; ii, xxiii, xiii, 5.
679 Cf. infra, pp. 571 ss.
680 IBP, ii, xxiii, xiii, 1.
681 J. T. Johnson, Ideology, pp. 231 ss ; D. Bindschedler-Robert, The Law of Armed Conflicts, p. 9, note 23.
682 Cf. infra, pp. 579 ss.
683 IBP, Proleg., nn. 34 et 38.
684 En ce sens aussi supra, p. 530.
685 Le juriste moderne qui, assimilant « ius gentium » à « droit international », y voit tout naturellement une « sphère juridique » régissant un ensemble de rapports de droit et comportant à cette fin un ensemble correspondant de normes juridiques, doit être particulièrement attentif au fait que Grotius – ainsi que ses prédécesseurs – n’utilise pratiquement jamais l’expression ius gentium en ce sens-là : plutôt qu’une portion de l’ordonnancement juridique, elle désigne avant tout une source du droit, au sens étroit et formel que nous attachons à cette notion. Cf. supra, p. 544, note 562.
686 En ce sens, citons ce jugement correct, bien qu’incomplet, de E. Balogh : « In fact it is exceedingly difficult to discern this law of peace in the chapter which he seems to call a supplement to the law of war. Excepting the developments referring to embassies and in a certain measure those to public treaties we find only a very vague sketch thereon… we have to admit that neither Grotius himself nor his predecessors were able to form the idea of a veritable law of peace. » « The Traditional Element », p. 265. De fait, le livre ii comporte encore nombre d’autres développements que nous rattacherions au droit international de la paix ; mais ce qu’il importe de relever est que l’ensemble n’est pas conçu dans cet esprit-là.
687 IBP, iii, i, i ; cf. aussi Proleg., n. 25, où Grotius affirme que « bellum debeat… geri… intra iuris et fidei modum ».
688 P. Bellus, De re militari, x, ii ; A. Gentilis, De iure belli, iii, 13-24. Cf. aussi B. Ayala, De iure et officiis bellicis i, vi-vii.
689 Cf. p. ex. le volumineux exposé de Luc de Penna, Commentaria in tres libros Codicis Iustiniani, ad Cod., 12, 63.
690 IPC, cap. viii, fol. 51-51’ (pp. 115-117). Cette discussion, qui porte essentiellement sur le cas de perfidie commis par le percussor immissus, l’assassin qui s’est introduit auprès de sa victime à la faveur de la bonne foi de celle-ci, par opposition aux ruses de guerre licites, se retrouve en substance dans IBP, iii, iv, xviii. Pourtant, il est permis d’y voir aussi l’une des cellules génératrices des six derniers chapitres du IBP, l’autre étant le chap. ix du IPC relatif à l’animus iustus.
691 M. T. Cicero, De officiis, i, (11) 35 et (13) 39.
692 Cf. supra, p. 457, note 68.
693 Isidorus, Etymologiae, xviiii, 11 ; Bartolus, Consilium lxvi, in : Consilia, Quaestiones, Tractatus Bartoli, s. l., 1533, fol. 19v, col. 2. En ce sens doit encore s’entendre elle l’expression ius pacis, telle que Leibniz la juxtapose à ius belli, ius foederum et ius legationis en énumérant les compétences fondamentales du prince souverain ; Caesarini Furstenerii tractatus, capp. xx-xxiii, et lxi ; cf. encore le « droit de guerre et de paix » des Etats souverains et de leur organe suprême en droit constitutionnel moderne.
694 Cf. supra, note 688. Ainsi Gentili note dans sa discussion sur le problème topique de la rupture de la paix (expression en soi significative, puisqu’elle implique l’idée de la violation d’un traité) : « Offensio retro similis esse debet : puta vastando, occupando, bellando. alias non dicitur rumpi pax. quia sit pax transactio quaedam : & itaque referatur ad lites eiusdem generis. » De iure belli, iii, 24, p. 708.
695 Relevons à ce sujet le libellé du titre de IBP, iii, xx : De fide publica qua bellum finitur, ubi de pacis pactione… Cette acception résulte aussi de l’ensemble du chapitre et de son sommaire : il y est question notamment de pacem facere (IBP, iii, xx, ii, rubr.) auquel correspond pactiones facere (ibid., texte) ; de ius paciscendi (IBP, iii, xx, iv), auquel correspond ius pacis faciendae (ibid., rubr.) ; de rebus pactioni subiectis (IBP, iii, xx, v, 1) ; de pacis conventiones par lesquelles les adversaires ad pacem veniri (IBP, iii, x, xi, 1 et 2) et au sujet desquelles la rubrique parle de pax interpretanda ; la pax est désignée comme actus civitatis (IBP, iii, xx, xxxii, 1) ; et l’on relève enfin des tournures telles que quod in pace dictum est (IBP, iii, xx, xxxiv), quae pace comprehensa sunt (IBP, iii, xx, xxxiv), pacem rumpere (ibid.) et pacem solvere (IBP, iii, xx, xxxix).
696 Cf. sur ce point les belles pages de Guglielmo Ferrero, La fin des aventures, Paris, 1931, pp. 143-214. Cf. aussi B. H. Liddell Hart, Defence of the West, Londres, 1950, p. 375.
697 IBP, i, i, i ; cf. Proleg., n. 3.
698 C. van Vollenhoven est un des seuls à avoir dûment mis en lumière ce noyau essentiel et en quelque sorte négatif de l’ouvrage : « ... it [le IBP] by no means exclusively deals with what we call international law – Grotius did not even try to find out a name for it –, but embraces all kinds of juridical relations outside of strictly national (municipal) relations… ». « Grotius and Geneva », p. 14. Cf. aussi « Grotius and the Study of Law », pp. 1-2, et « The Framework », n. 1, p. 1. On ne peut que regretter qu’il ait mis cette intuition si correcte au service d’une interprétation si déformante du IBP.
699 IBP, i, i, i.
700 IBP, Proleg., nn. 34-35. La même logique semble animer cette phrase de la Dédicace à Louis XIII : « Dignum hoc tua pietate, dignum isto fastigio, non cuiusquam ius armis attentare, non veteres turbare fines ; sed in bello pacis gerere negotium, nec incipere nisi hoc voto, ut quamprimum desinas. »
701 Déjà critiqué par Felden, Annotata, pp. 1-2, et par Boeder, Commentatio, p. 78, on comprend que ce passage ait suscité cette appréciation de la part de Kaltenborn : « Dies ist fürwahr eine komische Schlussfolgerung » ; Kritik des Völkerrechts, p. 46. Relevons encore que la traduction qu’en donne Kelsey dans l’éd. des CIL paraît discutable.
702 Cette interprétation, seule cohérente, du ac pacis fut sans doute encore ressentie durant l’ancien régime (cf. p. ex. le cas de Barbeyrac, infra, p. 623, note 52) ; depuis, elle n’a plus été aperçue, à notre connaissance, que par Bulmerincq : « Der Frieden erscheint hier nur als Anhängsel des Krieges. Er wird überhaupt als der Hauptzustand von Grotius nicht aufgefasst. Auch alle übrigen, sonst etwa dem Friedensrechte angehörigen Fragen werden in das Kriegsrecht versetzt, oder wenigstens nur in Rücksicht auf ihren Zusammenhang mit dem Kriege behandelt. Es kam Grotius nur darauf an, die möglichen völkerrechtlichen Verhältnisse zu erschöpfen, aber er bezog sie alle nur auf einen äussern Zustand, ohne sie in ihrer Wesenheit zu systematisiren » ; Die Systematik, pp. 23-24. Et un peu plus loin : « Eine Systematisirung auf der Grundlage zweier äusserer Zustände, des Krieges und Friedens, – wie wir sie bei späteren Völkerrechtsautoren entdecken, – kann bei Grotius desshalb, weil er den Krieg als etwas das Ganze Beherrschendes auffasste, nicht angetroffen werden, wol aber verleitete er durch seinen Titel de iure belli ac pacis zu der nach ihm üblich gewordenen Vertheilung des Stoffs in die rein äusseren Kategorien des Krieges und Friedens » (op. cit., pp. 25-26).
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