La conséquence des migrations d’un point de vue économique
p. 35-37
Texte intégral
1Cette brève intervention n’a pas pour objet d’être exhaustive ni de passer en revue toutes les implications économiques des migrations sur le développement dans une perspective genrée, mais de présenter quelques points qui me semblent importants sous l’angle économique. Avant tout, si nous parlons de migrations internationales et non internes au pays, il faut distinguer les motivations différenciées entre les pays d’accueil et le « migrant ».
2La personne qui migre peut le faire pour plusieurs raisons, entre autres politique (requérant d’asile, déplacement forcé) ou économique (recherche de meilleurs revenus, désir d’échapper à une situation d’exclusion sociale et/ou économique).
3Si nous considérons le point de vue du pays d’accueil, les politiques tentent de capter (de trier) les migrations « utiles », notamment en termes de force de travail (la France par exemple a connu un déficit de main-d’œuvre dans les années 1970 qu’elle a compensé par une force de travail étrangère), de brain drain : l’acceptation des migrants selon le niveau de qualification « utile » au pays d’accueil s’avère plus facile. L’impact économique de ces migrations est plus ou moins important selon le travail effectué.
4Dans un premier temps, il faut comprendre que la conséquence des migrations d’un point de vue économique est perceptible dans la structure démographique des pays d’origine et d’accueil. En effet, les migrations dites « économiques » concernent très souvent une population jeune, qui devrait être comptabilisée dans la population active, et il s’ensuit une transformation de la structure démographique de la population active : dans le pays d’origine, le taux de dépendance économique augmente, car la part de la population active capable de subvenir aux besoins des inactifs, tels que les enfants, les retraités, etc., devient trop faible, alors que ce taux diminue dans le pays d’accueil.
5Le fait que les migrants fassent partie de la population active affecte également la dynamique de la production. A ce propos, il est aussi vrai que si le taux de chômage est très élevé ou si la main-d’œuvre est suffisamment abondante dans le pays de départ, la migration peut soulager la charge sociale du pays de départ et même le favoriser du fait de l’envoi des mandats monétaires. L’argent ainsi envoyé peut contribuer de manière importante au PIB : le Maroc a par exemple un PIB de 34 milliards de dollars et les mandats envoyés au Maroc se montent à 3,3 milliards de dollars. De plus, en cas de retour, les formations acquises à l’étranger peuvent être bénéfiques au pays, notamment si elles sont de qualité et adaptables à ses besoins – ce qui n’est pas toujours le cas.
6Par ailleurs, les migrants au statut instable (en attente ou illégaux) ou peu qualifiés ne sont pas perceptibles de manière formelle puisqu’ils sont souvent intégrés dans les structures dites « informelles », soit le travail au noir dans des structures légales ou pas. Ils peuvent devenir une charge sociale dans le pays d’accueil – argument exploité par les politiciens de droite –, voire être exclus également du système économique et social.
7D’après ces différents points, nous pouvons souligner une différence entre hommes et femmes. En effet, le plus souvent, la majorité des migrants économiques trouvant du travail à l’étranger sont des hommes. Dans les pays du Nord, il est plus facilement fait mention du « migrant économique » – donc d’un homme – que de la « personne migrante », qui inclurait les femmes. D’un point de vue économique (PIB), les structures sociales dans les pays de départ donnent une plus large visibilité économique aux hommes qu’aux femmes, dont la place dans la vie économique est peu comptabilisée. Dans ce cadre, le niveau de qualification et de formation est dans la plupart des cas plus élevé chez les hommes migrants que chez les femmes. Une femme a donc moins de chance d’être intégrée dans les structures économiques légales et est souvent « invisible » également de ce point de vue (travail domestique, prostitution…). Néanmoins, on peut aussi assister à l’effet inverse lorsque le pays d’accueil, bénéficiant d’une structure sociale parfois plus égalitaire en droit, offre aux femmes des occasions de formation et de travail meilleures que dans leur pays d’origine. N’oublions pas non plus que dans de nombreux pays, les femmes de ménage sont souvent recherchées.

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