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Migration pour ou contre le développement : regards disciplinaires croisés

p. 31-33


Texte intégral

1L’IUED est un institut interdisciplinaire, enseignant quatre disciplines principales – l’écologie globale, l’économie, l’anthropologie et la sociologie politique – indispensables pour l’étude des problématiques de développement. Au début de décembre 2003, les assistant-e-s de l’Institut ont organisé une rencontre avec les étudiant-e-s qui devait illustrer comment aborder une thématique dans une perspective interdisciplinaire. Ils avaient choisi la thématique de la migration. L’objectif de cette rencontre, intitulée « La migration : pour ou contre le développement ? », était de réfléchir sur la relation entre migration et développement : la migration est-elle un signe de développement ou la conséquence d’un « mal développement » ? La perspective interdisciplinaire appliquée à cette thématique a permis de mettre en avant la complexité d’un phénomène social aussi banal que la circulation de personnes humaines entre différents pays.

2La rencontre de décembre 2003 m’a convaincue de la pertinence de ce débat pour le Colloque genre. J’ai donc demandé aux assistant-e-s de refaire l’exercice, c’est-à-dire de donner un éclairage disciplinaire sur la migration et d’intégrer les regards croisés. Toutefois, pour cette nouvelle occasion, chacune et chacun a essayé d’inclure la dimension genre dans ses réflexions sur la migration. Le « genre » figure au centre de la rosace de l’iuéd et l’approche de l’Institut se veut interdisciplinaire, voilà donc cette petite table ronde à l’image de l’iuéd.

3L’aperçu économique de Pauline Plagnat, assistante en économie, nous fait prendre connaissance de l’impact de la migration internationale sur les modifications de la structure de la population active aussi bien dans le pays de départ que dans le pays d’accueil. Quand un pays « perd » une partie de sa force de travail et que l’autre « gagne » une population active, il y a de part et d’autre une retombée importante sur le PIB (produit intérieur brut). La perspective genre permet de spécifier ces retombées et de mettre en avant un certain nombre de questions sur la visibilité économique des migrantes en regard de leur niveau de qualification et des secteurs qui les absorbent.

4Quynh Thu Tran, assistante en coopération internationale au développement, jette un regard critique sur les politiques de la coopération internationale face à la féminisation des flux migratoires, tant au niveau international qu’au niveau intranational. Elle attire l’attention sur le fait que les causes de migration des femmes (fuite devant des conditions de vie oppressantes) ne font guère l’objet des politiques d’aide internationale. S’il faut constater un manque de politiques « antimigratoires », il y a autant de cécité devant l’utilisation efficace des épargnes et des mandats envoyés par les femmes émigrées en vue d’un renforcement du développement local. Chiffres à l’appui, Thu Quynh Tran met le doigt sur l’inconscience de la coopération internationale devant le phénomène migratoire, et notamment devant ses conséquences sur la vie des femmes migrantes et de celles qui restent seules au pays.

5Valentina Liakhova, assistante en écologie globale, présente un exemple local d’interconnexion entre un projet de développement, les changements environnementaux, les conditions de vie et de travail des femmes et les causes de migration. Les sociétés agraires traditionnelles africaines ont développé un système d’exploitation de leur écosystème caractérisé notamment par une division sexuelle de travail. L’introduction des méthodes modernes dans l’agriculture affecte cette division sexuelle du travail. La destruction des écosystèmes locaux mène à la perte des travaux agricoles féminins traditionnels, et les femmes se voyant marginalisées cherchent à partir.

6Jules Bagalwa Mapatano, assistant en sociologie politique du développement, met en avant l’importance de l’organisation du monde en Etats-nations. Comment les migrations affectent-elles ces entités que nous appelons Etats-nations ? Comment mettent-elles en question l’autonomie, les mythes fondateurs, les réalités sociales et culturelles de ces derniers ? Il y a une dynamique entre les populations d’accueil et les populations immigrées. Les femmes qui viennent d’un pays à régime autoritaire dans un pays à régime démocratique prennent conscience de droits, et cela affecte les rapports qu’elles ont avec leurs « proche s » qui fonctionnent selon un modèle patriarcal. La migration peut donc devenir une leçon de citoyenneté au sein de couples et de communautés.

7Anna Neubauer, assistante en anthropologie, donne un éclairage sur le vécu des migrantes. Cela permet de remettre en cause des présupposés sous-jacents à certains concepts et idées politiques ; par exemple, qu’est-ce qu’une migration volontaire ou forcée ? La trajectoire d’un individu migrant peut par moments relever de l’une ou de l’autre. Le regard microsociologique aide à comprendre les stratégies migratoires des familles ou communautés « du dedans ». Et cet éclairage sur les relations sociales concrètes révèle que les causes et l’impact de la migration connaissent une dimension genrée.

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