Cent ans de sollicitude en France. Domesticité, reproduction sociale, migration et histoire coloniale
p. 229-245
Note de l’éditeur
Référence : Moujoud, Nasima, et Jules Falquet. “Cent ans de sollicitude en France. Domesticité, reproduction sociale, migration et histoire coloniale” in Christine Verschuur et Christine Catarino, Genre, migrations et globalisation de la reproduction sociale, Genève, Cahiers Genre et Développement, n°9, Genève, Paris : EFI/AFED, L'Harmattan, 2013, pp. 229-245, DOI : 10.4000/books.iheid.5974 – Acheter le .pdf chapitre éditeur.
Texte intégral
À la femme de ménage inconnue
1En lien avec l’avancée de la mondialisation néolibérale, on observe depuis quelques années en France des transformations des paradigmes féministes, en particulier avec le développement, d’une part, d’analyses sur la « crise de la reproduction sociale », la « féminisation des migrations » et les « chaînes globales de care […] » ; d’autre part, de manière plus profonde, à la multiplication des approches « intersectionnelles » et « postcoloniales », qui posent avec insistance la question de la « diversité » ou de la franche « dualisation » de la catégorie des femmes, dont le paradigme serait la patronne (de classe relativement aisée, accédant à un emploi valorisant, blanche ou du « Nord ») et « son » employée domestique (prolétaire, racialisée, migrante du « Sud » et sans papiers peut-être). Interpellées par ces évolutions, nous nous sommes demandé, comme bien d’autres, si l’on pouvait toujours penser, avec les féministes matérialistes francophones, en termes d’unicité de destin, non pas de femmes au sens biologisant, mais de la « classe des femmes », définie par le « mode de production domestique » (Delphy 1998), ou, de manière plus large, par une position commune dans les « rapports de sexage » (Guillaumin 1992).
2La question a été posée depuis longtemps et à de nombreuses reprises par les féministes noires nord-américaines à propos du confinement de la majorité des Noir-es dans les travaux de services, notamment domestiques (par exemple, Davis 1983 et hooks 1981). Cependant, c’est la sociologue nord-américaine Evelyn Nakano Glenn qui, en analysant l’histoire du travail de reproduction sociale rémunéré et gratuit aux États-Unis, a énoncé de manière la plus systématique la profonde imbrication des rapports sociaux de sexe avec ceux de « race » (Nakano Glenn 1992 ; 2009). Elle dénonçait aussi l’erreur que constituait le fait d’avoir, selon elle, « universalisé l’expérience du travail domestique de certaines femmes » – privilégiées par la « race » et par la classe. Or, s’il est manifeste que le féminisme matérialiste francophone n’a guère pris en compte l’expérience des femmes colonisées ou migrantes – pourtant fort significative, comme on le verra –, pour ce courant, il ne s’agissait nullement d’universaliser une quelconque expérience mais de mettre en évidence un rapport de classe entre femmes et hommes.
3Tout bien pesé, et comme nous tenterons de le montrer ici, nous pensons que ce rapport de classe de sexe existe bel et bien, qu’il s’articule autour de la question du travail domestique et de reproduction sociale, et qu’il est particulièrement visible quand on observe la situation des femmes des classes populaires, migrantes ou racialisées, qui combine extorsion de travail domestique gratuit au sein du foyer et exploitation du travail de reproduction sociale sous-rémunéré et déclassant chez autrui, dans des administrations ou des entreprises, éventuellement dans un pays tiers. Ainsi, pour saisir pleinement l’existence de la classe des femmes, nous proposons un double déplacement du regard : d’une part en tentant d’intégrer davantage les positions de classe et de « race » des femmes, d’autre part en historicisant et en internationalisant l’analyse pour mettre en évidence, derrière les logiques privées et à court terme des « patronnes », des maris et des patrons, les stratégies à long terme de l’État, colonial, postcolonial ou néolibéral, qui organise de diverses manières, parfois ambiguës et contradictoires mais toujours extrêmement prégnantes, le statut et les activités des un-es et des autres. En particulier, comme Nakano Glenn l’a fait en mettant en évidence la continuité entre le système juridique de l’esclavage et l’astreinte des femmes afro-nord-américaines au care aux États-Unis (Nakano Glenn 2002), nous verrons comment l’État français, autour de la problématique de la reproduction sociale, a traité les femmes, métropolitaines, colonisées et migrantes, à travers ses politiques migratoires, sociales et d’emploi.
4Pour des raisons de place, nous nous concentrerons surtout sur le service domestique, mais il faudrait bien sûr analyser simultanément le travail domestique (gratuit) ainsi que les activités et emplois de service qui permettent la reproduction sociale au sens large, que ces activités soient assurées dans le cadre marchand, dans celui des services publics, ou bénévolement1. Il serait aussi nécessaire d’étudier en même temps le marché du travail du sexe, qui possède de nombreux liens avec celui de la domesticité, comme nous le savons notamment depuis les travaux de Paola Tabet sur le continuum de l’échange économico-sexuel : Tabet (1987 ; 2004). Ce travail reste à faire.
5Nous proposons ici de revenir, en deux temps, sur cent ans de travail de reproduction sociale et de service domestique en France2. Nous aborderons d’abord la complexe stratification que la domesticité a supposée et engendrée en France métropolitaine et dans ses (ex-) colonies, ainsi que les effets de la colonisation, de la migration et des politiques de l’État français, jusqu’aux années 1980. Nous réfléchirons ensuite sur la période néolibérale contemporaine, où l’on assiste à une internationalisation encore plus poussée de la reproduction sociale et à une re-privatisation du patriarcat. Nous analyserons les avancées que permet le paradigme du care – mais aussi ses limites. Nous insisterons à nouveau sur le rôle ambigu de l’État français et tenterons de comprendre les cécités de la recherche, y compris féministe, sur le sujet3.
1900-1980 : les (bonnes) migrantes et colonisées face aux ambiguïtés de l’État et du féminisme dominant
6Le travail des femmes colonisées et des migrantes, surtout quand il concerne les services domestiques salariés, est resté en marge des champs d’études de l’histoire de la migration comme de la colonisation ou de la division raciale du travail, tout autant que de l’histoire du travail des femmes et des théories féministes sur la division sexuelle du travail. Pourtant, il possède en France une longue histoire.
« Crise de la domesticité » et définition par l’État de la place des migrantes en France métropolitaine du début du XXe siècle
7En France métropolitaine de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, la domesticité est un fait qui s’amplifie, se transforme, se féminise et change de dénomination avec l’apparition des termes « bonne » et « bonne à tout faire » (Guiral et Thuillier 1979 ; Fraisse 1979). Les chercheur-es insistent sur les limites des sources et des statistiques, mais il semblerait que le nombre de domestiques se stabilise aux alentours de neuf cent mille à un million dans la France entière à la fin du XIX e siècle. On compte alors un-e domestique pour trois ouvrier-es. Si les femmes représentent 69 % des domestiques en 1851, elles atteignent 83 % en 1901. À Paris, en 1906, il y avait 36 525 domestiques hommes et 173 803 femmes (Martin-Fugier 1979). La féminisation du métier s’accompagne d’une croissance quantitative qui correspond, selon Anne Martin-Fugier, à une augmentation de la demande de bonnes à tout faire de la part de la petite bourgeoisie en plein développement, désireuse de se distinguer et où l’on peut supposer que les femmes exercent, davantage que d’autres, une activité salariée. De fait, au début du XXe siècle, un débat émerge autour de la « crise de la domesticité » et du besoin de main-d’œuvre dans ce secteur dénigré, jugé pénible, mal payé et peu à peu délaissé par les Français-es (Martin-Fugier 1979 ; Fraisse 1979 ; Piette 2004).
8C’est dans ce contexte que le service domestique des migrantes « étrangères » devient important. Comme l’a noté Nancy Green (2002, 119), « domestiques ou concierges d’aujourd’hui, les immigrées répètent les gestes de leurs consœurs provinciales du XIXe siècle montées à Paris ». Cependant, si celles-ci font l’objet de recherches dans le cadre de l’étude des migrations internes et de l’histoire des femmes (Chatelain 1976), l’histoire des migrantes internationales et de leur travail est encore peu étudiée en France (Schweitzer 2008) où « l’étude des migrations de domesticité reste à déchiffrer » (Chatelain 1969). Le travail des migrantes est parfois abordé dans certaines études historiques sur une nationalité ou une région particulières, par exemple les domestiques allemandes à Paris ou le genre de l’immigration à Marseille, ou encore par des sociologues qui soulèvent alors des questions historiques.
9Ces rares travaux nous éclairent en partie sur la position historique des migrantes, qui va se définir dans le contexte de cette « crise de domesticité ». Le recensement de 1901 montre que les femmes étrangères de diverses nationalités sont surreprésentées par rapport à leurs compatriotes hommes dans la domesticité, alors qu’elles sont moins présentes dans les autres secteurs privilégiés d’emploi des étranger-es (Chaïb 2008). Elles seront recherchées dans les zones urbaines comme rurales, en même temps que contrôlées par les institutions politiques françaises qui les empêchent « en principe » de travailler (Guerry 2006), et par celles de leur pays d’origine censées les protéger dans un contexte d’isolement – ainsi, sous prétexte de les protéger, l’État italien a freiné l’émigration des femmes dès le début du XXe siècle : cela n’empêchait guère les femmes d’entrer clandestinement en France et d’y trouver facilement un travail dans un secteur en pénurie (Guerry 2006 ; König 2004 ; et non daté). Les migrantes voient leur place sur le marché du travail français se construire par rapport aux besoins de domestiques, selon les périodes et les régions. À Paris, vers 1900, les Allemandes étaient majoritaires parmi les domestiques étrangères – la plupart venaient seules ; elles représentent 7600 sur un total de 7822 domestiques allemandes et 20554 domestiques étranger-es (dont 17676 femmes). Leur trajectoire prendra fin avec la Première Guerre mondiale (Guerry 2006 ; König 2004 ; et non daté).
10Dans l’entre-deux-guerres, Italiennes et Polonaises se substituent progressivement aux domestiques allemandes, suisses, luxembourgeoises et belges dans un secteur dont les effectifs baissent (Chaïb 2008). Pendant la crise économique qui commence dans les années 1920, les migrantes continuent à être recherchées pour la domesticité. Par exemple, en Provence en 1923, l’Office régional de placement précise qu’elles sont demandées notamment dans le textile et la domesticité (Guerry 2006). Le besoin de domestiques étrangères ne s’arrête pas avec l’approfondissement de la crise économique du début des années 1930, comme le constate notamment Gérard Noiriel (1991, 14).
11Ce besoin de domestiques étrangères est mis en avant au moment même du vote de la loi « protégeant la main-d’œuvre nationale » (1932), ce qui semble bien indiquer qu’elles ne concurrencent pas cette main-d’œuvre. Ainsi, un rapport de l’Office de placement de 1932 précise que « la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs est toujours importante et les avis favorables aux demandes d’introduction de travailleurs étrangers l’ont été en faveur d’ouvriers spécialistes ou de domestiques “attachés à la personne” et dont le recrutement en France paraissait impossible » (cité dans Guerry 2006). On pourrait s’attendre à ce que l’État français régule officiellement ce secteur, très demandeur de main-d’œuvre étrangère, comme il en a été question au même moment pour l’industrie (accords bilatéraux, réglementation spécifique, recrutements à l’étranger). Mais il n’en est rien : d’une part, comme les hommes étrangers, ces femmes sont exclues de la plupart des droits (responsabilités associatives et syndicales, indemnisation des accidents de travail et assistance médicale) (Schweitzer 2008) ; d’autre part, les étrangères mariées se voient souvent refuser l’autorisation de travail (Rygiel 2004).
12Si les politiques de l’État français sont quelque peu paradoxales, les travaux scientifiques, qu’ils portent sur les femmes ou sur la population étrangère, occultent, pour leur part, presque complètement le travail des domestiques étrangères, alors même qu’ils « tendent à surinvestir le rôle de la Première Guerre mondiale dans la prise d’activité des femmes d’une part, et à dater de cette période la genèse de l’interventionnisme étatique en matière de politique d’immigration d’autre part »4.
Quand l’État colonisateur met les femmes au travail domestique et les invisibilise
13La situation coloniale puis postcoloniale crée de nouvelles disparités et produit de nouveaux discours d’invisibilisation du travail des femmes. D’un côté, l’idée que, « traditionnellement », les femmes colonisées « ne travaillent pas » empêche de voir la profondeur historique et sociale du travail des femmes dans ces sociétés (Mernissi 1984 ; 1987 ; Rodary 2007). De l’autre, au Maghreb comme dans d’autres sociétés colonisées par la France, les « colons, lorsqu’ils ont eu besoin de main-d’œuvre, n’ont pas hésité à recruter des femmes » (Goutalier et Knibiehler 1985, 245). La colonisation a introduit l’industrialisation et modifié la place économique des femmes (Mernissi 1981). Beaucoup de femmes pauvres accèdent au salariat dans des conditions encore plus pénibles que les hommes. Au Maroc, par exemple, il ressort du recensement de 1952 qu’une femme sur huit exerce une activité rémunérée en ville : 30 % sont domestiques au service d’Européens, 20 % sont ouvrières d’usine et 20 % opèrent dans le « secteur néo-artisanal » (Rivet 1999, 319). Comme le décrit Paola Tabet pour la Nairobi coloniale – où on assiste à des déplacements de femmes pour servir les « demandes de ces travailleurs [colons ou autochtones] sur le plan domestico-sexuel » (Tabet 2004, 136) –, Berkahoum Ferhati (2002) le souligne pour l’Algérie et André Adam (1968) pour le Maroc.
14Parmi les travailleuses colonisées, en particulier au Maroc, trois figures dominent : celle de l’ouvrière agricole, notamment saisonnière, celle de la garsûna, auprès des ouvriers logés dans des foyers d’hébergement, et celle de la fatma, qui symbolise la domestique chez les colons. Ces figures marquent leur assignation aux services domestico-sexuels.
15Ainsi, plusieurs secteurs industriels (conserves, transformation du produit de la pêche et de l’arboriculture, etc.) ont connu une arrivée massive de femmes (parfois jusqu’à 65 % des travailleurs saisonniers) (Montagne 1952). Or, partout dans les sociétés colonisées, les travailleuses étaient moins rémunérées que leurs collègues masculins. Leurs salaires étaient de moitié inférieurs à ceux des hommes, « voire trois fois moindres, comme en Algérie » (Gautier 2003). Ces salaires étaient insuffisants pour qu’elles « puissent se
Les femmes indigènes et noires surreprésentées parmi les travailleuses domestiques en Amérique latine
Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes
Lorsqu’on analyse la structure démographique des zones urbaines au Chili, au Guatemala et au Paraguay, ainsi que des zones rurales en Bolivie, l’on observe que les femmes indigènes sont surreprésentées dans les activités domestiques […]. Ces pays présentent des caractéristiques très diverses quant à leur composition ethnique. Dans le cas du Chili, la surreprésentation des femmes parmi les employées de maison n’a pas les mêmes connotations que dans des pays comme le Guatemala ou le Paraguay où la composition indigène de la population est plus grande. Cependant, il faut ajouter à ce constat préliminaire le cas de la Bolivie, où cette surreprésentation n’existe pas dans les milieux urbains. Une des explications possibles de ces différences peut résider dans le type de question et de définition qui sous-tendent les enquêtes (Calla 2006).
Lorsqu’on examine le travail domestique au Paraguay, on voit émerger le phénomène de l’immigration guarani et du monolinguisme, puisque la plupart des employées de maison ont migré des régions rurales vers les zones urbaines (Soto 2004). Cela contribue à en faire les principales victimes de la discrimination dans le pays puisque, selon un rapport de l’Organisation internationale du travail datant de mai de 2007, la situation des mucamas (« bonnes ») est en tête de liste pour les discriminations liées au travail, aussitôt suivie par l’exclusion des personnes de langue guarani. Dans le cas du Brésil, les femmes noires sont prédominantes parmi les travailleuses domestiques5.
Références bibliographiques
Calla, R. 2006. La mujer indígena en Bolivia, Brasil, Ecuador, Guatemala y Panamá : un panorama de base à partir de la Ronda de Censos 2000. Santiago du Chili, Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), inédit. Soto, L. 2004. La situación de las trabajadoras domésticas en Paraguay y el trabajo
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Quito, Équateur. 6-9 août 2007.
LC/L2738 (CMR. 10/3). 84. Quito : CEPALC.
16nourrir ou payer les impôts, et qui plus est se loger, alors qu’aucun logement ne leur est assuré » (Gautier 2003). Et Daniel Rivet (1999, 319-320) ajoute : « On comprend pourquoi, dans les grandes villes [du Maroc] comme dans les petites bourgades sécrétées par la colonisation, la prostitution devient un moyen de survivre pour des jeunes femmes jetées dans la jungle de la ville moderne. »
17Ensuite, les femmes colonisées sont assignées aux services domestico-sexuels au sein même des secteurs industriels émergents, comme le montre l’institution de la garsûna. Pour André Adam (1968), cette « sorte de “servante-maîtresse” qui tient le ménage d’un groupe d’ouvriers célibataires et loge avec eux » est une « solution » en faveur des « travailleurs » pour qui l’émigration interne pose des « problèmes familiaux, ou plus exactement conjugaux ». Rivet (1999, 319) souligne que cette institution n’est pas « sans évoquer les cantinières partageant la vie, en garnison, des askri [soldats] avant 1912. » L’assignation aux secteurs domestico-sexuels apparaît en temps de paix comme en temps de guerre (Ferhati 2002).
18Enfin, dans les grandes villes coloniales du Maghreb, pendant l’entre-deux-guerres, les femmes « indigènes » entrent dans le marché de la domesticité en se substituant progressivement aux Italiennes et aux Espagnoles (Chaïb 2008). Leur désignation comme fatma mettra longtemps en avant la « race », en signifiant « la Maghrébine », au détriment de la classe et de la visibilité de la précarisation commune aux travailleuses colonisées. Ainsi, en Algérie, ce sont des « cortèges » de « femmes voilées » qui quittent chaque matin les quartiers populaires pour travailler dans les services aux habitants des quartiers européens (Brac de la Perrière 1987).
19La domesticité accompagne aussi la période des indépendances. En 1960 et en 1964, à Casablanca, les services domestiques occupent plus de la moitié des femmes salariées, et cette proportion est plus élevée si l’on considère les seules musulmanes : « Dans une ville à forte population européenne, […] domestiques et femmes de ménage trouvaient un grand nombre d’emplois. La diminution de cette population [européenne] a été en partie compensée par la promotion des cadres marocains » (Adam 1968, 444). Mernissi (1979) montre qu’avec l’indépendance du Maroc une « dichotomisation du monde féminin » s’est construite avec le renforcement des inégalités de classe : certaines femmes accèdent à des diplômes et des professions salariées valorisantes, d’autres sont assignées à des travaux dévalorisants et précaires. Parmi ces dernières, certaines s’engagent dans le processus migratoire interne et international que la colonisation a impliqué, s’orientent vers le secteur des services domestiques, quelques-unes accompagnant leurs employeurs « retournant » en France (Ait Ben Lmadani 2007).
20Le marché du travail en métropole est marqué par l’occultation du travail des femmes racialisées, que renforce l’informalité du secteur des services. Par exemple, les Espagnoles arrivent à Paris dans les années 1960-1970 et travaillent comme employées domestiques ou concierges, mais il faudra attendre une trentaine d’années pour qu’elles soient mentionnées dans les recherches scientifiques (Taboada Leonetti 1987). De même, si l’on sait que beaucoup de migrantes (Italiennes, Espagnoles, Portugaises et Yougoslaves) se sont insérées au cours des années 1950 à 1970 dans des emplois industriels et dans les services aux particulier-es (Merckling 2003), il demeure difficile d’évaluer toutes les migrations officielles et officieuses de travail des femmes. Il est notamment difficile d’avoir des données sur l’origine des domestiques de nationalité française, qui peuvent être antillaises, algériennes, indochinoises ou africaines issues des sociétés anciennement colonisées par la France6. En revanche, grâce au travail de Maria Arondo, on peut voir que, dans la France métropolitaine d’avant 1970, le temps de travail varie selon la nationalité et l’âge des employées7.
21Enfin, rappelons que, pendant les années 1960-1970, alors que les services publics étaient en pleine expansion, la métropole recrutait très activement aux Antilles à travers le BUMIDOM (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer), orientant spécifiquement les femmes vers les métiers de reproduction sociale privée (employées de maison) ou publique (agents hospitaliers). Ainsi, 45 % des Antillaises venues entre 1962 et 1968 entrent dans la catégorie « personnels de service » (12 % « femmes de ménage » et 33 % « autres personnels de service ») (Condon 2000). Cependant, en s’installant en métropole et contrairement à ce qu’avait prévu le BUMIDOM, elles se concentrent sur Paris, au lieu de se laisser disperser sur le territoire national, et se saisissent de leur nationalité française pour accéder aux secteurs de travail réservés aux nationaux. Elles quittent ainsi les métiers d’employées de maison, même si elles se maintiennent dans les métiers de la reproduction sociale, comme celui d’aide-soignante ou d’employée dans un secteur public (Condon 2000).
Les années 1970-1980 : féminisation de la migration et orientation vers le service domestique dans l’indifférence des théories féministes naissantes
22La féminisation de la migration, son rajeunissement et l’accélération du regroupement familial font partie des principales évolutions de la deuxième
Les migrations régionales de femmes en Amérique : une majorité dans le travail domestique
Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes
[…] Parmi le principaux flux de migration féminine, on peut citer ceux des femmes nicaraguayennes au Costa Rica et des Péruviennes au Chili, pays où la proportion d’employées de maison immigrées est plus élevée que celle des femmes autochtones exerçant le même métier. Selon une étude de la CEPALC (2004), 9,1 % des Costariciennes travaillent dans ce secteur, tandis que 42 % des Nicaraguayennes immigrées au Costa Rica travaillent comme employées de maison.
Au Chili, 16 % de la population féminine globale travaille comme employée de maison, chiffre qui atteint 72 % parmi les immigrées péruviennes. Ces différences considérables dans les taux d’emploi montrent qu’il existe une discrimination marquée à l’encontre des travailleuses immigrées […].
Ces phénomènes ont lieu dans la région du monde où l’on reçoit le plus de fonds de l’étranger. En 2005, l’argent envoyé à leur foyer par les immigrés des pays d’Amérique latine et des Caraïbes représentait 2,67 % du PIB de la région, atteignant la somme de 53,6 milliards de dollars, soit 24,5 % de la somme totale mondiale des fonds envoyés à l’étranger […]. Si nous ne disposons pas d’évaluations précises concernant la contribution des femmes à l’économie de leur pays par le biais de l’envoi de fonds, une étude de l’Institut international de recherche et de formation pour la promotion de la femme (INSTRAW 2006) a montré que 60 % des femmes latino-américaines immigrées travaillaient comme employées domestiques dans les pays d’accueil. Sur 9,9 millions de Mexicains résidant aux États-Unis, 44 % sont des femmes, dont 68 % travaillent comme employées de maison, nourrices et gardiennes de personnes âgées. En 2004, les femmes mexicaines qui ont émigré aux États-Unis ont perçu un revenu annuel 30 % inférieur à celui des hommes, mais leur contribution en termes d’envoi de fonds représentait 61 % du montant total des envois reçus dans le pays. […].
Références bibliographiques
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INSTRAW (Institut international de recherche et de formation pour la promotion de la
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LC/L2738 (CMR. 10/3). 91.
Quito : CEPALC.
23moitié des années 1970 : on recense 1381500 femmes étrangères en 1975 au lieu de 835500 en 1962 (Moulier et Silberman 1982). Cette augmentation touche toutes les nationalités et n’est qu’en partie liée au regroupement familial : elle est également le résultat de la migration de travail – les femmes actives représentent entre 26 et 29 % des personnes entrées ou régularisées avant juillet 1974 (date de la suspension de la migration de travail). La France connaît à l’époque de fortes luttes pour l’égalité des sexes, notamment autour de la critique du travail domestique, de revendications de partage et de prise en charge institutionnelle de celui-ci. Toutefois, la situation des migrantes n’attirera guère l’attention des militantes ni surtout des chercheuses féministes françaises. Pourtant, les différenciations entre femmes se renforcent encore lors de cette période. Les femmes autochtones accèdent davantage au travail salarié, tandis que les migrantes anciennement installées quittent les services aux particulier-es, toujours « réservés » aux plus récemment arrivées8.
24Ainsi, les recensements de 1968 et 1975 mettent en évidence le remplacement des Espagnoles par les Portugaises et les « Maghrébines ». C’est à cette époque que Moulier et Silberman situent à la fois la « montée de l’activité des femmes étrangères en France » et le changement de secteur de travail pour les migrantes légales et donc statistiquement visibles, avec l’arrivée d’Africaines (dont les Maghrébines) et de Turques. Ainsi, alors que les services domestiques occupaient 36,3 % des migrantes actives (recensées) en 1968, ils en occupent 27,7 % en 1975. Les femmes anciennement installées en France s’investissent davantage dans les services aux entreprises (blanchisserie, nettoyage, gardiennage). Ces mutations restent cependant mal évaluées du fait notamment du regard réducteur posé par les statistiques sur le travail des femmes et plus particulièrement des migrantes, de l’importance du travail clandestin et des effets des politiques migratoires (Moulier et Silberman 1982, 66).
25En effet, ces dernières tendent à invisibiliser le travail des migrantes et à placer d’emblée certaines catégories dans une situation défavorable. Ainsi, pour celles qui font l’objet du regroupement familial (légal), une mesure de 1977 « prohibe la délivrance d’un titre de travail aux membres des familles entrées après cette date » (Lebon 1978 ; 11). Cette mesure les place dans une position distincte des « Françaises » et des hommes migrants, qu’on incitait à travailler et qui bénéficiaient ainsi d’une certaine reconnaissance. Pour les femmes venues seules ou ne possédant pas les papiers français nécessaires, les politiques migratoires les rendent statistiquement absentes et les poussent vers les secteurs à fort taux d’activité clandestine (domesticité, habillement, confection). Elles « réapparaîtront » lors des procédures de régularisations de 1981-1984, où plus de 40 % des femmes régularisées travaillent dans les services (Laâcher 1998).
26Le travail domestique salarié constitue bien souvent le secteur de la première prise d’activité, voire, pour beaucoup de femmes racialisées, l’unique expérience professionnelle accessible de par la législation en vigueur. En effet, pour les années 1970 et jusqu’en 1984, le fait que les « rejoignantes » n’aient bénéficié que de « droits dérivés » (symbolisés par l’octroi d’une carte de « membre de famille ») et l’irrégularité imposée aux migrantes seules semblent aller dans ce sens. En tout état de cause,
les tentatives de limitation de l’accès au marché de l’emploi d’une partie des migrantes venues par le regroupement familial […] n’ont pas freiné les entrées sur le marché du travail ; elles en ont seulement modifié la forme, contribuant ainsi à la diffusion du travail au noir. Elles ont cependant touché sans distinction des migrantes aux profils très différenciés : migrantes traditionnelles peu qualifiées, migrantes venues plus récemment et beaucoup plus scolarisées, vraies et « fausses » secondes générations enfin. (Moulier et Silberman 1982, 69)
27Le travail, salarié ou gratuit, des migrantes et des femmes racialisées constitue également une zone d’ombre dans les analyses féministes, alors même que les années 1970 connaissent des luttes et des recherches centrées spécifiquement sur le travail domestique, en particulier de la part des féministes matérialistes (Delphy 1998). En fait, comme le précise Margaret Maruani, les « emplois de service » constituent un « thème controversé et polémique » (Maruani 1998, 11), même si c’est à cette époque que les deux premiers ouvrages sur l’histoire de la domesticité sont publiés (Fraisse 1979 ; Martin-Fugier 1979). Dans ce cadre, Fraisse (1998, 155) distingue les « sociologues en général », qui « réfléchissent sur l’emploi de service », et « les féministes », qui ont abordé le travail domestique. Or, comment comprendre la double cécité de ces dernières ? Cécité face à l’emploi concret de toute une partie des femmes (les migrantes et les prolétaires qui travaillent dans le service domestique et, plus généralement, l’ensemble de la main-d’œuvre féminine « non qualifiée »). Cécité aussi face au caractère non gratuit et non familial de toute une partie du travail domestique, réalisé dans les foyers par des femmes étrangères à ceux-ci.
28Nous faisons ici une double hypothèse : le point de vue socialement situé de la majorité des chercheuses (autochtones, de classe moyenne et supérieure) occulte la situation des femmes qui réalisent concrètement le service domestique ; le flou entretenu par les ambiguïtés et les contradictions des politiques publiques dans le domaine complique la prise de conscience de la situation par l’ensemble des intéressées (les pouvoirs publics n’étant pas, par ailleurs, demandeurs de travaux ou de statistiques sur la question). Cependant, nous allons voir que, dans la période suivante, ces deux difficultés tendent à s’amenuiser sous l’effet de la mondialisation néolibérale.
Réorganisation des rapports sociaux de sexe, « race » et classe dans la mondialisation néolibérale
29Les effets des politiques néolibérales commencent à se faire pleinement sentir dans les années 1990, impliquant une profonde réorganisation des rapports sociaux de sexe, « race » et classe dans le cadre du démantèlement de l’État social. En effet, dans les nouvelles formes de gestion de la reproduction sociale et son articulation avec l’exploitation du travail « productif », le travail des femmes, notamment migrantes, devient central.
Les années 1990 : crise économique, mise à mal du Welfare State et passage à un nouveau « patriarcat privé » ?
30Au cœur des politiques néolibérales des années 1990 en France, on trouve de virulentes attaques contre le Welfare State9, c’est-à-dire ce que Sylvia Walby, pour la Grande-Bretagne, avait nommé « patriarcat public » et considérait comme une amélioration pour beaucoup de femmes – notamment grâce à un ensemble de politiques sociales qui réduisaient la dépendance économique des femmes vis-à-vis de leur famille (maris, pères) (Walby 1990).
31Ces politiques conduisent à un fort développement du chômage et à une précarisation croissante de l’emploi, surtout féminin. Pour répondre à cette crise et parallèlement à leur désengagement face à leurs responsabilités, les pouvoirs publics présentent pour la première fois très officiellement le secteur des services (privés) à domicile comme un « gisement d’emploi ». Il faut dire que les nécessités sont pressantes : le taux d’activité des femmes (françaises et étrangères) ne cesse de progresser, tandis que compagnons, pères ou frères restent globalement exonérés de travail domestique : qu’ils travaillent à temps complet, à temps partiel ou soient au chômage, les hommes réalisent en moyenne deux heures par jour de travail domestique, contre cinq heures pour les femmes10. L’État français organise ainsi son retrait tout en maintenant les conditions d’exploitation de la force de travail des classes moyennes et des hommes dans leur ensemble, en évitant d’augmenter encore la double journée des femmes des classes moyennes11 ; et surtout sans remettre en cause l’exemption de travail domestique dont jouissent les membres de la classe des hommes.
32Le secteur des services à domicile fait donc l’objet d’une importante réorganisation, dans le double but de réduire les dépenses publiques et d’absorber une partie de la main-d’œuvre (Fougeyrollas-Schwebel 2000, 239). Alors que, dans le monde anglo-saxon, les recherches sur les implications pour les femmes des transformations du Welfare State se développent (Kofman et al. 2000), en France, seules quelques rares féministes critiquent ces actions gouvernementales, estimant qu’il s’agit « de substitutions déqualifiantes plutôt que d’une création d’emplois » et soulignant les risques de précarisation du travail et de création d’une « nouvelle domesticité » chez les femmes (Scrinzi 2003). Peu de féministes analysent les dimensions de classe et de « race » de ces politiques, en dehors de Dominique Fougeyrollas-Schwebel (2000, 240), qui souligne qu’elles touchent une « proportion importante de main-d’œuvre immigrée ».
33Concrètement, des emplois semblent bel et bien créés : selon l’Institut de retraite complémentaire des employés de maison, le nombre de « domestiques » aurait augmenté de 360000 entre 1991 et 1997, 90 % étant des femmes de ménage (les autres étant notamment gardes d’enfants ou aides aux personnes âgées). Cependant, ces chiffres s’expliquent notamment par la régularisation de 1997, qui, précisément, a concerné beaucoup de migrantes qui exerçaient comme femmes de ménage (Anderfuhren 2001, 270). Toutefois, l’un des principaux critères de régularisation était l’ancienneté de la présence en France – et non pas l’exercice de cette profession. En effet, contrairement à l’Espagne ou à l’Italie, où la régularisation du secteur domestique s’est accompagnée d’une prise en compte du travail des migrantes, avec ou sans papiers (visibilité statistique, régularisation par le travail), en France, les politiques publiques continuent à faire l’impasse sur cette question (Moujoud 2007). Globalement donc, la nécessité du travail de ces migrantes est partiellement reconnue (rémunération officialisée par des dispositifs publics comme les « chèques emploi-service » qui facilitent également les démarches administratives pour les employeur-es, dégrèvement d’impôts pour ces dernier-es), sans toutefois qu’elles fassent l’objet de politiques publiques ou de politiques migratoires explicites.
34Plus exactement, le désengagement social de l’État français s’accompagne de politiques migratoires restrictives. Si, pour reprendre l’expression de Moulier Boutang, la création de nombreuses nouvelles catégories de « Sans Papier-e-s » et sans droits peut être considérée comme une manière de « brider » le salariat (Moulier Boutang 1998), et si ce genre d’analyses commencent à être développées concernant la main-d’œuvre migrante en général, la précarisation légale des femmes migrantes, et même de leurs descendantes, reste très largement sous-étudiée. Et si, au début des années 1990, Saskia Sassen (1991) mettait le doigt sur l’importance de la main-d’œuvre féminine migrante pour assurer l’intendance des villes globales, elle présentait en quelque sorte cette réorganisation du marché du travail comme advenant en dehors de l’État-nation. Avec le recul, il nous semble aujourd’hui plus heuristique d’analyser comment certains États se réorientent vers un nouveau patriarcat privé (Walby 1997), jouant un rôle actif dans la mondialisation néolibérale et intervenant massivement pour (dé) réguler (informaliser, privatiser) le marché du travail (notamment de reproduction sociale), s’appuyant également sur des politiques migratoires en profonde continuité avec la période coloniale. […]12
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Notes de bas de page
1 Le rôle des femmes dans le travail « communautaire », souvent négligé dans le féminisme « blanc », est au contraire mis en évidence et revendiqué comme central par une des grandes théoriciennes du Black feminism (lire Hill Collins 2004).
2 Bien que les idées ici présentées et leurs limites soient imputables à nous seules, nous remercions infiniment, pour leurs remarques critiques, Danièle Charest, Florence Degavre, Anne-Marie Devreux, Danièle Kergoat, Nicole-Claude Mathieu et Gail Pheterson.
3 Sur la Belgique, lire Ouali (2002).
4 Voir Chaïb (2008). De son côté, Noiriel (1991) souligne rapidement qu’il « y a eu dans l’histoire de l’immigration, une forme de recrutement spécifique des femmes, comme domestiques. »
5 Rapport du Gouvernement du Brésil à l’occasion de la Réunion subrégionale pour l’Amérique du Sud en préparation de la dixième Conférence Régionale sur les Femmes de l’Amérique latine et des Caraïbes, Santiago du Chili, mai 2007.
6 Sur les limites statistiques, lire Moulier et Silberman (1982).
7 Selon Arondo, 26 % des Françaises mineures travaillent plus de 60 heures alors que les Françaises majeures sont 22 %, les Espagnoles 55 % et les Portugaises 65,4 % ; de plus, en France, 28 % des prostituées sont d’anciennes employées de maison (Arondo 1975, 172 ; 21-22).
8 En même temps, beaucoup de migrantes subissent les effets des accords bilatéraux entre l’État français et les États d’origine, qui imposent aux migrantes les mêmes statuts juridiques que leurs concitoyennes restées au pays.
9 Le Welfare State (ou État social, ou encore État-providence) a pris historiquement plusieurs formes, notamment du point de vue du genre et, ici, selon le régime d’organisation du care. On distingue généralement les versions « libérale », « corporatiste-conservatrice », « social-démocrate » et « familialiste » – lire Esping-Andersen (1999) et Ebbinghaus (1999).
10 Ponthieux et Schreiber (2006) citant l’enquête de l’INSEE de 1999.
11 L’État se garde bien de mettre en place des structures qui pourraient dégager de leur propre charge domestique les femmes poussées vers le service domestique, migrantes notamment – lire Sabah Chaïb (2008).
12 Extraits de : Moujoud, F. et J. Falquet. 2012. Cent ans de sollicitude en France. Domesticité, reproduction sociale, migration et histoire coloniale. Agone. 43 : 169-195.
Auteurs
Anthropologue, Université Pierre Mendès France, Grenoble et Université Paris 8 – Vincennes Saint-Denis, France
Sociologue, Université Paris Diderot – Paris 7, France
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