Sexe/genre, classe, race : décoloniser le féminisme dans un contexte mondialisé. Réflexions à partir de la lutte des femmes indiennes au Chiapas
p. 297-312
Note de l’éditeur
Référence : Masson, Sabine. “Sexe/genre, classe, race : décoloniser le féminisme dans un contexte mondialisé. Réflexions à partir de la lutte des femmes indiennes au Chiapas” in Christine Verschuur, Genre, postcolonialisme et diversité de mouvements de femmes, Genève, Cahiers Genre et Développement, n°7, Genève, Paris : EFI/AFED, L'Harmattan, 2010, pp. 297-312, DOI : 10.4000/books.iheid.5900 – Acheter le .pdf chapitre éditeur.
Texte intégral
Mouvement zapatiste, féminisme et mouvements des femmes au Chiapas
1Le zapatisme devient public le 1er janvier 1994, moment du soulèvement de l’armée zapatiste de libération nationale (EZLN) dans plusieurs villes du Chiapas. Au niveau local, cette insurrection rompt toute relation avec l’État, les partis politiques et les organisations syndicales traditionnelles. Au niveau international, elle agit sur le terrain mondialisé des nouvelles technologies de la communication et choisit pour cible l’un des mécanismes clés du néolibéralisme régional : le traité de libre-échange nord-américain (ALENA)1. Au-delà de l’EZLN, c’est une large mobilisation civile (nationale et internationale) qui se manifeste en solidarité avec les insurgé-e-s et contre la répression militaire au Chiapas. Au Mexique, ce « mouvement social zapatiste » (Leyva Solano 1999) rassemble des secteurs essentiellement non institutionnels et non corporatistes, comme les mouvements pour la démocratie et pour les droits humains, et surtout le mouvement indien, un nouvel acteur politique en gestation depuis le milieu des années 19702. Bien qu’on en parle moins, le zapatisme s’appuie également sur des organisations et des mouvements de femmes. Au niveau interne, une intense activité domestique, agricole et artisanale de femmes indiennes assure l’autonomie des communautés en résistance. Plus largement, une grande part des réseaux civils de soutien à l’EZLN est formée d’organisations de femmes (métisses et indiennes) luttant pour la paix, pour la démocratie et contre l’impunité au Mexique. Cette mobilisation zapatiste « au féminin » transparaît également dans le discours politique de l’EZLN qui a incorporé, bien que marginalement, des éléments concernant les droits des femmes3.
2En dépit de tout cela, et bien que des textes féministes aient souligné dès le début du soulèvement l’impact de la participation des femmes, ainsi que les enjeux et conflits de genre traversant le mouvement (Lovera et Palomo 1999 ; Rojas 1999), l’articulation entre zapatisme et féminisme demeure marginale. Alors que de multiples acteurs politiques tels que le mouvement indien, le mouvement paysan, la société civile internationale ou la théologie de la libération ont été reconnus comme des facteurs ayant impulsé ou renforcé le zapatisme, le féminisme n’est presque jamais mentionné parmi les forces politiques qui ont contribué au soulèvement4. Plus étonnant encore, le féminisme n’est pas non plus évoqué pour comprendre l’ampleur de la participation politique et la conscientisation des femmes indiennes zapatistes (Kampirth 2000). Très peu de textes retracent par exemple l’histoire locale des coopératives, des organisations et des mouvements de femmes (indiennes et métisses), histoire antérieure au soulèvement et qui a eu un impact sur la diffusion des revendications de genre dans les communautés zapatistes (Castro et al. 1991 ; Garza Caligmis 2000) :
Les relations de genre étaient en transition lors des années précédentes. Si cela n’avait pas été le cas, les femmes indiennes qui sont devenues combattantes n’auraient pas été disposées à la mobilisation vers des rôles non traditionnels. Depuis le début, la rébellion zapatiste aurait pu être nommée un soulèvement de femmes. (Kampwirth 2000, 87)
3Cette hypothèse n’est reprise dans aucun livre supposé retracer « l’histoire générale » des causes du soulèvement. Au contraire, la thèse la plus connue est inverse : l’EZLN aurait généré la prise de conscience, l’auto-organisation et la participation politique des femmes indiennes, et il s’agirait là d’un des traits novateurs du zapatisme (Rovira 1996 ; Harvey1998 ; Zylberberg Panebianco 2004). Dans cette interprétation androcentrique, l’auto-organisation des femmes indiennes antérieure à 19945 a été ignorée. Leur lutte a pourtant sa spécificité : au Chiapas, elles se soulèvent non seulement contre l’État, contre les grands propriétaires terriens et contre les traités de libre-échange, mais également contre l’oppression patriarcale. Elles s’inspirent ainsi d’une éthique féministe, afin d’exiger l’autodétermination de leur peuple en accord avec leur propre émancipation de femmes. Zapatisme et féminisme ont donc une histoire commune, et pour comprendre pleinement le mouvement des femmes indiennes actuel, il est fondamental de retracer l’imbrication de ces enjeux de classe, de genre et de race.
Le mouvement des femmes indiennes : autonomie d’un peuple et décolonisation du genre
4Précisément parce qu’il se manifeste sur le terrain de rapports sociaux croisés, le mouvement des femmes indiennes au Chiapas met en place un nouvel espace politique qui est à la fois allié et séparé des féminismes dominants, autrement dit des féminismes mexicains et latino-américains métis et des féminismes « occidentaux ». Les femmes indiennes mettent en cause un ensemble de rapports de domination, dont les rapports néocoloniaux et racistes qui marquent leurs interactions avec les femmes et les féministes métisses. Exclues des mouvements féministes métis dès le début du XXe siècle, les femmes indiennes les associent aujourd’hui, le plus souvent, à des conceptions « occidentales » ou ethnocentriques de l’égalité, car non seulement leur cosmovision indienne du genre n’y est pas représentée, mais en outre, les mouvements métis leur paraissent incarner l’expression de privilèges de race et de classe. Le rapport des femmes indiennes au féminisme est ainsi très ambivalent, et c’est alors avec beaucoup de prudence que le terme de « féminisme indien » (Hernandez Castillo 2000 ; 2001) est utilisé pour caractériser leur mouvement. Si la plupart des organisations de femmes indiennes au Mexique ne se définissent pas comme féministes (Sanchez Néstor 2005), c’est parce que le féminisme métis ne se préoccupe pas suffisamment des problèmes de race et de classe qui structurent leurs expériences quotidiennes : racisme, emploi domestique, exploitation agraire, rapports coloniaux internes au Mexique, déni des droits et des cultures indiennes. De plus, les femmes indiennes ont mis en cause les pratiques autoritaires, maternalistes ou victimisantes des femmes et des féministes métisses à leur égard (Guttiérrez et Palomo 1999 ; Sanchez Néstor 2005). Leur mouvement opère alors une double rupture : avec les organisations non mixtes du mouvement féministe, qui prennent peu en compte l’oppression spécifique qu’elles vivent en tant qu’Indiennes, et avec les organisations mixtes du mouvement indien, dont les pratiques peuvent être très sexistes. Elles inventent sur cette base une nouvelle conception « ethnico-genrée » (Zylberberg Panebianco 2004) de l’autonomie indienne, réarticulant les questions de justice sociale, de reconnaissance culturelle et d’égalité des sexes à partir de leur vécu aux croisements des rapports de classe, de genre et de race :
Alors que la revendication indienne et zapatiste autour de l’autonomie a constitué la forme la plus concrète et la plus dynamique de la transformation des relations de pouvoir aussi bien au niveau local que régional et national, les femmes ont repris ce concept pour exprimer un idéal de justice et d’équité, […] remettre en question les « mauvaises coutumes » et parler en termes de droits. (Garza Galigaris 2000 ; 125-126)
5Les femmes indiennes redéfinissent ainsi les contours de la culture, de la communauté et du droit coutumier indien6. En même temps, elles exigent une transformation de la société mexicaine et de l’État, dans le sens d’une décolonisation des institutions et de l’identité nationale, fondées historiquement sur la destruction des peuples et des cultures indiennes. Pour ce faire, elles rompent avec la ségrégation de race et de genre, faisant irruption dans un espace public masculin et métis qui les a réduites au silence. À l’instar de ce qu’expriment les Indiennes tojolabales de la coopérative Tzome Ixuk7, elles doivent se défendre sur deux fronts, contre les hommes de leur propre communauté d’un côté, contre l’État et l’armée de l’autre :
Notre lutte, ce n’est pas seulement une image, mais deux images : celle du gouvernement, et celle des hommes, c’est ça notre lutte, parce que notre effort c’est de discuter avec les hommes, leur faire comprendre que le moment est arrivé et que nous n’allons plus nous laisser faire, que les hommes doivent nous laisser cet espace, et avec le gouvernement c’est pareil, nous voulons aussi qu’il nous respecte, que nos coopératives ne soient pas envahies, parce qu’en 1996-1997 le gouvernement envoyait contrôler toutes les coopératives, pour voir qui y travaillait, et ils ont menacé plusieurs d’entre nous, l’armée venait voir qui était la représentante, la dirigeante du groupe et menaçait que si nous n’arrêtions pas ce travail, il allait nous arriver quelque chose, mais nous on ne s’est pas laissé faire et on veut que les hommes nous comprennent, et que le gouvernement aussi nous comprenne, parce que nous voulons travailler en collectivité, c’est ça notre idée. (Lupita, 29 ans, coordinatrice de la coopérative)
6Dans leurs luttes, les femmes indiennes sont confrontées à des violences aussi bien domestiques et communautaires qu’institutionnelles et militaires. Notamment, l’armée utilise leur sexualité comme « espace symbolique de lutte politique » (Hernández Castillo 1999, 156) pour réprimer l’insurrection zapatiste. Parallèlement, leur sexualité est aussi la cible de l’ostracisme communautaire. Les femmes du groupe Tzome Ixuk par exemple sont fréquemment accusées par les leurs d’être des prostituées ou des lesbiennes, car elles se promènent librement dans l’espace public. La division sexuelle du travail les ramène également à l’ordre, traitées de fainéantes parce qu’elles ont abandonné leur labeur quotidien le temps d’une assemblée ou d’une manifestation. De surcroît, la répression se manifeste par le contrôle économique des femmes qu’exercent et les hommes et l’État. Ce contrôle se traduit notamment par leur assignation au statut de bénéficiaires de programmes « d’aide sociale »8, alors qu’elles n’en veulent pas car elles les considèrent comme une mesure contre-insurrectionnelle. Les femmes indiennes organisées vivent ainsi la violence sexiste et raciste sous la forme d’un continuum, qui s’exprime par la violence psychologique et physique dans le foyer et pouvant aller jusqu’au meurtre domestique, mais aussi par l’usage du viol comme arme de guerre, par les tortures, les mutilations sexuelles et le massacre de type génocide9 (Hernández Castillo 1998 ; Speed 2000). Cette violence, qui se déroule dans une impunité presque totale, trouve son ancrage dans des modèles coloniaux de servitude agraire et domestique, et dans des modèles culturels qui légitiment la suprématie des élites métisses :
Principalement nous les femmes nous sommes triplement exploitées. Premièrement, parce que nous sommes femmes indiennes, et comme nous sommes Indiennes, nous ne savons pas parler et nous sommes méprisées. Deuxièmement, parce que nous sommes femmes, et ils disent que nous ne savons pas penser. Nous n’avons pas les mêmes opportunités que les hommes. Troisièmement, parce que nous sommes pauvres. Nous sommes tous pauvres parce que nous n’avons pas une bonne alimentation, pas de logement digne, ni d’éducation, nous ne sommes pas en bonne santé. Beaucoup de femmes voient mourir leurs enfants dans leurs bras à cause des maladies incurables. (Commandante Esther, in Guttiérrez Gonzalez 2001, 45)
7Les femmes indiennes en lutte bouleversent cet ordre colonial, sexiste et raciste, aussi bien dans ses aspects internes à la communauté (la division sexuelle du travail, leur exclusion de la sphère politique, la violence domestique) et internes à la nation (l’idéologie nationale « métissophile » et la ségrégation raciste de la société), que dans ses aspects externes (les traités de libre-échange, l’appropriation des ressources par les multinationales, la dépendance alimentaire). Par conséquent, leur lutte est « intégrale » (Domingo 2005) et vise fondamentalement la réappropriation de la dignité et la défense de la vie. Elles exigent la reconnaissance de leur autodétermination en tant que peuple et en tant que femmes, c’est-à-dire le droit à disposer de leurs territoires indiens et des ressources qu’ils contiennent, de leurs cultures et de leurs pratiques politiques, de leurs corps et de leur sexualité. Cette lutte intégrale fait barrage à la mondialisation, en pratiquant la souveraineté physique, alimentaire, culturelle et politique contre la privation des moyens de production, l’émigration forcée et l’assignation aux emplois féminisés de l’industrie délocalisée. Plutôt que d’aller remplir les armées de réserve de travailleuses migrantes au Nord du Mexique et aux États-Unis, elles auto-organisent leur travail collectivement et transforment ainsi partiellement leur position dans les rapports de classe et de genre. Non seulement elles sont plus indépendantes économiquement, sortent de l’espace domestique, socialisent leur vécu de femmes, mais elles récupèrent également un bout de pouvoir face aux riches propriétaires et aux commerçants locaux :
Quand on s’est organisées, c’est quand on s’est dit : « Le quartier est très pauvre, qu’est-ce qu’on peut faire ? On n’arrête pas de donner tout notre argent aux riches ! » Quand on a fait notre première assemblée, on s’est dit, nous, les femmes, qu’on voulait un moulin, on s’est dit : « On va plus aller donner notre argent là-bas chez les riches, on va plutôt obtenir notre moulin… » et ça a été un changement, parce que moi ça m’a fait très plaisir de plus aller disséminer mon argent chez les individualistes, chez les riches, je me sentais beaucoup mieux, parce que c’était à nous que je payais, je veux dire… bien sûr que je devais payer, mais je savais que le moulin était à moi, c’était notre propriété. (Rosalia, 65 ans, membre de la coopérative Tzome Ixuk)
8Le mouvement des femmes indiennes au Chiapas se compose ainsi à partir d’une histoire d’oppressions croisées de race, de genre et de classe, et sur au moins trois fronts communs : « le gouvernement », « les hommes » et « les riches ». Si « féminisme indien » il y a, il s’inscrit donc dans les courants féministes qui s’attaquent aux formes racistes et néocoloniales de l’exploitation et de l’apartheid mondial. […]
La Déclaration du premier Sommet des femmes autochtones des Amériques
« Ce texte est une reconnaissance de la force de mes ancêtres féminines. Mon arrière-grand-mère et ma grand-mère, noires, autochtones, ont rempli mon enfance et m’ont enseigné quotidiennement, dans la vie de tous les jours dans notre communauté, la dignité, la fierté de nos racines et la valeur d’être une femme. C’étaient des femmes de sagesse, qui ont su rompre avec des normes et des pratiques ancestrales qui les maintenaient alors dans l’oppression et la soumission et qui ont fait entendre leurs voix. À elles, qui ont ouvert les chemins pour que d’autres les empruntent et à celles qui, aujourd’hui de différents lieux, tissent les fils pour que nous entendions leurs paroles. »
[…] Actuellement les organisations de femmes autochtones sont très présentes, avec leurs revendications, leurs besoins et leurs paroles propres, tout en voulant progresser avec les hommes. Les trois Rencontres continentales de femmes autochtones qui ont eu lieu en Équateur (Quito, 1994), au Mexique (Mexico, 1997) et à Panama (2000) l’ont bien montré. […]
Le sens de l’identité de genre et d’ethnie
La condition première de la création d’une identité collective des femmes autochtones est leur participation à des organisations où elles marquent et définissent leur situation de sexe et de race, permettant l’interaction avec les « autres », hommes et femmes, établissant un dialogue qui introduit différenciations et retrouvailles. Dans les espaces communautaires, les évènements féminins et les organisations, fussent-elles mixtes, contribuent à définir leur condition de femmes et d’autochtones.
C’est l’espace collectif qui a permis aux femmes de prendre conscience qu’elles étaient toutes des femmes connaissant, à ce titre, les mêmes conditions de vie : les coups reçus de leurs pères, maris, frères, les violences qui ont laissé des séquelles dans leurs vies et celles de leurs filles, les grossesses non désirées, la discrimination quotidienne chez elles et au dehors, le déni de participation à la vie de la communauté et de droit à la parole. […]
La discrimination envers les femmes existe aussi dans les nouveaux mouvements militants, y compris autochtones, qui prennent prétexte du « respect des usages et coutumes ». Les nouvelles formes de comportement et les processus d’organisation de nombreux autochtones pour revendiquer l’autonomie sont souvent traversés par des attitudes envers les femmes empreintes de machisme, de dévalorisation, de subordination, des différences de traitement et de conditions matérielles dans la recherche d’une vie digne. On ne donne aucune reconnaissance, on n’accorde aucune dignité aux propositions des femmes bien que plusieurs dirigeantes féminines aient ouvert ce débat lors d’événements et sommets internationaux.
La Déclaration du premier Sommet des femmes autochtones des Amériques concluait :
« Nous déclarons que persistent actuellement des formes distinctes de discrimination envers les femmes autochtones qui nous empêchent de développer pleinement nos capacités et notre potentiel et de jouir des droits humains individuels et collectifs comme peuples… La violence à l’intérieur des familles a augmenté significativement ces dernières décennies. Les changements économiques et politiques que connaissent les communautés ne sont pas étrangers à cette augmentation… Cependant l’explication par l’économie n’est pas suffisante pour comprendre les caractéristiques de cette violence où interviennent directement des facteurs culturels et personnels, des situations locales qui, bien que liées à des questions structurelles, impriment leur dynamique aux subjectivités, aux relations personnelles à l’intérieur des familles. Ces facteurs doivent être pris en compte dans nos stratégies de changement. » (Declaración Primera Cumbre de Mujeres Indígenas de las Américas 2003)
[…] L’expression « empoderamiento » (empowerment) a beaucoup été utilisée ces dernières années, suite aux débats théoriques qui se sont développés dans différents organismes : universités, ONG, agences financières et jusque dans les groupes de base de femmes qui l’ont intégrée dans leur expérience quotidienne. Elles se l’approprient comme marquant la reconnaissance de la situation de manque de pouvoir dans laquelle elles vivent. La résolution du premier Sommet des femmes autochtones d’Amérique déclare à ce sujet :
« Nous affirmons que pour obtenir une large participation des femmes autochtones il faut se saisir du concept d’« empoderamiento » grâce auquel on trouvera des solutions alternatives à nos problèmes, y compris la prise de conscience des hommes qui, très souvent, représentent la première des barrières que les femmes doivent franchir pour accéder à des espaces de participation. » […]
Référence bibliographique
Declaración Primera Cumbre de Mujeres Indígenas de las Américas. 2003. Memoria de la primera Cumbre de Mujeres Indígenas de las Américas. México : Fundación Rigoberta Menchu Tum.
Palomo Sánchez. N. 2006. Femmes autochtones d’Amériques Latine : émergence d’une identité collective rebelle. In Paroles de femmes autochtones. Paris : GITPA/IWGIA France, L’Harmattan.
Vers un féminisme transnational et décolonisé ?
9La lutte des Indiennes du Chiapas offre une réponse à la question de départ, car elle jette des ponts entre altermondialisme, féminisme et antiracisme, rompt avec l’universalisme occidental, mais sans diluer l’action politique dans une conception relativiste, différentialiste ou fragmentaire du sujet. C’est pourquoi cette lutte s’inscrit, à mon sens, dans les mouvements féministes postcoloniaux10, dont les actrices s’expriment à la fois en tant que peuples des anciennes sociétés coloniales et en tant que femmes des nouvelles nations patriarcales, dans le sillage d’un corpus de connaissances qui décolonisent le sujet de pensée et de culture occidental11. À partir de leur double position subalterne, les féministes postcoloniales, comme les Indiennes du Chiapas, remettent en cause la prétention universelle du féminisme occidental dominant et ses conceptions ethnocentriques objectivantes pour les femmes du « tiers-monde » (Mohanty 1984). Tout en maintenant leur opposition à la reproduction de rapports coloniaux au sein même du féminisme, elles développent une critique du nationalisme dans leurs pays, en montrant que celui-ci s’appuie sur des valeurs patriarcales, lesbophobes et homophobes qui peuvent déclencher des formes de violence ethnique et des fondamentalismes religieux (Alexander 1997 ; Chaudhuri 2004).
10Les Indiennes du Chiapas font de même lorsqu’elles exigent l’autodétermination de leur peuple dans les limites de leur intégrité et de leurs droits de femmes. Enfin, les Indiennes rejettent dans la pratique ce que des féministes postcoloniales ont analysé comme le « multiculturalisme libre marché » (Alexander et Mohanty 2001), à savoir l’inclusion de quotas de diversité culturelle comme réponse à un problème d’inégalités structurelles. Le mouvement des femmes indiennes ne s’est pas laissé entraîner dans ce piège et véhicule au contraire une perspective de transformation radicale des rapports sociaux, basée sur une vision articulée de la justice sociale qui inclut tant la reconnaissance culturelle que la redistribution des ressources. Elles identifient l’oppression des peuples indiens non pas comme un problème culturel isolé, mais comme un ensemble d’aspects socioéconomiques et culturels, objectifs et subjectifs :
Nous, les Indiens, nous vivons dans un pays fragmenté, condamnés à la honte d’être la couleur que nous sommes, la langue que nous parlons, l’habit qui nous recouvre, la musique et la danse qui parlent de nos tristesses et de nos joies, d’être notre histoire. […] Le système légal actuel ne fait que promouvoir la confrontation, punit le pauvre et offre l’impunité au riche, condamne notre couleur et convertit en délit notre langue. (Commandante Esther in Guttiérrez Gonzalez 2001, 523)
11Les Indiennes réaffirment ainsi le principe dialogique entre universel et particulier, car leur exigence de reconnaissance en tant que sujets porteurs d’une culture et d’une histoire spécifiques s’inscrit dans la revendication de normes communes de droit, de citoyenneté et de justice. Cette tentative d’être reconnues à tous les niveaux (privé, public, physique, social, économique, culturel, territorial, politique) corrobore la thèse selon laquelle l’opposition entre luttes « culturelles » et luttes « matérielles » est un artefact (Honneth 2003), et est une manière de décoloniser les définitions occidentales de l’universalisme, de la démocratie et de la liberté (Eisenstein 2004).
12Appliquée au féminisme, la pensée de la décolonisation apporte une conception non monolithique du genre, capable d’en explorer les contradictions internes et d’en finir une fois pour toutes avec le mythe selon lequel la libération des femmes découlerait du passage de la « communauté » (tradition) à la « société » (modernité) (Minh-ha 1989). On peut alors commencer à « comparer véritablement » (Clancy-Smith 2006, 20) les féminismes entre eux, sans construction dichotomique de l’altérité, ni instrumentalisation raciste du genre, et dans l’idée que « toutes les cultures, y compris la “nôtre”, sont patriarcales – pas plus ou moins mais différemment patriarcales » (Volpp 2001, 1217). On se donne alors les moyens d’une « praxis féministe transnationale » (Alexander et Mohanty 2001, 498), tissant des liens entre les diverses tactiques des femmes dans le monde pour affirmer leur autodétermination (Jamal 2005). Cette pratique féministe décolonisée part du local pour aller vers le global, situant d’abord les contours de chaque position (historique, politique, subjective) pour faire front commun contre les dominations capitalistes, racistes et patiarcales.
La mobilisation des femmes quechuas pour la reconnaissance de nos terres et de notre territoire
L’histoire nous dit que la participation de la femme a été très importante au sein des mouvements sociaux, dans les luttes populaires. Des femmes paysannes indigènes autochtones, telles que Bartolina Sisa, Manuela Gandarillas, Maria Barzola, et d’autres paysannes, se sont distinguées par leur combativité. Dans ce document, nous aborderons les aspects les plus importants de la mobilisation des femmes paysannes boliviennes dans la lutte quotidienne que nous menons pour récupérer la terre et le territoire pour nos enfants. C’est pour cela que nous dirigeons l’Organisation des Femmes de Cochabamba. L’organisation nous sert à récupérer nos ressources naturelles ; nous n’allons pas laisser notre organisation car c’est notre arme pour lutter quelles qu’en soient les conséquences ultimes. En tant que femmes, nous pensons que l’assemblée constituante nous servira à analyser – en tant que peuple bolivarien et en tant que femmes – la loi des hydrocarbures, le Code minier, et toutes les autres lois. C’est la raison pour laquelle nous allons participer. L’organisation nous sert aussi à faire respecter notre participation.
Comment est née l’Organisation des paysannes en Bolivie et à Cochabamba
En 1979, les paysans se sont organisés et ont fondé la Confédération syndicale unie des travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB), dont Genaro Flores prend la tête. L’objectif de la CSUTCB était de faire respecter les droits des paysans/indigènes en montrant leur pouvoir par le biais d’un blocage général des routes qui a paralysé le pays. En effet, Banzer avait décrété que l’ensemble des impôts allait servir au remboursement de la dette extérieure, déclenchant une augmentation des prix. Dans le même temps, les terres continuaient d’être distribuées à de nouveaux propriétaires fonciers en échange de faveurs politiques – surtout dans l’ouest bolivarien.
L’objectif de l’organisation de femmes est de continuer la lutte afin de laisser une ligne directrice du syndicat à leurs enfants et à leurs petits-enfants ; une ligne politique pour changer la politique traditionnelle de pillage des ressources naturelles et des terres ancestrales. Ensemble, hommes et femmes, nous allons analyser la constitution politique de notre pays pour pouvoir participer lors de l’Assemblée constituante.
Les premiers problèmes qui nous ont empêchés d’avancer – au sein de notre organisation – sont dus au fait que le gouvernement ne reconnaît pas l’organisation de femmes, les humilie et les marginalise. Dans nos communautés, nous ne recevons parfois pas de soutien de nos propres époux ; certains compagnons sont machistes et ne veulent pas que nous soyons formées. Ils croient que si nous sommes informées, nous ne respecterons plus leur autorité ; car en tant que femmes nous faisons certaines propositions qui sont meilleures que les leurs dans certains domaines (comme l’éducation et la santé). Mais l’organisation est pour nous très importante, car elle est une école dans laquelle nous apprenons et nous nous informons, et nous commençons à comprendre la situation actuelle de notre pays. À partir de là, nous pouvons, avec plus d’assurance, donner notre opinion et proposer des lignes politiques lors des réunions, des réunions élargies, et même lors des négociations avec le gouvernement.
De plus, en tant que femmes et en tant que mères, nous avons le droit d’étudier, de participer aux réunions, aux élections municipales, le droit de travailler comme professeures, comme infirmières, le droit de ne pas subir de discrimination parce que nous portons des polleras (jupes) comme des paysannes traditionnelles.
Notre lutte pour la récupération de la terre et du territoire
Quand nous parlons de la terre et des ressources naturelles, nous faisons référence à la terre-territoire. Le gouvernement veut ne laisser aux paysans que les 30 centimètres de terre qu’ils ont ; mais les ressources naturelles, le cœur du territoire, il veut les donner aux multinationales. La terre-territoire doit être comprise comme la terre et son cœur (comme les minéraux, les hydrocarbures, l’eau). Notre proposition vise à nous permettre – en tant qu’organisations originaires de nos territoires – de gérer les ressources qui s’y trouvent.
La terre et le territoire est la Pachamama ; en tant que paysans et paysannes, nous vivons d’elle (et à plus forte raison en tant que femmes). En tant que femmes, nous conservons ces produits pour survivre toute l’année, pour pouvoir alimenter nos enfants. La terre est la mère de tous les paysans, et c’est grâce à notre production que les peuples vivent car c’est également nous, avec notre travail, qui nourrissons la terre. Mais si nous n’avons pas la terre et les ressources naturelles pour produire, de quoi allons nous vivre ?
C’est pour cette raison que nous sommes avec la Fédération paysanne des hommes, parce que notre lutte est la même. Si un dirigeant nous trompe et nous trahit, il sera puni selon les lois de la communauté ; c’est pour cela que la lutte est conjointe, pour cela que nous devons être organisés et nous entraider afin de pouvoir récupérer notre terre et notre territoire. L’organisation est une arme supplémentaire pour les paysans, car, s’il n’y a pas assez de terre, nos compagnons doivent aller travailler dans les villes et, s’il n’y a pas de travail, ils doivent mendier et être humiliés. […]
Participation de la femme paysanne dans les luttes pour la terre/territoire et les ressources naturelles
Guerre de l’eau
Le gouvernement promulgue rapidement n’importe quelle loi, à n’importe quel moment. En 2000, il a promulgué la loi 2029 qui avait pour but de privatiser l’eau ; les populations paysannes – et surtout les femmes – ont lutté car nous ne savions pas avec quelle eau nous allions pouvoir vivre.
Cette loi voulait accorder des concessions sur nos lagunes, nos puits et autres ressources en eau pour qu’ensuite nous, qui vivons sur ces territoires, payions le propriétaire pour pouvoir utiliser cette eau. Avec cette loi, ils voulaient nous enlever notre territoire ; la loi affectait surtout les populations paysannes parce que nous vivons avec des systèmes d’irrigation, nos animaux boivent énormément ; voilà pourquoi nous luttons pour défendre notre eau.
De plus, nous avons analysé cette loi lors de réunions, et nous avons compris qu’il ne sert à rien d’avoir des terres si nous n’avons pas d’eau. Voilà pourquoi ce que nous voulions avec ces manifestations, c’était protester massivement. Nous n’avons pas lutté seuls pour cela, nous étions unis en tant que peuple, Association d’irrigateurs, Coordination de l’eau, Centrale ouvrière départementale de Cochabamba, Fédération départementale paysanne (hommes et femmes). Nous étions tous coordonnés dans un comité (yunta)1. Au cours d’une assemblée générale, nous avons analysé que la loi sur l’eau ne servait à rien, qu’elle n’était pas favorable aux paysans. Le monde rural utilise de l’eau sans retenue, et en tant que paysans nous ne payons l’eau à personne, mais, avec cette loi, le gouvernement veut donner cette ressource à un superintendant qui va s’approprier toute l’eau, depuis les versants, les points d’irrigation, les fleuves, les lagunes.
Octobre 2000 : la guerre pour la terre et le territoire […]
Les paysans et la biodiversité
Le gouvernement développe un faux discours de conservation. Gonzalo Sanchez de Losada2 a décrété un règlement des aires protégées qui a pour but d’exclure de leurs terres les paysans qui en sont originaires, et de laisser entrer tranquillement les exploitants de pétrole, des mines, et autres concessionnaires.
Dans la province Ayopaya3 d’où je viens, nous avons actuellement quatre aires protégées (le parc Tunari, le parc Isidoro/Sécure, le parc départemental et aire naturelle de gestion intégrée Altamachi, ainsi que la réserve de faune andine Incacasani-Altamachi) ; il ne reste presque plus de terre pour les populations de cette province, alors que nous sommes presque à 100 % paysans et vivons du travail de la terre.
Nous venons juste d’apprendre cela, mais avons déjà pris des décisions au niveau des hommes et des femmes, pour sauver et faire respecter le territoire de notre province, parce que nous sommes originaires de notre territoire. Les institutions qui soutiennent les ONG qui créent les parcs dans notre province, le Centre technique forestier régional (CETEFOR) et le Centre intégré de développement rural (CIDEDER) sont appuyées par la WWF, USAID, et Conservation internationale. Nous savons qu’ils ont des intérêts dans nos régions car celles-ci sont riches en ressources naturelles.
Ces institutions nous ont offert des postes de santé, des écoles, tout cela pour que l’aire protégée soit créée, mais nous ne pensons pas pouvoir permettre cela, car de quoi vont vivre nos enfants plus tard s’il n’y a plus de terre pour eux ? C’est pour cette raison que les organisations originaires de cette région avons décidé de consolider ce territoire de façon légale, comme Terre communautaire d’origine (TCO), pour nos communautés. Nous procédons donc aux démarches d’assainissement des Terres communautaires d’origine (San-Tco), lequel a été accepté par l’Institut national de réforme agraire (INRA) en Bolivie. C’est comme cela que nous allons défendre nos terres et nos ressources naturelles, pour toute la population originaire d’Ayopaya.
Nous savons qu’il nous faut nous organiser davantage en tant que femmes, car les hommes sont achetés facilement ; mais nous allons lutter pour nos enfants. Pour mener à bien cette stratégie, nous pensons organiser les femmes dans tous les syndicats et comités paysans. Nous avons déjà organisé le comité provincial qui a pour tâche de continuer à renforcer la lutte paysanne à Ayopaya. […]
La participation de la femme au gouvernement
En Bolivie, les femmes paysannes autochtones occupent des postes au gouvernement comme députées et sénatrices ; si l’on ajoute les suppléantes, cela correspond à sept femmes, qui ont été élues en tant que membres de leurs organisations syndicales, avec leurs vêtements traditionnels ; elles parlent notre langue, quechua ou aymara.
Les compañeras parlementaires ont pour mandat de faire respecter nos droits au parlement ; elles apprennent de plus comment fonctionnent les grands pouvoirs de l’État comme le pouvoir législatif, judiciaire. Au niveau de Cochabamba, on compte 8 conseillères municipales ; elles prennent des décisions avec les hommes, d’égale à égal, afin que de réaliser n’importe quelle activité qui aille en faveur des paysans. […]
En tant qu’organisation de femmes, nous parlons de l’Assemblée constituante depuis la guerre de l’eau (2000), car le gouvernement et la transnationale Aguas del Tunari (Eaux du Tunari) n’ont pas voulu écouter le peuple, et encore moins les paysans.
En tant qu’organisation de femmes, nous avons analysé la Constitution politique de l’État Bolivien (CPE), avec les hommes, et nous nous sommes rendu compte qu’il n’y a pas un seul article qui soit favorable au paysan. Si quelques paragraphes font bien référence aux paysans, ils ne vont pas totalement en faveur des paysans et indigènes. […]
En tant que femmes, en tant qu’organisation, nous voulons changer la Constitution politique de l’État, c’est pourquoi nous sommes en train de préparer des ateliers, des cours, alors que le gouvernement se moque de nous : les organisations ne décident même pas des thèmes. Le gouvernement a déjà un projet d’Assemblée constituante prêt à être approuvé ; de plus, chaque parti politique commence à discuter de l’Assemblée, pour nous embrouiller. En tant qu’organisation de femmes, nous sommes en train de voir comment nous allons pouvoir réussir l’Assemblée constituante. Nous allons lutter pour elle.
Le gouvernement veut approuver la loi des hydrocarbures avant l’Assemblée constituante, mais comme organisations, nous n’acceptons pas cela. Si cette loi est approuvée, alors à quoi sert l’Assemblée constituante ? Qu’allons nous analyser au sein de l’Assemblée constituante ? Notre participation serait vaine.
Selon l’organisation de femmes, la loi des hydrocarbures doit être analysée au sein de l’Assemblée constituante. Les organisations comptent des dirigeants jeunes qui pensent pouvoir changer la situation grâce à leur position, ils pensent que tous les problèmes doivent être réglés au sein de l’Assemblée afin d’assurer à leurs enfants une vie plus tranquille. Avec la Constitution politique actuelle de l’État, nous sommes totalement marginalisés, le gouvernement ne veut pas écouter, ne regarde pas ce qui va en faveur du paysan. Le gouvernement suit les instructions des États-Unis. Voilà les raisons que sont en train d’analyser les organisations.
Quel est le but de l’Assemblée constituante ?
L’Assemblée constituante est l’instrument qui va nous servir à penser, et surtout à décider du pays dans lequel nous vivons. C’est l’occasion pour nous, les paysans et indigènes, de prendre des décisions quant à notre économie, la forme de notre gouvernement, la justice, les relations extérieures ; et même quant au nom que nous voulons donner à notre pays. Mais le plus important est que nous allons voir comment les ressources naturelles vont être contrôlées et gérées. […]
En tant qu’organisation de femmes, nous allons participer à l’Assemblée constituante, même si les hommes ne le veulent pas. Lors de notre réunion nationale à Sucre4, nous avons pris des décisions systématiques afin que trois personnes par circonscription participent à l’Assemblée, comme le veut la loi. Nous, les femmes paysannes, voulons participer, nous ne voulons pas participer au titre de suppléantes, mais au titre de titulaires. Certaines circonscriptions ne veulent élire que des hommes ; mais nous avons discuté de cela lors du congrès, et nous avons décidé que les trois personnes compteraient deux hommes et une femme, ou bien deux femmes et un homme. En tant que participantes à l’Assemblée, nous pensons que nous devons analyser la Constitution politique de l’État avec beaucoup de courage.
Comme chaque département est composé de provinces, nous avons pour tâche de parler de l’Assemblée constituante dans chaque province, comme d’une stratégie permettant de récupérer les ressources naturelles.
Les partis traditionnels comme le MNR sont en train de faire leurs propositions pour ne pas nous laisser participer, mais nous allons continuer à nous battre. Nous, en tant que femmes, nous allons lutter pour participer parce que nous ne sommes plus comme avant ; nous sommes aussi organisées, nous avons la force et les idées pour défendre notre terre et territoire pour nos enfants, et pour nous-mêmes. Nous sommes à côté des hommes pour continuer à nous battre.
La terre-territoire est la Pachamama pour nos communautés autochtones, nous la respectons et nous nous occupons d’elle, car c’est grâce à elle que nous nous alimentons. Nous sommes fortes en tant qu’organisations, et nous nous sommes rendu compte que les hommes et les femmes devons marcher unis, en défendant l’héritage de nos enfants.
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Traduit de l’espagnol par Saskia Velásquez
Source du chapitre : Sexe/genre, classe, race : décoloniser le féminisme dans un contexte mondialisé. Réflexions à partir de la lutte des femmes indiennes au Chiapas (extraits). Nouvelles Questions Féministes. 25 (3) : 64-72. 2006. Nouvelles Questions Féministes, www.unil.ch/liege/nqf, est une revue publiée aux éditions Antipodes http://www.antipodes.ch.
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Notes de bas de page
1 L’ALENA entre en vigueur le 1er janvier 1994, date que choisit l’EZLN pour sortir de la clandestinité.
2 C’est surtout dès 1990 que les mouvements indiens prennent de l’ampleur au niveau latino-américain, notamment dans le cadre de la campagne « cinq cents ans de résistance indienne, noire et populaire », qui constitue le contre-événement à la célébration officielle du 500 e anniversaire de la « découverte de l’Amérique ».
3 Essentiellement dans la « Loi Révolutionnaire des Femmes Zapatistes », qui définit des droits pour les femmes indiennes dans le domaine de la participation politique au mouvement, de l’accès à la santé et à l’éducation, mais aussi la liberté de choisir son conjoint et le nombre d’enfants désiré.
4 Sauf, évidemment, dans les textes féministes évoqués ci-dessus, qui abordent cependant marginalement la question des causes du soulèvement et de l’histoire organisative avant 1994, mais abandonnent la question des conflits entre conceptions féministes et conceptions zapatistes autour des revendications et des espaces politico-militaires de l’EZLN (Lovera et Palomo 1999 ; Rojas 1999).
5 Cette auto-organisation a pris en particulier la forme de coopératives communautaires et inter-communautaires, dans le domaine de l’artisanat, de l’élevage, de la culture de légumes, de la confection de pain, etc. Les femmes assurent ainsi la survie des familles et des communautés rurales indiennes, en dépit de la crise alimentaire provoquée par les contre-réformes agraires de caractère néolibéral qui œuvrent depuis la fin des années 1970 dans tout le Mexique.
6 Dans les propositions élaborées par des organisations de femmes indiennes et des ONG de femmes en vue du premier Congrès national indien en 1996, leurs déclarations vont même jusqu’à affirmer l’interdiction des us et coutumes qui portent atteinte à la dignité des femmes (Seminario « Reforma al Artículo 4 Constitucional » 1996, 8).
7 Tzome Ixuk est la principale organisation de « la société civile » avec laquelle j’ai réalisé mon travail empirique de thèse de doctorat. Elle est située dans le village de Margaritas, région des Hautes Terres du Chiapas. Les activités et les luttes de ces femmes sont brièvement décrites dans le texte que j’ai publié dans Nouvelles Questions Féministes en 2003, à partir d’un cycle de conférences que quelques-unes d’entre elles sont venues donner en Europe.
8 En particulier le programme Pronasol (lancé en pleine période de contre-réformes agraires, à la fin des années 1980), appelé plus tard Progresa et actuellement Oportunidades, visant officiellement à pallier les effets négatifs des restructurations économiques, mais qui cherche, en réalité, à avoir le contrôle politique des populations rurales.
9 Le 22 décembre 1997, dans le village d’Acteal, district de Chenalhó, 45 Indiennes et Indiens, dont une majorité d’enfants et de femmes, parmi lesquelles plusieurs étaient enceintes, ont été assassiné-e-s par des groupes paramilitaires.
10 Ces mouvements ont pris forme principalement en Inde, en Indonésie et aux Caraïbes, mais sont aussi le fait de migrantes résidant aux États-Unis, en Australie ou en Angleterre.
11 Il faut entendre ici le terme « postcolonial » dans un sens large et métaphorique, se référant à un ensemble de critiques, de théories et d’études sur la reproduction des rapports coloniaux, notamment sous la forme de conditions géopolitiques et culturelles subalternes. La critique postcoloniale est donc « l’analyse des formes culturelles se rapportant aux relations de domination et de subordination […] entre (et souvent à l’intérieur) des nations, races ou cultures qui ont leur racine dans l’histoire du colonialisme et de l’impérialisme européen moderne » (Bart-Moore 1997, 12).
Notes de fin
1 Instrument de travail agricole qui sert à retourner la terre ; deux bœufs sont nécessaires pour tirer la charrue.
2 NdT : ancien président de la Bolivie.
3 Province qui fait partie du département de Cochabamba. La division politique administrative de la Bolivie s’établit en départements, provinces et cantons.
4 Ville de Bolivie, capitale législative.
Auteur
Sociologue, Maître d’enseignement et de recherche suppléante à l’Université de Lausanne, Suisse.
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