Chapitre VIII. Décision
p. 417-443
Texte intégral
1La décision est la détermination des conséquences juridiques des faits établis1. Les juges, après avoir examiné les preuves et en avoir discuté dans le secret du délibéré, reconnaissent aux faits une existence judiciaire si et seulement si, en droit international pénal, ils sont convaincus au-delà de tout doute raisonnable. Ils confrontent par la suite ces faits à la règle de droit applicable et en tirent les conséquences juridiques. Convaincus, les juges doivent à leur tour convaincre, par une motivation éclairée dépourvue d’arbitraire, que leur appréciation est juste. Une fois prononcé, « le jugement est immergé dans le milieu social et c’est ainsi qu’il sera finalement apprécié, puisque c’est de la soumission des justiciables, de la confirmation du souverain et de l’adhésion de l’opinion commune que viendra la bonne renommée du juge2. » Cette observation vaut tout particulièrement pour la justice pénale internationale, où l’ensemble de la société internationale doit adhérer aux décisions prononcées pour espérer provoquer les effets recherchés. Une décision motivée fournit une base rationnelle pour convaincre le public de l’utilité et de la légitimité des juridictions pénales internationales. Elle offre une garantie que les pouvoirs étendus des juges seront exercés d’une manière acceptable et équitable, c’est-à-dire que les juges décideront d’une manière sobre, respectueuse du droit et non arbitraire3.
2À moins d’indications contraires, les considérations émises ci-après valent pour l’ensemble des décisions et ordonnances prononcées par les instances pénales internationales contemporaines. L’accent sera toutefois mis sur les jugements relatifs à la condamnation et à la peine.
Section I – Élaboration et prononciation de la décision
3Les instances pénales internationales ne se distinguent pas des autres tribunaux en ce qui concerne l’élaboration de leurs décisions puisque celles-ci sont précédées d’un délibéré à huis clos qui demeure secret. Les jugements sont par la suite prononcés en audience publique.
A) Délibéré et secret
4Le délibéré correspond à la période pendant laquelle les juges s’octroient un moment de réflexion avant de trancher l’affaire dont ils sont saisis. Pour ce qui est des jugements prononcés par les tribunaux pénaux internationaux, le délibéré correspond à la phase qui suit les débats dans le prétoire et au cours de laquelle les juges se consultent pour rendre leur décision. Lors du délibéré, les juges discutent du droit applicable, apprécient les preuves examinées au procès aux fins de conclure sur la question de la perpétration des crimes allégués dans l’acte d’accusation et, par voie de conséquence, sur celle de la culpabilité ou de l’innocence du prévenu. La règle du secret du délibéré est universelle et doit être respectée en toutes circonstances4. D’aucune manière les parties ne doivent-elles être impliquées dans cette phase cruciale de la procédure. Les instances pénales internationales contemporaines n’échappent pas à cette règle5. Ni les juges ni les auxiliaires de justice qui auraient pu être présents lors de cette réflexion judiciaire ne peuvent être contraints à révéler l’un ou l’autre des éléments discutés ou renseigner sur la procédure suivie à cette occasion6.
5Toutefois, les points de vue divergents qui ont pu prévaloir au moment du délibéré peuvent se refléter dans les opinions individuelles ou dissidentes qui accompagnent la décision et lever de ce fait – au moins en partie – le mystère qui l’entoure. D’aucuns ont vivement critiqué cette pratique retenue par les tribunaux arbitraux ainsi que par la Cour internationale de Justice et son prédécesseur. Ils estiment en effet que la publication par l’organe juridictionnel des positions minoritaires ou individuelles sape l’autorité du tribunal et de ses arrêts7. D’autres, au contraire, considèrent que le fait de rendre publiques les voix dissidentes ou individuelles produit l’effet diamétralement opposé. Dans le cas spécifique des instances pénales internationales, qui appliquent un droit dont l’état de développement est encore rudimentaire, le recours raisonnable aux opinions dissidentes et individuelles incite à la réflexion et contribue à l’extraction de la substance judiciaire et dès lors à la compréhension de la décision majoritaire. Ces décisions viennent ainsi renforcer la décision, dont l’autorité découle alors de sa véritable valeur intrinsèque et non du « simple usage de l’argument d’autorité8. » Pour ces motifs, elles devraient être admises, tout en insistant, tel qu’il sera vu ci-après, sur le fait que les juges doivent, autant que faire se peut, s’entendre puisqu’un nombre trop élevé de voix individuelles et dissidentes risque d’engendrer l’effet contraire à celui recherché. C’est du reste l’approche retenue par les TMI de Nuremberg et de Tokyo et par les deux TPI9. Ces opinions permettent notamment que soient consignées « des perceptions distinctes de questions communes » et « deviennent un objet de réflexion sur certaines questions extrêmement graves et délicates » dont sont saisies les instances pénales internationales contemporaines, entités qui cherchent encore à se définir10. Elles se révèlent également sources d’inspiration dans les cas où l’une des parties souhaite se pourvoir en appel ou peuvent justifier un changement jurisprudentiel subséquent. À cet égard, la question de la gradation des crimes qui relèvent de la compétence des TPI est éloquente. Bien que la chambre d’appel du TPIY ait reconnu dès 1997 qu’une hiérarchie existe entre les crimes et que, « toutes choses étant égales par ailleurs », les crimes contre l’humanité sont plus graves que les crimes de guerre, elle revient, sans trop l’expliquer, sur sa position en janvier 2000 et conclut qu’aucune gradation de cette nature n’existe, tout en raffinant, par la même occasion, son point de vue pour ce qui est des liens qui existent entre cette question et celle de la position d’autorité occupée par l’accusé11. Il faut noter que nombre des juges des chambres de première instance du TPIY, tout en s’estimant liés par la première décision de la chambre d’appel, ont exprimé, au cours des trois années qui ont séparé les deux prononcés, des arguments susceptibles d’ébranler la position initiale de l’organe d’appel.
6Certes, les juges doivent tout faire pour s’entendre, le jugement étant leur œuvre commune. S’il s’avère impossible, au cours des délibérations, de prononcer un jugement unanime, ils devraient tenter autant que possible, dans leurs décisions majoritaires, d’atteindre le plus élevé des dénominateurs communs, évitant ainsi de fragmenter plus que nécessaire la crédibilité et la valeur du jugement prononcé12. Toutefois, il existe des situations dans lesquelles les juges eux-mêmes estiment qu’il est de leur devoir de faire part de leurs désaccords. Dans ces cas, ils doivent cependant limiter leurs observations aux questions sur lesquelles ils ne peuvent pas s’entendre13.
7Dès le début des travaux relatifs à la CPI, la question des opinions individuelles et dissidentes n’a su rallier une majorité suffisamment importante à l’appui de l’une ou l’autre des positions. La solution retenue fait œuvre de compromis et pourrait combiner les désavantages des deux solutions. Le statut de la CPI prévoit qu’une seule décision sera prononcée. Or, dans les cas où il n’y a pas unanimité, « la décision contient les vues de la majorité et de la minorité14 » qui, osons-nous l’espérer, seront clairement exprimées et identifiées de manière à ce que la révélation de ces « vues minoritaires » serve d’éléments de réflexion qui viennent éclaircir le prononcé judiciaire majoritaire.
B) Vote, lecture et teneur de la décision
8Les positions des juges ayant été exprimées lors du délibéré, les juges doivent ensuite voter. Dans les procédures pénales, chaque chef d’accusation doit faire l’objet d’un vote distinct. Les décisions sont prises à la majorité des juges composant la chambre saisie15. Un ou plusieurs juges pourraient dès lors être absents lors du vote sans l’invalider. Cette hypothèse soulève nécessairement la question d’un vote prépondérant du président en cas d’égalité des votes exprimés16. Aucune disposition spécifique des statuts des TPI ne s’y réfère17. Bien que les actes constitutifs des juridictions internationales interétatiques permanentes prévoient que le vote du président est prépondérant, les TPI ont préféré, dans la pratique, remplacer le juge absent18. Pour ce qui est de l’expiration du mandat des juges avant la fin des procès auxquels ils participent, une chambre du TPIY a estimé que les juges ont le pouvoir et sont en fait tenus de continuer de connaître des affaires dont ils sont saisis19. Dans l’affaire Celebici, cette question a été finalement tranchée par une résolution du conseil de sécurité20. De cette manière, les chambres demeurent complètes tout au long d’une affaire et la question du vote prépondérant octroyé au président devient sans objet en raison du nombre impair des membres de l’organe juridictionnel. Pour sa part, la Commission du droit international avait envisagé, dans le projet de statut de 1994, l’hypothèse selon laquelle un des cinq juges de l’organe de première instance aurait pu être absent au moment du délibéré et du vote. Il disposait alors que l’accord d’au moins trois juges pour l’adoption de toute décision concernant la culpabilité ou l’acquittement de l’accusé et la peine à infliger était suffisant21. Si, ayant délibéré pendant un temps suffisamment long, la chambre, réduite à quatre membres, n’aurait pu parvenir à une décision, elle aurait pu ordonner un nouveau procès22. Compte tenu des coûts et délais considérables qu’elle implique, cette approche ne fut heureusement pas retenue dans le statut de Rome. Celui-ci prévoit, en règle générale, que tous les juges de la chambre assistent à chaque phase du procès et à l’intégralité des débats23. Ces juges doivent s’efforcer d’adopter leur décision à l’unanimité, faute de quoi ils la prennent à la majorité24. Toutefois, dans l’hypothèse où un membre de la chambre ne pourrait continuer de siéger, le statut prévoit la possibilité de désigner des juges suppléants qui assistent eux aussi à toutes les phases du procès25. De cette manière, la question du vote prépondérant a encore une fois été évitée.
9Il est donné lecture en séance publique de la décision portant sur la culpabilité et, dans les cas où des charges sont retenues, sur la peine. Bien que les parties et leurs conseils aient le droit d’être présents, ils ne peuvent, par leur absence, empêcher le prononcé de la sentence26. Les actes constitutifs des instances pénales internationales offrent peu d’indications quant au contenu de la décision et quant à la forme qu’elle doit revêtir. Il est fait mention de décisions « écrites27 » et « motivées28 », qui contiennent « l’exposé complet […] des constatations de la Chambre de première instance sur les preuves et les conclusions29 ». Dans la pratique, les chambres des TPI ont toutefois préféré suivre les règles bien établies des autres juridictions internationales en donnant de manière systématique, dans leurs jugements, la date à laquelle la décision a été rendue, les noms des juges qui l’ont prise, l’identité des parties, les noms de leurs conseils et avocats, le résumé des procédures, les arguments et conclusions des parties (ce qui est communément appelé les qualités), les faits, les points de droit et le dispositif (déclaration de culpabilité ou acquittement), ainsi que l’indication du texte faisant foi30. Cette manière de procéder – dont il faut se féliciter – oblige les juges à expliquer le cheminement qu’ils ont suivi. Elle permet aux parties et à l’opinion publique de suivre leur raisonnement, d’identifier les faits qui ont emporté leur intime conviction et le droit appliqué ; elle met les parties en mesure de s’y rallier ou, au contraire, d’identifier d’éventuels motifs d’appel. Bien que ces conditions soient tout aussi valables pour les décisions interlocutoires, on constate avec regret que certaines de celles prononcées par les TPI ne les respectent pas : des erreurs se glissent dans les noms des accusés, leurs arguments ne sont pas présentés ou les décisions souffrent de l’absence d’une quelconque motivation. Il est difficile dans ces circonstances de conclure à une pleine transparence de la justice. On peut aussi s’interroger sur le respect du droit de l’accusé à être tenu informé. Les décisions avant-dire droit devraient permettre de suivre le processus judiciaire dans son ensemble. Or le résumé qui est généralement inclus dans les jugements est nettement insuffisant pour atteindre cet objectif. En l’absence de décisions interlocutoires qui fournissent les informations nécessaires, le public est tenu à l’écart et a l’impression que, s’il y a une justice, elle se rend derrière des portes closes. Dans ces conditions, il ne peut conclure au respect d’une procédure équitable et sera certes enclin à se désintéresser des travaux des instances pénales internationales et, au pire, à les désavouer.
10Enfin, le jugement doit être rendu dans les meilleurs délais possibles31. Le délibéré doit être pris en considération lors de la computation des délais dans lesquels la procédure doit être achevée afin d’en vérifier la durée raisonnable. À ce stade de la procédure, les juges des instances pénales internationales doivent être dotés de moyens leur permettant de remplir les exigences d’une procédure équitable, de sorte que la justice ne soit pas rendue « avec des retards propres à en compromettre l’efficacité et la crédibilité32. » Il s’agit d’une obligation de résultat qui pèse sur l’organe juridictionnel. Autrement dit, tout retard indu imputable à l’instance est inacceptable. Il faut toutefois être conscient que cette rapidité est aussi tributaire des moyens que les gouvernements veulent bien mettre à la disposition de la justice. Dans la pratique, les délibérés des chambres des TPI s’étendent sur une période de un à huit mois dans les dossiers qui n’impliquent pas de reconnaissance de culpabilité.
Section II – Motivation de la décision : une nécessité
11J.-C. Witenberg observe que « [l]a motivation est une garantie essentielle de bonne justice en ce qu’elle permet le contrôle des parties et de l’opinion sur le travail du juge33. » Cette surveillance incite dès lors le juge à motiver ses décisions de manière à obtenir « un large accord de la communauté concernée », en d’autres termes, à convaincre « l’auditoire le plus large possible34. » La motivation peut s’avérer, comme l’enseigne J. Salmon, une protection efficace contre les décisions judiciaires arbitraires. Elle offre une sauvegarde contre la négligence et l’arbitraire dans l’appréciation des preuves35. Cette garantie prend toute son importance lorsque l’on dissèque les phases du procès et que l’on constate que le juge international dispose d’une marge d’appréciation considérable tant en ce qui concerne le champ d’application de la règle que pour ce qui est de la reconnaissance judiciaire d’un fait et de sa subséquente qualification. L’obligation de motiver s’impose tant aux juridictions de première instance qu’aux tribunaux d’appel, les premières étant soumises au contrôle des secondes en l’absence de motivation.
12En droit pénal international, la motivation est d’autant plus nécessaire qu’elle est obligatoire. Obligatoire puisqu’elle s’avère être une garantie élémentaire de justice reprise dans tous les actes constitutifs des instances pénales internationales36. Nécessaire en raison du fait que le droit international pénal souffre d’une certaine absence de pratique et que les tribunaux compétents ont dès lors un rôle didactique à jouer. Enfin, ils doivent encore démontrer que leurs travaux – c’est-à-dire les décisions qu’ils prononcent – répondent à l’objectif premier qui a justifié leur création, c’est-à-dire le maintien de la paix et de la sécurité internationales par la prévention et la répression des crimes internationaux.
13La motivation touche la forme et le fond. Du point de vue formel, l’organe juridictionnel s’emploie à expliquer en détail la procédure suivie, présente la position adoptée par les parties, montre l’attention qu’il porte au plein respect des droits de l’accusé – qu’il ait été jugé seul ou avec d’autres – et limite ses considérations aux seules preuves présentées et aux questions directement pertinentes à chaque affaire. Dans des cas exceptionnels, l’organe juridictionnel peut toutefois s’autoriser à approfondir aussi des questions qu’il estime d’intérêt fondamental.
14En ce qui concerne le fond, la motivation des décisions prononcées par les instances pénales internationales implique nécessairement l’identification du contenu de la règle applicable, la reconnaissance ou non de l’existence des faits pour lesquels des preuves ont été soumises, ainsi que leur qualification juridique, c’est-à-dire le prononcé du verdict. Les décisions interlocutoires et celles portant sur la peine sont soumises aux mêmes exigences, étant entendu, pour ces dernières, que leur motivation fait partie des éléments qui contribuent au caractère équitable de la procédure. Pourtant, aucune disposition des actes constitutifs des instances pénales internationales ne prévoit expressément que celles-ci doivent prononcer des décisions contenant l’exposé complet et motivé des constatations sur lesquelles elles fondent la peine. Toutefois, une telle exigence semble implicite et c’est du reste la pratique suivie par les TPI. En fixant la peine, les chambres doivent apprécier la gravité des crimes et la situation personnelle de la personne jugée coupable ainsi que se prononcer, pour ce qui est de la CPI, sur la question de la réparation due aux victimes. Il est impérieux, sur le strict plan de l’équité à l’égard du condamné, que les juges présentent les motifs qui sous-tendent la peine. En outre, cette motivation est indispensable pour préserver tout droit d’appel effectif qui porterait sur le caractère déraisonnable de la peine.
A) Analyse du contenu de le règle et identification du droit applicable : un passage obligé en droit international pénal
15Avant d’appliquer la règle abstraite aux faits de l’espèce, l’organe juridictionnel doit en appréhender et préciser le contenu37. Pour ce qui est des règles du droit international humanitaire, et plus particulièrement de celles sur les crimes qui relèvent de la compétence des instances pénales internationales, la tâche est complexe. Avant d’interpréter la règle proprement dite, l’organe juridictionnel doit s’assurer de son applicabilité. Les chambres des TPI ont, dans ce contexte, eu à préciser la notion même de violations graves du droit international humanitaire38. Le contexte d’application faisant partie des éléments à prouver, les chambres ont par la suite déterminé les situations où le conflit armé peut être qualifié d’international, étant entendu que certains des crimes jugés ne peuvent être commis que dans ce cadre. Cela signifie que, dans la pratique, si l’organe juridictionnel conclut que le conflit armé en cause n’a pas un caractère international, l’accusé sera acquitté même si l’organe de poursuite démontre au-delà de tout doute raisonnable que l’accusé a commis l’acte répréhensible. Dans les affaires Tadic et Aleksovski, bien que les éléments constitutifs des crimes aient été pour la très grande majorité établis, les chambres de première instance du TPIY ont jugé que les accusés ne pouvaient être déclarés coupables pour les chefs d’accusation qui requéraient que les actes en cause aient été commis dans le cadre d’un conflit armé international ou que les victimes soient des personnes protégées par les conventions de Genève39.
16Le rôle de l’organe d’appel des instances pénales internationales dans la précision des règles applicables est aussi déterminant. Saisi d’un appel interjeté par la défense contre un jugement rendu par une chambre de première instance rejetant une exception d’incompétence, la chambre d’appel du TPIY a prononcé, en octobre 1995, un arrêt qui s’est avéré marquant à plusieurs égards pour les futurs travaux des TPI. Le fondant sur une argumentation solide et claire, la chambre d’appel a tranché des questions qui, à défaut de motivation convaincante, auraient pu porter atteinte à la crédibilité de l’instance. À cette occasion, la chambre a confirmé de manière convaincante la légalité de la création du TPIY. Chaque fois que cette question a été soulevée par la suite, elle a été tranchée rapidement sur la base du raisonnement tenu dans l’arrêt de 199540. La chambre d’appel a aussi précisé la portée de la compétence ratione materiæ du TPIY et a, à cet égard, donné une définition de conflits armés qui a été reprise de manière systématique dans toutes les décisions subséquentes des TPI41. Elle a étendu le champ d’application des crimes de guerre à tous les types de conflits, développement qui a par la suite été repris par le statut de la CEI. La position adoptée par la majorité de la chambre d’appel en ce qui concerne les infractions graves a, pour sa part, eu une influence certaine sur les développements jurisprudentiels subséquents où les chambres ont été obligées de préciser les circonstances donnant lieu à l’internationalisation des conflits ainsi que le test relatif au statut des personnes et biens protégés.
17La chambre d’appel ayant ainsi défini le champ d’application des grands principes du droit international humanitaire, les chambres ont par la suite approfondi certaines questions propres au droit international pénal. Elles ont traité notamment des éléments constitutifs des crimes ou des divers degrés de participation susceptibles d’entraîner la responsabilité pénale de l’accusé. Ce faisant, elles ont précisé le droit applicable – le droit international – ainsi que les sources auxquelles elles s’autorisent à puiser. Le cheminement suivi par les chambres aux fins d’appréhender le contenu de la règle en cause est parfois laborieux et n’apparaît pas toujours de façon claire. On observe toutefois que les TPI s’efforcent, dans un premier temps, de scruter les règles du droit international humanitaire afin d’y trouver une réponse satisfaisante. Dans le cas contraire, ils se tournent vers les règles du droit international général, conventionnel ou coutumier. Pour ce qui est de ces dernières, les chambres adoptent une « approche probatoire42 » et procèdent à un examen – de qualité variable – de tous les éléments susceptibles d’en prouver l’existence : jurisprudence des autres instances internationales saisies d’affaires analogues, instruments internationaux pertinents et textes internationaux qui, bien qu’ils ne présentent pas une force obligatoire stricto sensu, font autorité. La jurisprudence des tribunaux nationaux peut servir à démontrer que la règle se retrouve de manière constante au niveau des systèmes internes. Dans ce cas, les TPI lancent une mise en garde et précisent qu’il ne s’agit pas de se référer à la législation et à la pratique jurisprudentielle nationales aux fins d’identifier des principes généraux de droit reconnus par les nations du monde puisque, dans ce cas, il serait nécessaire de démontrer que la plupart sinon tous les États ont adopté la même approche en ce qui concerne le concept juridique sous examen43. Enfin, réalisant que toutes ces sources peuvent encore s’avérer déficientes d’autant que, pour ce qui est des notions pénales, le droit international ne dispose pas encore d’un ensemble complet de règles de droit positif, une chambre de première instance du TPIY, dans l’affaire Furundzija, s’est crue autorisée à rechercher les principes du droit pénal communs aux grands systèmes juridiques, principes qui se distinguent des principes généraux de droit et qui se dégagent, « avec toute la prudence nécessaire », du droit interne44.
18Malgré le silence initial des textes, la jurisprudence des TPI a identifié les sources du droit de manière beaucoup plus précise que ne l’avait proposé la Commission du droit international dans son projet de statut de 1994. La commission avait alors suggéré que la future Cour applique son statut, les traités applicables, les principes et règles du droit international général45 ainsi que, le cas échéant, toute règle de droit interne. Ce texte a fait l’objet d’un remaniement important au cours des travaux préparatoires au statut de la CPI et lors de la conférence de Rome. Il a finalement abouti à une disposition qui ne va pas sans rappeler la jurisprudence des TPI en ce que la Cour doit appliquer, en premier lieu, ses textes constitutifs46, en second lieu, selon qu’il convient, le droit international conventionnel ou coutumier, y compris le droit international humanitaire et, à défaut, les principes généraux de droit qu’elle aura dégagés à partir des lois nationales représentant les différents systèmes juridiques du monde. Sur ce dernier point, le statut précise qu’elle peut appliquer « les lois nationales des États sous la juridiction desquels tomberait normalement le crime ». Bien qu’il s’agisse de crimes auxquels peut être associée la compétence universelle et qu’en conséquence, ils relèvent de la juridiction de tous les États, cette référence renvoie au droit de l’État territorial, de l’État sous la juridiction duquel tombe le plus souvent le crime, ou à défaut, au droit de l’État pouvant se réclamer de la compétence personnelle, active ou passive. Respectant le caractère international de la CPI, le statut précise que ces principes ne doivent pas être incompatibles avec ses dispositions, le droit international ainsi que les règles et normes internationales reconnues47.
B) Rôle du précédent ou application du stare decisis
19La détermination de la place qu’occupent les précédents ou la règle du stare decisis en doit pénal international appelle quelques observations. Il faut se demander dans quelle mesure une décision judiciaire antérieure peut être reconnue comme revêtant de l’autorité et lier les instances pénales internationales lorsqu’une question portant sur des faits ou des points de droit similaires est soulevée. Cette question englobe tant les décisions prononcées par les autres chambres de l’instance concernée que celles d’autres juridictions internationales. D’emblée, on note que la règle du précédent n’est pas reconnue pour ce qui est, à tout le moins, des juridictions internationales permanentes. Aux termes mêmes du statut de la Cour internationale de Justice, ses propres décisions, sous réserve de l’autorité de la chose jugée, sont placées au même niveau que la doctrine des publicistes les plus qualifiés, c’est-à-dire comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit48. La Cour européenne des droits de l’Homme suit la même approche49. Toutefois, ces juridictions prennent généralement en considération l’existence de précédents, puisqu’il ne fait aucun doute que leur respect contribue à la sécurité juridique et à la cohérence de leur jurisprudence : « les affaires du même genre doivent être tranchées de la même manière et si possible par le même raisonnement50. » Il s’agit dans ces circonstances non de l’application de la règle du stare decisis, mais plutôt d’une autorité certaine attachée à la chose interprétée51. Elles ne s’écarteront de leurs prononcés antérieurs que dans les cas où elles estiment que des raisons impérieuses le justifient52. En paraphrasant la Cour internationale de Justice, la question est en réalité celle de savoir si, dans la présente espèce, il existe des raisons pour le tribunal de s’écarter des motifs et des conclusions figurant dans les précédents53.
20La position des juridictions internationales à l’égard des précédents peut-elle être transposée aux instances pénales internationales ? A priori, plusieurs éléments s’y opposent. Les instances pénales internationales sont les seules juridictions internationales à posséder un double niveau juridictionnel. La question de l’application des précédents ne concerne dès lors non seulement la chambre d’appel par rapport à ses propres décisions, mais également la position que doit adopter une chambre de première instance face aux décisions de la chambre d’appel ou des autres chambres de première instance. En outre, les instances pénales internationales ont une vocation pénale, branche du droit où un degré singulier de certitude est requis. L’organe de poursuite, l’accusé et le public doivent pouvoir s’attendre à ce que les « affaires du même genre soient tranchées de la même manière ». Toutefois, le droit pénal est aussi un domaine du droit dans lequel il faut exercer une vigilance accrue aux fins de ne pas créer d’injustice en appliquant sans discernement les décisions antérieures. Le juge Hunt, dans une déclaration jointe à un arrêt de la chambre d’appel du TPIY, insiste sur l’équilibre que le juge doit trouver entre le besoin de certitude et la flexibilité54. Enfin, les statuts des instances pénales internationales ne peuvent facilement faire l’objet de modifications ; c’est dès lors en leur qualité d’interprètes que les juges peuvent chercher à atteindre l’équilibre requis. La chambre d’appel du TPIY a conclu que sécurité juridique et prévisibilité requièrent a priori qu’elle suive ses prononcés antérieurs. Selon le juge Shahabuddeen, le statut du TPIY ne prescrit pas cette obligation mais autorise les juges à s’imposer une telle directive. La chambre d’appel ne peut, par exemple, ignorer ses prononcés pour la simple raison que sa composition a changé et que les nouveaux membres ne partagent pas l’avis de ceux qui ont rendu le premier prononcé. Toutefois, la chambre d’appel, tout comme la Cour européenne des droits de l’Homme, s’autorise à s’en écarter pour des raisons impérieuses dans l’intérêt de la justice55. Pour leur part, les chambres de première instance sont liées par les prononcées de la chambre d’appel. Elles ne sont pas liées toutefois par les décisions des autres chambres de première instance, bien qu’elles doivent leur démontrer une déférence certaine56. Contrairement aux actes constitutifs des TPI, le statut de la CPI prévoit expressément que la Cour peut appliquer les principes et règles de droit tels qu’elle les a interprétés dans ses décisions antérieures57. Il ne précise pas, toutefois, s’ils doivent être considérés comme faisant autorité.
21Pour ce qui est des décisions des autres tribunaux internationaux, les TPI sont catégoriques et considèrent qu’ils n’y sont liés à aucun égard58. À titre de tribunaux internationaux, les TPI — rappelle une chambre de première instance dans l’affaire Kupreskic — doivent se fonder sur les sources bien établies du droit international. Ils se référeront dès lors aux décisions judiciaires prononcées par les autres instances comme moyen auxiliaire d’interprétation, ce qui ne peut être considéré comme une source distincte de droit international. La seule autorité dont sont investies les précédentes décisions judiciaires réside dans leur capacité à mettre en exergue une règle existante de droit international. Une attention particulière doit être toutefois portée à certaines décisions, dont celles prononcées par les TMI de Nuremberg ou de Tokyo ou par les tribunaux interalliés établis aux termes de la loi n° 10 du conseil de contrôle allié, étant entendu qu’il s’agit de juridictions internationales (ou interalliées) qui ont appliqué le droit international. En outre, comme le relève le juge Shahabuddeen, les juges des instances pénales internationales ont une obligation légale de maintenir la cohérence du droit international et doivent dès lors montrer un respect certain par rapport aux vues exprimées par la Cour internationale de Justice en ce qui a trait, en particulier, au droit coutumier. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’un sujet qui relève du système des Nations Unies, dont ces juridictions internationales sont des parties intégrantes59. D’un autre côté, les juridictions pénales internationales contemporaines doivent faire preuve de prudence lorsqu’elles se réfèrent aux décisions prononcées par les tribunaux nationaux en raison du fait qu’elles ont été rendues en premier lieu à travers le prisme d’un droit national.
C) Interprétation : étape préalable à la qualification
22Avant de procéder à la qualification du fait, il faut s’assurer du sens de la règle à appliquer. Cette opération, l’interprétation, vise à dégager la portée exacte d’une disposition et à en déterminer la signification60. Plus la règle est appliquée et, par ce fait même, interprétée, plus son contenu devient précis. On détaille alors la règle, on en affine les contours. En droit international pénal, l’application revêt une importance singulière, puisqu’elle délimite avec précision le champ d’application des crimes jugés par les instances pénales internationales ; elle permet alors à celle-ci « par le processus de concrétisation judiciaire, de s’ajuster mutuellement, et à l’intérieur de l’enchevêtrement normatif du système juridique international61. »
23Différents facteurs sont susceptibles de rendre la règle internationale imprécise. J. Salmon identifie des causes endogènes et exogènes, les premières portant sur des problèmes de syntaxe, sémantiques ou logiques, les secondes sur les caractéristiques mêmes de la société qui les a sécrétées62. Pour ce qui est des causes endogènes, il faut se rappeler que lorsque le droit désigne le fait auquel il attache des conséquences juridiques, il ne dispose pour cela que des ressources du langage63. Or, le sens de la règle est rarement univoque64. G. Abi-Saab observe que, « même quand on est en présence d’un texte écrit et quand le noyau de la proposition normative est tout à fait clair, il est toujours entouré d’une pénombre ou d’une marge d’interprétation aussi étroite soit-elle ; ce qui laisse nécessairement un certain jeu ou latitude à l’interprète65. » Ce constat ne va pas sans rappeler la dualité identifiée par H.L.A. Hart entre le « noyau de certitude » et la « pénombre de doute » que présente chaque mot66. Ainsi, même lorsque le juge affirme que le texte est clair, il l’interprète. Pour ce qui est des causes exogènes à la règle, celles-ci prennent une importance particulière en droit international ; les règles s’avèrent être un compromis entre des volontés étatiques parfois divergentes67. Il est dès lors normal et prévisible que des problèmes d’interprétation surgissent au moment de leur application : le droit international affectionne les formules ambiguës qui ne résolvent qu’à moitié les choses68. La situation est exacerbée pour le droit international humanitaire. Dans une opinion séparée, le juge Abi-Saab, membre de la chambre d’appel du TPIY, a observé que les crimes constituant les violations graves du droit international humanitaire, qui relèvent de la compétence des TPI, remontent aux lendemains de la Deuxième Guerre mondiale, ont une origine récente et
font partie de la réaction cathartique de la communauté internationale aux traumatismes causés par les innombrables atrocités commises durant cette guerre […] Ils ont été formulés dans un contexte extrêmement émotif dans les diverses instances où l’écho d’un tel écœurement a pu trouver le moyen de s’exprimer juridiquement, en s’attaquant à tous les actes et pratiques prohibés sous tous les angles possibles et par tous les moyens juridiques concevables. Cela a conduit à une formulation relativement peu structurée des normes et un large degré de juxtaposition entre ces crimes69.
24La jurisprudence des TPI foisonne d’interprétations des règles que les chambres ont été appelées à appliquer. Dans ce contexte, elles ont fait abondamment usage des principes d’interprétation qui ont été précisés dans l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur la Compétence de l’Assemblée générale pour l’admission d’un État aux Nations Unies70, repris par la suite dans les articles 31 et 32 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités71. Selon Ch. de Visscher, ces principes d’interprétation
fournissent au juge des hypothèses de travail ; il ne les retient qu’à titre purement provisoire et toujours sous réserve d’une vérification ultérieure. Les envisageant tour à tour et les confrontant entre elles, il y découvre des points de vue divers qui, tantôt se renforçant, tantôt s’affaiblissant au contact des faits d’espèce, suggèrent à son esprit le thème de conjectures et d’appréciation alternées […] En somme, la principale utilité des fameux « canons » d’interprétation est de rendre l’interprète attentif aux options qui s’offrent à son choix72.
25Cette observation se vérifie dans les décisions des TPI. Les chambres des TPI privilégient en effet des principes d’interprétation différents lorsqu’elles interprètent, d’une part, leurs actes constitutifs ou des dispositions générales du droit humanitaire et, d’autre part, les éléments constitutifs des incriminations. Dans le premier cas, l’approche est constante et uniforme : en premier lieu, les dispositions propres au droit humanitaire sont interprétées selon leur sens naturel et ordinaire, prises dans leur contexte. Toutefois, les chambres ne s’en contentent pas. Elles se laissent également guider par le but et l’objet de la disposition, de manière à en extraire toute la substance juridique. Le droit international humanitaire visant en tout premier chef la protection des individus en temps de conflits armés, les chambres adoptent une interprétation évolutive des textes pour tenter de protéger le plus grand nombre de victimes de ces conflits et d’adapter ce droit aux réalités des conflits armés contemporains73. Cette approche téléologique a permis à la chambre d’appel du TPIY de définir largement la notion de conflits armés74, à étendre la notion de crimes de guerre aux conflits armés internes75, à articuler la notion de personnes protégées davantage autour des relations de fait que des liens formels76 à autoriser un test de contrôle fondé sur une autorité de facto77 et à interpréter la notion de participation de manière à couvrir tous ceux qui auraient pu contribuer à la perpétration de ces crimes odieux78. Certains juges ont également soutenu qu’une interprétation évolutive justifie d’étendre le régime des infractions graves aux crimes commis dans le contexte de conflits armés internes79.
26Dans les décisions plus récentes, les chambres des TPI ont eu à préciser les éléments constitutifs des crimes. Dans ces cas, plutôt que de chercher « l’esprit » de ces dispositions, elles se sont montrées particulièrement attentives au respect des règles d’interprétation propres au droit pénal. Par exemple, dans le cas du viol, une chambre de première instance du TPIY n’a pas hésité à critiquer les définitions vagues retenues dans des décisions antérieures de ses pairs. Elle a, pour sa part, précisé de manière détaillée les éléments constitutifs de ce crime en ayant recours aux principes du droit pénal communs aux grands systèmes juridiques, considérant qu’une telle référence était requise par le principe de la spécificité80. Certes, la volonté d’éliminer les incertitudes et de ne pas laisser la porte ouverte au « gouvernement des juges » explique en partie l’inclusion dans le statut de Rome d’une disposition prévoyant que les « Éléments des crimes », adoptés par les deux tiers de l’Assemblée des États parties, aideront la Cour à interpréter et appliquer les dispositions sur les crimes qui relèvent de sa compétence, à l’exception de l’agression. En outre, il faut noter que, dans le statut de Rome et contrairement aux statuts des TPI, la majeure partie des faits sous-jacents font l’objet de définitions. À ne vouloir laisser aucune initiative aux juges, les textes s’alourdissent et la tâche de l’interprète, plutôt que de s’alléger, se complique singulièrement. Au moment d’appliquer ces dispositions, les juges devront nécessairement se rappeler que le droit pénal, quelle que soit sa source nationale ou internationale, abhorre l’analogie et requiert qu’en cas de doute, l’interprétation la plus favorable à l’accusé soit retenue.
27On mesure ainsi l’importance du rôle de l’organe juridictionnel qui, sans s’approprier les fonctions du législateur, possède une large marge d’appréciation pour interpréter le droit applicable. En outre, il doit évaluer la pertinence des preuves présentées pour qualifier le fait reproché.
D) Qualification du fait reproché
28Le droit étant établi, il s’agit désormais pour le juge de calquer la règle sur un cas particulier : c’est le processus de l’application ou de la qualification. En droit pénal, le juge vérifie si les faits qu’il reconnaît comme avérés présentent les caractéristiques du crime et s’ils peuvent être imputés à l’accusé. Certes, le cheminement inverse pourrait se faire, le juge confirmant dans un premier temps l’existence d’un fait pour le confronter par la suite à la règle applicable. Dans l’un ou l’autre cas, l’examen suppose un exercice dialectique entre les faits et la règle.
1) Reconnaissance judiciaire du fait reproché : une conviction au-delà de tout doute raisonnable
29Avant de procéder à la qualification des faits, le juge doit reconnaître ceux-ci comme avérés. Même là où les parties s’entendent sur la description des événements, il incombe aux instances pénales internationales contemporaines de découvrir la vérité à la lumière des preuves présentées par les parties et de celles qu’elles auraient pu elles-mêmes directement obtenir. Dans cet exercice, le juge retient les preuves qu’il considère pertinentes, c’est-à-dire celles dont il estime, en exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, qu’elles couvrent directement l’espèce. Dans la décision, le juge met par la suite en évidence les éléments qu’il considère significatifs. Sa conviction se fonde alors sur des preuves directes ou des présomptions. Certes, les preuves retenues par le juge ne seront jamais plus qu’une représentation des événements. Nul ne pourra jamais affirmer que les faits sont tels que le juge les décrit. La certitude absolue n’est du reste pas l’objet de la justice et peut même lui nuire81. Toutefois, certaines règles qui contribuent à rendre la version judiciaire des faits aussi crédible que possible s’imposent au juge pénal international. Le juge ne reste pas entièrement libre, par exemple, en ce qui concerne le choix des preuves puisque, aux termes des actes constitutifs des instances pénales internationales, il ne doit retenir que celles qui entraînent une conviction au-delà de tout doute raisonnable82.
30La preuve au-delà de tout doute raisonnable est un concept difficile à cerner. Aucune indication n’est fournie à cet égard dans les actes constitutifs des instances pénales internationales ou dans les travaux préparatoires qui ont précédé ces actes. Les tribunaux créés à la suite de la Deuxième Guerre mondiale pour juger les criminels des Puissances de l’Axe ont eu recours à ce niveau élevé de preuve sans toutefois fournir des informations détaillées quant à sa portée. Les juridictions internationales contemporaines n’ont exigé ce niveau de preuve qu’à de rares occasions, lorsqu’elles ont été saisies d’allégations particulièrement graves83. Malheureusement, elles ont été peu prolixes elles aussi quant au sens à donner à cette expression84. Au niveau national, la formule « au-delà de tout doute raisonnable » a été développée par les juges anglais aux xviie et xviiie siècles pour instruire les jurys85. Aujourd’hui, certains tribunaux nationaux refusent de définir cette notion, estimant qu’elle n’est pas susceptible de précisions.
31D’entrée, on peut affirmer que la preuve au-delà de tout doute raisonnable est un niveau de conviction plus élevé que la preuve prima facie ou par prépondérance des probabilités. En outre, il ne s’agit certainement pas d’un concept qui soit relatif, élastique ou appelé à changer d’une décision à l’autre. L’on comprend dès lors l’importance d’en préciser les contours. Ce niveau de preuve s’applique à chacun des éléments du crime. L’organe juridictionnel doit être convaincu au-delà de tout doute raisonnable que l’accusé a commis l’infraction et qu’il en avait l’intention, sa participation pouvant revêtir différentes formes. Il ne s’agit pas d’assujettir chaque élément de preuve pris individuellement au test de la preuve au-delà de tout doute raisonnable, mais plutôt d’y soumettre l’ensemble de la preuve en cherchant à relier les faits les uns aux autres. Le refus d’un juge de croire l’accusé et le fait de ne pas se sentir obligé de vérifier l’ensemble de la preuve est une erreur de droit sur laquelle peut se fonder un pourvoi en appel. Si un doute raisonnable persiste, l’accusé doit être acquitté, à moins que les preuves n’établissent, selon le même niveau de conviction, la perpétration d’une infraction « incluse86 ».
32La preuve au-delà de tout doute raisonnable présente deux facettes : d’une part, compte tenu de la présomption d’innocence, il incombe à la poursuite de faire la démonstration requise. Si elle échoue ou si l’accusé fait surgir un doute raisonnable, il doit être acquitté. La preuve doit revêtir un degré de certitude qui n’est ni absolu ni mathématique. Certes, il s’agit d’un niveau qui implique un haut degré de probabilité sans que tout doute soit exclu87. Une preuve qui ne soulèverait que des soupçons serait manifestement insuffisante, tout comme le serait la preuve fondant une forte probabilité ou une certitude raisonnable. Les expressions utilisées par les chambres des TPI, telles que « sans aucun doute », « incontestable ou incontesté88 », « sans contestation possible89 », « ne laisse subsister aucun doute90 », « convaincue au-delà de tout doute raisonnable91 », « sans aucun doute possible92 », « il est manifeste93 », « indéniable94 », « il résulte indubitablement95 », « intime conviction96 » décrivent correctement a priori le niveau de preuve exigé. Au contraire, on peut se demander s’il est suffisant pour trancher qu’une chambre estime qu’il est « raisonnable de conclure97 ». Les expressions utilisées par les chambres des TPI ne peuvent être toutefois interprétées isolément, sans référence à leur contexte. Il ne s’agit pas non plus de se satisfaire d’une argumentation rhétorique qui utiliserait une expression en apparence appropriée mais négligerait de l’étayer de manière convaincante. La ferme conviction doit transparaître de la motivation élaborée par l’organe juridictionnel.
33Pour sa part, l’accusé n’a qu’à soulever le doute. Quel peut bien être ce doute et quelles en sont les sources ? Il n’est pas utile de renvoyer au sens ordinaire des mots pour définir le doute raisonnable. Même en se référant uniquement à la notion de « raisonnable », telle qu’utilisée par le droit, l’exercice ne s’en trouve pas facilité, puisque ce qualificatif recouvre nombre de sens à portée variable. Peut-on véritablement rapprocher le « raisonnable » du « délai raisonnable », « de la diligence raisonnable », des expressions « toutes mesures raisonnables » ou « dans la mesure où cela est raisonnable », de la notion de « doute raisonnable » ? Dans tous ces cas, le raisonnable requiert un jugement de valeur de la part de l’interprète et implique une volonté de ne pas figer la règle à travers les temps. Au-delà de ces constatations liminaires, peu semble les rapprocher : tantôt, le raisonnable renvoie à la technique du standard juridique, implique une obligation de moyen ou de résultat ou se réfère à un niveau de probabilité qui paraît bien en deçà du doute raisonnable. Il n’est pas satisfaisant non plus d’expliquer le « doute raisonnable » en se fondant sur une synonymie et en ayant recours à des expressions telles que doute « obsédant », « substantiel » ou « sérieux ». S’ajoute alors une autre difficulté sémantique, ces expressions comportant, tout comme le doute raisonnable, un jugement de valeur98.
34Le doute raisonnable n’est ni une spéculation arbitraire ou une incertitude volontaire, ni un doute imaginaire, frivole ou capricieux. Il s’agit du doute qu’éprouve l’homme raisonnable, ce doute qui fait en sorte qu’un juge n’acquiert pas la ferme conviction de la culpabilité de l’accusé. On devrait être en mesure de motiver le doute raisonnable et d’établir un lien avec les preuves présentées99. L’impossibilité de le faire pourrait être un indice sérieux que le doute n’est pas raisonnable100. Dans le contexte des procès devant jury, un juge australien a expliqué aux jurés que le doute raisonnable s’évalue dans le cadre de chaque cas d’espèce. Il s’agit d’
[u]n doute qu’un jury donné accepte en la circonstance. Les jurés décident eux-mêmes de ce qui est raisonnable dans les circonstances. C’est dans cette capacité qui leur est donnée que réside l’une des vertus de notre mode de jugement : ils mettent leur expérience et leur jugement au service de la tâche qui leur est confiée, à savoir se prononcer sur les faits101.
35La ferme conviction et le doute raisonnable du juge de l’instance pénale internationale naissent de son examen des preuves. Les contradictions qu’il y repère et qu’il met en exergue, l’absence de preuve sur un élément essentiel ou le fait que les preuves sont abondantes, concordantes ou non contredites sont des facteurs déterminants dans l’appréciation judiciaire. Lors de ce délicat exercice, les juges des TPI paraissent particulièrement sensibles à l’impression que leur laissent les témoins, mode de preuve privilégiée dans le prétoire. Ils précisent fréquemment que les dépositions qu’ils retiennent comme pertinentes proviennent de témoins dignes de foi et crédibles qui ont présenté une preuve inébranlable102. Ils relèvent aussi le fait que les témoins ont été victimes103 et qu’ils sont en mesure de présenter une version concordante et détaillée des événements104. Ils ne s’arrêtent pas aux incohérences mineures et estiment même que les contradictions peuvent s’avérer être un signe de sincérité105. Que le témoin souffre du symptôme post-traumatique ne rend pas, selon eux, sa version des faits inexacte106. Au contraire, lorsque les juges rejettent un témoignage, ils insistent sur les contradictions107, sur la pression à laquelle le témoin a été soumis au moment des événements108, sur la distance considérable qui l’a séparé des faits constatés ou sur la mauvaise position dans laquelle il s’est trouvé pour les apercevoir109. Les juges se fondent alors sur des éléments de preuve directe ou sur des preuves circonstancielles, en reconstituant, dans ce dernier cas, un fait par un faisceau d’événements qui, pris isolément, peuvent n’avoir aucune portée directe sur le litige, mais dont l’ensemble amène l’esprit logique à conclure irrésistiblement dans un sens donné. En droit pénal, le juge doit être particulièrement attentif, dans ces circonstances, à la présomption d’innocence. Il doit s’assurer qu’aucune autre solution logique ne peut se concevoir110. Bien qu’il ne s’agisse pas d’exclure toute hypothèse purement théorique, la culpabilité de l’accusé doit être la seule conclusion rationnelle.
36Les instances d’appel n’interviennent que rarement dans l’évaluation des faits effectuée par les tribunaux de première instance. En règle générale, elles s’immiscent le moins possible dans cette évaluation et accordent a priori un crédit certain aux conclusions formulées par les juridictions de première instance. En effet, ces dernières sont les mieux placées « pour examiner les éléments de preuve et notamment les témoignages présentés au procès, pour les évaluer et pour leur accorder une valeur probante111. » La chambre d’appel du TPIY a expliqué qu’elle n’intervient que dans les cas où aucun homme raisonnable ne serait parvenu aux mêmes conclusions que la chambre de première instance en ce qui a trait aux faits de l’espèce112. Dans l’affaire Tadic, la chambre d’appel, qui n’a pas contesté les faits constatés par la chambre de première instance, a toutefois considéré que cette dernière avait erré en estimant que le doute raisonnable pouvait se fonder sur une « simple possibilité » qui n’était du reste aucunement motivée par un élément de preuve quelconque. Selon la chambre d’appel, les faits, y compris la participation de l’accusé, ne pouvaient qu’entraîner une ferme conviction.
2) Opposition du fait au droit et conséquences du prononcé judiciaire
37Le droit ayant été précisé et les faits démontrés, l’organe juridictionnel doit désormais opposer l’un à l’autre ; il doit vérifier si les faits entrent dans le cadre de la règle et conclure en conséquence. Le « Dictionnaire Basdevant » définit cette opération comme consistant
à classer un fait, une action, une institution, une relation juridique, une règle de droit dans une catégorie déterminée en voie de lui appliquer le régime juridique correspondant à cette règle. Par exemple qualification d’un fait comme fait illicite, d’un crime comme crime de droit commun ou comme crime politique, d’une règle de droit comme règle de forme ou règle de fond113.
38Plus précisément, en droit pénal, la qualification est la détermination par le juge de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé. Les faits tels qu’avérés sont alors opposés au droit, les éléments du crime sont prouvés ou non et, le cas échéant, imputés à l’accusé. Pour chaque chef d’accusation, l’organe juridictionnel doit trancher. L’application n’est certes pas mécanique, une large marge d’appréciation étant laissée aux juges. Toutefois, le juge ne peut refuser de décider114. Si la preuve est insuffisante ou contradictoire, il devra s’écarter des vues de l’organe de poursuite puisque c’est sur lui que pèse le fardeau de la preuve115. Plus les instances pénales internationales contemporaines procéderont à cette opération de qualification et plus les contours des normes applicables se préciseront : ce sont les vertus de la jurisprudence116.
39L’organe juridictionnel est par la suite dessaisi. Sa mission est terminée. À ce stade, il ne peut plus modifier la décision ou remettre en question son bien-fondé. La décision fait désormais partie du domaine public et peut faire l’objet, si les conditions requises sont remplies, d’un recours.
Notes de bas de page
1 Wróblewski. J., « La preuve juridique : axiologie, logique et argumentation » in : Perelman, Ch., Foriers, P., La preuve en droit, Bruxelles, Bruylant, 1981, p. 332.
2 Delmas-Marty, M., « La procédure pénale », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n° 23, 1996, p. 23.
3 Prott, L.V., “The Justification of Decisions in the International Court of Justice” in : Perelman, Foriers, La preuve en droit, op. cit. note 1, p. 331, 332 et 334.
4 Statut de la .JI, art. 54, al. 3 et art. 58. Voir aussi le statut de la CIJ, art. 54, par. 3 ; conventions de La Haye de 1899 pour le règlement pacifique des conflits internationaux, art. 51 et conventions de La Haye de 1907 pour le règlement pacifique des conflits internationaux, art. 78, al. 1 ; règlement de CEDH, art. 22, par. 1 ; statut de la CIADH, art. 24, par. 2 et règlement, art. 14. Dans le cas de la CPJI, consulter également l’affaire des Zones franches du pays de Gex et de la Haute-Savoie (France c. Suisse), ordonnance du 19 avril 1929, CPJL, série A, n° 22, p. 12 (1929).
5 Statut de la CPI, art. 74, par. 4 ; RPP de la CEI , règle 142, par. 1 ; RPP des TPI, art. 29.
6 Voir à cet égard Celebici, ch. d’app., cas n° IT-96-21, ch. d’app., Order on Motion of the Appellant, Esad Landzo, for Permission to Obtain and Adduce Further Evidence on Appeal (7 dec. 1999), p. 4-5. Dans cette ordonnance, la chambre d’appel du TPIY considère
that it is an inherent quality of an independent judicial institution such as the International Tribunal that it be able to maintain confidentiality in relation to its basic judicial functions, that the independence of judges and other officers of the Tribunal exercising judicial functions should be safeguarded from being drawn into the controversies before it by being compelled to testify on behalf of any of the parties to proceedings before it, and that judicial deliberations and observations in relation to matters on which the judges are required to adjudicate should not be the subject of compelled evidence before the International Tribunal or exposure in any forum other than the proper forum of published reasons for decision in a particular matter.
7 À cet égard, voir le projet de statut de 1994 de la CDI in : Annuaire CDI 1994, vol. 11, 2e partie (ci-après : Projet de statut de 1994 de la CDI), notamment le commentaire accompagnant l’article 45. Voir aussi Rapport du Comité préparatoire pour la création d’une cour criminelle internationale, doc. NU AG A/AC.249/1 (7 mai 1996), par. 293 et Rapport du Comité ad hoc pour la création d’une cour criminelle internationale, AG, 50e session, suppl. n° 22, doc. off. NU AG A/50/22, par. 185-186.
8 Ost, F., et van de Kerchove, M., Entre la lettre et l’esprit les directives d’interprétation en droit, Bruxelles, Bruylant, 1989, p. 239-240.
9 Les actes constitutifs des TMI de Tokyo et de Nuremberg ne contiennent pas de disposition précise à cet égard. Voir statut du TPIY, art. 23, par. 2 et RPR art. 98, lettre C) ; statut du TPIR, art. 22, par. 2.
10 Tadic, cas n° IT-94-1, ch. d’app., opinion individuelle du juge Sidhwa concernant l’appel interjeté contre l’exception préjudicielle d’incompétence soulevée par la défense (2 oct. 1995), par. 1.
11 Erdemovic, cas n° IT-96-22, ch. d’app., arrêt, opinion individuelle présentée conjointement par Madame le juge McDonald et Monsieur le juge Vohrah (7 oct. 1997), par. 20-27. Les juges Cassese et Stephen, dissidents, ont appuyé la majorité à cet égard. Toutefois le juge Li s’y est opposé en fournissant une argumentation détaillée : ibid., opinion individuelle et dissidente du juge Li, par. 18-26. Une chambre de première instance s’était prononcée dans le sens de la gradation quelques mois auparavant : Tadic, cas n° IT-94-1, jugement (14 juillet 1997) (McDonald et Vohrah étaient membres de cette chambre). La chambre d’appel révisa par la suite sa position : Tadic, ch. d’app., cas n° IT-94-1, Judgement in Sentencing Appeals (26 janvier 2000), par. 69 :
After full consideration, the Appeals Chamber takes the view that there is in law no distinction between the seriousness of a crime against humanity and that of a war crime. The Appeals Chamber finds no basis for such a distinction in the Statute or the Rules of the International Tribunal construed in accordance with customary international law; the authorized penalties are so the same, the level in any particular case being fixed by reference to the circumstances of the case.
Entre ces deux décisions, certains juges ont exprimé leurs réticences : voir notamment Erdemovic, cas n° IT-96-22, opinion individuelle du juge Shahabuddeen (5 mars 1998), p. 2 ; Tadic, cas n° IT-94-1, opinion individuelle du juge Robinson (11 nov. 1999), p. 2 (“The decision of the Appeals Chamber [Erdemovic] […] is, of course, binding on Trial Chambers as to the relative gravity of crimes against humanity and war crimes; and it is only because I am bound by it that I have concurred in those sections of this Judgement which reflect a more severe penalty for crime against humanity than for war crimes.” Le juge expose par la suite de manière détaillée les raisons qui fondent son désaccord.)
12 Des décisions comme celles prononcées par la chambre d’appel du TPIY dans l’affaire Erdemovic (7 oct. 1997) devraient être évitées. Dans cette affaire, deux juges ont écrit une opinion individuelle conjointe alors que les trois autres ont prononcé des opinions dissidentes qui concernent différents éléments du dispositif. Les motifs venant à l’appui de l’opinion majoritaire sont difficilement identifiables, car le dispositif de la décision majoritaire renvoie aux motifs exposés dans l’une ou l’autre des opinions séparées. De telles décisions risquent de contribuer à la fragmentation judiciaire.
13 Dans le jugement de Nuremberg, le juge Nikitchenko termina l’exposé de son avis particulier en ces termes : « J’ai considéré qu’il était de mon devoir de juge de faire part de mon avis particulier sur des points importants sur lesquels je ne suis pas d’accord avec les membres du Tribunal ». Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international de Nuremberg, Nuremberg, 14 novembre 1945 – 1 octobre 1946, p. 393. Le juge Cassese, dans l’affaire Erdemovic, a adopté la même approche pour ce qui était du rejet de la défense de contrainte dans le cas de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité : « [C]’est là une question sur laquelle je suis en complet désaccord avec la majorité et je dois, par conséquent, faire part de mon opinion individuelle et dissidente ». Erdemovic, cas n° IT-96-22, ch. d’app., opinion individuelle et dissidente du juge Cassese, cité à la note 11, p. 3.
14 Statut de la CPI, art. 74, par. 5.
15 Ibid., art. 74, par. 3 ; statut du TPIY, art. 23, par. 2 et RPP du TPIY, art. 98 ter, lettre C) ; statut du TPIR, art. 22, par. 2. Selon Witenberg, « [l]a règle de la majorité est de l’essence même de tout organisme judiciaire. Ayant triomphé dans les arbitrages proprement dits elle s’imposait, à fortiori, dans les tribunaux préconstitués ». L’organisation judiciaire la procédure et la sentence internationales, Paris, Pedone, 1937, p. 282. A cet égard, Witenberg se réfère aux deux conventions de La Haye de 1899 (art. 51 et 52) et de 1907 (art. 78 et 79). Voir également art. 55 du statut de la CPJI et art. 55, par. 2 du statut de la CIJ.
16 Les conventions de La Haye 1899 et 1907 ne renferment aucune disposition à cet égard. Voir toutefois le statut de la CPJI, art. 55 ; le statut de la CIJ, art. 55, par. 2 ; et le règlement de la CEDH, art. 23, par. 1.
17 Voir toutefois RPP des TPI, art. 26, lettre B) pour ce qui est des réunions plénières des juges.
18 Blaskic, cas n° IT-95-14, ordonnance du président portant affectation temporaire d’un juge à la chambre de première instance I du Tribunal (24 janv. 1997) (affectation temporaire du juge Li pour le regretté juge Deschênes alors indisposé) ; ibid., ordonnance du président portant affectation temporaire d’un juge à une chambre de première instance (16 juin 1997) (remplacement définitif du juge Deschênes par le juge Shahabuddeen). Le juge Riad fut également remplacé par le juge Rodriguez dans cette même affaire : ibid., rapport du président de la chambre de première instance I conformément à l’article 15, lettre F) du règlement (26 janv. 1999) ; ibid., consentement conditionnel de l’accusé à la poursuite des débats suite à la désignation d’un nouveau juge (22 janv. 1999) ; ibid., ordonnance du président portant affectation d’un juge à la chambre de première instance I du Tribunal (29 janv. 1999). Dans l’affaire Aleksovski, le juge Li fut remplacé par le juge Shahabuddeen : Aleksovski, cas n° IT-95-14/1, ordonnance du président nommant un juge à la chambre de première instance I.
19 Celebici, cas n° IT-96-21, décision relative à la requête de l’accusation aux fins que l’accusé indique s’il lèvera toute opposition à ce que la chambre de première instance siège après le 17 novembre 1997 (23 juin 1997). La chambre, dans cette affaire, se réfère à l’article 13, par. 4, du statut du TPIY, qui inclut par renvoi l’article 13, par. 3 du statut de la CIJ qui, pour sa part dispose que « [l]es membres de la Cour restent en fonction jusqu’à leur remplacement. Après ce remplacement, ils continuent de connaître des affaires dont ils sont déjà saisis ».
20 Doc. NU CS CS/RES/1126 du 27 août 1997.
21 Projet de statut de 1994 de la CDI, cité à la note 7, art. 45, par. 2.
22 Ibid., art. 45, par. 3. Dans les commentaires accompagnant cet article, la CDI explique qu’une telle procédure permet de mettre l’accusé au bénéfice du doute.
23 Statut de la CPI, art. 74, par. 1.
24 Idem, art. 74, par. 3.
25 Proposition du groupe de travail sur les questions de procédure de la conférence de Rome : doc. NU A/CONF.183/C.l/WGPM/L.2/Add.5 (9 juillet 1998). Les négociateurs étaient toutefois conscients que cette proposition avait des incidences financières.
26 À cet égard, voir RPP du TPIY, art. 102, lettre B) qui dispose que « si le condamné est en liberté provisoire ou est en liberté pour toute autre raison, et n’est pas présent au moment du prononcé du jugement, la Chambre émet un mandat d’arrêt à son encontre. Lors de son arrestation, notification lui est alors donnée de la déclaration de culpabilité et de la sentence » (au même effet : RPP du TPIR, art. 102, lettre B)).
27 Statut de la CPI, art. 74, par. 5 ; statut du TPIY, art. 23, par. 2 et RPP, art. 98 ter, lettre C) ; statut du TPIR, art. 22, par. 2.
28 Ibid.
29 Statut de la CPI, art. 74, par. 5.
30 À cet égard, voir le règlement de la CIJ art. 95, par. 1 ; statut du Tribunal de la mer, art. 30, par. 1 et 2, et règlement, art. 125, par. 1 ; CEDH, art. 45, par. 1, et règlement de la Cour, art. 74, par. 1 ; CIADH, règlement de procédure, art. 55, par. 1.
31 RPP du TPIY, art. 98 ter, lettre C) ; RPP de la CPI, règle 142, par. 1.
32 La CEDH attache une grande importance à ce que toute personne soit jugée dans un délai raisonnable : Affaire Montra de Azevedo c Portugal, 23 octobre 1990, série A, n° 189, par. 74 ; H. c. France, 24 octobre 1989, série A, n° 162-A, par. 74. Voir aussi la demande de réformation du jugement n° 158 du TANU dans l’affaire Fasla, CIJ, Rec. 1973, p. 209, au par. 92 où la CIJ considère que le droit d’être jugé dans un délai raisonnable fait partie des droits procéduraux.
33 Witenberg, L’organisation judiciaire la procédure et la sentence internationales, op. cit. note 15, p. 292.
34 À cet égard, voir Salmon, J., « Le fait dans l’application du droit international », RCADI, 1. 175,1982-11, p. 392.
35 R. Legros écrit que « [l]e juge doit donner les raisons de sa décision, de la thèse qu’il adopte, justifier son dispositif, le rejet de prétentions, de moyens. Les fondements de cette obligation sont évidents : garantie contre l’arbitraire, contre l’influence des vues personnelles, respect des droits de la défense, contrôle obligé du raisonnement, méditation de la décision, indications précises en vue de recours, contrôle efficace par la Cour de cassation ». « Considérations sur les motifs » in : Perelman, Foriers, La motivation des décisions de justice, op. cit. note 1, p. 7 ; Delmas-Marty, M., Procédures pénales d’Europe, Paris, PUF, 1995, p. 536.
36 Statut du TMI de Nuremberg, art. 26 ; statut du TMI de Tokyo, art. 17 ; statut de la CPI, art. 75, par. 5 ; statut du TPIY, art. 23, par. 2 et RPP du TPIY, art. 98 ter, lettre C) ; statut du TPIR, art. 22, par. 2.
37 G. Abi-Saab enseigne que « [I] a première composante, qui relève du savoir, c’est le processus même de capter et d’identifier le sens du contenu de la règle […] Cette activité “intellectuelle” précède toujours la mise en oeuvre du droit, c’est-à-dire l’application des règles générales à des espèces ou situations particulières » : « Cours général de droit international public », RCADI, t. 207, 1987-VII, p. 215.
38 Celebici, cas n° IT-96-21, jugement (16 nov. 1998), par. 176 ; Erdemovic, cas n° IT-96-22, jugement portant condamnation (29 nov. 1996), par. 83. Cette position a été par la suite confirmée par l’ensemble de la jurisprudence du TPIY.
39 La chambre d’appel du TPIY a par la suite annulé ces décisions. Dans l’affaire Tadic, elle a jugé l’accusé coupable. Dans l’affaire Aleksovki, elle a noté qu’il s’agissait des mêmes faits que ceux qui avaient entraîné une condamnation au regard d’autres chefs et a dès lors refusé d’infirmer les verdicts de non-culpabilité : Aleksovski, cas n° IT-95-14/1, ch. d’app., jugement (24 mars 2000), par. 154.
40 Voir à titre d’exemples Kordic, cas n° IT-95-14/2, Décision on Joint Defence Motion to Dismiss the Amended Indictment Due to the Illégal Foundation of the Tribunal (1er mars 1999) ; Krajisnik, cas n° IT-99-39 et IT-99-40, motifs de la décision relative à l’exception préjudicielle d’incompétence du TPIY soulevée par l’accusé (22 sept. 2000).
41 Tadic, cas n° IT-94-1, ch. d’app., arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence (2 oct. 1995), par. 66-70. La définition de conflits armés a été reprise dans d’autres décisions : ibid., jugement, (7 mai 1997), par. 561 ; Celebici, jugement, cité à la note 38, par. 183-186 ; Aleksovski, cas n° IT-95-14/1, jugement, (25 juin 1999), par. 43 ; Blaskic, jugement, cas n° IT-95-14 (3 mars 2000), par. 63-64 ; Krajisnik, cas n° IT-00-39, décision relative à l’appel interlocutoire de la défense contre la décision de la chambre de première instance relative à l’exception préjudicielle d’incompétence (25 mai 2001) ; Milosevic, cas n° IT-99-37, décision relative aux exceptions préjudicielles (8 nov. 2001).
42 Expression empruntée à J. F. La live in : « Quelques remarques sur la preuve devant la Cour permanente et la Cour internationale de Justice », Annuaire suisse de droit international, vol. VII, 1950, p. 83.
43 Tadic, cas n° IT941, ch. d’app, jugement (15 juillet 1999), par. 225.
44 La chambre explique:
Lorsque les règles de droit pénal international ne définissent pas une notion de droit pénal, il est légitime de se tourner vers le droit interne, étant entendu que : i) sauf stipulation expresse par une règle internationale, on peut se limiter à un seul système juridique national comme , par exemple, celui d’un pays de common law ou de tradition civiliste. Les juridictions internationales doivent, au contraire, tirer parti des concepts généraux et des institutions juridiques communs à l’ensemble des grands systèmes juridiques. Elles doivent dès lors s’attacher à dégager les dénominateurs communs à ces systèmes et, en particulier, les notions de base que ceux ci ont en commun ; ii) on doit tenir compte de la spécificité des procédure pénales internationales lorsqu’on utilise des notions juridiques nationales puisqu’aussi bien “un certain nombre de caractéristiques distinguent les procès internationaux des procédures pénales nationales”. On évite ainsi une introduction ou une transposition mécanique du droit interne dans les procédures du droit pénal international ainsi que l’altération corrélative des traits singuliers de ces procédures.
Furundzija, cas n° IT 9517/1, jugement (10 déc. 1998), par. 178 (citations omises).
45 Dans son commentaire, la CDI explique de manière peu convaincante que « l’expression “règles et principes” du droit international général recouvre les principes généraux du droit, si bien que la Cour peut légitimement faire appel à l’ensemble des règles du droit pénal, qu’elles émanent d’instances nationales ou de la pratique internationale, chaque fois qu’elle aura besoin d’être éclairée sur des questions qui ne sont pas clairement réglementées par la voie conventionnelle » : projet de statut de 1994 de la CDI, cité à la note 7, p. 112.
46 En l’espèce, il s’agit de son statut, des « Eléments des crimes », du règlement de procédure et de preuve et du règlement de la Cour. Les projets des « Eléments des crimes » et du règlement de procédure et de preuve ont été adoptés par consensus le 30 juin 2000 par la Commission préparatoire de la CPI : doc. NU PCNICC/2000/INF/3/Add.l (12 juil. 2000) et doc NU PCNICC/2000/INF/3/Add.2 (6 juil. 2000).
47 Statut de la CPI, art. 20, par. 1. Pour connaître les discussions sur cette disposition lors de la conférence de Rome, se référer aux documents suivants : doc. off. NU A/CONF.183/C.1/L.9 (19 juin 1998), A/CONF. 183/C.1/WGPP/L.11 (4 juillet 1998), A/CONF/183/C.l/WGAL/L.l et Corr. 1 (8 et 10 juillet 1998), A/CONF.183/C.1/WGAL/L.2 (11 juillet 1998), A/CONF.183/C.1/WGAL/L.4 (14 juillet 1998).
48 Statut de la CIJ, art. 38, par. 1, lettre d).
49 Cossey c. Royaume-Uni (1990), CEDH, série A, n° 184, p. 14, par. 35.
50 Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, exceptions préliminaires, CIJ, Ree. 1964, p. 6, à la p. 65.
51 Ost, van de Kerchove, Entre la lettre et l’esprit les directives d’interprétation en droit, op. cit. note 8, p. 244- 248.
52 Arrêt Cossey, CEDH, cité à la note 49, par. 35. À cette occasion, la Cour européenne a précisé qu’elle pourrait s’écarter de ses décisions antérieures si « des raisons impérieuses lui paraissaient le demander : un tel revirement pourrait, par exemple, se justifier s’il servait à garantir que l’interprétation de la Convention cadre avec l’évolution de la société et demeure conforme aux conditions actuelles ». Voir plus récemment les arrêts prononcés par la Cour européenne des droits de l’Homme dans les affaires Pellegrin c. France (8 déc. 1999) et Kudla c. Pologne (26 oct. 2000).
53 Affaire relative à la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria (Cameroun c. Nigeria), exceptions préliminaires, CIJ, Ree. 1998, par. 28.
54 Aleksovski, cas n° IT-95-14/1, ch. d’app., jugement, déclaration du juge David Hunt (24 mars 2000).
55 Alesovski, jugement, ibid., par. 107. À cet égard, le raisonnement de la majorité est un peu confus ; celui suivi par le juge Hunt paraît plus probant. Voir aussi Semanza, cas n° ICTR-97-20, ch. d’app., décision, opinion individuelle du juge Shahabuddeen (31 mai 2000) ; Milosevic, décision relative aux exceptions préjudicielles, citée à la note 41, par. 4.
56 Celebici, cas n° IT-96-21, décision relative à la requête aux fins de permettre aux témoins « K »,« L » et « M » de témoigner par voie de vidéoconférence (28 mai 1997), par. 16. Sur l’autorité de la chose jugée (res judicata) et la notion de précédent, voir Simic, cas n° IT-95-9, décision relative 1) à la requête de Stevan Todorovic aux fins de réexaminer la décision du 27 juillet 1999, 2) à la requête du CICR aux fins de réexaminer l’ordonnance portant calendrier du 18 novembre 1999 et 3) aux conditions d’accès aux pièces (28 fév. 2000).
57 Statut de la CPI, art. 21, par. 2.
58 Voir Celebici, jugement, cité à la note 38. Dans cette affaire, la chambre de première instance se demande si « quand ils interprètent les termes d’une loi, les juges sont liés par les décisions prises par d’autres juges quant à l’interprétation de ces mêmes termes dans un autre texte ». Elle conclut que « [e]n règle générale, la réponse est négative », voir par. 167 ; Kupreskic, cas n° IT-95-16, jugement (14 janv. 2000), par. 537-542.
59 Le juge Shahabuddeen critiquait alors le traitement du jugement Nicaragua par la chambre d’appel du TPLY dans l’affaire Tadic : Semanza, décision, opinion individuelle du juge Shahabuddeen, citée à la note 55, par. 29. Voir aussi Celebici, cas n° IT-96-21, ch. d’app., jugement (20 fév. 2001), par. 24. Dans cette dernière affaire, la chambre d’appel ajoute toutefois que le TPIY est une instance autonome et, bien que la CIJ soit l’organe judiciaire principal au sein des Nations Unies, dans lesquelles s’insère aussi le Tribunal, il n’existe aucune hiérarchie entre les deux cours. Voir aussi Kvocka, cas n° IT-98-30, décision relative à la requête de la défense relative à la concurrence des procédures portant sur les mêmes questions devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et la CIJ (5 déc. 2000). La décision d’en appeler a été accueillie. La chambre d’appel a en effet estimé que les questions de savoir si la procédure devant le TPIY devait être suspendue en attendant que la CIJ statue sur des questions similaires et si les décisions rendues par l’un de ces organes judiciaires ont une incidence sur l’autre organe sont des questions d’intérêt général justifiant un appel : ibid., décision relative à la requête de l’accusé Zoran Zijic aux fins d’autorisation d’interjeter appel de décision de la chambre de première instance I du 5 décembre 2000 (16 fév. 2001).
60 Affaire de l’Usine de Chorzow, arrêt du 16 décembre 1927, C.P.J.I., Série A, No 9, p. 39 (1927).
61 Tadic, cas n° IT-94-1, ch. d’app., opinion séparée du Juge Abi-Saab relative à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence (2 oct. 1995). Le juge ajoute que « [l]e principe d’économie des notions étant un impératif logique de tout système juridique, un système juridique ne peut pas accepter la coexistence de deux concepts ou règles qui remplissent essentiellement la même fonction ou divergent à propos d’une situation, aussi infime que soit cette divergence » (p. 2).
62 Salmon, « Le fait dans l’application du droit international », op. cit. note 34, p. 275-280 et 344-351.
63 Virally, M., La pensée juridique, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1960, p. 16.
64 Kelsen, H., Théorie pure du droit, Paris, Dalloz, 1962, p. 13.
65 Abi-Saab, G., « Cours général de droit international public », op. cit. note 37, p. 215.
66 Hart, H.L.A., Le concept de droit, Bruxelles, 1979, n° 119 (Trad.).
67 C. Chaumont souligne que le but des règles de droit est de résoudre des contradictions. Or le fait que la contradiction soit surmontée ne signifie aucunement qu’elle soit dépassée : « Cours général de droit international public », RCDAI, t. 129, 1970-1, p. 333, et, du même auteur, « Méthodes d’analyse du droit international », Revue belge de droit international, vol. XI, 1975, p. 32-37.
68 Salmon, « Le fait dans l’application du droit international », op. cit. note 34, p. 351, et, du même auteur, « Quelques observations sur la qualification en droit international public » in : Perelman, Ch., Foriers, P., La motivation des décisions de justice, Bruxelles, Bruylant, 1978, p. 350.
69 Tadic, ch. d’app., opinion séparée du Juge Abi-Saab relative à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, citée à la note 61, p. 2.
70 Compétence de l’Assemblée générale pour l’admission d’un État aux Nations Unies, avis consultatif, CIJ, Rec. 1950, p. 4, à la p. 8.
71 Les chambres ont systématiquement appliqué les principes d’interprétation inclus dans la convention de Vienne de 1969, bien que les textes instituant les TPI soient des résolutions du conseil de sécurité.
72 De Visscher, Ch., Problèmes d’interprétation judiciaire en droit international, Paris, Pedone, 1963, p. 70.
73 Voir à cet égard, Aleksovski, cas n° IT-95-14/1, opinion dissidente du juge Rodrigues, président de la chambre de première instance (25 juin 1999), par. 53.
74 Tadic, cas n° IT-94-1, ch. d’app., arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence (2 oct. 1995).
75 Ibid., par. 86-137.
76 Tadic, jugement, cité à la note 43, par. 164-166 ; voir aussi Blaskic, jugement, cité à la note 41, par. 126.
77 Tadic, ibid., par. 96.
78 Ibid., par. 190-193.
79 Tadic, ch. d’app., opinion séparée du juge Abi-Saab relative à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, citée à la note 61 ; voir aussi Celebici, jugement, cité à la note 38, par. 202 et 235 ; Aleksovski, opinion dissidente du juge Rodrigues, président de la chambre de première instance, citée à la note 73, par. 29-19.
80 Furundzija, jugement, cité à la note 44, par. 174-186. Voir aussi Kupreskic, jugement, cité à la note 58, par. 562- 566 (actes inhumains de l’art. 5, lettre i), du statut du TPIY (crimes contre l’humanité)).
81 Bredin, J.-D., « Le doute et l’intime conviction », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, 1996, n° 23, p. 26-29.
82 Statut de la CPI, art. 66, par. 3 ; RPP des TPI, art. 87, lettre A).
83 Dans l’affaire du Détroit de Corfou, la CIJ s’est référée à la preuve au-delà de tout doute raisonnable pour rejeter la deuxième thèse du gouvernement britannique selon laquelle le mouillage des mines avait été effectué avec la connivence du gouvernement albanais. Pour ce qui est de la jurisprudence européenne, voir l’affaire opposant l’Irlande au Royaume-Uni relative à l’application de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme : Irlande c. Royaume-Uni, arrêt du 18 janvier 1978, CEDH, série A, n° 25. Enfin, il faut également consulter l’affaire Velasquez Rodriguez c. Honduras, décidée par la Cour interaméricaine des droits de l’Homme le 29 juillet 1988 (série C, n° 7). Pour une discussion du niveau de preuve au-delà de tout doute raisonnable auquel ont eu recours ces juridictions, voir : Kazazi, M., Burden of Proof and Related Issues. A Study on Evidence Before International Tribunal, La Haye/Londres/Boston, Kluwer, 1996, p. 343-347, ainsi que J., Frowein, « Fact-finding by the European Commission of Human Rights », in : R. Lillich, Fact-finding by International Tribunals, New York, Transnational Publishers, 1991, p. 246.
84 Dans l’affaire Irlande c. Royaume-Uni, la Commission européenne des droits de l’Homme a expliqué que le doute raisonnable n’était pas “a doubt based on a merely theoretical possibility or raised in order to avoid a disagreeable conclusion, but a doubt for which reasons can be given drawn form the facts presented.” (ECHR Yearbook 1969, p. 196). Voir aussi Salmon, J., « La conception du raisonnable en droit international » in : Mélanges offerts à Paul Reuter, Le droit international : unité et diversité, Paris, Pedone, 1981, p. 474-474 (se référer notamment à la note infrapaginale 104) ; et, Corten, O., L’utilisation du « raisonnable » par le juge international, Bruxelles, Bruylant, 1997.
85 Delmas-Marty, Procédure pénales d’Europe, op. cit. note 35, p. 521.
86 Voir à cet égard, Celebici, jugement, cité à la note 38, par. 865-866 (de homicide intentionnel à avoir intentionnellement causé de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé) et par. 1026 (de causer intentionnellement de grandes souffrances ou porter des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé à traitements inhumains). Voir aussi Kupreskic, jugement, cité à la note 58, par. 637-748 (sur le cumul des infractions).
87 En Angleterre, Lord Denning a défini le doute raisonnable de la manière suivante :
It need not reach certainty, but it must carry a high degree of probability. Proof beyond reasonable doubt does not mean proof beyond the shadow of a doubt. The law would fail to protect the community if it admitted fanciful possibilities to deflect the course of justice. If the evidence is so strong against a man as to leave only a remote possibility in his favour, which can be dismissed with the sentence “of course it is possible but not in the least probable” the case is proved beyond reasonable doubt, but nothing short of that will suffice.
Mitter c. Minister of Pensions (1947) 1 All ER 372 ; 373-374. Voir aussi Woolmington c. DPP (1935) AC 462.
88 Blaskic, jugement, cité à la note 41, par. 386 et 393 (démonstration de la planification et de l’organisation à un niveau élevé de l’attaque de municipalités) ; par. 442 (lien entre brigades qui commettent exactions et l’accusé) ; par. 624 et 627 (caractère systématique et massif de certaines attaques). Kupreskic, jugement, cité à la note 58, par. 68 (attaque des forces bosniaques contre celles croates). Celebici, jugement, cité à la note 38, par. 770, 774.
89 Blaskic, ibid., par. 401 (coordination des troupes impliquées dans les attaques).
90 Celebici, jugement, cité à la note 38, par. 821 (participation des accusés Délie et Landzo à des sévices qui ont causé la mort d’une victime).
91 Dans l’affaire Tadic, la chambre de première instance a vérifié pour chacun des chefs si le procureur en avait fait la démonstration « au-delà de tout doute raisonnable » : Tadic, jugement, cité à la note 41, par. 235-241, 261, 279, 302, 374, 435, 448 (présence et participation dans des passages à tabac), par. 369, 374, 451, 461 (déplacements forcés), par. 397 (meurtre de deux policiers), par. 477 (motifs discriminatoires de l’accusé). Lorsqu’elle n’est pas convaincue, elle rejette le chef : voir notamment, ibid., par. 370-373 (meurtre de cinq Hommes). Dans l’affaire Blaskic, la chambre fait usage de différentes expressions, dont « au-delà de tout doute raisonnable » : Blaskic, jugement, cité à la note 41, par. 410 (le fait qu’aucun objectif militaire ne justifiait les attaques) ; par. 592 (le fait que l’accusé a intentionnellement pris des risques en donnant des ordres à la police militaire, sachant qu’elle comptait des criminels dans ses rangs) ; par. 743 (utilisation de civils à titre de boucliers humains par l’accusé). Dans l’affaire Aleksovski, la chambre ne s’y réfère qu’à un endroit : Aleksovski, jugement, cité à la note 41, par. 86 (le fait que l’accusé est responsable des conditions de détention). Dans l’affaire Kupreskic, jugement, cité à la note 58, par. 762 (pas une mesure militaire). Dans l’affaire Celebici, jugement, cité à la note 38, par. 876 (passage à tabac d’une victime mais sans préciser par qui). Enfin, dans l’affaire Jelisic, la chambre s’y réfère pour ce qui est du dolus spécialisis l’accusé : cas n° IT-95-10, jugement (14 déc. 1999), par. 108.
92 Blaskic, ibid., par. 425 (démonstration que les attaques, par les méthodes utilisées et leur ampleur, visaient la population musulmane) et par. 428 (attaque planifiée visant la population musulmane).
93 Ibid., par. 495 (le fait que l’accusé n’a pas pris les mesures raisonnables pour empêcher la perpétration des crimes).
94 Ibid., par. 630 (surveillance militaire).
95 Ibid., par. 659 (le caractère massif et systématique des crimes révèle qu’ils ont été organisés au plus haut niveau).
96 Furindzija, jugement, cité à la note 44, par. 120 (la chambre dresse alors le constat des faits pertinents).
97 Kupreskic, jugement, cité à la note 58, par. 430. La chambre considère “[that] it is reasonable to conclude that their part involved their providing local knowledge and their houses as bases for the attacking troops. In addition, they participated in the attack on at least one house” (italiques ajoutés). La chambre se contente d’un niveau de preuve qui paraît a priori inférieur à celui requis par les actes constitutifs du TPIY, bien qu’elle se prononce sur un élément essentiel de l’infraction. Dans l’affaire Akayesu, la chambre d’appel du TPIR estime regrettable l’emploi de « éventue » et « possible » : Akeyesu, cas n° ICTR-96-4, ch. d’app., jugement (1 juin 2001), par. 220.
98 Salmon, « Le fait dans l’application du droit international », op. cit. note 34, p. 275-276.
99 Un auteur canadien a défini le « doute raisonnable » comme étant « l’état d’esprit de l’Homme raisonnable qui, après avoir considéré toute la preuve, ne peut avoir la certitude morale de la culpabilité » (italiques ajoutés) : Lagarde, I., Code pénal canadien, 2e éd., Montréal, Wilson et Lafleur, 1974, p. 2422. On peut se demander si la référence à la « certitude morale » aide à comprendre le doute raisonnable.
100 Voir à cet égard R. c. Brydon, 95 Canadian Criminal Cases 509, p. 525 (1995), cité par la Cour suprême du Canada in : R. c. Lifchus, [1997] 3 Recueil de la Cour Suprême du Canada (RCS) 320, p. 325. Dans cette dernière affaire, la plus haute instance canadienne a proposé certaines directives qui peuvent être adressées au jury pour ce qui est du doute raisonnable : ibid., p. 335-336.
101 Voir juge Dixon in Green c. R, 46 ALJR 545 (1972). Cette affaire a été citée dans Celebici, jugement, cité à la note 38, par. 600. Dans l’affaire Pohl, le Tribunal américain à Nuremberg a observé que le doute raisonnable est ce doute qui
after full consideration of all the evidence, would leave an unbiased, reflective person charged with the responsibility of decision, in such a state of mind that he could not say that he felt an abiding conviction amounting to a moral certainty of the truth of the charge.
États-Unis c. Oswald Pohl Trial of War Criminals (TWC), vol. II, p. 965. Voir aussi États-Unis c. Karl Brandt, TWC, vol. II, p. 184.
102 Voir Kupreskic, jugement , cité à la note 58, par. 424 et 503 ; Celebici, jugement , ibid., par. 762, 893 et 1 003 ; Tadic, jugement, cité à la note 41, par. 259, 298, 444, 446, 477.
103 Celebici, ibid., par. 936, 957, 1018, 1064, 1112 ; Aleksovski, jugement, cité à la note 41, par. 154-155 ; Tadic, ibid., par. 197-198.
104 Kupreskic, jugement, cité à la note 58, par. 428 ; Celebici, ibid., par. 801, 819, 842, 861, 897, 901, 1044, 1069, 1086, 1092, 1097 ; Aleksovski, ibid., par. 88 ; Blaskic, jugement, cité à la note 41, par. 472 ; Tadic, ibid., par. 311-312.
105 Furundzija, jugement, cité à la note 44, par. 113-114 ; Tadic, ibid., par. 428.
106 Furundzija, ibid., par. 108.
107 Ibid., par. 365-368 ; Celebici, jugement, cité à la note 38, par. 680 et 897 ; Aleksovski, jugement, cité à la note 41, par. 124 ; Tadic, jugement, cité à la note 41, par. 232.
108 Kupreskic, jugement , cité à la note 58, par. 365-368.
109 Ibid., par. 469 ; Celebici, jugement, cité à la note 38, par. 867 ; Tadic, jugement, cité à la note 41, par. 237.
110 Lagarde, Code pénal canadien, op. cit. note 99, p. 1 412.
111 Aleksovski, jugement, cité à la note 39, par. 63 ; Tadic, jugement, cité à la note 43, par. 64.
112 Tadic, ibid., par. 64. Dans l’affaire Aleksovski, la chambre d’appel se réfère au juge raisonnable. Elle ajoute la possibilité d’une évaluation des faits totalement erronée comme motif d’appel.
113 Dictionnaire de La terminologie du droit international, Paris, Sirey, 1960, p. 493.
114 Batiffol, H., « Observations sur la preuve des faits », in : Ch. Perelman, P., Foriers, La preuve en droit, Bruxelles, Bruylant, 1978, p. 121. Voir également Lachs, M., « La preuve et la Cour internationale de Justice », ibid., p. 121.
115 L’organe juridictionnel peut rejeter l’affaire après la présentation des preuves par l’organe de poursuite : Jelisic, jugement, cité à la note 91, par. 8 ; Blaskic, cas n° IT-95-14, décision de la chambre de première instance I sur la requête de la défense aux Fins de rejeter certains chefs d’accusation (3 sept. 1998) ; Delalic, cas n° IT-96-21, ordonnance relative aux requêtes de rejet de l’acte d’accusation à l’issue de la présentation des moyens de preuve du procureur (18 mars 1998).
116 Voir à cet égard, Salmon, « Le fait dans l’application du droit international », op. cit. note 34, p. 320-326.
Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Cinq types de paix
Une histoire des plans de pacification perpétuelle (XVIIe-XXe siècles)
Bruno Arcidiacono
2011
Les droits fondamentaux au travail
Origines, statut et impact en droit international
Claire La Hovary
2009