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Le long et difficile parcours pour organiser les travailleuses des maquiladoras

Traduit par Yves le Scieller (trad.)

p. 293-301

Note de l’éditeur

Référence : Light, Julie. “Le long et difficile parcours pour organiser les travailleuses des maquiladoras”, in Christine Verschuur et Fenneke Reysoo, Genre, nouvelle division internationale du travail et migrations, Cahiers Genre et Développement, n°5, Genève, Paris : EFI/AFED, L'Harmattan, 2005, pp. 293-301, DOI : 10.4000/books.iheid.5765. Acheter le .pdf chapitre éditeur.


Texte intégral

1Il y a environ 4500 maquiladoras tout au long de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, qui emploient plus d’un million de travailleurs et produisent 10 milliards de dollars par an en devises étrangères selon des sources du gouvernement mexicain. Plus de 700 de ces usines de sous-traitance pour l’exportation se trouvent à Tijuana, un microcosme non seulement de la frontière américano-mexicaine, mais aussi du système mondial de fabrication. Les compagnies étrangères exploitent la main-d’œuvre bon marché ainsi qu’une mauvaise application des normes de santé au travail et en matière d’environnement sur la frontière depuis le milieu des années 1960, moment où ces premières zones de sous-traitance pour l’exportation ont été ouvertes. Au cours des quinze dernières années la production dans les maquiladoras a considérablement augmenté, dans l’assemblage de vêtements, la fabrication de matériel électronique, de produits médicaux, de pièces de rechange pour voitures, de jouets et de meubles.

2Il y a vingt ans, 85 % de la main-d’œuvre des maquiladoras étaient des femmes, alors que la plus grosse part du travail provenait de l’assemblage de vêtements et de petits composants électroniques. Alors que le nombre total de femmes qui travaillent dans les zones franches de transformation pour l’exportation a augmenté, la présence des femmes dans cette production a reculé jusqu’à 50 ou 60 % car de plus en plus d’hommes interviennent dans la production lourde, dans l’automobile, l’électronique et les plastiques. En mars 1999 le gouvernement mexicain a estimé que 491’212 femmes travaillaient dans l’industrie maquiladora.

3Au long de la partie est de la frontière, ce sont des compagnies basées aux Etats-Unis qui gèrent la plupart des maquiladoras. A Tijuana, où 10 millions de télévisions sont assemblées chaque année, des investissements japonais et coréens rivalisent avec les entreprises des Etats-Unis. Peu de personnes en dehors de Tijuana savent que la limite ouest de la frontière américano-mexicaine est devenue une porte d’entrée pour l’investissement asiatique au Mexique et pour les exportations vers les Etats-Unis. Des compagnies étrangères importent du matériel, des machines, des matières premières et des composants hors taxe et se font rembourser la TVA mexicaine. La proximité des Etats-Unis réduit le coût des transports, et les entreprises étrangères ont droit à des tarifs préférentiels grâce à l’ALENA. Même les compagnies asiatiques reçoivent les bénéfices de l’ALENA à partir du moment où une partie importante du processus de production a lieu dans des usines mexicaines. Les investisseurs étrangers ont souvent recours à des sous-traitants mexicains pour fournir la main-d’œuvre et même les installations de production.

La main-d’œuvre bon marché

4Historiquement, ce sont les bas salaires qui ont été le facteur déterminant pour attirer les sociétés. Les sociétés américaines disent économiser jusqu’à 30’000 dollars par an et par employé lorsqu’elles déplacent la production au Mexique, d’après Collectron of Arizona, Inc., une société qui conseille les entreprises qui prévoient de déménager vers la région frontalière.

Les multinationales désertent déjà le Mexique, en quête de main-d’œuvre meilleur marché
[…] Les habitants d’Uman rapportent qu’en 2000, deux Cubains de Miami ont débarqué dans cette zone agricole avec des caisses de tissus et des contrats de sous-traitance en poche. Quelques tracts dans les rues pour le recrutement, l’achat de machines à coudre, la location d’un hangar : Forest était né. Deux ans plus tard, les entrepreneurs ont fui comme des voleurs. En quête de main-d’œuvre toujours moins chère, ils quittent le Yucatan, laissant derrière eux le matériel et les ouvrières sans indemnités. Cette année, plusieurs dizaines, voire centaines de maquiladoras ont disparu du Mexique, souvent dans des conditions similaires à celles de Forest. Bon nombre ont émigré vers l’Asie ou l’Amérique centrale. Moins de dix ans après la fulgurante expansion de son industrie d’exportation, le Mexique, qui a bénéficié de nombreuses délocalisations européennes ou nord-américaines, assiste à son tour à des départs en chaîne et peut-être à l’effondrement de l’un des piliers de son économie.
[…] Les premiers signes d’inquiétude sont arrivés dès le milieu 2001, avec le ralentissement économique nord-américain : 6000 emplois sont partis en fumée sur les 33’000 existants dans le secteur et 12 maquiladoras (sur 120) ont quitté officiellement le Yucatan. En fait, en incluant les petites fabriques et les ateliers clandestins qui travaillent pour ces usines, 40 sites auraient fermé, selon Eric Villanueva, député PRD (gauche) de Merida, la capitale régionale. Une estimation difficilement vérifiable. Gabriel Basteris, entrepreneur mexicain installé dans le parc industriel de Merida, n’a pas de doute sur l’issue du scénario : « Pour moi, c’est clair, le textile mexicain, c’est fini. Dans deux ans maximum, j’aurai démonté mes machines et pris le bateau pour Shanghai ou Hong-Kong. » […]
[…] Le Yucatan, dont les salaires sont pourtant parmi les plus faibles du Mexique – 280 euros par mois en moyenne dans les maquiladoras, mais bien souvent 120 euros, le minimum légal –, est devenu moins compétitif face à l’Amérique centrale ou la Chine, pays dont les salaires descendraient jusqu’à 0,50 euro de l’heure et aux charges salariales très limitées. En terme de concurrence, le pire est d’ailleurs à venir. Les Etats-Unis préparent des accords de libre-échange avec les pays d’Amérique centrale et devraient resserrer leurs relations commerciales avec la Chine à travers l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Cette évolution fait enrager Andres Penaloza, économiste de l’un des principaux réseaux antimondialisation mexicains, le RMALC : « Le Mexique et les Etats-Unis ont fait un deal lors des accords de l’ALENA (traité de libre-échange entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique) en 1994. Les Mexicains abandonnaient leur production de tissu au profit des Américains et se chargeaient de sous-traiter la confection. Or, huit ans après, on constate que l’industrie de la toile mexicaine a été démantelée et que les Etats-Unis se détournent de notre confection. » […]
Libération, 8 août 2002, David Bornstein
© Libération

5Isabel a déménagé de Sinaloa à Tijuana il y a 4 ans parce que, bien que les salaires sont très bas près de la frontière, ils le sont encore plus à l’intérieur du pays. En fait, à peu près 90 % des travailleurs des maquilas migrent à la frontière depuis de petits villages mexicains où il y a très peu de travail. Isabel, qui est enceinte de neuf mois, rêve de pouvoir économiser de l’argent pour rentrer chez elle et ouvrir un petit magasin avec son mari qui est chauffeur d’autobus. « J’ai pensé démissionner, mais on s’habitue à avoir de l’argent » explique-t-elle.

6[…] En plus des bas salaires, les femmes se plaignent de traitements abusifs de la part des surveillants, de harcèlement sexuel et d’une mauvaise protection contre les dissolvants chimiques et autres risques du travail. Malgré des accords sur l’emploi et l’environnement, ces problèmes n’ont fait que s’accroître depuis l’adoption de l’ALENA il y a cinq ans et demi, selon Reyna Montero de la Casa de la Mujer, Grupo Factor X, un groupe féministe. « Il y a quelques années, on pouvait faire valoir ses droits, et le gouvernement était alors plus réceptif » remarque Montero, la coordinatrice pour la santé au travail et reproductive de ce groupe basé à Tijuana. « Maintenant, avec l’ALENA, la mondialisation économique et la pression des entreprises transnationales sur le gouvernement, le problème est beaucoup plus important. Les femmes doivent faire valoir leurs droits non seulement à notre propre gouvernement mais aussi à un niveau supérieur. »

Multiethnic Immigrant Workers Organizing Network – Réseau pour l’organisation de travailleurs immigrants multiethnique
MIWON est un réseau multiethnique de travailleurs coréens et latino-américains coordonnés par KIWA, de travailleurs philippins à bas salaires coordonnés par PWC, de travailleurs de l’industrie du textile coordonnés par GWC, et de travailleurs journaliers et d’employés de maison coordonnés par CHIRLA. Son objectif est de procurer un vaste programme de légalisation pour les six millions de travailleurs et leurs familles qui résident aux Etats-Unis en situation irrégulière. MIWON cherche à renforcer le pouvoir et le leadership au sein de la communauté d’immigrants de Los Angeles.
<http://chirla.org/programs.htm>
Traduit de l’anglais par Yves Le Scieller

7[...] L’hygiène et la sécurité du travail représentent une grande préoccupation pour les travailleuses des maquiladoras . [...] Une étude du Journal of Occupational and Environmental Health publiée en 1996 a montré qu’entre 15 et 20 % des femmes qui travaillent dans les maquiladoras ont abandonné leur emploi à cause de problèmes en rapport avec la santé et la sécurité du travail.

8[…]

9« Je suis peut-être vieille, mais s’ils me licencient je retrouverai du travail, même s’il faut que j’installe une table devant les portes de l’usine pour y vendre des burritos » déclare Maria avec sa voix douce mais ferme. En fait, Maria augmentait déjà son maigre salaire en vendant des burritos à ses collègues à l’heure du déjeuner. Elle passe maintenant ses week-ends à s’occuper d’un vieil homme du côté américain de la frontière. Bien qu’elle soit payée moins que le salaire minimum aux Etats-Unis, elle y gagne plus en deux jours qu’en une semaine à la maquiladora.

10[…]

11Le harcèlement sexuel est un problème sérieux pour les travailleuses. [...] « Toutes les travailleuses sont au courant de ce genre de pression. Si on ne veut pas jouer le jeu, on démissionne » explique-t-elle. Les femmes qui cèdent aux avances de leurs patrons pour pouvoir « progresser » perdent le respect de leurs collègues, dit-elle. Mais les patrons ont rarement à subir les conséquences de leurs actions.

12[…]

13La plupart des maquiladoras exigent, préalablement à l’embauche, un test de grossesse. En décembre 1998, Human Rights Watch a publié un rapport détaillé, Le Mexique : Un Emploi ou Vos Droits, qui décrit la discrimination sexuelle et les tests de grossesse généralisés des maquiladoras. […]

14Le profil type d’une travailleuse de la maquila est une femme jeune et célibataire. [...] Beaucoup de ces jeunes femmes sont des mères célibataires qui ont abandonné leur village pour trouver du travail près de la frontière. Un nombre important de femmes âgées travaillent également sur la chaîne de montage des maquilas. […]

Le difficile parcours vers le changement

15Les obstacles pour que les travailleurs des maquilas, surtout les femmes, puissent s’organiser, sont énormes. La plupart des employés font beaucoup d’heures supplémentaires pour augmenter leurs maigres revenus ; ils travaillent souvent jusqu’à sept jours par semaine. Ils s’efforcent de faire vivre leurs familles avec des salaires minimaux, tout en étant entourés des biens de consommation à prix élevé en provenance des Etats-Unis qui inondent le marché frontalier.

16La population des villes frontalières, telles que Tijuana, a augmenté de façon démesurée au cours de ces dernières décennies, et les logements bon marché sont rares. Les bidonvilles et les quartiers pauvres, dénommés « colonias » et qui existent depuis des décennies, surgissent partout avec l’arrivée de Mexicains qui cherchent du travail dans les maquilas. Les services municipaux comme l’eau, l’assainissement, l’électricité, l’enlèvement des ordures et le transport sont souvent absents de ces colonias. Et ce sont habituellement les femmes qui s’organisent pour faire pression sur l’administration publique pour obtenir des services acceptables, ajoutant ainsi une charge supplémentaire dans leurs vies déjà suffisamment accablées. L’organisation des communautés a toutefois établi les bases pour l’organisation des femmes au travail.

17Selon les féministes, les syndicats traditionnels du Mexique ont une longue pratique machiste qui exclut la participation active des femmes. En fait, la plupart de ces syndicats n’encouragent même pas la participation des hommes. Il y a peu de syndicats indépendants, et de nombreuses entreprises ont des « syndicats fantômes » qui se conduisent en béni-oui-oui envers les politiques d’entreprise. Les travailleurs ne savent souvent même pas qu’ils existent. Les travailleurs qui essaient de créer des syndicats indépendants sont souvent licenciés ou subissent des pressions pour démissionner. Les fouilles des sacs à main sont habituelles et le fait d’avoir sur soi des prospectus concernant les droits du travail peut être un motif de licenciement.

Réseaux de solidarité et d’échanges des migrantes nicaraguayennes au Costa Rica
[…] La plupart des travailleuses migrantes irrégulières vivent dans des situations d’extrême pauvreté, ce qui les mène à s’associer pour résoudre ensemble leurs problèmes de survie quotidienne au moyen d’échanges de biens, de services d’information, d’appui émotionnel et moral. Ces formes symétriques de coopération entre familles, voisines et voisins, amies et amis de petits bidonvilles constituent ce que l’on appelle des réseaux (Marín, 2000 : 14).
Le réseau présuppose un acte de confiance dans un environnement où les pénuries sont partagées, ce qui exige une capacité et un désir de stabiliser la relation d’échange réciproque, d’accomplir les obligations qui en découlent, et permet qu’il existe des relations de familiarité (id., p. 17).
Parmi les relations d’échange entre migrants, on peut distinguer les réseaux communautaires et les réseaux transnationaux. Dans le cas des réseaux communautaires, les relations de réciprocité sont établies dans le milieu communautaire (quartiers, bidonvilles) :
• Réseaux étendus avec dépenses en commun (familles étendues).
• Réseaux étendus sans dépenses en commun (foyers qui partagent le logement).
• Réseaux de voisins (familles qui échangent réciproquement des ressources
sans partager le logement).
Les réseaux transnationaux sont une extension des relations familiales qui permettent leur continuité des deux côtés de la frontière. Les personnes transnationalisées ont des responsabilités et des liens économiques et affectifs dans deux territoires nationaux.
La situation selon le nombre d’années d’installation dans le pays d’accueil
Les migrantes nicaraguayennes arrivées récemment au Costa Rica (depuis trois ans ou moins) sont exposées à des situations de grande vulnérabilité. Elles ne savent pas comment s’organiser dans le pays et sont néanmoins obligées de trouver des revenus, donc d’accepter n’importe quelles conditions de travail et de logement. Elles sont l’objet de rejet tant de la part de la concurrence nicaraguayenne, parce qu’elles proposent une nouvelle offre moins chère sur le marché du travail, que de la part de la population costaricaine, qui tend de plus en plus à avoir des réactions xénophobes et discriminatoires. […] Le groupe des jeunes femmes est le plus vulnérable. Elles sont sujettes à des conditions de travail déplorables, au trafic illégal, au harcèlement et aux « mauvais traitements » fréquents, au travail, dans la rue et dans les lieux où elles logent. Elles sont maltraitées aussi bien par les Costaricains (en particulier les employeurs) que par les Nicaraguayens déjà établis.
Les migrantes nicaraguayennes établies à Costa Rica depuis plus de cinq ans ont des conditions de vie plus stables. Compte tenu de leur expérience et de leur mobilité dans le pays, elles connaissent et utilisent plus fréquemment les services. Beaucoup d’entre elles ont des contacts réguliers avec leurs familles dans les deux pays et font au moins un voyage par an pour leur rendre visite, leur apporter de l’argent ou des contributions et pour réaliser des démarches administratives personnelles ou familiales. Au travail, elles ont tendance à être plus exigeantes quant à leurs droits et aux tarifs. […]
Bien que leur revenu soit inférieur à celui des hommes, ce sont elles qui envoient le plus d’argent à leur pays d’origine, et probablement elles qui contribuent le plus aux besoins de leurs foyers dans le pays d’origine. Ces envois d’argent représentent un coût personnel élevé car ils demandent, la plupart du temps, qu’elles mènent des doubles journées de travail et qu’elles réduisent au maximum leurs dépenses personnelles pour assurer la subsistance du groupe familial.
In : De Nicaragua a Costa Rica y a Nicaragua – La ruta critica de las mujeres migrantes, nicararagüenses : una mirada desde la zona norte fronteriza, 2002, Centro des Estudios y Publicaciones Alforja, Fondo para la Igualdad de Género – Agencia Canadiense para el Desarrollo Internacional, San José de Costa Rica
Traduit de l’espagnol par Yves Le Scieller
Référence bibliographique
Marín et al., 2000, Tejedores de Sobreviviencia Redes de Solidaridad entre Nicaragüenses en Costa Rica : El caso de « La Carpio », thèse de sociologie, Costa Rica, UCR.

18Il existe encore un autre obstacle à l’organisation des travailleurs : c’est la politique officielle du Mexique qui promeut l’industrie maquiladora, le seul secteur de l’économie mexicaine en croissance. D’après Jaime Cota, et sur la base de statistiques variables d’une source à l’autre, les usines de sous-traitance pour l’exportation de propriété étrangère surpassent probablement le pétrole et le trafic de drogue comme première source de devises du Mexique. Les fonctionnaires mexicains ont parfois aidé à briser des grèves et à anéantir les efforts pour organiser les travailleurs des maquiladoras.

19« Nous n’avons pas été capables d’établir une véritable organisation de travailleurs des maquiladoras » remarque Cota, qui organise les travailleurs des maquiladoras depuis 1993. « L’influence de toutes les organisations qui travaillent avec les employées des maquiladoras à Tijuana n’atteint même pas 1 % du total de la main-d’œuvre » ajoute-t-il.

Des débuts prometteurs

20Les travailleuses migrantes arrivées à la frontière il y a relativement peu de temps se plaignent de l’isolement social et de la criminalité associés à la vie dans les villes champignons. Beaucoup se sont engagées dans une formation de quatorze semaines de « promotrices » ou organisatrices au travail précisément pour créer un réseau de soutien social. La Casa de la Mujer, Grupo Factor X a adapté un programme qui a déjà fait ses preuves, développé par la Environment Health Coalition basée à San Diego, pour former des organisateurs environnementaux dans la communauté latino. Factor X a intégré son point de vue féministe et mexicain dans le programme latino-américain d’action pour la santé ou SALTA. Alors que les activistes de San Diego traitent de sujets tels que les risques liés à la pollution industrielle et aux résidus toxiques dans la communauté, les travailleuses des maquilas reçoivent une formation sur les droits au travail et des femmes.

21Au cours des quatorze séances, les femmes reçoivent un cours accéléré sur la mondialisation et le féminisme. Elles analysent pourquoi les salaires stagnent en zone frontalière et pourquoi les emplois ont disparu de leurs villes et de leurs villages. Elles étudient pourquoi les mêmes produits assemblés au Mexique pour quelques sous se vendent bien plus cher aux Etats-Unis. Une travailleuse a raconté à Corp Watch qu’au cours d’un voyage à Los Angeles elle avait vu un chemisier vendu plus de 30 dollars alors qu’elle avait été payée moins d’un dollar pour le fabriquer.

22La formation se sert de la longue expérience de Factor X dans la promotion des droits à la santé reproductive. Les animatrices parlent des effets de l’oppression. En tant que travailleuses, elles sont exposées aux produits chimiques toxiques et aux lésions dues à un travail répétitif, elles sont soumises au harcèlement sexuel. Chez elles, elles supportent le fardeau des tâches domestiques et doivent parfois faire face à la violence domestique. « Nous ne connaissons pas notre corps » explique Reyna Montero, coordinatrice de formation. Pour beaucoup, c’est seulement une situation à laquelle elles sont habituées. « C’est comme si on lisait au cours de la formation tout ce qu’on vit dans les maquilas et dans la rue » explique Maria.

23« Il m’est difficile de contrôler ma colère quand il y a un problème. » « Nous, qui travaillons à l’usine, nous avons toutes appris à le faire » dit Ana. « Mais maintenant, en tant que promotrice, je sais comment affronter un problème, où me diriger pour me plaindre et comment aider une collègue. S’il le faut, je peux m’adresser à Factor X », ajoute-t-elle.

24« Avant je pensais que l’usine était plus importante que moi, parce que c’est ce qu’on me disait implicitement » remarque Isabel. « La formation m’a ouvert les yeux et m’a permis de réaliser que j’ai des droits et que je dois les faire valoir au travail, chez moi et dans la rue. »

Une étude révèle d’importants écarts parmi les opportunités économiques des femmes qui émigrent aux Etats-Unis
Une étude de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes, CEPAL, a révélé que les femmes qui émigrent aux Etats-Unis depuis des pays tels que le Salvador, le Mexique ou la République dominicaine font l’objet d’une ségrégation au travail, bien qu’elles possèdent des « niveaux de capital humain semblables ou supérieurs à celui des hommes ».
Ce document affirme qu’il existe « d’énormes » écarts entre les perspectives économiques des femmes immigrantes et celles de leurs compatriotes masculins. Leur taux d’emploi est inférieur et elles reçoivent des salaires annuels et horaires moindres que les hommes des mêmes pays.
Le siège sous-régional de la CEPAL a expliqué dans un communiqué que les écarts de genre semblent répondre au traitement différentiel que reçoivent les femmes, en tant qu’immigrantes et que femmes.
Il y est indiqué, en outre, que cette discrimination passe par la ségrégation des femmes cantonnées dans des emplois à bas salaires, tels que serveuses, caissières, cuisinières et gardiennes d’enfants. Ce sont des emplois qui concentrent des proportions élevées de femmes et d’immigrantes.
Los inmigrantes mexicanos, salvadoreños y dominicanos en el mercado laboral estadounidense : las brechas de género en los años 1990 y 2000, Comisión Económica para América Latina, junio 2004
<http://www.laprensagrafica.com/dpt15/Noticias/19072004/departamento151.asp>
Traduit de l’espagnol par Yves Le Scieller

25Les promotrices doivent recruter et former d’autres travailleuses des maquilas. Lorsque le programme aura formé quelque 50 organisatrices elles espèrent pouvoir lancer des campagnes contre quelques-unes des violations commises par les compagnies étrangères qui opèrent le long de la frontière. Elles reconnaissent que le changement vient lentement et que le parcours va être difficile pour pouvoir vraiment s’en prendre aux pratiques d’exploitation au travail et de l’environnement.

26« Si ce n’est pas maintenant, ce sera dans dix ans, mais à la fin il y aura un syndicat » dit Isabel. « Beaucoup de choses changeront. Il y a toujours l’une d’entre nous qui ouvre les yeux et qui proteste. »

Source : Traduit de l’espagnol. Texte de CorpWatch <http://www.corpwatch.org>, 26 juin 1999

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