Programme d’action des femmes pour la justice entre hommes et femmes : les expériences des femmes africaines
p. 167-176
Note de l’éditeur
Référence : Madunagu, Bene E. “Programme d’action des femmes pour la justice entre hommes et femmes : les expériences des femmes africaines” in Christine Verschuur et Fenneke Reysoo, Genre, mondialisation et pauvreté, Cahiers Genre et Développement, n°3, Genève, Paris : EFI/AFED, L'Harmattan, 2002, pp. 167-176, DOI : 10.4000/books.iheid.5546 – Acheter le .pdf chapitre éditeur.
Texte intégral
Introduction
1[…] L’organisation DAWN (Development Alternatives with Women for a new Era) mène actuellement un travail de recherche sur l’économie politique et la mondialisation. […] Je suis ici en tant que coordinatrice régionale pour l’Afrique anglophone de DAWN, un réseau d’universitaires et d’activistes féministes issues du Sud, qui travaille pour un développement équitable, durable et équilibré en termes de genre. La mission de DAWN est d’être un forum pour la recherche et l’analyse féministes du Sud sur l’environnement mondial, social, économique et politique, car cet environnement a des effets sur les vies des diverses populations et communautés, notamment sur les femmes pauvres de diverses régions du Sud. Par ses activités de recherche, d’analyse et ses prises de position, DAWN cherche à déclencher des processus qui soutiendront la mobilisation des femmes de la société civile, pour que les relations sociales, économiques et politiques qui existent actuellement et qui sont inéquitables aux niveaux mondial, régional et national évoluent au profit de ces femmes pauvres. […] Notre objectif ici est de faire avancer la défense de paradigmes alternatifs de développement : paradigmes alternatifs dont le but est le bien-être des populations et non l’enrichissement de quelques-uns. Ainsi, lors de la série de conférences des Nations unies dans les années 1990, cet activisme féministe a obligé la communauté mondiale à reconnaître les droits des femmes comme droits de la personne dont l’accomplissement devrait être un but clé du développement. […]
Les défis de la mondialisation
2De nombreux pays africains ont traversé différentes phases de programmes de restructuration économique. Des années 1970 au milieu des années 1980, nombre d’États africains ont adopté des programmes de développement de production de substitution aux importations et d’exportation. A partir de la fin des années 1980, beaucoup de ces pays ont ouvert leurs portes aux manœuvres du Fonds monétaire international (FMI), et ont par conséquent commencé à appliquer des programmes d’ajustement structurel (PAS). A partir du début des années 1990, ils ont adopté la libéralisation du commerce, qui a entraîné l’ouverture des barrières commerciales, et a fait de ces pays des déversoirs pour toutes sortes de biens étrangers. Les industries locales ne pouvaient plus être compétitives face aux sociétés multinationales « mondialisées » ; la plupart entrèrent en dépression et s’effondrèrent, laissant des millions de personnes sans emploi.
3Avec le retrait des subventions gouvernementales aux services sociaux, et l’adoption de la politique de privatisation pour faire face à l’inflation, les difficultés économiques pour les populations se sont approfondies. Parallèlement, les coûts de tous les produits et services ont augmenté de façon continue, dont ceux des produits alimentaires, des services de santé, de l’éducation, des transports, etc. Cette situation peut difficilement promouvoir des conditions de vie durables aux communautés africaines, dont une part importante est composée de femmes.
4Ces derniers temps, un certain nombre d’événements ont montré une poussée de l’activisme dans la société civile de certains pays du Sud, en réaction aux défis de la mondialisation. Par exemple, en mai 2001, de nombreuses organisations de la société civile (OSC) d’Afrique de l’Est, de l’ouest, du sud et du nord, ainsi que des OSC du Proche-Orient, se sont rencontrées à Accra, au Ghana, afin de débattre des défis que la mondialisation impose aux populations d’Afrique et des autres pays en développement. Ce forum a également permis de développer un cadre d’intervention pour les OSC, afin de faire face de manière efficace à ces défis. Les questions les plus importantes tournaient autour de l’OMC, de l’Accord de Cotonou et du Pacte États-Unis-Afrique pour le commerce et les opportunités. Une importance particulière a été accordée aux dangers que ces questions font naître pour les droits démocratiques et le développement des économies africaines, et pour les besoins équitables des populations. Selon un extrait de la déclaration finale de cette réunion : « Les accords de l’OMC, les processus et institutions de l’OMC, sont déséquilibrés au détriment de l’Afrique et des autres pays en développement. Par essence, ces accords, (en particulier dans l’agriculture, les accords relatifs aux investissements liés au commerce (TRIMS), les accords relatifs aux droits de propriété intellectuelle et les services (TRIPS) servent généralement à forcer l’ouverture des marchés au profit des sociétés transnationales et aux dépens des économies nationales, des travailleurs, des agriculteurs, des femmes et d’autres groupes dans le monde en développement, et de l’environnement. Le système, les règles et les procédures de l’OMC sont antidémocratiques, opaques et dénués de toute responsabilité légale, et ont marginalisé la majorité des populations. Les gouvernements qui dominent dans les systèmes de l’OMC ont refusé de reconnaître et de traiter les problèmes ; ils ont au contraire fait pression pour une libéralisation encore plus grande avec l’introduction de nouvelles questions à adopter pour l’OMC. »
Les accords de l’Organisation mondiale du commerce sur l’agriculture
L’accord de l’OMC sur l’agriculture pousse les pays à acheter leur nourriture dans les pays où elle est produite au moindre coût. Là encore, les TNC (compagnies transnationales) sont gagnantes : la majorité de la production alimentaire mondiale est contrôlée par une poignée de compagnies. En conséquence de ces accords, les familles paysannes et les agriculteurs de subsistance ont vu leurs moyens de subsistance détruits ou menacés, sans pour autant que les consommateurs n’en profitent en termes de prix ou de qualité. Des femmes déplacées du travail agricole ont été poussées à effectuer du travail mal payé dans les industries manufacturières des zones spéciales d’exportation où les TNC ne sont pas tenues de se conformer aux exigences de normes de travail locales, où les femmes sont payées entre 20 et 50 pour cent de moins que les hommes, et où les emplois sont précaires. Alors que le système de commerce international a engouffré les économies rurales, les femmes portent le fardeau le plus lourd de ses conséquences.
Source : WEDO, Riva Krut, Benchmark Environmental Consulting,
with Naomi Gabarones, 1999, A Gender Agenda for the
World Trade Organization
5Depuis Seattle, des groupes de la société civile venus d’Afrique et de partout dans le monde font campagne contre les inégalités du système de l’OMC qui représente la mondialisation et réglementation économique mondiale. Ces campagnes se concentrent sur la révision des accords existants – qui sont foncièrement inégalitaires – dans le but de protéger les conditions de vie des populations et leur droit au développement. […] En résumé, la mondialisation fait naître une interdépendance économique plus forte entre les pays, par l’intermédiaire du commerce international, des flux de capitaux et de la production internationale, interdépendance facilitée sous sa forme actuelle par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Des idéologies discriminatoires existent déjà et entraînent des positions différentielles des hommes et des femmes dans les sphères productive et reproductive en terme d’accès, d’ouverture et de contrôle des ressources ainsi que dans les postes de décision et politiques ; la mondialisation aura ainsi fatalement de graves répercussions sur l’inégalité entre les sexes.
Mondialisation et genre : les femmes et les structures sociales en Afrique
6Depuis l’époque coloniale, les structures politiques et socio-économiques en Afrique se sont construites sur l’exclusion des femmes de la sphère publique. Le système familial africain fixe le cadre de l’inégalité, de la domination et du pouvoir masculins, avec des rôles de genre discriminatoires entre les hommes et les femmes, basé sur l’exploitation et la subordination des femmes. Même les systèmes légaux, qui pourtant reconnaissent les droits de la personne, entérinent la domination masculine.
7Dans le contexte africain traditionnel, les femmes vivent et réalisent de multiples manières du travail domestique non rétribué, en tant que filles, sœurs, nièces, épouses et mères. Les filles et les femmes s’occupent des membres masculins de la famille, jeunes et vieux. Avec ces engagements domestiques, la femme a les mains complètement liées, et n’a aucun espace pour des loisirs ou du temps libre. La santé et le statut des filles et des femmes s’en ressentent. À cause du déclin des services de santé et du coût élevé de ces services quand ils existent – grâce à la privatisation – les femmes ont encore plus de difficultés à s’occuper de leurs problèmes de santé. Il n’est pas étonnant qu’avec la mondialisation qui s’étend, les taux de mortalité des mères et de leurs nourrissons augmentent.
8Les relations de pouvoir entre les genres institutionnalisent le contrôle de la sexualité des femmes par les hommes ; ce contrôle est donc considéré comme normal culturellement, et renforcé par la religion. Le capitalisme libéral mondial ainsi que les politiques de privatisation, de déréglementation, de libéralisation commerciale et financière qui soutiennent la mondialisation, ont entraîné des licenciements massifs. La protection sociale de ces travailleurs licenciés repose à nouveau sur leurs familles. Les femmes et les filles portent largement le fardeau du soutien des familles. La mondialisation renforce ainsi le contrôle de la famille et de la communauté sur les femmes. Nous savons qu’un contrôle plus fort véhicule plus de violence liée au genre.
9La privatisation a fait naître toutes sortes d’alliances peu respectables entre l’État et les institutions religieuses, si bien que lorsque l’État renonce à se charger des services sociaux, les institutions religieuses et parareligieuses s’engouffrent dans la brèche, prétendant prendre en charge ces services. Ces compromis entre l’État et la religion placent les femmes sous un contrôle plus fort, et représentent une braderie de leur santé et de leurs droits. Dans certaines situations, on a vu que l’ascendance de la religion avait de graves effets négatifs. On dit que dans certaines communautés africaines, les organisations religieuses vont acheter tous les stocks de préservatifs et les brûlent. Ceci se produit là où la pandémie de VIH/SIDA cause la plus forte mortalité chez les femmes.
10La mondialisation amoindrit la capacité de l’État à prendre en charge les services sociaux sous prétexte de leur coût élevé – qui résulte de la libéralisation économique et des privatisations. La santé et les droits en matière de reproduction et sexuelle des femmes et des filles s’en ressentent.
11Les défenseurs de la mondialisation disent qu’elle entraîne la croissance économique, contribue à la création d’emplois et à la réduction de la pauvreté. Ils n’attachent que peu d’importance à l’impact différentiel qu’elle a pour les hommes et les femmes, et oublient, ou peut-être ne veulent pas voir, que les inégalités structurelles et pré-existantes entre les sexes dans l’accès aux ressources, au pouvoir et aux décisions, placent déjà les femmes en position défavorable. Comme Williams le dit :
12« Les effets en terme d’inégalité entre les genres surgissent parce que la libéralisation du commerce, en elle-même, n’élimine pas les inégalités de genre qui existent déjà en termes d’accès aux ressources, au pouvoir et aux décisions. Au contraire, la libéralisation du commerce risque de se baser sur ou d’exacerber les conditions déjà défavorables de la vie des femmes. »
Genre, mondialisation, HIV/SIDA en Afrique
13Dans de nombreuses communautés africaines, le processus de socialisation qui fait croire aux jeunes gens que les relations sexuelles sont une contrepartie appropriée aux cadeaux des partenaires masculins expose les personnes, notamment les femmes et les filles, au risque des maladies sexuellement transmissibles, dont le VIH/SIDA.
14La pauvreté s’aggravant, en résultat de politiques qui encouragent la mondialisation, le phénomène de l’exploitation sexuelle des femmes pour des contreparties matérielles et financières s’accroît également. En outre, le développement du chômage et du sous-emploi lié à la mondialisation a fait naître des mouvements de main-d’œuvre bon marché à travers les frontières. Ces mouvements ont également fait se développer le commerce sexuel, et donc augmenté le risque d’infections au VIH/SIDA.
15Avec le libéralisme, condition de la mondialisation, toutes sortes d’armes et de munitions sont vendues à bon marché en Afrique et fournissent les outils par lesquels des conflits communautaires et ethniques dégénèrent et deviennent des guerres. Les nombreuses personnes déplacées et réfugiées à cause de ces conflits sont surtout des femmes et des enfants. Cette situation est encore une autre cause de l’extension du VIH/SIDA en Afrique.
16Ces problèmes sanitaires empirent car la plupart des gouvernements africains ne peuvent plus fournir les services de santé en conséquence des accords liés à la mondialisation. Des recherches ont montré que les femmes sont particulièrement vulnérables au VIH pour deux raisons. « Les différences anatomiques font que la transmission du virus par contact sexuel est beaucoup plus facile des hommes vers les femmes que dans l’autre sens. Mais il est encore plus significatif de savoir que l’impuissance, la dépendance et la pauvreté diminuent la capacité d’une femme à écarter le risque. » Un accès limité aux ressources et aux services, ainsi qu’un pouvoir d’achat réduit à cause de l’inflation et du statut social inférieur de la femme dans nombre de communautés africaines, sont les causes de la vulnérabilité des femmes. C’est pourquoi le Dr Gro Harlem Brundtland, directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé, a dit lors de la conférence internationale de Durban en Afrique du Sud, en juillet 2001 : « Nous ne ferons pas de progrès dans la lutte contre le virus VIH tant que les femmes n’auront pas le contrôle de leur sexualité. »
Genre, mondialisation et emploi des femmes
17La plupart des communautés africaines considèrent implicitement que la fonction première d’une femme africaine est la reproduction humaine et les responsabilités domestiques, tandis que les hommes sont les « soutiens de famille » ou « ceux qui gagnent de l’argent », même lorsque la part relative des femmes dans la force de travail, et donc au revenu de la famille, a notablement augmenté.
18En effet, les défenseurs de la mondialisation avancent que celle-ci encourage la participation des femmes à l’économie de marché en créant de nouvelles perspectives d’emploi. Cette question est pluridimensionnelle. Dans les communautés rurales pauvres en Afrique, des barrières structurelles empêchent l’accès des femmes à l’éducation, et par conséquent les femmes n’ont ni la formation ni les compétences pour obtenir un emploi qui pourrait améliorer leur statut. Elles peuvent facilement être embauchées comme main-d’œuvre bon marché pour augmenter les bénéfices des investisseurs.
19En outre, les femmes ont un accès limité à la terre et aux autres ressources productives. Elles continuent généralement de travailler dans l’agriculture de subsistance, produisant sur des terres qu’elles ne possèdent pas. Ainsi tout ce qu’elles produisent est destiné aux besoins du ménage car elles travaillent sur de petites parcelles et produisent des cultures vivrières. Elles n’ont pas accès aux engrais car la distribution en est établie par les politiques macroéconomiques déterminées et stipulées dans les accords de l’OMC sur l’agriculture. La mondialisation empêche donc les femmes d’accéder aux techniques agricoles modernes, et elle les cantonne à l’agriculture de subsistance pour qu’elles produisent les biens alimentaires de la famille, alors que les hommes ont accès aux engrais pour produire des cultures marchandes destinées à l’exportation. Ainsi, l’agriculture, secteur dans lequel les femmes africaines sont majoritairement actives, est très marquée par les inégalités de genre, au détriment des femmes – grâce à la mondialisation. Des femmes de plus en plus nombreuses quittent les terres surexploitées et vont acheter dans d’autres communautés des produits agricoles qu’elles revendent. Par ce processus, de nombreuses femmes sont libérées du foyer que les « traditions » considèrent comme le « secteur » des femmes. Ces femmes gagnent un revenu et sont plus directement coresponsables de l’approvisionnement du ménage en produits alimentaires, et dans bien des cas où les hommes ont été licenciés pour raison économique, dans les ménages les plus pauvres, ces femmes deviennent la principale source de revenu.
20De plus en plus de femmes, jusqu’à 80 % en Afrique de l’Ouest, combinent un emploi rétribué avec une activité de commerce, et sont en compétition avec les hommes dans le secteur informel du petit commerce. Ici encore, les femmes ont été les agents d’évolution pour la subsistance de leurs ménages et de leurs communautés. Les femmes, dans le secteur strictement agricole ou dans les emplois formels, ayant ou non des compétences, participent de plus en plus à des activités génératrices de revenu. Elles sont de moins en moins dépendantes de leurs partenaires masculins, et ont même parfois un revenu supérieur.
21La réponse de la Banque mondiale à la pauvreté en Afrique a été la proposition de « microcrédits » pour les femmes comme contribution aux divers programmes de « lutte contre la pauvreté » mis en place par les gouvernements africains. C’est une autre forme de discrimination sexuelle. Car pourquoi devrait-on pousser les femmes vers le microcrédit ? Pourquoi cette marginalisation des femmes ? Si la société est maintenant convaincue des capacités intrinsèques des femmes à être de bonnes gestionnaires, et donc accepte de leur accorder des prêts, pourquoi devraient-elles être limitées à des « microcrédits » ? Qui contrôle alors les microcrédits ? À quel prix doivent-elles se battre pour rembourser ces prêts lorsque le fruit en va à la subsistance de la famille ?
L’accord de l’OMC sur l’agriculture fait pression sur les pays pour qu’ils achètent leurs produits alimentaires dans les pays où la production est la moins chère. Les multinationales sont de nouveau gagnantes : la majorité des produits alimentaires dans le monde sont contrôlés par une poignée d’entreprises. En conséquence, les petits agriculteurs et les agriculteurs de subsistance ont vu leurs moyens de subsistance détruits ou menacés, alors que les consommateurs n’en ont pas profité en termes de prix ou de qualité. Les femmes chassées de l’agriculture ont été obligées de se tourner vers des emplois industriels mal payés dans les zones franches où les multinationales ne sont pas obligées de se conformer aux réglementations locales du travail, où les femmes sont payées 20 à 50 cents de moins que les hommes, et où les emplois sont précaires. Le système du commerce international a dévoré les économies rurales, et les femmes ont dû assumer la plus grande partie des perturbations qui en ont résulté.
Source : WEDO, Riva Krut, Benchmark Environmental Consulting, avec Naomi Gaborones, 1999, A Gender Agenda for the World Trade Organization
Afrique du Sud – Oui à l’union !
En Afrique du Sud aussi, l’économie informelle a pris un essor important depuis 1980, en créant des emplois occupés surtout par des femmes. Bien que sans employeurs, ces travailleuses « autonomes » sont exploitées : elles subissent les menaces de fournisseurs et d’entrepreneurs peu scrupuleux ainsi que de fonctionnaires corrompus qui cherchent à les expulser des lieux publics. De plus, leurs conditions de travail sont extrêmement difficiles. Plusieurs vendeuses itinérantes dorment dans des auberges pour femmes, mais d’autres vivent dans la rue et doivent se relayer la nuit pour se protéger des voleurs et des violeurs.
Souvent, la pluie endommage leurs produits, et des escrocs en profitent pour leur louer des locaux à des prix exorbitants. C’est pourquoi des femmes de Durban, ville importante d’Afrique du Sud, ont fondé en 1994 le Self Employed Women’s Union (SEWU), un syndicat de travailleuses autonomes. Le SEWU regroupe maintenant plus de 1500 travailleuses de trois régions différentes, Kwa Zulu Natal, Le Cap et Le Cap-Ouest. Ces femmes vendent dans les rues et les marchés publics des produits qu’elles ont parfois fabriqués : vêtements, nourriture, artisanat, médicaments, briques, etc. Leur regroupement n’a pas été facile. Elles se sont butées aux revendeurs et aux fournisseurs de marchandises, qui voyaient dans cette initiative une menace à leur pouvoir et à leur profit. Même des travailleuses, déçues par de fausses promesses, se méfiaient du projet !
Le SEWU négocie avec les autorités pour obtenir des conditions de travail acceptables : des abris et des dortoirs pour les femmes qui n’habitent pas la ville, de l’eau potable et des toilettes publiques, des services de garde pour les enfants, que les travailleuses doivent souvent emmener avec elles. Le SEWU défend aussi les intérêts de vendeuses de rue, en négociant par exemple avec les fournisseurs des achats collectifs et de meilleurs prix. Le syndicat travaille également à développer chez ses membres de la solidarité et du leadership pour qu’elles puissent s’entendre directement avec les grossistes ainsi que les organismes publics et civils. Enfin, il revendique l’accès au crédit, aux congés de maternité et à des services de formation.
Depuis la fin du régime d’apartheid, un vent de renouveau souffle sur l’Afrique du Sud. La nouvelle Constitution de 1996 encourage les communautés et les groupes à participer aux décisions qui les concernent et à travailler avec les gouvernements locaux. Les autorités de Durban considèrent le SEWU comme le représentant des vendeuses de rue et entretiennent avec lui des liens constructifs. Le Conseil municipal a donc accepté de créer un service de garde pour les enfants et des dortoirs pour les femmes qui devaient auparavant dormir dans la rue.
In : Pas à pas pour changer le monde, Marche mondiale des femmes,
2000, Québec.
Conclusion
22Les femmes des communautés du Sud, par leur vie et par leur lutte pour soutenir et reproduire la vie de leurs familles et de leurs communautés, montrent qu’il existe d’autres paradigmes de développement – des paradigmes qui parlent du développement social comme d’un développement humain et du bien-être. Même avec les « microcrédits » et des salaires très faibles à cause de la discrimination sexuelle, elles ont réussi à s’en sortir avec leurs communautés. On voit là l’entremise des femmes, leur capacité à tous les niveaux et dans tous les secteurs, en assumant différents rôles, à permettre de meilleures conditions de vie. Il faut apprendre, analyser et tirer le meilleur de ces capacités sous-évaluées et invisibles – attestées par la réalité de la vie quotidienne des femmes – à créer des cadres alternatifs de développement pour des conditions de vie durables.
Source du chapitre : Présentation au colloque de l’iuéd, « Economie mondialisée et identités de genre », Genève 2002
Bibliographie
Bene E. Madunagu : Women’s Alternatives in the New Era (2001), Politica Internazionale. Bi monthly journal of Ipalm 1/2 January/April 2001 ; pp. 63-69.
Antrobus, Peggy : Women’s Perspective, DAWN (Development Alternatives with Women for a New Era). See web page : < www. twnside.org.sg/title/era-cn.html >.
Williams, Mariama : Gender, Trade Policy and the WTO. < www.modelwto.org/create/meetings/referate/woman.shtml >.
Population Reference Bureau (PRB) « Conveying Concerns : Media Coverage of Women and HIV/AIDS ».
Auteurs
Coordinatrice régionale pour l’Afrique de DAWN (Development Alternatives with Women for a new Era).
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