La Grameen Bank
FIDA (Fonds international pour le développement de l’agriculture)
p. 343-345
Note de l’éditeur
Référence : FIDA (Fonds international pour le développement de l’agriculture) “ La Grameen Bank” in Jeanne Bisilliat et Christine Verschuur. Genre et économie : un premier éclairage. Genève : Graduate Institute Publications, 2001, pp. 343-345, DOI : 10.4000/books.iheid.5475. Acheter le .pdf chapitre éditeur.
Texte intégral
Bangladesh
1La Banque Grameen, créée en 1976 avec l’appui de l’IFAD, a mission de n’opérer que parmi les plus pauvres d’entre les pauvres dans l’un des pays les plus densément peuplés et les plus paupérisés d’Asie, et cela avant tout parmi les femmes, dont l’écrasante majorité appartiennent à des familles de paysans sans terre.
2Dans ses prêts, la Banque Grameen part de l’idée toute simple que si les pauvres sont pauvres c’est parce qu’ils n’ont pas accès au capital. Il leur suffirait de pouvoir obtenir du capital pour se libérer d’une pauvreté à laquelle ils se croyaient condamnés à perpétuité.
3Le programme du Bangladesh a montré que cette recette toute simple “fonctionne”. Entre 1983 et la fin de 1991, la clientèle de la banque est passée de 50 000 à plus d’un million de membres, dont 92 % sont de sexe féminin.
4La Banque n’offre que des prêts de petit montant, d’ordinaire de l’ordre de 30 dollars et n’excédant jamais 240 dollars, à de bas taux d’intérêt. La moitié des femmes qui emprunte monte des entreprises d’élevage de petit bétail et de volaille, un quart a des activités de transformation ou de fabrication et le quart restant se livre au commerce de détail ou au petit négoce.
5Le taux de remboursement de prêts par les femmes est de 97 %, chiffre supérieur à ce qui est le cas chez les hommes dont le taux de remboursement ne dépasse souvent pas 60 % dans le pays.
6Pour avoir droit au crédit, une femme doit adhérer à un groupement féminin de village, qui commence à ne consentir des prêts qu’à deux de ses membres. Quand ces deux femmes commencent à rembourser leur dette, le groupement accorde des prêts à deux autres membres, et ainsi de suite. La seule garantie exigée est l’engagement par le groupement à rembourser les prêts de ses membres.
7Dans le même temps, les membres doivent prouver par leurs actes leur attachement aux idéaux de la Banque : épargner, faire bouillir l’eau, pratiquer la contraception et refuser de se soumettre à la coutume traditionnelle du “prix de la fiancée” (somme versée par les parents de la fille au futur mari) qui, au long des siècles, a ruiné d’innombrables familles.
8En procédant de la sorte, la Banque et ses clientes-partenaires ont créé un esprit d’épargne et un climat de motivation d’une efficacité telle que les villages dotés d’une Banque Grameen sont actuellement d’un tiers plus à leur aise que les autres.
9Par ailleurs, l’IFAD appuie un projet de développement au niveau de la petite exploitation en étroite collaboration avec le Comité bangladeshi de promotion rurale (BRAC), qui fournit des avis techniques, une formation et du crédit à des paysans sans terre ou quasiment sans terre, en prédominance des femmes, pour leur permettre d’améliorer et d’étendre leur production de volailles et de chèvres dans leurs exploitations.
10On encouragera la plantation d’arbres sur les exploitations pour combattre la pénurie chronique de bois de feu commodément accessible, pénurie qui oblige les femmes à parcourir des kilomètres et des kilomètres avec de lourds fardeaux sur la tête.
Népal
11Des animatrices locales sont spécialement formées, pour constituer un corps fortement motivé et parfaitement qualifié d’“agents de promotion féminine” dans le cas du projet de crédit à la production à l’intention des femmes des zones rurales et d’“organisateurs de groupements féminins” dans le cas du Projet de développement des petites exploitations. Ces femmes, qui vivent au village, sont la cheville ouvrière de l’organisation et des activités féminines dans les deux projets. Elles forment à leur tour, parmi les bénéficiaires, des assistantes et des dirigeantes villageoises capables, le moment venu, de faire office d’animatrices. Les résultats obtenus ont été très encourageants.
12Dans le district de Tahahun (région occidentale, à environ 160 km à l’ouest de Kathmandu) où jusqu’ici ont été obtenus les meilleurs résultats, les femmes ont déjà souscrit leurs deuxième et troisième emprunts et ne cessent de développer leurs affaires. Trois femmes ont monté une boutique, une quatrième a ouvert un poste vétérinaire ; toutes ont commencé à engranger des bénéfices deux mois après l’ouverture de leur entreprise.
13L’impulsion économique ainsi déclenchée a induit le développement global du village. Un moulin à grain à moteur diesel a été installé, des arbres ont été plantés, des crèches et garderies ont été installées et l’école a été améliorée.
14Un des exploits les plus remarquables du projet a été la façon dont il a réussi à séduire le système bancaire qui était à l’origine on ne peut plus réticent et méfiant. Les banquiers ont constaté à leur grande surprise que les femmes remboursaient leurs prêts à raison de plus de 90 %. Des femmes se sont d’autre part montrées fortement résolues à améliorer leurs conditions d’existence, à telle enseigne que les banquiers ont dit à l’IFAD qu’elles utilisaient leurs prêts mieux que leurs clients ordinaires.
15“Ce que nous voulons, je dois le souligner, ce n’est pas opposer les femmes aux hommes dans les travaux de la campagne, conclut Idriss Jazaïry, mais favoriser, par la prestation d’un appui spécial aux femmes, le mieux-être du ménage tout entier. Autrement dit, nos projets visent à combattre la faim et la malnutrition et, ainsi, à faire respecter un droit fondamental : le droit de chacun d’avoir assez à manger et d’assurer les besoins nutritionnels essentiels de ses enfants”.
In : Sommet des Femmes Rurales. Genève (Dossier de Presse) Rome, Fonds international pour le développement de l’agriculture (FIDA), 1992 (extraits)
Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le genre : un outil nécessaire
Introduction à une problématique
Jeanne Bisilliat et Christine Verschuur (dir.)
2000
Genre, nouvelle division internationale du travail et migrations
Christine Verschuur et Fenneke Reysoo (dir.)
2005
Genre, migrations et globalisation de la reproduction sociale
Christine Verschuur et Christine Catarino (dir.)
2013
Genre et religion : des rapports épineux
Illustration à partir des débats sur l’avortement
Ana Amuchástegui, Edith Flores, Evelyn Aldaz et al.
2015
Genre et économie solidaire, des croisements nécessaires
Christine Verschuur, Isabelle Guérin et Isabelle Hillenkamp (dir.)
2017
Savoirs féministes au Sud
Expertes en genre et tournant décolonial
Christine Verschuur (dir.)
2019