Division sexuelle du travail et rapports sociaux de sexe
p. 78-88
Note de l’éditeur
Référence : Kergoat, Danièle, “Division sexuelle du travail et rapports sociaux de sexe”, in Bisilliat, Jeanne, et Christine Verschuur. Genre et économie : un premier éclairage. Genève : Graduate Institute Publications, 2001, pp. 78-88, DOI : 10.4000/books.iheid.5419. Acheter le .pdf chapitre éditeur.
Texte intégral
1Les situations des hommes et des femmes ne sont pas le produit d’unes destin biologique mais sont d’abord des construits sociaux. Hommes et femmes sont bien autre chose qu’une collection – ou que deux collections – d’individus biologiquement distincts. Ils forment deux groupes sociaux qui sont engagés dans un rapport social spécifique : les rapports sociaux de sexe. Ces derniers, comme tous les rapports sociaux, ont une base matérielle, en l’occurrence le travail, et s’expriment à travers la division sociale du travail entre les sexes, nommée, de façon plus concise : division sexuelle du travail.
La division sexuelle du travail
2Cette notion a été d’abord utilisée par les ethnologues pour désigner une répartition “complémentaire” des tâches entre les hommes et les femmes dans les sociétés qu’ils étudiaient : ainsi, Lévi-Strauss en a fait le mécanisme explicatif de la structuration de la société en familles. Mais ce sont des anthropologues femmes qui, les premières, lui ont donné un contenu nouveau en démontrant qu’elle traduisait non une complémentarité des tâches mais bien la relation de pouvoir des hommes sur les femmes (Mathieu, 1991a ; Tabet, 1998). Façonnée dans d’autres disciplines comme l’histoire et la sociologie, la division sexuelle du travail a pris, au fil des travaux, valeur de concept analytique.
3La division sexuelle du travail est la forme de division du travail social découlant des rapports sociaux de sexe ; cette forme est modulée historiquement et socialement. Elle a pour caractéristique l’assignation prioritaire des hommes à la sphère productive et des femmes à la sphère reproductive ainsi que, simultanément, la captation par les hommes des fonctions à forte valeur sociale ajoutée (politiques, religieuses, militaires, etc.).
4Cette forme de division sociale du travail a deux principes organisateurs : le principe de séparation (il y a des travaux d’hommes et des travaux de femmes) et le principe hiérarchique (un travail d’homme “vaut” plus qu’un travail de femme). Ils sont valables pour toutes les sociétés connues, dans le temps et dans l’espace – ce qui permet selon les un(e)s (Héritier-Augé, 1984), mais non selon d’autres (Peyre et Wiels, 1997), d’affirmer qu’ils existent sous cette forme depuis le début de l’humanité. Ils peuvent être appliqués grâce à un procès spécifique de légitimation, l’idéologie naturaliste. Celle-ci rabat le genre sur le sexe biologique, réduit les pratiques sociales à des “rôles sociaux” sexués, lesquels renverraient au destin naturel de l’espèce. Contradictoirement, la théorisation en termes de division sexuelle du travail affirme que les pratiques sexuées sont des construits sociaux, eux-mêmes résultats des rapports sociaux.
5Pour autant, pas plus que les autres formes de division du travail, la division sexuelle du travail n’est un donné rigide et immuable. Si ses principes organisateurs restent les mêmes, ses modalités (conception du travail reproductif, place des femmes dans le travail marchand, etc.) varient fortement dans le temps et l’espace. Les apports de l’histoire et de l’anthropologie l’ont amplement démontré : une même tâche, spécifiquement féminine dans une société ou dans une branche industrielle, peut être considérée typiquement masculine dans d’autres (Milkman, 1987). Problématiser en termes de division sexuelle du travail ne renvoie donc pas à une pensée déterministe ; au contraire, il s’agit de penser la dialectique entre invariants et variations, car si cette démarche suppose de débusquer les phénomènes de reproduction sociale, elle implique simultanément d’étudier les déplacements et ruptures de celle-ci ainsi que l’émergence de nouvelles configurations pouvant tendanciellement remettre en cause l’existence même de cette division.
De l’oppression aux rapports sociaux de sexe
6Si la division sexuelle du travail a fait l’objet de travaux précurseur dans de multiples pays (Madeleine Guilbert, Andrée Michel, Viviane Isambert-Jamati), c’est au début des années 1970 qu’il y eut en France, sous l’impulsion du mouvement féministe, une vague de travaux qui allaient rapidement donner des assises théoriques à ce concept.
7Rappelons d’abord quelques faits : ce n’est pas sur l’avortement, comme on le dit trop souvent, qu’a démarré le mouvement des femmes. C’est sur la prise de conscience d’une oppression spécifique : il devint alors collectivement “évident” qu’une énorme masse de travail est effectuée gratuitement par les femmes, que ce travail est invisible, qu’il est réalisé non pas pour soi mais pour d’autres et toujours au nom de la nature, de l’amour ou du devoir maternel. Et la dénonciation (pensons au titre d’un des premiers journaux féministes français : Le torchon brûle) se déploya sur une double dimension : “ras-le-bol” (c’était l’expression consacrée) d’effectuer ce qu’il convenait bien d’appeler un “travail”, que tout se passe comme si son imputation aux femmes, et à elles seules, aille de soi et qu’il ne soit ni vu, ni reconnu.
8Très rapidement, les premières analyses de cette forme de travail apparurent dans les sciences sociales. Ce fut, pour ne citer que deux corpus théoriques, le “mode de production domestique” (Delphy 1974-1998) et le “travail domestique” (Chabaud-Rychter et al., 1984). La conceptualisation marxiste – rapports de production, classes sociales définies par l’antagonisme capital/travail, mode de production – était à l’époque prépondérante dès lors que l’on se situait dans une mouvance de gauche – et l’on sait que les féministes en faisaient partie dans leur grande majorité (Picq, 1993).
9Mais, peu à peu, les recherches se sont détachées de cette référence obligée pour analyser le travail domestique comme activité de travail au même titre que le travail professionnel. Cela a permis de prendre en compte simultanément l’activité déployée dans la sphère domestique et dans la sphère professionnelle, et l’on a pu raisonner en termes de division sexuelle du travail.
10Par une sorte d’effet boomerang, après que la “famille”, sous la forme d’entité naturelle, biologique…, eut volé en éclats pour apparaître prioritairement comme lieu d’exercice d’un travail, ce fut ensuite la sphère du travail salarié, pensé jusqu’ici autour du seul travail productif et de la figure du travailleur mâle, qualifié, blanc, qui implosa (Delphy et Kergoat, 1984).
11Ce double mouvement donna lieu, dans de très nombreux pays, à une floraison de travaux qui utilisèrent l’approche en termes de division sexuelle du travail pour repenser le travail et ses catégories, ses formes historiques et géographiques, l’interrelation des multiples divisions du travail socialement produit. Ces réflexions ont permis de remettre en chantier des concepts comme ceux de temps social (Langevin, 1997), de qualification (Kergoat, 1982), de productivité (Hirata et Kergoat, 1988) ou, plus récemment, de compétence.
12La division sexuelle du travail eut donc, au départ, le statut d’articulation de deux sphères, comme l’indique le sous-titre Structures familiales et système productif du sexe du travail paru en 1984. Mais cette notion d’articulation apparut vite insuffisante : les deux principes – séparation et hiérarchie – se retrouvant partout et s’appliquant toujours dans le même sens, il fallut passer à un second niveau d’analyse : la conceptualisation de ce rapport social récurrent entre le groupe des hommes et celui des femmes. Un atelier, l’APRE (Atelier production reproduction) se tint régulièrement à partir de 1985 pour déboucher sur une table ronde internationale : “Les rapports sociaux de sexe : problématiques, méthodologies, champs d’analyse” (Paris, 1987) ; parallèlement, certaines des participantes publièrent en 1986 : “Apropos des rapports sociaux de sexe Parcours épistémologiques”, dans le cadre de l’ATP du CNRS “Recherches féministes et recherches sur les femmes” (Battagliola et al.).
13Cependant, simultanément à ce travail de construction théorique, s’amorçait un déclin de la force subversive du concept de division sexuelle du travail. Le terme est maintenant usuel dans le discours académique des sciences humaines, et particulièrement en sociologie. Mais, la plupart du temps, il reste dépouillé de tout connotation conceptuelle et ne fait que renvoyer à une approche sociographique qui décrit les faits, constate les inégalités, mais n’organise pas ces données de façon cohérente. Enfin, le travail domestique, qui avait fait l’objet de nombreuses études, n’est plus que rarement analysé ; plus précisément, au lieu de se servir de ce concept pour réinterroger la société salariale (Fougeyrollas-Schwebel, 1998), on en parle en termes de “double journée”, de “cumul” ou de “conciliation des tâches”, comme s’il n’était qu’un appendice du travail salarié. D’où un mouvement de déplacement et de focalisation sur ce dernier (les inégalités dans le travail, dans le salaire, le travail à temps partiel…) et sur l’accès au politique (citoyenneté, revendication de parité…). Quant au débat en termes de rapports sociaux (de sexe), il est assez largement délaissé.
14On peut voir là les effets conjugués du chômage de masse et des “nouvelles formes d’emploi”, de la poussée du néolibéralisme, du déclin numérique de la classe ouvrière traditionnelle, de la chute du mur de Berlin avec ses conséquences politiques et idéologiques : le rabattement de l’analyse en termes de rapports sociaux sur la seule logique économique n’a épargné aucun secteur des sciences sociales.
Les rapports sociaux de sexe
15La notion de rapport social a été, sauf exceptions notables (Godelier, 1984 ; Zarifian, 1997), peu travaillée en tant que telle par les sciences sociales en France.
16Le rapport social est, au départ, une tension qui traverse le champ social. Ce n’est donc pas quelque chose de réifiable. Cette tension érige certains phénomènes sociaux en enjeux autour desquels se constituent des groupes aux intérêts antagoniques. En l’occurrence, il s’agit ici du groupe social hommes et du groupe social femmes – lesquels ne sont en rien confondables avec la bicatégorisation biologisante mâles/femelles.
17Ces groupes sont donc en tension permanente autour d’un enjeu, ici le travail et ses divisions. C’est pourquoi l’on peut avancer les propositions suivantes : rapports sociaux de sexe et division sexuelle du travail sont deux termes indissociables et qui forment épistémologiquement système ; la division sexuelle du travail a le statut d’enjeu des rapports sociaux de sexe. Ces derniers sont caractérisés par les dimensions suivantes :
la relation entre les groupes ainsi définis est antagonique ;
les différences constatées entre les pratiques des hommes et des femmes sont des construits sociaux, et ne relèvent pas d’une causalité biologique ;
ce construit social a une base matérielle et pas seulement idéologique
18en d’autres termes, le “changement des mentalités” ne se fera jamais spontanément s’il reste déconnecté de la division du travail concrète –, on peut donc en faire une approche historique et le périodiser ;
ces rapports sociaux reposent d’abord et avant tout sur un rapport hiérarchique entre les sexes ; il s’agit bien là d’un rapport de pouvoir, de domination.
19Ce rapport social a, par ailleurs, des caractéristiques singulières : il se retrouve, on l’a vu, dans toutes les sociétés connues ; de plus, il est structurant pour l’ensemble du champ social et transversal à la totalité de ce champ – ce qui n’est pas le cas, loin s’en faut, de l’ensemble des rapports sociaux. On peut donc le considérer comme le paradigme des rapports de domination.
Du champ épistémologique à l’espace du politique
20Nous l’avons vu, l’expression “division sexuelle du travail” a des acceptations très différentes et ne fait que renvoyer trop souvent à une approche descriptive. Certes, celle-ci a été et reste indispensable (par exemple, la construction d’indicateurs fiables pour mesurer l’(in) égalité professionnelle hommes/femmes est un véritable enjeu politique en France). Mais parler en termes de division sexuelle du travail, c’est aller bien au-delà du simple constat d’inégalités : c’est articuler cette description du réel avec une réflexion sur les processus par lesquels la société utilise cette différenciation pour hiérarchiser les activités.
21Il y a débat sur le contenu de l’expression “rapports sociaux de sexe”. Pour en préciser les termes, rappelons d’abord que la langue française a cet avantage de proposer deux mots : “rapport” et “relation”. L’un et l’autre recouvrent deux niveaux d’appréhension de la sexuation du social. La notion de rapport social rend compte de la tension antagonique se nouant en particulier autour de l’enjeu de la division du travail et qui aboutit à la création de groupes sociaux ayant des intérêts contradictoires. La dénomination “relations sociales” renvoie, elle, aux relations concrètes qu’entretiennent les groupes et les individus. Ainsi, les formes sociales “couple” ou “famille” telles qu’on peut les observer dans nos sociétés sont à la fois l’expression des rapports sociaux de sexe configurés ici par le système patriarcal, dans le même temps qu’elles peuvent être considérées comme des espaces d’interaction sociale qui vont eux-mêmes recréer du social et dynamiser partiellement le procès de sexuation du social.
22Insister sur l’antagonisme ou sur le lien correspond donc à deux postures de recherche qui deviennent contradictoires quand on quitte le plan de l’observation pour passer à celui de l’épistémologie : ce sont les rapports sociaux qui pré-configurent la société. Verus : c’est la multitude d’interactions qui, au sein d’un univers brownien, crée, petit à petit, les normes, les règles… que l’on peut observer dans une société donnée. Et c’est dans cette dernière perspective, relativement hégémonique dans les sciences sociales actuellement, que l’on est amené à parler, par exemple, de complémentarité des tâches et, par voie de conséquence, à assigner prioritairement aux femmes – et en toute “légitimité” – le travail à temps partiel.
23On le voit, l’enjeu de ce débat n’est pas uniquement d’ordre épistémologique. Il est aussi d’ordre politique. Car il s’agit bien : 1) de comprendre historiquement comment les rapports sociaux ont pris corps dans des institutions et législations (le couple, la famille, la filiation, le travail, le Code civil, etc.) ayant pour fonction de cristalliser tout en le légitimant l’état du rapport de force entre groupes à un moment donné (Scott, 1990) ; et 2) de déceler les nouvelles tensions générées dans la société et de chercher à comprendre comment elles déplacent les enjeux et permettent donc potentiellement de délégitimer ces règles, normes et représentations qui présentent les groupes sociaux constitués autour de ces enjeux comme des groupes “naturels”. Bref, c’est de pouvoir penser l’utopie dans le même temps que l’on analyse le fonctionnement du social.
24Dès lors, les groupes de sexe n’étant plus des “catégories” immuables, fixistes, a-historiques et a-sociales, on peut périodiser le rapport qui les constitue l’un par l’autre (grâce à l’analyse de l’évolution des modalités des enjeux sociaux), et l’on peut donc aborder le problème du changement – et non plus seulement de l’aménagement – du social.
25Ce point de vue, minoritaire dans les sciences sociales, reste cependant assez largement partagé par celles et ceux qui travaillent sur la sexuation du social tout en reconnaissant l’oppression d’un sexe par un autre. Et cela, depuis le début des années 1970 en France. Cependant, deux questions restent en débat :
faut-il centrer la réflexion sur les seuls rapports sociaux de sexe ou faut-il, au contraire, tenter de penser l’ensemble des rapports sociaux dans leur simultanéité ? La tentation d’hégémoniser un seul rapport social – en l’occurrence le rapport social de sexe – est grande, ne serait ce que pour tenter de combler le vide quasi total en la matière. Et ces travaux, souvent brillants (pensons par exemple à ceux de Delphy, Guillaumin, Mathieu…), offrent de fait de puissants outils, nouveaux et explicatifs. Mais il reste cependant certain que la seule prise en compte du rapport de domination hommes/femmes, et des luttes contre celui-ci, reste insuffisante pour rendre intelligibles la diversité et la complexité des pratiques sociales masculines et féminines ;
le second débat – et l’on passe là de la construction de l’objet de recherche à l’interprétation des faits observés – renvoie à la caractérisation du rapport social de sexe. Dans le sexe du travail et dans les travaux collectifs et individuels qui l’ont suivi, un large consensus s’exprime sur la transversalité des rapports sociaux de sexe. Mais cette caractérisation est insuffisante si l’on n’y adjoint pas une autre dimension : il y a interpénétration constante des rapports sociaux. Prenons l’exemple du mode de production capitaliste : il s’est bâti sur la séparation des lieux et temps de la production et de la reproduction ; quant à ce que nous appelons le “travail domestique “, il est une forme historique particulière du travail reproductif, forme inséparable de la société salariale. En d’autres termes, les rapports sociaux sont consubstantiels.
26Ce débat n’est pas réductible à une querelle scolastique : il renvoie à des positions analytiques fort différentes tant d’un point de vue scientifique que d’un point de vue politique. Il devient ainsi impossible d’isoler le travail ou l’emploi des femmes, il s’agit au contraire de convoquer simultanément, comme éléments centraux explicatifs, l’évolution des rapports de sexe, de classe et Nord/Sud ; il en va de même pour la famille, l’éclatement de ses formes sociales et les tentatives d’encadrement juridique ; ou de l’évolution des formes de la virilité, de la parentalité ou des débats actuels sur l’immigration et le regroupement familial.
27C’est la consubstantialité des rapports sociaux qui permet de comprendre la nature des fortes turbulences que traverses actuellement la division sexuelle du travail. Deux exemples :
l’apparition et le développement, avec la précarisation et la flexibilisation de l’emploi, des “nomadismes sexués” (Kergoat, 1998) : nomadisme dans le temps pour les femmes (c’est l’explosion du travail à temps partiel associé trop souvent à des plages de travail éparpillées dans la journée et dans la semaine) ; nomadisme dans l’espace pour les hommes (intérim, chantiers du BTP et du nucléaire pour les ouvriers, banalisation et multiplication des déplacements professionnels en Europe et dans le monde pour les cadres supérieurs). On voit bien là comment la division sexuelle du travail modèle les formes du travail et de l’emploi et, réciproquement, comment la flexibilisation peut renforcer les formes les plus stéréotypées des rapports sociaux de sexe ;
le second exemple est celui de la dualisation de l’emploi féminin, qui illustre bien le croisement des rapports sociaux. Depuis le début des années 1980, le nombre de femmes comptabilisées par l’INSEE (enquêtes Emploi) comme “cadres et professions intellectuelles supérieures” a plus que doublé ; 10 % environ des femmes actives sont actuellement classées dans cette catégorie. Simultanément à la précarisation et à la pauvreté d’un nombre croissant de femmes (elles représentent 46 % de la population active mais 52 % des chômeurs et 79 % des bas salaires), on assiste donc à l’augmentation des capitaux économiques, culturels et sociaux d’une proportion non négligeable des femmes actives. On voit ainsi apparaître, pour la première fois dans l’histoire du capitalisme, une couche de femmes dont les intérêts directs (non médiés comme auparavant par les hommes : père, époux, amant…) s’opposent frontalement aux intérêts de celles touchées par la généralisation du temps partiel, les emplois de service très mal rétribués et non reconnus socialement, et plus généralement par la précarité.
28On peut ainsi travailler d’emblée sur la totalité du social sans s’essouffler à rechercher le “bon” rapport social ou la “bonne” identité – individuelle ou collective ; prendre en compte le fait que ces rapports sociaux n’évoluent pas au même rythme dans le temps et dans l’espace permet de s’installer d’emblée dans la complexité et le changement ; enfin, les catégories sociales – évidemment toujours définies par les dominants – vont voler en éclats pour laisser place à un ensemble mouvant de configuration dans laquelle les groupes sociaux se font et se défont, les individus construisant leur vie à travers des pratiques sociales souvent ambiguës et contradictoires.
Les inégalités salariales entre hommes et femmes en Suisse
Depuis 1960, les inégalités salariales se sont légèrement réduites en Suisse. En 1960, les femmes gagnaient encore en moyenne 32 % de moins que les hommes, écart qui s’est réduit depuis lors pour s’établir à 28 % à l’heure actuelle.
En comparaison internationale, la Suisse figurait, en 1990, en queue de classement des pays de l’OCDE. Il est vrai qu’entre 1969 et 1990, l’écart de salaires entre les femmes et les hommes s’est réduit dans tous les pays développés. La diminution la plus forte a été observée en Australie où le désavantage salarial des femmes est passé de 35 % à 12 %. La baisse la plus faible a été enregistrée au Japon, où les salaires féminins demeuraient inférieurs de 50 % à ceux des hommes en 1990, marquant une modeste amélioration de 1 % par rapport à 1969. Il faut relever aussi que si la diminution des différences salariales a été relativement faible dans les pays scandinaves au cours de la période considérée, le niveau apparent des disparités y reste toutefois le plus bas du bloc OCDE : en 1990, le salaire moyen des femmes en Suède était de 10 % inférieur à celui des hommes, de 14 % en Norvège et de 17 % au Danemark.
In : Office Fédéral de la statistique et Bureau Fédéral de l’égalité entre femmes et hommes, 2000, Vers l’égalité des salaires ? Neuchâtel-Berne
Division sexuelle du travail en Afrique
Nature du travail | Pourcentage du travail total en heures | |
Hommes | Femmes | |
Abat des arbres dans la forêt, défriche des champs | 95 | 5 |
Labours | 70 | 30 |
Ensemence et plante | 50 | 50 |
Sarcle et désherbe | 30 | 70 |
Récolte | 40 | 60 |
Rentre la récolte à la maison | 20 | 80 |
Transforme les produits alimentaires | 10 | 90 |
Vend les produits alimentaires excédentaires sur les marchés (se charge aussi du transport de ces produits au marché) | 40 | 60 |
Emonde les arbres | 90 | 10 |
Va chercher de l'eau et des combustibles | 10 | 90 |
S'occupe des animaux domestiques et nettoie les étables | 50 | 50 |
Chasse | 90 | 10 |
Nourrit et soigne et jeunes enfants, les hommes et les personnes âgées | 5 | 95 |
In : Jeanne Bisilliat, M. Fieloux, 1992, Femmes du Tiers-Monde, L'Harmattan, Paris
Source : Hirata H., Laborit F., Le Doaré H., Senotier D. (sous la coordination de), Dictionnaire critique du féminisme, Paris, PUF, 2000, p. 33-54 (extraits)
Bibliographie
Collectif, Le sexe du travail. Structures familiales et système productif, Grenoble, PUG, 1984, 320 p.
Daune-Richard Anne Marie, Devreux Anne-Marie, Rapports sociaux de sexe et conceptualisation sociologique, Recherches féministes, 1992, vol. 5, n° 2, p. 7-30. Kergoat Danièle, A propos des rapports sociaux de sexe, Revue M, avril-mai 1992, n° 53-54, p. 16-20.
Kergoat Danièle, La division du travail entre les sexes, in : Jacques Kergoat et al., Le monde du travail, Paris, La Découverte, 1998, p. 319-329.
Mathieu Nicole-Claude, Critiques épistémologiques de la problématique des sexes dans le discours ethno-anthropologique (1985a), in : N-C Mathieu, L’anatomie politique. Catégorisations et idéologies du sexe, Paris, Côté femmes “Recherches”, 1991a, p. 75-127. Scott Joan, Genre : une catégorie utile d’analyse historique, Les Cahiers du GRIF “Le Genre de l’histoire”, 1988b, n° 37-38, p. 125-153.
Tabet Paola, La construction sociale de l’inégalité des sexes : des outils et des corps, Paris, l’Harmattan “Bibliothèque du féminisme”, 1998, 206 p. (textes de 1979 et 1985).
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2000
Genre, nouvelle division internationale du travail et migrations
Christine Verschuur et Fenneke Reysoo (dir.)
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2017
Savoirs féministes au Sud
Expertes en genre et tournant décolonial
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2019