Du sucre amer. Le genre de la violence structurelle dans l’économie de la canne à sucre au Sri Lanka
p. 337-351
Note de l’éditeur
Référence : Gunewardena, Nandini. “Du sucre amer. Le genre de la violence structurelle dans l’économie de la canne à sucre au Sri Lanka” in Christine Verschuur, Genre, changements agraires et alimentation, Genève, Cahiers Genre et Développement, n°8, Genève, Paris : EFI/AFED, L'Harmattan, 2012, pp. 337-351, DOI : 10.4000/books.iheid.5288 – Acheter le .pdf chapitre éditeur.
Texte intégral
Introduction
1Cet article présente une étude sur les transformations sociales et économiques qui ont touché les femmes de milieu rural à la suite de l’introduction de la production de canne à sucre à l’échelle commerciale dans l’État insulaire du Sri Lanka, un pays nouvellement venu dans la production de canne à sucre à grande échelle. La recherche que j’ai menée pour cette étude s’étend sur plus de vingt ans et porte surtout sur le district de Moneragala au sud-est, la région la plus appauvrie du pays où se trouvent les sociétés commerciales du secteur cannier. La production sucrière coloniale a causé des expériences douloureuses, et le Sri Lanka a connu des dysfonctionnements de production chroniques depuis l’introduction de cette nouvelle industrie dans le pays. Aussi le programme récemment lancé pour développer la production sucrière a-t-il soulevé un tollé chez les activistes de l’environnement et des droits humains, les chercheurs et les groupes citoyens locaux qui, tous, se sont inquiétés des coûts environnementaux, économiques et sociaux des plantations sucrières commerciales. Ils ont mis en avant des problèmes tels que les constants dysfonctionnements du processus de production, les conditions de travail proches de l’esclavage, l’aggravation de la pauvreté et les conséquences écologiques (impact sur la biodiversité1 et coupure des chemins migratoires des éléphants puisque les plantations sucrières du Sri Lanka sont installées directement sur leur passage).
Le contexte : la production de la canne à sucre commerciale au Sri Lanka
2Dans les années 1980, le gouvernement du Sri Lanka a lancé la culture de la canne à sucre à échelle commerciale dans le cadre de sa stratégie de « substitution aux importations » visant à économiser de précieuses devises étrangères et à stimuler le développement rural par la création de sources potentielles d’augmentation des revenus et d’emplois. Malheureusement, en 30 ans, l’économie sucrière du Sri Lanka n’a obtenu que des résultats mitigés et n’a profité qu’à une faible part de la population rurale, comme je vais le montrer. Pour les femmes de milieu rural, cette économie a principalement apporté un travail saisonnier, instable et mal payé, elle a amplifié les disparités de genre et entraîné une nouvelle perte de pouvoir. Si certains des résultats négatifs peuvent être imputés à la nature même de la production cannière qui exige un travail intensif, et à l’agro-physiologie spécifique de la canne à sucre qui demande davantage d’intrants agricoles à chaque repousse pour maintenir ses rendements, ma recherche porte sur les transformations des rapports de genre associées à ces processus.
3De façon ironique, les mêmes modèles se dégagent si l’on étudie les 400 ans de production cannière à grande échelle dans de nombreuses régions du monde comme aux Caraïbes, au Brésil, en Afrique de l’Est, à Java et aux Philippines. Des chercheurs comme Sidney Mintz (1986), Rhoda Reddock (1985), Shiasta Shameem (1996), Moses Seenarine (1996), Walter Rodney (1981) et plus récemment Da Corta et Venkateshwarlu (1999)2 ont décrit dans leurs travaux les mêmes modèles d’appauvrissement et de perte de pouvoir des femmes suite à l’introduction de la culture commerciale de la canne à sucre. Partout présent grâce aux anciennes routes commerciales, partie intégrante des horribles conditions de la traite transatlantique des esclaves et devenu indispensable à la consommation globale, cet « or blanc », produit des entreprises coloniales et néolibérales, porte la redoutable charge symbolique d’une marchandise qui a alimenté la servitude, la subordination et la paupérisation. Haïti est un exemple parlant de colonie qui a produit de grandes richesses dans les années 1800 mais qui, à son indépendance, si l’on exclut quelques familles devenues les magnats du sucre de l’île, a été laissée exsangue. De nos jours, avec l’effondrement de la plus grande partie de la production sucrière du pays, les travailleurs migrants haïtiens représentent 90 % de la main-d’œuvre des plantations sucrières de la République dominicaine voisine. Ils travaillent et vivent dans des conditions proches de l’esclavage, sont payés 3 US $ par tonne de canne coupée (Inter-American Commission on Human Rights 1999) et perçoivent un revenu quotidien inférieur au seuil de pauvreté. Des éléments nouveaux figurant dans les rapports récents sur le travail des enfants dans les champs sucriers d’Amérique centrale (Human Rights Watch 2004), notamment sur le travail des filles au moment de la récolte, montrent que les formes historiques de servitude de genre sont perpétuées de nos jours dans la production de canne à sucre à vocation commerciale.
Cadre théorique
4Je vais étudier ici l’utilité du concept de violence structurelle pour comprendre les rapports de genre dans le travail salarié associé à la production sucrière commerciale, dans l’histoire et de nos jours. Johan Galtung a élaboré la notion de violence structurelle qui désigne les organisations sociales et les pratiques institutionnalisées entraînant une violence systémique, indépendamment de la violence physique manifeste. Plus récemment, Paul Farmer a popularisé ce concept dans l’analyse qu’il a menée à Haïti sur la violence structurelle comme origine de la pauvreté et de la misère, lesquelles se manifestent par des pathologies physiques le plus souvent ignorées que Farmer nomme « pathologies de la pauvreté ».
5Jusqu’à maintenant, le construit analytique de la violence structurelle n’a pas intégré les inégalités de genre et cet article vise à combler cette lacune par une analyse de genre inspirée du cas que j’ai étudié. D’une manière générale, les inégalités de pouvoir structurées sont inhérentes aux rapports de genre mais cet article permet de comprendre que le pouvoir n’est pas seulement un mot et qu’il est en général inscrit dans des pratiques violentes, aussi bien symboliques que matérielles ou physiques. Cette analyse impose également de se demander comment les champs de pouvoir incarnés dans les systèmes de production ruraux sont traversés par le genre. Par conséquent, pour comprendre la violence structurelle avec l’outil d’analyse du genre, nous ne devons pas nous contenter d’analyser les rôles dans la production mais étudier également les manifestations matérielles du genre (les inégalités de genre dans l’accès) ainsi que les valeurs symboliques fondées sur un système social de sens. En d’autres termes, le sucre ne peut pas être analysé comme une simple culture alimentaire utilisée comme agent édulcorant – elle est aussi empreinte d’une valeur symbolique acquise dans l’histoire par un exercice du pouvoir et un assujettissement. Ces processus et ces valeurs ressortent clairement des organisations du travail spécifiques selon le genre, des types d’emploi de la main-d’œuvre (entre autres l’esclavage, la servitude pour dette ou le travail en servitude), des types de rémunération, et de discours en apparence rationnels et inoffensifs.
6Il me semble que lorsque nous étudions les systèmes ruraux de production, pour les cultures de subsistance aussi bien que pour les opérations commerciales, une bonne compréhension de leurs effets de genre implique que nous tenions compte – outre les différences matérielles mettant en jeu des axes de pouvoir tels que le genre, la classe, la caste et d’autres démarcations sociales – des champs de pouvoir qui font fonctionner cette production. Comme pour d’autres marchandises globales (Haugerud, Stone et Little 2000), l’expérience des femmes dans les systèmes de production alimentaire obéit au pouvoir de l’agrobusiness global parfois en collusion avec les politiques d’État néolibérales, mais procède aussi de la valeur assignée à une marchandise alimentaire juxtaposée à la valeur marginale symbolique et économique attribuée à la périphérie rurale.
7Dans le cas présent, dans les espaces ruraux qu’elle a investis, l’économie sucrière commerciale sri lankaise a fait apparaître de nouvelles significations symboliques, discursives et idéologiques des masculinités, qui rendent invisibles le travail des femmes, la contribution de ces dernières à l’économie des ménages et leur participation aux décisions, et elle a ainsi fixé leur subordination. Il me semble que ces modèles reflètent la dynamique et la puissance du pouvoir investis dans les agro-industries sucrières en tant que représentantes de la modernité, du progrès et du développement, et que, parallèlement, la mobilisation et la manipulation des conceptualisations nationales contemporaines du genre permettent de mettre ces processus en acte.
8Le pouvoir, comme Foucault nous l’a fait comprendre, s’exerce de diverses façons, y compris par la régulation et le contrôle de l’espace. Comme l’a écrit Aihwa Ong (1991, 280), « le contrôle de l’espace est une caractéristique spécifique » du fonctionnement du pouvoir dans les régimes de travail postmodernes. Comme on le sait, Foucault montre le fonctionnement du pouvoir dans le complexe carcéro-industriel, tandis que Ong l’applique à l’industrialisation d’exportation. J’espère montrer avec cet exemple que l’ont peut constater les mêmes pratiques dans les opérations commerciales du secteur sucrier, notamment dans les formes de régulation et de contrôle spatiaux liés au genre.
9Pour étudier les systèmes ruraux de production, il est également important de tenir compte de l’écologie politique dans laquelle ils se situent. En nous référant au cadre de l’écologie politique féministe (Rocheleau et al. 1996), nous pouvons retracer les effets de l’introduction de la culture sucrière commerciale sur la biodiversité de la région et ainsi voir que cette culture a compromis les stratégies de subsistance écologiquement viables qui existaient auparavant, ainsi que les constructions de genre indigènes, pour finalement entraîner une perte de pouvoir des femmes aux plans social et économique. Dans toutes les régions du monde (comme le montrent Hamilton 2000 ; Deere et León de Leal 1990) – notamment en Afrique, en Inde3, en Amérique latine4 et en Chine – un certain nombre d’exemples montrent que les programmes de développement agricole ont mal interprété ou superbement ignoré les constructions de genre pré-existantes dans les régions rurales, y compris les contributions productives des femmes et leurs rôles dans les décisions. Étudions maintenant notre exemple, qui porte sur les systèmes agraires du chena, une forme de culture et d’agriculture tournante pratiquée historiquement au Sri Lanka et dans d’autres régions d’Asie.
La parité de genre dans les systèmes agraires du chena
10Les constructions de genre qui existaient dans les zones rurales où la canne à sucre a été introduite favorisaient un haut de gré de « parité »5 que l’on trouve couramment dans d’autres systèmes agraires tournants sur brûlis. Au Sri Lanka, cette parité de genre est institutionnalisée de trois façons : a) par une complémentarité des rôles de genre et souvent une interchangeabilité dans la division du travail ; b) par une prise de décision conjointe dans le ménage, se fondant sur une position de chef de ménage dédoublée, désignée localement par maha denna (les deux têtes) ; et c) par l’attribution aux femmes de la responsabilité de la gestion financière du ménage.
11Les zones agricoles pratiquant l’agriculture itinérante au Sri Lanka se conforment également à une variante indigène du droit, le droit kandyen, qui comprend un certain nombre de normes et pratiques conférant aux femmes une grande autonomie. L’expression karata-kara signifie la complémentarité des rôles de genre dans le couple pour les activités de subsistance, la co-responsabilité des époux pour l’entretien du ménage, mais aussi la valorisation des contributions productives des femmes – considérées comme essentielles dans le système du chena. Dans les schémas de pensée locaux, cette organisation du travail reconnaît le travail des femmes comme étant essentiel et précieux pour garantir la subsistance du ménage. La valorisation du travail des femmes est également inscrite dans les formes de mariage courantes dans les communautés d’agriculteurs itinérants et, dans ce cas également, la dot est souvent versée aux parents de l’épouse et non par eux. Dans les systèmes de dot versée par les parents de l’épouse, par exemple, les femmes sont considérées comme un passif ; le mariage implique que la famille de l’épouse offre des cadeaux à celle de l’époux pour compenser le transfert de passif. Dans les systèmes de dot versée aux parents de l’épouse, c’est le marié qui offre des cadeaux et divers services à la famille de l’épouse en reconnaissance de la perte de force de travail qu’occasionnera son départ. Dans ce dernier cas, la femme entre dans le mariage en tant que partenaire égale, ce qui s’incarne dans le concept de maha denna signifiant un partenariat dans les décisions du ménage. Ce modèle de partenariat domine dans les zones rurales indigènes du Sri Lanka. La notion de maha denna est importante parce qu’elle n’induit pas les privilèges de genre inscrits dans la notion d’homme chef de ménage ou d’homme soutien de famille. Le droit kandyen prévoit par ailleurs une égalité dans les droits à l’héritage et le droit des femmes à tirer un revenu autonome de leur terre, même si elles sont mariées. Ces normes permettent aux femmes de rester affiliées à leur famille natale et de ne pas souffrir de restrictions à leur mobilité physique ; comme on l’a vu, leurs familles ne doivent pas verser de dot à leurs belles-familles, ce qui rend caduque toute exigence de virginité et de chasteté.
12La troisième caractéristique du système, courante dans de nombreuses région d’Asie du Sud-Est, est la suivante : la gestion des finances du ménage est confiée aux femmes qui tiennent effectivement les cordons de la bourse et allouent les fonds aux diverses dépenses – ce qui représente une source très importante d’autonomie sociale et économique pour les femmes.
Des espaces amers : les champs de pouvoir, les champs comme pouvoir
13En opposition à ces structures indigènes, les opérations commerciales sucrières ont introduit une hiérarchie dans le travail, selon une stratification de genre qui confère aux hommes la position de détenteurs uniques de l’autorité et du pouvoir de décision et qui relègue les femmes dans la catégorie des travailleurs moins bien payés, précaires et saisonniers. Le temps passant, ces pratiques des plantations sucrières se sont propagées aux communautés voisines où elles ont peu à peu érodé et anéanti les fondements de la parité de genre présentes dans les communautés vivant de l’agriculture de subsistance du sud-ouest du Sri Lanka.
14Ces nouveaux champs de pouvoir nés de l’incursion de l’économie sucrière ont entraîné une reconfiguration spectaculaire des normes et des rapports de genre dans la région. Ce processus a été facilité par le sceau de l’autorité dont sont porteurs la plantation sucrière et son personnel, représentants d’une société nationale de développement soutenue par l’État, investis d’un statut social supérieur et donc d’un pouvoir vis-à-vis des communautés locales. Ils ont efficacement contribué à ériger en modèle l’organisation du travail de la plantation sucrière qui instaure une hiérarchie de genre. Pour les communautés locales, ces modèles de valorisation hiérarchique du travail des hommes et des femmes sont devenues la norme des rapports de genre « modernes » à la fois au travail et dans l’organisation domestique. Les administrateurs de la plantation étant associés à la modernité, une pression subtile a incité les planteurs locaux à adhérer à ces normes et pratiques de genre hiérarchiques, de peur d’être étiquetés comme « arriérés », de la même façon que les pratiques colonialistes ont fini par être reprises par les populations autochtones, comme l’ont montré Fanon et d’autres auteurs.
15Autre champ de pouvoir méritant d’être étudié, la classe et les différenciations sociales entre les planteurs de la région méridionale du Sri Lanka, plus « modernisée », et les villages vivant de l’agriculture de subsistance de la région d’Uva. Les méridionaux plus « modernisés » détenant de fait un pouvoir social relatif, leurs normes de genre hiérarchiques ont été considérées comme le modèle à suivre et se sont ainsi maintenues. Ainsi, les notions indigènes de partage de la direction du ménage et de gestion des finances du ménage par les femmes ont progressivement été reléguées au rang d’« anciennes » coutumes (comprendre « arriérées » ou « primitives »). Bien que le travail des femmes soit essentiel dans les champs de canne à sucre des plantations, il a été dévalorisé car considéré comme sans qualification, non productif et secondaire ; il est désormais sous-rémunéré et réglementé par des hommes responsables de la supervision. Bien que les femmes fournissent un travail pénible à bien des égards, leur salaire est toujours inférieur à celui des hommes. Ces inégalités de salaire confirmant la dévalorisation du travail des femmes, des discours nouveaux ont souligné leur vulnérabilité et ont fini par assigner leur subordination à l’ordre naturel.
Contrôle spatial
16Compte tenu des contraintes de temps pesant sur la production sucrière, qui exige en outre beaucoup de travail et de main-d’œuvre du début à la fin du processus, les sociétés sucrières imposent le plus souvent des stratégies de contrôle spatial, une surveillance constante du travail, un rythme de travail soutenu et une forte productivité, accompagnés de réprimandes verbales et de pressions psychologiques. Sur ces lieux de travail, le contrôle spatial a été introduit par l’intermédiaire d’une structure professionnelle hiérarchisée en fonction du genre, dans laquelle les hommes ont été engagés dans des positions de supervision et dans d’autres catégories d’emploi de statut supérieur, par exemple dans les usines de raffinage, dans la gestion administrative et dans les autres secteurs « techniques » (opérateurs sur machine, conducteurs de tracteur et épandeurs d’engrais). Les hommes se sont également vu déléguer la supervision du travail des coupeuses de cannes et donc la distribution puis la collecte des machettes. La main-d’œuvre masculine a été répartie exclusivement dans les postes administratifs de moyen et haut niveaux et dans les échelons les plus bas de l’administration des champs (dans les bureaux locaux responsables du défrichage, de l’organisation de la récolte en temps opportun et des autres tâches devant permettre un bon déroulement du cycle annuel de production de la canne à sucre).
17De façon ironique, les cadres de la plantation cannière ont également déclaré qu’ils préféraient employer des femmes dans les champs car, selon une autre construction, les femmes travaillent beaucoup, sont facilement gérables (par la discipline et le contrôle) et plus disciplinées (ou soumises). Les discours managériaux, définissant le groupe des femmes comme facilement assujetti, se sont conjugués aux nouveaux discours locaux présentant les femmes comme démunies. Ces discours parallèles prédominent dans une tension délicate et indiquent un processus d’élaboration d’une construction nouvelle des femmes comme sujets, visant à traduire les configurations de pouvoir dominantes. Au final, attribuer les tâches pénibles telles que planter, désherber et moissonner essentiellement aux femmes traduit plus qu’une simple division des tâches professionnelles. Cela rend compte du pouvoir conféré aux hommes dans leurs positions d’autorité et, par conséquent, de la perte de pouvoir des femmes.
Des paroles amères : les discours sur la dépendance
18En contradiction avec la présence évidente des femmes travaillant durement dans les champs de canne des plantations tout au long de l’année, un nouveau discours s’est développé pour présenter les femmes comme physiquement faibles et incapables de se protéger des dangers inhérents au travail de la canne. Un planteur a résumé ces sentiments en parlant de « l’incapacité de la femme de se sortir d’affaire en cas d’attaque d’un homme ou d’une bête », faisant référence à la vulnérabilité des femmes face aux hommes prédateurs et aux incursions des éléphants sur les champs de canne. Par cette construction discursive, les champs de canne deviennent des terrains dangereux inadaptés pour des femmes impuissantes qui ont besoin de la protection d’un parent masculin censé leur être supérieur en force physique.
19Bien qu’apparemment empreints d’un certain sentiment protecteur, ces discours sur la vulnérabilité des femmes relèvent surtout des nouvelles constructions de la dépendance sociale, économique et physique des femmes. La liberté de mouvement dont jouissaient les femmes dans leurs villages d’origine ne leur est plus permise dans les villages de planteurs de la Pelwatte Sugar Corporation (PSC)6. Les planteuses rencontrées pour cette étude ont fait état de deux préoccupations qui restreignent effectivement leur mobilité physique : la peur des violences physiques et la crainte d’une souillure de leur moralité. « Je ne suis qu’une femme, je ne sais pas quoi faire » a déclaré une planteuse, pourtant tout à fait compétente, déplorant la perte de la plus grande partie de sa récolte de sucre à la suite d’un feu de broussaille dans son champ. La description qu’elle donne d’elle-même comme d’une femme ayant peu de pouvoir dans le contexte social de la plantation PSC et de la nouvelle économie sucrière est révélatrice des attentes et des constructions discursives du genre prédominantes. Cette stratégie a été fructueuse non seulement pour montrer sa détresse mais aussi pour solliciter l’aide de la hiérarchie administrative de la PSC et résoudre son problème. Bien que son comportement et sa conduite témoignent de sa force et de son courage personnels, l’expression de son impuissance a constitué une tactique déterminante, résonnant en écho à l’impuissance qui était attendue d’elle. Cet exemple montre clairement qu’en assimilant ces caractérisations comme les leurs, les femmes peuvent bénéficier d’une certaine sécurité dans la mesure où les champs de canne de la PSC sont devenus un lieu où le pouvoir social et physique des hommes est privilégié. La production discursive de la vulnérabilité des femmes renforce ainsi une nouvelle forme de dépendance.
20Par effet de contamination, la construction discursive présentant les femmes comme des sujets impuissants s’est propagée à la sphère domestique où leur contribution financière est de plus en plus souvent balayée d’un revers de main par les hommes qui la considèrent comme insignifiante et se revendiquent seuls chefs du ménage. Cela entraîne également un recul de la participation des femmes aux décisions du ménage car les hommes affirment que la direction du ménage leur revient strictement et raillent les femmes sur leur prétendue incapacité à prendre des décisions efficaces pour le ménage.
Du sucre amer : les mécanismes sociaux sources de la violence structurelle
21Les communautés agraires de cette région du Sri Lanka ont été encouragées à se lancer dans la production commerciale de canne à sucre par la promesse de bénéfices lucratifs. Mais le résultat n’a été ni équitable ni également favorable pour toutes les communautés participantes. Se trouvant dans une inégalité de pouvoir inhérente à leur position structurelle vis-à-vis des actions d’envergure et bien établies de l’agrobusiness, les communautés locales étaient évidemment désavantagées et disposaient d’un faible pouvoir de négociation des conditions de leur engagement dans la production cannière. Occasionnellement, elles ont mené des actes de résistance (en incendiant par exemple des champs de canne à sucre) qui ont entraîné des représailles immédiates. En réaction à la première contestation des hommes coupeurs de canne armés de leurs machettes, en 1994, les administrateurs de la plantation sucrière de Sugar Tate ont pris la décision de transférer le rôle de supervision des champs à des hommes de la communauté et de recruter exclusivement des femmes pour la récolte de la canne.
22En outre, du point de vue de l’État et des communautés locales, les actions de l’agrobusiness sont investies d’une valeur et d’un pouvoir plus importants que ceux de la périphérie rurale, porteurs d’une valeur symbolique et économique marginales (Haugerud, Stone et Little 2000) – ce type de juxtaposition détermine le vécu des femmes dans les systèmes de production de subsistance.
Conclusion
23Contrairement aux prédictions selon lesquelles leur participation à l’agriculture commerciale allait permettre aux femmes de disposer d’une source de revenu autonome et de renforcer leur empowerment, l’introduction de la culture sucrière dans les économies de subsistance du Sri Lanka par l’agrobusiness transnational a eu des effets néfastes pour les femmes. Dans les nouvelles configurations des rapports de genre et les discours qui les accompagnent, la contribution des femmes aux revenus du ménage est occultée alors que les normes auparavant prédominantes reconnaissaient une grande valeur au travail productif des femmes. Du fait de la structuration hiérarchique du travail selon le genre et des différences de salaires dans l’agriculture globalisée, mais aussi des idéologies de la dépendance et de la subordination qu’elles mobilisent, l’empowerment des femmes nécessite plus que le simple accès à une source de revenu. Si l’on considère le revenu comme la seule source d’autonomie et d’empowerment, on fait abstraction des origines culturelles de la dévalorisation des femmes.
24Cet article a montré l’évolution des rapports de travail dans l’agriculture, survenue du fait de hiérarchie entre les genres instituée dans la configuration des rapports de production au sein des plantations sucrières commerciales du sud-ouest du Sri Lanka. Alors qu’une parité de genre relative existait dans cette région, les conceptualisations dominantes du genre et les notions de hiérarchie sociales mobilisées et manipulées par l’économie sucrière ont déclenché une transformation des rapports de genre et de travail, ainsi qu’un changement de la position sociale des femmes. J’ai montré que la production discursive de formes de pouvoir, résolument genrées et porteuses d’inégalités de privilège dans l’économie sucrière, provenait de la structure de l’agrobusiness sucrier PSC, entreprise capitaliste néolibérale dépendant d’une réserve de travail bon marché et contrôlable. Si les pratiques menant à l’appropriation de la terre par la PSC, conjuguées à une allocation discutable des terres non productives aux planteurs, ont fait naître une force de travail semi-prolétarisée, c’est bien la circulation d’idéologies sur le genre qui, en privant les femmes de pouvoir dans les pratiques de recrutement et les structures professionnelles de l’économie sucrière, s’est avérée la plus néfaste pour les femmes.
25Le statut social et le pouvoir économique relatifs de l’administration de la PSC ont ouvert un champ discursif qui a permis d’établir de nouvelles formes de rapports de pouvoir genrés. Les discours ont construit des vérités partielles sur les organisations sociales/de genre et les pratiques culturales locales, ont normalisé une organisation où les hommes sont les détenteurs principaux des connaissances agraires, et entraîné une marginalisation croissante des femmes alors que les hommes prenaient une place de plus en plus centrale dans l’économie sucrière. De façon ironique, les populations rurales ayant tendance à imiter les pratiques des classes urbaines et de la classe moyenne pour essayer de sortir de la marginalité de leur statut social, ces processus sont devenus plus complexes. Les constructions de genre hégémoniques et les pratiques qui leur sont associées sont de plus en plus souvent adoptées par les populations rurales désireuses de s’affranchir de leur position sociale stigmatisée dans cette société profondément divisée selon la classe7. C’est par ce nexus que l’ancienne parité de genre a été transformée et que s’est amorcée une forme de perte de pouvoir des femmes fondée sur une violence structurelle.
Le tabou du labourage par les femmes
Bina Agarwal
[C]’est le tabou interdisant aux femmes de labourer la terre, qui existe dans la plupart des cultures et, à ma connaissance, dans probablement toutes les communautés d’Asie du Sud, qui constitue peut-être l’obstacle le plus fort. Le labour occupe une place centrale dans l’agriculture intensive. Pour certains chercheurs, le monopole des hommes sur le labour remonte à la période néolithique et il a fortement contribué à la perte du monopole des femmes sur la production céréalière, monopole qu’elles avaient dans les sociétés de chasseurs/cueilleurs (voir Childe 1942). Il semble peu probable que, par un simple rapport de cause à effet, l’avènement de la charrue ait en lui-même entraîné un recul du rôle des femmes dans l’agriculture mais il semble être universellement admis que, si les champs étaient normalement préparés à la houe par les femmes, ils étaient généralement labourés par les hommes. Selon Childe (1942), même les documents sumériens et égyptiens les plus anciens montrent que les laboureurs étaient toujours des hommes, bien que la charrue elle-même semble avoir été développée à partir des bâtons à fouir des femmes (Allaby 1977). La prise de contrôle des hommes sur le travail des femmes et sur les excédents de production semble avoir été favorisée par le fait que les hommes contrôlaient déjà le pastoralisme et l’élevage du bétail (Childe 1942), puis consolidée par un strict contrôle idéologique et la mise en œuvre de châtiments en cas de transgression.
En Inde de nos jours, certaines communautés (par exemple les tribus Oraon du Bihar) croient que le labourage de la terre par une femme empêchera la venue des pluies et provoquera des catastrophes (Dasgupta et Maiti 1986). Des hommes himachali ont déclaré à U. Sharma (1980) que Dieu avait décidé que les femmes ne devaient pas labourer la terre. Lorsque, dans des situations d’urgence, il est arrivé que des femmes labourent les terres de leur famille, elles ont souvent été sévèrement punies. Par exemple, une femme d’une tribu bihari dont le mari était alité, ne pouvant se faire aider de ses voisins pour labourer les terres de la famille, a essayé de le faire elle-même en désespoir de cause. Alors qu’elle travaillait depuis un peu plus d’une heure, les villageois l’ont forcée à s’arrêter. Un conseil de village s’est réuni et a décidé de la punir en l’attelant à la charrue avec un bœuf et en l’obligeant, ainsi attelée, à labourer le champ du chef du village pendant une heure (Dasgupta et Maiti 1986). Les femmes ho du Bihar, si elles sont vues en train de toucher même accidentellement la charrue, sont condamnées par le conseil tribal à payer une forte amende, voire, dans de rares cas, à être lapidées à mort (Kishwar 1987).
Du fait de ce tabou, les femmes sont inévitablement dépendantes des hommes dans les régimes d’agriculture sédentaires, et elles ne peuvent exploiter la terre de façon indépendante que dans certaines conditions strictes. L’impasse est particulièrement grave pour les ménages pauvres dirigés par des femmes. Pour reprendre les termes de U. Sharma (1980, 114) : « C’est à la saison du labour que Durgi se plaignait le plus d’être veuve ; nul n’était prêt à labourer ses terres sans être payé et même ceux qui étaient prêts à le faire contre paiement ne voulaient le faire qu’une fois le labour de leurs terres terminé ». Au cours de mes recherches, j’ai vu des propriétaires de tracteurs de Kithoor Village demander des paiements d’avance ou immédiats en espèce pour avoir labouré les champs de veuves pauvres. Une veuve m’a déclaré : « Un homme n’a pas ce problème car on suppose qu’il va pouvoir travailler et rembourser ». Les retards dans le labour ont des conséquences sur les rendements de production qui demandent une préparation des sols en temps voulu.
Pour justifier le contrôle exclusif des hommes sur l’utilisation de la charrue, on invoque souvent l’idée que le labourage est une opération lourde pour laquelle les femmes manquent de force. Pourtant, les jeunes garçons, qui ne sont pas toujours plus forts que leur mère, sont incités à labourer dès leur jeune âge : au Bangladesh, on apprend à labourer à des garçons de douze ans (Cain 1980) et dans l’Uttar Pradesh (en Inde), les garçons des basses castes apprennent à labourer et à battre le grain entre huit et douze ans. La véritable raison de l’exclusion des femmes est de toute évidence à chercher ailleurs que dans la « lourdeur » de l’opération. Je propose l’explication suivante : l’une des raisons pour lesquelles les hommes ont cherché à affirmer leur contrôle exclusif sur le labour est qu’ils peuvent ainsi s’approprier les excédents agricoles. En contrôlant le labour, on contrôle une opération déterminante pour que les rendements soient bons (et que des excédents soient dégagés) dans l’agriculture sédentaire intensive ; ce qui justifie idéologiquement le droit des hommes à disposer de cette production. On invoque souvent une analogie ancestrale avec la reproduction sexuelle : le champ symbolise la femme, la semence symbolise l’homme et la production (les enfants, les céréales) est considérée comme la propriété du semeur. « Semer » ne signifierait pas ici effectuer l’acte de placer une graine dans le sol, une tâche dont les femmes se chargent souvent (bien que certains groupes la leur interdisent) mais préparer le sol à être ensemencé en le labourant, ce que les hommes seuls sont autorisés à faire. Il est révélateur que, dans de nombreuses communautés de potiers, tisserands et pêcheurs en Inde, les femmes n’aient pas le droit de s’impliquer dans les technologies de production dont dépend précisément la survie du groupe, c’est-à-dire le tour du potier, le métier à tisser et le filet de pêche. Dans l’histoire, on pense que les femmes ont été les premières à pratiquer la poterie mais une fois le tour de potier développé, cette activité est elle aussi devenue exclusivement masculine (Childe 1942). La persistance de ces tabous justifie de nouvelles explorations. […]
Références bibliographiques
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Traduit de l’anglais par Emmanuelle Chauvet
Source du chapitre : Traduit de l’anglais. Texte original: “Sugar coating” : The gender of structural violence in Sri Lanka’s sugarcane industry. In Du grain à moudre. Genre, développement rural et alimentation. (Dir.) C. Verschuur. 315-329. Actes des colloques genre et développement. Berne : DDC-Commission nationale suisse pour l’UNESCO ; Genève : IHEID. 2011.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 World Wildlife International (WWI) a montré le rôle central des plantations cannières qui ont coûté « les pertes les plus lourdes pour la biodiversité qu’ait causées à lui seul un produit agricole » (Martin cité dans Cheesman 2005, xiii).
2 Da Corta et Venkateshwarlu (1999) notent que, tout en étant plus nombreuses dans le salariat agricole dans l’Andra Pradesh (Inde), les femmes n’ont pas pu participer davantage aux décisions prises dans leur ménage – ce que les auteurs nomment « le paradoxe de l’empowerment des femmes ». Ainsi la plus forte participation des femmes au travail agricole, rémunéré et non rémunéré (c’est-à-dire dans la famille/le ménage), a entraîné non pas un renforcement mais un affaiblissement de leur autonomie et de leur pouvoir de décision, mais aussi de plus fortes insécurités de subsistance et une plus forte dépendance des hommes (Kennedy et Cogill 1988) souvent considérés comme les seuls soutiens de famille.
3 Voir les réflexions de Ganguly (2003) sur la féminisation de l’agriculture dans le Bengale occidental.
4 Voir par exemple Deere (2005) ; Arizpe et Botey (1987).
5 J’utilise le terme de « parité » pour signifier que le système apporte aux femmes une autonomie similaire à celle des hommes mais qu’il ne peut pas pour autant être considéré comme égalitaire.
6 NdT : Considérée comme la principale entreprise de production sucrière au Sri Lanka.
7 Les polarités ethnique et politique sont également des axes de hiérarchie sociale dans la société sri lankaise mais je ne les inclus pas dans cette analyse dans la mesure où cette recherche a porté sur une région ethniquement homogène.
Auteurs
Spécialiste en genre et développement rural, Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Italie.
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