Marchandisation et masculinisation des systèmes après récolte du riz en Asie du Sud
p. 281-300
Note de l’éditeur
Référence : Harriss-White, Barbara. “Marchandisation et masculinisation des systèmes après récolte du riz en Asie du Sud” in Christine Verschuur, Genre, changements agraires et alimentation, Genève, Cahiers Genre et Développement, n°8, Genève, Paris : EFI/AFED, L'Harmattan, 2012, pp. 281-300, DOI : 10.4000/books.iheid.5278 – Acheter le .pdf chapitre éditeur.
Texte intégral
Introduction
1Depuis quarante ans, la production mondiale de riz a crû à un rythme plus élevé que la population et a plus que doublé, passant d’environ 265 millions de tonnes en 1961 à environ 560 en 2001 (Rai 2003). Lorsque la production d’une marchandise qui a été la base directe de la subsistance et de la reproduction sociale – comme l’a été le riz en Asie – se développe, le surplus commercialisé augmente de façon disproportionnée par rapport au taux de croissance de la production. Les activités après récolte, qui faisaient partie intégrante des activités de reproduction menées à bien au sein des ménages (par les femmes, mais sous le contrôle des hommes), deviennent à leur tour commerciales. Ces activités autrefois artisanales entrent dans une production de masse. Les entreprises se multiplient et les marchés du travail bourgeonnent, alors que les entreprises se différencient par leur taille, leur échelle et leur activité1. La sécurité alimentaire devient dépendante des marchés, ainsi que des structures sociales et politiques dans lesquelles ceux-ci sont ancrés.
2Les rapports de genre imprègnent ces structures sociales de régulation. Si la division sexuelle des tâches dans la production de riz en Asie du Sud est relativement variée (Mencher et Saradamoni 1982 ; Kapadia 1993 ; Jackson et Palmer-Jones 1998 ; Jackson 1999), celle du système après récolte semble l’être beaucoup moins. L’une des tendances les plus marquées du système après récolte concerne les moyens de subsistances après récolte des femmes : indépendamment de leur tendance en termes absolus, leur proportion relative à ceux des hommes décline au fil du temps. Les hommes exercent le contrôle sur les biens commerciaux et les changements technologiques remplacent le travail des femmes disproportionnellement par rapport à celui des hommes (Harriss-White 2004).
3Cet essai constitue une réflexion sur le processus de masculinisation des marchés et du système rizicole après récolte. Ce processus social a été décrit et expliqué pour la première fois en 1972 déjà en termes généraux et descriptifs par l’économiste danoise Ester Boserup. Elle lui a même donné un nom : la dépossession productive. […]
Ester Boserup : commercialisation, dépossession productive, classe et changements technologiques
4Le développement économique et social implique inévitablement la désintégration de la division sexuelle du travail établie traditionnellement dans les villages. Du fait de la modernisation de l’agriculture et de l’exode rural, un nouveau modèle sexuel du travail productif doit émerger, pour le meilleur ou pour le pire. Mais le danger indéniable est que, par cette transition, les femmes soient dépossédées de leurs fonctions productives et que l’ensemble du processus de croissance s’en trouve ainsi freiné (Boserup 1989, 5).
5Le processus de dépossession découle de l’« agriculturisation » de la paysannerie et de l’extraction des compétences artisanales des ménages agricoles. À mesure que la production artisanale se spécialise, elle passe à une échelle supérieure et s’organise soit au sein des ménages (selon les divisions familiales des tâches et de l’autorité) soit par le travail salarié des hommes. Alors que la division du travail se renforce et que les échanges deviennent fondamentaux pour la reproduction sociale, les tâches sont progressivement définies par catégories de travailleurs, les catégories qualifiées étant dominées par les hommes (Boserup 1989, 69-76). […]
6Boserup a certes fourni des données globales pour appuyer sa thèse. Mais ni sa théorie, ni ses données n’ont permis d’associer le processus de dépossession productive à la formation de classes. Il s’agit de notre première tâche ici. Compte tenu de la croissance spectaculaire de l’emploi des femmes dans le secteur des services indien, analyser la dépossession productive à l’intérieur d’une seule branche d’activité de l’économie indienne pourrait être considéré comme une restriction inopportune. Mais le riz est le produit agricole le plus important et un élément fondamental de la structure agraire, de la culture alimentaire et de la sécurité alimentaire indiennes. […] Il n’existe que relativement peu de données montrant les inégalités de genre sur les marchés rizicoles en Inde. Les données dont nous disposons ne sont pas continues dans le temps, sont fragmentées dans l’espace et résultent de méthodologies de recherche individualistes. Elles peuvent toutefois être utilisées pour explorer l’argument de Boserup sur la masculinisation et la dépossession productive. […]
La participation des femmes et les positions de classes à la fin du XXe siècle
7Les classes d’employeurs et d’employés, de capital et de travail, n’apparaissent pas dans un vide. Loin de là. Les marchés céréaliers ne sont pas seulement fortement régulés par des rapports sociaux de genre, mais ils sont aussi structurés par d’autres aspects de l’identité, comme la caste et la religion. Ces aspects de la culture sont remaniés comme des régulateurs du comportement économique, un processus que Kate Meagher qualifie d’« économie de l’identité » (Meagher 2010). Ainsi, les femmes participent aux marchés du riz paddy de quatre façons différentes en fonction de leur caste et de leur classe sociale.
Les femmes issues de ménages de petits producteurs et petits commerçants appauvris, composés exclusivement de femmes, dirigés par une femme et/ou de basse caste sont confinées à : des opérations saisonnières, des activités de subsistance, des étapes et activités particulières à l’intérieur du système après récolte (surtout la transformation et la distribution), des liens territoriaux localisés, des marchés hebdomadaires et des transactions non autorisées et/ou illégales en espèces plutôt qu’à crédit. Leur participation est conditionnée par leur cycle de vie, et lorsque leurs enfants ne sont plus dépendants, cette activité est abandonnée. Elles voient les marchés comme des lieux physiquement sales et rituellement polluants, si bien qu’elles considèrent que ne pas y participer constitue un « développement ».
Les travailleuses salariées temporaires des castes inférieures issues de la classe sans ressources forment la plus grande sous-couche de la main-d’œuvre dans l’usinage et le pré-usinage du grain. Dans le sud de l’Inde, les systèmes de commercialisation s’appuient sur ces femmes, qui comptent pour 40 à 60 % de la force de travail (Harriss-White 1996, 266). En moyenne, une rizerie emploie une quinzaine de ces femmes, mais on peut parfois en compter jusqu’à 702. Les femmes hors caste sont autorisées à retourner le paddy séchant au soleil sur les grandes aires entourant les rizeries, puisque le grain est encore protégé de la pollution rituelle par sa balle. Les femmes n’ont pas le droit de s’occuper des aspects mécaniques des rizeries et il est rare de les voir manipuler de lourds chargements de paddy brûlant durant le processus de blanchiment. Parmi les propriétaires de rizeries, le salaire des ouvrières temporaires est souvent considéré à tort comme un revenu d’appoint pour les employés. Les écarts de salaires sont considérables, les femmes gagnant entre deux tiers et la moitié du salaire des hommes dans les rizeries, et ne reflètent en aucun cas une différence de productivité entre les hommes et les femmes3. Le travail des femmes dans les rizeries est presque toujours délibérément précarisé. De plus, il n’est pas rare que des ouvrières soient victimes de harcèlement sexuel de la part de leurs supérieurs.
Dans des entreprises familiales de plus petite taille (des castes inférieures ou supérieures), les femmes non-salariées de la famille prennent en charge la partie du travail qui consiste à préparer la nourriture4. Le travail familial des femmes dans une entreprise d’usinage et de commerce du riz « finance » presque toujours certains des coûts de reproduction de la force de travail masculine. Cela signifie que la reproduction sociale du travail des hommes au fil des générations n’est pas entièrement portée par le travail des femmes dans les ménages de la classe ouvrière mais s’étend également aux femmes de certaines petites entreprises familiales.
Traditionnellement, les entreprises d’usinage et de commerce sont possédées par les hommes d’une même famille et pratiquent diverses activités de commerce et de transformation. Par conséquent, il existe un enchevêtrement complexe de relations patriarcales parmi les hommes actifs de la famille, et avec la main-d’œuvre masculine permanente et la main-d’œuvre temporaire des deux sexes5. Dans les grandes familles possédant une entreprise d’usinage et de commerce, les femmes sont utilisées pour la reproduction et l’expansion de l’entreprise sur la base de la caste, d’abord par le biais de leurs dots et ensuite (mais rarement) à travers la pratique de l’enregistrement fictif (benami) d’une société commerciale au nom d’une femme, généralement dans un but d’évasion fiscale. Dans le premier cas, le niveau d’éducation supérieure de ces femmes illustre bien l’inefficience économique des institutions de genre. Pour elles, l’éducation est un bien statutaire et ne conduit ni à une participation économique, ni à un contrôle sur les biens et sur les principales décisions économiques6. La position des femmes est déterminée par un paradigme de service et de subordination dans lequel la piété influence la réputation d’une famille d’entrepreneurs7. En l’absence générale d’appropriation et de contrôle sur la propriété, ou sur toute garantie qui détermine la solvabilité, le rôle économique des femmes appartenant aux oligopoles toujours plus riches est indirect, contrairement à celui joué par les femmes pauvres dans le petit commerce et le travail temporaire.
8En somme, même s’il est dans l’ensemble trop simpliste de considérer les femmes comme force de travail et les hommes comme propriétaires des actifs, les femmes déterminent les revenus de l’usinage du riz par leur respect des normes d’isolement : leur travail est symbolique mais a de véritables effets. Il ressort clairement que les femmes appartenant aux familles entrepreneuriales font effectivement l’expérience de la dépossession productive dont parle Boserup. Mais la pertinence de la théorie de Boserup sur la dépossession productive se limite à cette classe particulière de femmes. Durant presque toute la période post-indépendance – et, à quelques exceptions près, à travers tout le sous-continent –, les marchés indiens du riz ont dépendu du labeur des femmes des castes inférieures, tandis que les hommes des castes supérieures (entrepreneuriales) contrôlaient les biens économiques, les revenus et les profits.
Masculinisation
9La division sexuelle des tâches étant une institution sociale, la masculinisation constitue un exemple de changement institutionnel. Selon des économistes institutionnels comme Douglass North (1992), ce changement est amené par des évolutions dans les prix relatifs, des changements technologiques (ou des transferts) ou la combinaison des deux. Partha Dasgupta (1993) a développé une explication des changements technologiques et institutionnels fondée sur le genre. À l’instar d’Ester Boserup, il voit la hausse de la productivité comme étant centrée sur « l’activité des hommes » : l’écart de productivité entre les sexes devrait donc se creuser au fil du temps. Selon lui,
[l]orsque la demande des ménages en biens et services reflète les préoccupations des hommes, des inventions technologiques dans l’équipement agricole et les techniques de production devraient y répondent rapidement. Lorsque la culture est une activité masculine… on risque d’observer peu d’innovation dans le battage, le vannage, le broyage du grain et la préparation de la nourriture. (1993, 335)8
10Cette prédiction se vérifie-t-elle dans toute l’Asie du Sud ? Sur la base de quatre études de cas, nous allons interroger ici les relations entre le changement technologique, les prix et le changement institutionnel fondé sur le genre : le Bangladesh à la fin des années 1970, le Tamil Nadu dans les années 1980, et le Bengale occidental et le Pendjab au début du XXIe siècle.
Le Bangladesh dans les années 1970 : la première longue vague de déplacement de main-d’œuvre
11À la fin des années 1970, encore deux tiers du riz paddy du Bangladesh étaient broyés par des femmes, dans leur ferme (baris), au moyen de broyeurs à marteaux en bois actionnés avec les pieds (des dheki). Une ou deux femmes pouvaient décortiquer un maund (37,3 kg) de riz par jour. Les femmes étaient par ailleurs entièrement responsables des transformations s’opérant avant le broyage9. À l’origine, le blanchiment était une forme de court entreposage sous l’eau quand le riz paddy était récolté durant la mousson. En gélatinisant le grain de riz, il apporte de nombreux bénéfices nutritionnels10. Puisqu’une femme pouvait transformer 4 à 5 maunds par jour, la phase de décorticage avec le dheki représentait la contrainte sur l’échelle des opérations, un fait d’une importance minime quand la préparation du paddy était simplement destinée à la subsistance d’autres processus. Les femmes étaient chargées du vannage et organisaient par ailleurs l’utilisation et l’élimination des balles et du son. Ces activités n’étaient pas toutes non salariées : les estimations varient selon les régions, mais entre 5 % et 60 % des ménages engageaient des femmes temporairement et environ 15 à 20 % des ménages engageaient des femmes de façon permanente dans la production rizicole de subsistance. Le travail salarié de la transformation du riz était rémunéré par une combinaison d’espèces, de riz et de repas. Les femmes qui s’y consacraient figuraient parmi les plus défavorisées : veuves appauvries, femmes divorcées et épouses d’hommes malades ou sans terre (Arens and Van Beurden 1977 ; Wood 1976 ; Adnan et al. 1976). À la fin des années 1970, on a estimé que les 20 millions de femmes actives produisaient, par la transformation domestique du paddy, environ 2,7 millions d’années d’emploi féminin (Harriss 1979).
12À la fin des années 1970, environ 20 % de la production de paddy passait par de petits moulins de décorticage (la « décortiqueuse Lewis Grant », adaptée au début du XXe siècle à partir d’un moulin à café). À la suite de l’électrification des zones rurales régulée par l’État, cette décortiqueuse rentable a été diffusée largement à travers tout le sous-continent. Le nombre de moulins de décorticage a augmenté de 7 % par année, entretenant des « rentes de l’innovation » locales avec des taux de rendement s’élevant en moyenne à 70 %. Ces moulins étaient gérés par des hommes qui supervisaient des équipes allant jusqu’à 10 femmes et travaillant sur les aires de séchage, tamisant les résidus et séparant les balles et le son. Les coûts monétaires du décorticage se montaient à un douzième de ceux de la transformation par dheki. La productivité par femme dans les moulins de décorticage était jusqu’à 33 fois supérieure à celle du dheki, et dans la transformation pré-broyage 1,5 fois celle du bari. Il en a résulté un déplacement à grande échelle de l’énergie humaine, qui s’est vue remplacée par de l’énergie issue de combustibles fossiles. La première vague de technologie mécanisée est celle qui a entraîné le plus grand déplacement de main-d’œuvre féminine, puisqu’elle s’est substituée aux machines actionnées avec les pieds (ou, ailleurs en Asie du Sud, les pilons et mortiers actionnés à la main) qui étaient utilisées exclusivement par des femmes11. Ce processus a détruit des dizaines de millions de moyens de subsistance saisonniers pour les femmes dans l’ensemble de l’Asie du Sud.
Le Tamil Nadu dans les années 1980 : la deuxième vague
13La modernisation de l’usinage du riz a reçu moins d’attention que la révolution verte dans la production, mais les deux processus ont été concomitants. Depuis la fin des années 1960, les changements techniques dans la transformation du riz ont impliqué des transferts à l’étranger et des importations de technologies développées pour les « ratios et dotations en facteurs de production » des États-Unis et du Japon où la situation était radicalement différente. Ces changements ont été à la fois précédés et accompagnés par une assistance technique extérieure dont les données factuelles et les conseils ont fort laissé à désirer (Harriss 1976 ; Pacey et Payne 1984), et par la législation intérieure indienne déclarant illégale la technologie « indigène » de la décortiqueuse en 1970 (Harriss et Kelly 1982). Des évaluations techniques obtuses, indiquant que les nouvelles technologies augmentaient la productivité à la fois du capital et du travail, ont arraché les moulins à leurs contextes institutionnels et logistiques et ont mené à l’imposition de paquets technologiques importés. Le paquet incluait le blanchiment en masse (parfois même le blanchiment sous haute pression), le transport par tapis roulant, le silotage, le nettoyage du paddy, le décorticage par rouleaux en caoutchouc et le polissage à la machine. Les institutions étatiques (coopératives et parapubliques) régulaient ces rizeries modernes, mais n’étaient pas coordonnées avec les autres institutions étatiques et privées de financement, de tarification, d’approvisionnement et de logistique dont le paquet devait dépendre. Inévitablement, les premiers résultats ont montré une faible utilisation des capacités et un coût plus élevé par unité lors de la commercialisation et de la transformation. Ils ont mené les rizeries modernes à dépendre à long terme des subventions publiques.
14Dans l’ensemble de l’Inde, pendant ce temps, partout où un surplus commercialisé était généré, les décortiqueuses « illégales » se multipliaient, passant d’environ 34 000 au début des années 1960 à plus de 100 000 au début des années 198012. Les décortiqueuses remplaçaient le travail des femmes par des énergies non renouvelables dont le prix était fixé à des niveaux diminuant les coûts de transformation et augmentant la productivité du travail. Par conséquent, elles réduisaient les besoins en travailleuses salariées pour sécher le paddy et s’occuper des rizeries. L’introduction des rizeries modernes – mises en place sous la houlette de l’État et incapables de rivaliser avec les décortiqueuses sans subventions publiques – a entraîné la deuxième vague de déplacement de main-d’œuvre. À l’instar de la première, elle était disproportionnellement défavorable aux femmes. Des gains minimes et incertains en efficience technique ont été obtenus aux dépens des segments les plus vulnérables de la société, qui pouvaient le moins renoncer à un emploi (Harriss 1976).
15Au départ, « le marché » s’est montré rationnel, résistant au paquet technologique original ; mais, au fil du temps, il a adopté les techniques des « rizeries modernes » en plusieurs étapes et composante par composante. Ce changement a entraîné des économies d’échelle et a accentué la concentration structurelle de la propriété des biens dans les systèmes de commercialisation. Ces biens sont contrôlés par les hommes.
Le Bengale occidental au XXIe siècle : la troisième vague
16Au début du XXIe siècle, la répartition des décortiqueuses et des rizeries modernes sur le territoire indien était inégale (et sans aucun doute sous-estimée). Dans le plus grand état producteur de riz, le Bengale occidental, seules 9 % des rizeries étaient modernes ; dans la zone sud de culture rizicole, la proportion de rizeries modernes variait de 16 % à 60 % ; dans la zone d’exportation rizicole du nord-ouest, les rizeries modernes comptaient pour 30 % du total des rizeries au Pendjab et 55 % dans l’Haryana ; au Bihar, enfin, elles représentaient seulement 1 % des rizeries. La répartition régionale des technologies est importante en raison de son impact sur les moyens de subsistance des femmes. Si, à ma connaissance, il n’existe aucune recherche rigoureuse expliquant cette répartition, les facteurs qui devraient être pris en compte sont les suivants : la structure agraire, qui génère les surplus commercialisés approvisionnant les rizeries modernes, détermine la demande d’usinage de subsistance traditionnel et façonne même la demande résiduelle de riz battu ; l’emplacement de la demande finale (dans le nord-ouest, le riz tend à être une culture marchande « non comestible » soumise à une transformation à relativement grande échelle et destinée à une exportation vers d’autres régions) ; l’ampleur des subventions étatiques ; et la régulation de la relation entre les rizeries modernes et le système de distribution public.
17Au Bengale occidental, on estime que les rizeries transforment actuellement approximativement 20 à 25 % de la production, dont environ la moitié est vendue au système de distribution public. Les changements survenus dans les processus de travail dans les rizeries différencient ce sous-secteur économiquement puissant des rizeries modernes. Le ratio du travail familial par rapport aux autres types de travail augmente. Alors même que la tendance à professionnaliser les tâches anciennement accomplies par les membres de la famille a fait monter la part de travail salarié, le déplacement des travailleurs salariés réduit le total de la main-d’œuvre salariée dans une mesure encore plus grande. Le nombre absolu d’ouvriers réguliers, salariés ou « permanents » a décliné de 50 % entre 1990 et 2002. Au début du XXIe siècle, environ 70 % des ouvriers étaient sous contrat temporaire ; seuls la moitié d’entre eux étaient apparemment enregistrés sur les listes d’effectifs, et pouvaient donc s’affilier à une caisse de prévoyance ou aux assurances de l’État couvrant les employés13. Les syndicats avaient une faible capacité de revendication dans le cadre des lois relatives au travail. Ils négociaient plutôt directement avec les patrons des droits éventuels sur le lieu de travail – et organisaient une résistance aux licenciements progressifs. L’ensemble restreint de droits précaires variait d’une région à l’autre, puisque l’offre de main-d’œuvre était régulée par l’ethnicité et l’exécution du travail par l’usage de technologies physiquement oppressives assurant un comportement docile.
18Les composantes technologiques les plus récentes, les séchoirs mécaniques à combustion des balles de riz (husk-fired mechanical driers, HFMD), se substituant au bien public gratuit que sont les rayons du soleil, réduisent la transformation pré-usinage de 3-5 jours à 24 heures et font passer la saison d’usinage de 250 jours à l’année entière. Si elles permettent de découpler les récoltes des cycles des moussons et d’approvisionner les rizeries à une allure suffisante, les technologies « à l’épreuve du climat » satisfont également le besoin de travailler à un taux élevé d’utilisation des capacités pour couvrir les coûts fixes croissants liés à des machines à plus forte intensité de capital. Les rizeries modernes ont toujours droit à des prêts subventionnés pour des améliorations techniques. Les HFMD ont eu un impact considérable sur les processus de travail, le fardeau du déplacement étant porté entièrement par la main-d’œuvre temporaire féminine. Ce déplacement continuel empêche par ailleurs la syndicalisation de la main-d’œuvre féminine. Bien que les salaires versés à la main-d’œuvre temporaire soient exempts de distorsion sexuelle, le système se masculinise toujours davantage.
19Il existe encore des fermes où les femmes travaillent sans être rémunérées à la transformation pré-usinage du riz destiné à la subsistance broyé de façon traditionnelle. Les femmes reçoivent une rémunération pour effectuer le même processus physique dans les microconglomérats de capital légèrement plus grands qui se forment dans et autour des décortiqueuses. Les décortiqueuses se sont répandues comme une traînée de poudre après avoir été déréglementées en 1996. On pense qu’elles transforment actuellement 80 % des récoltes de riz (Harriss-White 2008).
Le Pendjab au XXIe siècle : un processus de travail presque exclusivement masculin
20À l’opposé, 2 à 3 % seulement de la production passe par des rizeries traditionnelles au Pendjab, le reste passant par des « rizeries modernes ». La plupart d’entre elles opèrent sous contrat avec une série d’agences commerciales de l’État14. Depuis les années 1960, le Pendjab est un important contributeur net au système de distribution public. Le système des rizeries est stratifié par caste et par cadre de régulation : une minorité est possédée et gérée par des coopératives, la plupart des usines de riz basmati sont détenues par des castes entrepreneuriales hindoues, tandis qu’une minorité de rizeries sous-traitantes a été mise en place en utilisant du capital agraire sikh. Les processus de travail se sont développés pour devenir presque exclusivement masculins. Ils montrent des différenciations extrêmes. Dans le secteur d’exportation du riz basmati, les revenus annuels en 2002 varient de 40 millions à 112 millions de roupies par famille d’entrepreneurs, mais ne s’élèvent qu’à 17 000 roupies pour la main-d’œuvre masculine des rizeries, soit un ratio d’environ 1 000 contre 1. La plus grande composante de la force de travail (86 %) est de loin la main-d’œuvre masculine salariée, temporaire et sans droits, qui ne peut prétendre ni à des bonus, ni à une caisse de prévoyance, ni à une assurance de l’État couvrant les employés, ni à des avantages en nature. Les salaires sont convenus sur la base d’une collusion réciproque au sein des associations commerciales et sans aucune consultation avec les ouvriers. Le salaire minimum (85 roupies) est versé, certes, mais à la pièce, sur la base d’un calcul prévoyant des journées de 12 heures de travail au lieu des 8 heures prévues par la loi, de sorte que dans la pratique, le salaire journalier s’élève aux deux tiers du minimum. Presque tous ces ouvriers sont issus de la classe des travailleurs agricoles sans terre, de basses castes, de castes répertoriées (scheduled castes, ou « intouchables ») et de tribus qui émigrent du Bihar et de l’est de l’Uttar Pradesh pour travailler. Organisés selon la parenté et la localité, et recrutés en groupes par l’intermédiaire d’entrepreneurs, les ouvriers sont disciplinés par le biais d’une injonction de résidence sur site et de dettes. La grille des statuts professionnels exigée par les rizeries dissimule à peine le fait que la vaste majorité de la main-d’œuvre travaille dans des conditions informelles et précaires – sans droit du travail, sans droit sur le lieu de travail ni à la sécurité sociale. Les femmes semblent être invisibles au Pendjab : elles sont absentes des comptes des rizeries et restent dans les villages d’où sont originaires les travailleurs migrants des rizeries. Cependant, elles sont indispensables non seulement pour la reproduction intergénérationnelle de cette force de travail mais aussi pour son entretien quotidien « en période difficile », quand les ouvriers sont dans l’incapacité de travailler en raison d’une maladie ou d’un accident, que leur revenu chute et qu’ils sont contraints de rester chez eux.
21Pour résumer, la prédiction de Dasgupta n’est pas corroborée par les trajectoires du changement technique en Inde. Ces quatre analyses comparatives des dynamiques de transformation du riz montrent que des changements technologiques et des innovations de processus considérables ont eu lieu non pas dans les activités des hommes, mais dans les activités des femmes comme le « broyage des grains » et la « préparation de la nourriture ». En outre, contrairement à l’hypothèse de North, la masculinisation n’est pas une réponse rationnelle aux prix relatifs. Les composantes techniques les plus récentes ne sont rentables aux prix du marché que dans des conditions d’utilisation des capacités élevée, conditions qui sont difficiles à remplir sans un soutien logistique et un soutien aux prix (subventions) de la part de l’État. Toutefois, elles sont adoptées inexorablement dans le sens inverse du développement de la révolution verte15. North, reconnaissant la capacité d’action des ouvriers, a aussi émis l’hypothèse selon laquelle la technologie est généralement adoptée dans le but de maximiser l’utilisation des travailleurs moins qualifiés qui n’ont pas le pouvoir de négociation pour perturber la production (1992, 65). Les études de cas, néanmoins, indiquent que la technologie et les modes d’organisation qui sont transférés éliminent précisément les personnes les moins à même de négocier ou de refuser de travailler, à savoir les femmes. Ces changements, qui ont des effets différents pour les hommes et les femmes, sont difficiles à expliquer avec les outils de l’économie institutionnelle. Il se peut que l’expulsion d’armées de femmes des castes inférieures des marchés rizicoles soit davantage l’expression dégradante des rapports de caste qui polluent les activités marchandes que celle du patriarcat visant à améliorer le statut des femmes.
22Si les activités après récolte des régions du nord-ouest, d’une importance stratégique pour le système de sécurité alimentaire régulé par l’État, ont toujours été hautement masculines, la question demeure : quel travail trouvent les femmes dont les moyens de subsistance sont déplacés ?
23Dans le premier cas considéré ici, les femmes exploitant les dheki et leurs ménages ont été confrontés à une crise alimentaire majeure qui, bien que dispersée dans le temps et dans l’espace, n’en a pas été moins grave. La main-d’œuvre des dheki déplacée au Bangladesh à la fin des années 1970 et dans les années 1980 a dû se tourner vers des emplois précaires, comme la confection de couvertures, le broyage du tabac ou l’élevage de volailles (Greeley 1987). En l’absence totale de sécurité sociale, ils ont été si nombreux à être réduits à la mendicité que l’État a dû étendre ses programmes d’infrastructure « nourriture contre travail » – parfois avec de l’aide alimentaire étrangère. Les ouvriers des rizeries qui sont déplacés actuellement au Bengale occidental cherchent refuge dans des emplois dans des fours à briques, dans la construction et dans l’amortisseur résiduel, l’agriculture. Il est maintenant prouvé que l’agriculture de l’Asie du Sud est en train de se féminiser (Kapadia et Lerche 1999). Alors que, selon les premières prédictions, la mécanisation de la culture du paddy devait avoir pour impact le déplacement de la main-d’œuvre féminine (Mencher 1985), cette tendance est maintenant renversée et c’est la main-d’œuvre masculine qui tend à être déplacée dans l’agriculture16. Cette féminisation observée à grande échelle a été attribuée à la mécanisation dans l’irrigation avec élévation d’eau, le labourage et la récolte, qui a entraîné un déplacement de la main-d’œuvre masculine ; au retrait des hommes des tâches communes effectuées par les deux sexes ; à une augmentation des opportunités locales non agricoles de gagner un salaire pour les hommes17 ; et à la tendance des hommes à émigrer temporairement pour chercher un travail (les femmes en étant souvent empêchées parce qu’elles doivent s’occuper des enfants et assumer d’autres tâches domestiques qui leur sont attribuées automatiquement).
24Comme cet article a voulu le montrer, il n’apparaît pas seulement que les moyens de subsistance non agricoles des hommes tirent ceux-ci hors de l’agriculture mais que le déplacement des femmes loin des moyens de subsistance non agricoles les repousse dans l’agriculture et contribue à faire baisser leurs salaires dans le secteur18. Sans aucun doute mises à l’écart de la transformation du riz, elles ne sont pas nécessairement et toujours à l’écart de l’activité productive ; mais leur incorporation s’opère en des termes défavorables.
Conclusion : masculinisation et dépossession productive dans la transformation du riz
25Cette recherche confirme que les hommes consolident leur emprise économique sur les marchés du riz, et que les femmes issues des familles d’entrepreneurs de l’élite constituent des exemples flagrants de dépossession productive. Boserup a prédit un creusement de l’écart entre les sexes dans la productivité, ce que confirme cette étude sur le déséquilibre sectoriel et régional. Mais il y a un autre écart qu’elle n’a pas examiné : une variation croissante dans les rendements des moyens de subsistance des hommes sur les marchés du riz, au Pendjab jusqu’à 1000 contre 1. Toutefois, si la théorie de Boserup aspirait à couvrir une société entière, les études de cas indiquent que les femmes fournissent encore bien plus que la « production artisanale et une variété de services » (1989, 192). Dans des régions du sud de l’Inde, elles continuent à composer la majeure partie de la main-d’œuvre salariée. Si les régions du nord-ouest ont toujours eu une main-d’œuvre masculine, ailleurs, chaque vague de changement technique progressif a conduit à un déplacement net de la force de travail, mais s’est révélée largement défavorable aux travailleuses temporaires. Le fait que ce déplacement détruise les moyens de subsistance ou allège « simplement » les besognes ne dépend pas uniquement du degré de commercialisation du produit. Cela dépend également de la mesure dans laquelle les relations de travail de la transformation après récolte ont elles-mêmes été commercialisées. Dans les cas où il détruit les moyens de subsistance dans la transformation du riz, les femmes sont rejetées vers des emplois sous contrat temporaire et généralement rémunérées à des salaires qui ne leur permettent pas de se nourrir correctement19.
26L’État aide et encourage ce processus. D’un côté, il manie la carotte en mettant en place des incitations, sous la forme de subventions aux améliorations technologiques, qui concentrent les biens et différencient le processus de travail ; de l’autre, il manie le bâton en introduisant des régulations disciplinaires, interdisant jusqu’à récemment une technologie d’usinage pourtant adéquate ; enfin, il crée un nœud de rentes qui maintient une structure d’accumulation dans les entreprises familiales où les droits du travail sont évités et déjoués avec la même assiduité que les obligations fiscales.
27Toutefois, l’économiste réaliste social Tony Lawson a démontré un fait que ne pouvons ignorer, à savoir qu’il existe une réalité changeante et de nombreuses théories pour l’expliquer, chacune faisant partie de cette réalité tout en n’en rendant compte que partiellement (Lawson 2003). L’argument d’Ester Boserup est ancré dans la théorie de la modernisation. Sa crédibilité conceptuelle tient à ses réflexions sur le renforcement de la division du travail, l’apparition de la production industrielle et la définition d’un secteur rural différent de celui des villes. Il ne parvient pas à examiner la logique spécifiquement capitaliste de ce processus. […]
Donner aux femmes le pouvoir d’assurer la sécurité alimentaire
Thelma R. Paris, Hilary Sims Feldstein et Guadeloupe Duron
Comme l’ont montré plus de vingt ans de recherche, la technologie n’est pas neutre. Les femmes sont déterminantes pour la sécurité alimentaire et le bien-être de la famille, et ont un besoin impérieux en technologies permettant de réduire la quantité de travail et de créer du revenu. Pourtant, du début des années 1970 au milieu des années 1990, la plupart des programmes de recherche et développement n’ont que partiellement reconnu la contribution des femmes au processus de développement ainsi que les effets que ce processus a pu avoir sur elles. En conséquence, les technologies nouvelles ont souvent eu des conséquences néfastes sur la sécurité économique et le statut social des femmes et de leurs familles, et elles ont également affecté négativement la capacité des programmes et des projets à atteindre les objectifs régionaux et nationaux de développement.
Le travail des femmes, en particulier dans les zones rurales, est ardu et demande beaucoup de temps. Nous en connaissons bien certaines images : des femmes et des enfants portant de lourdes charges de bois et d’eau ; les femmes battant le grain. Pourtant, de plus en plus fréquemment, les filles sont envoyées à l’école, étudient les sciences, et contribuent au développement technologique. Trois champs de la recherche technologique et de l’adaptation des technologies sont à même de contribuer substantiellement au bien-être et à l’empowerment des femmes rurales : la production agricole et le traitement après récolte, les technologies de l’information, et l’énergie.
Les technologies agricoles et d’après récolte
Pendant les années 1980 et 1990, les recherches réalisées par Groupe Consultatif pour la Recherche Agricole Internationale (CGIAR) ont donné une visibilité nouvelle au rôle des femmes dans les exploitations. Pendant seize ans, les chercheurs associés au réseau Women in Rice Farming Systems, basé à l’Institut de Recherche International sur le Riz (IRRI), ont mené, en Asie du Sud-Est, des recherches soutenues en collaboration avec des agricultrices. Ils ont développé à la fois des technologies répondant spécifiquement aux besoins des femmes et les moyens de mener des recherches participatives intégrant la dimension de genre. Les technologies – amélioration des germoplasmes, gestion des récoltes et systèmes de culture, machines agricoles – ont été testées et évaluées par une équipe multidisciplinaire de chercheurs, dans des environnements spécifiques de culture du riz, en utilisant une analyse de genre, des méthodes participatives et une perspective systémique.
En Afrique de l’Ouest, les scientifiques de l’Association pour le développement du riz en Afrique de l’Ouest (ADRAO20) ont utilisé les biotechnologies pour développer une variété possédant les hauts rendements et la résistance à l’égrenage du riz asiatique ainsi que la résistance à la sécheresse et les larges feuilles du riz africain. Cette nouvelle variété réduit substantiellement les exigences de désherbage, mettant en lumière une tâche habituellement dévolue aux femmes et aux enfants. En dépit de ces initiatives, les progrès réalisés au niveau national sont lents et il serait nécessaire de porter une attention plus soutenue aux besoins des femmes. De plus en plus d’hommes migrent vers les zones urbaines, la force de travail familiale devient rare, la fertilité des sols est en déclin, et de plus en plus de femmes rurales deviennent cheffes d’exploitation : les femmes ont donc besoin de technologies réduisant la main-d’œuvre nécessaire, et fondées sur le savoir, afin de pouvoir augmenter la productivité de leurs terres et de leur travail.
Les technologies de l’information
Les technologies de l’information sont stratégiquement liées à la réduction de la pauvreté. Internet, les emails et les téléphones mobiles figurent en tête de la liste des nouveaux outils. Les technologies de l’information sont des outils directs d’empowerment car elles permettent un accès à des services historiquement inaccessibles, particulièrement dans les zones rurales, à cause de coûts trop importants ou d’un manque d’infrastructure.
Acheter, vendre ou louer des équipements informatiques est une source de revenus. Au Bangladesh, Grameen Telecom propose des crédits à ceux qui souhaitent acheter des téléphones portables dans le but de les louer à leurs voisins. Les « phones ladies » bénéficient de prêts et d’un accès en temps opportun aux prix du marché des produits agricoles et artisanaux. Cette nouvelle source de revenus permet aux femmes d’investir dans d’autres petites entreprises, dans l’amélioration de leur foyer ou dans l’éducation de leurs enfants. Alors que les technologies de l’information permettraient aux femmes d’accéder à davantage d’informations dans des zones où le réseau routier est relativement moins développé, rares sont celles qui y ont accès dans les zones rurales. Quand Internet est mis à disposition dans les cybercafés de village, les femmes voient leur accès entravé par leur manque de mobilité, les heures d’ouverture réduites et les conditions de sécurité. Dans la plupart des cas, utiliser les technologies de l’information nécessite d’avoir été alphabétisé et éduqué, ce qui montre que l’éducation des filles est une condition préalable essentielle à un accès équitable. Toutefois, le réseau Honey Bee en Inde transmet des informations aux agricultrices illettrées par l’intermédiaire de photos et de la parole.
L’énergie
Dans les zones rurales, l’énergie produite par la biomasse est utilisée pour la cuisine et le chauffage ; et l’énergie produite par le travail humain et animal alimente les autres tâches. Dans les foyers, la biomasse est principalement utilisée pour la cuisine alors que la tâche la plus ardue est la transformation des aliments, particulièrement le pilage et le décorticage. Le rôle de la biomasse comme ressource est en déclin et l’électrification est limitée. Pour réduire la dépendance aux énergies fossiles, augmenter la quantité d’énergie disponible, et réduire la charge de travail des femmes, on s’appuie de plus en plus sur l’énergie éolienne, les microsystèmes hydroélectriques et l’énergie solaire photovoltaïque. Ces sources d’énergies, petites et flexibles, sont des occasions à saisir pour l’entreprenariat, comme par exemple la fourniture de pièces de lampes au Bangladesh. L’énergie pour l’éclairage, provenant de cellules photovoltaïques ou de piles, contribue à la sécurité publique – un sujet de préoccupation pour les femmes et les filles.
Dans les années 1980, des fours peu énergivores ont été introduits dans les pays en voie de développement dans le but de réduire la charge de travail des femmes, d’économiser le combustible et de réduire les pollutions néfastes pour la santé. Ces innovations n’ont pas été bien acceptées car les ingénieurs ne sont pas parvenus à concevoir des produits adaptés aux besoins des femmes, et parce que ces dernières manquaient souvent de fonds propres pour acheter le matériel. Désormais, les ingénieurs travaillent plus étroitement avec les femmes et les artisans locaux, et les nouveaux modèles de fours, correspondant mieux aux attentes des femmes, deviennent acceptables.
Les conséquences pour les femmes
La technologie possède un potentiel considérable d’amélioration du bienêtre et de l’empowerment des femmes. L’existence de sources d’énergies peu onéreuses et fiables pour les activités de transformation, la cuisine et l’éclairage peut permettre un grand bond en avant dans la satisfaction des besoins pratiques des femmes en réduisant leur charge de travail, améliorant leur santé et leur donnant davantage de temps disponible. Vendre ou louer des technologies, ou les utiliser pour obtenir un meilleur accès au marché, sont des activités qui contribuent à l’empowerment des femmes dans la mesure où l’augmentation de leur revenu leur confère une meilleure capacité de négociation dans les processus de décision au sein de leur foyer et de leur communauté. Néanmoins, l’expérience montre que lorsque qu’une technologie commence à rapporter de l’argent, elle est souvent sujette à une prise de contrôle par les hommes, qu’il s’agisse d’une culture devenue rentable ou d’un équipement de transformation nouveau. Il est indispensable de veiller à ce que le développement technologique soit réalisé d’une manière qui permette l’empowerment des femmes afin qu’elle puisent contrôler ces technologies.
Un développement technologique sensible aux problématiques de genre et participatif
La plupart des technologies sont liées au matériel et les produits qui en sont issus sont des biens à vendre ou à utiliser. L’accès et le contrôle sont des questions centrales quant il s’agit de déterminer les avantages obtenus par les femmes. Vingt ans de recherche sur les techniques pertinentes pour les femmes en agriculture ont permis d’établir des procédures éprouvées pour guider le développement des technologies tout en s’assurant de leur acceptabilité, de leur probabilité de succès, et de leur efficacité dans une optique d’empowerment des femmes qui les utilisent.
Laisser les hypothèses de côté. Ce sont des hypothèses erronées qui sont à l’origine de l’invisibilité des femmes dans la recherche et dans le développement technologique. La plus criante d’entre elles est celle qui veut que le chef du ménage soit l’homme et que ce soit lui qui soit compétent pour fournir des informations. Deuxièmement, il est admis que les décisions prises par un homme sont représentatives des opinions du ménage tout entier. La troisième hypothèse est la suivante : les scientifiques, les ingénieurs et les responsables de la planification peuvent développer, sans discuter avec leurs clients, de nouveaux germoplasmes et d’autres technologies qui seraient immédiatement acceptée par les agricultrices.
Délimiter soigneusement les groupes cibles. Les femmes ne sont pas un groupe homogène et ont souvent des intérêts différents. L’ethnie, la race et la classe sociale s’imbriquent dans les questions de genre. Il existe différentes catégories de femmes : celles appartenant aux ménages propriétaires pauvres ; les femmes des ménages sans terre ; et les femmes cheffes de famille. Les propriétaires tireront des bénéfices de technologies permettant de réduire la charge de travail et les corvées. Les femmes sans terre profiteront des technologies liées aux machines, comme les moulins à riz, mais ces technologies pourraient être supplantées par d’autres permettant d’économiser le travail, comme le semis direct ou les herbicides, utilisées en l’absence d’autres possibilités d’emploi ou d’autre activité lucrative.
Constituer des équipes multidisciplinaires. La recherche agricole inclut de plus en plus fréquemment des chercheurs en sciences sociales et des spécialistes du genre. C’est un phénomène rare dans les programmes liés aux technologies de l’information et à l’énergie, car les méthodes d’évaluation concernent plus le matériel que l’impact social. Les spécialistes du genre devraient s’associer aux scientifiques et porter leur attention sur les questions technologiques aussi bien que sur les questions de genre.
Utiliser une approche participative sensible aux questions de genre.
Lorsque l’on travaille avec des femmes agricultrices ou cheffes d’entreprise, il convient d’intégrer des participantes à chaque étape de la vérification des hypothèses, de la planification, de la conception et de l’évaluation. Les connaissances des femmes, leurs préférences et leurs retours d’information sont nécessaires pour qu’une technologie proposée trouve sa place, ou pour identifier la niche dans laquelle la technologie répond à un besoin. Ceci s’applique aussi bien aux technologies de l’information qu’à l’énergie.
Travailler avec les femmes ou les appuyer dans la création d’associations d’ordre économique. Il est souvent plus facile pour les femmes d’exercer un pouvoir lorsqu’elles sont en groupe plutôt qu’à titre individuel. En groupe, elles peuvent élaborer leurs propres mécanismes pour gérer et développer de nouvelles technologies. En travaillant au sein d’un groupe, les femmes construisent leur capacité à négocier individuellement et à trouver des solutions pour conserver la propriété et le contrôle des nouvelles technologies.
Paris, T. R., H. Sims Feldstein et G. Duron. 2001. A 2020 Vision for Food, Agriculture and the Environnement. Focus 6. Policy Brief 5 of 12. International Food Policy Research Institute (IFPRI).
Traduit de l’anglais par Aurélie Cailleaud
Source du chapitre : Traduit de l’anglais. Texte original: Commodification and masculinisation in post-harvest systems for rice in South Asia21. In Du grain à moudre. Genre, développement rural et alimentation. (Dir.) C. Verschuur. 59-99. Actes des colloques genre et développement. Berne : DDC-Commission nationale suisse pour l’UNESCO ; Genève : IHEID. 2011.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Une entreprise de commercialisation du riz peut effectuer une seule ou une combinaison des activités suivantes : acheter, vendre et négocier, entreposer, transporter et transformer, et financer la production, le commerce et la transformation après récolte. Loin d’être un modèle unique, le profil d’activité des entreprises étudiées jusqu’à présent en Inde montre une tendance à la complexité, la diversité et la singularité (Harriss-White 1996).
2 La main-d’œuvre féminine temporaire peut compter jusqu’à 700 ouvrières dans des entreprises d’égrenage du coton et de vente en gros (voir Harriss-White 1996, chapitre 7).
3 Dans tous les cas, il serait presque impossible de mesurer cela de façon exacte puisque la division des tâches dans l’usinage est séquentielle et dépend du sexe.
4 Avec la commercialisation du travail, cependant, la pratique du paiement en thé et en repas est en train de disparaître ou de devenir elle-même commercialisée.
5 La main-d’œuvre masculine de la famille (jusqu’à 13 individus), dont le travail est spécifié de façon approximative, peut occuper un emploi à temps partiel ou saisonnier, ou avoir un profil professionnel multiple. Les travailleurs permanents (en moyenne 3, mais jusqu’à 7, dont la spécification des tâches peut être assez précise mais dont les conditions varient) peuvent travailler à l’exécution simultanée de plus d’une activité au sein de l’entreprise et également à leur compte. Les échelles de salaires ne sont pas systématisées et sont accentuées à la fois par le patronage et la servitude pour dettes. La main-d’œuvre masculine temporaire (en moyenne 9, mais parfois jusqu’à 40 individus) peut être rattachée de façon permanente à une entreprise commerciale mais employée au jour, à la semaine, à la saison, dans le cadre d’un contrat de groupe ou à la pièce pour du travail manuel. Si les tâches sont clairement spécifiées, les contrats, les conditions générales et les échelles de salaire varient considérablement. Enfin, le travail des garçons est utilisé pour des moments clés dans le système de commercialisation du grain (transmission de messages, transport de nourriture ou de boissons pour les négociations, nettoyage), et peut être rétribué par des salaires stables mais très bas. Pour certains enfants, ce travail constitue un apprentissage – bien qu’il n’y ait pas de raison pour que ces apprentissages remplacent l’école formelle, dans la mesure où les enfants des riches commerçants participent aux deux activités (Harriss-White 1996).
6 L’éducation des femmes conduit certes à une baisse des taux de natalité, mais pas à une diminution de la discrimination sur la base du genre dans les régions de l’Asie du Sud où elle est pratiquée (Dasgupta 1987 ; Jeffery et Jeffery 1998). C’est l’éducation primaire plutôt que tertiaire qui permet d’atteindre ce résultat.
7 Voir par exemple l’étude menée par Laidlaw en 1995 sur les familles jaïnes.
8 NdT : il s’agit d’une traduction libre, l’ouvrage de Dasgupta n’a pas été traduit.
9 Faire tremper jusqu’à 48 heures, blanchir en petits lots (de 30 minutes à 3 heures), sécher, ratisser, et surveiller pour chasser les oiseaux pendant 1 à 3 jours (Harriss 1979).
10 Le blanchiment assure contre les aléas des chutes de pluies, il réduit la proportion de grains de riz brisés et augmente la proportion de grains récupérés à 72 % ; le grain absorbe les protéines, les vitamines et les minéraux et la couche de son absorbe l’huile ; le grain devient plus résistant aux nuisibles lors de l’entreposage et perd moins de matière solide lors de la cuisson en gruau.
11 La détresse entraînée par le déplacement est plus vive dans le nord du sous-continent (voir Greeley 1987).
12 Gita Sen se fonde sur le Bulletin of Food Statistics pour indiquer 91 000 rizerie en 1975 (Sen 1983, 22).
13 Les ouvriers considèrent ces assurances comme des impôts, dans la mesure où ils sont trop peu à vivre jusqu’à 60 ans pour pouvoir en profiter.
14 Les rizeries du Pendjab broient le riz basmati exclusivement à des fins d’exportation tandis que quelque 1900 sont des agents de FCI, PUNSUP, Markfed, Punjab Food et Civil Supplies Dept. et des industries secondaires possédées par l’État et des Sociétés centrales d’entreposage (Central Warehousing Corporations).
15 Une composante révolutionnaire devrait permettre d’augmenter la production par unité d’intrants et donc de diminuer le coût total par unité de production.
16 L’impact précis en termes de genre va dépendre des (types de) tâches mécanisées, de la division sexuelle du travail existante et de tout ce que peut entraîner un changement des modèles de culture (Da Corta et Venateshwarlu 1999).
17 Il y a d’importantes barrières à l’entrée des femmes dans « l’économie rurale non agricole », que ce soit dans les mines ou dans le tissage, particulièrement quand la migration est nécessaire pour trouver un travail salarié. Et les zones franches industrielles, où la main-d’œuvre féminine est incorporée dans le travail le plus oppressif des chaînes de valeur globales (Jackson et Pearson 1998), créent encore une proportion relativement faible des moyens de subsistance d’un pays en développement.
18 L’une des hypothèses considérées pour la période des années 1930 aux années 1960 par Gita Sen (1983).
19 On discute toujours pour savoir si une rémunération inférieure des femmes par rapport aux hommes traduit des écarts de productivité (impossibles à vérifier dans des systèmes de production séquencés en fonction du sexe) – ou si elle est le reflet des conditions d’offre où le travail est résiduel et doit être compatible avec les tâches prioritaires liées à la reproduction du ménage – ou si les marchés, plutôt que d’être libérateurs, constituent un champ indépendant d’oppression patriarcale, ou une combinaison de ces facteurs.
20 NdT : Depuis septembre 2009, l’ADRAO est rebaptisée Centre du riz pour l’Afrique (AfricaRice)
21 Cet article est une version retravaillée et mise à jour de l’article Commercialisation, marchandisation et rapports sociaux de genre dans le système après-récolte du riz en Asie du Sud qui a été publié pour la première fois dans Economic and Political Weekly (18 juin 2005, 2530-42). Je suis très reconnaissante à Maitreyi Krishna Raj et Mina Swaminathan pour leurs commentaires d’alors ; et à Christine Verschuur et Marie Monimart lors de la conférence Du grain à moudre qui fut très stimulante. Je suis également reconnaissante à Ursula Huws pour sa réponse engagée à la version originale, et à P. K. Ghosh et Dr. Rupinder Kaur pour la recherche de terrain qu’ils ont menée dans le cadre du projet de recherche conjoint NCAER/Queen Elizabeth House, Oxford, sur la libéralisation du commerce et le secteur informel en Inde qui m’a aidée à mettre à jour l’analyse de la transformation du riz.
Auteurs
Économiste, Queen Elizabeth House, Université d’Oxford (Royaume-Uni).
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