Les paysannes ignorées. Petite production paysanne, changements agraires et inégalités de genre
p. 13-21
Note de l’éditeur
Référence : Verschuur, Christine. “Les paysannes ignorées” in Christine Verschuur, Genre, changements agraires et alimentation, Genève, Cahiers Genre et Développement, n°8, Genève, Paris : EFI/AFED, L'Harmattan, 2012, pp. 13-21, DOI : 10.4000/books.iheid.5236 – Acheter le .pdf chapitre éditeur.
Texte intégral
1Trop souvent, la faim est attribuée à la démographie, au manque de pluies, et à l’agriculture « rudimentaire » pratiquée par les petits paysans des pays du Sud. Il est pourtant reconnu depuis longtemps, dans la littérature spécialisée, que le déficit alimentaire est en grande partie imputable aux transformations des systèmes agraires liées au marché des produits agricoles. Le titre d’un ouvrage paru lors de la grande famine de 1972 au Sahel était évocateur : Qui se nourrit de la famine en Afrique ? Quarante ans ont passé, les disettes se répètent.
2La petite production paysanne continue d’être ignorée, dévalorisée et peu appuyée par les politiques publiques (Meillassoux et Verschuur 1985, également dans le présent ouvrage) et les femmes insérées dans cette forme de production le sont encore plus. À considérer « le » paysan comme neutre, les femmes de paysans sont ignorées, alors qu’elles travaillent durement sur les champs familiaux mais aussi comme travailleuses agricoles, commercialisent des denrées agricoles et des produits transformés, s’impliquent dans des luttes et contribuent aux changements agraires.
3Cet ouvrage propose de donner matière à réfléchir sur les processus d’appauvrissement des paysannes et paysans et sur la persistance de la faim dans le monde.
4Les ressources naturelles et techniques sont pourtant suffisantes pour assurer une alimentation correcte de l’humanité, aujourd’hui avec 6 milliards d’habitants, ou en 2050 avec 9 milliards de personnes (Mazoyer et Roudart 2006). Relevons un double paradoxe. Le premier est que 80 % des personnes sousalimentées vivent en milieu rural (FAO 2011). Parmi les ruraux, qui constituent la moitié de la population mondiale, 80 % appartiennent à des familles paysannes. Quelque 70 % des personnes qui ont faim dans le monde appartiennent donc à des familles paysannes (Mazoyer et Roudart 2006). Le deuxième paradoxe est que, parmi les personnes sous-alimentées, 60 % sont des femmes, elles qui nourrissent leurs proches (ceci étant socialement considéré comme relevant de leur responsabilité), et alors qu’une partie importante de la production vivrière et agricole provient de leur travail.
5Comment expliquer les disettes régulières, le fait qu’il y ait actuellement près d’un milliard de personnes sous-alimentées, les inégalités d’accès à l’alimentation ?
6Comment expliquer par ailleurs la méconnaissance de la place des femmes dans les systèmes de production, des savoirs et du travail des paysannes, le peu de cas qui est fait des inégalités qui les pénalisent encore plus que les hommes paysans, des changements importants qui les concernent tout particulièrement ?
7Les systèmes de production agraires ont subi des changements très rapides depuis un siècle. Les révolutions agricoles au cours de la seconde moitié du XXe siècle, principalement dans les pays développés, ont fait passer, avec l’appui de politiques publiques favorables, le rendement de 1 tonne par hectare à 10 tonnes par hectare dans certaines régions. Plus des trois quarts des exploitations qui y existaient au début du XXe siècle ont maintenant disparu, la concentration des exploitations agricoles est croissante.
8Dans certains pays en développement, principalement en Asie, la « révolution verte » a permis aux agriculteurs qui en avaient les moyens, soutenus par des politiques publiques, d’augmenter fortement le rendement du riz, de 2 tonnes à l’hectare il y a cinquante ans jusqu’à 10 tonnes par récolte, ou même jusqu’à 30 tonnes quand les aménagements hydrauliques permettent de faire 3 récoltes dans l’année.
9Ces développements n’ont pas concerné les agriculteurs et agricultrices trop pauvres pour accéder aux moyens de production nécessaires à ces changements. Des centaines de millions de paysannes et paysans sont restés à l’écart de ces développements, et l’écart de productivité brute du travail entre les agricultures du monde a été multiplié par 200 (Mazoyer et Roudart 2006). De multiples études ont cependant montré que la productivité par surface est plus élevée dans les petites exploitations que dans les grandes, tant dans les pays sous-développés que dans les pays occidentaux (Moore Lappé et Collins 1977, 214). Ces différences de productivité tiennent notamment à la mise en œuvre de connaissances fines des agro-systèmes et de pratiques culturales intensives. Pourtant, les recherches agronomiques ne se sont guère penchées sur ces savoirs et les politiques de développement rural ont systématiquement négligé la petite production paysanne.
10Depuis la période coloniale, le découragement de la production vivrière locale, l’introduction de nouvelles cultures de rente pour l’exportation (coton, arachide, riz…), le développement de plantations, ont introduit des bouleversements dans les systèmes de production dans les pays colonisés. La dépendance alimentaire croissante en a été une des conséquences.
11Si le marché de la production vivrière de base ne concerne qu’une petite part de la production mondiale (15 % des céréales), il est approvisionné principalement par les agriculteurs les plus compétitifs. La plupart des agriculteurs américains et européens, qui ont des niveaux de productivité très élevés, ne pourraient pas continuer à exporter et approvisionner leurs marchés intérieurs s’ils ne recevaient des aides publiques très importantes, car le prix international des céréales est inférieur aux coûts de production. Ce prix est également très inférieur aux coûts de production des centaines de millions de petits paysans pratiquant une agriculture manuelle. Avec de longues périodes de baisse des prix, des dizaines de millions de paysans pauvres sont obligés de cesser leurs activités et la production de ceux qui restent est découragée. La baisse des prix touche aussi les cultures destinées à rapporter un revenu monétaire. Avec la baisse de ces revenus monétaires, il devient difficile pour les paysannes et paysans pauvres de faire les achats nécessaires à la production agricole et à l’achat des biens de consommation indispensables. Ils se trouvent obligés de vendre leurs moyens de production, leur terre, de s’engager comme ouvriers et ouvrières agricoles, de s’endetter, de migrer. Par ailleurs, lorsque les stocks mondiaux baissent, la spéculation sur les achats de céréales provoque des augmentations de prix. Dans ces courtes périodes de très hauts prix, l’aide alimentaire se fait rare, les pays pauvres ont du mal à s’approvisionner, le nombre de sous-alimentés augmente.
Ni l’aide alimentaire, ni les échanges, pour nécessaires qu’ils soient, ne peuvent venir à bout de cette immense sous-consommation [alimentaire]. Pour cela, il n’est pas d’autre voie que de renverser les processus d’appauvrissement qui empêchent une bonne partie des êtres humains, principalement des paysans, d’accroître leurs revenus et leurs ressources. (Mazoyer et Roudart 2006)
12Les études de développement agricole et rural ont interrogé les tensions dans et entre les systèmes de production agricoles, les modèles de modernisation agricole, la libéralisation des marchés agricoles et les transformations agraires liées à la mondialisation, les politiques ayant mené aux dépendances alimentaires. Il y a cependant des angles morts dans ces analyses, qui tiennent à l’absence de prise en compte des rapports de genre.
13En effet, alors que les apports des théoriciennes féministes aux questions agraires seraient indispensables pour analyser les problèmes évoqués ci-dessus, ils ne sont que faiblement ou pas reconnus parmi les économistes politiques agraires ou les spécialistes des politiques de développement agricole et rural. Certes, le fait que les femmes contribuent à la production agricole est actuellement reconnu (Boserup 1970, FAO 2011), certaines des contraintes auxquelles les paysannes doivent faire face – et en particulier l’accès inégal à la terre – également. Mais reconnaître cela ne suffit pas pour comprendre comment les processus d’appauvrissement des paysans et des paysannes pourraient être renversés.
En quoi les études genre contribuent-elles à la compréhension des questions agraires ?
14Analyser les questions agraires et de développement rural sous le prisme du genre demande que soient remises en question certaines catégories d’analyse ; que les rapports sociaux entre hommes et femmes soient au cœur de l’analyse ; que le regard sur l’« Autre », dans ce cas les paysannes, soit « décolonisé » ; que l’organisation sociale, économique et politique du travail de reproduction – qui comprend la production de subsistance – et l’articulation du travail reproductif et productif au sein des systèmes de production agricoles soient analysées. Cela demande de reconnaître les questions suivantes :
La catégorie des « paysans », loin de constituer une catégorie neutre, est traversée par des rapports de pouvoir entre hommes et femmes, selon les appartenances de classe et de race, selon l’âge. La division sexuelle du travail, utilisée par les études féministes comme catégorie analytique, permet d’analyser ces rapports de pouvoir.
Les femmes et les hommes occupent, dans les systèmes de production agraires, des places différentes. Les paysannes réalisent des travaux différents, n’ont pas le même accès à la terre, aux moyens de production, au travail des autres ; elles ne pratiquent pas nécessairement les mêmes cultures, ni les mêmes techniques. Surtout, elles ne sont pas rémunérées de la même manière pour leur travail. L’échange de travail entre hommes et femmes est inégal, comme cela peut s’observer par exemple sur les suraforo – les champs des femmes – en pays bambara au Mali (Verschuur 1989). Les études de genre ont cherché à expliquer la place subordonnée que les femmes occupent de manière structurelle dans les systèmes agraires (Benaría et Sen 1986).
Les inégalités structurelles de genre dans les systèmes agraires, préalables aux politiques de modernisation et de libéralisation, ont tendance à s’aggraver avec celles-ci. Les recherches sur les questions rurales ont longtemps ignoré les effets différenciés sur les hommes et les femmes des politiques de modernisation agricole. Dans les programmes de modernisation agricole, les hommes ont été les premiers bénéficiaires des terres aménagées, des technologies, de l’accès aux nouvelles cultures.
L’analyse des rapports sociaux de genre dans les systèmes de production permet de reconnaître que les paysannes sont loin de pratiquer une agriculture « rudimentaire » ou arriérée. Des études – certes encore insuffisantes – ont au contraire montré que les paysannes ont des connaissances fines de leur écosystème, gèrent les semences avec intelligence, ont des pratiques culturales adaptées. Aussi les politiques de monoculture se sont-elles développées au détriment des cultures associées, si bien maîtrisées par les paysannes, et dont on reconnaît maintenant mieux l’intérêt. Les logiques d’action des paysannes tiennent compte de leurs très fortes contraintes – climatiques, d’éloignement des terres, etc. –, et surtout de la contrainte majeure que constitue le temps de travail disponible. Cette situation était auparavant très peu documentée et analysée.
Les paysannes ne sont pas confinées à la sphère domestique et de production vivrière, elles ne sont pas absentes du marché. Au contraire, elles vendent une partie de leur production vivrière, ou de nouvelles cultures de rentes, ou encore leur force de travail, en tant qu’ouvrières agricoles ou dans des activités informelles, et ce de manière croissante (Razavi 2009, 198). Dans l’agro-industrie, les inégalités de genre sont importantes (les femmes réalisent des tâches moins valorisées, mal rémunérées, dans de mauvaises conditions de travail). Des inégalités croissantes – entre femmes aussi – accompagnent cette insertion dans le marché.
La reconnaissance du travail reproductif et de la manière dont il s’articule avec le travail productif est peut-être un des apports les plus importants des études de genre pour comprendre les transformations agraires, les inégalités et la crise de la reproduction sociale, dont la sous-alimentation et les famines ne sont qu’une des manifestations. Le travail reproductif, tant au niveau domestique que dans l’environnement proche, qui comprend le travail de préparation des repas des proches, la recherche de fourrage, de bois et d’eau, etc. a, en milieu rural où les services sont faiblement développés, une ampleur considérable. L’inégal partage du travail reproductif entre hommes et femmes, la faible possibilité de prise en charge de ces tâches par le marché et le manque d’offre par des structures publiques accentue cette charge. Selon leurs appartenances de classe, de caste, de race, leur statut et leur âge, les femmes ont des possibilités limitées d’obtenir de l’aide en force de travail. Les femmes en milieu rural, et en particulier les paysannes pauvres, ont une charge de travail très lourde et des contraintes de temps très importantes.
15Le travail dans l’agriculture vivrière participe du travail de reproduction sociale. La recherche agronomique s’est longtemps désintéressée de l’agriculture vivrière. Cette dévalorisation des connaissances, pratiques et cultures des paysannes et de l’agriculture vivrière (même si des hommes aussi pratiquent les cultures vivrières) participe de la hiérarchisation de ce qui est associé au masculin ou au féminin, le domaine féminin étant moins valorisé, associé au « traditionnel ».
L’agriculture vivrière, parce qu’elle n’est pas incluse de façon organique dans le processus de production et de circulation du secteur capitaliste, parce qu’elle est le lieu d’une surexploitation du travail, parce qu’elle ne peut donc être aidée sans que disparaisse le bénéfice de cette surexploitation, l’agriculture vivrière est vouée, malgré son importante décisive dans le développement, à une crise permanente et de plus en plus profonde. Elle se maintient et continue à contribuer aux approvisionnements de populations, malgré les mauvaises conditions de son développement, parce qu’elle reste le support de structures sociales qui permettent la reproduction de la force de travail et qui assurent la sécurité sociale de la majorité de la population. […] L’introduction progressive des capitaux (machines, outillage, engrais, etc.) ou du salariat place les exploitations qui en font l’expérience en situation défavorable, à la fois par rapport aux communautés domestiques – qui continuent à vendre leur production au-dessous de leur coût – et par rapport à la concurrence des productions importées provenant d’une agriculture à haute productivité ou subventionnée. (Comité d’information Sahel 1975, 36-37)
16Pour expliquer comment l’agriculture vivrière « reste le support de structures sociales qui permettent la reproduction de la force de travail et qui assurent la sécurité sociale de la majorité de sa population », l’économie politique agraire doit prendre en considération le travail reproductif, majoritairement féminin et non rémunéré. Or, comme le dit Razavi, « L’économie politique du changement agraire n’a jamais sérieusement considéré les relations qui existent entre la sphère de la reproduction, le plus souvent féminisée et non rénumérée, et le travail et les biens, plus visibles, qui entrent dans les circuits de l’accumulation » (Razavi 2009, 198).
17Femmes, greniers et capitaux… Ce titre de l’ouvrage de Meillassoux en 1975, défendait notamment l’argument selon lequel l’économie domestique appartient à la sphère de circulation du capitalisme, qu’elle approvisionne en force de travail et en denrées, mais reste en dehors de la sphère de production capitaliste. C’est en maintenant ces liens organiques entre économie capitaliste et domestique que la première assure sa croissance et sa prospérité.
18Pour maintenir cette articulation, il est essentiel de préserver l’une, pour continuer à lui soustraire sa substance, sans la détruire, pour alimenter l’autre. Or, c’est justement à travers la constitution d’identités et de rapports de genre inégaux – qui assurent notamment que le travail reproductif soit « naturellement » pris en charge par les femmes, sans que ce travail ne soit visible ni rémunéré à sa juste valeur – que l’on peut expliquer comment est préservée l’économie domestique et comment se maintient ce lien organique entre l’économie domestique et l’économie capitaliste.
19Jusqu’à quel point les politiques néo-libérales ont-elles transformé la sphère de production où dominent les rapports de production de type domestique, en la « marchandisant » ? Cette marchandisation n’est-elle pas en train de fissurer le lien organique entre économie domestique et capitaliste ? La fragilisation de l’agriculture vivrière et les prix alimentaires élevés provoquent une crise de la reproduction sociale. L’accès à la terre pour les femmes, l’accès aux micro-crédits, etc., doivent-ils être analysés comme des recours pour maintenir cette sphère où prédominent des rapports de production domestiques ? Est-ce une manière de conserver la reproduction sociale à bas coût, en maintenant le travail (féminin) agricole et reproductif partiellement en dehors de la sphère de production capitaliste ? Comment interpréter cet intérêt, sur la scène internationale, pour la reconnaissance de ces droits, pour lesquels les organisations de femmes luttent depuis longtemps ?
20La féminisation de l’agriculture, constatée dans diverses régions du monde, participe de la dévalorisation de la production agricole sous l’effet de la libéralisation, et, loin de signifier un empowerment des paysannes, elle est plutôt le résultat d’un manque d’accès à d’autres débouchés plus valorisés, liés à la diversification des emplois agricoles et dont les hommes se saisissent. La féminisation de l’agriculture représente un accroissement de la charge de travail, une dégradation des conditions de travail et de très faibles rémunérations du travail. Elle incarne cette nécessité de maintenir le travail reproductif (agricole) partiellement en dehors de l’économie capitaliste.
21En dehors de la reconnaissance légitime des droits – à la terre, aux semences, à l’alimentation, au pouvoir de décision sur la production agricole, etc. – la question de la valeur du travail féminin, et en particulier le travail reproductif, constitue un vaste champ de recherche. Le travail productif agricole féminin réalisé dans le cadre des rapports de production de type domestique doit être conceptualisé comme partie prenante du travail reproductif. L’économie politique du care et ses transformations, sa marchandisation, la nouvelle division internationale du travail, concernent ainsi également le travail agricole et en milieu rural. En incorporant leur travail dans des cultures de rente ou en vendant leurs productions vivrières ou leur force de travail, en tant qu’ouvrières dans l’agro-industrie, les femmes s’inscrivent-elles dans de nouvelles configurations de genre ? Les analyses sur les hiérarchies de genre dans le marché du travail rural, sur les différentes formes de travail féminin, trop souvent considéré d’« appoint » (pocket money) (Whitehead et Kabeer 2001), constituent d’autres champs de recherche importants sur les rapports de pouvoir.
22Loin d’être des victimes et de subir, les paysannes réagissent, s’organisent, dans des organisations économiques locales, en occupant des espaces auparavant masculins (cultures de rente, ouvrières agricoles), dans des associations, des mouvements sociaux, des occupations de terre. Des organisations proposent de promouvoir la souveraineté alimentaire. La participation des femmes aux mouvements sociaux n’a pas à elle seule garanti la prise en compte des intérêts de genre ou la transformation des rapports de genre dans un sens plus égalitaire (Agarwal 1994). Mais les paysannes sont plus visibles, reconnaissent les différences entre elles et bousculent les rapports de pouvoir entre hommes et femmes.
23Une analyse de genre des changements agraires permet de repenser l’organisation politique et économique du travail agricole et reproductif, au cœur des inégalités sociales.
Source du chapitre : Cet article reprend en grande partie un texte publié dans Verschuur (2011).
Bibliographie
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Auteur
Anthropologue, Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), Genève, Suisse.
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