Présentation des Cahiers genre et développement
p. 9-12
Note de l’éditeur
Référence : Verschuur, Christine. “Présentation des Cahiers genre et développement” in Christine Verschuur, Genre, changements agraires et alimentation, Genève, Cahiers Genre et Développement, n°8, Genève, Paris : EFI/AFED, L'Harmattan, 2012, pp. 9-12, DOI : 10.4000/books.iheid.5234 – Acheter le .pdf chapitre éditeur.
Texte intégral
1Nous publions ici le huitième volume de la collection des Cahiers genre et développement, lancée depuis l’année 2000. Chacun de ces volumes est constitué de recueils de documents de référence et d’articles originaux relatifs au concept de genre et à l’analyse des problèmes de développement qu’il permet, sur une thématique particulière. La collection ne constitue pas un « manuel » mais propose, de manière accessible et en langue française, un choix de documents concernant les inégalités de genre dans le développement : articles théoriques, analyses sectorielles, études de cas, avec de nombreuses références bibliographiques, à la fin de chaque document. Ce matériel se compose de traductions, d’extraits d’ouvrages ou d’articles, mais aussi de contributions inédites d’auteur-es du Sud et du Nord. Ils sont destinés à des chercheur-es ou étudiant-es, des institutions de recherche et de développement, à des responsables ou à des chargé-es de programmes dans des ONG ou des organismes de coopération.
2Les Cahiers genre et développement contribuent ainsi à mieux faire connaître la diversité des approches, idées et pratiques féministes en lien avec la problématique du développement. Un riche champ d’étude en genre et développement s’est constitué depuis une cinquantaine d’années, qui contribue de manière incontestable aux analyses critiques du développement, tant au niveau des théories que des pratiques.
3Le premier numéro des Cahiers genre et développement fournit des éléments pour mieux comprendre le concept de genre en tant qu’outil d’analyse. Les numéros 2 et 3 portent sur l’économie, constituant un ensemble. Le numéro 2 présente un premier éclairage des rapports sociaux entre hommes et femmes, de leurs transformations, et de l’ensemble des situations dans lesquelles les femmes sont insérées économiquement. Il expose également les principales notions qui informent structurellement ces situations, comme celle de la division sexuelle du travail, de l’articulation entre les rapports de production de type domestique et les rapports de production de type capitaliste. Le numéro 3 poursuit cette analyse économique, en se penchant particulièrement sur l’accélération du mouvement de mondialisation économique néolibérale, l’accroissement des inégalités et des écarts entre la pauvreté des uns et la prospérité des autres. Le numéro 4 présente les réflexions sur les pouvoirs, les processus d’empowerment, les transformations des rapports et des identités de genre, les processus d’organisation autour de la prise de conscience et la défense des droits. Il aborde les mouvements et organisations de base et féministes qui cherchent à promouvoir des changements vers une plus grande justice sociale et des rapports plus équitables entre hommes et femmes. Dans le numéro 5, ces questions sont abordées dans le contexte de la division internationale du travail et des migrations. La perspective de genre permet non seulement de rendre les femmes visibles parmi les migrants, mais aussi de souligner les discriminations particulières qui les affectent. Le numéro 6 s’intéresse à comprendre comment les femmes, selon leur appartenance de classe et de race, interviennent dans les associations et mouvements populaires, environnementaux et urbains. Le numéro 7 s’attache à souligner la diversité et la richesse des mouvements de femmes de par le monde, depuis la fin du XIXe siècle, qui se sont organisés autour d’enjeux variés. L’ouvrage montre aussi comment les apports des féministes et des mouvements de femmes de tous pays ont contribué à la construction de la pensée féministe. Il indique comment la réflexion sur l’intersectionnalité des catégories de genre, classe, race, caste, que les études genre ont largement abordée depuis des années, a nourri et d’une certaine manière précédé le champ des études postcoloniales.
4Le numéro 8 que nous présentons ici porte sur le développement rural et agricole. Les études critiques du développement agricole et rural ont certes analysé les processus d’appauvrissement des paysannes et des paysans et les politiques ayant mené aux dépendances alimentaires. Cet ouvrage se propose de revisiter ces analyses critiques en prenant en compte les rapports sociaux de genre. Si le fait que les femmes contribuent à la production agricole est actuellement indiscutable (Boserup 1970, FAO 2011), si l’accès inégal à la terre ou à d’autres ressources comme l’eau, le crédit, les outils, est mieux reconnu, la recherche ne s’intéresse encore que trop peu aux savoirs et stratégies des paysannes, aux systèmes de production paysans et à la place que les paysannes y occupent, aux rapports de pouvoir entre producteurs et productrices agricoles, à la multiplicité des activités agricoles et rurales – y compris le travail des paysannes dans le commerce rural ou celui des ouvrières agricoles dans les grandes exploitations –, aux changements liés à la mondialisation dans les rapports de pouvoir entre hommes et femmes dans le secteur rural. Cet ouvrage aborde ainsi plusieurs champs de réflexion : les silences dans l’économie politique des changements agraires en raison de l’absence de prise en compte du genre, entendu comme un outil d’analyse ; la libéralisation agricole et l’articulation du travail reproductif et productif au sein des systèmes de production agricoles ; les logiques d’action des paysannes et les rapports de pouvoir entre hommes et femmes dans les systèmes de production vivrière, ainsi que les transformations du travail en milieu rural ; le champ de recherche autour de la question de l’accès des femmes à la terre ; les luttes des paysannes et les enjeux liés au droit à l’alimentation.
5Les Cahiers genre et développement constituent un espace pour mieux faire connaître l’outil d’analyse qu’est le genre, un espace aussi où se croisent les théories féministes, dans toute leur diversité, avec les études du développement. Un espace où s’expriment et sont rapportés les expériences concrètes des femmes, de différentes appartenances et origines culturelles, et les savoirs qui sont élaborés par et avec elles. Nous poursuivons dans chacun des Cahiers nos efforts afin de mieux rendre compte des multiples apports des chercheur-es, mouvements féministes et organisations de femmes, en particulier du Sud, auxquel-les les théories féministes sont redevables.
6Les Cahiers genre et développement ont pour objectif de contribuer à ce que la perspective de genre soit incorporée dans les recherches, formations, programmes et projets. Ils favorisent les échanges sur les expériences et la circulation des résultats des recherches, maintenant plus nombreuses, entreprises avec cet outil d’analyse. Cela devrait permettre aux personnes de mondes académiques, professionnels et culturels variés de contribuer à la conceptualisation et au débat critique sur cette problématique, et de penser aux liens entre engagements féministes et contre les inégalités sociales d’une part, et engagements professionnels, définition et mise en œuvre de politiques et programmes, d’autre part.
7Pour accompagner ces efforts, un Pôle genre et développement s’est mis en place depuis 2003 au sein de l’IHEID (Institut de hautes études internationales et du développement1), à Genève, avec le soutien de la Direction du Développement et de la Coopération suisse (DDC). Le Pôle genre et développement a pour objectif de renforcer, de promouvoir et d’intégrer des initiatives de réflexion, de recherche, de formation et d’échanges dans le domaine du genre au sein des études du développement. Il cherche à encourager la prise en compte de cette perspective dans les politiques et programmes de développement.
8Reconnaissant la pertinence de ce champ de savoir interdisciplinaire en genre, un Programme genre, globalisation et changements a été créé au sein de l’IHEID en 2011, qui prolonge et étend les activités du Pôle genre et développement. Sur son site Internet2 peuvent être trouvées des informations sur les projets de recherche, les colloques internationaux, les publications, les formations en ligne (e-learning), l’enseignement et l’école doctorale en études genre. Un important fonds documentaire au sein de la bibliothèque de l’IHEID a été constitué et des réseaux ont été tissés avec des institutions en Suisse, en Europe, et dans des pays du Sud.
9Inclure une perspective de genre donne des outils pour infléchir l’orientation des paradigmes de développement actuels, en particulier dans le contexte de la mondialisation, en y incluant les critiques et les revendications de plusieurs décennies de luttes et d’études féministes, aux Suds comme aux Nords. Les transformations des rapports de genre impliquent de profonds changements, pour aller vers une société plus juste et équitable.
Notes de bas de page
1 L’IUED (Institut universitaire d’études du développement) et l’IUHEI (Institut universitaire de hautes études internationales) de Genève ont fusionné en 2008 pour devenir l’IHEID (Institut de hautes études internationales et du développement).
Auteur
Anthropologue, chargée d’enseignement et de recherche à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) et responsable du Pôle genre et développement de l’IHEID, Genève, Suisse.
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Le genre : un outil nécessaire
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