L’ONU devant le droit
p. 241-270
Note de l’éditeur
Paru dans le Journal du droit international, Clunet, vol. 99, 1972, pp. 501-533. © Editions Techniques, Paris.
Texte intégral
1L’Organisation des Nations Unies a été établie avant tout afin de « préserver les générations futures du fléau de la guerre ». Elle est ainsi appelée à être mêlée à toutes les grandes crises que traverse la société internationale et à être utilisée dans les grandes manœuvres auxquelles se livrent les puissances sur la scène mondiale. En d’autres termes, il s’agit d’une institution politique et qui doit être considérée comme telle. Vouloir l’étudier sous l’angle de la pure technique juridique conduit inévitablement à passer à côté des véritables problèmes qu’elle pose à l’observateur de la vie internationale et, finalement, à aboutir à des conclusions erronées ou trompeuses. Ce parti pris, fréquent en France, où l’étude des organisations internationales est traditionnellement liée à celle du droit international, n’a pas peu contribué à l’incompréhension – elle-même génératrice de mépris – dont on fait encore trop souvent preuve dans ce pays à l’égard du « machin » des bords de l’East River. On est amené à dénoncer ainsi à la fois son impuissance – c’est-à-dire l’insuffisance de ses pouvoirs juridiques (que l’on compare à ceux de l’Etat, sans voir le mal-fondé d’une telle comparaison) – et son cynisme – c’est-à-dire sa désinvolture à l’égard des principes juridiques les mieux établis.
2En vérité, en tant qu’institution à compétence politique, l’ONU est soumise au jeu des forces politiques que l’on pourrait qualifier de « sauvages », en ce sens que la puissance des intérêts en jeu et la gravité de leurs affrontements font que ces forces n’ont guère été apprivoisées par le droit et que celui-ci ne vient qu’à un rang assez bas dans les motivations des acteurs qui les incarnent. Il s’en faut, cependant, que le droit soit absent du fonctionnement de l’Organisation. Le prétendre serait tomber dans une erreur symétrique à celle que nous dénoncions plus haut, erreur commise par ceux qui réduisent les relations politiques à des rapports de force et ignorent la composante juridique présente en tout pouvoir politique.
3Ce nouveau parti pris empêche d’apercevoir que l’Organisation mondiale est engagée dans une entreprise de stabilisation des rapports internationaux par un apprentissage progressif de la supériorité de la sécurité procurée par la règle de droit sur celle qui résulte de la puissance militaire, dangereuse, coûteuse et instable, parce que toujours menacée de dépassement par celle de l’adversaire.
4C’est dire qu’il existe bien des rapports entre l’ONU et le droit. Ces rapports sont même d’une importance fondamentale. Mais ils sont aussi beaucoup plus complexes et nuancés – plus évolutifs aussi – que certaines opinions traditionnelles le laissent supposer.
5Pour simplifier, on peut dire que l’ONU entretient une double relation avec le droit. Une relation institutionnelle, tout d’abord : en dépit de son caractère politique, l’ONU n’est pas autre chose qu’une institution juridique ; elle a pris naissance par un acte juridique, qui lui a confié sa structure et ses compétences, ainsi que celles de ses organes ; elle doit son existence au droit et fonctionne grâce au droit, auquel elle se trouve, de ce fait, soumise. Mais elle lui est aussi fonctionnellement attachée : ses activités concernent directement l’ordre juridique international, où elle joue un rôle de premier plan dans l’exercice des deux fonctions inhérentes à tout ordre juridique, la création et l’application du droit.
6Prétendre embrasser dans leur totalité ces relations entre le droit et l’ONU constituerait une entreprise démesurée, qui déborderait largement les dimensions qu’il convient de maintenir à cette étude. On se limitera donc à la première branche de cette double relation : le droit applicable à l’ONU en tant qu’institution juridique. Encore s’en tiendra-t-on aux aspects les plus généraux : ceux qui définissent le statut de l’Organisation au regard du droit international, d’une part, et ceux qui lui confèrent son statut constitutionnel, d’autre part1. Nous nous efforcerons de dégager les grands principes qui dominent ces deux statuts, en les illustrant de quelques exemples empruntés aux vingt-cinq premières années de fonctionnement des Nations Unies.
I. Le statut juridique
7Considérée sous cet angle, l’Organisation des Nations Unies se présente comme un acteur autonome dans l’ordre juridique international : en d’autres termes comme un sujet du droit international. Sa place parmi les autres protagonistes de la vie internationale se trouve essentiellement définie par les attributs propres à tout sujet de droit : sa personnalité juridique et la capacité qui y est attachée. On doit y ajouter deux éléments particuliers à l’ordre juridique international. Le premier situe l’ONU dans l’histoire des organisations universelles : par analogie avec une institution classique du droit international, on peut parler à ce propos de succession d’organisations. Le second assigne à l’ONU son rang dans une société composée d’Etats souverains : ce sont les privilèges et immunités dont elle peut se prévaloir à l’égard de ces derniers.
1. La personnalité juridique internationale
8La question est si classique et si souvent exposée qu’on hésite à s’y arrêter. Quelques rappels sont néanmoins nécessaires.
a) Le fondement de la personnalité juridique
9Comme on sait, la Charte dote l’Organisation « sur le territoire de chacun de ses membres, de la capacité juridique qui lui est nécessaire pour exercer ses fonctions et atteindre ses buts » (art. 104). Dans la mesure où l’on admet que la capacité juridique est inséparable de la personnalité juridique, cette disposition règle le problème dans l’ordre interne des Etats membres où l’ONU peut faire tous les actes de la vie juridique exigés par l’accomplissement de ses fonctions et la défense de ses intérêts. En signant et ratifiant la Charte, ou en y adhérant, les Etats membres reconnaissent cette personnalité et doivent donc prendre toutes les mesures législatives ou autres indispensables pour que l’Organisation puisse effectivement en jouir.
10Il s’en faut, cependant, que toutes les entités dotées de la personnalité juridique dans l’ordre interne des Etats possèdent la même personnalité sur le plan international. C’est même le contraire qui est la règle. La question de la personnalité internationale de l’ONU n’était donc pas résolue par la Charte. On pouvait penser qu’il y avait là une lacune fâcheuse, qu’il convenait de réparer.
11L’occasion en fut fournie par l’attentat qui coûta la vie au Médiateur des Nations Unies en Palestine et à l’un de ses collaborateurs, assassinat qui soulevait toute la question de la protection internationale des agents des Nations Unies. En particulier, l’Organisation avait-elle qualité pour poursuivre, par les voies internationales, la réparation de préjudices éventuellement causés à elle-même et à ses agents engageant la responsabilité internationale d’un Etat ? Une demande d’avis consultatif sur ce point fut adressée par l’Assemblée générale à la Cour internationale de Justice en décembre 1948.
12L’avis de la Cour sur la réparation des dommages subis au service des Nations Unies, rendu le 11 avril 1949 (Rec. CIJ 1949, 174), présente un intérêt doctrinal exceptionnel. La Cour estime que l’Organisation des Nations Unies est « revêtue de la personnalité internationale », c’est-à-dire qu’elle constitue « une entité capable d’être bénéficiaire d’obligations incombant à ses membres » (ibid., p. 178) et ayant, plus généralement, « la capacité d’agir sur le plan international » et « d’être titulaire de droits et devoirs internationaux » ainsi que « de se prévaloir de ses droits par voie de réclamation internationale » (ibid., p. 179).
13Le raisonnement par lequel la Cour arrive à cette conclusion a une très vaste portée. C’est ce qui en fait la valeur. « On doit admettre », affirme-t-elle en parlant de l’Organisation, « que ses Membres, en lui assignant certaines fonctions, avec les devoirs et les responsabilités qui les accompagnent, l’ont revêtue de la compétence nécessaire pour lui permettre de s’acquitter effectivement de ces fonctions » (ibid., p. 179).
14Cette phrase mérite d’être méditée. Elle pose, en effet, un certain nombre de principes qui étaient loin d’être unanimement acceptés à l’époque. Le premier est que des Etats qui créent une organisation internationale ont le pouvoir de lui conférer la personnalité juridique, c’est-à-dire de donner naissance à un nouveau sujet du droit international, capable d’être titulaire de droits et d’obligations vis-à-vis d’eux, c’est-à-dire de s’imposer face à eux comme une entité autonome, ayant ses intérêts propres à sauvegarder. C’est là une affirmation tout à fait générale, qui peut être appliquée aussi à d’autres organisations internationales que l’ONU, bien que la Cour se soit évidemment limitée à considérer la situation de cette dernière.
15En second lieu, cette attribution de personnalité juridique n’a pas besoin d’être expresse, puisque, aussi bien, la Charte était muette sur ce sujet. On doit tenir compte de tout ce qui est impliqué dans les stipulations formelles de l’acte de fondation. L’attribution de fonctions implique nécessairement, par voie de corollaire, l’attribution des compétences requises pour l’accomplissement effectif de ces fonctions, même si le traité constitutif a omis de les prévoir expressément.
16Ici, le raisonnement va encore plus loin. Il n’est pas limité, en effet, à la seule question de la personnalité juridique, mais peut s’appliquer à toutes les hypothèses où l’existence ou l’étendue des compétences d’une organisation et de ses organes est en discussion. Si on l’entend bien, il pose une règle générale d’interprétation des traités constitutifs d’organisation internationale, dont on chercherait en vain l’équivalent dans les autres traités, qui déterminent uniquement les droits et obligations mutuels des Etats qui y sont parties. On s’éloigne notablement de la règle de l’interprétation textuelle, posée par l’article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. D’autre part, alors que cet article dispose que le traité doit être interprété « à la lumière de son objet et de son but », la Cour pose en principe que « les droits et devoirs d’une entité, telle que l’Organisation, doivent dépendre des buts et des fonctions de celle-ci, énoncés ou impliqués par son acte constitutif et développés dans la pratique » (ibid., p. 180). Il y a là plus qu’une nuance : il s’agit véritablement d’un système d’interprétation différent. La distance semble d’ailleurs s’élargir encore lorsqu’on considère le rôle de la pratique ultérieure dans l’interprétation (cf. Convention de Vienne, art. 31, § 3, b). Nous aurons à revenir un peu plus tard sur ce point.
17Un autre aspect de l’avis consultatif du 4 avril 1949 mérite d’être relevé. Jusqu’à présent, il a été question seulement des rapports entre l’organisation et ses membres : c’est la raison pour laquelle ce qui était dit de l’ONU pouvait être considéré comme transposable à d’autres organisations. Mais la Cour s’est également demandé si l’ONU pourrait présenter une réclamation nationale à des Etats non membres. Elle a répondu de façon affirmative : « La Cour est d’avis que cinquante Etats, représentant une très large majorité des membres de la communauté internationale, avaient le pouvoir, conformément au droit international, de créer une entité possédant une personnalité internationale objective – et non pas simplement une personnalité reconnue par eux seuls » (ibid., p. 185). On peut déduire de cette opinion que l’apparition du nouveau sujet de droit international que constitue une organisation relève de la reconnaissance, comme lorsqu’il s’agit d’un nouvel Etat. Fait toutefois exception à cette règle, qui n’en avait connu aucune jusqu’alors, la création d’une organisation universelle voulue par des Etats « représentant une très large majorité des membres de la communauté internationale ». L’argument s’est considérablement renforcé depuis lors, en raison des progrès réalisés par l’ONU sur la voie de l’universalité. A terme, c’est-à-dire lorsque l’universalité sera totale, la question perdra tout intérêt pratique, mais nous n’y sommes pas encore.
18Certaines imprécisions subsistent. Le raisonnement doit-il être limité à la seule Organisation des Nations Unies, organisation politique, ou peut-il être étendu à d’autres organisations universelles, à compétence limitée, mais possédant des membres comparativement aussi nombreux ? Pourrait-il même s’appliquer à une organisation fondée par des Etats constituant la très large majorité de la communauté internationale, mais qui n’aurait pas une vocation universelle ? Quelles que soient les réponses données à ces questions, il reste qu’une brèche a été faite dans le principe très général de la relativité des actes juridiques internationaux, qu’ils soient conventionnels ou unilatéraux. Selon la Cour, à condition d’être suffisamment nombreux, des Etats ont le pouvoir de créer une situation juridique objective qui s’impose à des Etats tiers et peut produire certains effets à leur encontre, indépendamment de toute acceptation ou reconnaissance de leur part. Il y a là une idée totalement étrangère à la conception individualiste et consensualiste du droit international traditionnel et dont toutes les conséquences – véritablement révolutionnaires – sont loin d’avoir été tirées.
b) Unité ou multiplicité ?
19En dépit de ce caractère exceptionnel, la personnalité internationale de l’ONU était évidemment unique dans l’opinion de la Cour. On peut se demander, à la lumière de la pratique, s’il en est toujours ainsi.
20L’une des principales manifestations de la personnalité internationale d’une entité est sa capacité de passer des traités internationaux. L’ONU en passe assez fréquemment. Les organes compétents pour les conclure sont variés et certaines formules de la Charte peuvent, à cet égard, être ambiguës. C’est ainsi, par exemple, que l’article 63 prévoit que « Le Conseil économique et social peut conclure, avec toute institution visée à l’article 57 (institution spécialisée) des accords fixant les conditions dans lesquelles cette institution sera reliée à l’Organisation ». Il est clair, cependant, que le Conseil agit dans ce cas en qualité d’organe et que c’est, en réalité, l’Organisation des Nations Unies qui conclut l’accord. L’identité véritable des parties est d’ailleurs bien apparente dans le texte des accords de l’espèce.
21Il n’en va cependant pas toujours ainsi. Certains organes subsidiaires ont été établis par l’Assemblée générale (en vertu de l’article 22) et dotés de l’autonomie financière, du fait qu’ils étaient appelés à fonctionner à l’aide de ressources extrabudgétaires (notamment des contributions volontaires). C’est le cas, par exemple, de l’UNICEF (Fonds de secours à l’enfance) et du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) ou, avant ce dernier, du Fonds spécial, qu’il a intégré avec le Programme élargi d’aide au développement. Pour l’exécution de leurs programmes, ces organes sont appelés à passer des accords internationaux avec des organisations internationales ou avec des Etats. Ils les signent en leur nom propre et en se présentant comme des parties indépendantes, ce qui semble signifier qu’ils possèdent une personnalité juridique distincte de celle de l’Organisation dont, constitutionnellement, ils devraient être considérés comme de simples organes. Les règles financières applicables aux fonds utilisés pour la réalisation des opérations visées dans ces accords ne permettraient que difficilement une autre solution, d’ailleurs. L’autonomie financière et la disposition de ressources propres sécrètent, en quelque sorte, la personnalité juridique, par un phénomène original. Ceci jette un jour intéressant et nouveau sur la notion même d’organe subsidiaire, qui est loin d’avoir l’unité et la simplicité que la seule lecture de la Charte laisserait supposer.
22Les observations précédentes confirment que la notion de personnalité juridique est liée à l’existence d’un centre autonome d’intérêts, notamment d’intérêts économiques ou financiers. Elles suggèrent aussi que les organisations internationales (ou, en tout cas, l’ONU) seraient dotées d’un pouvoir que le droit international a toujours refusé aux Etats : celui de créer de nouveaux sujets de droit international par un acte unilatéral (en l’espèce, une simple résolution de l’Assemblée générale), au lieu de devoir recourir à l’instrument qu’est le traité. Cette solution est d’ailleurs logique, puisque toute organisation réunit un ensemble d’Etats et que les actes de ses organes intergouvernementaux sont des actes collectifs.
2. La capacité juridique internationale
23Elle n’est pas autre chose qu’un attribut (et la raison d’être) de la personnalité juridique. Elle n’en pose pas moins des problèmes particuliers, notamment pour déterminer dans quelle mesure elle autorise la personne qui en est investie à agir sur le plan du droit et l’expose à l’application du droit.
a) La nature et l’étendue de la capacité
24Comme on le rappelait plus haut, l’institution de la personnalité juridique sert à identifier les entités dotées d’une certaine capacité et à les différencier de toutes celles qui n’en bénéficient d’aucune. Elle soulève donc un problème d’existence : la question est de savoir si telle ou telle entité a ou n’a pas la personnalité juridique : on ne peut répondre que par oui ou par non. En ce sens, lorsque la Cour internationale dit, dans son avis précité, que « l’Organisation possède une large mesure de personnalité internationale » (ibid., p. 179), elle emploie un langage qui manque de rigueur.
25Au contraire, la capacité pose avant tout un problème d’étendue. Toutes les personnes juridiques ont une capacité, mais toutes n’ont pas la même. Suivant le cas, elles auront accès à une gamme plus ou moins complète d’actes juridiques et pourront devenir titulaires d’un nombre plus ou moins élevé de catégories de droits et d’obligations. Cette hétérogénéité est un principe qui se rencontre dans tous les droits étatiques, mais dont on pouvait se demander s’il était également applicable en droit international.
26La Cour a rencontré ce problème dans son avis de 1949. Elle a eu grand soin de souligner que le fait de reconnaître en l’Organisation une personne internationale « n’équivaut pas à dire que l’Organisation soit un Etat, ce qu’elle n’est certainement pas, ou que sa personnalité juridique, ses droits et devoirs soient les mêmes que ceux d’un Etat » (ibid., p. 179). Après avoir affirmé la personnalité internationale de l’ONU, elle a dû encore se demander si cette personnalité lui permettrait de présenter une réclamation internationale.
27La réponse a été affirmative et c’est encore le raisonnement précédemment évoqué qui a été utilisé pour y parvenir : la Cour a recherché si les buts et fonctions de l’Organisation impliquaient ou non la jouissance d’un tel droit. Elle a estimé que l’Organisation pouvait non seulement demander réparation des dommages causés à ses intérêts propres, à ses moyens de fonctionnement, à son patrimoine et aux intérêts dont elle a la garde, ce qui va déjà très loin, mais aussi qu’elle avait qualité pour demander réparation des dommages causés à ses agents, sur la base d’un droit de « protection fonctionnelle » calqué sur celui de la protection diplomatique.
28En d’autres termes, la capacité de l’ONU est elle-même une capacité fonctionnelle, qui se mesure exactement aux exigences de ses fonctions et doit être appréciée in concreto : elle peut varier dans le temps, à la lumière de la pratique. La formule a une portée générale, ce qui permet de la transposer à toutes les organisations internationales.
29Qu’on ne s’y méprenne pas : dans son avis de 1949, la Cour n’a prétendu examiner que la situation de l’ONU, comme elle était invitée à le faire. Il ne s’est agi d’ailleurs que d’un avis consultatif, dépourvu de toute force obligatoire. Le raisonnement suivi a présenté, néanmoins, une portée tellement générale qu’il était susceptible de s’appliquer (sauf en ce qui concerne la « personnalité objective ») à toute organisation internationale. Il a paru tellement convaincant qu’il a été très généralement accepté et peut être considéré comme ayant jeté les bases d’un droit commun de l’organisation internationale. Ceci amène une remarque importante, sur laquelle nous voulons attirer l’attention, car elle s’applique à l’ensemble des observations de cet article, mais ne sera pas répétée. Il y a lieu de distinguer entre le droit commun des organisations internationales – qui constitue une branche du droit international général – et le droit spécial à chacune d’entre elles, qui découle des dispositions particulières de son acte constitutif et de sa pratique individuelle. Le droit qui s’est développé au sein de l’ONU et qui s’applique à elle constitue, en principe, du droit propre à l’Organisation. L’importance que celle-ci a acquise dans les rapports internationaux n’en a pas moins eu pour conséquence que sa pratique et les principes juridiques dont elle s’inspire ont pris valeur de modèles et ont ainsi exercé une influence souvent décisive sur la formation d’un droit commun, valable pour l’ensemble des organisations internationales, sauf là où il se heurte à des règles ou à une pratique contraires. Cette observation doit, cependant, être tempérée par la reconnaissance du fait que l’Organisation des Nations Unies est, à bien des égards, une institution unique dans la société internationale : dans tous les domaines où cette singularité s’accuse, son expérience juridique ne peut évidemment pas être transposée à d’autres.
30Les deux aspects du phénomène sont également importants et ont été quelque peu méconnus. Certains auteurs ont tendance à penser qu’il n’existe pas de droit commun de l’organisation internationale, mais seulement des droits particuliers, ce qui ne paraît pas conforme à ce que révèle l’observation. D’autres auteurs (ou parfois les mêmes) présentent l’ONU comme une organisation internationale comme les autres, « dans le rang » en quelque sorte, soumise aux mêmes principes de droit international que toutes les autres, ce qui ne correspond pas davantage à la réalité. Il faut reconnaître la spécificité de l’Organisation mondiale, avec toutes les conséquences qui en résultent sur le plan du droit.
31En l’espèce, on peut se demander si le droit de « protection fonctionnelle » de ses agents, tel qu’il a été admis par la Cour, pourrait être reconnu à d’autres organisations, alors que rien n’empêche d’admettre très largement, au contraire, le droit de réclamer réparation pour les dommages propres. Le droit de passer des traités variera, évidemment, en fonction de l’étendue de la compétence de chaque organisation : il est exceptionnellement étendu dans le cas de l’ONU, comme le relève la pratique (qui va des accords de siège à des accords politico-militaires comme ceux relatifs aux déplacements d’une force internationale et à son activité, en passant par les multiples conventions relatives à la fourniture d’une assistance, ou à l’organisation de la coopération avec des Etats ou d’autres organisations dans les domaines les plus variés). L’ONU a également reconnu qu’elle avait à assumer une responsabilité internationale de caractère contractuel ou extracontractuel (v. sur ce point les accords U Thant-Spaak du 26 février 1965, sur certains dommages occasionnés par la Force des Nations Unies au Congo à des ressortissants belges ; cf. Jean Salmon : Ann. fr. dr. int. 1965, 468-497, et l’arbitrage organisé dans l’affaire Starway Ltd : Annuaire Nations Unies, 1969, 240-241).
b) La soumission au droit international général
32L’admission d’une responsabilité internationale soulève, à son tour, une question de portée beaucoup plus générale : dans quelle mesure l’ONU, en tant que personne internationale, est-elle soumise au droit international ? Ceci déborde très largement le problème des actes juridiques qui peuvent valablement être accomplis, à quoi on a tendance trop souvent de réduire l’examen de la capacité juridique.
33On peut répondre, tout d’abord, que, puisque l’ONU doit l’existence à un traité et qu’elle est habilitée à devenir partie à des traités, elle est soumise à toutes les obligations résultant de ces instruments. Mais la difficulté est ailleurs : elle est de savoir si et dans quelles limites l’Organisation est soumise au droit international général, c’est-à-dire au droit coutumier et aux principes généraux. Elle vient de ce que le droit international général s’est formé en vue de son application aux Etats. Or, comme l’a reconnu la Cour, l’ONU n’est certainement pas un Etat.
34Nous examinerons un peu plus bas les cas particuliers de la succession et des privilèges et immunités. Mais le problème est déjà posé pour le droit des traités : l’Organisation conclut des traités et doit donc être soumise au droit général qui les gouverne. Pourtant, certaines règles, relatives par exemple à la conclusion et qui se réfèrent aux organes de l’Etat, ne peuvent certainement pas lui être applicables. Le fait, d’autre part, que son existence et sa constitution dérivent déjà d’un traité est-il sans importance ? Le problème a paru suffisamment sérieux pour que la convention de Vienne, déjà citée, ait exclu expressément de son champ d’application les accords internationaux conclus par ou avec des organisations internationales (art. 3). Depuis lors, la Commission du droit international a inscrit cette question à l’ordre du jour de ses travaux.
35Un autre problème important est celui de l’application des lois de la guerre aux opérations militaires conduites par l’ONU. L’objet de ces opérations est fondamentalement différent de celui d’hostilités déclenchées par des Etats, puisqu’elles sont toujours conduites dans le cadre de la mission du maintien de la paix et de la sécurité internationales, confiée à l’Organisation par sa Charte. Les effets des combats, pour ceux qui s’y trouvent mêlés, produisent néanmoins toujours les mêmes effets, quelle que soit la qualification juridique. On conçoit que certaines règles, liées au caractère interétatique de la guerre, ne trouvent pas leur application dans ce cas, mais doit-il en être de même des règles de caractère humanitaire ? La question a été beaucoup discutée, mais n’a pas encore été complètement élucidée (v. sur ce point : M. Bothe, Le droit de la guerre et les Nations Unies à propos des incidents armés au Congo, Genève, 1967).
36On pourrait multiplier les exemples, en passant en revue tous les secteurs du droit international. Quelles sont les règles du droit international applicables à des navires battant pavillon des Nations Unies ou à des avions portant leur emblème, ou à des émissions radio effectuées par l’Organisation ? Quelles sont les obligations de cette dernière en matière postale ? Etc. Aucune réponse a priori ne peut être donnée ; chaque problème doit être examiné in concreto, en tenant compte de deux éléments : d’une part la finalité fonctionnelle de l’activité de l’ONU, fondamentalement différente de celle des Etats, puisqu’il s’agit toujours d’une fonction d’intérêt général ; d’autre part de la nature particulière de l’Organisation, qui ne possède aucune base territoriale et présente une structure intergouvernementale. La conclusion sera probablement qu’une grande partie des règles du droit international général ne s’appliquent pas, ou ne peuvent s’appliquer qu’au prix de très sérieux aménagements : ce sera le cas en particulier de toutes celles qui sont construites en fonction du caractère territorial de l’Etat, hors les hypothèses exceptionnelles (opérations militaires par exemple) où l’action de l’Organisation se développe sur une assiette territoriale.
3. La succession d’organisations
37La question de la succession fournit une excellente illustration de l’impossibilité d’appliquer à l’ONU des règles de droit international général conçues en fonction de souverainetés différentes sur un même territoire. Il s’agit, à l’évidence, d’une question tout autre que celle qui concerne la succession d’organisations. En gros, le problème est apparu pratiquement dans quatre domaines : la succession aux biens de la Société des Nations, la succession aux fonctions de dépositaire de traités internationaux, la succession aux fonctions dévolues à la Cour permanente de Justice internationale, la succession aux fonctions de surveillance internationale du régime des mandats.
38La dévolution des biens de la Société des Nations a été réglée très simplement par un accord approuvé par l’Assemblée de la Société, réunie en 1946 aux fins de liquidation, et par l’Assemblée générale (Résolution 79 (I) 1946), complétée par des accords avec les Etats et les fondations qui pouvaient avoir des droits sur les biens utilisés par la SDN ou la Cour permanente de Justice internationale (Résolutions 84 et 98 (I) 1946). Ces différents documents ne méritent pas de longs commentaires. Il est clair que cette succession a été réalisée parce que l’Organisation des Nations Unies reprenait la place et les fonctions de la défunte Société.
39Cet aspect fonctionnel est encore plus marqué dans les autres domaines : c’est, en effet, la fonction elle-même qui est transférée d’une institution à l’autre. Il en est ainsi en matière de traités multilatéraux. Le principe d’une succession « sous bénéfice d’inventaire » avait été posé par l’Assemblée générale dès sa première session (Résolution 24 (I) 12 fév. 1946) et approuvé par la suite par l’Assemblée de la Société. Dans quelques cas, l’Assemblée générale a cru nécessaire d’adopter des protocoles amendant les conventions conférant certains pouvoirs à la SDN en vue de les transmettre à la nouvelle organisation (sur les stupéfiants, v. Résolution 54 (I) 1946 ; sur la traite des femmes et des enfants et le trafic des publications obscènes, v. Résolution 126 (II) 1947 et 256 (III) 1948 ; sur les statistiques économiques, v. Résolution 255 (III) 1948). Il a toutefois été admis que le Secrétaire général des Nations Unies était substitué ipso facto à son homologue de la SDN pour exercer les fonctions de dépositaires, dans le cadre de la « garde » de ces traités assumée par l’Organisation en vertu de la résolution 24 (I). De même, l’Assemblée générale s’est reconnue l’organe compétent pour exercer le pouvoir originairement dévolu au Conseil de la Société pour inviter les Etats à adhérer à certains traités multilatéraux (Résolution 1902 (XVIII) 1963 et 2021 (XX) 1965).
40La substitution de la Cour internationale de Justice à sa devancière, la Cour permanente, s’est réalisée, de façon plus radicale encore, par l’article 37 du Statut de la Cour. Le principe vaut même pour l’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour, au moins pour les membres originaires (Arrêt 26 mai 1959, Incident aérien du 27 juillet 1955, Israël c. Bulgarie : Rec. CIJ 1959, 142). En outre, les traités renvoyant à l’ancienne Cour ont conservé leur validité au moment de la dissolution de cette dernière, même à l’égard des Etats qui n’étaient pas alors parties au Statut de la nouvelle (arrêt 24 juil. 1964, Barcelona Traction, Light and Power Company Limited, exceptions préliminaires : Rec. CIJ 1964, 26 s).
41La reprise par l’Organisation des Nations Unies des fonctions exercées par la SDN en matière de mandats a soulevé beaucoup plus de difficultés. On sait que la question a été soulevée à propos du Sud-Ouest africain, seul des territoires sous mandat n’ayant pas accédé à l’indépendance que la puissance mandataire – en l’espèce l’Union sud-africaine – ait décliné de placer sous le nouveau régime de la tutelle établi par la Charte. Après quelques hésitations, l’Union sud-africaine a également refusé de se soumettre au contrôle de l’Organisation des Nations Unies, en se fondant sur le fait que les termes du mandat ne prévoyaient que la surveillance de la SDN. Saisie du problème, la Cour internationale a estimé que « l’Assemblée générale des Nations Unies (était) fondée en droit à exercer les fonctions de surveillance qu’exerçait précédemment la Société des Nations en ce qui concerne l’administration du Territoire et que l’Union sud-africaine a l’obligation de se prêter à la surveillance de l’Assemblée générale et de lui soumettre des rapports annuels » (Avis consultatif 11 juill. 1950 : Rec. CIJ 1950, 137).
42Devant le refus persistant de Pretoria de se prêter à cette observation et l’échec de toutes les tentatives de négociation, l’Assemblée générale a fini par se reconnaître le droit de mettre fin unilatéralement au mandat, du fait que la puissance mandataire « a failli à ses obligations en ce qui concerne l’administration du territoire sous mandat, n’a pas assuré le bien-être moral et matériel et la sécurité des autochtones du Sud-Ouest africain et a, en fait, dénoncé le mandat » (Résolution 2145 (XXI) 1966). A nouveau, la Cour internationale a été amenée à confirmer la compétence de l’Assemblée générale pour prendre une telle décision – ce qui était aller beaucoup plus loin que précédemment – pour le motif qu’« il faut voir avant tout dans l’Organisation des Nations Unies, successeur de la Société des Nations, agissant par l’intermédiaire de ses organes compétents, l’institution de surveillance qui a compétence pour se prononcer, en cette qualité, sur le comportement du mandataire à l’égard de ses obligations internationales et pour agir en conséquence » (Avis consultatif 21 juin 1971, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie – Sud-Ouest africain – nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de Sécurité : Rec. CIJ 1971, 49-50).
43L’intérêt de cette jurisprudence est dans sa portée. Elle affirme la permanence de certaines fonctions internationales, indépendamment de l’identité de l’organisation qui en a la charge à une époque ou à une autre : c’est là le principe de la succession. On peut donc bien parler, à ce propos, d’une succession fonctionnelle, par contraste avec la succession d’Etats, qui découle de la permanence du territoire (et de la population qui l’habite) sur lequel se succèdent des souverainetés différentes.
4. Les privilèges et immunités
44Des constatations analogues peuvent être faites à propos des privilèges et immunités de l’ONU. Le régime général des privilèges et immunités diplomatiques, qui repose sur la réciprocité, ne pouvait évidemment pas être appliqué à l’Organisation, du fait qu’elle ne possède pas de territoire. Cette particularité, pourtant, rendait d’autant plus indispensable de la faire bénéficier de privilèges et immunités la mettant à l’abri de l’application des lois locales à l’intérieur des bâtiments où son siège était établi et d’en accorder aussi aux représentants gouvernementaux composant ses organes aussi bien qu’à ses propres fonctionnaires. Son existence en tant qu’entité internationale indépendante du contrôle d’un Etat particulier était à ce prix.
45Dans ce cas, le droit international général fournissait un modèle beaucoup mieux adapté, puisque le régime des privilèges et immunités diplomatiques s’est lui-même progressivement fondé sur l’idée de protection de la fonction, définitivement consacrée par la convention de Vienne du 18 avril 1961. Il suffisait donc de faire les transpositions nécessaires pour tenir compte des différences, assez considérables, qui séparent les fonctions de la diplomatie bilatérale de celles de la diplomatie multilatérale et de l’organisation internationale elle-même. La matière a donné lieu, en fait, à une multitude de conventions bilatérales et multilatérales, puisque, indépendamment de la convention générale sur les privilèges et immunités de l’ONU (Résolution 22 (I) 1946), il faut compter les très nombreux accords de siège, permanents ou temporaires, passés par l’Organisation, ainsi que le projet d’articles sur la représentation des Etats dans leurs relations avec les organisations internationales, adopté par la Commission du droit international en 1971 et appelé à fournir la base d’un nouveau traité.
46Il est intéressant de voir ainsi que le statut international de l’Organisation des Nations Unies se trouve dominé, sous tous ces aspects, par le concept de fonction. Nous allons voir que celui-ci joue également un rôle considérable dans la détermination et surtout le développement de son statut constitutionnel.
II. Le droit constitutionnel
47La Charte de San Francisco est, formellement, un traité, mais, par son contenu, une véritable constitution. Elle forme la base de ce qu’il faut bien appeler, si on veut l’examiner de façon systématique, le droit constitutionnel de l’ONU. Quelle est la nature de ce droit ? C’est logiquement la première question à poser. Il y sera répondu plus facilement, cependant, si on cherche d’abord à déterminer son champ d’application, qui s’étend à la fois au statut des Membres et à la structure organique de l’Organisation elle-même.
1. Le contenu du droit constitutionnel
a) Le statut des Membres
48La Charte de San Francisco contient deux grandes catégories de dispositions, que l’analyse permet de distinguer, mais qui sont quelque peu confondues dans la rédaction même de ses articles. Les premières concernent les « Membres de l’Organisation » (art. 2. § 2, 3, 4, 5) ; les secondes s’appliquent à l’Organisation elle-même (art. 2, § 1 et 6).
49En réalité, à y regarder de plus près, les dispositions relatives aux Membres ne sont pas toutes identiques les unes aux autres. Certaines d’entre elles définissent des obligations très générales que les membres doivent respecter dans leurs rapports mutuels, voire même dans leurs rapports avec des Etats non membres et qui concernent, par conséquent, les relations internationales générales. Il en est ainsi, par exemple, de l’obligation de régler les différends internationaux de façon pacifique (art. 2 § 3) ou de celle de s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force (art. 2, § 4). D’autres dispositions, au contraire, concernent beaucoup plus précisément les relations des membres avec leur Organisation (par exemple, obligation d’assistance : art. 2, § 5).
50Du fait même qu’elles trouvent leur origine dans la Charte, toutes ces obligations font partie du statut d’Etat membre, latissimo sensu, et, par conséquent, du droit constitutionnel de l’ONU, si on retient cette expression. La remarque est importante, car elle souligne que l’appartenance à l’Organisation ne met pas seulement l’Etat qui en bénéficie dans une situation particulière envers un appareil d’organes internationaux, elle doit modifier en profondeur tout son comportement international. Nous verrons un peu plus loin les conséquences à en tirer au point de vue de la définition même du droit constitutionnel des Nations Unies.
51Il suffira de remarquer, pour le moment, que les obligations relatives aux relations internationales générales ne sont pas absolument spécifiques. Elles peuvent s’appliquer aussi à des Etats non membres, soit en vertu d’autres instruments internationaux qui les ont reprises dans les mêmes termes, soit parce qu’elles sont devenues partie intégrante du droit international général, comme le souhaitait la Charte elle-même (cf. art. 2, § 6). Il est alors légitime de prendre l’expression de « statut de membre » dans un sens beaucoup plus strict qui ne recouvre pas toutes les obligations assumées en vertu de la Charte, mais s’étend seulement à ce qui a trait aux Etats membres, pris en cette qualité dans leurs rapports avec l’Organisation à laquelle ils appartiennent.
52Ainsi compris, le statut de membre relève de trois séries de dispositions : celles qui concernent l’acquisition et la perte de ce statut et qui se trouvent, pour l’essentiel, dans le chapitre II (art. 3 à 6) ; celles qui définissent les droits des membres dans l’Organisation (droit de faire partie des organes, droit de vote, etc.) ; et celles qui ont trait à leurs obligations statutaires (obligation d’assistance : art. 2, § 5 ; contribution aux dépenses : art. 17, § 2 ; obligation d’appliquer les décisions du Conseil de Sécurité : art. 25, etc.), ainsi que les sanctions éventuelles en cas de violation de ces obligations (art. 6 et 19).
53On n’entrera pas ici dans un examen détaillé de ce statut. Il suffira de mentionner que son application a donné lieu à d’assez considérables difficultés d’application dans trois domaines principaux, où une évolution considérable s’est produite.
54Le premier est celui de la procédure d’admission, à propos de laquelle deux avis consultatifs ont été demandés à la Cour internationale en 1947 (Rec. CIJ, 1948, 57) et en 1949 (Rec. CIJ, 1950, 4). En conséquence des désaccords surgis dans ce domaine et des solutions trouvées pour sortir de l’impasse où ils avaient conduit, les conditions auxquelles l’article 4 subordonne l’admission d’un nouveau membre sont presque complètement tombées en désuétude. Il n’y est plus fait référence, dans la pratique, que de façon purement formelle. Cet abandon a abouti, notamment, à l’admission de micro-Etats, dont chacun reconnaît qu’ils ne disposent pas des moyens les rendant capables de remplir les obligations de la Charte.
55Le second domaine est celui du domaine réservé à la compétence nationale des Etats et exclu, par conséquent, de celle de l’Organisation. La question a fait couler beaucoup d’encre. Elle est extrêmement complexe. Il serait difficile d’en exposer tous les aspects dans le cadre de cette étude générale. Il suffira de rappeler que, par une jurisprudence constante, l’Assemblée générale et le Conseil de Sécurité ont exclu les questions coloniales du domaine réservé. En revanche, tous les autres conflits internes mettant en danger l’intégrité territoriale d’un Etat ont été considérés comme en faisant partie : l’Organisation ne peut donc s’en occuper qu’à la demande du gouvernement central (cf. affaire du Katanga). La question est beaucoup plus floue en ce qui concerne le respect des droits de l’homme, où il existe une certaine tendance à l’intervention, notamment lorsqu’il s’agit de discrimination raciale, freinée par la crainte d’empiéter indûment sur la souveraineté des Etats. Elle l’est encore davantage en matière économique, en dépit du principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles.
56Une très grave controverse, enfin, a divisé l’Organisation sur la question de l’étendue des obligations financières des Etats membres, notamment en ce qui concerne les dépenses occasionnées par les opérations de maintien de la paix. L’avis consultatif du 20 juillet 1962 (Rec. CIJ, 1962, 151) n’a pas permis la réconciliation des thèses en présence, pas plus que les négociations poursuivies depuis 1964 au sein du Comité spécial des opérations de maintien de la paix.
b) Le statut organique
57Il a été si souvent analysé lui aussi qu’il ne paraît guère justifié d’y revenir en détail. On se bornera à rappeler les trois principales difficultés que son application a fait surgir dans la pratique et à évoquer l’un de ses aspects les plus remarquables et, probablement, le plus original.
i) Les points de tension
58La première difficulté s’est manifestée à propos de la composition des organes restreints. Celle du Conseil de Tutelle n’a soulevé que des embarras de caractère technique, du fait de la diminution du nombre des Etats administrant des territoires sous tutelle (cf. avis juridique du secrétariat : Annuaire juridique des NU 1967, p. 365). Au contraire, c’est un problème politique de première importance qui s’est trouvé posé pour le Conseil de Sécurité et le Conseil économique et social, que le brusque gonflement des effectifs des Nations Unies a fait apparaître comme beaucoup trop peu représentatifs. Des amendements ont, en conséquence, été apportés aux articles 23, 27 et 61 de la Charte, qui ont fait passer en 1966 le nombre des membres du Conseil de Sécurité de 11 à 15 et ceux du Conseil économique et social de 18 à 27. Cette révision, qui n’a pas été acquise sans peine, n’a pas entièrement satisfait les pays en voie de développement dont le nombre s’est encore accru depuis lors. Au cours de sa dernière session, l’Assemblée générale a adopté un nouvel amendement, portant à 48 le nombre des membres du Conseil économique et social (Résolution 2847 (XXVI), 1971). Il reste encore à réunir les ratifications nécessaires à son entrée en vigueur, ce qui demandera certainement du temps.
59Les oppositions politiques ont été encore plus vives à propos des compétences respectives de l’Assemblée générale et du Conseil de Sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Derrière cette querelle constitutionnelle, on le sait, se profile celle qui oppose les grandes puissances, membres permanents du Conseil de Sécurité, entre elles et avec les Etats qui composent la majorité à l’Assemblée générale. L’épisode le plus marquant de cet affrontement a été l’adoption en 1950, en pleine guerre de Corée, de la Résolution 377 (V) (Union pour le maintien de la paix), par laquelle l’Assemblée générale s’est reconnu dans ce domaine des droits qu’on pouvait considérer, sur la base d’une interprétation textuelle de la Charte, comme réservés au Conseil de Sécurité. Cette extension de ses compétences avait pour effet de l’établir en une véritable instance d’appel, à laquelle il était possible de recourir dans tous les cas où l’usage du veto empêcherait le Conseil de Sécurité de prendre une décision.
60Dans la pratique, l’Assemblée s’est bien gardée d’utiliser l’intégralité des pouvoirs qu’elle s’était ainsi attribués. C’est néanmoins sur cette base qu’elle a pu lancer, à l’occasion de la crise de Suez en 1956, la première expérience de ce qui allait bientôt devenir un nouveau système d’action, celui des opérations de maintien de la paix, dont le développement sera considérable au cours de la décade suivante.
61Depuis lors, toute l’évolution constitutionnelle de l’ONU est marquée par une reconquête progressive de ses prérogatives par le Conseil de Sécurité, contre les tendances de la majorité, sous l’effet d’un effort tenace de l’Union soviétique et de la France, qui n’ont pas hésité à provoquer ou à laisser se développer des crises politiques sérieuses au sein de l’Organisation pour avancer leur dessein. Ce mouvement a été rendu possible par l’adoption d’une nouvelle tactique de la part de l’URSS qui fait un usage du veto beaucoup plus modéré que par le passé : le Conseil de Sécurité, en conséquence, a pu recommencer à assumer à peu près normalement ses responsabilités.
62Cette évolution, très sensible dans la pratique, n’a pas encore été consacrée formellement : la Résolution 377 (V) est toujours en vigueur. L’accord actuellement recherché au sein du Comité spécial des opérations de maintien de la paix aurait pour effet de fermer la parenthèse qu’elle a ouverte dans la vie constitutionnelle de l’ONU, ou de préciser sa portée. Il est encore hors d’atteinte.
63La création de ce Comité est elle-même le résultat de l’un des épisodes les plus dramatiques (et les plus dommageables pour l’Organisation) du conflit constitutionnel qu’on vient d’évoquer, provoqué par une difficulté connexe, mais néanmoins juridiquement distincte : celle de l’étendue des pouvoirs financiers de l’Assemblée générale. En l’occurrence, c’était les articles 17 § 2 et 19 qui se trouvaient au centre du débat, puisqu’il s’agissait de savoir si l’Assemblée générale avait ou non le pouvoir de répartir autoritairement entre les membres les dépenses résultant d’opérations de maintien de la paix décidées par elle-même (dans le cas du Proche-Orient : FUNU) ou par le Conseil de Sécurité (dans l’affaire congolaise : l’ONUC). Bien que la Cour lui ait reconnu ce pouvoir, dans l’avis consultatif déjà cité, l’Union soviétique, la France et quelques autres Etats membres ont continué à le lui dénier. Ces puissances se sont donc opposées avec beaucoup d’énergie à la tentative de leur appliquer les sanctions prévues à l’article 19 contre les Etats en retard sur leurs contributions. La crise provoquée par cette tentative a mené à une impasse totale et complètement paralysé l’Assemblée générale pendant toute la durée de sa 19e session en 1964. Elle n’a été surmontée que par l’ouverture des négociations évoquées plus haut dans le cadre du Comité spécial des opérations de maintien de la paix, dont le premier acte a été de recommander l’abandon de toute menace de sanction basée sur l’article 19 (en dépit, là encore, du texte clair de cet article).
ii) Le dynamisme
64Ces conflits constitutionnels souvent spectaculaires ont polarisé l’attention. Il y a pourtant un autre aspect du droit constitutionnel onusien qui ne leur cède pas en importance et mérite donc d’être signalé : son caractère dynamique. La structure organique de l’ONU n’a pas été arrêtée de façon rigide par son acte constitutif. Tout au contraire, après avoir énuméré les « organes principaux » créés par la Charte, l’article 7 autorise la création des « organes subsidiaires qui se révéleraient nécessaires ». C’est là une habilitation d’une portée extrêmement générale et pratiquement illimitée, puisque c’est aux organes principaux en cause – en l’espèce, l’Assemblée générale et le Conseil de Sécurité (art. 22, 29) – qu’il appartient de déterminer ce qui est « nécessaire » ; le Conseil économique et social, pour sa part, ne peut créer que des « commissions » (art. 68).
65Dans la pratique, l’Assemblée générale a fait un très large usage de ce pouvoir. La création de nouveaux organes intergouvernementaux, sur une base permanente, dotés de compétences étendues et d’une grande autonomie de fonctionnement, a profondément modifié l’édifice constitutionnel de l’Organisation. Dans plusieurs cas, il s’est agi non d’un organe simple mais d’un appareil d’organes, fort semblable à celui d’une organisation internationale complète, greffée en quelque sorte sur l’ONU de la Charte. Comme on l’a vu, certains de ces organes ont été constitués en fonds dotés de ressources propres, d’origine extrabudgétaire, qui leur ont permis d’acquérir une quasi-personnalité internationale. Dans le domaine des questions coloniales, avec l’établissement du Comité dit de la décolonisation, dans celui des réfugiés, avec le Haut Commissariat aux Réfugiés et l’UNRWA, dans celui de l’action en faveur du développement, avec le PNUD, l’UNICEF, la CNUCED, l’ONUDI, le PAM, la structure de l’Organisation a été complètement modifiée et la nature même de son activité transformée. Plutôt que d’une organisation unique, c’est une véritable fédération d’organisations dont on pourrait parler en présence de ce développement buissonnant. La Charte reste la loi suprême et la matrice de l’ensemble, mais elle a cessé de contenir toutes les dispositions constitutionnelles (au sens matériel du mot) qui gouvernent celui-ci et dont beaucoup ont été posées par des résolutions de l’Assemblée générale.
66C’est à une autre forme de développement encore que l’on a assisté avec l’élargissement des compétences politiques du Secrétaire général. Cette expansion, en effet, est le résultat d’un usage – également extensif – d’autres dispositions de la Charte : celles qui gouvernent les compétences du Secrétaire général (art. 98 et 99). L’article 98 le charge de remplir toutes les fonctions qui lui seraient confiées par un autre organe principal. Ces fonctions sont, évidemment, le plus souvent administratives. La pratique a cependant tendu de plus en plus à conférer au « plus haut fonctionnaire de l’Organisation » des fonctions politiques et même politico-militaires. L’Assemblée générale et, en dépit des résistances de certains de ses membres permanents, le Conseil de Sécurité se sont rencontrés sur ce point, poussés par la logique des situations et les exigences de l’efficacité.
67Cette évolution très marquée ne pouvait pas aller sans influer profondément sur la nature d’une fonction à cheval sur l’administration et la politique, puisque le Secrétaire général est placé à la tête du Secrétariat, organe administratif, mais nommé suivant une procédure essentiellement politique (art. 97). Le Secrétaire général est aujourd’hui un personnage politique unique en son genre, normalement chargé des fonctions exécutives de l’Organisation, qui, pour être limitées (du fait que les décisions de l’Organisation concernent le plus habituellement le comportement des Etats et sont donc exécutées par eux), n’en existent pas moins.
68L’acquisition de cette stature politique n’a pas manqué d’exercer une influence déterminante sur la façon dont le Secrétaire général concevait la capacité qui lui est reconnue par l’article 99 de prendre des initiatives en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Autorisé à saisir le Conseil de Sécurité lorsqu’il estime la paix menacée, il a été tout naturellement conduit à intervenir, publiquement ou discrètement, pour entreprendre toutes les démarches dont il pouvait espérer qu’elles préviendraient une crise ou en arrêteraient le déroulement, ce qui permettrait d’éviter d’en saisir le Conseil de Sécurité. C’est là l’origine de la « diplomatie préventive », dont Dag Hammarskjöld faisait déjà la théorie en 1958 et que Kurt Waldheim a reprise pour son compte avec beaucoup d’insistance.
69Quelques-unes des initiatives prises par le Secrétaire général ont pu lui attirer des critiques, parfois acerbes, de certains membres permanents du Conseil de Sécurité, spécialement de l’Union soviétique et de la France, très attentifs à défendre les prérogatives du Conseil. Les plus graves crises qui aient opposé l’URSS à un Secrétaire général ont cependant eu leur origine ailleurs : dans la façon dont ce dernier s’était acquitté de fonctions découlant des termes mêmes de la Charte (art. 99 dans le cas de Trygve Lie, art. 98 dans celui de Dag Hammarskjöld). En fait, c’est le rôle du Secrétaire général qui se trouve actuellement au centre des débats du Comité spécial des opérations de maintien de la paix et c’est le désaccord sur ce point qui constitue peut-être le principal obstacle sur la voie d’un rapprochement des positions qui s’affrontent. En dépit de cette controverse, la tendance vers le renforcement de la personnalité politique du Secrétaire général n’a cessé de se consolider, lorsqu’elle ne s’est pas développée. Elle constitue aujourd’hui un fait acquis, qui a également sensiblement modifié l’équilibre constitutionnel que l’on pouvait croire établi par la Charte en 1945.
2. La nature du droit constitutionnel de l’ONU
70Les développements précédents ont permis de vérifier que, d’un point de vue matériel, il est légitime de parler d’un droit constitutionnel de l’ONU. Mais quelle est exactement la nature de ce droit ?
71La question se pose, car on peut parler d’une véritable antinomie entre droit constitutionnel et droit international, au moins dans la conception traditionnelle de l’un et de l’autre. Le droit constitutionnel est normalement celui d’un Etat, dont il établit les organes politiques supérieurs. Il domine tout l’ordre juridique de cet Etat et est placé ainsi au sommet d’une pyramide juridique. En d’autres termes, il est lié fondamentalement à l’idée d’un ordre juridique particulier et hiérarchisé, qu’il domine. Au contraire, le droit international évoque celle d’un ordre juridique universel et dépourvu de toute hiérarchie : toutes les règles qui le composent sont en principe au même niveau. Certes, on considère que tout le droit conventionnel repose sur une norme coutumière : pacta sunt servanda, mais ceci ne confère aucune supériorité au droit coutumier sur le droit conventionnel. Tout au contraire, il est très généralement admis que le droit conventionnel peut déroger au droit coutumier (sous réserve de la notion, récemment consacrée par la convention de Vienne sur le droit des traités, de jus cogens).
72L’opposition que nous venons d’esquisser doit, pensons-nous, être révisée : elle ne tient pas à la nature du droit international (comparée à celle du droit constitutionnel), mais correspondait seulement à une étape de son développement, aujourd’hui dépassée. Le droit constitutionnel de l’ONU nous met en présence d’un droit qui mérite d’être qualifié d’international, au sens plein du terme, et qui, pourtant, fonde un ordre juridique particulier.
a) Du droit international
73Le caractère international du droit constitutionnel de l’ONU ne saurait être mis en doute. Il suffit pour s’en convaincre, de rappeler deux données essentielles.
74La première est que la plus grande partie de ce droit est contenue dans une convention : en l’espèce la Charte de San Francisco. Celle-ci présente sans doute quelques particularités. Elle n’en offre pas moins tous les caractères d’un traité, conclu entre des sujets du droit international – en l’espèce des Etats – et soumis lui-même au droit international, c’est-à-dire aux règles du droit des traités (même si c’est avec quelques réserves, prévues par l’article 5 de la convention de Vienne).
75Comme on l’a vu, la Charte a été complétée par d’autres dispositions, qui ont sensiblement modifié la structure de l’ONU. Une partie d’entre elles est contenue dans des résolutions d’organes intergouvernementaux, tels que l’Assemblée générale, qui constituent, elles aussi, des actes internationaux, représentant une décision collective des Etats membres. Enfin, dans la mesure où la pratique a pu, elle aussi, compléter, voire même modifier la Charte sur certains points, c’est qu’il s’agit, au premier chef, d’une pratique étatique : le fait qu’elle soit collective ne saurait lui enlever ce caractère (cf. Rosalyn Higgins, The Development of international law through the political organs of the United Nations, Londres 1963, p. 2).
76La seconde donnée est que la Charte s’applique à des rapports internationaux. Comme on l’a relevé déjà, les destinataires de la plupart de ses dispositions relatives aux organes, au moins dans la mesure où il s’agit d’organes intergouvernementaux, sont des Etats. Parmi les autres destinataires des articles de la Charte, il faut encore compter l’Organisation elle-même et les Institutions spécialisées qui lui sont rattachées. Mais, précisément, nous l’avons vu, l’Organisation est dotée de la personnalité internationale et il en est de même des Institutions spécialisées.
77Vainement objectera-t-on que la Charte s’applique aussi à des individus : les juges de la Cour internationale de Justice et le personnel du Secrétariat, à commencer par le Secrétaire général. Il y aurait beaucoup à dire à propos de l’opinion selon laquelle le droit international, par nature, ne pourrait jamais avoir des individus comme destinataires. Son évolution récente rend cette position de plus en plus insoutenable. Certes, il est clair que la plus grande masse des règles du droit international a pour objet de régler des rapports interétatiques et ne saurait, par conséquent, s’appliquer à des individus. C’est une question de contenu. Mais rien n’empêche que d’autres règles soient établies en vue de conférer des droits ou des obligations à des individus, tout en conservant par leur origine, leur régime juridique et leur autorité à l’égard des Etats, leur caractère de règles de droit international. Le développement du droit international humanitaire et de la protection internationale des droits de l’homme, entre autres, est là pour le montrer.
78Nous n’entrerons pas, cependant, dans la controverse qui se poursuit sur l’interprétation à donner à ces constatations quant à la nature du droit international. Nous nous contenterons de rappeler que, de tout temps, le droit international s’est appliqué à des individus – et comment aurait-il pu en être autrement ? – mais en les considérant en tant que titulaires d’une fonction qui leur permet d’agir sur la scène internationale : le plus souvent – mais non exclusivement – en qualité de représentants de l’Etat. On ne trouve rien de substantiellement différent ici.
79La Cour internationale de Justice est incontestablement un organe international, chargé d’une fonction internationale : comme on sait, seuls les Etas ont qualité pour se présenter devant elle (Statut, art. 34) et seules des organisations internationales peuvent lui demander un avis consultatif (Charte, art. 96). Les juges sont donc soumis à la Charte et au Statut de la Cour en tant que membres d’un organe international, et non en tant qu’individus. L’institution est d’ailleurs tout à fait traditionnelle : elle se rattache directement à celle des arbitres, bien connue du droit international classique.
80Le même raisonnement peut être fait pour le Secrétaire général et les membres du Secrétariat : c’est aussi en qualité de membres d’un organe international et de titulaires d’une fonction internationale qu’ils sont destinataires de certains articles de la Charte.
b) Du droit constitutionnel
81Que l’on se place au point de vue formel ou au point de vue matériel, la conclusion est donc la même : le droit constitutionnel de l’ONU est bien du droit international. Qu’ajoute alors, exactement, le qualificatif « constitutionnel » ?
82On peut, semble-t-il, donner non pas une, mais deux réponses à cette question. La première consiste à dire qu’on est en présence du droit constitutionnel de la communauté internationale tout entière. La seconde, qu’il s’agit seulement du droit constitutionnel d’une organisation internationale particulière : l’ONU. Les deux affirmations ne s’excluent pas mutuellement, mais elles ne sont pas aussi généralement acceptées l’une que l’autre.
i) La constitution de la communauté internationale
83La première réponse s’appuie sur une distinction très fréquemment faite dans la pratique entre deux catégories de dispositions de la Charte : les dispositions « ordinaires », ou organiques, qui définissent la structure de l’Organisation et gouvernent la compétence et le fonctionnement de ses organes, d’une part, les « buts et principes » de la Charte, d’autre part.
84Cette distinction trouve une base formelle dans la Charte elle-même, dont le chapitre I est effectivement intitulé « Buts et principes » et dont le style est bien différent de celui des autres parties du même instrument, mais il n’est pas certain que, telle qu’elle est employée dans de nombreux textes, l’expression renvoie seulement à ce qui se trouve dans les deux premiers articles de la Charte. Ce qui est remarquable, en tout cas, est le rôle qui est assigné à la réalité juridique qu’elle désigne.
85Dans une déclaration restée fameuse, Dag Hammarskjöld avait proclamé que « les principes de la Charte sont, de loin, beaucoup plus grands que l’Organisation qui les incarne, et les buts qu’ils sont destinés à sauvegarder sont plus sacrés que la politique d’aucun peuple ou d’aucune nation » (Déclaration devant le Conseil de Sécurité le 31 oct. 1956 : Rev. Nations Unies, 1956, 11, p. 13). C’est de la même conviction que semblent s’inspirer l’Assemblée générale et le Conseil de Sécurité dans les nombreuses résolutions où ils se réfèrent à eux comme à une sorte de loi supérieure, à laquelle tous les Etats doivent se conformer en toutes circonstances et à la lumière desquels tous les instruments juridiques doivent s’interpréter.
86Doit-on en conclure que ces « buts et principes » auraient une autorité juridique supérieure à celle des autres dispositions de la Charte ? Rien ne permet de l’affirmer, si on se place à un point de vue purement formel. La jurisprudence de la Cour sur les pouvoirs « impliqués » suggère, cependant, que la finalité de la Charte doit être prise en considération lorsqu’il s’agit de déterminer les compétences de l’Organisation et de ses organes. Cette finalité permet, comme la Cour elle-même l’a fait en ce qui concerne la personnalité internationale de l’ONU, d’aller au-delà d’une interprétation purement textuelle, afin de permettre la réalisation des fonctions dont l’Organisation a été chargée. Dans cette perspective, les buts et principes de la Charte acquièrent, bien évidemment, une valeur particulière.
87Ce raisonnement n’est pas propre à l’interprétation de la Charte des Nations Unies. Nous l’avons rappelé déjà : la convention de Vienne sur le droit des traités réserve elle-même une place particulière à une notion voisine, « l’objet et le but du traité », à la lumière de laquelle doit s’opérer l’interprétation de tout traité (art. 31). L’objet et le but du traité jouent d’ailleurs un rôle particulier à bien d’autres égards dans le droit des traités (art. 18, 19 c, 20 § 2, 41 § 1, 58 § 1, 60 § 3). Il n’est pas douteux que les « buts et principes de la Charte » ne soient déterminants pour définir « l’objet et le but » de ce traité, au sens où cette expression est prise dans la convention de Vienne, s’ils ne se confondent pas purement et simplement avec elle2.
88Il y a plus, cependant, dans ce cas particulier. Comme le souligne fortement son préambule, la Charte a été adoptée en vue de fonder une société internationale pacifiée, où les droits de l’homme et ceux des nations, petites et grandes, seraient respectés, la justice maintenue, le progrès social réalisé. C’est là un programme qui concerne tous les Etats sans exception. Bien entendu, la façon la plus parfaite pour eux de se consacrer à sa réalisation sera de devenir membres de l’Organisation établie par la Charte, mais leur portée est si générale que les buts et principes de la Charte conservent leur valeur même à l’égard des Etats qui, pour une raison quelconque, n’ont pas pénétré dans les Nations Unies. Le respect de leur part des principes sur lesquels l’Organisation est établie a d’ailleurs été considéré comme nécessaire par ses fondateurs (art. 2, § 6) : ces principes forment la base de la société internationale rénovée que l’on veut substituer à celle où a sévi le « fléau de la guerre qui, deux fois en l’espace d’une vie humaine, a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances » ; nul ne saurait donc avoir la prétention de les ignorer. Quant aux buts de l’Organisation qui concernent précisément la réalisation de cette société idéale, on peut s’attacher à leur réalisation même avant de pénétrer dans l’Organisation.
89La nature même du projet poursuivi dans la Charte confère aux « buts et principes » qui le définissent une valeur universelle, « plus sacrée », pour reprendre les termes de Dag Hammarskjöld, « que la politique d’aucun peuple ou d’aucune nation » et justifie donc qu’on voit en eux la constitution de la communauté internationale tout entière. Mais peut-on aller jusqu’à dire – ce que ne semblent pas autoriser les termes de l’article 2, § 6 – que ce droit est effectivement valable à l’égard d’Etats non membres des Nations Unies et doit l’emporter sur toutes les autres règles du droit international ?
90Une interprétation extensive de la doctrine de la Cour internationale, telle qu’elle découle de son avis consultatif du 11 avril 1949, conduirait à donner une réponse affirmative à la première question. En reprenant les termes qu’elle a employés, ne peut-on soutenir en effet que des Etats « représentant une très large majorité des membres de la communauté internationale » avaient le pouvoir, « conformément au droit international », de définir les principes dont le respect est indispensable à l’établissement d’une société internationale pacifique et de leur conférer une valeur « objective – et non pas simplement reconnue par eux seuls » ?
91Ce ne serait pas une thèse absolument nouvelle : c’est celle du « gouvernement de fait » international, soutenue notamment à propos du Concert européen au siècle dernier et « démocratisée » par l’introduction d’une référence à la « très large majorité des membres de la communauté internationale ». Même avec cette importante amélioration, nous ne croyons pas cependant qu’elle corresponde au niveau de développement actuel de la société internationale et soit, en conséquence, acceptable. Elle va même à contre-courant de l’évolution actuelle qui, dans les travaux de l’ONU, donne de plus en plus d’importance à la méthode du consensus, en dépit de la règle de la majorité qui gouverne les organes des Nations Unies.
92Il existe, en effet, une distance considérable entre l’affirmation qu’une majorité d’Etats peut établir une situation juridique les concernant dont les autres Etats ne sauraient nier l’existence, comme lorsqu’il s’agit de conférer une personnalité objective à l’organisation qu’ils créent, et celle selon laquelle ces mêmes Etats pourraient, par voie de convention entre eux, créer des règles obligatoires pour les Etats tiers. La convention de Vienne, pourtant récemment adoptée (1969), n’a pas admis la possibilité d’une telle exception au principe de la relativité des traités, qu’elle a conçu, au contraire, de façon particulièrement stricte (art. 34 à 38). On ne saurait donc tirer valablement des conclusions aussi radicales du raisonnement utilisé par la Cour en 1949, qui ne se prête nullement à une telle extension.
93En revanche, en raison de leur contenu et de leur valeur propre, les buts et principes de la Charte s’offrent d’eux-mêmes à la reconnaissance de tous les Etats. Ils ont vocation, en quelque sorte, à être acceptés par tous. L’idéal qu’ils représentent ne peut être récusé que par les Etats qui poursuivraient délibérément une politique d’agression ou de remise en cause violente de l’ordre international. Aucun n’a osé le faire. Ce qui n’était pas encore acquis en 1945 se trouve en fait atteint aujourd’hui. La multiplication considérable des membres de l’Organisation a déjà largement contribué à conférer à la Charte une signification réellement universelle. En outre, les quelques Etats qui se trouvent encore en dehors de l’Organisation ont pratiquement tous affirmé d’une façon ou de l’autre, mais le plus généralement par voie de déclarations unilatérales, leur adhésion à ses buts et principes, dont la validité s’étend dès lors effectivement à la communauté internationale tout entière.
94Cela signifie-t-il qu’ils ont acquis, en même temps, une force qui les place au sommet de l’ordre juridique international ? On ne saurait invoquer, à l’appui de cette opinion, l’article 103 de la Charte, qui fait prévaloir les obligations qui en découlent sur celles qui résultent de tout autre accord international. Cette disposition n’est en effet valable qu’à l’égard des Etats membres. La question est bien plutôt de savoir si on se trouve en présence de « normes impératives du droit international général » (jus cogens), auxquelles, aux termes de la convention de Vienne, « aucune dérogation n’est permise » et qui entraînent la nullité de tout traité en contradiction avec elles (art. 53). Cette question n’admet pas elle-même une réponse absolue.
95Il n’est pas douteux que certains des principes contenus dans la Charte ont, par excellence, le caractère, de jus cogens. Il en est ainsi, au premier chef, du principe du non-usage de la force. En revanche, d’autres dispositions, et singulièrement celles qui ont trait aux buts des Nations Unies, sont formulées de façon trop vague pour qu’il soit possible de leur reconnaître un tel caractère impératif : la notion de jus cogens perd toute signification à l’égard de dispositions prescrivant de « réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion » (art. 1, § 3), pour ne prendre que cet exemple.
96En réalité, c’est en raison de leur nature propre, parce qu’ils représentent un accord entre la très grande majorité – et aujourd’hui la totalité – des Etats existants sur les fondements et les conditions d’existence d’une société internationale pacifiée et humaine, que les buts et principes de la Charte peuvent être considérés comme la constitution de la communauté internationale tout entière. Dans la mesure où le même accord se rencontrera pour estimer que certaines des normes qui les composent n’admettent aucune dérogation, ces normes pourront être classées dans le jus cogens et les traités qui viendraient à les violer se trouveront, de ce fait, frappés de nullité. Il se peut que cette catégorie s’élargisse avec le temps. Elle ne s’étendra certainement pas à la totalité des buts et principes de la Charte, tels qu’ils sont actuellement formulés.
97La même signification ne peut pas être reconnue aux autres dispositions de la Charte : celles qui ont un contenu organique et qui n’ont évidemment de valeur qu’à l’égard des Etats membres. Par opposition aux buts et principes, elles forment le droit constitutionnel particulier de l’ONU. Le jour où l’Organisation sera devenue complètement universelle, les deux acceptions du droit constitutionnel des Nations Unies que nous distinguons actuellement se recouvriront entièrement. Tant que ce moment n’est pas arrivé, elles restent évidemment séparées.
ii) La constitution de l’Organisation
98Parce qu’elle est constitutive, la Charte n’a pas établi seulement un régime juridique spécial, comme c’est le cas des traités ordinaires, mais bien un véritable ordre juridique particulier, appelé à se développer et à s’enrichir de nouvelles normes par l’action des organes dont il est doté, et dont l’application même sera contrôlée par ces organes. La nature de cet ordre juridique a fait l’objet de controverses (cf. L. Focsaneanu, Le droit interne de l’Organisation des Nations Unies : Ann. fr. dr. int. 1957, 314-349 ; Ph. Cahier, Le droit interne des organisations internationales : Rev. gén. dr. int. publ. 1963, 563-602). Sans entrer dans ce débat, il convient d’apporter trois précisions avant d’aller plus loin.
99La première est rendue nécessaire par la distinction précédemment établie entre constitution de la communauté internationale et constitution de l’ONU elle-même. Les règles composant le droit constitutionnel de la communauté internationale, c’est-à-dire les buts et principes de la Charte, font partie intégrante, avons-nous dit, du droit international général. Dans la mesure où l’Organisation tente d’en préciser la portée ou de les compléter, son action ne peut être appréciée qu’à la lumière de la théorie des sources du droit international. Il n’y a donc là rien qui permette de parler de droit interne3.
100Est-ce à dire qu’il n’y a de droit interne que sous l’empire de la Charte considérée exclusivement en tant que constitution de l’ONU elle-même ? L’observation oblige à dire qu’il n’en est rien : la situation est, en réalité, beaucoup plus complexe. Il faut, en effet, distinguer droit interne de l’ONU et droit interne des Nations Unies (ou du système des Nations Unies).
101Comme on sait, l’ONU est liée à l’ensemble des Institutions spécialisées et à l’Agence internationale de l’énergie atomique par un ensemble d’accords, qui ne peuvent pas être qualifiés autrement que d’accords internationaux. Il s’en faut, cependant, que l’on puisse considérer les rapports inter-organisations, dans le cadre du système des Nations Unies, comme de pures relations de droit international. Ils ont donné naissance, en effet, à tout un ensemble d’organes communs, dans lesquels les organisations participent sur un pied d’égalité et en conservant leur indépendance – comme le font les Etats au sein des organes intergouvernementaux – mais par l’intermédiaire desquels se développent entre elles une coordination et une coopération de nature administrative beaucoup plus qu’internationale. L’organe central qui en a la charge est le Comité administratif de coordination (ACC), mais il n’est pas le seul. Cette association permanente donne lieu également à un certain nombre d’actions conjointes, sur la base d’arrangements administratifs qui, en dépit de leur caractère conventionnel, peuvent difficilement être tous considérés comme des traités internationaux. Elle conduit aussi à l’établissement de régimes juridiques communs dans certains domaines, comme celui des pensions et du statut du personnel. Le droit interne des Nations Unies repose donc sur un réseau de traités internationaux, à caractère constitutif, comme celui de l’ONU sur la Charte : les traités établissant les différentes organisations composant le système et les accords qui les lient entre elles. Il ne s’en développe pas moins suivant des procédés tout à fait étrangers au droit international et pour régler un ensemble de problèmes sans analogie avec ceux que posent les rapports interétatiques, mais très comparables, au contraire, à ceux dont s’occupe le droit interne de l’ONU, avec lequel il entretient, nous venons de le voir, des contacts très étroits, qui vont jusqu’à une fusion partielle. Il a, s’il est possible, été encore moins étudié par les juristes que le droit interne de l’Organisation elle-même.
102La troisième et dernière précision prolonge ce qui vient d’être dit : bien que fondé sur la base d’un ou de plusieurs traités, ce droit interne se développe de façon originale parce que, à son égard, les traités jouent seulement le rôle d’instruments constitutionnels. Il forme ainsi un ordre hiérarchisé, s’appliquant aux rapports particuliers qui structurent la vie interne de l’organisation (ou du système d’organisations) et qui sont marqués par une finalité fonctionnelle. De ce fait, il s’apparente au droit public interne des Etats, et notamment au droit administratif (latissimo sensu, y compris le droit budgétaire et le droit domanial).
c) La suprématie de la constitution
103Comment s’établit exactement cette hiérarchie caractéristique du droit interne ? Comment la constitution – c’est-à-dire la Charte dans le cas du droit interne de l’ONU auquel nous nous limiterons ici – garantit-elle la supériorité juridique qui lui est reconnue ?
104A première vue, la réponse est simple. La Charte fonde l’ordre juridique des Nations Unies. En tant que traité international, elle s’impose au respect des Etats qui y sont parties, c’est-à-dire aux Etats membres. Ceux-ci sont obligés de s’y conformer aussi bien lorsqu’ils agissent collectivement, dans le cadre des organes auxquels ils participent, que dans leur comportement individuel. Ainsi tous les organes intergouvernementaux – et a fortiori les autres – sont soumis à la Charte. Le droit qu’ils élaborent doit donc, pour être valable, être conforme à ses dispositions. La Charte, comme la constitution dans l’ordre interne, représente la loi suprême.
105Cette analyse peut difficilement être contestée. Mais il faut encore s’interroger sur la nature de cette supériorité et sur la façon dont elle est garantie.
i) Constitution rigide ou souple ?
106En droit étatique, une distinction tout à fait classique est faite à ce propos entre constitution souple et constitution rigide.
107Manifestement, le système constitutionnel de l’ONU relève des constitutions rigides. La Charte, en effet, ne peut être modifiée que par une procédure formelle, extrêmement difficile à mettre en œuvre, que décrit le chapitre XVIII (art. 108 et 109).
108Certes, les « pères fondateurs » de l’Organisation se sont bien rendu compte que leur œuvre allait être mise à l’épreuve du temps et que des changements substantiels se révéleraient probablement utiles à l’expérience. Ils ont donc prévu la possibilité de réunir une conférence générale de révision, dont l’éventualité devait en tout cas être examinée au bout de dix ans (art. 109). En outre, afin d’ajouter encore davantage de souplesse au système, ils ont organisé une procédure simplifiée d’amendements qui peuvent être adoptés par l’Assemblée générale à la majorité prévue pour toutes les questions importantes.
109La facilité de ce système est cependant purement apparente, puisque, dans tous les cas, les amendements ou la révision doivent être ratifiés par les deux tiers des membres de l’Organisation, y compris les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité. Le droit de veto joue donc dans ce domaine aussi, avec toutes les conséquences qui en résultent en cas de désaccord entre ses titulaires.
110Ce ne sont pas les projets de révision de la Charte qui ont manqué depuis 1945. L’hostilité de certains membres permanents du Conseil de Sécurité a suffi à leur faire perdre toute chance d’aboutir, ce qui a découragé d’en entreprendre l’examen. Bien que la question soit périodiquement reprise et qu’un comité spécial continue à être chargé d’en étudier l’opportunité, la grande conférence de révision n’a jamais pu être convoquée et a fort peu de chances de l’être dans un avenir prévisible. Comme on l’a noté déjà, les seuls amendements qui, très difficilement, ont pu être adoptés et entrer en vigueur sont ceux qui ont concerné l’élargissement du Conseil de Sécurité et du Conseil économique et social.
111On est donc bien en présence d’une constitution d’une grande rigidité, mais c’est une expérience souvent faite dans le droit étatique que les constitutions les plus immuables dans leur texte sont aussi celles dont l’esprit est le moins bien respecté et dont la pratique contourne le plus fréquemment les dispositions, quand elle ne les fait pas tomber en désuétude. L’impossibilité d’obtenir par des moyens réguliers les changements rendus nécessaires par l’évolution sociale ou politique conduit à les réaliser par des moyens détournés. La constitution de l’Organisation des Nations Unies n’a pas échappé à cette loi du genre.
112Un parallèle est souvent dressé entre le « juridisme » de la SDN et le « réalisme » de l’ONU. Par réalisme, on veut dire en fait – et c’est une acception en effet courante – mépris du droit, indifférence à l’égard de sa violation, utilisation cynique et dépourvue de sincérité, pour faire triompher des intérêts politiques, d’arguments juridiques qu’on est prêt à jeter par-dessus bord quand ils ont cessé de servir ou deviennent gênants. Il y aurait beaucoup à dire sur un tel parallèle. Il est vrai que le droit international constituait, entre les deux guerres, un système de référence plus solide qu’aujourd’hui parce que plus stable, son contenu faisant l’objet de beaucoup moins de controverses. Mais il resterait à voir si, dans la pratique, la Société des Nations a respecté le texte du Pacte avec beaucoup plus de scrupule que l’ONU, les articles de la Charte. Le juridisme de la SDN a été souvent affaire de vocabulaire et d’éloquence plus que de conviction et de fidélité profonde.
113En définitive, il y a là moins une question d’époque que de nature du droit. Il faut s’en souvenir lorsqu’on porte un jugement sur le droit d’une organisation politique comme l’ONU ou sa devancière. On ne saurait mettre sur le même plan ce que l’on peut appeler le droit « judiciaire » et le droit « politique ». Nous entendons par là, d’une part, le droit qui est appliqué par des organes politiques et seulement par des organes politiques et, d’autre part, celui dont l’application est contrôlée par des organes judiciaires. Par définition, les organes politiques sont mus par des motivations politiques, parmi lesquelles le droit a sa place : il n’est pas de politiques qui puissent se dispenser de s’appuyer sur le droit, même si elles ont des objectifs révolutionnaires. Celles qui sont les plus mûries, les plus raisonnées, les plus exposées au jugement du public aussi, en ont besoin plus que toute autre. Mais le strict respect du droit n’est pas nécessairement, en toutes circonstances – est-il besoin de le dire ? – la préoccupation dominante d’un organe politique. Il en résulte qu’un droit « politique », dans le sens où nous prenons ici cette expression, est soumis à des risques de distorsion, de manipulation et même de renversement, qu’ignore le droit « judiciaire » ou qu’il ne connaît que dans une moindre mesure. Les organes judiciaires, qui en assurent le respect, sont en effet construits spécialement à cet effet et les motivations juridiques sont donc dominantes dans l’esprit des hommes qui les composent. Les motivations politiques n’en sont sans doute pas totalement absentes, mais, là où est assurée l’indépendance des juges et où ceux-ci ne se voient pas confier des responsabilités politiques sous prétexte de contrôle judiciaire, ces préoccupations sont normalement secondes, ou réduites à la résolution d’assurer le triomphe du droit et de la justice. Cette différence ne signifie pas que le droit politique serait un droit de seconde zone. Elle veut dire seulement qu’il sera généralement appliqué de façon moins rigoureuse et surtout moins « technique ». Cela signifie aussi qu’il ne résistera bien aux pressions qui s’exerceront sur lui que s’il a une valeur politique incontestée, c’est-à-dire si les principes fondamentaux sur lesquels il repose sont bien admis par toutes les forces politiques comme la « règle du jeu » à laquelle elles doivent se soumettre pour triompher : cet accord est certainement plus important que tous les remparts formels ou techniques qui peuvent être élevés pour le protéger.
114Le droit constitutionnel de l’ONU est, au premier chef, un droit politique, appliqué par des organes politiques, avec toutes les conséquences que cela comporte. C’était le cas aussi pour le Pacte de la SDN, mais ce dernier a été certainement soumis à des tensions moins sérieuses, un accord assez général entre les principales puissances ayant presque toujours été maintenu pour en assurer (ou en écarter discrètement) l’application, et les récalcitrants ayant pris le parti de quitter la Société. Au contraire, les Etats membres de l’ONU qui ont pu se trouver à certains moments en désaccord avec la majorité sont toujours restés au sein de l’Organisation, sans hésiter à en paralyser le fonctionnement quand ils en avaient les moyens.
115Cette situation explique que le droit constitutionnel de l’Organisation se soit trouvé souvent soumis à des tensions auxquelles il a parfois cédé. Mais il faut, en réalité, distinguer deux situations bien différentes.
116Dans certains cas, des modifications ont été apportées au droit constitutionnel sans que le texte de la Charte soit touché, en vertu d’un accord unanime ou quasi unanime. Cela signifie qu’à côté de la procédure formelle d’amendement de la Charte fonctionne un mécanisme coutumier qui modifie le contenu du droit, ou impose une interprétation déterminée des règles de la Charte. Ici encore, il ne s’agit pas d’un phénomène exceptionnel : on le retrouve pratiquement dans tous les ordres constitutionnels étatiques et surtout s’ils sont rigides. La validité des résultats atteints grâce à ce mécanisme ne peut certainement pas être contestée, comme la Cour internationale a eu récemment l’occasion de le confirmer dans son avis consultatif du 21 juin 1971, sur les conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie en violation de la résolution 276 (1970) du Conseil de Sécurité (Rec. CIJ 1971, 22). L’exemple le plus remarquable en est évidemment la désuétude dans laquelle est tombée depuis les premières années de fonctionnement de l’Organisation la règle selon laquelle l’abstention d’un membre permanent du Conseil de Sécurité empêche l’adoption d’une résolution du Conseil de Sécurité (art. 27, § 3). On peut citer également l’interprétation donnée à l’article 19, sur rapport du Comité spécial des opérations de maintien de la paix, selon laquelle cet article ne s’appliquera pas aux retards dans les versements des contributions relatives aux dépenses des Forces des Nations Unies à Suez et au Congo.
117Par le jeu de ce mécanisme, il apparaît que le droit constitutionnel de l’ONU est beaucoup plus complexe qu’on ne pouvait le penser au premier abord. Il est composé, en effet, d’une part des règles inscrites dans la Charte et, d’autre part, des règles coutumières résultant de la pratique qui peuvent interpréter, compléter et même codifier les précédentes. Pour être complet on pourrait aussi y ajouter les décisions de l’Assemblée générale et du Conseil de Sécurité créant des organes subsidiaires permanents, en raison de leur importance pratique sur la structure de l’Organisation et parce qu’elles se présentent comme des décisions constitutionnelles au sens matériel, mais on ne saurait oublier que leurs dispositions ne sont pas au même niveau que les précédentes. Il s’agit, dans ce cas, de droit dérivé de la Charte elle-même.
ii) Le problème de l’inconstitutionnalité
118La pratique « constitutionnelle » ne bénéficie pas toujours d’une approbation unanime ou quasi unanime : une seconde hypothèse doit, dès lors, être envisagée. Du fait de l’application du principe majoritaire dans les organes intergouvernementaux, il peut évidemment arriver que des décisions touchant l’interprétation de la Charte, ou dont la compatibilité avec les dispositions de cet instrument est discutable ou contestée, soient adoptées par une majorité d’Etats contre les protestations d’une minorité. Dans le cas d’organes restreints, comme le Conseil de Sécurité, elles peuvent même théoriquement être imposées par une minorité des membres de l’Organisation. A titre d’exemple, on peut citer la décision d’assimiler l’absence d’un membre du Conseil de Sécurité à l’abstention, en 1950, qui s’est heurtée à l’opposition décidée de plusieurs Etats, dont un membre permanent, l’URSS. La résolution 377 (V) de l’Assemblée générale, déjà citée, sur les pouvoirs de l’Assemblée en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales relève de la même catégorie, de même que les décisions prises par le même organe pour répartir les dépenses des opérations de maintien de la paix entre les membres de l’Organisation, à titre de contributions obligatoires.
119Dans tous les cas de l’espèce, la question de la constitutionnalité (ou de l’inconstitutionnalité) des décisions prises et de la pratique en résultant s’est trouvée posée. Sa solution théorique est simple et n’a jamais été contestée : les décisions inconstitutionnelles sont nulles et de nul effet. La nullité, caractéristique d’un ordre juridique hiérarchisé et qui ne joue, pour cette raison qu’un rôle extrêmement réduit dans le droit international général, est admise ici, tout naturellement. La supériorité juridique du droit constitutionnel de l’ONU se trouve ainsi garantie. Mais, dans les faits, la véritable difficulté n’est pas là : elle concerne la constatation de l’inconstitutionnalité d’une décision ou d’une pratique.
120Force est de constater que ce problème n’est pas réglé de façon satisfaisante dans le système actuel. La difficulté vient de ce que, par la nature des choses, le conflit constitutionnel concernant l’Organisation se double toujours d’un conflit interétatique. L’intégration des Etats au sein des Nations Unies n’est pas assez poussée pour que l’Organisation ne devienne pas transparente en cas de crise politique. Un différent qui, juridiquement, résulte d’une divergence d’opinions sur une question constitutionnelle entre un ou quelques Etats membres minoritaires et la majorité, n’est, en réalité, que le reflet d’une opposition entre ce ou ces Etats et ceux qui composent ou inspirent la majorité.
121Cette analyse fait apparaître qu’une telle situation ne peut être réglée sans tenir compte des particularités propres au règlement pacifique des différends entre les Etats.
122Ce n’est pas toujours ce qui se passe dans la pratique. Il a été admis, à la conférence de San Francisco, que chaque organe serait compétent pour interpréter les dispositions de la Charte qui lui sont applicables. Dès lors, lorsqu’une controverse s’élève entre les Etats membres sur le point de savoir si un projet de décision est constitutionnel ou non, c’est normalement à cet organe – c’est-à-dire à la majorité – qu’il appartient de le trancher. La procédure peut être considérée comme démocratique et, effectivement, dans un certain nombre de cas, elle s’est révélée suffisante. Tout en faisant des réserves de principe, les Etats minoritaires se sont inclinés, parfois même avant le vote, où ils n’ont manifesté leur opposition que par leur abstention. Il en a été ainsi, par exemple, de certains des Etats opposés à la résolution 2145 (XXI) de l’Assemblée générale, mettant fin au mandat de l’Afrique du Sud sur le Sud-Ouest africain, parce qu’ils estimaient que l’Assemblée générale n’était pas compétente pour prendre une telle décision.
123Dans la plupart des cas, l’affaire ne va pas plus loin. La majeure partie des résolutions passées par l’Assemblée générale et le Conseil de Sécurité contiennent de simples recommandations. L’Etat qui les critique d’un point de vue constitutionnel conserve la liberté de ne leur donner aucune suite sans violer aucune de ses obligations statutaires.
124La situation est évidemment différente lorsqu’il s’agit de décisions concernant le fonctionnement et la compétence des organes, ou de décisions obligatoires pour les Etats membres, dans les cas exceptionnels où de telles décisions peuvent être prises.
125Les décisions relatives aux organes sont appliquées par ces derniers, statuant à la majorité. Si la majorité est résolue à maintenir sa position malgré toutes les critiques qui lui sont opposées, les Etats minoritaires sont désarmés et la majorité l’emporte. C’est ce qui s’est passé, par exemple, pour l’application de la résolution 377 (V) (Union pour le maintien de la paix). Toutefois, une telle attitude peut évidemment provoquer une crise politique très sévère au sein de l’Organisation. On sait que c’est la crainte de conduire une telle crise jusqu’à la rupture qui a conduit la majorité, à la 19e session de l’Assemblée générale, à renoncer à appliquer l’article 19 à l’Union soviétique et à la France.
126Les perspectives s’inversent lorsqu’il s’agit de décisions concernant les Etats membres. Ceux-ci étant des Etats souverains et ayant conservé cette qualité en pénétrant dans l’Organisation – elle leur est expressément reconnue par l’article 2, § 1 – ont conservé, du même coup, le droit d’apprécier le sens, la portée et la validité de leurs obligations internationales. Ils peuvent donc déclarer nulles et non avenues les décisions qu’ils tiennent pour inconstitutionnelles et s’abstenir en conséquence de les exécuter en maintenant que leur conduite est juridiquement irréprochable. Devant cette attitude, l’ONU, à son tour, est totalement désarmée. C’est ce qui s’est passé pour les contributions relatives aux dépenses des opérations de maintien de la paix.
127Comment sortir de cette impasse ? La Charte ne fournit qu’une procédure : celle de l’avis consultatif.
128On a souvent regretté que l’Organisation n’y ait pas recours plus fréquemment. Depuis sa fondation, la Cour internationale de Justice n’a, en effet, été amenée à rendre que treize avis consultatifs, ce qui est peu, comparé au nombre des controverses juridiques dont les Nations Unies ont été le théâtre. Parmi ces demandes d’avis, dix ont été présentées par l’Assemblée générale (mais trois dans la même affaire du Sud-Ouest africain) et une seule par le Conseil de Sécurité (également dans l’affaire du Sud-Ouest africain), soit onze en tout pour l’Organisation des Nations Unies en plus de vingt-cinq ans.
129Ce n’est pas le lieu ici d’examiner dans son ensemble l’activité consultative de la Cour internationale de Justice, en dépit de son intérêt. On constaterait que la Cour a eu l’occasion de rappeler le respect du droit aux organes politiques (par exemple dans l’avis du 3 mars 1950, sur la compétence de l’Assemblée générale pour l’admission d’un Etat aux Nations Unies : Rec. CIJ 1950, 4, ou dans celui du 13 juillet 1954 sur les effets des jugements du Tribunal administratif des Nations Unies accordant indemnité : Rec. CIJ 1954, 47). Dans l’ensemble, toutefois, elle a eu surtout pour préoccupation de reconnaître à l’Organisation les moyens juridiques lui permettant d’assumer aussi complètement que possible ses responsabilités internationales, par une interprétation large des textes qui gouvernent ses activités et ses compétences. On en a précédemment fourni quelques exemples, qui pourraient être multipliés. Les organes politiques des Nations Unies ne pourraient donc qu’avoir avantage à s’adresser plus régulièrement à elle.
130Ceci reconnu, on peut se demander si le meilleur usage de l’avis consultatif concerne le règlement des conflits constitutionnels des Nations Unies et si la méthode utilisée jusqu’à présent pour soumettre à la Cour de tels différends est bien la mieux appropriée. Les raisons d’en douter viennent de ce que les expériences faites dans le passé ont été décevantes. Les avis consultatifs de la Cour n’ont pas permis de faire des progrès appréciables dans les différends constitutionnels les plus sérieux qui ont été soumis à cette procédure, qu’il s’agisse de l’admission de nouveaux membres, de la compétence des Nations Unies en matière de mandats, ou des dépenses de l’Organisation.
131Par définition, l’avis consultatif est dépourvu de force obligatoire. Il n’a donc effet que dans la mesure où il est accepté par ceux qu’il concerne : par l’organe qui l’a demandé, d’abord, bien entendu, mais aussi, en cas de différend sur l’interprétation de ses pouvoirs ou de sa compétence, par le ou les Etats contestataires. Pour que l’avis consultatif puisse aider véritablement au règlement d’un tel différend, il serait donc nécessaire que ce ou ces Etats donnent leur assentiment – formellement ou implicitement – à la consultation de la Cour. En d’autres termes, la décision de demander un avis doit être négociée avec la minorité, conformément à la pratique de plus en plus fréquemment suivie pour l’adoption de recommandations dont l’exécution dépend d’une minorité d’Etats, précisément parce qu’elles n’ont pas, elles non plus, de force obligatoire.
132Un avis consultatif donné par la Cour internationale en réponse à une résolution à laquelle tous les Etats intéressés auraient consenti, ou, tout au moins, ne se seraient pas opposés, pourrait certainement exercer une influence prépondérante dans la solution des difficultés constitutionnelles qui l’ont provoqué4. Si cette condition n’est pas remplie, il ne constituera qu’une pièce de plus dans une controverse politico-juridique qui ne manquera pas de se poursuivre après qu’il aura été rendu. C’est ce qui s’est passé jusqu’à maintenant, soit que les Etats minoritaires se soient catégoriquement refusés à toute procédure impliquant une intervention de la Cour, même sous forme consultative, soit que les efforts déployés pour leur faire admettre cette procédure n’aient été suffisamment poussés – ce qui semble avoir été trop souvent le cas.
133Cette conclusion pourra paraître décevante. Le réflexe naturel de beaucoup de juristes sera de penser le temps venu d’introduire une procédure plus contraignante, permettant à un juge indépendant de « dire le droit » dans de telles hypothèses. Il faudrait pourtant faire preuve d’une singulière ignorance des réalités de la société internationale contemporaine pour préconiser une telle solution. Il existe un droit constitutionnel de l’ONU. A bien des égards, il ressemble au droit constitutionnel d’un Etat et se place au sommet de l’ordre juridique interne de l’Organisation de même que ce dernier domine l’ordre juridique étatique, mais, on ne saurait pousser l’analogie sans discernement. Outre que tous les droits nationaux – il s’en manque – ne connaissent pas le contrôle judiciaire de la constitutionnalité des actes des autorités politiques, on ne saurait oublier que les Etats qui composent les Nations Unies ne ressemblent guère aux citoyens d’une communauté étatique. C’est là un de ces « faits de la vie » dont, bon gré mal gré, l’internationaliste devra encore assez longtemps s’accommoder. Faute de pouvoir instaurer la cité internationale idéale à laquelle il rêve, il ne lui restera qu’à travailler à faire avancer ce lent apprentissage de la supériorité du droit sur la force dans l’ordre international, auquel l’Organisation des Nations Unies est attelée depuis vingt-cinq ans, et dont les progrès, quoiqu’en disent les impatients ou les amateurs d’absolu, sont loin d’être négligeables.
Notes de bas de page
1 Pour une élude beaucoup plus complète et approfondie des problèmes évoqués dans la présente étude, cf. S. Bastid, Le droit des organisations internationales, Paris, Les Cours de Droit, 1968-69, 333 p.
2 En revanche, les « buts et fonctions » dont parle la Cour internationale de Justice dans son avis consultatif du 11 avril 1949, évoqué plus haut, recouvrent une notion assez sensiblement différente, comme nous avons déjà eu l’occasion de le relever. Une étude des relations entre ces trois binômes, « objet et but », « buts et principes » et « buts et fonctions », serait aussi excitante. Elle n’a encore jamais été tentée. De ce fait, la pensée qu’ils recouvrent reste encore plutôt floue.
3 La situation est évidemment différente dans les organisations d’intégration, comme les communautés européennes : cf. Ph. Cahier, loc. cit., p. 591 s.
4 Le simple fait qu’un Etat ait pris sérieusement part à la procédure suivie devant la Cour, même en objectant a sa compétence et en rejetant finalement l’avis rendu, suffit pour conférer à ce dernier une certaine importance dans le déroulement ultérieur de l’affaire, comme on le voit bien dans le comportement de l’Union sud-africaine après l’avis consultatif du 21 juin 1971.
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