Conclusions de la première partie
p. 48-49
Texte intégral
1L’examen qui précède nous permet de conclure que le droit international contemporain prend en considération différents types d’élévations du sol marin.
21. Pour pouvoir être qualifiée d’île, une éminence doit d’abord avoir un caractère naturel. De nos jours, cette règle est unanimement admise et on peut dire qu’elle a acquis force coutumière. Le matériau dont une île est formée est indifférent, exception faite de la catégorie des rochers. Le fait qu’un Etat « aide » la nature, par exemple en empêchant une île de disparaître, n’enlève pas son caractère naturel à celle-ci. En second lieu, l’éminence doit rester découverte à marée haute. Cette règle, dont la formation fut lente, s’est cristallisée dans la Convention de 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë.114
3Reste à savoir quel est le niveau de marée haute qui doit être pris en considération. Sur ce point, la pratique n’est pas uniforme et chaque Etat règle librement la question dans ses lois internes. Le Tribunal arbitral franco-britannique en l’affaire de la Délimitation du plateau continental s’est malheureusement abstenu de trancher : ayant admis l’utilisation d’Eddystone Rock comme point de base pour tracer la ligne médiane délimitant le plateau continental de la Manche, sur la base de l’acquiescement, par la France, à cette utilisation, le Tribunal n’eut pas à se prononcer sur son statut d’île. Etant donné que ni la pratique des Etats ni la jurisprudence internationale ne répondent ainsi à la question, il faut conclure que la solution est abandonnée par le droit international à la libre appréciation des Etats.
42. Le nouveau droit de la mer, tel qu’il est reflété dans la Convention de 1982 sur le droit de la mer, distingue entre les îles « normales » et les rochers qui ne se prêtent pas à l’habitation humaine ou à une vie économique propre. Comme on l’a relevé, ces rochers, s’ils sont découverts à marée haute, entrent dans la catégorie d’îles ; leur statut n’est cependant pas le même que celui des autres îles en ce qui concerne l’attribution de certaines zones maritimes. Cette distinction, établie par l’article 121, chiffre 3, de la Convention, est peu satisfaisante parce qu’imprécise et arbitraire et menant à des résultats inéquitables, ce qui est contraire aux buts que ses auteurs ont déclaré poursuivre. En premier lieu, on ne voit pas très bien ce qu’il faut entendre par « rochers », puisque ce terme n’est défini nulle part. En second lieu, les critères de l’habitabilité et de la viabilité économique sont non seulement vagues en eux-mêmes, mais aussi susceptibles de changements. Quoi qu’il en soit, cette disposition, élaborée au sein de la Troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, ne reflète pas le droit coutumier ; elle a donc un caractère strictement conventionnel et ne liera que les Etats Parties à la Convention.
53. Le droit relatif aux hauts-fonds découvrants reste ce qu’il a été dans la Convention de 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë : sont considérés comme de tels hauts-fonds les éminences naturelles du sol marin qui sont couvertes à marée haute mais découvertes à marée basse. Le problème qui se pose ici est analogue à celui qui surgit à propos des îles : à quel niveau de la marée basse ces éminences doivent-elles découvrir pour être des hauts-fonds découvrants ? Etant donné que la raison d’être de la règle sur les hauts-fonds découvrants est que ceux-ci sont des éminences qui doivent être découvertes, même si ce n’est que très peu, au moins de temps en temps, on peut admettre qu’il est suffisant que ces élévations découvrent à basse marée la plus basse.
6Le caractère coutumier de la définition ainsi dégagée des hauts-fonds découvrants paraît certain. Les Etats ont depuis très longtemps distingué entre les éminences découvertes en permanence et celles qui ne découvrent qu’à un certain reflux de la marée. Les secondes sont assimilées aux premières sur certains points mais pas sur d’autres.
74. Quant aux atolls, le droit international les ignorait en tant que formations insulaires particulières avant la Troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. Il faut regretter cependant que la Conférence, tout en attribuant un statut juridique aux atolls, omette de les définir, obligeant ceux qui seront appelés à interpréter la Convention à recourir à des éléments géologiques et géographiques.
Notes de bas de page
114 La valeur coutumière de la règle énoncée à l’article 10 de la Convention de 1958 sur la mer territoriale et la zone contigüe et à l’article 121, chiffre 1, de la Convention de 1982 sur le droit de la mer est contestée par Pazarci, Hüseyin, La délimitation du plateau continental et les îles, Ankara. 1982, p. 57.

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