I. Le dossier des matières premières
p. 167-223
Texte intégral
1L’examen et l’importance corrélative du dossier des matières premières varient selon que l’on se situe dans l’optique
des intérêts de la Communauté européenne, importatrice structurelle de matières premières1 et de produits de base tropicaux ;
des intérêts des pays en développement dont la majorité dépend, pour ses recettes en devises et le financement de son développement, de l’exportation des produits de base.
2Il peut être utile de rappeler que la Communauté se trouve dans une situation particulière. Compte tenu de la faiblesse de son auto-approvisionnement par suite de l’exiguïté de son territoire, de l’épuisement ou de l’inexistence de certaines ressources, son édifice industriel et tertiaire s’avère particulièrement sensible à certains déséquilibres de l’évolution économique : pénuries, ruptures d’approvisionnement, restrictions à l’exportation, dislocation du système des prix.
3Pour la Communauté, le problème doit être considéré sous un double point de vue, à savoir celui de la sécurité des approvisionnements qui concerne les importations en provenance tant des pays industrialisés que des PVD et celui, plus spécifique, de ses relations avec le Tiers Monde.
4Par ailleurs, on ne doit pas perdre de vue qu’une grande partie des matières premières, notamment industrielles, mais aussi les produits agricoles « tempérés » sont produits et exportés par les pays industrialisés. Autrement dit, il est erroné d’assimiler les pays développés aux pays consommateurs de matières premières et les pays en développement aux pays producteurs. En fait, ce sont les premiers qui réalisent le gros des exportations mondiales. Les PVD que l’on a trop tendance, par esprit de simplification, à ranger du côté des producteurs achètent aussi sur les marchés des pays industrialisés de nombreux produits, alimentaires notamment.
5Ceci revêt de l’importance dès le moment où l’on cherche à élaborer une approche générale visant à mettre au point des mécanismes de stabilisation des recettes ou d’indexation des prix qui risquent de profiter plus aux pays industrialisés producteurs qu’aux pays en développement. La Commission a clairement souligné l’importance qu’elle voit dans une action internationale visant à la stabilisation des recettes2. Mais les systèmes envisageables devront être conçus de manière à ne pas favoriser trop fortement les intérêts des pays riches exportateurs.
6La position de la Communauté peut être considérée comme relativement homogène avec celle des autres pays membres de l’OCDE par rapport à un système dont bénéficieraient les seules exportations des PVD. En revanche, une hétérogénéité apparaît, dès qu’il s’agit de la stabilisation de l’ensemble du marché mondial par le fait que les pays de l’OCDE sont, soit fortement exportateurs (ex. Canada, Australie, Etats-Unis), soit fortement importateurs (CEE).
7La question des matières premières a fait son entrée sur la scène communautaire, par la grande porte, au Conseil européen de Dublin en mars 19753 qui a attribué une priorité particulière à l’examen de cette question dans le cadre des relations avec les PVD4. Face aux changements intervenus sur le plan international et face à la requête pressante des PVD exprimée avec force à différentes reprises (Dakar, Alger, Genève…), la Communauté est mise en demeure de définir, dans des délais rapides, une position propre qui permettrait d’apprécier sa volonté de contribuer à l’instauration d’un « nouvel ordre ». En abordant le problème global des produits de base et de l’instabilité des recettes d’exportation des PVD, elle doit garder à l’esprit le désir de ces pays de préserver, voire d’améliorer le pouvoir d’achat réel de leurs recettes.
8Mieux que de donner toutes les raisons qui rendent les solutions avancées par les PVD, soit inacceptables, soit inefficaces, la Communauté a intérêt à indiquer ce qu’elle est prête à faire pour répondre à ces problèmes. C’est donc une initiative positive et opérationnelle qu’il s’agit de prendre.
9Nous nous proposons, d’abord, de passer en revue les principales revendications des PVD ainsi que les principes et objectifs du Programme intégré de la CNUCED, de façon à mieux situer la conception générale qui oriente la démarche de la Communauté dans ce domaine.
1. Les revendications des pays en développement
10Les demandes des pays en voie de développement dans le domaine des matières premières ont été clairement formulées dans l’enceinte de la CNUCED, notamment lors de la 8e session de la Commission des produits de base (10-21 février 1975). Les PVD s’appuient sur plusieurs textes qui leur reconnaissent des droits5 et au travers desquels ils voudraient faire œuvre de codification — encore qu’il s’agisse plutôt d’une codification de principe, non obligatoire au plan juridique.
1.1. Objectifs poursuivis
1.1.1. Récupération de la souveraineté sur les ressources naturelles6
11Cette exigence de souveraineté attire notamment l’attention sur le fait que le prix de tous les produits de base ne se forme pas librement sur un marché concurrentiel. Un certain nombre de produits à « prix administrés » se trouvent sous le contrôle des sociétés multinationales qui les produisent, les transforment et les commercialisent. Cela leur confère un monopole dont elles peuvent abuser, sans véritablement se soucier des impératifs du pays dont elles exploitent les ressources, des aspirations au développement économique et de la justice sociale. Elles peuvent ainsi adapter le rythme de leur production en fonction de la demande des pays industrialisés dont elles sont les fournisseurs et en fonction du capital industriel et financier, ceci s’effectuant au détriment des débouchés locaux7.
12L’exercice de la souveraineté nationale est l’un des droits qui, à l’heure actuelle et étant donné le niveau de développement où se situe la grande partie du Tiers Monde, peut améliorer sa position et son pouvoir de négociation. Toute négociation dans un esprit de dialogue doit passer par un réaménagement des rapports de force.
13Cette « souveraineté permanente » sur les ressources naturelles comporte, notamment, la possibilité de nationaliser les entreprises qui ne se plieraient pas à certaines exigences ou chercheraient à exercer des pratiques de type monopole ou oligopole.
1.1.2. Des prix « justes et équitables »
14Les PVD demandent que des mesures soient prises au niveau international de façon à assurer des prix « stables et rémunérateurs »8 pour leurs produits de base dont ils tirent l’essentiel de leurs revenus. A côté du volume des ventes, il faut donc aussi tenir compte des prix. Ceci dit, on est amené à se demander à partir de quel moment des prix peuvent être qualifiés de « stables et rémunérateurs ». Plusieurs aspects peuvent être avancés :
le prix doit couvrir les coûts de production sur une longue période et, le cas échéant, augmenter en proportion, faute de quoi le renouvellement et l’extension des capacités de production ne sont plus assurés. D’où le risque de pénuries, génératrices d’instabilité à la fois des prix et des approvisionnements ;
il doit échapper aux mouvements spéculatifs à la hausse comme à la baisse et atteindre, compte tenu de l’intérêt qu’il y a à assurer un équilibre à long terme entre l’offre et la demande, un degré suffisant de stabilité ;
il doit assurer aux producteurs de biens non renouvelables une sorte d’indemnité, pour compenser l’épuisement de leurs ressources naturelles et leur permettre une « reconstitution de leur patrimoine ».
15Ceci étant, il faudrait alors distinguer entre les différents produits, selon leurs caractéristiques propres (instabilité des prix, évolution sur une longue période, etc.).
16Pour obtenir ces prix rémunérateurs, les PVD proposent plusieurs techniques parmi lesquelles nous retiendrons la constitution de stocks régulateurs, devant agir dans le sens de la stabilité, et l’indexation des prix des produits de base exportés sur les prix des articles manufacturés importés des pays du Nord. Nous y reviendrons ultérieurement.
1.1.3. La sauvegarde du pouvoir d’achat
17Cette notion a trait à la détérioration des termes de l’échange. Dans leur majorité, les pays exportateurs de matières premières estiment qu’il y a une tendance « naturelle » à la dégradation des termes de l’échange entre produits primaires et produits manufacturés et qu’il convient d’intervenir au niveau de la formation des prix.
18L’étude de l’évolution des termes de l’échange a donné lieu à des controverses très vives9. En fait, il est difficile de généraliser, compte tenu des différences de structure d’un marché à l’autre, des années prises comme point de départ et de l’utilisation des statistiques — encore qu’il n’y ait guère de doute sur le pouvoir de quasi-monopole, exercé tant par les acheteurs de produits de base que par les vendeurs d’articles manufacturés. Quoi qu’il en soit, la part revenant aux PVD dans le prix final du produit est restée faible et, dans certains cas, elle est allée en diminuant10. Il en résulte, pour de nombreux pays, une compression régulière du pouvoir d’achat de leurs recettes d’exportation affectées au paiement des importations. Lorsqu’il a fallu réduire le volume des importations de biens de consommation et d’équipement, par suite d’un manque croissant de devises, l’érosion de ce pouvoir d’achat s’est traduite concrètement par une détérioration des conditions de vie des populations locales et par un coup d’arrêt aux efforts de développement.
19Si l’évolution des termes de l’échange est aussi fonction de la part des produits de base dans l’ensemble des exportations des PVD, il n’en demeure pas moins que l’amélioration de ces termes constitue une exigence collective fondamentale des PVD, pour la bonne raison que la plupart d’entre eux sont encore largement tributaires des exportations de matières premières. Cette exigence a toujours été unanimement exprimée dans les enceintes internationales, au nom d’une solidarité plus politique qu’économique, et les pays développés ne peuvent l’ignorer.
1.1.4. La valorisation sur place des matières premières
20Refusant une division internationale du travail qui les confine dans le rôle de fournisseurs de matières premières, les PVD veulent accroître et multiplier leurs activités de transformation et participer davantage aux transports de leurs produits11. A cela s’ajoute la volonté d’obtenir une plus grande part dans la commercialisation et la distribution de ces matières premières et de secteurs voisins, comme ceux de la production de synthétiques, qui affectent le marché de ces dernières. Pour satisfaire à cette demande, les pays développés doivent aider les PVD à diversifier leurs domaines d’activité économique en pratiquant une politique à long terme de coopération industrielle, et ouvrir leurs marchés aux produits transformés en provenance du Tiers Monde. Cela revient à réclamer la suppression des obstacles tarifaires, tels les droits de douane, et non tarifaires, comme les mesures de soutien aux producteurs locaux12. En outre, les PVD souhaitent une extension des préférences accordées traditionnellement par certains pays industrialisés à certains pays en voie de développement ex-colonisés.
21Si l’industrialisation a été considérée comme la panacée durant la première Décennie du développement (1960-1970), il faut convenir que ce « sésame » du développement n’a pas ouvert toutes les portes. D’une part, les pays industrialisés réagissent généralement à l’accroissement des activités de transformation des PVD et de leur participation au marché par un relèvement de leurs barrières à l’importation, en fonction du degré de transformation subie par ces produits ; ceci a pour effet de décourager les importations de produits alimentaires et de matières premières déjà traitées. D’autre part, les PVD ont tendance à oublier ou à reléguer au second plan deux éléments essentiels :
l’agriculture : l’abandon ou la négligence a provoqué un développement déséquilibré et parfois un blocage de la croissance. Trop longtemps sacrifiée à l’industrie, l’agriculture est souvent restée une agriculture de subsistance et de tradition, incapable même de satisfaire les besoins alimentaires qu’il faut alors couvrir par des importations sans cesse croissantes ;
l’emploi : la négligence des objectifs de l’emploi au profit des objectifs de production et la non-adaptation des techniques de production à la main-d’œuvre locale disponible ont maintenu le chômage à un niveau élevé, créant de surcroît un « prolétariat intellectuel ».
22Au-delà des demandes des PVD, largement tributaires de l’exportation de produits de base pour leur développement, il faut aussi prendre en compte les intérêts de l’ensemble de la communauté internationale — pays industrialisés et pays en voie de développement — importatrice de produits de base, et qui sont :
garantir l’accès aux produits essentiels à l’activité économique ;
éviter, dans la mesure du possible, les fluctuations de prix, génératrices d’inflation ;
assurer l’expansion de la consommation et de la production par une politique d’investissements adéquate.
1.2. Les moyens
23Les débats entre producteurs et consommateurs sur les problèmes que posent les produits de base constituent un phénomène relativement récent, si l’on se situe dans une perspective historique. Bien que le désordre régnant sur le marché de ces produits ait pris l’ampleur d’un problème mondial, la nécessité d’y porter remède ne s’est fait sentir qu’après la Seconde Guerre mondiale.
24Avant la Charte de La Havane qui, comme l’on sait, n’a jamais été ratifiée13, il n’existait pas à proprement parler de cadre dans lequel puissent être prises des mesures internationales concertées, susceptibles de résoudre les problèmes touchant aux produits de base. Cette Charte, qui demeura ainsi à l’état de projet, a représenté une première tentative de réglementation du commerce international de ces produits, en proposant la conclusion et l’application « d’accords intergouvernementaux » sur ces derniers. Ces accords, dont l’objet était de prévenir les fluctuations excessives de prix et de rétablir, au besoin, l’équilibre entre la production et la consommation, pouvaient regrouper, pour un produit donné, les Etats producteurs et les Etats consommateurs.
25En 1947 et suite à cet échec, le Conseil économique et social des Nations Unies créa la Commission provisoire de coordination des ententes internationales relatives aux produits de base (ICCICA). Sur proposition de cette Commission, le Secrétaire général des Nations Unies convoqua quelques conférences pour la négociation d’accords internationaux, mais ceci ne toucha qu’une série de régimes particuliers applicables à certains pays ou à certaines régions. Après l’institutionnalisation de la CNUCED en 1965, cette compétence fut dévolue à la nouvelle organisation, plus précisément à sa Commission du commerce des produits de base. Ceci mit fin à l’existence de l’ICCICA. Dès lors la diplomatie, traditionnellement axée sur la politique, va revêtir une dimension économique et accélérer la mise en place d’une organisation internationale des produits de base.
1.2.1. Le Programme intégré pour les produits de base
26D’une façon générale, on peut dire que la doctrine de la CNUCED s’inspire largement des idées de la Charte de La Havane, dans la mesure où elle cherche à élaborer une politique globale des produits de base, écartant et dépassant l’approche qui vise à conclure des accords isolés, sans lien les uns avec les autres. Celle-ci s’est révélée insuffisante à cause de son caractère ponctuel. Les PVD la récusent en la rendant responsable de l’absence de progrès depuis la Charte de La Havane. Le bilan de trente ans de discussions et de négociations internationales est, en effet, plutôt maigre14.
27Le Secrétariat de la CNUCED propose alors en 1974 le Programme intégré pour les produits de base qui sera adopté ultérieurement sous la forme de la résolution 93(IV) à la Conférence de Nairobi en 1976. Les propositions contenues dans ce Programme sont partiellement reprises dans la résolution 3362 de l’Assemblée générale, mais surtout par le groupe des 77 dans son programme d’action de Manille (février 1976). Tenant compte à la fois des intérêts des pays producteurs et des pays consommateurs, les principaux objectifs de ce programme ambitieux sont les suivants :
281. Assurer la stabilité du commerce des produits de base, notamment éviter les fluctuations excessives des prix de ces produits en les soutenant à des niveaux qui
soient rémunérateurs et justes pour les producteurs et équitables pour les consommateurs ;
tiennent compte de l’inflation mondiale et des changements qui interviennent dans la situation économique et monétaire mondiale ;
favorisent l’équilibre entre l’offre et la demande dans le cadre d’un commerce mondial des produits de base en expansion.
292. Améliorer et soutenir le revenu réel des divers pays en développement en augmentant leurs recettes d’exportation et protéger ces pays contre les fluctuations de ces recettes, en particulier de celles qu’ils tirent des produits de base.
303. Chercher à améliorer l’accès aux marchés et la sécurité de l’approvisionnement en ce qui concerne les produits primaires et les produits de base transformés, compte tenu des besoins et des intérêts des pays en développement.
314. Diversifier la production des pays en voie de développement, y compris la production alimentaire et développer la transformation des produits primaires dans ces pays en vue de promouvoir leur industrialisation et d’augmenter leurs recettes d’exportation.
325. Améliorer la compétitivité des produits naturels par rapport aux produits synthétiques et de remplacement.
336. Améliorer les structures des marchés dans les secteurs des matières premières et des produits de base dont l’exportation est intéressante pour les pays en voie de développement.
347. Améliorer les systèmes de commercialisation, de distribution et de transports des produits de base exportés par les pays en voie de développement et notamment accroître la participation de ces pays à ces activités et les recettes qu’ils en retirent15.
35Pour atteindre ces objectifs qui se situent dans le cadre d’une approche globale, et non produit par produit ou cas par cas, le Programme prévoit la mise en place d’une série de dispositifs destinés à améliorer la stabilisation, les termes de l’échange et la participation des PVD à la transformation et la distribution des produits de base. Voici les éléments constitutifs :
un dispositif de stockage international des principaux produits de base ;
un fonds commun de financement des stocks internationaux ;
un réseau d’engagements multilatéraux pour garantir l’approvisionnement et l’écoulement des produits de base clés ;
un système de financement compensatoire (type FMI) intervenant en dernier ressort ;
un ensemble de mesures propres à favoriser l’expansion des exportations par les PVD de produits transformés : amélioration et élargissement du système des préférences généralisées, suppression des obstacles non tarifaires (dans le cadre du GATT), subventions à l’exportation et mesures de promotion commerciale notamment.16
36Reprenons quelques-uns de ces éléments plus en détail.
— Le Fonds commun
37Le Fonds commun est conçu comme une nouvelle organisation financière17 internationale qui prendrait sa place à côté du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, comme centre de décision. Les pays en voie de développement y voient plusieurs avantages :
« Un Fonds commun pourrait jouer un rôle de catalyseur dans la conception d’une nouvelle politique globale des produits de base et pourrait aussi contribuer à la conclusion plus aisée des accords de stabilisation produit par produit…
… L’étalement des risques dans le cas d’un investissement portant sur plusieurs opérations de stockage permettrait de se procurer plus facilement des ressources financières en réduisant l’élément de risque. Le Fonds commun appelé à financer les stocks régulateurs internationaux, en évitant la constitution au niveau de chaque pays consommateur de ses propres stocks, aurait des effets sur les réserves en devises et par conséquent sur les balances des paiements dans la mesure où les pays n’importeraient plus pour constitution de stocks »18.
38La création de ce Fonds commun constitue pour les PVD un élément fondamental du Nouvel Ordre économique mondial qu’ils veulent instaurer. Pour eux, il s’agit de la pièce centrale d’un système qui faciliterait la conclusion d’accords de produits, puisqu’il en réduirait les implications budgétaires (le financement de stocks « multi-produits » revenant moins cher que celui de stocks individuels par effet de compensation), et qui assurerait le financement de stocks régulateurs pour les principaux produits de base afin de lutter contre la spéculation. Il devrait aussi pouvoir financer d’autres actions dans le cadre d’accords ou d’arrangements19 par produit (p. ex. recherche et développement, diversification, promotion commerciale).
39Le stockage20 s’appliquerait aux produits d’exportation soumis à des variations naturelles et climatiques de l’offre (sucre, coton, boissons tropicales) ou à des produits qui enregistrent un déséquilibre dans la production ou la demande. Des mesures de stockage sont également envisagées au début pour les céréales vivrières (riz et blé) car il est vital pour les PVD de se voir garantir un approvisionnement en produits alimentaires à des prix « raisonnables ».
40Le Secrétariat de la CNUCED propose aussi la constitution de stocks « multi-produits » sous l’égide d’un même organisme, de façon à assurer plus de cohérence dans l’action entreprise sur les divers marchés21. Ces stocks, gérés internationalement, défendraient des « fourchettes de prix », définies préalablement pour chacun des produits. La question qui se pose est alors celle de la notion de « juste » prix du produit. Quels seront ou pourraient être les critères de référence ?
41Retenir l’idée d’un Fonds commun de stabilisation implique que des ressources financières soient mobilisées pour permettre son fonctionnement, qu’il faut desserrer les cordons de la bourse. Comment sera-t-il financé et par qui ? Il est prévu que le financement pour la constitution de stocks régulateurs sera assuré par une participation conjointe des producteurs et des consommateurs. Cet accord, sur lequel nous reviendrons plus en détail (voir infra p. 207), sera difficile. D’ailleurs on peut s’imaginer que les pays industrialisés, dans leur quasi-totalité, ne sauraient d’emblée souscrire au principe d’un Fonds commun comme instrument central d’intervention directe sur les marchés. Tout au plus accepteraient-ils un Fonds réduit, dont la mission serait de servir de chambre de compensation entre les accords sur les différents produits de base.
— Les produits couverts
42Dix-huit produits ont été retenus par le Secrétariat de la CNUCED dans le cadre du Programme intégré ; ils sont répartis en quatre groupes22 :
produits alimentaires : blé, maïs, riz, sucre ;
minéraux industriels essentiels : cuivre, plomb, zinc, étain, bauxite et alumine, minerai de fer ;
matières premières agricoles : coton, jute, laine, fibres dures, caoutchouc ;
boissons tropicales : thé, cacao, café.
43Cette liste assez hétérogène reprend des produits dont le trait commun est d’intéresser à la fois les PVD et les pays industrialisés, au titre d’importateurs ou d’exportateurs, mais dont l’importance économique varie considérablement selon l’angle sous lequel on se place : celui de la satisfaction des besoins essentiels, de la part quantitative ou en valeur dans le commerce mondial, du rôle dans l’économie des pays producteurs, notamment des plus démunis, ou encore dans celle des pays consommateurs.
44De la liste prioritaire, on peut relever le caoutchouc, le café, l’étain ou le cacao pour lesquels des accords ont déjà été négociés, mais cela ne signifie pas qu’ils ne devront pas être revus et améliorés, le cas échéant, à la lumière de l’expérience.
45Les négociations menées sur le caoutchouc naturel ont permis d’aboutir à la signature d’un accord international en octobre 1979 à Genève. Au lendemain de l’entente réalisée sur les grands principes du Fonds commun, ce succès autorisait quelque espoir puisqu’il s’agissait du premier accord conclu entre producteurs et consommateurs dans le cadre du Programme intégré, conformément aux dispositions pertinentes de celui-ci23. En outre, c’était le premier à avoir bénéficié de la dynamique de Nairobi.
46A peine terminée la mise en place de ses organes de gestion en 1982, l’accord a dû continuellement faire face à une forte pression à la baisse des prix du marché résultant de la récession économique mondiale. Mais il est parvenu à arrêter la chute des prix et à les stabiliser à l’intérieur de la fourchette de prix fixée.
47L’accord international sur le jute, qui est entré en vigueur au début de 1984, est le deuxième à avoir été négocié dans le cadre du Programme intégré. A la différence du premier, mais à l’instar de l’accord sur les bois tropicaux adopté en octobre 1983, il ne comporte pas de clause économique.
48Le cuivre est considéré comme un des grands candidats à un accord international. Ce produit subit de fortes fluctuations qui désorganisent l’économie des PVD producteurs, pour lesquels le cuivre intervient de façon substantielle dans leurs recettes d’exportation. La technique du stock régulateur a souvent été évoquée, mais les négociations sur ce produit ont été parmi les plus difficiles de toutes celles menées dans le cadre du Programme intégré. La réunion préparatoire en 1980 sur l’éventuelle convocation d’une conférence de négociation s’est achevée sans conclusion. Le marché du cuivre est, en effet, très complexe et il faut tenir compte du fait qu’une part importante de la production minière mondiale est contrôlée par un petit nombre de sociétés multinationales24. En outre, le coût d’un stock régulateur s’avère très élevé, ce qui risquerait de déséquilibrer l’utilisation des ressources du Programme intégré.
49Enfin, des rencontres ont eu lieu pour d’autres produits, tels le thé, la banane, les fibres dures où producteurs et consommateurs ont débattu l’opportunité de convoquer une conférence pour négocier un accord en bonne et due forme.
1.2.2. La stabilisation des recettes d’exportation
50La formule des accords ne s’appliquant pas automatiquement à tous les marchés, il faut prévoir des mécanismes de stabilisation des recettes pour les PVD dont les produits ne figurent pas sur la liste retenue par le Programme intégré. Certains produits, en effet, ne peuvent être stockés à cause de leur spécificité : soit qu’ils subissent la concurrence de produits synthétiques par exemple, soit que le coût d’un éventuel stockage s’avère trop élevé. Dans ce cas, des mesures de compensation destinées à stabiliser les revenus des PVD exportateurs doivent être envisagées, de façon à permettre à ces pays une programmation efficace de leur développement.
51A cet égard, il existe à ce jour deux mécanismes :
le système STABEX, mis en place dans le cadre de la Convention de Lomé, destiné aux Etats ACP et qui ne couvre qu’une liste bien précise de matières premières. Les PVD en souhaiteraient l’extension, dans la mesure où ce système n’a qu’une portée régionale ;
le système de financement compensatoire du FMI, créé en 1963. Ces compensations sont effectuées sous forme de prêts de trois à cinq ans (alors que dans le cas du STABEX il s’agit d’avances remboursables ou non selon les cas) et à un taux d’intérêt de faveur pour les pays producteurs de matières premières. Elles n’interviennent que s’il y a déficit de l’ensemble de la balance commerciale du pays concerné.
52Ces deux formules permettent ainsi de combler de façon ponctuelle le « manque à gagner » lorsque le montant des exportations tombe au-dessous d’un certain niveau de référence. Mais le Programme intégré préconise, faut-il le rappeler, que soient améliorés ces mécanismes de financement en vue de stabiliser, « dans le sens d’un accroissement », les recettes provenant des exportations. Ceci nous amène à la notion de l’indexation, l’idée étant de relier le prix d’un bien, totalement ou partiellement, aux variations d’un terme de référence choisi, dans la mesure du possible, de manière appropriée. Tout dépendra donc de celui-ci. Il peut s’agir d’indexer :
le prix des exportations des PVD sur celui de leurs importations, en provenance notamment des pays industrialisés. Dans ce cas, tous les PVD sont concernés ;
le prix des exportations des matières premières des PVD sur celui de leurs importations d’articles manufacturés en provenance des pays industrialisés ;
le prix des matières premières exportées sur celui des produits manufacturés dans la fabrication desquels entrent ces matières premières ;
le prix des matières premières exportées par les PVD sur les coûts de leur propre production.
53Les pays industrialisés, pour lesquels la seule notion acceptable est celle de tendance du marché à long terme, objectent qu’une telle mesure attiserait l’inflation de tous les pays et qu’il serait difficile d’établir des indices de prix convenables pour les articles manufacturés. La Communauté, pour sa part, a pris formellement position dans un projet d’avis au Conseil du 19 juin 1975 du Comité de politique économique :
« Le Comité a été unanime à repousser l’hypothèse d’une indexation généralisée, en raison de ses difficultés de mise en œuvre et du fait qu’elle ne permettrait pas d’atteindre l’objectif recherché ; il a estimé qu’une indexation limitée à un petit nombre de matières premières était concevable mais que, compte tenu des inconvénients qu’elle comporterait, elle n’était pas souhaitable ».
54La CNUCED de Belgrade a, entre autres, examiné la demande des PVD concernant la création d’une facilité complémentaire pour compenser les déficits des recettes d’exportation. Dans leur plate-forme de Buenos Aires, les 77 avaient insisté sur la convocation d’une réunion préparatoire de négociation visant la mise en place d’un « mécanisme complémentaire » et prié le FMI d’élargir et de libéraliser le système actuel de façon à assurer aux PVD « une compensation rapide, pleine et automatique de leurs déficits sans imposer des conditions »25.
55La résolution adoptée à Belgrade sur le financement compensatoire reste, cependant, bien en deçà des espoirs du Tiers Monde. La Conférence a décidé de charger un groupe d’experts indépendants d’examiner la mise en œuvre d’un mécanisme complémentaire « sans préjudice de la décision concernant une action consécutive appropriée »26. Cette question a d’ailleurs divisé les pays industrialisés et plusieurs Etats membres de la CEE ont fait des déclarations interprétatives. Les USA ont insisté sur le mécanisme de financement du FMI comme l’instrument le plus approprié alors que d’autres, comme la France, ont souligné l’intérêt du STABEX européen, tel qu’il a été établi dans la Convention de Lomé. Estimant que le mandat du groupe d’experts était trop étendu et que sa création constituait une tentative de pression sur d’autres organismes, les USA ont voté contre cette résolution27. Pour eux, la compensation des déficits des recettes d’exportation s’insère dans le cadre plus large des problèmes de balance des paiements et, par conséquent, ressort de la compétence du FMI.
56L’impossibilité de parvenir à un accord pour la mise en œuvre d’un système de type STABEX en faveur des PMA a constitué une déception pour les 77. La CEE avait soutenu ce projet, mais elle n’a pas su faire preuve du pouvoir de persuasion et d’impulsion qui avait été le sien dans les CNUCED précédentes face à l’attitude intransigeante de certains membres du groupe B sur cette question (USA, Canada, Japon, Australie, Nouvelle-Zélande). Son appel pour la mise en place du STABEX PMA n’a pas été repris dans la résolution.
57Ainsi, au lieu d’une conférence de négociation sur une facilité nouvelle de financement compensatoire revendiquée par les 77, la 6e CNUCED s’est contentée de donner mandat au Secrétariat de conduire une étude d’ensemble des problèmes posés par cette éventuelle facilité, non sans d’âpres discussions sur le rôle et la composition du comité d’experts28. Encore une fois, les pays industrialisés ont montré leur méfiance à l’égard de la CNUCED et leur souci de décourager toute volonté, du côté des 77, d’étendre les activités de cette organisation, en particulier au domaine monétaire et financier.
2. L’amorce d’une doctrine communautaire
2.1. Principes généraux
58La réflexion de la Commission en matière de produits de base a fait l’objet de deux documents — (i) l’approvisionnement en matières premières de la CEE et (ii) développement et matières premières, problèmes actuels — parus en 197529, dont on peut dégager quelques principes généraux. Ceux-ci s’appuient néanmoins sur certaines règles fondamentales, au nombre desquelles :
le respect du système de l’économie de marché. On peut envisager des interventions visant à corriger ou à compenser certaines imperfections des mécanismes du marché, mais toute action internationale en ce sens ne saurait porter atteinte aux règles du libre-échange ;
l’amélioration des structures du marché ne peut se limiter uniquement à la formation des prix. Elle doit aussi concerner les facteurs qui influencent la demande (pratiques restrictives, règles de concurrence entre produits substituables, etc.).
2.1.1. La recherche d’interdépendance et de contreparties équilibrées
59L’accent est mis sur l’interdépendance entre pays producteurs et pays consommateurs, sur la nécessité de rechercher des moyens permettant de concilier les intérêts des uns et des autres ; ainsi est-il question :
de prix équitables pour les consommateurs et rémunérateurs pour les producteurs ;
d’accroissement des débouchés des pays producteurs et de stabilité de l’approvisionnement des pays consommateurs30. L’accès aux ressources peut équilibrer, au bénéfice des pays industrialisés, l’ensemble des concessions qu’ils pourraient être amenés à faire, notamment dans le cadre de l’accès aux marchés, pour promouvoir les exportations des PVD ;
de stabilisation des prix et stabilisation des recettes ;
de sécurité des investissements et coopération industrielle. Cette interdépendance peut se traduire par la création de « joint-ventures » grâce à l’octroi, de la part du pays hôte, de facilités fiscales pour les investissements, de garanties de transfert des bénéfices dans une limite maximum par rapport au capital investi et de son engagement quant à la non-intervention dans la bonne exécution des contrats commerciaux. En contrepartie de l’octroi de facilités de crédits et de bonis d’intérêts pour les investissements dans le cadre de ces « joint-ventures », ce pays pourrait utiliser une partie de l’aide financière accordée par les pays industrialisés consommateurs.
60Cette nouvelle approche est dictée par une appréciation plus objective des intérêts en jeu. Elle consiste à exiger que les parties qui se trouvent face à face prennent conscience qu’elles sont sur un pied d’égalité. Cela revient à dire que les PVD deviennent de véritables partenaires, et que la négociation doit être conçue comme présentant pour chacune des parties des charges et des avantages. Il convient donc de souligner la réciprocité des intérêts et la nécessité d’arriver à des solutions qui soient d’intérêt mutuel. Comme le déclare M. Cheysson :
« Dans le dialogue Nord-Sud, il faut parler de tous les problèmes, à la fois des leurs et des nôtres. Si on parle d’énergie, on ne parle pas simplement de leur possibilité de gagner plus d’argent en vendant de l’énergie, mais également de la sécurisation en matière d’énergie »31.
61Si ces charges et ces avantages doivent être équilibrés, cela ne signifie pas nécessairement qu’ils soient symétriques. Mais cela signifie que les PVD doivent aussi offrir quelque chose à leurs interlocuteurs, du fait qu’ils partagent, eux aussi, une responsabilité commune : ils ne sont pas « pris en charge » mais doivent peu à peu s’habituer à satisfaire aux exigences d’une gestion en commun de l’économie mondiale. Le dialogue Nord-Sud n’est pas ou n’est pas seulement l’aide au développement32.
2.1.2. Approche globale différenciée selon la spécificité des produits
62Dans le but de débloquer et de réorienter le débat sur les matières premières où les Etats membres adoptent des positions divergentes33, la Commission a essayé en 1975 de distinguer les situations structurelles propres à chacun des produits, sans pour cela rejeter d’emblée « l’approche intégrée » de la CNUCED. Il s’agit des
produits pour lesquels des accords existent ou sont en cours de négociation ou pour lesquels des propositions ont été faites par la Communauté au GATT ;
produits pour lesquels existent des substituts synthétiques qui dominent le marché, notamment le jute et les fibres dures ;
produits techniquement hétérogènes, notamment les bananes et oléagineux, les bois et dérivés, les cuirs et peaux (ces derniers étant fortement concurrencés par les synthétiques) ;
produits pour lesquels les approvisionnements sont largement captifs, tels le minerai de fer et la bauxite ;
produits posant des problèmes spécifiques de sécurité d’approvisionnement comme le chrome, le tungstène et le platine.
63Il en résulte que sur les 28 produits (les 18 du Programme intégré plus 10 autres qui se suivent par ordre d’importance dans le commerce mondial), l’on est arrivé à une liste de cinq produits seulement sur lesquels « l’attention doit se concentrer dans le contexte de l’étude de la création possible de nouveaux accords par produit ». Ce sont le cuivre, le zinc, le plomb, le coton et la laine34.
64Si la Communauté a accepté de considérer le Programme intégré de la CNUCED comme hypothèse de travail intéressante, elle affirme en même temps que les instruments d’action, au nombre desquels les accords par produit, « peuvent se situer dans une gamme très diversifiée et se combiner entre eux ; le choix ne pouvant être fait qu’au vu des cas concrets »35.
65Les PVD viennent à la négociation avec un projet qu’ils estiment relativement cohérent et global, couvrant l’ensemble du problème des matières premières. Ce projet se fonde sur des principes et des objectifs largement inacceptables pour la Communauté, dans la mesure où ils risquent parfois de mettre en cause les mécanismes des marchés eux-mêmes. Si la CEE entend jouer un rôle propre, elle doit proposer une alternative tout aussi globale, des issues « convenables », mais tenant compte des particularités des différentes structures de marché des produits de base.
2.1.3. Un système préférentiel pour les pays les plus pauvres
66La diversité des situations de sous-développement constitue le point de départ pour la mise en œuvre des moyens d’action communautaires. A la multiplicité des situations correspond une multiplicité des besoins et, partant, l’application de politiques différenciées.
67L’idée d’une stabilisation des revenus, résultant des exportations de matières premières des pays les plus démunis, doit être comprise comme un instrument de la politique d’aide.
68En supposant que cette garantie contienne également un élément assurant le maintien du pouvoir d’achat de ces pays en question, le risque qu’elle influence sur la formation des prix du marché est pratiquement nul. En effet, les quantités garanties par rapport au marché mondial ne pèsent pas lourd. Ce sont là des engagements financiers qui ne portent guère atteinte au système, d’autant plus que ces mesures, à la faveur des plus pauvres, ne jouent seulement que lorsque l’ensemble des recettes d’exportation pour tous les produits retenus tombe en dessous d’un certain seuil. Au demeurant, la philosophie de base de la Communauté et des pays industrialisés dans leur ensemble est que les matières premières ne doivent pas servir de « véhicule » à une forme d’aide. Bien sûr, il y a des exceptions (protocole sucre de la Convention de Lomé) mais naturellement la CEE a « ses pauvres ».
69D’une façon générale, ces principes qui sous-tendent l’action de la Communauté sont largement en contradiction avec les idées que se font les PVD et notamment avec le Programme intégré de la CNUCED. Mais si la Communauté, pour des raisons de prestige ou par nécessité, veut « jouer un rôle » dans l’élaboration d’un Nouvel Ordre économique, elle adoptera une approche la moins coûteuse possible et la moins susceptible de bouleverser les règles actuelles du commerce international, auxquelles est attachée la majorité des pays industrialisés. L’intérêt que la Communauté porte aux besoins des pays les moins prospères ne signifie pas pour autant qu’elle soit prête à méconnaître les impératifs de son propre développement industriel et à faire abstraction de l’ordre économique dont elle fait partie.
70Même si les documents ne le disent pas, il existe une sorte de consensus tacite pour situer les actions dans le cadre des organismes existants et une aversion très répandue à l’idée d’assumer de nouvelles obligations budgétaires. C’est pourquoi on trouve souvent une référence aux travaux du FMI qui constituent, en quelque sorte, le point de départ pour l’amélioration des mécanismes de financement36. C’est là, semble-t-il, un « filet de sécurité ».
2.2. Les réalisations de la Communauté dans le domaine des produits de base
2.2.1. Les résultats du Tokyo Round
71Les négociations commerciales multilatérales (NCM) ou « Tokyo Round » engagées en septembre 1973 au sein du GATT et auxquelles la Communauté a participé à part entière ont, dans une certaine mesure, pris en compte les intérêts des PVD encore que dans une position où l’on n’a pas grand-chose à offrir, on ne peut s’attendre à beaucoup recevoir en échange. Outre la confirmation des engagements antérieurs — non-réciprocité des concessions tarifaires — les PVD ont obtenu un régime plus favorable pour les produits tropicaux et un « traitement spécial et différencié » dans les domaines non tarifaires que les NCM allaient couvrir.
72Le paragraphe 5 de la Déclaration adoptée à cette occasion définit les « principes applicables dans les relations entre pays développés et PVD » et stipule :
« Les pays développés n’attendent pas de réciprocité pour les engagements pris par eux, au cours des négociations, à l’effet de réduire ou d’éliminer des obstacles tarifaires et autres au commerce des pays en voie de développement, c’est-à-dire que les pays développés n’attendent pas des pays en voie de développement qu’ils apportent, au cours des négociations commerciales, des contributions incompatibles avec les besoins de leur développement, de leurs finances, de leur commerce. Les Ministres reconnaissent la nécessité de prendre des mesures spéciales au cours des négociations afin d’aider les pays en voie de développement. Ils reconnaissent en outre l’importance de l’application de mesures différenciées aux pays en voie de développement, selon des modalités qui leur assureront un traitement spécial et plus favorable, dans les secteurs de négociation où cela est réalisable et approprié ».
73Le paragraphe 6 de cette Déclaration prévoit aussi un traitement privilégié pour la nouvelle sous-catégorie que constituent les pays les moins avancés.
74Ainsi il a été admis que la règle traditionnelle de réciprocité dans les négociations commerciales multilatérales, selon laquelle un pays fait des concessions commerciales égales à celles qu’on lui fait, n’est pas applicable aux PVD. La non-réciprocité admise depuis 1965 n’avait jamais été définie clairement ni élaborée. Le nouvel Accord du GATT en fait un élément légal et permanent dans le système commercial mondial. Ce principe de réciprocité constitue, de fait, un handicap majeur pour les PVD. Ayant besoin de protéger leurs marchés pour promouvoir leur industrialisation, il leur est difficile d’accorder des avantages à leurs partenaires industrialisés en échange de ceux qu’ils demandent.
75En ce qui concerne les droits frappant les produits d’exportation des PVD, il apparaît que la réduction moyenne de ces droits au titre de la clause NPF est restée en retrait par rapport à l’abaissement d’ensemble, environ un quart au lieu d’un tiers. Deux raisons à cela : d’une part, ce sont des produits non éligibles à l’application de cette formule qui constituent l’essentiel des exportations des PVD. D’autre part, le taux d’abaissement accordé sur les produits susceptibles d’être mis au bénéfice du SPG a été inférieur à la réduction moyenne d’ensemble.
76Les pays en voie de développement ont également la possibilité de recourir à des mesures de sauvegarde à des fins de développement37. Sur cette base, ils peuvent modifier ou retirer leurs concessions tarifaires ou encore adopter des mesures non compatibles avec les autres dispositions de l’Accord général, telles des restrictions quantitatives de leurs importations. Dans certaines circonstances, ils sont « autorisés à prendre des mesures après avoir notifié leur intention, mais avant d’engager des consultations ou des négociations ».
77Si les PVD se voient octroyer des concessions, notamment tarifaires, la Communauté ne saurait se satisfaire de telles positions acquises sans contrepartie. Elle cherche à adopter une attitude défensive, en prévoyant les conditions dans lesquelles il serait possible d’obtenir de ces pays une réciprocité effective pour les exportations communautaires.
« Les concessions, notamment tarifaires, qui leur sont accordées (aux PVD) devraient conserver un caractère à la fois unilatéral et temporaire, afin de laisser à la Communauté, d’une part la possibilité de prendre, si cela est nécessaire, des mesures de sauvegarde, d’autre part, d’adapter ses concessions à la situation de chaque pays »38.
78Un des points de la négociation particulièrement important pour les PVD concerne les produits tropicaux auxquels les participants aux négociations ont reconnu un caractère prioritaire en tant que principale source de revenu de ces pays. Dans ce domaine, l’action prescrite par la Déclaration a été poursuivie. Une vingtaine de PVD ont présenté des listes de demandes à la CEE et des consultations avec ces pays ont permis d’éclaircir les demandes et leur portée.
79L’offre de la Communauté, présentée au GATT en avril 1976, comportait un ensemble de réductions tarifaires et des mesures non tarifaires pour les produits concernés39. Cette offre portait sur toute une gamme de produits, parmi lesquels des denrées aussi importantes que le café, le cacao, les épices, les huiles végétales raffinées, le tabac40 et les crustacés. Les concessions tarifaires offertes aux exportations en provenance de pays non ACP représentaient une valeur approximative d’importation dans la Communauté de 1000 millions d’ECU41. Les USA ont également réduit leurs droits de douane sur certains produits, mais moyennant réciprocité (ex. accords avec le Mexique en 1977 et l’Inde en 1978).
80Quelques-unes de ces concessions tarifaires seront appliquées sur la base du régime de la nation la plus favorisée : tous les pays en bénéficieront, mais les produits retenus, y compris café et cacao, sont d’abord exportés par les pays en voie de développement. Les autres concessions tarifaires octroyées se présentent sous la forme d’amélioration ou d’élargissement du SPG de la CEE42. De nouveaux produits sont ajoutés à la liste couverte par le système et des réductions de droits supplémentaires s’appliquent pour certains produits figurant dans ce schéma.
81Lorsque les pays en voie de développement sont assis à la table de négociation en tant que fournisseurs, c’est, dans la plupart des cas, pour des produits de base sur lesquels les tarifs douaniers comportent des droits peu élevés car les pays industrialisés en ont besoin. Pour les produits manufacturés, la part des PVD dans les importations des pays industrialisés est encore relativement faible. Ainsi tout en bénéficiant passivement des avantages que les pays industrialisés se concèdent entre eux par le jeu de la clause de la nation la plus favorisée, les PVD n’ont pas accès à la négociation sur les produits concernés. A la CNUCED de Manille, par exemple, ils ont sévèrement critiqué l’insuffisance des réductions tarifaires sur les produits pour lesquels ils sont devenus compétitifs (ex. textiles et chaussures) et sur lesquels les pays industrialisés eux-mêmes limitent leurs concessions réciproques.
2.2.2. La participation de la Communauté aux accords mondiaux de produit
a) L’Arrangement politique de mars 1981
82Afin d’éviter de nouveaux recours devant la Cour de Justice43 et d’organiser l’exercice conjoint des compétences de la Communauté et de ses Etats membres dans le domaine des produits de base, un arrangement a été mis au point entre le Conseil et la Commission suite à l’initiative politique de cette dernière. Cet arrangement, de caractère politique, sera applicable à tous les produits de base couverts par le Programme intégré. Il ne s’appliquera ni aux produits agricoles sous organisation de marché, pour lesquels il existe une compétence communautaire exclusive, ni à l’accord sur le Fonds commun. Aux termes de cet arrangement, il est prévu :
une participation conjointe de la Communauté et de ses Etats membres à tous les accords concernés auxquels la Communauté et les Dix souhaitent participer : participation aux négociations et aux travaux préparatoires, ainsi qu’aux organes de gestion des accords, ceux-ci étant signés et conclus tant par la Communauté que par les Etats membres ;
cette participation se fera dans le cadre d’une délégation commune qui s’exprimera d’une seule voix sur la base d’une position commune préalablement établie selon les procédures habituelles. Le porte-parole sera normalement le représentant de la Commission. Toutefois, pour des raisons d’ordre tactique ou technique, un délégué national ou le représentant de l’Etat membre exerçant la Présidence pourra intervenir dans un esprit communautaire et dans le but de développer ou d’appuyer la position commune ;
à l’intérieur de cette délégation commune, les Etats membres seront identifiables individuellement. Il y aura regroupement des Dix autour de la pancarte CEE dans les salles de conférences — ceci afin de faciliter les contacts entre les différentes délégations européennes et donner une plus grande efficacité à leur participation — et présentation dans une seule liste des délégués nationaux et communautaires.
83Les expériences passées ont montré qu’il n’était pas toujours aisé de délimiter, de façon précise, l’étendue de la compétence communautaire. Aussi l’Arrangement fait-il volontairement abstraction de toute considération d’ordre juridique ou institutionnel se référant aux compétences respectives de la Communauté et de ses Etats membres. Son objectif est de maximiser le poids global de la Communauté au sein des Accords et de leurs organes. Au plan interne, il devrait permettre de renforcer la cohésion et la solidarité communautaire ; au plan externe, d’améliorer l’image de la CEE et d’affermir sa position vis-à-vis des pays tiers et des organisations internationales concernées.
84La mise en application de cet arrangement a suscité de nombreuses difficultés formelles pour ne pas dire politiques, notamment au sein de la CNUCED, où certains pays de l’Est ont contesté ces pratiques nouvelles en invoquant les règlements et usages de cette organisation. A la CNUCED, en effet, la CEE n’a que le statut d’observateur. Pourtant, la demande de la Communauté relative au regroupement et à la présentation dans une liste unique s’est révélée juridiquement compatible avec les règles de procédure du Conseil du Commerce et du Développement de la CNUCED. Tout au plus, cette demande conduirait-elle à modifier les pratiques consacrées par le temps sans entraîner des changements en ce qui concerne le statut de la CEE. En tant qu’organisme intergouvernemental, la Communauté demeure un participant sans droit de vote. Cet aspect est d’ailleurs clairement explicité dans le Mémorandum adressé par la Communauté aux différentes parties concernées dans le cadre de sa campagne de « sensibilisation »44 :
« La Communauté et ses Etats membres tiennent à souligner que ces dispositions n’ont pour but ni pour effet de modifier le statut de la Communauté au sein des Nations Unies et des instances gouvernementales concernées, qu’elles ne soulèvent aucune objection d’ordre juridique et ne comportent aucun changement de substance qui puisse affecter d’autres Etats ».
85Il semblerait que l’on s’acheminât maintenant vers l’acceptation tacite de cet arrangement par les pays de l’Est qui ne s’opposeraient plus au regroupement des Etats membres ni à leur présentation sur une liste unique. D’ailleurs, la Communauté n’a pas intérêt à voir s’officialiser la discussion au Conseil qui naturellement avancerait les pratiques en vigueur dans l’enceinte de la CNUCED, mettant alors en péril l’initiative politique prise par la Commission en 1981.
86Cet arrangement pourrait permettre d’établir un climat moins tendu entre le Conseil des CE et la Commission, mais il faudra attendre les premières réunions pour savoir s’il permet véritablement de sauvegarder le principe d’une délégation unique. A ce sujet, J.-L. Dewost s’est exprimé en ces termes :
« Il (l’arrangement) traduit en quelque sorte la complémentarité de la Communauté et de ses Etats membres dans ce domaine. De l’idée de substitution, on passe à l’idée de complémentarité… Ce qui est essentiel pour les Etats tiers, c’est d’avoir en face d’eux un « ensemble » communautaire sous forme d’une délégation commune exprimant une position commune : cela peut être atteint par l’arrangement. La pratique dira si la formule est viable et si elle permet de maintenir l’unité de la Communauté vis-à-vis de l’extérieur »45.
b) Les accords internationaux de produits de base
87— L’Accord café : la Communauté est devenue en 1975 le premier importateur mondial de café. Elle représente actuellement environ 40 % du commerce mondial d’importation et le premier consommateur de ce produit de base. Elle est dépendante à 100 % pour ses approvisionnements dont 35 % proviennent des ACP, notamment d’Afrique, et 65 % d’Amérique latine.
88La Communauté s’est engagée avec ses Etats membres dans la renégociation de l’accord international sur le café en 1968, prorogé en 1972. Elle est devenue membre du nouvel accord entré en vigueur le 1er octobre 1976 parallèlement à la participation de tous les Etats membres46. Cet accord d’une durée de six ans est venu à expiration le 30 septembre 1982.
89En application de cet accord, la CEE avait adopté un règlement concernant les contrôles à la frontière communautaire des importations (système des certificats d’origine). Ce règlement, qui visait à empêcher que du café hors contingent puisse pénétrer dans le territoire douanier de la CEE, fut adopté par le Conseil en octobre 1979.
90Les négociations pour la conclusion d’un nouvel accord international destiné à prendre la relève de celui de 1976 — prorogé jusqu’au 30 septembre 1983 — se sont achevées à Londres en septembre 1982. Conclu pour une durée de six ans (1983-1989), le nouvel accord est entré en vigueur le 1er octobre 1983.
91Le nouvel accord a été négocié par la Communauté et ses Etats membres sur la base d’une position préalablement établie. Dans l’article 4 il est stipulé :
« Toute mention du mot “gouvernement” dans le présent Accord est réputée valoir pour la Communauté économique européenne ou une organisation intergouvernementale ayant des responsabilités comparables en ce qui concerne la négociation, la conclusion et l’application d’accords internationaux, en particulier d’accords sur des produits de base.
Une telle organisation intergouvernementale n’a pas elle-même de voix, mais, en cas de vote sur des questions relevant de sa compétence, elle est autorisée à disposer des voix de ses Etats membres, et elle les exprime en bloc. Dans ce cas, les Etats membres de cette organisation intergouvernementale ne sont pas autorisés à exercer individuellement leurs droits de vote »47.
92— L’Accord sur le cacao : la conclusion en 1972 d’un accord international sur le cacao après dix ans de négociation puis son renouvellement en 1975 et 1981 pouvaient faire espérer que l’on s’acheminait vers une stabilisation du cours de ce produit48. Malgré son niveau de perfectionnement, l’accord n’a jamais vraiment fonctionné et n’a pu exercer efficacement son rôle de stabilisation des prix.
93A la fin de 1981, il est clairement apparu que les contributions au stock régulateur ne suffiraient pas à éponger le surplus mondial et ne permettraient pas d’assurer la stabilité des prix49. Des négociations eurent lieu en 1981/82 en vue de dégager un nouveau prêt pour financer les achats du stock. Lors de la réunion du Comité directeur de l’accord international en mars 1982, le directeur du stock régulateur reçut l’autorisation d’emprunter 75 millions de dollars auprès d’un consortium brésilien. Malgré ces efforts, les cours mondiaux du cacao sont toujours à la baisse et les ressources disponibles se révèlent insuffisantes pour absorber les excédents de production qui inondent le marché mondial du cacao.
94L’article 4 de l’Accord50 établit une assimilation de la Communauté et plus généralement de toutes les organisations intergouvernementales possédant des compétences analogues aux Etats. Pourtant, le paragraphe 2 de ce même article stipule que les organisations internationales n’ont pas elles-mêmes de voix mais « qu’en cas de vote sur les questions relevant de leur compétence, lesdites organisations disposent d’un nombre de voix égal au nombre total de voix attribuables à leurs Etats membres conformément à l’article 10 ». Cette solution, satisfaisante à certains égards, n’implique pas pour autant une participation autonome de la CEE qui, de ce fait, n’est pas éligible au Comité exécutif chargé de l’application de la Convention.
95— L’Accord étain : les conditions dans lesquelles la CEE participait à l’accord sur l’étain de 1970 étaient assez restrictives. Celle-ci n’était admise qu’en « tant qu’organisation intergouvernementale ayant des responsabilités en ce qui concerne la négociation d’accords internationaux », mais le droit de vote lui était refusé51. Lors de la renégociation de cet accord en 1975, le Conseil donna mandat à la Commission pour obtenir que cet accord harmonise les modalités de participation de la CEE sur celles adoptées pour l’accord cacao et l’accord café. Cette solution fut retenue en juin 1975, uniformisant dès lors les modalités de la participation de la Communauté aux accords sur les produits de base.
96Ainsi la CEE et ses Etats membres ont-ils activement participé à l’élaboration du 6e accord international sur l’étain, entré en vigueur à titre provisoire en juillet 198252. L’accord a été négocié conformément aux directives approuvées par le Conseil qui donna mandat à la Commission pour qu’elle signe le nouvel accord au nom de la Communauté, suite à sa décision du 22 mars 1981. Le Royaume-Uni et la République fédérale d’Allemagne se sont longtemps opposés à la signature par la CEE, en tant que telle, mettant en cause l’efficacité de ce type d’accord face, notamment, aux opérations « mystérieuses » qui déstabilisent le marché de l’étain. Ces deux pays décidèrent finalement de lever leurs réserves moyennant certaines garanties.
97Le mandat confié à la Commission européenne prévoyait que la CEE signerait le 6e accord avant l’échéance du 30 avril 1981. Cette signature serait accompagnée d’une déclaration précisant que la Communauté demande que cet instrument ne soit pas utilisé dans le but de faciliter les manipulations du marché.
98La participation de la Communauté à cet accord s’imposait d’autant plus que les principaux producteurs d’étain sont membres de l’ASEAN avec laquelle la CEE maintient des liens étroits dans le cadre d’un accord de coopération économique. Si les USA sont, pour leur part, à l’abri d’une rupture d’approvisionnement en raison notamment de l’importance de leur stock stratégique, il n’en est pas de même pour la Communauté qui intervient pour 27 % dans la consommation mondiale de l’étain.
99— L’Accord caoutchouc : la conclusion par la Communauté de l’accord international sur le caoutchouc naturel a eu lieu en avril 1982, après ratification par les Etats membres. L’accord ainsi entré en vigueur à titre définitif crée une situation de compétence mixte. Les règles générales du fonctionnement de l’accord sont de la compétence de la Communauté, le financement du stock régulateur de celle des Etats membres53. En excluant la participation financière de la Communauté54, les Etats membres voulaient probablement reprendre à cette dernière toute compétence réelle et limiter le rôle qu’elle pourrait être amenée à jouer dans la gestion de l’accord. Pourtant, la CEE détient la compétence dans la gestion générale de cet accord de par l’Avis 1/78 de la Cour de Justice concernant l’accord caoutchouc55.
100— L’Accord sur le jute et les produits du jute : la négociation du premier accord international sur le jute56, à laquelle ont participé 50 Etats, s’est achevée à Genève le 1er octobre 1981. Cet accord d’un type nouveau parrainera et coordonnera la recherche et le développement, la promotion commerciale et les travaux sur la réduction des coûts afin d’améliorer la compétitivité du jute. Il se distingue en cela des autres accords internationaux où la priorité est accordée à des mesures de stabilisation des prix. Le financement de ces différentes activités sera assuré principalement par le second guichet du Fonds commun et d’autres institutions financières comme le PNUD et la Banque mondiale.
101L’accord sur le jute a été négocié par la Communauté et ses Etats membres. Toute référence faite à des « gouvernements » dans le texte de l’accord vaut aussi pour la CEE. En cas de vote sur les questions relevant de sa compétence, la Communauté dispose « d’un nombre de voix égal au nombre total des voix attribuables » à ses Etats membres. En pareil cas, ceux-ci « ne sont pas autorisés à exercer leurs droits de vote individuels »57.
102— L’Accord sur les bois tropicaux : la conférence d’octobre 1983, à laquelle ont participé les 88 pays producteurs et consommateurs, s’est achevée par l’adoption du texte d’un accord international58. Cet accord inclut des projets intéressant les domaines de la recherche et du développement, de la transformation, du reboisement et de la gestion forestière ainsi que de l’information économique. Il entrera en vigueur à titre définitif le 1er octobre 1984, ou à toute date ultérieure, si 12 gouvernements de pays producteurs détenant au moins 55 % du total des voix attribuées et 16 gouvernements de pays consommateurs détenant au moins 70 % des voix ont signé l’accord ou l’ont ratifié. La Communauté en sera signataire avec ses Etats membres. Les projets entrepris dans les différents domaines susmentionnés seront financés en grande partie à l’aide du second guichet du Fonds commun, lorsque celui-ci entrera en vigueur. Il s’agit donc d’un accord sans disposition relative au prix.
103La portée de cet accord est surtout illustrée par l’importance de ce produit de base dans le commerce international — le deuxième en valeur après le café — par le nombre et la diversité des parties contractantes. Les 33 pays producteurs de bois tropicaux sont des PVD ; le Japon, la CEE et, dans une moindre mesure, les USA représentent de loin les principaux consommateurs.
2.2.3. Le système STABEX dans le cadre de Lomé
104Selon les critères de référence choisis, la Convention de Lomé paraîtra tantôt comme une œuvre d’avant-garde, tantôt comme un simple compromis entre deux situations de forces antagonistes, parfois même comme un voile jeté sur des relations inégales et univoques, à cause de ses imperfections et distorsions, de ses limites géographiques, sectorielles et techniques.
105Elle a, en tout cas, le mérite d’exister et de comporter un titre visant les recettes provenant de l’exportation des produits de base : il s’agit des dispositions concernant le sucre et un système de stabilisation des recettes d’exportation, lequel consiste à donner à certains produits — et non à des pays — une garantie de recettes remboursables, une fois la « tempête passée ».
106Des contraintes politiques et doctrinales ont, il est vrai, orienté la Commission des Communautés dans une certaine direction, car ce système à mettre en place devait :
ne pas inférer avec le libre jeu du marché ;
ne pas créer d’obstacles aux échanges internationaux ;
être compatible avec les accords mondiaux quand il en existe pour les mêmes produits et ne pas faire obstacle à la conclusion de nouveaux accords59.
107Si la motivation principale est celle de l’aide et non une remise en cause fondamentale des mécanismes de marché, tout au plus une amélioration, ce système permet néanmoins aux Etats membres de la CEE de garantir aux Etats ACP un certain niveau de recettes d’exportation pour une série de produits de base. Encore faut-il ajouter que ces garanties ne concernent que les exportations vers la Communauté, celle-ci ne voulant pas prendre en charge des risques découlant d’événements dans des pays ou sur des places commerciales tiers. Il en résulte des effets fort hétérogènes. Le bilan par pays montre que les pays d’Afrique francophone ont été les plus grands bénéficiaires du système au cours de Lomé I. Ils ont reçu presque 60 % des transferts, le Sénégal totalisant à lui seul 17 %. Le bilan par produit fait apparaître la concentration des interventions sur quelques matières premières : l’arachide et les produits dérivés ont été à l’origine de 42 % du total des transferts, le minerai de fer 16 % et le coton 11 %. En 1980/81, 59 % des transferts sont revenus au cacao et 37 % au café, soit 96 % du total60. D’aucuns en concluent que le STABEX, puisqu’il ne s’applique en principe qu’aux produits exportés vers la CEE61, canalise le commerce des ACP vers une zone exclusivement communautaire, en détournant les échanges inter-ACP, et favorise l’insertion de ces pays dans un système mondial d’échanges dominé par les pays industrialisés.
108Le STABEX, tel que l’ont conçu les négociateurs, n’est pas destiné à agir directement sur les prix des produits concernés, mais à stabiliser a posteriori les recettes que les pays ACP tirent de la vente de leurs produits. Il ne vise pas à assurer le maintien du pouvoir d’achat et ne couvre pas, en réalité, les pertes résultant de la détérioration des termes de l’échange. C’est essentiellement un mécanisme de compensation qui offre une certaine sécurité financière contre les aléas de la production et de la conjoncture. Vu sous cet angle, c’est évidemment un système exemplaire, puisqu’il assure à ces bénéficiaires une prévisibilité des ressources sur cinq ans — une garantie essentielle pour qu’un pays s’engage dans un projet de développement sans avoir à craindre, chaque année, une remise en cause de son financement. Mais étant un système qui intervient a posteriori, il renforce le jeu du marché. Il en corrige certains effets, mais pas pour autant de façon fondamentale et structurelle. Une de ses principales « vertus » est en quelque sorte sa neutralité à l’égard de la philosophie économique dominante.
109Quels sont les produits couverts par le système ?
110Deux critères ont été retenus pour établir la liste de ces produits :
d’une part, l’importance du produit dans l’économie de l’Etat ACP. Le degré de dépendance d’un pays à l’égard du produit retenu est déterminé par la fixation d’un « seuil de dépendance » : ce produit doit avoir représenté l’année précédant l’entrée en vigueur du système au moins 6,5 % des recettes d’exportation totales du pays. Ce chiffre est ramené à 2,5 % pour les Etats ACP les moins développés, enclavés ou insulaires ;
d’autre part, pour bénéficier d’un transfert, les recettes effectives d’exportation du produit doivent être inférieures à la moyenne des recettes correspondantes pour les quatre années précédentes, cette moyenne constituant le niveau de référence. Ce second seuil ou « seuil de déclenchement » se situe, en général, autour de 7 % et de 2 % pour les pays les moins développés, enclavés ou insulaires. Une fois ce seuil dépassé, la différence entre le niveau de référence et les recettes effectives représente la somme à verser par la CEE encore que si la baisse des recettes est imputable à l’Etat demandeur, le transfert peut être refusé. Les Etats ACP ayant bénéficié de compensations, à l’exception des pays les moins développés, sont tenus à une obligation de reconstitution des ressources.
111Sur la base de ces deux critères, quatre séries de produits ont été éligibles :
un certain nombre de produits de base tropicaux : arachide, cacao, café, coton, produits du coco, bananes ;
une seconde série présentant quelques ressemblances avec les produits précités : cuirs et peaux, bois, thé, sisal brut, produits du palmier et du coco ;
quelques produits de première transformation obtenus à partir des produits de base : huile et tourteaux d’arachides, pâte et beurre de cacao, extrait ou essence de café ;
enfin un produit, le minerai de fer, que la CEE refusa dans un premier temps d’admettre dans le système. Elle dut s’incliner par la suite, de crainte de faire échouer toute l’entreprise.
112Le STABEX a fonctionné de façon satisfaisante au cours des années d’exercice de Lomé I (1975-1979) où la Convention lui a consacré 380 millions d’ECU divisibles en cinq tranches annuelles, avec report des reliquats des années précédentes. La dotation du STABEX dans Lomé II a fait apparaître un grave problème d’insuffisance des ressources. Les demandes de transferts des ACP au cours des années 1980/81 ont largement dépassé la somme des disponibilités financières, ne permettant ainsi d’assurer qu’un taux de couverture globale de 53 % environ en 1980 et de 42,8 % en 1981.
113Manifestement le système n’est plus en mesure de faire face aux attentes. Les difficultés rencontrées tiennent à la fois à des éléments conjoncturels et structurels. Au-delà de la chute brutale des cours des matières premières, il faut aussi tenir compte de l’évolution de l’économie même d’un grand nombre de pays ACP. Ceux-ci ont enregistré une détérioration continue de leur position concurrentielle pour certains produits de base couverts par le système. En d’autres termes, une partie croissante du STABEX a été utilisée non pas pour pallier un risque conjoncturel (calamités naturelles, baisse de la demande, chute des cours, etc.) mais pour compenser des effets à caractère structurel.
114La Convention de Lomé II, signée le 31 octobre 1979, comprend un titre nouveau — le SYSMIN — consacré aux minerais. En effet, en bénéficiant aux pays ACP exportateurs de produits agricoles, le STABEX pénalise en quelque sorte ceux dont l’économie dépend dans une large mesure de l’exportation de produits miniers (p. ex. Zambie et Zaïre).
115Le SYSMIN, mécanisme vaguement apparenté au STABEX, permet à un pays qui voit le revenu de ses gisements diminuer au point de menacer son potentiel de production de recevoir une aide financière de la CEE62. Cette aide n’a pas pour objet, comme dans le cas du STABEX, de compenser les pertes des recettes d’exportation. Il ne s’agit pas de maintenir à tout prix des volumes de production mais de faciliter le maintien en état de marche des installations, de façon à ce que le pays puisse bénéficier de la reprise lorsque l’équilibre du marché se rétablit. Le mécanisme englobe les principaux minerais exportés par les ACP, à l’exception de l’uranium : le cuivre et le cobalt (principaux producteurs Zambie, Zaïre et Papouasie), le phosphate (Togo et Sénégal), la bauxite et l’alumine (Guinée, Surinam, Jamaïque et Guyane), le manganèse (Gabon), l’étain (Rwanda). Pour pouvoir bénéficier de l’aide, il faut que l’exportation de l’un de ces minerais représente au moins 15 % des ventes totales du pays ACP demandeur et 10 % pour les ACP les moins développés, enclavés ou insulaires. Aucune intervention ne peut dépasser plus de 50 % de chacune des cinq tranches annuelles.
116Ce nouveau système de soutien en faveur des minerais est en soi prometteur mais les PVD espéraient un nouveau STABEX. En fait, il ne couvrira que les situations exceptionnelles où l’exploitation minière est mise en péril.
117Autre innovation de Lomé II : le développement du potentiel minier et énergétique. Des dispositions sont prévues afin de favoriser la reprise de l’investissement minier en Afrique, tombé à un niveau très bas. Le Fonds européen de développement fournira son assistance technique et financière aux programmes de prospection. De même, la Banque européenne d’Investissement aura mission de consentir un effort important en faveur du développement minier, tout en rendant possible la conclusion d’accords de protection communautaire des investissements.
118Cette deuxième Convention de Lomé, entrée en vigueur en janvier 1981, viendra à expiration le 28 février 198563. Afin d’assurer la poursuite de la coopération CEE-ACP après cette date, les négociations en vue d’une nouvelle Convention se sont engagées dès le second semestre de 1983.
119Les négociations ont débuté dans des conditions fort différentes de celles qui prévalaient cinq ans plus tôt (montée du protectionnisme, explosion de la dette du Tiers Monde, insuffisances du STABEX pour juguler les fluctuations des recettes d’exportation). Confrontée à l’enlisement actuel du dialogue Nord-Sud et à sa propre « crise d’identité » que la CNUCED VI a fait éclater au grand jour, l’Europe doit se ressaisir si elle souhaite servir le plus efficacement la cause du dialogue. A l’heure où s’engage le débat et où se profilent les enjeux, cet effort d’imagination et de fermeté s’impose plus que jamais. A Belgrade, la Communauté a abandonné sa personnalité au profit du leadership anglo-saxon. Certes, la renégociation des Accords de Lomé se déroule en dehors de la présence des Américains mais l’éventail politique a changé au sein de la Communauté et les options de certains dirigeants européens vis-à-vis du Tiers Monde sont assez proches de celles de Ronald Reagan. Et comment croire à une Communauté qui, à Belgrade, a été si décevante ?
120Lomé III peut être une occasion pour l’Europe d’affirmer que, malgré la crise, elle existe encore en tant qu’entité. Les négociations en cours renvoient la CEE à ses propres problèmes à la fois politiques et institutionnels mais elles lui offrent aussi la possibilité de les surmonter et de justifier, de légitimer son existence. L’Europe va-t-elle projeter sa propre crise d’identité sur un volet aussi important de son activité extérieure ou bien les Dix parviendront-ils à agir de concert ? La CEE a peut-être besoin de regarder au loin pour exister. Les négociations menées en pleine crise de l’Europe le diront.
2.2.4. Le système des préférences généralisées (SPG)
121Lors d’une réunion du GATT en mai 1963, la Communauté avait proposé que les pays développés accordent un traitement tarifaire préférentiel aux importations de produits manufacturés en provenance des PVD, afin de promouvoir leur développement industriel. Le GATT franchit en 1964 une étape décisive en admettant la nécessité d’octroyer des préférences à ces pays, et il créa à cet effet le groupe de travail des préférences destiné à mettre sur pied un système préférentiel. C’est finalement la CNUCED qui introduisit en 1968 l’idée d’une généralisation des préférences au profit des PVD. Mis au point par le Comité spécial de la CNUCED, le SPG a été adopté par le Conseil de cette dernière en 1970 et la CEE a été la première à appliquer, dès juillet 1971, le premier régime tarifaire préférentiel à l’adresse des PVD non associés.
122Ce système présente pourtant des limites et ne constitue pas la panacée susceptible de provoquer l’essor industriel du Tiers Monde. Tout d’abord, il ne peut s’agir d’une libéralisation complète et en franchise des importations de produits originaires des PVD. Ensuite, des modalités restrictives — plafonds, butoirs, clause de sauvegarde — sont prévues dans les divers schémas. Les produits agricoles naturels et transformés ne sont éligibles que cas par cas ; les matières premières sont exclues du système. Même si celui-ci est théoriquement non discriminatoire, puisque les préférences sont accordées à tous les PVD, il l’est implicitement : le système étant beaucoup plus industriel qu’agricole et étant donné que seuls les PVD de degré moyen et élevé de développement possèdent ou sont susceptibles de posséder dans un proche avenir une industrie concurrentielle, ces pays sont nécessairement favorisés par rapport aux autres64. Par ailleurs, comme il s’agit de concessions unilatérales, sans réciprocité de la part des pays bénéficiaires, des arrangements peuvent être effectués sans négociations préalables dans le cas où des perturbations apparaîtraient sur les marchés dans les pays octroyant ces préférences. Celles-ci sont généralisées c’est-à-dire appliquées, en principe, par la plupart des pays industrialisés et autonomes, car elles ne résultent pas d’une négociation avec les pays bénéficiaires, mais d’une offre unilatérale formulée par la CEE après consultation du pays concerné65.
123Les produits pour lesquels ont été octroyés des tarifs préférentiels sont les produits agricoles transformés, le SPG ne s’appliquant pas aux produits de base agricoles, sauf au tabac. Les produits inclus dans le système de la CEE66 étaient au nombre de 147 de 1971 à 1973. En 1974, première année d’application du SPG par une Communauté élargie, le nombre de ces produits a été porté à 187 et la valeur de l’offre se situait à 450 millions d’ECU. Cette liste a constamment été élargie et comportait en 1980 310 « positions tarifaires visant pratiquement tous les produits pour lesquels il n’est pas à craindre de concurrence préjudiciable pour la production de la CEE »67. Nous citerons, entre autres, le poivre, les huiles végétales tropicales, le beurre de cacao, le café soluble. Si selon l’expression consacrée, « beaucoup de progrès restent à faire », les contraintes de la politique agricole commune, les engagements de la CEE envers les ACP (nécessité de sauvegarder les possibilités d’accès de ces pays ou de produits déterminés) et en Méditerranée, enfin les perspectives d’adhésion imposent clairement des limites à l’extension de la couverture actuelle des produits éligibles au titre du SPG68.
124L’application initiale du système des préférences généralisées au bénéfice des PVD est venue à expiration en décembre 1980. Le SPG des années 80, mis en vigueur par une décision du Conseil pour une durée de dix ans, est axé sur deux nouvelles orientations : simplification du système et différenciation entre pays bénéficiaires. Tout en s’adaptant aux conditions économiques prévalant dans les relations internationales et tout en tenant compte des impératifs de la politique industrielle et commerciale de la CEE, le SPG cherche à assurer une utilisation plus rationnelle des avantages préférentiels.
125Pour simplifier la gestion du système, la Communauté a décidé de répartir, dès 1981, les produits concernés en deux catégories (au lieu de quatre sous le précédent schéma) : les produits sensibles, strictement contrôlés, au nombre de 128 dont 64 produits industriels ; les produits non sensibles auxquels n’est appliquée qu’une surveillance statistique69. Par ailleurs, la CEE a supprimé les contingents et plafonds globaux, de façon à pouvoir établir une différenciation entre pays bénéficiaires. Ainsi les pays les plus pauvres auront-ils la possibilité de profiter davantage du système, tandis que la Communauté sera mieux à même de se protéger contre un afflux excessif de produits sensibles en provenance de pays considérés comme très compétitifs.
126Pour les produits sensibles, les exportations préférentielles des PVD les plus compétitifs sont soumises à un régime de contingents communautaires, fixés séparément pour chaque pays, mais toujours répartis en quotes-parts nationales propres à chaque Etat membre de la CEE. Une fois le plafond ou contingent atteint, l’Etat membre doit rétablir le droit de douane à l’égard du pays exportateur. Les importations en provenance de PVD moins compétitifs ne sont pas soumises à l’établissement de quotas nationaux. Les droits de douane sont réintroduits pour l’ensemble de la Communauté lorsque le plafond individuel du pays exportateur est atteint.
127Les 33 pays moins avancés (PMA) bénéficient de la franchise pour tous les produits agricoles du SPG, même ceux soumis à plafonds ou contingentements. En outre, ils jouissent sans aucune restriction de la franchise totale pour tous les produits industriels, y compris les textiles.
128Le système appliqué à partir de 1981 pour les produits agricoles est semblable en ses fondements à celui mis en œuvre précédemment. Il varie d’une exonération totale des droits de douane — dont bénéficient les PMA — à une réduction plus ou moins importante selon la sensibilité des produits. Des restrictions quantitatives sont imposées pour certains produits sensibles, tels que le tabac, les conserves d’ananas, le beurre de cacao et le café soluble, dans le but de ne pas départir les pays ACP des avantages acquis au titre de la Convention de Lomé. En 1982, la liste des produits agricoles transformés couverts par le SPG comportait 338 produits.
129En 1980, la Communauté mit en vigueur un nouveau schéma pour les produits textiles dans lequel le traitement préférentiel est modulé par pays et accordé selon que le produit est couvert ou non par l’Arrangement multifibres. Pour les produits couverts, des plafonds sont fixés pour chacun des pays bénéficiaires ayant conclu un accord bilatéral avec la Communauté ou ayant pris un engagement du même ordre. En revanche, pour les produits non couverts par l’Arrangement, il existe des plafonds globaux dans les limites desquels tous les pays peuvent bénéficier du traitement préférentiel. Mis à part une augmentation de 2 % en volume en 1981 pour tenir compte de l’accession de la Grèce, le schéma de 1980 a été reconduit en 1982.
130Le schéma européen s’écarte de plus en plus du principe de non-discrimination entre bénéficiaires formulé par le Comité spécial des préférences de la CNUCED. La « bilatéralisation » des rapports s’accentue du fait de l’individualisation des préférences en matière de produits industriels et de l’individualisation par pays des plafonds et contingents.
131Il restera à voir dans quelle mesure la volonté d’établir un traitement différencié selon les pays ou groupes de pays (régime spécifique pour les PMA, réduction des préférences pour les bénéficiaires plus compétitifs, privilèges spéciaux accordés aux Etats ayant conclu des accords d’autolimitation de leurs exportations de textile, etc.) constituera un facteur de dynamisme dans le commerce Nord-Sud mieux approprié que le précédent.
3. L’adoption de la résolution 93(IV) de la CNUCED de Nairobi
132La donnée essentielle de la question des produits de base est désormais la résolution 93(IV)70 dont l’adoption longue et laborieuse à la 4e CNUCED a ouvert la voie à une série de travaux préparatoires. Ceux-ci doivent aboutir à la négociation d’un ensemble d’accords par produit et à la création d’un Fonds commun qui constituent les principaux instruments du Programme intégré.
3.1. Un accord du bout des lèvres
133La Communauté avait accepté en principe l’approche intégrée comme base utile de discussion. Mais elle a abordé la Conférence de Nairobi sans position bien définie, comptant semble-t-il un peu trop sur les vertus dynamisantes des séances de coordination sur place71. Jusqu’aux tout derniers jours, les chefs de délégation des pays membres ne parvinrent pas à se mettre d’accord sur une position commune. Les Allemands et les Britanniques refusaient catégoriquement l’accord intégré qui, comme le déclarait M. Egon Bahr, ministre ouest-allemand de la coopération économique,
« n’est pas acceptable pour nous car il ne serait pas conciliable avec notre système d’économie de marché »72.
134Ils ne voulaient pas « casser » la dynamique de ce système. Le Programme intégré leur faisait craindre que le Fonds commun ne devînt une sorte de banque des matières premières. Si les Américains ont tout fait, de leur côté, pour ne pas mettre les doigts dans ce qui leur paraissait un redoutable engrenage dirigiste, la thèse française allait plutôt dans le sens d’une proposition transactionnelle : création de fonds de soutien par produit et éventuellement, si besoin est, mise en place ultérieure d’un fonds central pour coordonner l’activité des fonds spécifiques. Ce fonds central serait alimenté, d’une part, par les excédents de trésorerie des fonds spécifiques ; d’autre part, par les prêts de la Banque mondiale ou du FMI. Il s’agissait donc, en quelque sorte, d’un « fonds parapluie » susceptible d’opérer des péréquations.
135On sait que le consensus auquel les délégations sont finalement parvenues — adoption d’un Programme intégré prévoyant l’étude, puis la négociation d’accords et d’un Fonds commun — n’est pas contraignant. Il n’est pas douteux que des pays comme l’Allemagne et la Grande-Bretagne n’ont pu donner leur adhésion qu’avec une extrême réticence. On sait aussi que les Américains, les Allemands et les Britanniques ont accepté in extremis un débat portant sur la création d’un Fonds commun, mais en assortissant leur acceptation d’une déclaration interprétative soulignant le caractère exploratoire de ces pourparlers73. Autrement dit, ils ont introduit dans le débat leur volonté, contestée, d’un processus en deux temps — le premier, celui de l’examen ne les engageant pas ; le second, celui d’une éventuelle négociation74. Pourtant, on ne saurait nier le succès, même partiel, que signifie cette concession des pays industrialisés et notamment celle, au sein du groupe B, des Etats-Unis qui en se ralliant au compromis final ont marqué une évolution de leur position, jusque-là attachée au respect du libre marché. Ils ont, par ricochet, conduit à un assouplissement de l’attitude du gouvernement allemand : en franchissant le pas nécessaire, celui-ci a permis de débloquer la discussion au sein des Neuf.
136La résolution adoptée comprend plusieurs têtes de chapitre sur lesquelles nous reviendrons. Mais c’est bien évidemment l’accord de principe sur la création d’un Fonds commun75 qui constitue le succès le plus important — quoique mitigé — en raison du caractère symbolique qu’a pris ce Fonds76. Depuis la réunion des 77 à Manille en février 1976, le Fonds commun s’est en quelque sorte chargé d’un poids quasi émotionnel qui a augmenté de jour en jour pour devenir à la fois la force qui décuple l’énergie des 77, le ciment de leur unité et leur cheval de bataille dans les négociations.
137Débattre en présence de tant de participants d’un mécanisme économique aussi complexe que celui développé par le Programme intégré, était manifestement très difficile. En choisissant l’approche « technique » on se heurtait inévitablement à d’énormes difficultés soulevées par la constitution d’un Fonds destiné à apporter une solution plus juste et satisfaisante au problème de la production et du stockage notamment. Les PVD le savaient77. Et l’essentiel, pour eux, résidait dans l’acceptation ou le refus du principe même d’un Fonds sans devoir attendre quelques années encore le Fonds central aléatoire proposé par la France78. Il s’agissait donc d’une décision politique qui devait être porteuse d’une signification réelle pour l’avenir des relations internationales. Si les délégations des pays industrialisés reconnaissaient en principe qu’un Fonds devait être établi, c’était pour des raisons politiques, plutôt que par nécessité économique.
3.2. Les implications
3.2.1. L’échéancier des négociations
138Des réunions préparatoires ouvertes à tous les pays concernés devaient être organisées de septembre 1976 à février 1978, pour négocier, produit par produit, des accords entre producteurs et consommateurs de matières premières79. Ces accords devaient être signés à la fin de 1978. Parallèlement, d’autres réunions préparatoires devaient avoir lieu pour définir les objectifs, les exigences financières et les modes de financement d’un éventuel Fonds commun de financement international de stocks régulateurs. Il était prévu qu’une conférence sur ce sujet précis se tînt avant mars 1977.
139Ce calendrier fixait donc un délai d’un peu plus de deux ans pour conclure des accords internationaux sur les produits retenus par le Programme intégré. On s’attendait à ce qu’une solution précise intervînt après qu’une vingtaine d’années de débats stériles n’avaient jamais véritablement abouti. Un Conseil intergouvernemental devait coordonner les travaux préparatoires et les négociations et s’occuper des grands problèmes de politique générale qui pourraient se poser.
3.2.2. La question des modalités de participation de la Communauté aux négociations
140Ces négociations revêtent une importance et une signification particulière pour la Communauté. D’une part, à cause de leur impact sur la politique commerciale commune, sur la politique de développement, sur la politique d’approvisionnement en matières premières et, dans une moindre mesure, sur la politique agricole commune (en ce qui concerne les produits alimentaires). D’autre part, c’est dans ce cadre que seront appréciées la crédibilité et la portée réelle et concrète du rôle que la Communauté a pu jouer jusqu’ici et celles de sa volonté de contribuer à la mise en place d’un meilleur équilibre économique et commercial mondial. Celui-ci a une importance d’autant plus grande que la CEE est importatrice nette de matières premières.
141Il s’agit en premier lieu de prévoir la participation de la Communauté en tant que telle aux discussions et aux négociations sur les accords ou arrangements internationaux qui sont appelés à en résulter. Ces accords par produit relèvent de la politique commerciale commune et sont, par conséquent, de compétence communautaire au titre de l’article 113 du Traité CEE, puisqu’ils ont pour objet la régulation des échanges. Ceci correspond d’ailleurs à ce que la Commission avait proposé lors de la négociation des accords étain (1975) et cacao (1972)80, ainsi que des directives de négociations GATT pour les produits agricoles ou de l’offre sur les produits tropicaux dans le même contexte81.
142La participation au Fonds commun soulève un problème un peu différent selon l’option retenue sur la nature de ce Fonds : ou bien on le conçoit comme un instrument de centralisation et de gestion des accords, ou bien comme une caisse de péréquation. Dans cette seconde optique (la première étant difficilement acceptable pour les pays industrialisés à cause de son caractère « dirigiste »), il ne peut s’agir d’un instrument de politique commerciale au sens strict de l’article 113. Toutefois il serait possible d’envisager, pour des raisons politiques évidentes, l’application de la formule CCEI, c’est-à-dire le bicéphalisme. Il suffit de rappeler, d’une part, le rôle qu’une Communauté unie a pu jouer à la 7e session spéciale de l’Assemblée générale des Nations Unies et à la CCEI ; d’autre part, l’image déplorable qu’elle a donnée au monde à Nairobi lorsqu’elle n’a pu adopter à temps une position commune82.
3.3. Mesures envisageables
143Nous nous proposons de récapituler les mesures susceptibles d’être envisagées pour une action internationale du point de vue de la Communauté et d’en préciser brièvement le contenu.
3.3.1. Actions à caractère financier
— Stabilisation des prix
144En maintenant les prix à l’intérieur d’une fourchette s’étalant de part et d’autre d’un niveau considéré comme « satisfaisant », une action sur les prix permettrait de prévenir les fluctuations dont ceux-ci sont l’objet. Lorsque ces fluctuations sont particulièrement brutales et que les conditions de concurrence ne permettent pas de répercuter les hausses des prix des matières premières sur le prix de vente des produits finis, l’instabilité des prix devient problème. Ceci est notamment le cas en période de récession économique.
145Le choix, l’efficacité et le coût des instruments pour l’application de telles mesures de stabilisation dépendent des cas concrets, mais les arrangements ou accords devraient regrouper l’ensemble des producteurs et consommateurs et reposer sur une gestion commune. Une élimination des fluctuations excessives des prix peut, dans certains cas, impliquer la nécessité de mesures de stockage et de déstockage. Le fonctionnement de certains accords mondiaux pourrait être amélioré par la participation des pays consommateurs au financement des stocks et, partant, à la gestion du système. Quoi qu’il en soit, l’application de toute mesure suppose un financement approprié, des engagements financiers dont les modalités seront à définir selon les cas (responsabilité commune ou cofinancement, contributions volontaires, intervention d’organismes internationaux).
— Stabilisation des recettes
146Reconnaissant l’importance des problèmes soulevés par l’instabilité des revenus des PVD exportateurs de matières premières, la Communauté s’engagerait — compte tenu de son expérience acquise en ce domaine dans le cadre de la Convention de Lomé — à participer à une action internationale, visant à stabiliser les recettes liées aux exportations. Des mesures de ce type se distinguent de celles visées dans le contexte d’une action destinée à stabiliser les prix en ce qu’elles n’affectent pas directement le jeu du marché et n’introduisent pas d’obstacles aux échanges. Ce concept de stabilisation des recettes, soutenu par l’Allemagne, peut se présenter sous deux formes, comme nous avons déjà eu l’occasion de le souligner :
actions destinées à protéger les exportateurs contre de fortes fluctuations de leurs recettes globales d’exportation, comme dans le mécanisme financier compensatoire du FMI. Si le FMI examine certaines possibilités de libéraliser son système, il ne semble guère probable qu’il aille jusqu’au point d’opérer produit par produit, au lieu d’intervenir, comme c’est le cas actuellement, au niveau de l’ensemble de la balance des paiements ou encore d’effectuer des transferts non remboursables pour les pays les plus pauvres ;
mesures destinées à stabiliser les recettes de certains produits de base (comme dans Lomé)83.
147A New York (7e session spéciale de l’Assemblée générale)84 et ultérieurement, en vue de la préparation de la Conférence Nord-Sud à Paris, la Communauté a rappelé qu’elle souscrit à l’idée et appuie toute action internationale complémentaire visant :
une amélioration du système financier compensatoire du FMI en faveur de producteurs de matières premières ;
l’introduction de mesures complémentaires spécifiques pour les PVD les plus pauvres et les produits qui les intéressent, lorsque les recettes d’exportation pour ces produits diminuent.
148Les propositions du Comité intérimaire du FMI adoptées à Kingston en janvier 1976 prévoyant des améliorations dans le mécanisme financier compensatoire, y compris des conditions spéciales pour les pays les plus pauvres, constituent des mesures importantes. Ce Comité intérimaire a, en ce qui concerne le financement compensatoire, entériné la décision des Directeurs exécutifs du FMI du 24 décembre 197585, approuvant les modalités d’octroi des prêts accordés et l’augmentation des plafonds de crédit. Si cette démarche va dans le sens de l’action prévue par la Communauté, les mesures spécifiques pour les plus pauvres sont moins claires. Le Fonds fiduciaire (Trust Fund), dont la création a été décidée à cette même réunion de Kingston, a pour objet de faire face aux problèmes des paiements des pays les plus démunis. Mais il ne peut garantir une protection aux exportateurs particulièrement vulnérables aux variations des recettes d’exportation, puisqu’il ne s’attaque pas aux causes structurelles de l’instabilité. Par ailleurs à cette date (février 1976), les modalités d’utilisation et d’intervention de ce Fonds fiduciaire pour aider les plus pauvres au moyen de crédits procurés par la vente d’or du FMI n’étaient pas arrêtées.
149Les coûts financiers qu’implique une telle approche devront être à la charge de l’ensemble des pays industrialisés, y compris les pays à commerce d’Etat, ainsi qu’à celle des autres pays disposant de ressources suffisantes (p. ex. membres de l’OPEP). Mais il demeure que cette mise en œuvre doit se situer à l’intérieur des institutions existantes auxquelles des améliorations de fonctionnement peuvent être apportées.
3.3.2. Coopération industrielle — accès au marché
150La coopération industrielle recouvre un ensemble d’actions par lesquelles les pays développés contribuent au développement industriel des PVD, en leur permettant d’augmenter le degré d’élaboration des produits exportés, par l’implantation chez eux d’industries de transformation. Elle regroupe à la fois des actions relevant de l’Etat et des opérateurs économiques. Elle s’applique directement aux réalisations industrielles elles-mêmes et indirectement à leur environnement (infrastructure, formation, etc.). Dans le cadre d’une approche générale globale relative à l’industrialisation des PVD, la Communauté s’est déclarée prête à faire un effort particulier en vue de favoriser la transformation sur place des matières premières. A cet égard, la coopération industrielle constitue un cadre approprié pour discuter des problèmes d’intérêt commun, parmi lesquels celui de l’approvisionnement en matières premières.
151La plupart des éléments constitutifs d’une coopération industrielle existent déjà depuis un certain temps. Il s’agit donc moins d’innover que d’approfondir, de préciser les moyens d’action existants, de les coordonner pour mieux les mettre au service de l’objectif. Nous nous contenterons d’en citer quelques-uns, en nous penchant un peu plus en détail sur le dernier :
transfert de technologie vers les PVD ;
financement de l’infrastructure liée à l’industrie ;
transparence et cohérence des investissements ;
mesures favorisant la sécurité et notamment la conclusion d’accords de protection des investissements ;
octroi par le pays hôte de facilités fiscales pour les investissements ;
mesures visant à faciliter la création et le développement de « joint-ventures » ;
formation des cadres et de la main-d’œuvre industrielle des PVD ;
création d’un climat d’accueil dans les PVD ;
politique commerciale.
152L’industrialisation des PVD suppose la nécessité d’exporter vers les marchés des pays industrialisés une partie au moins de leur production industrielle. Si certains produits, résultant de la transformation sur place de matières premières locales, sont destinés par nature aux marchés intérieurs, d’autres doivent trouver hors des frontières les débouchés complémentaires, susceptibles d’élargir un marché national devenu trop étroit. Cela implique, pour l’Europe notamment, puisque c’est d’elle dont nous parlons, que les barrières douanières s’opposant à l’entrée de ces produits plus ou moins élaborés soient progressivement supprimées.
153Le problème de l’accès aux marchés est d’abord synonyme de libéralisation des importations. Toute mesure en ce sens aura pour conséquence une intensification du commerce des produits dont l’exportation présente un intérêt pour les PVD : elle contribuerait, en effet, à accroître leurs recettes en devises et à une meilleure participation à l’expansion des marchés. Cet aspect de la coopération industrielle relève de la politique commerciale commune de la Communauté. Celle-ci doit viser, d’une part, à réduire ou éliminer les obstacles tarifaires (franchise ou concessions en matière de droits de douane ou autres impositions à la frontière, élargissement des contingents tarifaires, notamment par une meilleure application du SPG) ; d’autre part, à réduire les obstacles non tarifaires qui, en réalité, sont plus efficaces que les barrières tarifaires : restrictions quantitatives, entraves à la mise en œuvre des tarifs (règles d’origine) entraves techniques (norme de qualité et dispositions en matière d’hygiène notamment).
154Si, d’une façon générale, la Communauté est prête à contribuer à une accélération du développement industriel des PVD, il semblerait qu’elle cherche par ailleurs à minimiser le problème de l’accès aux marchés. Les contraintes et les limites imposées par les politiques commerciales plus ou moins restrictives des pays industrialisés devraient inciter les PVD à se préoccuper d’abord de leur marché national et à développer des intégrations régionales. Les perspectives de libéralisation des échanges sont aujourd’hui bien moins souriantes qu’elles ne l’étaient il y a quelques années.
3.3.3. Information et consultation
155Des actions destinées à améliorer l’information et la consultation dans un cadre approprié (par exemple dans celui d’associations consommateurs/producteurs) sur la situation de l’offre et de la demande devraient être entreprises afin de confronter les points de vue et viser à l’établissement d’un consensus sur une certaine ligne de conduite. Pour avoir une plus grande efficacité, de tels contacts, que l’on désigne parfois sous le terme de « concertation »86, devraient avoir lieu entre producteurs et consommateurs et faire abstraction de distinctions de nature « politique » (p. ex. distinction entre PVD, pays industrialisés et pays à commerce d’Etat). Une meilleure connaissance des problèmes réciproques aurait, soutient-on, pour effet d’éclairer l’action des gestionnaires, tout en renforçant chez les producteurs et les consommateurs la conscience de leur solidarité.
156Parmi les mesures envisagées par le Programme intégré, l’organisation de la concertation pour chaque produit de base revêt un caractère particulier : ce que l’on vise à travers elle, en réalité, c’est d’arriver à des suites opérationnelles, même si celles-ci ne devraient avoir qu’une portée limitée. Le danger, pour les PVD, serait que cette concertation, conçue comme préalable à la conclusion d’un quelconque accord, se substituât à l’accord lui-même par une manœuvre habile de la part des pays industrialisés. En organisant la concertation sur un produit donné, ceux-ci pourraient chercher à éluder les sollicitations des PVD en faveur d’engagements plus contraignants. Or les 77 veulent des garanties concrètes, résultant des mesures économiques inscrites dans ces accords. Le cas du cuivre a permis de constater que pour les PVD la concertation doit s’instaurer dans le cadre d’un accord et ce, malgré l’insistance de la Communauté de l’organiser dès la phase préparatoire des travaux.
157La Communauté a donc défini une série d’actions sur la base des principes adoptés pour la 7e session spéciale et le dialogue Nord-Sud : mise en place d’information et de consultation réciproques, mesures destinées à limiter la fluctuation excessive des prix, stabilisation des recettes et accès au marché notamment.
158Mais même si certains Etats membres se déclarent, en théorie du moins, partisans de la conclusion d’accords par produit, la disponibilité de la Communauté à s’engager dans cette voie reste, en fin de compte, limitée. Le remède le plus indiqué aux problèmes des matières premières, du point de vue de la CEE, consisterait à généraliser et à institutionnaliser des consultations par produit entre producteurs et consommateurs. Cela coûterait beaucoup moins cher.
4. Les négociations sur le Fonds commun
159Après l’adoption officielle du Programme intégré à Nairobi se sont engagées, comme prévu dans la résolution 93(IV), une série de réunions préparatoires sur le Fonds commun. Elles avaient pour objet de dégager un consensus, particulièrement parmi les pays industrialisés, sur l’ampleur, la nature et le calendrier de mise en œuvre du Fonds. Les résultats, comme nous le verrons, ne sont pas à la mesure de l’espoir que les PVD avaient mis dans ce Fonds. L’accord auquel on est finalement parvenu à Genève diffère sensiblement de ce qu’escomptaient les 77 dans leur Charte de Manille.
4.1. Les positions de départ
160Les divergences dans l’attitude des pays membres de la CEE vis-à-vis de ce Fonds sont ressorties dès la première réunion préparatoire (novembre 1976) sur ce point central du Programme intégré. Dans l’ensemble, ils ont réaffirmé que ces réunions ne devaient pas « étudier comment négocier le Fonds commun » mais examiner comment résoudre « les problèmes auxquels se réfère l’idée même d’un Fonds commun ». Mais au-delà de ces déclarations générales, les positions de chacun paraissaient encore à ce stade difficilement conciliables.
161Rappelons que, dans sa déclaration interprétative, l’Allemagne avait réservé sa position sur la création d’un Fonds. Elle avait souligné que ce ne serait qu’à la fin des réunions préparatoires et des négociations envisagées que son gouvernement pourrait se prononcer sur la question de l’opportunité d’un Fonds commun, comme instrument pour le financement de stocks régulateurs. Le Royaume-Uni avait relevé qu’il existait des divergences de vues sur les objectifs et modalités du Fonds ; ces questions devraient faire l’objet de travaux préparatoires supplémentaires avant l’ouverture de négociations formelles. Les autres pays membres, comme la plupart des autres pays industrialisés87, acceptaient le principe d’un Fonds commun, dont les objectifs précis et les modalités devraient être déterminés dans le cadre de négociations futures. Toutes les délégations estimaient, comme toujours d’ailleurs, qu’il fallait une réponse communautaire et non des réponses séparées des Etats membres. Mais les difficultés pour parvenir à un accord sur les questions de fond soulevaient des doutes sérieux quant à la capacité de la Communauté de présenter un front uni à la CNUCED. Il s’agissait de savoir si les Neuf étaient véritablement en mesure de négocier en commun dans cette enceinte des Nations Unies.
162Schématiquement, il existe trois tendances fondamentales quant aux objectifs à assigner à ce Fonds commun :
un Fonds commun fonctionnant uniquement comme caisse de péréquation (« clearing ») entre les différentes organisations par produit, sans capital ni ressources propres. Au cas où un certain préfinancement serait nécessaire pour démarrer les opérations de stockage, il conviendrait de recourir aux possibilités de financement existantes. Cette tendance est représentée par l’Allemagne ; les USA et le Japon la considèrent comme point de départ ;
un Fonds fonctionnant comme « clearing » mais tout en exerçant une fonction supplémentaire de financement. A cet égard, il serait doté d’un capital propre limité, destiné principalement à garantir des emprunts et à opérer sur le marché des capitaux ; certaines délégations estiment, en effet, que pour être « crédible » le Fonds devrait comporter au moins un certain élément de capitalisation. C’est le cas de la France, la Belgique et l’Irlande. Le Royaume-Uni semble se rallier progressivement à cette option ;
un Fonds muni d’un capital plus substantiel qui aurait une fonction de « clearing » tout en ayant la possibilité d’engager ses ressources en faveur des organisations spécifiques pour les produits de base, lorsque celles-ci ne disposent pas de moyens propres. C’est l’option « avancée » qui cherche à trouver un compromis, une voie médiane entre les thèses des PVD et celles soutenues par les tenants d’une voie « moyenne ». Elle est représentée par les Pays-Bas, la Norvège et la Suède.
163La Communauté, pour sa part, se prononce contre un fonds d’intervention directe. En revanche, elle est favorable à un fonds de péréquation, envisageant, à titre d’option, qu’il soit doté d’un capital propre si cela s’avère nécessaire pour en assurer le fonctionnement effectif. La position de la CEE semble rallier la majorité des Etats membres, à l’exception de l’Allemagne d’une part, et des Pays-Bas d’autre part.
164A cette première réunion préparatoire, la CEE s’est montrée incapable d’élaborer et de déposer comme document de séance sa réponse au Secrétaire général sur ce que pourrait être, grosso modo, une « facilité centrale » pour le financement des actions de stabilisation pour les principaux produits de base. A défaut de directives claires émanant du Conseil européen, l’Allemagne a fait cavalier seul, contrecarrant ainsi les efforts déployés par les huit autres pays membres pour proposer une liste de questions susceptibles d’être soumise au Secrétariat.
165Cette « carence » de la CEE joua sans aucun doute un rôle dans la décision prise par la délégation hollandaise de faire, en séance plénière, une déclaration individuelle. Toutefois celle-ci, de par son contenu, ne pouvait compromettre l’adoption ultérieure éventuelle d’une position communautaire sur un type de mécanisme pour le Fonds commun. D’ailleurs, le gouvernement des Pays-Bas s’est toujours prononcé en faveur d’un Fonds dûment négocié et agréé.
166L’initiative hollandaise d’une réplique individuelle a fait école. La France est intervenue en son nom propre, en insistant sur la nécessité de poursuivre des études sur toutes les solutions techniques envisageables. Elle a rappelé, à cet égard, la proposition Fourcade d’un « Fonds parapluie ».
167La Belgique, soutenue par les autres membres de la Communauté, a obtenu que ces déclarations individuelles, dont elle n’acceptait pas le principe, soient précédées d’une brève déclaration de la Communauté en tant que telle. Celle-ci se limita à reconnaître, en termes fort généraux, l’importance politique et économique des questions discutées.
168L’absence de progrès vers un rapprochement entre pays industrialisés et PVD résultait autant de divergences de vues sur le principe même d’un Fonds que sur les objectifs à lui assigner. En outre, de nombreuses incertitudes planaient encore sur les besoins financiers réels d’un Fonds. A Nairobi les PVD avaient obtenu un « parallélisme intégral » dans le temps entre la négociation sur le Fonds et celle sur les produits. A ce stade, personne ne savait très bien combien de produits et lesquels pourraient faire l’objet d’un stock et combien bénéficieraient des « autres mesures ».
169Enfin, les 77 voulaient situer le débat dans le cadre de ce Fonds. C’est de lui seul qu’il s’agissait, de la mise au point de ses objectifs et modalités. Les Occidentaux, de leur côté, ne semblaient pas prêts à exclure toutes les solutions techniques envisageables et encore moins des alternatives possibles au Fonds proposé.
4.2. L’impulsion du Conseil européen
170Il a fallu attendre le Conseil européen de Rome (24-25 mars 1977) pour que les Neuf puissent « avancer sensiblement » dans la mise au point d’une position commune.
171La 3e réunion préparatoire avant la négociation d’un Fonds commun s’était, en effet, terminée sans qu’aucun rapprochement ne fût apparu88. Le Secrétariat de la CNUCED, de son côté, avait présenté un document avalisé par le groupe des 77 et aux termes duquel la dotation du Fonds serait de l’ordre de 6 milliards de dollars : 4 milliards seraient destinés au financement de stocks régulateurs et 2 milliards affectés à des projets pour la diversification des productions, pour la recherche et pour le développement en matière de produits de base, ainsi que pour des projets de promotion commerciale ou la constitution de stocks de sécurité.
172A Rome, M. Schmidt qui, jusqu’ici, bloquait la définition d’une position commune constructive sur le problème du Fonds commun89 a, semble-t-il, accepté de « bouger ». Le Conseil européen a, en effet, arrêté une base de position commune à laquelle le Chancelier allemand paraissait prêt à se rallier et qui servirait de point de départ à la stratégie de la CEE à la Conférence de Genève. Le Conseil a rendu publique la déclaration suivante :
« Nous avons arrêté les bases d’une position commune. Nous sommes convenus qu’il devrait y avoir des accords de stabilisation des prix des produits de base, lorsque cela est approprié et qu’il devrait y avoir un Fonds commun. Il sera également procédé à l’étude de mesures de stabilisation des recettes d’exportation au profit des pays en voie de développement et d’une action spéciale en matière d’aide dans le cadre de la CCEI »90.
173La position commune de départ s’articulait donc en trois points :
un nombre limité d’accords par produit ;
un Fonds de régularisation des cours, de portée relativement modeste, afin de permettre un fonctionnement harmonieux des accords par produit ;
un mécanisme de stabilisation des recettes d’exportation pour les produits non couverts par des accords internationaux.
174Ce Fonds pourrait servir de soutien pour les accords particuliers sur les produits de base. Compte tenu du nombre des accords pouvant être négociés, il serait éventuellement possible d’envisager « un système d’assistance mutuelle » entre ces différents accords dans le cas où les Conseils institués verseraient leurs fonds excédentaires à un Fonds commun et se serviraient de ces ressources si besoin était.
175Cette Déclaration du Conseil allait un peu moins loin que le « Plan Fourcade » (plan français prévoyant un « fonds parapluie »). Elle ne prévoyait pas encore un capital propre mais, à travers elle, les Neuf se déclaraient prêts à « débattre la création éventuelle de “ressources propres” et les différentes possibilités offertes pour ce faire ».
176En donnant son aval à cette Déclaration, l’Allemagne faisait deux pas en avant : d’abord, elle consentait à entrer dans les négociations sur le Fonds commun ; ensuite, elle acceptait la formule précitée d’ouverture éventuelle sur le capital propre. A ce stade, il paraissait difficile qu’elle pût aller encore plus loin.
177Pour d’autres délégations, en revanche, cette Déclaration n’était pas assez « avancée » :
la France n’a pas proposé de modifications mais elle a exprimé ses préoccupations (engagement plus fort dans les négociations sur le Fonds commun, acceptation du principe du cofinancement pour les accords par produit, texte plus positif sur le capital propre). On peut se demander si cette position n’était pas plus politique que de substance et si ce n’était pas par nécessité tactique que la France envisageait de présenter à la CCEI (une initiative de la France) et non à la CNUCED, l’ouverture d’un capital propre ;
les Pays-Bas souhaitaient que la Communauté se déclarât prête, sans équivoque, à accepter un Fonds commun doté d’un capital propre. Mais en faisant appel à leur « solidarité communautaire », il paraissait encore possible de les rallier à une position médiane.
178Malgré ce pas en avant du côté communautaire, la Conférence de négociation du Fonds, réunie à Genève, s’est terminée sans qu’aucun progrès n’ait été réalisé91. Les pays industrialisés au sein du groupe B n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur une position commune, à cause de la position encore réservée des USA, du Japon et de l’Australie. En définitive, les PVD n’ont pas obtenu satisfaction — ni sur un engagement de principe de créer le Fonds, ni sur une date pour une nouvelle conférence. Pourtant le président de la Conférence, M. Walker (Jamaïque) a affirmé qu’il « semblerait désirable que la Conférence se réunisse à nouveau pas plus tard qu’en novembre 1977 », compte tenu du « large consensus »92 sur la création de ce Fonds comme « instrument pour réaliser le Programme intégré de la CNUCED ». Par ailleurs, les PVD pouvaient espérer que des signes pour une reprise de la négociation viennent du dialogue Nord-Sud (Conférence de Paris) dont les travaux allaient se dérouler au niveau ministériel du 30 mai au 1er juin 1977. Tout laissait penser que le groupe des Huit allait chercher à élaborer et à présenter à la CCEI, plus qu’à la CNUCED, une proposition concernant un Fonds commun qui permettrait à la première d’apporter une large contribution aux principales négociations de Genève et, partant, de rehausser son image de marque en montrant son utilité.
179Le Conseil des ministres du 5 avril devait finaliser la position de la CEE, dont l’ébauche avait été esquissée au Conseil européen de Rome, et ce, dans la perspective de la reprise des travaux de la CCEI. La tactique à suivre serait d’envisager, éventuellement, « que le Fonds commun soit doté de moyens (ressources propres ou plutôt capacité de s’adresser aux organismes financiers internationaux) lui permettant, dans des circonstances exceptionnelles, d’intervenir directement »93 sur le marché. Le Conseil ne s’est pas prononcé sur les détails de la proposition de la Commission européenne concernant « une action internationale de stabilisation des recettes d’exportation »94 mais une orientation favorable à l’égard du « STABEX international » semblait s’être dessinée95.
180Le système proposé par la Commission était « moins ambitieux » que Lomé en ce qui concerne le nombre de pays : en effet, il se limitait à ceux dont le revenu annuel par habitant ne dépasse pas 360 dollars (c’est-à-dire les pays éligibles aux opérations du Fonds fiduciaire — le Trust Fund — dans le cadre du FMI). En revanche, la liste des produits était plus étendue et couvrait par exemple des produits agricoles pour lesquels les pays en cause sont des exportateurs substantiels. La Commission n’a pas arrêté un type d’action de stabilisation des recettes. Elle proposait, soit une approche par produit, soit une approche globalisée par pays. Le coût d’un STABEX mondial dépendrait de l’approche choisie. Dans le cas d’un système global, il serait probablement plus élevé et signifierait, par conséquent, davantage de flux financiers vers les PVD.
181De toute façon, ce financement devrait être pris en charge par l’ensemble des pays disposant de ressources suffisantes, encore que pour les pays de l’Est, une difficulté vient du fait qu’ils ne sont ni membres de la Banque mondiale ni du FMI, des organismes au sein desquels les pays occidentaux voudraient situer leurs actions.
182Si, pour certaines délégations, cette formule constituait l’ultime concession possible dans ce domaine, pour d’autres, en revanche, elle ne représentait pas une base de compromis. Elle demeurait en deçà de la résolution de Nairobi96 qui est la seule base réaliste pour dégager un consensus sur ces questions dans le cadre de la CCEI. De surcroît, la Communauté avait proposé un texte à la session de novembre de la CCEI que le groupe des Huit avait retenu à son compte97. Ce texte avait toutefois été rejeté par les PVD qui proposèrent alors une formule allant plus loin que la résolution de Nairobi, en introduisant notamment la notion d’une automaticité de la révision des prix.
183A ce stade une majorité de délégations, consciente que la formule proposée par le groupe des Huit n’était pas suffisante pour obtenir l’accord des Dix-neuf, estimait nécessaire de faire un pas dans leur direction.
4.3. La stratégie de la CEE à la Conférence de Paris réunie au niveau ministériel (30 mai-3 juin 1977)
184Il était dans l’intérêt de tous les pays membres que le résultat de la CCEI contribue à garantir la sécurité des approvisionnements en matières premières, y compris en ressources énergétiques, et des conditions stables pour les investissements.
185Au niveau du groupe B, deux questions fondamentales restaient encore en suspens : en premier lieu, celle du Fonds commun : fallait-il s’engager pour l’établissement d’un Fonds avant d’en connaître les détails ou fallait-il préciser d’abord ces détails pour l’accepter ? La position des USA semblait sensiblement évoluer dans un sens qui autorisait quelque espoir de parvenir à une base valable d’accord entre tous les pays industrialisés ; ceci pouvait permettre alors d’entamer le dialogue avec les PVD avec une chance de parvenir à une issue positive. En second lieu, celle de la possibilité d’un STABEX mondial, qui n’avait pas encore reçu une approbation unanime98.
186Cette évolution du côté américain s’était dessinée et matérialisée lors du Sommet de Downing Street99 portant sur l’ensemble des relations entre pays industrialisés et pays en voie de développement. Si les termes de la Déclaration finale et de l’Annexe étaient soigneusement pesés et modérés dans leur substance, ils traduisaient néanmoins la volonté de parvenir à un compromis entre les formulations employées par la Communauté et la position affichée par les Etats-Unis. Le texte de l’Annexe précisait, en effet, dans son paragraphe 5 :
« Il faut assurer des résultats positifs des négociations sur la stabilisation des prix des matières premières et la création d’un Fonds commun pour des accords individuels de stocks régulateurs et prendre en considération les problèmes de la stabilisation des recettes d’exportation des PVD ».
187S’il ne ressortait pas de cette formulation jusqu’où ce compromis pourrait être approfondi, il avait le mérite d’exister et constituait un progrès réel dans un sens favorable à la thèse de la Communauté, mise au point au Conseil européen de Rome. Certes, on était encore loin d’une acceptation intégrale des exigences mises en avant par certains pays du Tiers Monde. Mais puisque le dialogue Nord-Sud n’est pas l’aide au développement, comme M. Cheysson s’est plu à le souligner, puisqu’il s’agit en l’occurrence d’une négociation où la notion « d’assistance » est dépassée, les PVD devaient aussi apporter leur contribution et faire un pas en avant, par exemple en acceptant la création d’un organe permanent sur l’énergie.
188Un accord, bien que difficile, a pu être réalisé à la phase finale de la CCEI et dont les termes consacrent l’engagement politique des pays industrialisés présents au dialogue. Ils sont convenus
« qu’un Fonds commun devrait être établi comme une entité nouvelle, pour servir comme un instrument-clé pour assurer la réalisation des objectifs convenus du Programme intégré, tels que définis dans la résolution 93(IV) de la CNUCED ;
d’assurer le succès de la reprise, en novembre 1977, au niveau plénipotentiaire, de la Conférence sur le Fonds commun, laquelle doit définir les objectifs et les éléments constitutifs de ce Fonds ;
d’adopter les mesures et les procédures adéquates pour atteindre les objectifs convenus du Programme intégré pour les différents produits de base et de s’efforcer d’assurer le succès des négociations y afférant dans les délais prévus par la résolution 93(IV), c’est-à-dire le 31 décembre 1978 ».
189La formule proposée allait au-delà de celle du Sommet de Londres puisqu’elle indiquait que ce Fonds allait constituer « l’instrument-clé » (les 19 parlaient de « main instrument ») dans le financement de la stabilisation des matières premières100. Mais elle se situait en deçà du texte proposé par les PVD puisque les mots « and function as the central source of finance for specific objectives and purposes » ne figuraient pas dans la Déclaration finale.
190L’acceptation à contrecœur de la RFA se conçoit aisément, surtout si l’on considère les concessions successives que ce pays a dû faire à chaque nouvelle étape de la négociation. C’est un « grand pas » en avant à mettre à l’actif d’un pays qui voulait, d’entrée de jeu, limiter l’usage de ce Fonds de stabilisation à quelques produits de base.
191Comment expliquer cet assouplissement dans l’attitude allemande ? Plusieurs raisons peuvent être avancées :
192— La crainte de se retrouver isolée au sein des Neuf. Au moment où ils comprirent la nécessité tactique et politique d’accepter le Fonds commun — à défaut de quoi c’était la rupture avec les PVD — les autres Etats membres n’étaient plus en mesure de suivre et d’appuyer la thèse de la RFA. Celle-ci n’avait d’autre choix que celui de s’incliner.
« Les responsables allemands de la politique étrangère sont dominés par la crainte d’un possible isolement qui leur interdit, même en leur nom propre, de rejeter des exigences inacceptables… Lorsqu’il s’avère que nos alliés ont déjà préparé une position tactique bien loin derrière la nôtre, alors sonne l’heure de ceux qui redoutent l’isolement. Et le repli commence. Les négociateurs allemands cèdent petit à petit, et se retrouvent finalement dans une position où il n’est déjà plus question, en l’occurrence, que de l’essentiel »101.
193L’Allemagne a dû battre en retraite car elle ne parlait pas en son nom propre à la CCEI. C’était la Communauté qui parlait pour elle. Si les modalités de participation de la CEE et de ses Etats membres avaient été différentes, les négociateurs allemands auraient peut-être défendu plus vaillamment leur doctrine du « contre le dirigisme et pour l’économie de marché ».
La crainte de se trouver confrontée à des difficultés d’approvisionnement en énergie et autres matières premières102. En persévérant dans une ligne « trop dure », la RFA courait le risque de décevoir les PVD en général, et les PVD pétroliers en particulier qui pourraient alors provoquer des ruptures d’approvisionnement.
Le nouveau cours pris par la politique étrangère allemande dans le contexte Nord-Sud103. Le point de chute de cette politique, c’est manifestement l’Afrique. En haut lieu, l’intérêt nouveau pour cette région « explosive » est justifié par le désir de renforcer l’indépendance des Etats africains, en escomptant parallèlement un appui solide de la part des Etats-Unis. Mais si l’Allemagne s’engage en faveur d’une stabilisation de l’Afrique, c’est aussi avec, en arrière-pensée, l’idée de pouvoir organiser une coopération économique au niveau bilatéral ou régional avec les Etats de ce continent.
D’aucuns avancent aussi le désir de l’Allemagne d’être élue au Conseil de Sécurité104 de l’ONU. A côté des membres permanents désignés nommément par la Charte (USA, URSS, Royaume-Uni, France et Chine), le Conseil comprend des membres élus par l’Assemblée générale pour deux ans et renouvelables par moitié tous les deux ans. Nous avons déjà souligné l’importance numérique des PVD à l’Assemblée générale. Pour obtenir les votes de ces derniers, il faut satisfaire, ne serait-ce que par nécessité tactique, à certaines de leurs exigences.
Enfin il semble qu’il y ait eu des pressions internes, venant de membres de l’opposition chrétienne-démocrate allemande.
194Un Fonds commun sur les matières premières ne sert à rien en soi-même. Cela servira à quelque chose lorsqu’il y aura un accord général sur la manière de traiter un certain nombre de matières premières, des accords spécifiques portant sur tel ou tel produit de base105. L’accord obtenu est renvoyé à la CNUCED, organe compétent pour traiter cette question. Si les pays industrialisés veulent respecter l’engagement politique pris à la CCEI, ils devront se prononcer de façon positive à la Conférence plénipotentiaire de novembre 1977 à Genève.
4.4. Vers l’accord de Genève du 20 mars 1979
195La deuxième Conférence sur la création d’un Fonds (novembre 1977) s’est terminée par un ajournement sine die. Cette rupture est intervenue à l’initiative des PVD qui estimaient futile de poursuivre la négociation, étant donné que les pays industrialisés ne faisaient pas preuve de
« la volonté politique nécessaire pour donner un sens aux négociations futures »106.
196Si la plupart des pays avaient accepté la création d’un Fonds, aucun rapprochement notable n’était apparu dans leurs positions sur la nature de ce Fonds, notamment sur deux points-clés : la possibilité pour le Fonds d’avoir des ressources propres et les autres fonctions que les PVD voudraient confier à ce nouvel organisme. Sur ce point précis, le position paper provisoire, soumis par le groupe B pendant la Conférence de négociation de mars, disait en substance :
« Tout en reconnaissant pleinement l’importance de mesures, autres que le stockage, il faudrait explorer davantage la nécessité et la portée d’un Fonds commun dans ce contexte, en tenant dûment compte des mécanismes internationaux qui appuient déjà de telles mesures. Si d’autres mesures étaient à financer par un Fonds commun, le compte pour un tel financement devrait être tenu séparément de celui prévu pour le financement des stocks régulateurs »107.
197Les pays industrialisés se sont déclarés satisfaits de certains progrès accomplis et disponibles pour une reprise du débat. Mais les déclarations séparées ultérieures du Danemark, des Pays-Bas, de la Finlande, de la Suède et de la Norvège montraient que le Nord ne formait pas un bloc homogène. Ces pays ont rallié les vues du Sud en insistant pour que le Fonds soit mis en place, qu’il exerce un contrôle important sur les accords par produit, qu’il dispose de ressources propres et ait l’autorité nécessaire pour mettre en œuvre les autres mesures. M. Pronk (Pays-Bas) s’est solidarisé avec le porte-parole des 77 en constatant qu’il y avait un manque de volonté politique, et que cette volonté politique existait au sein de son propre gouvernement108.
198Les grands pays du Nord et la Commission des CE refusaient de contribuer directement à ce Fonds, estimant que « la plupart des mesures envisagées jusqu’à présent (…) pourraient et devraient être financées par les organisations internationales existantes établies » (p. ex. BIRD, PNUD, FIDA)109.
199Le Nord se trouvait, en définitive, dans une situation de porte-à-faux : la plupart des pays industrialisés ont, d’un côté, accepté la création d’un Fonds et reconnu que tout nouveau retard dans sa mise en œuvre risquait de provoquer la rupture du dialogue Nord-Sud ; mais, de l’autre, ils ont insisté pour que ce Fonds résulte de la combinaison des ressources financières individuelles, alors qu’à cette période seulement quatre accords internationaux étaient en vigueur.
200Pour renverser la vapeur et remettre les négociations sur les rails, le groupe B dans son ensemble devait, en premier lieu, appuyer les « autres mesures » ; en second lieu, donner des réponses précises quant aux montants de leurs versements directs et les cas où ils seraient prêts à octroyer des fonds supplémentaires.
201Dans une communication au Conseil110, la Commission a proposé que, dans la perspective d’une reprise des négociations111, la position de la Communauté sur le Fonds commun soit axée sur cinq points :
un « premier guichet » pour les stocks régulateurs. La caisse centrale, cofinancée par les consommateurs-producteurs qui participent à ces accords, octroierait à chaque accord international par produit (AIP) un droit de tirage garanti jusqu’à 100 % de ses besoins ;
un « second guichet » pour les autres mesures (promotion commerciale, recherche & développement, facilités de stockage, amélioration de la productivité, transformation, création d’infrastructure) ;
« La Commission reste sceptique quant à la contribution qu’une agence nouvelle, sans expérience et relativement modeste, peut apporter à cet égard. Elle est cependant prête à recommander l’acceptation d’un rôle du Fonds commun dans ce domaine, à condition qu’il soit défini soigneusement en tenant compte des besoins réels ou probables des différents produits de base et du rôle que jouent d’autres organisations pour satisfaire ces besoins »112.
information : le Fonds pourrait jouer un rôle utile en ce domaine ;
gestion : il conviendrait de prendre les décisions relatives aux problèmes de politique générale (admissions ou désistements d’AIP, politique d’investissement, politique du taux d’intérêt) autant que possible par consensus, à moins qu’un vote ne s’impose. Les relations entre les AIP et le guichet des stocks régulateurs devraient relever de règles automatiques. Les décisions quant au fonctionnement du « second guichet » devraient être soumises au principe du consensus ;
procédure de révision : la durée proposée au départ pour ce Fonds est de 5 ans. A la fin de cette période initiale, il faudrait procéder à une révision et suggérer, le cas échéant, des modifications.
202Dans une seconde communication113, la Commission a précisé la structure financière et le mode de financement du Fonds. Les moyens suggérés pour le premier guichet étaient les suivants :
les dépôts des AIP, qui sont la meilleure façon d’assurer une disponibilité en espèce adaptée aux besoins. Contribution « raisonnable » : 33 % ;
la notion d’apports directs, auxquels les PVD attachent une grande importance, devrait être aménagée dans l’approche générale des pays industrialisés ;
emprunts : des garanties fournies par les membres des AIP par l’intermédiaire de ceux-ci paraissent préférables aux garanties directes des membres du Fonds, proposées par les 77 ;
contribution attendue des membres du Fonds au capital : la Commission estime, le moment venu, d’envisager « un élément relativement faible de contribution directe »114, qui pourrait être de l’ordre de 10 %. Ces ressources pourraient servir à l’octroi de prêts aux AIP pour les achats de stocks régulateurs, particulièrement au cours de la période initiale de participation d’un AIP ;
contributions volontaires : il est proposé le même usage que pour les contributions précitées (mais sans droit de vote). Le financement du « second guichet » devrait être effectué séparément ;
les activités du Fonds devraient se traduire par des prêts qui contribuent sur une base de cofinancement aux dépenses globales des projets ;
les contributions devraient être volontaires.
203La Commission a souligné par ailleurs que le Fonds devrait garantir
« sa compétence professionnelle et assurer qu’il ne deviendra pas un instrument hautement politisé, contrôlé par un groupe de pays ou par des pays, qui n’ont pas un intérêt réel dans les échanges de produits de base ».
204L’acceptation du principe des contributions directes par le groupe B a certainement favorisé la négociation plutôt que la polémique. Mais quelques semaines encore avant la nouvelle conférence de Genève, des divergences subsistaient au niveau des chiffres115. Les 77 estimaient que les contributions directes devaient être divisées par moitié, entre le capital versé par les AIP et les versements de fonds effectués par les membres. Les pays industrialisés, de leur côté, suggéraient un élément de capital versé de 10 %.
205Les ressources qui sont finalement mises à disposition du Fonds à Genève en mars 1979 se sont réduites comme peau de chagrin. A l’origine, le Fonds commun devait disposer d’au moins 6 milliards de dollars, au plus 10 milliards. Il est désormais envisagé de lui affecter seulement 750 millions de dollars. En outre, ce Fonds « n’interviendra pas directement sur les marchés des matières premières »116. La fonction de stabilisation des prix des produits de base sera effectuée par des accords internationaux.
206Il est prévu trois modes de financement : les contributions directes des Etats, destinées à constituer un capital pour faire face aux besoins de liquidité à court terme et financer les dépenses administratives ; les ressources provenant des accords internationaux sur les produits, qui serviront de garantie pour les prêts du Fonds ; enfin d’autres revenus, tels les emprunts, les contributions volontaires.
207Le « premier guichet » disposera d’un montant de 400 millions de dollars117 dont 150 versés en espèces. Le « second guichet » 350 millions. Les contributions directes de chaque Etat membre comporteraient une somme fixe ou « contribution égalitaire » d’un million de dollars. Dans l’hypothèse de la participation de 150 pays (soit 150 millions de dollars), 80 millions iraient au « premier guichet » et 70 au second. A cela s’ajouterait une somme de 320 millions prévus sur « barème » et qui constituerait, en quelque sorte, un droit d’entrée, indépendamment de la contribution obligatoire. La répartition par groupe serait la suivante :
208Groupe des 77 : 10 %
209Groupe B : 68 %
210Groupe D : 17 %
211Chine : 5 %
212Chaque groupe devrait décider des modalités de répartition interne sur la base des ressources relatives des pays. Cette structure financière mérite quelques remarques :
les petits pays ou les pays les moins nantis à l’intérieur du groupe B (Luxembourg, Irlande, Grèce, Portugal, Turquie) peuvent se sentir désavantagés par le montant des contributions égalitaires ;
le groupe des 77, dont le barème n’est que de 10 %, comprend des pays riches au nombre desquels les pays exportateurs de pétrole.
213Les décisions du Fonds devraient être adoptées par consensus. Au cas où un vote serait nécessaire, la ventilation des voix entre les différents Etats membres s’effectuerait ainsi :
214Groupe des 77 : 47 %
215Groupe B : 42 %
216Groupe D : 8 %
217Chine : 3 %
218Les décisions les plus importantes ne pourraient être prises qu’à la majorité des trois quarts des suffrages exprimés (décisions d’ordre constitutionnel et décisions ayant des incidences financières appréciables) ; les autres à la majorité simple ou des deux tiers. Quelques pays, notamment les USA, contestent cette procédure de vote et souhaitent que les pays industrialisés et le groupe des 77 disposent d’un nombre égal de votes au sein de ce Fonds. Enfin, la Conférence a adopté une autre résolution, aux termes de laquelle elle demande à M. Corea de réunir un Comité intérimaire pour examiner les éléments restants à préciser et se charger de la rédaction des statuts de ce Fonds et ce, avant la fin de l’année 1979. L’élaboration de ces statuts sera l’occasion de sérieux accrochages118.
219Le rôle de la Communauté n’a peut-être pas été à la mesure des espérances, en ce sens qu’elle n’a pas pris des initiatives marquantes qui auraient pu valoriser sa position et éviter qu’elle ne se cantonne dans un certain attentisme. Néanmoins, plusieurs des éléments essentiels de l’accord correspondent aux propositions toujours défendues par la Communauté (part des dépôts des AIP : 33 % et liste des mesures pour le second guichet). Il restera encore à résoudre les problèmes de la participation de la Communauté au Fonds commun, la communautarisation des contributions au « premier guichet » et la contribution volontaire de la CEE au « second guichet ».
220La définition du statut du Fonds a subi un cheminement lent. Une nouvelle fois, au dernier moment, avant que la CNUCED V ne se réunisse à Manille, les pays membres sont péniblement parvenus à faire quelques pas à Genève. L’échéance de cette rencontre a, sans aucun doute, poussé les pays industrialisés à œuvrer de concert vers une issue positive : il ne fallait pas décevoir avant Manille. L’obtention d’un accord global et chiffré sur le Fonds pourrait se répercuter favorablement sur le déroulement des travaux de la CNUCED. Au contraire, un nouvel ajournement aurait pour effet de renforcer les tensions sur l’ensemble des questions à l’ordre du jour. Mais si cet accord améliore le climat — encore que l’on puisse s’interroger sur le point de savoir si le Fonds y a trouvé lui-même son compte — il constitue aussi un certain camouflage des divergences qui continuent de jalonner les différentes étapes du dialogue Nord-Sud. L’ambiguïté même de l’accord prête à diverses interprétations.
Le groupe B n’a accepté les « autres mesures » qu’après de longues tractations. S’il n’est guère possible de dépenser l’argent du « premier guichet » en l’absence d’accords (ce guichet ayant essentiellement pour fonction de financer les stocks régulateurs dans le cadre d’accords par produit), par contre le « second guichet » aux usages multiples, qui intéressent particulièrement les pays pauvres, ne dispose encore que de très peu de moyens. C’est une façon, pour les pays industrialisés, de garder, autant que faire se peut, la mainmise sur la gestion de ce Fonds.
La Commission avait proposé dans sa communication COM(78)496 final un financement séparé pour le « second guichet ». En d’autres termes, cela signifie qu’elle s’oppose à une certaine perméabilité entre les deux guichets que les 77 voudraient, au contraire, introduire de façon à contourner le problème ci-dessus évoqué. Manifestement, les Occidentaux craignent que ce Fonds ne devienne un concurrent de la Banque mondiale.
221En définitive, les progrès accomplis se situent surtout aux niveaux psychologique et politique.
4.5. Le statut de la Communauté au Fonds commun
222Le Fonds commun a été adopté après quatre années de gestations fertiles en ajournements, impasses et accords partiels. Les pays membres de la CNUCED sont parvenus à un certain consensus sur les statuts de ce nouvel organisme dans la nuit du 27 au 28 juin 1980119.
223L’acte constitutif prévoit un « premier guichet » doté de 400 millions de dollars provenant de contributions obligatoires et un « second guichet » de 350 millions dont 280 en contributions volontaires. Le Fonds est ouvert aux 162 Etats membres de l’ONU (bien qu’il soit peu probable que tous les Etats éligibles participent), et n’entrera en vigueur que lorsque 90 Etats, couvrant les deux tiers des contributions directes, auront adhéré. Chaque adhérent disposera de 150 voix de base, tandis que les voix supplémentaires seront attribuées selon la contribution financière. Il est prévu que le groupe des 77 reçoive 47 % des voix et les pays industrialisés 42 %, malgré le fait que leurs contributions représentent 68 % des ressources du Fonds.
224Le contrôle de cet organisme sera assuré par un Conseil des gouverneurs qui élira le Conseil d’administration. Celui-ci comprendra 28 membres dont 9 à 14 seront probablement issus de pays développés. Le chiffre définitif dépendra du total des membres du Fonds et de la structure du droit de vote. En attendant la première session de ce Conseil, une commission préparatoire, composée de 28 Etats avec deux groupes de travail, a été instituée pour que le Fonds entre en activité120. Elle a pour tâche de préparer les propositions concernant les instruments suivants :
règlement intérieur du Conseil des gouverneurs et du Conseil d’administration ;
règles et règlements concernant la conduite des affaires du Fonds ;
documents de travail relatifs aux politiques, critères et règlements devant régir les opérations financières du Fonds ;
règles et règlements pour le Comité consultatif ;
statut du personnel ;
budget administratif, établi en fonction des besoins en personnel et des besoins financiers pour le premier exercice financier du Fonds ;
autres tâches connexes.
225Si, à ce stade, un certain nombre de points en litige ont pu être réglés, des problèmes importants restaient encore en suspens. Au niveau communautaire, notamment, la question des modalités de participation de la CEE, en tant que telle, suscitait des querelles au sein des Neuf : certains d’entre eux cherchaient à cantonner celle-ci à son rôle traditionnel d’observateur à la CNUCED, supposant à toute participation de la CEE au financement de ce Fonds. Ces mêmes pays étant quasiment assurés d’un siège au Conseil d’administration, on conçoit aisément qu’ils ne voulaient pas s’encombrer d’une concertation communautaire qui reste le seul moyen à disposition des petits pays pour contrebalancer le coût disproportionné de leur contribution égalitaire obligatoire121.
226La Communauté est parvenue à faire accepter sa participation au Fonds par la Conférence de Genève, sans toutefois avoir pu faire avaliser les modifications qu’elle aurait souhaitées en ce qui concerne notamment le texte relatif à l’éligibilité des organisations intergouvernementales. Le texte finalement adopté à l’issue de la Conférence stipule dans son article 4 :
« Sont admis à devenir Membres du Fonds :
a) Tous les Etats membres de l’Organisation des Nations Unies ou membres de l’une quelconque de ses institutions spécialisées ou de l’Agence internationale de l’énergie atomique ; et
b) Toute organisation intergouvernementale d’intégration économique régionale qui exerce des compétences dans des domaines d’activité du Fonds. Les Organisations intergouvernementales de cette catégorie ne sont pas tenues d’assumer des obligations financières envers le Fonds et ne détiennent pas de voix ».
227Cette clause permet à la Communauté de devenir membre du Fonds même, sur la seule base de sa participation aux accords de produits. En outre, aux termes de l’article VII 22(9), le Conseil d’administration peut inviter les représentants d’autres organismes internationaux concernés à assister à ses réunions en qualité d’observateur.
228Comme il a été convenu au Conseil, la Communauté en tant que telle ne présentera pas de candidat pour l’élection (à moins que le Conseil n’en décide autrement) et « des dispositions appropriées seront prises pour permettre à la Communauté en tant que telle de participer effectivement aux délibérations du Conseil d’administration sur les questions pour lesquelles la Communauté pourrait avoir une compétence, ou à l’égard desquelles celle-ci a adopté une position commune ». Par ailleurs, il a été décidé que « le Conseil d’administration désignera au besoin le directeur exécutif d’un Etat membre pour parler au nom de la Communauté ».
229Même si beaucoup de délégations ne se font plus d’illusions sur le rôle de catalyseur du Fonds une fois créé, l’idée américaine (et jusqu’à une date récente canadienne) de faire dépendre la poursuite du processus de ratification de manifestations d’intérêt concrètes de la part d’un nombre suffisant de PVD ne rencontre guère d’adeptes au sein du groupe B. Ce serait, en effet, perdre un avantage tactique que de justifier la suspension du processus de ratification par l’expectative de participants dans le camp des 77. La CEE pour sa part s’estime engagée à ratifier et à conclure la Convention122. D’ailleurs, elle a toujours soutenu le projet du Fonds commun et œuvré en ce sens, ne serait-ce que pour éviter de devoir endosser une part des responsabilités dans l’éventualité d’un échec.
230Il lui restera, le moment venu, à convertir en action concrète l’entente politique à laquelle sont parvenus les Etats membres en faveur de sa participation en tant que telle, à titre d’observateur, au Conseil d’administration et à exercer les pressions nécessaires pour maximiser l’efficacité de sa présence au sein de ce Fonds.
4.6. Le Fonds commun : un enfant chétif
231Trois ans après son adoption, le Fonds commun n’est pas encore entré en vigueur faute d’un nombre suffisant de ratifications. Les propos désabusés sont légion et la foi de plus en plus absente. L’euphorie née au lendemain de Nairobi s’est évanouie au fil des mois, face aux résultats bien maigres d’interminables réunions. Au demeurant, les difficultés rencontrées dans la négociation de nouveaux accords par produit, ajoutées au refus de quelques pays de participer à ces accords, n’ont pas manqué de susciter un scepticisme démobilisateur et d’émousser l’intérêt de ceux qui avaient mis un certain espoir dans la création de ce Fonds.
232La 6e CNUCED a sans doute accéléré le processus des signatures et ratifications de l’accord portant la création du Fonds commun. Seize signatures ont été enregistrées et cinq ratifications annoncées, portant le nombre à 54 alors que 90 sont nécessaires. Malgré cette évolution positive, l’Accord n’est pas entré en vigueur avant janvier 1984, comme l’avait demandé la Conférence. Ni les USA, dont la participation permettrait de réunir les deux tiers du capital et sur lesquels la Communauté européenne et le Japon ont exercé des pressions, ni les pays socialistes européens n’ont marqué de progrès dans leurs intentions à cet égard. La décision de la Norvège, récemment approuvée par le Parlement, de prendre en charge les contributions de 10 pays en développement123 pourrait toutefois donner un nouvel élan au processus de ratification et faire pression sur les USA qui invoquent l’attitude attentiste de certains PVD pour justifier leur propre immobilisme. De son côté, la Communauté européenne s’est engagée à payer les parts de trois pays — Togo, Sao Tomé et Guinée équatoriale.
233L’attitude du Tiers Monde dans tout ce processus est aussi révélatrice. Le Fonds commun ne présente pas pour tous les PVD un intérêt majeur, pas plus qu’il ne signifie un profit immédiat pour tous124. Ce sont, en premier lieu, les pays africains et asiatiques qui en tireront profit et ils ont déjà, pour la plupart, engagé ou terminé la procédure de ratification. En revanche, les pays latino-américains n’ont guère à y gagner en termes économiques — dans le court terme du moins. Certains produits de base dont ils sont producteurs sont déjà couverts par des accords (p. ex. café, étain) ; d’autres ne se prêtent pas au système du stockage (p. ex. banane). Aussi leur appui au Fonds commun et leur ratification de l’Accord portant création de ce Fonds doivent-ils être d’abord interprétés comme un geste politique, comme l’expression de leur solidarité avec le groupe des 77.
Notes de bas de page
1 La Communauté importe, par exemple, environ 80 % de ses besoins en cuivre, 60 % de ses besoins en aluminium, 85 % de ses besoins en étain, 80 % de ses besoins en uranium et 98 % de ses besoins en titane. D’une façon générale, on peut dire que 90 % des ressources minérales des pays développés à économie de marché (44 % du total mondial) se trouvent aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et en Afrique du Sud ; 82 % des réserves des pays socialistes (22 % du total mondial) sont situées en URSS (l’évaluation des réserves minérales de la Chine vient seulement de commencer) ; 69 % des réserves du Tiers Monde (33 % du total mondial) se trouvent dans six pays : Brésil, 25 % ; Chili, 19 % ; Indonésie, 7 % ; Zaïre, Guinée et Inde, 6 % chacun. Plus des trois quarts des réserves connues de nombreuses matières premières sont situées dans des pays non membres de la Communauté européenne.
Même si les campagnes contre le gaspillage et les actions d’incitation au recyclage et à la promotion de l’exploitation des ressources internes sont susceptibles de produire certains résultats, d’une manière générale, toute idée d’auto-approvisionnement de la CEE est à écarter.
II faut toutefois mentionner les efforts entrepris dans le cadre communautaire et qui ont conduit, en mars-avril 1978, à l’adoption par le Conseil des ministres de trois programmes pluriannuels de recherche et de développement dans les domaines
des matières premières primaires (prospection, traitement des minerais, technologie minière) ; durée : quatre ans ; budget : 18 millions d’ECU ;
de la prospection et de l’extraction de l’uranium à cause, notamment, de l’augmentation de la demande et des prix ; durée : trois ans ; budget : 3 millions d’ECU ;
du recyclage du papier et du carton ; durée : trois ans ; budget : 2,9 millions d’ECU.
Au moment de leur échéance, la Communauté a jugé opportun de poursuivre ces programmes, tout en les élargissant et en les diversifiant. En accord avec la recommandation du Conseil des ministres du 20 décembre 1979 sur le regroupement des programmes communautaires de recherche dans les secteurs de haute priorité, les diverses actions ont été intégrées dans un programme sectoriel unique de R&D dans le domaine des matières premières. Selon le domaine de recherche considéré, les résultats seront disponibles à court (traitement des minerais et technologie minière ; recyclage des métaux non ferreux et des déchets urbains et industriels), à moyen (substitution du bois) ou à long terme (étude géologique, production du bois).
Cf. « Programme pluriannuel de recherche et développement des Communautés européennes dans le secteur des matières premières » (1982-1985). Communication de la Commission au Conseil. Doc. COM(81)281 final, Bruxelles, 17 juin 1981. Voir aussi Doc. COM(82)806 final, 6 décembre 1982 et COM(83)540 final, 21 septembre 1983.
2 Communication de la Commission au Conseil relative aux problèmes des matières premières dans le cadre des relations avec les PVD exportateurs de matières premières. Bulletin CE, supplément 6/75, p. 33.
3 La Commission avait déjà attiré l’attention sur la gravité du problème des produits de base dans son sixième rapport général (1972), p. 41. Elle déclarait à ce sujet : « le développement concerté et ordonné de la production mondiale adapté avec souplesse à une expansion prévisible de la consommation mondiale permettrait d’améliorer l’accès aux marchés pour les produits des pays en voie de développement et de pratiquer une politique des prix en leur faveur à un niveau équitable, stable et rémunérateur. Cet aménagement concerté devrait s’inscrire dans le cadre d’accords internationaux de produits dans l’intérêt même des pays en voie de développement ».
4 Si certains pays, dans le cadre plus large de l’OCDE, estiment que la première urgence est de mettre l’accent sur les relations avec les PVD, notamment dans la perspective de la 7e session spéciale de l’Assemblée générale des Nations Unies, d’autres, en revanche, préfèrent envisager le problème des matières premières dans son ensemble, afin de voir d’abord où se place l’intérêt des pays industrialisés.
5 Nous citerons à titre indicatif la résolution 2626(XXV) relative à la stratégie internationale du développement pour la deuxième Décennie des Nations Unies pour le développement ; le Programme d’action du 1er mai 1974 concernant l’instauration d’un NOEI ; enfin la résolution 3362 du 16 septembre 1975 demandant que l’on diversifie les productions des PVD, que l’on aide à l’amélioration de leur productivité et que soient organisées des formules de stockage, de façon à assurer des prix stables aux produits de base.
6 Sur cet aspect, la réponse de la Communauté est la suivante : « La Communauté ne demande pas que les PVD renoncent à user de leur souveraineté, mais qu’ils énoncent les conditions dans lesquelles ils se réservent d’y recourir, en garantissant une compensation adéquate, effective et rapide en cas d’expropriation ». Déclaration de la Communauté concernant l’investissement international. Pt. 4 de la Commission « Matières premières ». 10 juin 1976.
7 Cette situation de monopole s’affirme d’autant plus qu’il n’existe pas de code de conduite international selon lequel ces entreprises auraient à répondre de leurs agissements devant une instance nationale quelle qu’elle soit.
A côté des « prix administrés », c.-à-d. fixés par les multinationales en fonction des intérêts de la société elle-même, on trouve certains produits de base connaissant un régime de « prix de marché » sur lesquels les PVD producteurs n’exercent qu’une influence restreinte. Dans ce cas, le prix des matières premières reste essentiellement dépendant de la loi de l’offre et de la demande sur le marché mondial. Or, les PVD ne représentent qu’une part minoritaire de ce dernier.
8 La résolution 623(VII) du 21 décembre 1952 parlait déjà de prix « justes et équitables » pour les produits de base.
9 Les explications théoriques marxistes ont exercé une influence notoire sur les débats internationaux menés au sujet des produits de base. La question des termes de l’échange a été largement débattue au sein des forums internationaux après la Seconde Guerre mondiale. Elle reposait en particulier sur les ouvrages de H. Singer et de R. Prebisch. Singer élabora entre autres l’aggravation séculaire des termes de l’échange des pays en développement au cours de la première moitié du xxe siècle. Dans une étude publiée en 1950, Prebisch a montré pour sa part qu’il y avait une tendance presque inévitable à la détérioration des termes de l’échange dans le système économique actuel, en analysant le mécanisme du marché mondial et l’asymétrie de son fonctionnement. Ceci rejoint la théorie des « ciseaux » décrivant le rapport entre le prix des produits de base et celui des produits industriels. Selon cette théorie, la tendance dominante entre 1952 et 1972 fut celle de l’ouverture du ciseau des prix au détriment des producteurs de matières premières, malgré les efforts entrepris pour stabiliser les cours d’un certain nombre de ces produits aux niveaux national et international.
10 Le Secrétariat de la CNUCED a mené une étude à ce sujet : « Rapport existant entre les prix à l’exportation et les prix à la consommation de certains produits de base exportés par les pays en voie de développement ». Doc. TD/ 184/Suppl. 3 janvier 1976.
11 Il est vrai qu’un grand nombre de PVD n’exportent encore que des produits à l’état brut. Les ventes de café, de caoutchouc, de minerai de fer, de manganèse, de phosphate, de tabac s’effectuent principalement sous cette forme. Selon le Secrétariat de la CNUCED, le Tiers Monde aurait perdu en 1970 les deux tiers de la valeur ajoutée qu’il aurait pu obtenir avec une transformation sur place de ses minerais.
12 La Communauté est visée par cette demande, dans la mesure où elle maintient, par des mesures tarifaires notamment, une protection en faveur de ses industries de première transformation (p. ex. emballage de thé, fabrication d’huiles végétales, de beurre de cacao, d’aluminium, de cuivre affiné, de conserves de fruits et légumes).
13 Elle n’a pas reçu l’approbation du Congrès américain. Cf. Jouanneau. Daniel, Le G.A.T.T.. PUF, Que Sais-Je ? Paris, 1980, p. 21 et ss.
14 Devant cet échec, les PVD avaient placé de grands espoirs dans les consultations gouvernementales intensives produit par produit, décidées par la 3e CNUCED et qui ont porté sur 14 produits en 1973-74. Cette méthode, aux résultats guère satisfaisants, rappelait dans son principe les « forums producteurs-consommateurs » proposés par les USA à la 7e session spéciale de l’AG.
15 Texte repris in extenso de la résolution 93(IV) sur le Programme intégré pour les produits de base. CNUCED, doc. TD/217, p. 4 et 5.
16 Doc. TD/217, p. 5.
17 M. H. Walker (Jamaïque) définit ce Fonds comme étant « une nouvelle entité et institution efficace et financièrement viable devant servir d’instrument-clef pour atteindre les objectifs convenus du Programme intégré pour les produits de base ».
18 « Document de position du groupe des 19 sur le Fonds commun de financement des stocks de produits et d’autres mesures appropriées ». CCEI — Commission des matières premières. Doc. CCEI-MP-8 Rev. 1. 24 mars 1976.
19 Il faut faire une distinction entre « accord » et « arrangement » : un « accord » est formellement signé et ratifié par les Etats participants et prévoit des mesures telles que les quotas de production ou d’exportation, la participation au financement et à la gestion d’un stock régulateur. Un « arrangement » constitue un engagement plus souple qui crée, p. ex. sous forme d’un forum producteurs-consommateurs, un organe facilitant une meilleure connaissance du marché, la commercialisation ou la reconversion, voire la mise en œuvre d’actions relevant de la politique d’aide au développement.
20 Le stockage est un moyen de parvenir à la stabilisation des marchés. Lorsque les prix montent, on puise dans les stocks et lorsqu’ils baissent, on les reconstitue. Le stockage peut être onéreux, soit à cause de la cherté du produit (p. ex. cuivre), soit en raison de sa périssabilité (p. ex. café, cacao).
21 « Le Dossier des matières premières ». op. cit., p. 42.
22 Le Secrétariat de la CNUCED propose une action progressive : au lieu de constituer d’un seul coup des stocks pour ces 18 produits, on pourrait d’abord se limiter à certains produits en leur accordant la priorité. Il s’agit du sucre, du café, du cacao, du thé, du coton, du jute, des fibres dures, du caoutchouc, du cuivre et de l’étain.
23 Ces dispositions stipulent que
« Le Secrétaire général de la CNUCED est également prié de convoquer à partir du 1er septembre 1976… des réunions préparatoires à des négociations internationales sur divers produits de base » (chap. IV, 14 de la résolution 93(IV)).
« Le Secrétaire général de la CNUCED est, d’autre part, prié de convoquer selon qu’il conviendra, des conférences de négociation sur des produits de base le plus tôt possible après l’achèvement de chacune des réunions préparatoires » (chap. IV, 15 de la même résolution).
24 La Communauté européenne, pour sa part, n’a pas voulu inclure le cuivre dans son système STABEX en avançant précisément l’argument que la stabilisation des recettes d’exportation risquait tout simplement de profiter surtout à ces sociétés multinationales. Dans le cadre de la deuxième Convention de Lomé, elle a adopté un nouveau mécanisme, le SYSMIN, destiné à assurer aux pays producteurs et exportateurs vers la Communauté la protection minimum indispensable au maintien de leur potentiel de production. Doté de 280 millions d’ECU, le SYSMIN couvre les principaux minerais exportés par les ACP (voir infra p. 195).
25 Plate-forme de Buenos Aires. CNUCED, doc. TD/285, 1983.
26 Résolutions, recommandations et décisions de la sixième session tenue à Belgrade (Yougoslavie) du 6 juin au 2 juillet 1983. Doc. UNCTAD/CA/2168.
27 Quatre-vingt-onze pays ont voté pour ; dix se sont abstenus (pays de l’Est sauf Roumanie, Australie, Nouvelle-Zélande, Canada). Seuls les USA ont voté contre. Il est intéressant de noter que sur les six résolutions adoptées dans le domaine des produits de base à Belgrade, celle sur le financement compensatoire est la seule à ne pas l’avoir été par consensus.
28 L’expertise du FMI sera requise. Un calendrier précis est également fixé : dépôt des propositions des pays membres avant le 31 décembre 1983. Fin des travaux du groupe avant le 30 septembre 1984. Session spéciale du CCD avant le 31 décembre 84 pour décider l’action ultérieure comprenant la convocation d’une éventuelle conférence de négociation.
29 Bulletin CE — Suppléments 1/75 et 6/75.
30 Les Etats-Unis avaient suggéré que les questions relatives à l’accès aux approvisionnements soient soumises à des négociations dans le cadre des négociations commerciales multilatérales, en vue d’obtenir que les éventuelles concessions concernant l’amélioration des conditions d’accès aux marchés soient liées à des concessions réciproques sur le plan de l’amélioration des conditions d’accès aux approvisionnements en matières premières.
31 Cheysson, Claude, « Il faut réintégrer notre politique d’aide au développement parmi toutes nos politiques ». Le Courrier, n° 60, mars-avril 1980, p. 12.
32 Ibid., p. 12.
33 Certains préconisent un système mondial de stabilisation des recettes d’exportation des PVD. D’autres estiment que l’élément central de la politique de la Communauté doit être envisagé dans le développement des accords par produit, destinés en premier lieu à stabiliser les prix et, éventuellement, en second lieu, à assurer des transferts de ressources en faveur des PVD producteurs.
34 « Accords par produit destinés à limiter les fluctuations excessives des prix ». Communication de la Commission au Conseil. Doc. COM(75)290 final. Bruxelles, le 13 juin 1975.
35 Conseil du 27 juillet 1975.
36 Voir, par exemple, la déclaration du représentant de la Communauté à la 8e session du Comité de la CNUCED sur les produits de base et à la réunion plénière finale (Genève, 8-9 décembre 1975).
37 GATT, The Tokyo Round of multilateral Trade Negotiations. Report by the Director-General of GATT, Geneva, April 1979.
Voir aussi GATT, Activités en 1973, Genève, 1974.
38 Comité économique et social. « Projet d’avis de la section des relations extérieures sur les NCM dans le cadre du GATT ». CES 182/77 ag, p. 7.
39 Commission des CE. « La Communauté offre de nouvelles concessions commerciales aux PVD pour leurs exportations de produits tropicaux ». Doc. IP(76)-87, Bruxelles, 6 avril 1976.
40 Le tabac ne couvre que les 5 % environ en valeur de l’offre communautaire globale, mais il est essentiel pour quelques PVD exportateurs (Inde, Indonésie) pour lesquels les concessions de la CEE ont une portée exclusivement si le tabac y est inclus. Des réserves ont été soulevées notamment par l’Italie qui, en tant que producteur de tabac, est directement concernée et par le Royaume-Uni qui désire maintenir et développer certains courants traditionnels d’échanges avec des pays asiatiques. En l’occurrence, les réserves vont dans deux directions opposées, l’Italie estimant que le compromis va trop loin et le Royaume-Uni que les concessions sont insuffisantes. (Pour les tabacs les plus chers, réduction du droit de douane de 7 % sans restrictions quantitatives ; pour les tabacs les moins chers, même réduction de 7 % mais à l’intérieur d’un contingent).
41 « La Communauté offre de nouvelles concessions commerciales aux PVD pour leurs exportations de produits tropicaux ». op. cit., p. 2.
42 Commission des CE. Les politiques de coopération au développement de la CEE pour les années de 1971 à 1976. Bruxelles, avril 1977, p. 7.
43 L’Avis 1/78 de la Cour de Justice concernant l’Accord caoutchouc avait reconnu la compétence de la Communauté au sens de l’article 113 ; mais le financement des opérations du stock régulateur impliquait, selon elle, « la participation de ces Etats à l’Accord, ensemble avec la Communauté ».
44 Face à ces difficultés de caractère politique, un plan d’action a été mis au point à Bruxelles, prévoyant une vaste campagne d’information et d’explication de l’Arrangement auprès des parties concernées. Le Mémorandum établi à cette fin retrace la toile de fond et les objectifs de l’Arrangement tout en relevant qu’il n’existe aucun obstacle juridique à ce que l’Arrangement soit appliqué dans les conférences internationales de négociation et dans les autres enceintes concernées.
45 Cité par J.-V. Louis, « La Communauté et ses Etats membres dans les relations extérieures », Revue d’intégration européenne/Journal of European Integration, 1983, VI, nos 2-3, p. 225.
46 Recommandation de décision du Conseil relative à la notification de l’intention de la Communauté de continuer à participer à l’accord international de 1976 sur le café, présentée par la Commission au Conseil. Doc. COM(79)480 final, Bruxelles, 6 septembre 1979.
47 Recommandation de décision du Conseil relative à la signature et à la notification de l’application à titre provisoire par la Communauté économique européenne de l’accord international de 1983 sur le café, présentée par la Commission au Conseil. Doc. COM(83)286 final. Bruxelles, 30 mai 1983.
48 Les pourparlers entre pays producteurs et consommateurs de cacao en vue de définir les bases d’un nouvel accord international destiné à remplacer celui qui, signé en 1975, venait à expiration le 31 mars 1980, n’ont abouti que difficilement. Si le cacao n’est pas une denrée de première nécessité, en revanche, c’est un produit de spéculation, celle-ci étant la cause principale de la dégradation des termes de l’échange. Le cacao représente, après le café et le sucre, le troisième produit agricole du Tiers Monde par le montant des devises qu’il rapporte à l’exportation (principaux producteurs la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Ghana, le Cameroun et le Nigéria). Suite à l’échec de mars 1980, où les producteurs voulaient un prix-plancher de 120 cents US la livre (contre 100 proposé par les consommateurs), le Conseil international du cacao, réuni à Londres les 4 et 5 juin, avait décidé d’ajourner ses travaux jusqu’au 8 septembre et de suspendre la liquidation de son stock régulateur entre les pays producteurs en proportion de leur part dans la production mondiale. Un accord est finalement intervenu, permettant l’entrée en vigueur, le 1er août 1981, mais à titre provisoire, d’un nouvel accord international sur le cacao. Les pourcentages de participation requis pour l’entrée en vigueur de jure n’avaient, en effet, pas été atteints, à cause de l’abstention des USA (grand pays consommateur, non-membre des deux accords précédents) et de la Côte d’Ivoire.
49 L’accord a épuisé ses ressources par l’achat de 100 000 tonnes de cacao pour une capacité de 250 000 tonnes.
50 Accord international sur le cacao. J.O.L. 313, 31 octobre 1981.
51 Rapport du groupe de travail des questions institutionnelles concernant les organisations internationales. Communication de M. Dahrendorf. Doc. SEC(72)3S69. Bruxelles, le 30 octobre 1982, p. 57.
52 Le nouvel accord est entré en vigueur sans la participation de certains de ses anciens Etats membres tels que les USA, l’URSS et la Bolivie. La Grèce, la Finlande et la Suède ont été accueillies comme nouveaux membres.
L’entrée en vigueur à titre provisoire signifie que des gouvernements à la fois des pays producteurs et consommateurs, qui assurent au moins 65 % de la production et de la consommation totales, ont déposé leur instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion ou notifié au dépositaire (c.-à-d. au Secrétaire général de l’organisation des Nations Unies) qu’ils appliqueront le présent Accord à titre provisoire. Au contraire, l’entrée en vigueur à titre définitif implique une participation à 80 %.
53 En vertu d’une décision du Conseil du 22 avril 1980, il a été établi que les contributions tant au budget administratif qu’au financement du stock régulateur seraient assurées par les Etats membres.
54 Il faut toutefois relever que la Communauté a été appelée à verser des montants à titre d’avance. Comme certains Etats membres étaient dans l’impossibilité de payer leurs contributions aussi longtemps que leurs procédures de ratification n’étaient pas terminées, un poste spécial fut créé de façon à permettre à la Communauté de procéder à des avances. En 1981, la Commission a versé 25 000 US $ pour le compte de l’Italie.
Recommandation de décision du Conseil portant approbation de l’Accord international de 1979 sur le caoutchouc naturel. Doc. COM(8I)654 final, Bruxelles, novembre 1981.
55 J.V. Louis estime qu’« en raison de la conception extensive de la politique commerciale exposée dans l’avis 1/78, la Communauté est en mesure de participer à part entière à l’édification du nouvel ordre économique international ». « La Communauté et ses Etats membres dans les relations extérieures », Revue d’intégration européenne/Journal of European Integration, 1983, VI, nos 2-3, p. 207.
56 Le principal élément de l’accord international sur le jute consiste en la création d’une Organisation internationale du jute avec siège à Dacca (Bangladesh), administrée par un Conseil international du jute. Principaux producteurs du jute : Bangladesh — 57 % ; Inde — 31,5 % ; Thaïlande — 7,5 %. La Communauté et les USA représentent chacun environ 16 % des importations. Les produits du jute ont connu une certaine instabilité et ont accusé une tendance à la baisse, en valeur réelle, dans les années 70. En outre, ils sont depuis longtemps menacés par l’utilisation croissante de produits synthétiques dont la production est concentrée dans les pays à économie de marché.
57 Accord international de 1982 sur le jute et les articles en jute. Doc. CNUCED TD/JUTE/11/Rev. 1, 1983.
L’accord est entré en vigueur, avec l’appui de la Communauté, au début de 1984.
58 Accord international de 1983 sur les bois tropicaux. CNUCED, Doc. TD/TIMBER/11, novembre 1983.
59 Muller, Jean-Claude, « Le système de stabilisation des recettes d’exportation institué par la Convention de Lomé ». Le Tiers Monde et la Communauté économique européenne. Berger-Levrault, Paris, 1978, p. 153.
Tout en s’attachant à la poursuite et au développement de son volet régional, la Communauté a signifié sa volonté de promouvoir la conclusion d’accords par produit :
« Les Etats membres de la Communauté :
— confirment l’intérêt et l’appui qu’ils portent dans les cas appropriés, aux accords et arrangements internationaux de produits de base, afin d’aboutir à une stabilisation des marchés et à une croissance des exportations des PVD ;
— devraient adopter une attitude commune afin d’améliorer le fonctionnement des accords existants, d’en faciliter le renouvellement et de permettre dans les cas appropriés la conclusion de nouveaux accords et arrangements ;
— rappellent que … des contributions volontaires de pays consommateurs seraient de nature à faciliter le fonctionnement d’accords existants et la conclusion de nouveaux accords… ». Bulletin CE 7/8-1974, point 1214.
60 La place prise par ces deux produits s’explique essentiellement par le brusque renversement des cours auquel il faut imputer, d’ailleurs, l’origine des difficultés rencontrées par le système, notamment en 1981.
61 Une dérogation a cependant été introduite en faveur de certains pays qui bénéficient de la couverture de leurs exportations toutes destinations.
62 Le SYSMIN a été doté de 282 millions d’ECU dans Lomé II. Au titre de la double tranche annuelle 1980/81, le SYSMIN est intervenu en faveur du Zaïre (40 millions d’ECU) et de la Zambie (55 millions) dans le secteur cuivre-cobalt.
63 En 1982 de nouveaux Etats ont adhéré à la Convention de Lomé : Belize et Antigua, anciens PTOM britanniques devenus indépendants en septembre et novembre 1981. Cela porte le nombre de pays signataires à 63 alors que 46 pays avaient à l’origine signé la première Convention. L’Angola et le Mozambique se sont déclarés prêts à se joindre à la nouvelle Convention.
64 Les pays retirant le plus d’avantages du SPG sont ceux d’Asie et d’Amérique latine : Hong-Kong, Brésil, Corée du Sud, Inde, Malaysia, Philippines, Singapour, Venezuela, Thaïlande, Mexique, Pakistan, Indonésie, Argentine. La Corée du Sud, la Malaisie, le Mexique et la Yougoslavie purent bénéficier du SPG pour 25 % ou plus de leurs exportations vers la CEE. D’une façon générale, l’utilisation du SPG a été le fait d’un nombre restreint de pays bénéficiaires à l’économie déjà plus développée ou plus diversifiée dont certains ont atteint une position concurrentielle. On a estimé que 13 pays ont totalisé 70 % des importations préférentielles.
65 Commission des CE. « Le système des préférences généralisées de la Communauté européenne ». Europe Information. Doc. 28/79, décembre 1979.
66 Si toutes les nations ont accepté le principe du système, il n’a pas été possible de se mettre d’accord sur des modalités harmonisées. Chaque pays donneur a son régime particulier se concrétisant toutefois dans chaque cas par l’octroi de droits préférentiels pour la plupart des produits manufacturés. Certains appliquent un système de plafonds ; d’autres ont préféré prévoir le fonctionnement d’une clause de sauvegarde.
67 « Les orientations du système des préférences tarifaires généralisées de la Communauté européenne pour la période après 1980 ». Communication de la Commission au Conseil. Doc. COM(80)104 final. Bruxelles, le 7 mars 1980, p. 6.
68 A côté de ces contraintes, il faut aussi mentionner le manque d’information des exportateurs ou les difficultés administratives contribuant au fait que le taux d’utilisation effectif du SPG reste limité à 55-60 % en moyenne. Tous les PVD éligibles n’accomplissent pas les formalités préalables à l’octroi des certificats d’origine. Le système des préférences est, en effet, très complexe et sa valeur pratique a diminué. Il faut des experts pour déterminer les possibilités de préférence. Or, ces experts sont rares dans les pays du Tiers Monde et surtout dans les pays les moins développés.
69 Le rétablissement des droits de douane peut pourtant intervenir si l’accroissement des importations dans la CEE dépasse un taux de référence correspondant aux butoirs théoriques fixés en 1980 pour chaque pays bénéficiaire et augmentés de 2 % en raison de l’accession de la Grèce.
70 La résolution 93(IV) figure dans le document TD/RES/93(IV) et doit être replacée dans l’ensemble des résolutions adoptées à Nairobi, notamment les Résolutions 94(IV) et 87-88-89(IV) (TD/RES/94(IV) et TD/RES/87, 88, 89(IV)), relatives respectivement à la question de l’endettement et au transfert de technologie.
71 Le Parlement européen n’a pas manqué de prendre position à ce sujet en déclarant que la Communauté doit tirer certaines leçons de la CNUCED IV, notamment « que des conférences internationales de cette importance ne s’improvisent pas : elles se préparent pour permettre de présenter des propositions généreuses mais réalistes et favoriser l’efficacité des travaux ». Parlement européen. Document de séance. Doc. n° 333/76, 11 octobre 1976.
72 « Les Neuf ne parviennent pas à s’entendre sur la question des matières premières ». Le Monde, 27 mai 1976.
73 La résolution 93(IV) a été assortie d’une déclaration d’appui de 16 pays dont la Belgique, le Danemark, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas.
Les délégations de la Communauté avaient constaté que la question du financement du programme était devenue pour les 77 un élément d’importance politique capitale. Aussi se sont-elles efforcées, pour éviter l’échec de la Conférence, d’apporter une réponse adéquate en la matière. Sur la base d’un projet de la Commission, l’esquisse d’une approche des problèmes de financement de stocks régulateurs internationaux exposant en huit points l’orientation fondamentale de la Communauté a été élaborée. Bien que certains pays membres considérassent que ce document allait trop à la rencontre des demandes des PVD et que d’autres l’estimassent trop minimaliste, il a été convenu, à l’unanimité, qu’il devait être présenté au groupe B comme contribution de la Communauté, dans la mesure où il représentait, en quelque sorte, une voie médiane. Après de difficiles discussions au sein du groupe B, celui-ci décida, à titre de compromis, de présenter simultanément le document de la Communauté assorti des réserves mentionnées et un document plus général, plus technique, présentant les vues de la majorité des autres délégations du groupe B.
Ces deux documents ont été accueillis de façon critique par les 77.
74 Cette déclaration interprétative avait été rédigée conjointement par les USA, la RFA, le Royaume-Uni et le Japon, des pays traditionnellement réservés à l’égard du Programme intégré. Mais il semble que M. Thorn ait réussi à convaincre ses partenaires européens de ne pas s’associer finalement à cette initiative. Le délégué allemand s’est ainsi contenté de dire : « les réunions préparatoires indiqueront si le Fonds commun sera en fin de compte adopté ». « Le bilan de la Conférence ». Le Monde, 1er juin 1976.
75 Précisons que c’est dans le cadre de la CCEI que l’engagement a été confirmé.
76 « UNCTAD IV: substance or symbol ? ». The Economist, 29 mai 1976, p. 91.
77 Agence Europe, 14 avril 1976, p. 7.
78 « Nos propositions sur les matières premières constituent une solution de conciliation entre le Tiers Monde et les pays industrialisés ». Le Monde, 11 mai 1976.
79 Les réunions préparatoires sur les produits de base auront pour tâche de :
« — proposer les mesures appropriées et les techniques voulues pour atteindre les objectifs du Programme intégré ;
— déterminer les besoins financiers découlant des mesures et techniques proposées ;
— recommander l’action consécutive requise par voie de négociation d’accords de produits de base ou d’autres mesures ;
— d’élaborer des projets d’accords de ce genre à proposer à l’examen des gouvernements et à utiliser dans les conférences de négociation sur les produits de base ».
Résolution 93(IV), op. cit., section IV.
80 La Commission a été autorisée par le Conseil à mener au nom de la Communauté la négociation pour la conclusion d’un accord international sur le cacao, mais en consultation avec le Comité spécial prévu à l’article 113 pour les questions de politique commerciale. Elle a aussi été chargée de faire insérer dans l’accord une disposition permettant la participation de la Communauté. Celle-ci a été admise à participer sans droit de vote à la Conférence et au Comité de négociation. Il ne s’agissait donc pas d’une formule bicéphale puisque la présidence du Conseil ne figurait pas dans la délégation de la Communauté.
81 Même si ces accords ont pour objet la régulation des échanges et, de ce fait, sont de compétence communautaire, la Commission a dû, malgré tout, demander un avis à la Cour de Justice pour l’Accord caoutchouc.
82 « Communication de la Commission au Conseil relative aux négociations internationales sur le Programme intégré sur les produits de base ». Doc. COM(76)359 final. Luxembourg, 6 juillet 1976.
83 Une extension de cette formule signifierait que les pays ACP perdraient le bénéfice de leur traitement préférentiel en ce domaine et qu’éventuellement ils demanderaient une compensation.
84 « Exposé de la position de la CEE et de ses Etats membres ». Commission spéciale de la 7e session extraordinaire de l’AG. Doc. A/AC.176/2. 1er septembre 1975, New York.
85 International Monetary Fund. Compensatory Financing of Export Fluctuations. Executive Board Decision. 24 décembre 1975.
86 La concertation évoque déjà un degré assez poussé de coopération entre les parties concernées : elle signifie que celles-ci non seulement s’informeront réciproquement mais ne refuseront pas, si besoin est, d’agir de concert.
87 Les USA avaient déclaré qu’ils participeraient aux réunions préparatoires sans engagement et que leur décision sur une éventuelle participation aux négociations dépendrait du résultat des réunions préparatoires. Le Japon a adopté une attitude proche de celle des USA. Le Canada s’est déclaré prêt à examiner le concept d’un Fonds commun.
88 Au cours de la 2e réunion préparatoire en janvier 1977, les pays du groupe B soumirent un document de travail sur les fonctions que l’on pourrait assigner au Fonds, à savoir principalement le financement compensatoire, la mise en commun de moyens financiers et la garantie de prêts destinés à financer chaque stock régulateur. Les pays du groupe B soulignèrent toutefois que ce document n’avait pas été soumis à l’approbation des membres et qu’il ne fallait pas y voir la position adoptée par chaque pays industrialisé.
89 « Bonn nach wie vor gegen globale Rohstoffabkommen. Die Regierung verweist auf bestehende Instrumente/Stabilisierung der Exporterlöse ». Frankfurter Allgemeine Zeitung. 3 février 1977.
90 Bulletin CE 3-1977, point 2.2.6., p. 56.
91 « Blockierte Positionen zum UNCTAD-Rohstoff-Fonds. Erfolgloser Abschluss der ersten Verhandlungsrunde ». Neue Zürcher Zeitung, 4 avril 1977.
92 Ce « large consensus » n’est pas partagé par les USA.
93 « Les Neuf s’efforcent de débloquer le dialogue Nord-Sud ». Le Monde, 7 avril 1977. Et « Les Neuf d’accord pour une stratégie commune au dialogue Nord-Sud ». Le Nouveau Journal, 7 avril 1977.
94 « Communication de la Commission au Conseil relative à une action internationale de stabilisation des recettes d’exportation ». Doc. COM(77)113 final. Bruxelles, le 31 mars 1977.
95 Le gouvernement allemand avait proposé une formule de STABEX élargi en vue de la réunion de Rome. Il était suggéré que tous les PVD (pour les plus pauvres, des conditions plus favorables devraient être prévues) bénéficient d’un système couvrant 25 matières premières qui représentent environ 74 % des exportations de produits de base de tous les PVD (sauf le pétrole). La compensation interviendrait en cas de diminution des exportations globales des 25 matières premières choisies d’un PVD vers tous les autres pays. Ceci évite les détournements des exportations destinés généralement à faire apparaître une perte de recettes artificielle.
96 Le paragraphe III, E. c) de la résolution 93(1V) se lit comme suit :
« Institution d’arrangements en matière de prix, notamment de marges de prix négociés, qui seraient examinés périodiquement et révisés de façon appropriée, compte tenu notamment des fluctuations des prix des articles manufacturés importés, des taux de change, des coûts de production, de l’inflation mondiale, et du volume de la production et de la consommation ».
97 Le paragraphe énonce :
« Les accords ou arrangements sur les produits de base élaborés dans le cadre du Programme intégré de la CNUCED et comportant des dispositions relatives aux prix devraient prévoir le réexamen périodique et une révision approfondie de ceux-ci, en tenant compte en particulier des modifications des facteurs économiques pertinents ».
98 Le Conseil nordique (dont font partie le Danemark, la Suède, la Norvège et l’Islande) avait insisté lors de sa dernière réunion de Reykjavik sur la nécessité de faire des progrès concrets dans le dialogue Nord-Sud avec comme objectifs : l’application du Programme intégré, l’établissement d’un Fonds commun, l’amélioration de la stabilisation des recettes d’exportation, des accords « fermes sur plusieurs années » pour augmenter le transfert des ressources aux pays pauvres, la réalisation de l’objectif de l’ONU pour l’aide officielle au développement et des arrangements en matière de dette.
99 « Dialog ohne Applaus ». Handelsblatt, 31 mai 1977.
100 L’acceptation par le groupe des Huit de l’expression « instrument-clé » pour décrire le rôle du Fonds commun dans le Programme intégré a été mal accueillie par les autorités allemandes.
101 « Bonn auf dem Rückzug ». Die Zeit, 10 juin 1977.
Voir aussi « In der Rolle des Sündenbocks ». Frankfurter Allgemeine Zeitung, 14 mai 1977.
102 « Nord-Süd Dialog - Bonn will nicht mehr Buhmann der Armen sein ». Frankfurter Rundschau, 14 mai 1977.
103 « Bonns Aussenpolitik will zu neuen Ufern aufbrechen ». Stuttgarter Zeitung, 23 mai 1977.
104 ibid.
105 A aucun moment, il n’avait été question d’arrêter à Paris (CCEI) toutes les caractéristiques de ce Fonds, y compris son volume qui dépendra du nombre des produits couverts.
106 « Désaccord à Genève. Les négociations sur les matières premières sont suspendues ». Le Monde, 3 décembre 1977.
107 « Communication de la Commission au Conseil concernant les négociations internationales sur un Fonds commun pour les produits de base ». Doc. COM(77)365 final. Bruxelles, 21 septembre 1977, p. 4.
108 On peut s’interroger sur la valeur et la portée réelle de cette déclaration du gouvernement néerlandais, surtout si l’on sait qu’il était pratiquement démissionnaire à ce moment là.
109 Doc. COM(77)365 final. op. cit., p. 4.
110 « Prochaines rencontres internationales de la CNUCED dans les perspectives du dialogue Nord-Sud - Lignes directrices ». Communication de la Commission au Conseil. Doc. COM(78)22 final.
111 L’AG des Nations Unies a demandé lors de sa 32e session : « … au Secrétaire général de la CNUCED d’entamer des consultations en vue d’une nouvelle convocation de la Conférence au début de 1978 ». Doc. ibid., p. 4.
112 ibid., p. 6.
113 « Reprise des négociations sur le Fonds commun ». Communication de la Commission au Conseil. Doc. COM(78)496 final. Bruxelles, 29 septembre 1978.
114 ibid., p. 7.
115 « La CNUCED à l’heure du réalisme ». Le Monde Diplomatique, mai 1979, p. 10.
116 Ibid.
117 Ce montant a été calculé en comptant que tous les membres de l’ONU participeraient au financement de ce guichet, ce qui laisserait supposer une capacité de mobilisation internationale. A titre comparatif, un stock d’un million de tonnes de cuivre coûterait environ 2 milliards 200 millions de dollars. « Comment le Fonds pourra-t-il couvrir les besoins des 18 produits du Programme intégré ? ». Le Monde Diplomatique, op. cit.
118 « Matières premières : le but du Fonds commun de stabilisation ». Le Journal de Genève, 22 mars 1979.
119 « Quelques détails à propos du Fonds commun de stabilisation ». L’Echo de la Bourse, 30 juin 1980.
120 CNUCED. Adoption de l’Acte final de la Conférence de négociation et des résolutions connexes. Institution d’une commission préparatoire pour que le Fonds entre en activité. Projet de résolution présenté par le Président. Doc. TD/IPC/CF/CNF/L.14. Cette Commission a déjà tenu quatre sessions. La dernière a eu lieu en novembre 1982.
121 Parmi les postes réservés au groupe B, quatre seraient prévus pour la Communauté. Or six Etats se sont portés candidats : la France, la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas, la RFA et le Royaume-Uni. La France est d’avis que le chiffre de quatre est « raisonnable », ce que l’on peut comprendre puisqu’elle participe d’office.
122 Conformément à la décision du Conseil du 28 septembre 1981, la signature par la Communauté de l’accord portant création du Fonds commun a eu lieu à New York le 21 octobre 1981, après celle de ses Etats membres. Quinzième rapport général des CE, point 665, p. 273.
123 La Norvège va payer le « ticket d’entrée » de quatre pays africains (Angola, Madagascar, Mozambique et Swaziland) et de six pays d’Amérique centrale (Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras, Jamaïque et Nicaragua). En ce qui concerne ce dernier groupe de pays, c’est le représentant du Nicaragua qui a présenté la demande au gouvernement norvégien au nom du groupe d’Amérique centrale. Notons à ce sujet que la résolution 153(IV) adoptée à la CNUCED de Belgrade invite les PVD qui ne seraient pas en mesure de verser leurs souscriptions au capital du Fonds à procéder à la ratification en ayant recours aux offres de prises en charge de ces contributions par l’OPEP (en principe 33 pays les moins avancés), la Norvège et la CEE ainsi qu’à toutes les offres analogues qui pourraient être faites.
124 En fait, certains pays du Tiers Monde ne font guère preuve d’empressement à engager la procédure de ratification. Les plus avancés parmi eux sembleraient plutôt miser sur l’industrialisation que sur le secteur des matières premières pour dynamiser leur développement. Aussi sont-ils manifestement plus intéressés par des mesures destinées à promouvoir cette industrialisation que par des accords de produit. « The foreseeable end of the Common Fund ». Dietrich Kebschull. Intereconomics, juillet/août 1982, pp. 157-158.
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