Introduction
p. 49-50
Texte intégral
1Le principe de l’autodétermination intimement lié à la règle de la table rase des traités qu’un Etat hérite de son prédécesseur est principalement appliqué dans les chapitres qui suivent à un type d’Etats que la Convention de Vienne de 1978 qualifie « d’Etats nouvellement indépendants »1. Ce qui signifie que la règle de la table rase ne s’applique que lorsqu’il s’agit d’Etats successeurs, nés après décolonisation.
2Quelles sont les raisons de ce choix ? D’abord, la règle de la table rase se fonde, en elle-même, sur le principe de l’autodétermination qui implique à son tour que l’Etat nouvellement indépendant jouisse d’une liberté totale quant à ses relations conventionnelles avec d’autres Etats. Ceci se justifie, d’une manière générale, par le fait que la mission « civilisatrice » de la colonisation s’est souvent réduite à l’exploitation sous toutes ses formes du territoire dépendant au détriment des intérêts vitaux de ses habitants2, et que par conséquent, de nombreux traités conclus par l’Etats prédécesseur, pour le compte du future Etat successeur, étaient inéquitables et allaient le plus souvent à l’encontre des ses intérêts nationaux.
3En présence de pareille situation, il serait logique de reconnaître pleinement le droit à l’autodétermination3 politique et économique à l’Etat successeur, lequel ne serait pas libéré des vestiges du colonialisme s’il devait se considérer comme lié, même provisoirement, par un traité à la conclusion duquel il n’a pas participé4.
4C’est en se conformant à cette optique que nous avons choisi de partir, dans ce titre II, chapitre I, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, pour aboutir au principe général de table rase posé par la Convention dans son article 16.
5Cependant, le principe général de la table rase, tel qu’il est conçu par la Convention n’a pas pour but de s’opposer catégoriquement à la continuité des traités bilatéraux (voir notre chapitre II ci-après) ou à celle des traités multilatéraux (voir notre chapitre III ci-après).
6Nous terminerons ce titre II par un chapitre IV qui traitera des éventuelles exceptions à la table rase, ce qui nous conduira à nous interroger sur la nature juridique des accords de dévolution (article 8 de la Convention) des déclarations unilatérales (article 9 de la Convention) et des traités territoriaux (articles 11 et 12 de la Convention). On verra si ces actes juridiques internationaux constituent une véritable exception à la règle de la table rase.
Notes de bas de page
1 Selon l’article 2, § f de la Convention « l’expression Etat nouvellement indépendant s’entend d’un Etat successeur dont le territoire, immédiatement avant la date de la succession d’Etats, était un territoire dépendant dont l’Etat prédécesseur avait la responsabilité des relations internationales ». Il faut cependant préciser que la CDI qualifie « d’Etat nouvellement indépendant » les Etats issus d’un processus de décolonisation postérieur à 1945, alors que l’expression « Etat nouveau » s’applique aux cas classiques.
2 cf. Yasseen M.K., « La Convention de Vienne sur la succession d’Etats en matière de traité », AFDI, 1978, p. 106 et Guilhaudis, J.F., Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, P.U.G., Grenoble, 1976, p. 20, notes 24-25.
3 Dans ce contexte, l’autodétermination signifie, tout simplement, que sans le consentement exprès de l’Etat nouvellement indépendant, il ne pourrait exister aucune obligation conventionnelle à son égard.
4 cf. Săhovic, M., ACDI, 1972, vol. i, p. 79, § 58-59. Dans son cours professé à l’Académie Internationale de La Haye, Bedjaoui, M. (« Succession d’Etats dans les nouveaux Etats », RCADI, 1970, vol. ii, tome 130, pp. 490-491, ci-après : Bedjaoui, M., « Succession d’Etats... ») a approché de la même manière ce problème, pour aboutir à une conclusion identique, c’est-à-dire l’application de la règle de la table rase.
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