Les entreprises transnationales des télécommunications en quête de marchés
p. 75-111
Texte intégral
L’efficacité de toute communication est aléatoire, Dieu merci !
A la recherche du futur
1En développant de nouvelles technologies, l’homme interroge constamment sa destinée. Connaître à l’avance les événements qui surviendront demain (c’est-à-dire pouvoir les « prévoir », « préparer » ou « prévenir ») est un vieux rêve de l’humanité. Mais la prévision du futur a cessé d’être un simple rêve. Elle est devenue un impératif dans le monde industrialisé, dominé par la haute technicité. Car il faut bien se rendre à l’évidence : l’avenir se détermine à présent, comme il détermine le présent. Les options d’aujourd’hui engagent irrémédiablement les lendemains. A fortiori, les télécommunications constituent un domaine de prédilection pour l’attitude prospective car toute innovation dans la technologie communicationnelle est « porteuse d’avenir » (selon la terminologie consacrée). En effet, les décisions prises dans ce vaste secteur — qui englobe pratiquement tous les aspects de la transmission des données, informations et messages par la voie instrumentale comme la téléphonie, la télévision, la radiodiffusion ou la télématique — mettent en jeu le futur, car elles s’y projettent et tendent à le façonner. Ainsi, par le biais du développement des télécommunications, les sociétés de notre temps se trouvent-elles confrontées à la construction de leur devenir.
2Au cours des années, la prévision du futur a pris une forme institutionnelle sous la dénomination de « futurologie ». Ses tâches sont multiples. Elle fournit, avant tout, des informations sur les tendances probables de l’avenir aux détenteurs du pouvoir qui en font usage dans la prise de décisions économiques et politiques. La futurologie se charge aussi de divulguer au grand public une certaine vision de la vie future. On trouve, sous le même vocable, deux discours différents. Le premier donne une description globalisante, approximative, idéalisée et vulgarisatrice de l’avenir, destinée à sensibiliser le public aux problèmes du futur ; tandis que le second se veut réaliste, rigoureux, quantitatif et volontariste, conçu afin de donner une orientation aux dirigeants politiques et économiques dans leur action concrète. Pour ce dernier, il conviendrait de parler plutôt d’études et de recherches technico-commerciales macro-économiques, car celles-ci entrent dans l’élaboration de la planification à long terme des grandes entreprises. Le mode de financement constitue également un trait distinctif entre les deux genres d’études du futur. Les informations concrètes recherchées pour soutenir la pratique et pour étayer les décisions sont payantes. Elles constituent la propriété privée des mandants et sont couvertes par le secret. Il s’agit d’études de marché « de diffusion d’autant plus réduite que leur prix est plus élevé » (selon M. Mili, Secrétaire général de l’uit). En revanche, les recherches sur les modèles globaux sont généralement financées par les fonds publics nationaux ou internationaux.
3L’information sur le futur sert le pouvoir, comme toute information est un pouvoir. La prospection du futur et le recueil des informations ont été récupérés, privatisés et détournés de leur but éminemment social en vue de servir le pouvoir économique et la stratégie des entreprises. C’est au niveau stratégique que se situent les « études de marchés et les recherches commerciales » proprement dites. Leur but est de recueillir et d’exploiter les données nécessaires aux décisions stratégiques et opérationnelles dans les entreprises. Les informations obtenues à travers les études et recherches commerciales répondent généralement aux préoccupations immédiates des industriels. Les études micro- et macro-économiques sont devenues indispensables pour les chefs d’entreprises, étant donné l’importance des investissements engagés dans le développement et la commercialisation des produits. Un véritable marché s’est constitué autour de la « marchandise-information », qui alimente le processus de prise de décision des entreprises1.
4Les travaux des futurologues débouchent sur la présentation d’un monde « moderne » où la technologie règne sans partage. D’une façon générale, l’optimisme est de mise lorsqu’on aborde l’avenir des pays industrialisés. L’analyse de contenu d’une vingtaine de publications et descriptions prospectives montre que la plupart des auteurs annoncent l’avènement d’un « avenir radieux » qu’apporte l’innovation technologique. On nous promet un monde plein de facilités communicationnelles, où le travail sera entièrement informatisé (donc exigera moins d’efforts) et décentralisé (on pourra travailler à domicile), où l’information de tout genre sera accessible rapidement à tout le monde, où l’on pourra établir la communication téléphonique sans obstacle et où l’on disposera d’un vaste choix de programmes de radio et de télévision... tout cela grâce aux bienfaits de la technologie, comme les satellites, les micro-processeurs, les équipements de télex et de téléphone informatisés. Discours rassurants qui font l’éloge du génie technique susceptible de délivrer l’homme de demain des tracas quotidiens qu’il éprouve aujourd’hui. L’image du futur est administrée comme un formidable tranquillisant : elle permet de se réfugier dans la fiction et d’échapper aux dures réalités sociales du moment. Ainsi, l’imaginaire concernant les technologies de l’avenir est censé conjurer les difficultés existentielles.
5Cette conception de l’avenir véhicule l’idéologie technocratique. Elle présente le « progrès » technique comme étant la somme d’une évolution linéaire et inéluctable, donc sans alternative et sans appel (Habermas 1973). De surcroît, la notion technocratique de la science reflète la conviction de pouvoir tout inventer et d’apporter une solution technique aux problèmes des sociétés. Comme le remarque Armand Mattelart (1982 : 15), « le moralisme technologique fait figure d’idéologie humaniste (la technologie est neutre, seuls ses usages seraient bons ou mauvais) ». La perspective qui considère l’évolution technique comme le fondement du développement économique et social ouvre la voie au « totalitarisme technique », qui présente le progrès social comme dérivé du progrès technologique.
6L’idéologie technicienne triomphaliste ignore cependant l’acteur social : elle nie son autonomie de choix et relègue l’homme dans le rôle d’usager passif de la technologie omniprésente. Ainsi, comme l’écrit Jacques Ellul (1954), « la technique interdit à l’homme d’aujourd’hui de choisir son destin ». En effet, vouloir choisir un sort différent serait dépourvu de sens si l’on admet que la technologie nouvelle est une « manne » providentielle qui survient comme un miracle moderne pour combler toutes les aspirations de l’homme du xxe siècle.
7Il n’en demeure pas moins que la fascination qu’exerce la technologie actuelle et à venir ne peut plus escamoter le désarroi face à son utilisation. Car derrière la prétendue force « libératrice » de la technologie nouvelle, ne voit-on pas se dessiner le danger de domination de la société par ceux qui peuvent manipuler le système technique ? En effet, la maîtrise sociale de l’invasion technologique pose des problèmes aigus et non résolus dans les sociétés contemporaines et cela d’autant plus qu’en matière de télécommunications, le développement de l’outil précède la réflexion sur les possibilités d’usages sociaux autonomes et créatifs. On voit s’imposer progressivement un carcan technologique contraignant susceptible de conditionner les relations sociales à l’échelle mondiale, cela sans contrepoids du côté des populations qui le subissent. Un vaste complexe intercontinental de télécommunications a été mis en place et sera encore renforcé dans un proche avenir. Ce réseau comprend d’ores et déjà une centaine de satellites qui sillonnent l’espace en tant que relais de diffusion, de transmission, d’observation et de détection des données destinées à l’usage privé (téléphone) et public (météo, TV). Force est de constater cependant que la dimension sociale, c’est-à-dire la prise de conscience des effets culturels, manque singulièrement, autant dans les réalisations que dans les projets technologiques.
8Une question cruciale se pose dès lors : peut-on mettre ces outils au service de la communauté au lieu d’en faire des instruments de domination ? D’autres interrogations s’ensuivent : comment pour-rait-on favoriser leur appropriation et leur maîtrise par les usagers ? En effet, l’accroissement de la capacité technologique des télécommunications et leur concentration dans les mains des grandes organisations privées et publiques, d’une part, et l’affaiblissement du contrôle social, d’autre part, forment la contradiction fondamentale qui marque le devenir des télécommunications.
Télécommunications et développement
9Les scénarios concernant l’avenir du Tiers Monde aboutissent, pratiquement sans exception, à la reproduction du schéma technologique occidental. Voici la vision sommaire du modèle dit « Inter-futurs » élaboré sous les auspices de l’ocde : « D’ici à la fin du siècle, on aura vu émerger du Tiers Monde une ‘nouvelle classe moyenne’ de pays à forte croissance en industrialisation rapide. Ces nations tireront parti de leur intégration dans l’économie mondiale par les flux d’investissements en provenance des grands pays industriels et par le développement de leurs exportations (...) La ‘frontière’ Nord-Sud se sera beaucoup estompée » (Moatti 1979 : 94). Beau scénario : il exclut le principe même de toute autre possibilité de développement qui se situerait en dehors du système dominé par le monde industriel. Autrement dit, il envisage la perpétuation de la dépendance technologique de la « périphérie ». Toute autre vision de l’avenir exigerait un changement radical de pensée et, partant, une remise en question fondamentale du modèle économique et social existant.
10A vrai dire c’est à travers la futurologie que l’on peut le mieux saisir l’occidentalocentrisme scientifique, rationnel et technocratique. L’exemple le plus trivial peut être tiré du livre de Hermann Kahn, dont le titre martial, A l’assaut du futur, indique déjà le ton. Il prévoit la modernisation à l’échelle mondiale et l’extension de l’occidentalisation à tous les pays, sans exception aucune. Sa conception de l’avenir des pays en voie de développement est radicale : « Le principal désir des élites des Etats sous-développés est d’atteindre les niveaux occidentaux de prospérité et de progrès. Non seulement les gouvernements, mais les peuples de ces sociétés indiquent leur préférence pour cette culture commerciale moderne (...) En toute probabilité, il y aura quelques arrêts ou retours en arrière durant les prochaines décennies, surtout en raison de troubles politiques. Mais il faudrait un très haut degré de violence, d’incompétence ou de fanatisme idéologique pour empêcher sérieusement ce mouvement vers l’occidentalisation, la modernisation et l’industrialisation » (Kahn 1973 : 32).
11La plupart des discours concernant l’évolution technologique du Tiers Monde sont empreints d’une profonde ambiguïté. D’une part, ils célèbrent bruyamment l’avènement de la nouvelle technologie comme fondement du « développement » économique mais, d’autre part, ils entrevoient les dangers de perte de diversité culturelle et sociale qu’elle peut entraîner. Les politiciens et leurs conseillers se laissent bercer par les illusions quand ils espèrent que les effets désirables de la technologie moderne peuvent être séparés de leurs effets pervers.
12Ce vœu pieux est exprimé par le passage suivant tiré d’une allocution du président du Cameroun, Ahmadou Ahidjo, lors d’une conférence de l’Unesco en 1980 : « Le monde d’aujourd’hui a besoin de systèmes de communication modernes qui, au lieu de renforcer la dépendance et la domination par la subjugation idéologique et culturelle, contribuent au contraire à favoriser le dialogue et la communication entre les peuples, à promouvoir le développement scientifique, technologique et éducatif, à permettre l’affirmation ou la réaffirmation des valeurs nationales... » (cité par Thiam 1982 : 135). Mais peut-on exorciser le mal par de simples paroles, en attendant que le miracle se produise ?
13Les milieux internationaux qui regroupent les spécialistes et les experts dans le cadre de l’Union internationale des télécommunications (uit) pratiquent, du reste, le même langage. Leurs analyses statistiques révèlent les inégalités importantes en matière d’infrastructures et de flux de télécommunications entre pays pauvres et pays riches2. En constatant ces déséquilibres et carences, les experts internationaux partent du principe (discutable) de la nécessité de combler le fossé qui sépare les deux mondes dans le domaine des télécommunications. En effet, ils estiment qu’il existe un rapport direct entre le développement économique et l’existence d’un réseau de télécommunications, étant donné qu’il constitue « la clé de l’ouverture de la modernisation de l’économie ». Dans le rapport de I’UIT sur ses activités de coopération technique (1981 : 1) on peut lire ceci : « Pour l’homme, l’une des plus grandes valeurs des télécommunications réside dans le fait qu’elles permettent le développement économique et social. Quand on cherche à pénétrer la notion de développement des pays les moins favorisés, on doit reconnaître qu’on ne peut séparer cette notion de celle des télécommunications. Tout semble dépendre de la capacité d’échange des informations et des idées. Dans un monde où les distances disparaissent, les peuples de tous les pays doivent compter chaque jour davantage sur le bon fonctionnement des réseaux de télécommunications. (...) En ce siècle de progrès où l’on ne peut concevoir le développement économique et social sans existence d’un réseau approprié de télécommunications, on constate que la courbe de l’accroissement du produit national brut a une pente sensiblement égale à celle de l’accroissement du nombre de postes téléphoniques. »
14Cette vision réductionniste établit une équation entre le développement et l’expansion des télécommunications. En d’autres termes, on retombe dans l’idéologie technocratique qui fait dépendre le développement économique (et social, ce qui est encore plus grave) de la construction d’une infrastructure de télécommunications. Toujours selon la même logique, il existerait un « besoin » impérieux de renforcer l’équipement en télécommunications afin de déclencher le « développement ». Cette idée est, certes, exprimée quelquefois avec plus de nuances, mais elle mène généralement à la conclusion qu’il est indispensable de développer les réseaux de télécommunications pour répondre aux « besoins » immenses dans les pays du Tiers Monde. Dès lors, il n’est pas étonnant que, selon les calculs de l’uit, les investissements nécessaires à réaliser jusqu’en 1985 s’élèvent à plusieurs centaines de milliards de dollars. Les milieux industriels sont plus explicites : pour eux, le marché de l’équipement pour la décennie 1980-1990 atteindra le chiffre de 370 milliards de dollars pour le monde entier, dont environ 45 milliards de dollars en Amérique latine, 52 milliards de dollars en Asie et 22 milliards de dollars en Afrique. Ces prévisions font rêver (et incitent à l’action) les dirigeants des industries concernées, d’autant plus qu’une part prépondérante du potentiel de la demande incombe aux pays du Tiers Monde où il n’existe pratiquement pas de production d’équipement de télécommunications.
15Pour faire face à cette situation explosive des marchés et conformément aux nouvelles possibilités technologiques, l’uit préconise la réalisation d’un « système mondial intégré de télécommunications », tout en étudiant les répercussions économiques et le coût de sa mise en place. Ce qui implique comme corollaire la recherche de solutions quant aux besoins en investissements afin de mettre en place l’infrastructure des télécommunications. Pour le Secrétaire général de l’uit, la notion d’un « réseau mondial intégré est l’expression la plus fidèle de la réalité de notre temps ainsi que l’objectif de l’uit. (...) Certes tous les problèmes ne sont pas pour autant résolus, et l’expérience montre que, même si la création des liaisons de télécommunications constitue des investissements extrêmement rentables, la recherche de sources de financement demeure une préoccupation majeure pour de nombreux pays ne disposant pas de ressources financières considérables. C’est là un handicap certain au développement des télécommunications. (...) » (Mili 1977 : 11)
16Derrière la notion de « système intégré de télécommunications » que propose l’uit, on retrouve l’idée du « village global » qui suppose l’intégration du Tiers Monde dans un système mondial. Comme on peut le constater, l’idée de « rattrapage » du monde industrialisé est érigée en principe fondamental qui gouverne la démarche de la plupart des organisations internationales dans les pays en voie de développement. Le projet productiviste est devenu un axiome qui n’est jamais remis en cause. Tout au plus, on tente d’atténuer les effets sociaux indésirables de l’industrialisation et de la croissance par l’énoncé d’une série de desiderata. Ainsi, par exemple, dans le domaine des télécommunications on essaie d’orienter les investissements afin qu’ils
permettent à toutes les couches de la population (y compris les groupes à faible revenu) d’avoir accès aux services téléphoniques ;
créent des services de liaison pour les communications sociales et humanitaires ;
contribuent aux programmes de développement agricole, sanitaire et alimentaire ;
respectent l’équité sociale (autrement dit, évitent que les bénéficiaires du réseau téléphonique ne soient le gouvernement, les industriels et les commerçants, les zones urbaines et les quartiers résidentiels).
17Au demeurant, face aux problèmes du Tiers Monde, la futurologie reste désarmée. Elle ne sait que répéter inlassablement le mot « croissance », qui ne répond en aucun cas à l’étendue et à la complexité de la problématique du sous-développement. La voie vers une certaine autonomie technologique du Tiers Monde est tracée par la Commission MacBride qui résume les conditions d’une politique de dissociation du modèle des pays industrialisés de la manière suivante :
l’accélération du processus de l’acquisition collective de satellites de communication,
la distribution équitable des fréquences d’émissions,
l’autosuffisance technologique et la mobilisation du potentiel informatif de chaque pays afin de faciliter les communications horizontales entre pays en voie de développement.
18Un tel programme de développement autocentré des télécommunications n’entre ni dans les vues, ni dans la stratégie des entreprises transnationales qui détiennent et imposent leur propre technologie.
Les mutations industrielles
19La pénétration progressive de la nouvelle technologie dans la sphère quotidienne entraîne une véritable mutation des entreprises. Le bouleversement silencieux et graduel déclenché par la nouvelle révolution industrielle affecte aussi bien l’offre des biens (le développement, la production et la commercialisation) que leur demande (la structuration des marchés). Pour Jean-Marie Chevalier (1981 : 33), « les économies contemporaines sont organisées autour de six pôles technologiques principaux : composants électroniques, énergie, mécanique, matières de base, chimie et agriculture. Parmi les six pôles, celui des composants électroniques exercera de plus en plus un effet dominant sur la plupart des technologies afférentes aux autres pôles. »
20On assiste à la transformation imperceptible des objets familiers à usage courant, suite au remplacement des pièces mécaniques par les composants électroniques. L’incorporation des microprocesseurs dans les produits existants élargit leur champ d’application. Il ne s’agit pas de simples gadgets, mais d’outils de travail dont l’application permet d’augmenter la productivité aussi bien dans le secteur secondaire que dans celui du tertiaire. Dans le secteur tertiaire, qui est caractérisé par l’utilisation intensive de main-d’œuvre et par des coûts salariaux élevés, le moindre gain de productivité permet des économies importantes. Cela explique la réceptivité grandissante des entreprises actives dans ce secteur (banques, assurances) à l’égard des possibilités qu’offre la « bureautique ».
21On voit émerger de nouveaux débouchés qui se structurent progressivement, suite à l’apparition de nouveaux procédés technologiques. Les marchés traditionnellement compartimentés selon la nature des produits cèdent place à une « industrie de convergence » qui se situe au confluent de l’électronique et des communications. Les industries des télécommunications, de l’informatique, de la bureautique et de l’audiovisuel donnent naissance à une nouvelle segmentation des marchés, tous liés l’un à l’autre par la nouvelle technologie.
22Selon Lesourne (1981 : 283), le microprocesseur devient la « machine à vapeur » de notre temps ; il impose sa propre cohérence au nouveau système industriel qui se développe conformément à la logique de la nouvelle technologie. Pour les entreprises qui veulent : rester dans la course, l’accélération du changement technologique implique la révision fondamentale de leur politique industrielle sur le plan de la recherche et du développement, de la production, du prix et des investissements.
23Etant donné que la technologie électronique évolue à une très grande vitesse, le cycle de vie des produits se raccourcit de plus en plus. Au moment de leur introduction sur le marché, les produits nouveaux sont déjà techniquement dépassés : une technologie encore plus performante est développée entretemps dans les laboratoires et attend son tour d’être commercialisée. Le cycle de vie des mini-ordinateurs, des calculatrices électroniques et de certains appareils de télécommunications est particulièrement court (à peine quelques mois), en raison de l’innovation technique et de la facilité d’imitation par d’autres entreprises concurrentes spécialisées dans l’électronique. Il en découle l’« obsolescence » accélérée des produits nouveaux, de même que la nécessité d’amortir rapidement les investissements industriels.
24Le rapport performance prix des produits est également bouleversé par l’avènement de l’électronique et des microprocesseurs3. Des produits électroniques toujours plus performants arrivent sur le marché à un prix inférieur à celui des produits technologiquement moins avancés. C’est un phénomène déconcertant tant pour les producteurs que pour les acheteurs : selon une certaine tradition industrielle (qui est encore en vigueur) les produits plus perfectionnés sont vendus à un prix élevé, étant entendu qu’ils offrent une qualité supérieure et davantage de fonctions aux acheteurs que les produits meilleur marché. Cette règle de base de l’économie de marché traditionnelle perd sa validité.
25L’obsolescence des produits électroniques conjuguée avec la baisse des prix provoque une augmentation de la demande à tous les niveaux. On assiste au déferlement de nouveaux produits qui sont rapidement absorbés par la boulimie des acheteurs en quête des dernières nouveautés. Selon les observateurs, une baisse des prix de 20 % d’un produit électronique entraîne une augmentation de 50 % de la demande. « L’explosion des marchés est évidemment indissociable de l’implosion des prix. Et l’une et l’autre sont propulsées par une concurrence fébrile, acharnée et totale » (Fontaine 1980 : 151).
26La rapidité de l’innovation technologique, l’augmentation des performances, les changements de structures industrielles, l’effondrement des prix et l’instabilité du financement sont des facteurs qui contribuent à la mobilité de l’appareil de production. On voit ainsi apparaître d’innombrables petites ou moyennes entreprises spécialisées dnas l’exploitation d’un des multiples aspects de la technologie nouvelle (semi-conducteurs, logiciels, mini et micro-ordinateurs) comme on assiste aussi à la disparition fulgurante des entreprises victimes des aléas du marché ou rachetées par les firmes transnationales en quête de diversification. Ainsi que le remarque le directeur général de la Société suisse de radiodiffusion : « A partir de la recherche fondamentale, issue de la rivalité des grandes puissances, les retombées industrielles et commerciales donnent également lieu à une bataille de géants. Depuis des années — et ce n’est pas fini — des empires industriels s’affrontent sur le terrain de la commercialisation des appareils électroniques. Peu de marchés sont à ce point dominés par la rivalité des producteurs. Dans le domaine des télécommunications et de leurs branches annexes, c’est l’industrie qui fait la loi » (Schürmann 1982 : 9).
Les stratégies transnationales
27Les entreprises transnationales jouent un rôle dominant dans le domaine des télécommunications, étant donné que ce sont elles qui peuvent consentir aux investissements lourds nécessaires au financement de la recherche et du développement de la nouvelle technologie, de même qu’elles disposent des moyens de commercialisation des nouveaux produits ainsi fabriqués. En effet, selon les estimations, l’industrie des télécommunications se concentre dans une poignée de firmes transnationales : vingt d’entre elles produisent : 95 % des équipements de télécommunications. Même si les entreprises transnationales donnent le ton, l’incertitude de l’évolution des marchés nouveaux entraîne cependant la modification abrupte du cadre habituel du monde industriel. Lorsque les conditions changent aussi radicalement, les dirigeants des entreprises doivent procéder à une révision fondamentale de leur action et adopter une pensée stratégique nouvelle.
28L’évolution des idées stratégiques des entreprises transnationales est corollaire de l’accélération des changements de l’environnement économique et de la difficulté grandissante d’en prévoir les conséquences. Le temps semble révolu où les dirigeants des entreprises déclaraient pouvoir « gérer le changement » et « anticiper les événements » par une planification appropriée. De nos jours, ils préfèrent parler de « turbulences » qui laissent sous-entendre l’arrivée de situations inattendues et perturbatrices. L’instabilité de la situation économique et l’incertitude ont amené les chefs d’entreprise à revoir leurs méthodes stratégiques et à introduire de nouvelles méthodes de gestion. Par rapport à la stratégie prévisionnelle qui extrapole l’action future des entreprises à partir des tendances observées dans le passé, le strategic management représente un pas en avant dans la domination des entreprises transnationales de la scène économique, car il vise à imposer les changements technologiques et à contrôler les marchés. Cette intention est bien exprimée par un document de travail de l’Université de Lausanne : « Toute entreprise s’efforce normalement d’étendre le champ de son environnement qu’elle contrôle afin de limiter le nombre d’aléas de son existence. »
29La recherche d’informations et l’étude des marchés servent également la cause de la réduction des surprises et risques qui en résultent. Ainsi, la nouvelle conception stratégique va au-delà de la prévision de l’évolution probable du marché et du comportement des acheteurs, car elle prend en considération « les aspirations de l’individu, la dynamique du changement et les réalités du pouvoir » (Igor Ansoff). Il s’agit donc d’une nouvelle philosophie globale des entreprises qui réagissent, face aux incertitudes de l’avenir, par la force et par le renforcement de leur pouvoir. Elle redonne aussi du muscle à la fonction du management, en tant que « science de l’action ». Elle déclare que l’avenir sera ce qu’on en fera. Et les géants de l’industrie ont autant de volonté que de moyens pour établir et mettre en œuvre leur stratégie.
30Les décisions à court terme, d’une part, et la stratégie du pouvoir, d’autre pat, mettent fin au mythe de l’existence d’une planification stratégique prévisionnelle basée sur l’analyse de l’environnement économique. La véritable stratégie effectivement appliquée dans les entreprises multinationales est celle de la défense et de la consolidation des décisions prises. La stratégie élaborée veut imposer les produits et les technologies spécifiques de l’entreprise sur un marché donné. Par exemple, lorsqu’une entreprise décide de développer le système vidéodisque au lieu de celui des vidéocassettes, elle mobilisera tous ses moyens stratégiques, non seulement pour mener à bien le développement de son produit, mais encore pour le faire accepter sur le marché (par la distribution, la publicité, etc.). Les limites de sa démarche stratégique dépendent de l’action et de la position des entreprises concurrentes, ou éventuellement des institutions de l’Etat susceptibles d’émettre une réglementation qui contrecarre les visées stratégiques d’une organisation privée.
31Cette stratégie de consolidation du pouvoir dans des conditions d’incertitude exige une adaptation de la politique des entreprises transnationales ainsi qu’une révision de leurs activités. L’étape qui débute dans leur évolution est caractérisée par le passage de la phase d’intégration à celle de la diversification. Pendant les vingt dernières années, la mondialisation de la production et de la commercialisation a amené les firmes transnationales à essaimer leurs unités de production et filiales un peu partout dans le monde. Il en a découlé la mise en place d’un système intégré de gestion et de contrôle, centralisé chez la maison-mère.
32En revanche, la phase de diversification implique un double mouvement : d’une part, la décentralisation des activités productives et opérationnelles (même en les cédant à des entreprises locales privées ou publiques), et, d’autre part, la centralisation des décisions stratégiques concernant le financement, le contrôle, la R & D (Recherche et développement) et l’application de la technologie de pointe. Parallèlement, les grandes entreprises nationales et transnationales s’efforcent de répartir les risques de développement technologique et d’investissements commerciaux par la participation au sein des entreprises actives dans des segments de marchés nouveaux ou encore par la fusion avec d’autres entreprises. Ces mesures ont pour but d’augmenter leur part : du marché ou d’accéder à des technologies nouvelles. En d’autres termes, les entreprises transnationales, qui ont opté jusqu’à maintenant : pour la « filière verticale » — spécialisation dans un secteur déterminé, fabrication des composants électroniques, autofinancement (par exemple, ibm, Hewlett-Packard, Xerox, etc.) — complètent désormais leurs activités par une « filière horizontale » d’industries annexes. Cette interpénétration des industries électroniques est illustrée par le schéma ci-dessous de la « filière électronique » (Lorenzi et Le Boucher 1979 : 83).
33Dans les stratégies des entreprises transnationales, le pouvoir public joue un rôle non négligeable. En fait, l’Etat est un partenaire de poids dans le domaine des télécommunications, car le succès ou l’échec de l’introduction d’une nouvelle technologie peut dépendre de normes établies ou des autorisations délivrées par les instances étatiques. A l’heure actuelle, seuls les Etats peuvent faire pièce aux groupes transnationaux par le biais du contrôle technique des moyens de transmission. Mais le monopole de l’Etat, jadis absolu, est fortement entamé et remis en cause par les détenteurs des nouvelles technologies de télécommunication qui passent outre les barrières artificiellement élevées par les pouvoirs publics. Les relations entre l’Etat et les puissantes organisations privées multinationales évoluent plutôt vers une « alliance objective » : de nombreux liens de coopération se tissent entre les services publics et les entreprises fournisseurs autant sur le plan national qu’international. Les organes de l’Etat (ministère de tutelle, ptt) participent activement à la planification, au choix et à la mise au point de l’équipement de télécommunication.
34La scène change, en revanche, dès que l’on aborde la situation dans le Tiers Monde, où l’Etat est loin d’être un interlocuteur aussi respecté. Les rapports de force entre les représentants des entreprises transnationales et les fonctionnaires des pays en voie de développement sont en déséquilibre, le pouvoir de négociation de ces derniers est particulièrement faible. Faute de formation technique poussée et ne disposant pas d’informations suffisantes pour choisir l’équipement de télécommunication en connaissance de cause, les gouvernements des pays pauvres acceptent sans trop approfondir l’offre qui leur paraît la plus « avantageuse » (et qui est souvent appuyée par des pressions politiques et assortie d’une « aide » publique ou privée). La carence du pouvoir étatique laisse le terrain libre aux fournisseurs qui peuvent imposer leur technologie sans se heurter à un contrepoids au niveau des acheteurs. Ce sont les grands groupes de fabricants de matériel technique qui se chargent directement ou indirectement (par l’entremise des bureaux d’ingénieurs-conseils avec lesquels ils entretiennent des liens étroits) de l’évaluation des « besoins », des études d’implantation, du choix de l’équipement et de la formation du personnel technique. Les grandes entreprises sont, du reste, très conscientes de l’importance de la formation pour s’assurer la fidélité de leurs clients. Le vice-président de l’itt fait état de nombreux programmes de formation mis sur pied par sa société ; ainsi par exemple, la filiale espagnole d’itt, Standard Electrica S.A. a formé, depuis 1976, plus de 3000 Algériens dans le cadre de l’installation d’une usine de matériel de télécommunication à Tlemcen. (Le Courrier, acp - Communauté européenne, N° 77, janvier-février 1983). Les généreux programmes de formation professionnelle deviennent payants au moment du choix de l’équipement et de la signature des contrats.
Grandes manœuvres multinationales
35« Convergence » est l’idée maîtresse de la diversification des entreprises transnationales : à partir du schéma de la « filière électronique », on peut retracer la topographie de leurs opérations et repérer les mouvements stratégiques en vue d’occuper les positions dominantes pour préserver leur contrôle sur les industries d’avenir. « Des firmes aussi différentes qu’ibm (informatique), New York Times (journal), American Express (carte de crédit, agence de voyage, banque) ou General Telephone & Electronics (téléphones) convergent toutes vers ce qui apparaît la clé de contrôle de ces futures industries : les réseaux et les logiciels d’informatique » (Lefébure et Lorenzi 1981 : 7).
36Les entreprises transnationales de télécommunication suivent le même schéma :
elles diversifient fébrilement leurs activités dans le but d’occuper les positions stratégiques dans les secteurs prometteurs des marchés à venir ;
elles développent ou rachètent des technologies sophistiquées afin de renforcer leurs positions acquises ou pour pouvoir contrôler des branches entières (par exemple, sur le plan des composants électroniques ou de la comptabilité des systèmes) ;
elles passent des contrats de collaboration ou de financement avec d’autres entreprises (qui peuvent être leurs concurrents directs) en vue d’élargir leur présence dans un éventail d’activités ou de pays.
37Depuis quelques années, l’industrie des télécommunications est en effervescence, le domaine est investi par les entreprises transnationales qui procèdent par « ramifications », c’est-à-dire par fusions, rachats, absorptions ou savantes constructions financières. La restructuration mondiale qui est en cours manque encore de transparence : on voit cependant s’esquisser de grandes manœuvres, avec d’étranges alliances, mésalliances ou alliances contre nature. En voici quelques illustrations :
Un des exemples les plus frappants à cet égard est l’association d’ibm avec Comsat et avec une société d’assurances Aetna Life & Casualty, pour créer la société SBS (Satellite Business Systems) dont le but est d’offrir un réseau de communication aux clients privés, intégrant voix, images, données, informations, courrier électronique, télécopie et vidéophone.
Dans le domaine de la coopération entre entreprises dont les profils deviennent complémentaires en fonction des orientations nouvelles des télécommunications, on peut citer Fujitsu, le plus grand fabricant d’ordinateurs japonais, qui a passé des accords avec Amdahl aux Etats-Unis et avec Siemens en Allemagne en vue de la commercialisation des installations de traitement électronique de l’information et de la production des circuits intégrés de commutation. De son côté, l’un des fleurons de l’industrie américaine d’instruments électroniques et de mesure, Hewlett-Packard, a conclu un contrat avec Hitachi, pour produire des micro-circuits avec une capacité de mémoire élevée. Enfin, en passant des accords avec att et cit-Alcatel (et ayant déjà des liens avec Thomson-csf), la société Philipps est devenue la plaque tournante d’un important complexe industriel américano-européen de l’électronique et des télécommunications. Ainsi, après quelques années de relative stagnation, et après avoir passé par une réorganisation radicale, Philipps amorce une réorientation stratégique sous la houlette d’une nouvelle équipe de direction qui la place sur la première ligne des géants transnationaux.
L’opération Matra-Hachette, qui a défrayé les chroniques en décembre 1980, répondait au but de créer « un groupe de communication axé sur les techniques du futur. Autrement dit, la réunion de l’antenne Europe 1, des téléphones Péritel, des satellites de Matra, du département audiovisuel de Hachette et, pourquoi pas, de l’éventuel troisième canal de télévision » (Jannic 1981 : 59).
Aux Etats-Unis, c’est la Xerox Corporation (chiffre d’affaires : 8,2 milliards de dollars en 1981) qui s’est diversifiée dans le secteur des télécommunications par le rachat, en 1980, de wui Inc. qui possède un réseau international de satellites et de câbles sous-marins, et qui exploite des stations de téléphone et de radiodiffusion.
L’alliance étroite avec la défense militaire joue également un rôle considérable dans le développement de la technologie de pointe. En effet, le secteur militaire constitue une importante ressource pour les entreprises de télécommunication, aussi bien pour le financement de la recherche et du développement de nouveaux systèmes technologiquement avancés que pour les commandes. Comme le remarque M. Bouyssonnie, l’ex-président de Thomson-csf, « la révolution électronique présente n’aurait jamais été possible sans les investissements militaires ». Cet hommage rendu à l’art militaire ne fait que confirmer la liaison étroite entre la technologie d’armement et le développement des nouveaux produits électroniques destinés aux usages les plus répandus. L’interdépendance des fournitures militaires et civiles est particulièrement bien illustrée par le cas de United Technologies (13,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 1981) qui réunit en une entreprise des secteurs divers, mais complémentaires. Son activité principale se situe dans le domaine de la fabrication de réacteurs d’avion (Pratt-Whitney). Sur la base de cette activité, elle est entrée dans les domaines de la production de réacteurs pour fusées, de produits électriques et électroniques (Essex), d’installations de climatisation, de pompes à chaleur, de produits chimiques spéciaux, d’ascenseurs et d’escaliers roulants (Otis), d’instruments de navigation pour les avions et les fusées (Hamilton Standard), d’hélicoptères civils et militaires (Sikorsky), de même que d’instruments électroniques pour les avions, les fusées et les submersibles (Norden Systems). L’examen des activités des principales entreprises transnationales des télécommunications indique que dans la grande majorité des cas il existe un lien bien établi entre le développement de l’armement et les retombées technologiques pour des fins civiles.
38On pourrait aisément continuer la liste, car chaque semaine on annonce des nouvelles concernant les regroupements des entreprises transnationales qui ont acquis une position dominante dans l’un des secteurs des télécommunications et qui visent à étendre leur influence à l’ensemble du marché. Malgré les changements qui interviennent (ou peut-être grâce à eux), la domination des firmes transnationales est plus forte que jamais. On se heurte toujours aux mêmes noms (ou, plus exactement, aux mêmes groupes) dès que l’on aborde n’importe quel domaine des télécommunications. Il s’agit d’ibm, att, itt, Xerox, Hughes Aircraft, rca, Ford Aerospace and Communications aux Etats-Unis, Siemens, Ericsson, Thomson-csf, cit-Alcatel, Plessey en Europe, et Nippon Electric Co. et Matsuhita Electric au Japon. Ces entreprises et leurs dirigeants forment un club plus ou moins exclusif où ils manient les leviers de commande. Leur pouvoir s’exerce aux niveaux de la création d’infrastructures de la communication, de la circulation des données et des informations, de l’élaboration des logiciels nécessaires à l’utilisation de l’équipement et à l’accès aux données, de l’explosion des médias, de la production des programmes et leur commercialisation (y compris la publicité). Le réseau transnational qui se tisse avec une rapidité déconcertante et le développement des flux transfrontières de données suscite l’appréhension. Ils « amplifient Y ascendant que prennent aujourd’hui les systèmes multinationaux sur les Etats. Certes, le fait national demeure très vigoureux. Mais il risque de se vider peu à peu de son contenu » (Madec 1982 : 15).
39Le tableau suivant indique les chiffres d’affaires et les principales activités des plus importantes entreprises transnationales de télécommunication. Il convient de noter la très grande diversité des secteurs où ces groupes industriels opèrent.
Le Tiers Monde sous orbite
40Les pays du Tiers Monde assistent passivement à cette transformation technologique qui conditionne l’avenir des structures économiques et sociales. On leur réserve le rôle d’offrir des débouchés à des produits et équipements développés ailleurs.
41L’importance des marchés des différents secteurs des télécommunications des pays en voie de développement et la diversité des fournisseurs peuvent être établis en suivant les nouvelles que fait paraître, mois après mois, le « Journal des télécommunications » publié par l’UIT (qui contient des pages publicitaires des annonceurs, y compris des entreprises transnationales)4.
42La mise en œuvre de la stratégie des entreprises transnationales suppose l’ouverture de nouveaux marchés d’équipements et de services de télécommunications. Les pays en voie de développement occupent une place importante dans cette stratégie d’expansion comme acquéreurs potentiels de la nouvelle technologie.
43L’importance des marchés et la vulnérabilité des pays du tiers monde quant à la sélection des équipements appropriés, de même que leur faible pouvoir de négociation face aux grandes entreprises oligopolistiques, éveillent les convoitises des fournisseurs. Une lutte acharnée s’engage en conséquence pour décrocher des commandes. Par exemple, quand le gouvernement égyptien a lancé un appel d’offres pour le renouvellement complet de son système de télécommunications (à un coût estimé d’environ 2 milliards de dollars), trois groupes sont restés dans la course en vue d’emporter le marché. Le groupe américain (Western Electric, gtt et Continental Telephone) semblait gagner le contrat au moment où le gouvernement des Etats-Unis a accordé une importante aide civile et militaire. La société française cit-Alcatel a établi une antenne commerciale sur place pour convaincre les responsables locaux des avantages de son système. Enfin, le groupe formé de Siemens et Thompson-csf reçut l’accord du gouvernement égyptien, lui ayant assuré un financement particulièrement avantageux (cinq ans de grâce, 5,5 % d’intérêts pendant quinze ans).
44Cet exemple n’est qu’une illustration parmi d’autres de la formidable pression (économique et politique) exercée sur les acheteurs d’équipements de télécommunications, qui ne peuvent pas, de ce fait, prendre leur décision en fonction des qualités intrinsèques du matériel offert. Pour les fournisseurs d’équipements, la première commande revêt une importance particulière : celui qui obtient le marché peut imposer sa technologie qui conditionnera le système entier, si l’on veut assurer la compatibilité technologique des différents éléments du réseau. Cette dépendance de l’acheteur à l’égard du fournisseur, une fois le contrat conclu, peut entraîner un prix élevé de fournitures, d’accessoires, de pièces de rechange ou de nouveau matériel nécessaire à l’extension du réseau. C’est ainsi qu’une offre initiale avantageuse « se compense » et devient tout à fait profitable pour le fournisseur qui a pu décrocher le contrat.
45Les acheteurs du Tiers Monde sont souvent victimes de démarches peu scrupuleuses : promesses alléchantes, dessous de table et commissions, invitations et cadeaux sont employés pour « aider » les passations de marchés qui portent, bien entendu, sur des sommes très importantes. Ces pratiques prennent des proportions telles que, par exemple, un groupe d’experts internationaux appelé par le Cameroun en vue d’examiner les offres reçues et d’évaluer les soumissions pour l’établissement d’un réseau de télécommunications a dû être protégé militairement pour le mettre à l’abri d’interventions des représentants des entreprises désireuses d’emporter le marché.
46Par ailleurs, une fois la commande obtenue, il s’avère souvent que le matériel livré ne correspond ni aux besoins ni à l’environnement technique propres au pays en question ; l’équipement sophistiqué ne trouve ainsi aucune utilisation et a donc été acheté en pure perte par l’acquéreur. (« L’Afrique est jonchée d’usines en panne » — selon une remarque désabusée de Robert McNamara.) Les experts internationaux condamnent la désinvolture avec laquelle les entreprises occidentales « fourguent » (c’est l’expression consacrée qui revient souvent dans les discussions) les équipements de télécommunications dans les pays du Tiers Monde. Le gâchis se retrouve partout, mais l’exemple le plus flagrant est celui du Nigeria où « rien ne marche » par manque de coordination et de gestion adéquate, en dépit du fait que ce pays dispose de moyens financiers suffisants pour pouvoir se procurer un équipement approprié.
47Les prévisions mirobolantes concernant les possibilités d’absorption du matériel de télécommunications se heurtent à un obstacle de taille qui est celui du financement. Conseillés par les experts internationaux, séduits par les vendeurs et émerveillés par les possibilités technologiques, les gouvernants des pays en voie de développement seraient prêts à s’équiper si le besoin en investissements et leur rentabilisation ne posaient pas de problèmes difficilement surmontables. En effet, les entreprises de télécommunications s’apparentent à l’industrie lourde, étant donné qu’elles exigent une importante mise de fonds dans l’achat, l’entretien et le renouvellement de l’infrastructure. C’est la « loi Huntley » (selon la dénomination des spécialistes de l’un) qui exprime la relation entre les immobilisations (soit la valeur en capital investi en équipements) et le revenu annuel (exprimé en chiffre d’affaires) des entreprises qui exploitent les réseaux. « La loi Huntley est une loi fondamentale et fait ressortir combien sont différentes les structures des entreprises de télécommunications et celles des entreprises industrielles et commerciales ordinaires. En d’autres termes, les immobilisations d’une entreprise exploitante de télécommunications sont près de dix fois plus élevées que celles d’une entreprise industrielle ordinaire ». (Mili 1977 : 8).
48La loi Huntley s’applique également au domaine de la création d’un système de télécommunications par satellites. Les investissements nécessaires pour pouvoir disposer de son propre satellite de diffusion se situent entre 140 et 180 millions de dollars. Ce montant comprend l’achat des satellites opérationnels et de rechange, le prix du lancement et l’achat des stations de diffusion et de contrôle. Il faut encore ajouter à ce montant les frais de fonctionnement du système, estimés à 5 millions de dollars par année ; par exemple, le coût du satellite « Insat » que l’Inde a lancé en avril 1982, s’élève à 142 millions de dollars. Ce satellite est destiné à transmettre les appels téléphoniques, les émissions de radio et de télévision, à observer les conditions atmosphériques et à diffuser les informations agricoles aux zones rurales isolées.
49La lenteur du développement des télécommunications dans le tiers monde s’explique par l’effort financier considérable que nécessitent les investissements. Dépendant entièrement d’achats à l’extérieur, manquant de ressources financières, les gouvernements des pays du Tiers Monde cherchent des solutions nouvelles aux problèmes de financement. L’obstacle financier exaspère également les fournisseurs d’équipements. Les entreprises transnationales mobilisent leurs gouvernements ainsi que les instances internationales afin de trouver des fonds qui permettent aux pays en « développement » d’acheter du matériel moderne et sophistiqué. Elles comptent donc fermement sur l’aide publique bilatérale ou multilatérale pour surmonter les difficultés d’investissements et pour ouvrir la voie aux commandes d’équipements. Leurs représentants sont particulièrement actifs dans les circuits internationaux (uit, Banque mondiale) pour faire marcher les rouages du financement, cela étant la condition primordiale de l’ouverture des marchés encore non défrichés.
50Dans les milieux internationaux qui étudient de nouvelles formes de financement, on avance différentes possibilités, comme le leasing ou la création d’organismes financiers réunissant les services d’Etat et d’entreprises privées ou publiques existants. Un tel organisme, qui bénéficierait de l’appui du gouvernement, pourrait regrouper les commandes de matériel, diversifier les sources d’approvisionnement et chercher les capitaux nécessaires sur le marché financier. Ce sont, à l’heure actuelle, des bailleurs de fonds privés qui assurent la majeure partie des investissements pour le développement d’équipements nouveaux. Ils s’attendent à une augmentation du financement venant des gouvernements des pays industrialisés dans le cadre de l’aide aux pays du Tiers Monde. Car, dans la plupart des cas, cette aide publique est liée à l’achat de matériel auprès des pays fournisseurs d’aide. Par exemple, I’AID (Agency for International Development) a accordé en 1979 un crédit de 22 millions de dollars en vue de financer onze projets pilotes de systèmes de télécommunications par satellite dans les zones rurales, l’une des conditions du programme d’aide étant l’obligation d’acheter du matériel auprès des firmes américaines.
51En accordant le financement de l’infrastructure de télécommunications à un certain nombre de pays « amis » dans le Tiers Monde, les Etats-Unis poursuivent manifestement des visées politiques. Un document présenté devant le « Comité de la politique des télécommunications » (Committee on Telecommunication Policy of the U. S. Council for International Business) est tout à fait explicite à cet égard. En effet, il déclare sans ambages que la stratégie internationale de télécommunications fait partie intégrante de la politique étrangère des Etats-Unis. Il souligne que le gouvernement américain est déterminé à maintenir sa position dominante et à garder son contrôle des télécommunications dans l’espace. Quant à son attitude à l’égard des pays en voie de développement, le gouvernement américain souhaite contribuer à « élargir leur capacité de communication, leur accès aux informations ». Les auteurs du document estiment que de telles mesures d’aide permettraient d’atteindre plusieurs objectifs importants pour les Etats-Unis, notamment ceux de « renforcer la sécurité de certaines ‘nations amies’, [d’]assurer les canaux supplémentaires pour la circulation des informations [en provenance des Etats-Unis] et [d’] ouvrir les marchés pour les produits et services américains » (Salmon 1982 : 25). La mise en œuvre de cette politique de développement des télécommunications dans le monde (Communicatio americana) non seulement consacre les intérêts communs du gouvernement et de l’industrie des Etats-Unis, mais aussi tend à maintenir et à aggraver la dépendance technologique du Tiers Monde.
52Le marché des télécommunications comprend aussi (outre l’infrastructure) l’ensemble des services (logiciel, commutations et contenus). Une partie de ces services est immédiatement rentable (telex, téléphone) par le fait que l’usager privé (entreprise ou particulier) paye directement, selon un tarif préétabli, la prestation (communication téléphonique ou service de télégramme ou de telex). Ce n’est cependant pas le cas en ce qui concerne le vaste domaine des « biens immatériels et culturels » (information, TV, radio, spectacles divers) qui font également partie du secteur des services dont le paiement direct de la prestation ne s’effectue pas comme « au marché ». Selon la Commission MacBride (1980 : 191), l’information et les biens culturels devraient être considérés comme des « biens tutélaires », « terme qui s’applique aux biens tels que l’éducation et les services de santé, qui sont d’une telle importance pour la société que leur fourniture ne doit pas dépendre uniquement des forces du marché ».
53Les biens culturels ne sont pas assimilables, certes, aux marchandises, mais à l’heure actuelle, où les principes de l’économie de marché règnent, il n’existe aucun étalon de mesure permettant : d’évaluer l’utilité sociale même des biens non marchands. Bien au contraire, force est de constater que l’économie de marché envahit et prend possession des biens culturels et des informations qui constituent le contenu des réseaux de télécommunications.
54Le manque de rentabilité des services culturels est largement compensé par l’avantage qu’offrent des réseaux qui assurent l’accès à de larges couches de la population : on met à sa disposition gratuitement le support (TV, radio, télex) pour l’inciter à capter le message. On lui offre cependant un appareil dont elle ne pourra pas disposer réellement car elle ne sera pas maître du contenu diffusé. L’accessibilité du public — que l’on peut encore « cibler » — sert les intérêts politiques, économiques et sociaux, représentés par les gouvernements, éditeurs, publicitaires et producteurs de spectacles, qui sont prêts à assurer la solvabilité des marchés culturels. Pouvoir « atteindre le public » et faire passer un message vaut son pesant d’or (par exemple, dans le domaine de la publicité, les tarifs sont établis en fonction du nombre de contacts probables d’une annonce ou d’un spot à la TV). Le vecteur (équipement) et le contenu véhiculé (données, informations, programmes audiovisuels) forment un tout et fusionnent dans « l’industrie du savoir ». Ils se stimulent mutuellement dans la création de marchés nouveaux ; la possibilité d’une large diffusion d’un vaste éventail de biens culturels, éducatifs et informatifs donne l’impulsion à la mise en place d’une infrastructure de réseaux porteurs des télécommunications. L’estimation du potentiel prodigieux des marchés à venir mobilise les industriels des télécommunications, qui consentent des investissements considérables en vue de pouvoir dominer les marchés futurs et d’en tirer profit (au sens large du terme).
Lueurs d’espoir ?
55La question se pose de savoir si les pays en voie de développement seront en mesure de sortir, tôt ou tard, de l’étau technologique et culturel dans lequel ils sont enfermés en raison du système transnational mis en place par l’industrie de haute technologie avec la complicité consentante des gouvernements. Force est de constater qu’à l’heure actuelle, la réaction du Tiers Monde est, hélas, assez timide. Il est vrai que toute velléité d’autonomie se heurte à la résistance farouche des firmes transnationales qui sont souvent autrement puissantes que leurs interlocuteurs gouvernementaux des Etats pauvres. L’Inde, par exemple, a émis une réglementation restrictive des activités des entreprises multinationales dans le cadre de sa propre stratégie de développement industriel. Elle a provoqué la rétorsion de la société ibm qui s’est retirée du pays en signe de protestation. Le même scénario s’est déroulé au Nigeria où ibm s’est opposée, de la même manière, aux injonctions de l’« indigénisation » de son personnel. Or la menace de plier armes et bagages et de quitter les lieux est à prendre au sérieux au moment où l’entreprise est détentrice d’une technologie avancée en informatique et qu’elle contrôle, de surcroît, plus de la moitié du marché des ordinateurs (comme c’est le cas d’ibm). Son acte, s’il se réalise, pourrait entraîner la paralysie d’une partie de la vie économique. Cet exemple illustre la position monopolistique des entreprises transnationales dans le domaine de la haute technologie et montre qu’il est malaisé de se passer d’elles.
56Il n’en demeure pas moins qu’il serait erroné de céder à la résignation et de conclure que le problème est sans issue. Il existe effectivement quelques lueurs d’espoir. Un certain nombre de pays du Tiers Monde montrent l’exemple : on peut aménager, malgré tout, les voies (étroites et longues, certes) qui mènent vers un certain degré d’indépendance en matière de télécommunications, à défaut de l’atteindre complètement dans un avenir prévisible.
57La création d’une industrie locale de matériel de télécommunications pourrait constituer un premier pas dans ce sens. Selon l’uit, on peut envisager la production de la plupart des éléments d’équipement dans les pays en voie de développement (à l’exception de ceux de la technologie très poussée que l’on est obligé d’acheter à l’extérieur auprès des détenteurs de la technologie de pointe). Mais le développement d’une industrie locale dépend de deux conditions préalables : il implique un transfert de technologie (qui est souvent coûteux), et le pays en question devrait pouvoir disposer de ses propres moyens de recherche scientifique et technologique.
58En deuxième lieu, les différentes formes de coopération internationale offrent également des possibilités pour atténuer la dépendance technologique du Tiers Monde :
Il convient de mentionner tout d’abord les activités des organisations spécialisées des Nations Unies, en particulier celles de l’uit et de l’onudi, qui apportent leur contribution à la mise en place d’une infrastructure de télécommunications (par exemple, le réseau de panaftel). Elles servent également de lieu de rencontre, d’expertise de projets et d’échange d’informations. Le regroupement de plusieurs pays en voie de développement face aux fournisseurs et la circulation d’informations concernant les prestations de ces derniers constituent les éléments essentiels d’une amélioration du pouvoir de négociation des pays pauvres face aux entreprises transnationales. Il peuvent ainsi faire jouer le facteur de la concurrence et obtenir, par ce moyen, différentes concessions.
Une nouvelle organisation spécialisée dans l’étude des problèmes posés par l’informatique dans le Tiers Monde, a été créée il y a trois ans sous le sigle IBI (Intergovernmental Bureau of Informa-tics). Son programme de travail comprend la définition des propriétés technologiques, l’élaboration de politiques d’acquisition de matériel d’informatique, de la formation et de la recherche, ainsi que l’examen des effets probables du flux transfrontières de données. La discrétion de cette organisation s’explique par le fait que ses activités n’en sont encore qu’à leur début. Sa deuxième Conférence de La Havane, dite spin 2 (Stratégies and Policies in Informatics), en 1983, mobilise les différents protagonistes concernés, notamment les représentants du Tiers Monde et ceux des entreprises transnationales, qui flairent un danger potentiel quant à l’existence même d’ibi.
Enfin, on voit émerger quelques « entreprises multinationales du Tiers Monde », qui donnent un exemple de la possibilité d’une collaboration industrielle et technologique entre pays du Sud (coopération Sud-Sud). Ces entreprises, il en existe déjà une centaine, n’ont rien à envier sur le plan de l’organisation et du dynamisme à leurs concurrents du Nord (par exemple, la société Far East Computer Ltd. est née d’une association entre deux groupes d’industriels de l’Inde et de Singapour). Ce n’est donc pas sans raison que le Secrétaire général de l'uit prévoit une augmentation sensible d’auto-approvisionnement en matériel téléphonique des pays du Tiers Monde : « Pour conquérir ces marchés, les entreprises des pays industrialisés se trouveront à plus ou moins longue échéance en concurrence avec les pays du Tiers Monde dont l’industrie se développe progressivement, notamment en ce qui concerne la fabrication des postes téléphoniques » (Mili 1977 : 9).
59Mais ces quelques jalons mentionnés ne devraient pas entretenir trop d’illusions concernant le rôle futur des pays en voie de développement dans les mutations technologiques ou dans l’appropriation des technologies de pointe. Cette dernière restera l’apanage des entreprises transnationales qui gardent jalousement ce capital qui constitue, en fait, le fondement même de leur pouvoir. Le fossé technologique existant entre pays industrialisés et pays en voie de développement est plus profond que jamais, et la dépendance technologique de ces derniers est toujours aussi flagrante.
60Dans ces conditions de domination technocratique, la pensée du développement alternatif est marginalisée. Et la voix de ceux qui préconisent les stratégies de dissociation pour acquérir l’autonomie technologique du Tiers Monde n’atteint pas les sphères nationales, internationales et transnationales où on prend des décisions qui engagent l’avenir des télécommunications.
61Pour les entreprises transnationales, l’avenir prévisible (et prévu par les études prospectives) est plein de promesses — à condition que ces entreprises soient en mesure de préserver leur avance technologique dans le domaine de la mise en place et de l’exploitation des « industries du savoir » (réseaux et contenus). Ces nouvelles industries — qui se chargent de l’interconnexion des communications, du stockage et de la transmission des informations, de même que de la diffusion des biens culturels à l’échelle mondiale — prendront graduellement une place prépondérante dans la vie économique, sociale et culturelle, l’enjeu étant la domination des nouveaux marchés en émergence.
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Notes de bas de page
1 Dans le domaine des télécommunications, par exemple, la firme américaine Frost & Sullivan a acquis une réputation internationale en tant que spécialiste d’études des marchés concernés. Son catalogue comprend environ une centaine de titres d’études sectorielles et géographiques (le prix d’une étude se situe entre 1000 et 1200 dollars). Avec ces études de marchés, les rapports sur les risques politiques et l’analyse des industries de défense, Frost & Sullivan réalisent un chiffre d’affaires annuel de 8 millions de dollars.
2 En ce qui concerne le nombre de téléphones (qui constitue le principal indicateur du niveau des télécommunications et dont le développement est la première justification du lancement des satellites) on a décompté, en 1982, 550 millions d’appareils, dont seulement 25 % se trouvaient dans les PVD. Selon les données de l’uit, la moyenne mondiale est de 11,5 téléphones pour 100 habitants. L’inégalité apparaît dans la répartition des postes de téléphone : en Afrique, il existe 1,3 poste pour 100 personnes, alors qu’il y a 36 téléphones pour 100 Américains. Dans cette classification, l’Europe occupe le troisième rang (après le Japon), avec 28 appareils, et l’Asie l’avant-dernière place avec 3 postes pour 100 habitants. Il convient de remarquer encore que l’utilisation du téléphone est un fait typiquement urbain : plus de 70 % des postes exitants sont concentrés dans les villes ; par ex. Washington compte 164 appareils pour 100 habitants, Stockhlom 126, Zurich 115 et Genève 110. Ce phénomène est encore accentué dans les PVD où le trafic urbain représente 95 % de l’ensemble des communications téléphoniques.
3 Le calcul suivant illustre bien l’évolution fulgurante du rapport prix/qualité : en 1952, sur un ordinateur le million d’opérations revenait à 70 francs ; il n’en coûtait plus que 20 centimes en 1977 et il descendra à moins de 2 centimes en 1985 (Madec 1982 :89). La formule lapidaire d’un journaliste de L’Express (24-30. 12.1982, p. 73) résume la situation actuelle qui règne sur le marché des produits technologiquement avancés : « Toujours plus petits, toujours plus performants, toujours moins chers (et toujours plus de profits) ».
4 A titre d’exemple, dans un des numéros (août 1981) on trouve des nouvelles suivantes :
La création d’un système téléphonique rural en Colombie impliquant un investissement d’un demi-million de dollars, dont le fournisseur sera Pye Télécommunications Ltd. en association avec Philips Colombia.
Le ministère des communications du Nigeria confie à Thomson-csf la réalisation d’un système centralisation de télé-supervision en vue de gérer le trafic du réseau des télécommunications par faisceaux hertziens.
En Arabie Saoudite, une société italienne (sirti) est chargée de construire le système de télécommunications qui équipera Yanbu, une nouvelle ville industrielle. L’installation comprendra les centrales électroniques de LM-Ericsson, avec liaisons locales en câbles à fibres optiques. L’interconnexion de ce réseau local avec le réseau interurbain sera réalisée au moyen d’un matériel de transmission fourni par Philips. Toutes les tâches administratives et informatives, telles que l’identification des abonnés, la communication des horaires des transports aériens et d’autres services, seront accomplies par ordinateur. Le marché porte aussi sur l’installation d’un réseau télex et l’exploitation et la maintenance du système pendant quatre ans. Le montant du contrat est d’environ 40 millions de dollars... Un échantillon instructif concernant les activités déployées par les entreprises transnationales en relation avec les multiples demandes venant des pays du tiers monde.
Auteur
Institut universitaire d’études du développement.
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