Analyse des corruptions, construction d’un champ de recherche. L’exemple des Etats-Unis (1902-1980)
p. 47-64
Texte intégral
1Si la corruption est toujours conçue comme une menace potentielle pour tous les régimes, l’idée selon laquelle elle constitue une menace majeure pour les démocraties occidentales n’est pas une préoccupation neuve. On en trouve les premières formulations chez les philosophes libéraux européens du xviiie siècle. Cette ligne d’analyse critique se précise au cours du siècle suivant, en particulier dans les pays de culture protestante. Mais en France et aussi en Italie, divers projets de réforme politique et les premiers codes pénaux qui expriment les valeurs fondamentales des nouveaux ordres publics1 incriminent les différentes formes de corruption et les classent dans les crimes majeurs d’atteinte à l’autorité de l’Etat.
2Dès le début du xixe siècle la corruption est ainsi conçue théoriquement comme une menace majeure pour la démocratie dans la mesure où elle met en question deux des principes fondamentaux de ce régime politique :
d’une part, l’égalité de traitement des citoyens face aux institutions et en corollaire la neutralité des décideurs face aux groupes composant la société civile ;
d’autre part, le critère central fondant les décisions publiques, à savoir l’intérêt général. La référence à un bien commun transcendant les intérêts particuliers constitue la justification essentielle de l’exercice du pouvoir légitime.
3On assiste alors à un processus de construction double face de l’ordre public : construction par l’affirmation de valeurs et d’intérêts protégés comme fondamentaux et par la désignation et la disqualification de comportements définis comme des atteintes majeures au bien commun.
4C’est en m’attachant à l’étude du devenir et des parcours de ce cadre de pensée initial qu’après d’autres, j’ai fait le constat de l’importance considérable des travaux réalisés aux Etats-Unis (Padioleau 1975 ; Acosta 1985). Ils présentent une double diversité, celle des travaux empiriques et celle des problématiques utilisées. Cette situation contraste avec la faiblesse des travaux en langue française. Pour des Européens, la question posée en 1978 par Peters et Welch dans « Political Corruption in America : A Search for Definitions and Theory » est quelque peu paradoxale. Ils demandaient: « If political corruption is the mainstream of American politics, why is it not in the mainstream of American politics research? » Certes, mais de notre point de vue l’importance des travaux produits dans ce pays reste saisissante et, contrairement à notre contexte intellectuel, la question n’a pas été éludée, même si les angles sous lesquels les problèmes ont souvent été posés méritent interrogation. Le contexte nord-américain a permis la construction de ce champ de recherche aussi bien en termes d’objets d’analyse que de problématiques. Pareille référence constitue un apport incontournable pour la recherche européenne et internationale ; ce vaste ensemble de modèles d’analyse extrêmement diversifiés mérite une attention particulière pour ses origines sociales et intellectuelles, pour les éléments théoriques et méthodologiques qui le composent, et enfin pour son évolution et les conditions de sa diversification.
5Mais au-delà de la pure réflexion académique, on peut aussi tirer de l’exemple états-unien des hypothèses plus interprétatives sur la faiblesse des travaux dans d’autres pays, en particulier en France. En effet, si les structures sociales d’un Etat et les formes de sa régulation politique expliquent le statut accordé dans une société et à un temps donné aux questions de corruption (son contenu et ses dynamiques de contrôle), n’expliquent-elles pas aussi les conditions de production scientifique en ce domaine (son importance, ses objets d’application, ses questionnements, son audience) ? En m’efforçant de discuter et de répondre à cette question, j’ai, à plus long terme, le projet d’essayer de comprendre les raisons de l’impensé (les difficultés à penser, les obstacles épistémologiques) qui entoure les formes de transgression sociale impliquant les détenteurs du pouvoir économique et social. Les lectures en termes de « retard de développement intellectuel » me semblent insuffisantes. Il me paraît nécessaire de prendre en compte les dimensions idéologiques que chaque société politique a produites et entretient à l’égard de l’exercice du pouvoir et des conditions de sa légitimité.
6Je procéderai au rappel des grandes étapes de la construction intellectuelle des problèmes de corruption aux Etats-Unis, en montrant les conséquences qui s’en dégagent pour la recherche. Je m’attacherai à montrer les catégories de pensée à l’œuvre depuis la fin du xixe siècle, en m’arrêtant à la fin des années 70, période qui voit alors une prolifération considérable des travaux. Mais cette abondance, dont témoignent les premiers grands handbooks de Gardiner et Olson (1974), puis de Heidenheimer, Johnston et Le Vine (1989), ne se comprend que par l’éclairage donné par l’analyse de la production des décennies précédentes.
Les précurseurs de la construction intellecturelle des problèmes de corruption
7Deux auteurs peuvent être considérés comme les défricheurs du champ intellectuel dans le domaine de l’analyse sociologique de la corruption : un journaliste d’investigation, Lincoln Steffens, et un universitaire et politicien, Henry J. Ford. L’un et l’autre s’inscrivent dans un courant réformiste raisonnant en termes de préservation des valeurs de la Révolution américaine et d’opposition à l’économisme et au pragmatisme montants de la fin du xixe siècle.
Réformisme moraliste et puritanisme
8Certains travaux se sont efforcés de trouver de lointaines filiations à ce champ de préoccupations dans les débats états-uniens de la fin du xviiie siècle sur les dangers d’une corruption de la justice et de sa captation par des intérêts privés (Noonan 1984). Cependant, on peut dater plus précisément à 1902 le point de départ de la réflexion contemporaine sur les phénomènes de corruption. A cette époque, Lincoln Steffens, journaliste au McClure’s Magazine de New York, invente le journalisme d’investigation en faisant une enquête dans les plus grandes villes américaines sur les pratiques de corruption politique et les tentatives de réforme. Son premier article porte sur la ville de Saint Louis et, en 1904, il publie l’ensemble de ses enquêtes sous le titre The Shame of the Cities, qui présente six dossiers sur l’état de la corruption dans les grandes villes des Etats-Unis (Saint Louis, Minneapolis, Pittsburgh, Philadelphia, Chicago et New York). Son projet est de regrouper un ensemble d’études de cas démontrant par le détail l’ampleur des problèmes et les difficultés de leur traitement politique, afin de susciter d’importantes réformes essentiellement au niveau municipal.
9On a pu dire que Steffens travaillait « à partir d’une urgence morale qui le conduisait aux dénonciations provocatrices pour inciter à la mobilisation » et à la responsabilisation de l’électorat et de la classe politique (Palermo 1978 : 56). Mais sa contribution va au-delà de la dénonciation de scandales. Plus fondamentalement, il s’interroge sur les mécanismes constants de corruption de la démocratie. Leur force récurrente exige d’éveiller la conscience des citoyens ; leur contrôle peut conduire au recours à un politicien réformateur autoritaire, un cleaner. Concrètement, ses analyses sont centrées sur la dénonciation des bosses, les patrons politiques qui détiennent le pouvoir local, et sur les liens de dépendance qu’ils entretiennent avec les groupes d’intérêts économiques et mafieux de leurs circonscriptions électorales. Il considère les transgressions commises par les représentants élus comme des crimes de rang supérieur, des trahisons (felonies) menaçant la cohérence des institutions politiques. Ce qui est en cause, selon lui, ce n’est pas l’accaparement individuel, mais surtout la détérioration de l’esprit public et son envahissement par des valeurs matérialistes : « L’esprit public devient un esprit d’égoïsme, l’action publique devient une affaire de réussite privée »(Palermo 1978 :3). Il dénonce ainsi une situation d’anomie due à une perte des valeurs puritaines et démocratiques de la Révolution américaine et à la diffusion d’un esprit de fraude et de non-respect des lois dans l’esprit états-unien (Steffens 1931).
10Ne se contentant pas d’être un critique extérieur, il participe directement à des réformes municipales à Boston (1908), puis travaille avec Walter Lippmann sur la corruption gouvernementale et celle des entreprises. Ses analyses et propositions interpellent le réformiste républicain, à la fois institutionnel et économique, du président Theodore Roosevelt (1901-1913). Dans un premier temps, ce dernier reprend à son compte une partie des constats effectués, considérant que Steffens et ses confrères « put more sky in the landscape », et brandit la menace du « big stick to whip the trusts into line ». Mais dans un deuxième temps, il se démarque et crée l’expression de muckrake2, comparant les journalistes d’investigation à un personnage du Pilgrim’s Progress de John Bunynan. Tout en considérant que « the dirt needed to be scraped up with the muckrake », il leur reproche durement de ne présenter qu’un point de vue systématiquement négatif sur la société états-unienne et d’inciter au défaitisme.
11Depuis cette période initiale, Steffens est resté l’auteur de référence sur le thème de la corruption politique. Ses approches ont été perpétuées par le journalisme de dénonciation et la littérature sociale, qui ont mis en cause le développement des valeurs matérialistes et l’emprise croissante des logiques d’entreprise dans la vie politique. Il a en particulier trouvé ses continuateurs chez les auteurs marxistes des années 50 et 60 (Chamers 1959). Mais un profond mouvement de réforme s’empare à l’époque de l’ensemble de la classe politique à tous les niveaux, du municipal au fédéral.
Le réformisme institutionnel de Ford
12Malgré sa grande visibilité publique, Steffens n’a pas le monopole de la production intellectuelle sur le sujet de la corruption. Un universitaire et politicien local, Henry J. Ford, publie en 1904 le premier article dans une revue scientifique sur la municipal corruption. Il s’agit d’un essai de philosophie politique, qui n’a pas l’assise empirique des écrits de Steffens. Ford situe tout d’abord les enquêtes de Steffens dans la continuité des travaux anglais du xviiie siècle, tels ceux de Burgh (Political Disquisitions, en 1774) et de Browne (An Estimate of the Manners and Principles of the Times, en 1757). Sur cette base, il rappelle l’importance centrale dans toute démocratie de l’affirmation d’une fierté civique et du renforcement constant d’une morale publique face aux dysfonctionnements institutionnels et à l’apathie sociale. D’où son réformisme plus axiologique que pragmatique, et sa critique de l’esprit mercantile et du matérialisme comme références montantes. Cependant, Ford se différencie du pessimisme de fond de ses prédécesseurs anglais en affichant au contraire un optimisme réformiste qu’il partage avec Steffens lorsque celui-ci écrit par exemple : « Il est possible d’établir la vérité, il y a de l’honneur dans la citoyenneté états-unienne et cet honneur doit être un pouvoir dans notre pays » (Steffens 1904 : 4).
13L’analyse de Ford est centrée sur les fonctionnements politiques ; son leitmotiv est l’écart qui existe entre les politiciens et leurs mandants. La racine du problème se situant selon lui dans la trop stricte séparation des pouvoirs et dans les effets de dispersion des responsabilités qu’elle génère, il appelle à la création d’autorités centralisées disposant de pouvoirs souverains.
14Ford considère que les faits analysés par Steffens sont parfaitement avérés, mais ne constituent que les symptômes d’un malaise plus profond. Tout d’abord, il y manque les liens entretenus avec le « crime organisé » (Maia). Ensuite, Steffens n’explique pas pourquoi les citoyens continuent à accorder leur confiance aux politiciens corrompus ; selon Ford, c’est sans doute parce qu’ils y voient d’abord des fournisseurs de services utiles. Steffens voit dans les hommes d’affaires les principales causes de la corruption ; pour Ford, c’est sous-estimer l’autre versant où l’élu est demandeur et prend donc l’initiative de la corruption. Mais au bout du compte, les questions institutionnelles sont centrales. Une constitution qui autorise la corruption est pour Ford une mauvaise constitution.
15Le vaste mouvement d’idées qu’attestent ces deux auteurs se traduira par le succès électoral de Woodrow Wilson en 1913. Avocat et universitaire (juriste et économiste), gouverneur démocrate du New Jersey de 1911 à 1913, actif réformateur populaire, candidat à la présidence, il bat Theodore Roosevelt et sera réélu pour un nouveau mandat (1916-1921)3. Il entreprend de nombreux amendements réformateurs à la Constitution (impôt fédéral sur le revenu, élection des sénateurs au suffrage universel direct, renforcement de la loi antitrust, vote des femmes), développant sur cette base un réformisme institutionnel et social typique des positions de la petite bourgeoisie blanche qui se sent évincée face au pouvoir sans cesse croissant des milieux financiers et industriels et des jeux spéculatifs (Walker 1989).
Le placement fonctionnaliste
16La période de l’entre-deux-guerres se caractérise par la continuation de travaux mêlant la veine dénonciatrice des muckrakers avec des points de vue plus distanciés. En 1957, McKitrick peut ainsi publier un travail récapitulatif sur la base de 23 ouvrages traitant de la corruption municipale parus entre 1904 (The Shame of the Cities, de Steffens) et 1946 (Cogwheels of Democracy, de Forthal). Cette production est essentiellement axée sur le pouvoir local, la personnalité des maires et leur style de conduite des affaires municipales (parmi beaucoup d’autres, on peut citer Brooks 1910 ; Zink 1930). Ces travaux sur la corruption oscillent entre des descriptions, des analyses de cas, des mémoires d’acteurs et des réflexions réformistes voulant contribuer à la définition du « bon gouvernement », mais tous se proposent de dépasser la seule critique morale, soit le cadre qui avait été posé par Steffens. Un retournement important a lieu : modifiant la perspective, les auteurs n’envisagent la corruption plus seulement comme une déviance, mais comme une des composantes de l’activité sociale et politique ; ils veulent surtout rendre compte du fait que les activités de corruption « performed certain stabilizing fonctions » : les appareils politiques et leurs activités connexes doivent être examinés dans leurs fondements structurels et fonctionnels, et pas seulement dans leur degré de conformité à la norme démocratique idéale.
17Ce nouveau cadre d’analyse trouve sa meilleure définition chez Merton, qui en 1949 consacre cinq pages de Social Theory and Social Structure aux questions de la corruption (Merton 1957 : 78-82). S’attachant à l’analyse des fonctions latentes des structures politiques, il reprend, au chapitre « Manifest and Latent Functions », des faits de corruption, tels ceux décrits par Steffens, pour montrer que l’appareil politique a une fonction latente importante, celle de remédier aux insuffisances des structures sociales officielles. C’est une constante de la pensée de Merton de considérer que les failles des structures institutionnelles génèrent des structures alternatives ou informelles, dont il entend montrer la positivité et l’utilité pour le maintien d’un équilibre d’ensemble4. La machine politique mertonienne est souvent assimilée
18à un réseau d’assistance sociale répondant aux besoins inassouvis des couches sociales exclues du pouvoir. Ce qui n’était sans doute qu’un exemple dans le raisonnement de Merton sur les fonctions latentes va prendre une valeur heuristique décisive. L’objet d’étude « corruption » se voit ainsi requalifié par l’effet d’un paradigme sociologique ; une question qui ne relevait jusqu’alors que du journalisme moralisateur devient un objet d’étude légitime, obtenant « son accréditation dans les milieux universitaires américains » (Acosta 1985 : 337).
19Ce déplacement conceptuel dans la façon de considérer les phénomènes de corruption conduit à prendre en compte des matériaux historiques et à inscrire l’analyse dans l’histoire des institutions et des idées afin de sortir des études statiques et de ne pas sous-estimer les dynamiques du changement. Les principales caractéristiques des modèles d’analyse inspirés de Merton sont les suivantes :
établir le contexte structurel en analysant les besoins auxquels répond l’appareil politique, en particulier la diffusion et la fragmentation du pouvoir dans les grandes cités états-uniennes, et donc la dilution des responsabilités ;
prendre en compte la professionnalisation de l’appareil politique, qui exige des financements croissants que les systèmes traditionnels ont du mal à fournir ;
analyser, en termes d’offre, les diverses prestations fournies par l’appareil politique : aussi bien l’accès à des services et à des protections pour la réalisation de projets légitimes (économiques ou d’insertion et d’ascension sociales) que les protections monnayées d’activités illégitimes par le biais des systèmes de contrôle (limitation des contrôles policiers, pressions judiciaires ou contrôles excessifs des concurrents).
20Un des meilleurs exemples de développement du schéma mertonien est fourni par un des premiers articles du sociologue Daniel Bell (1953), consacré à l’analyse du déclin du boss system, système de pouvoir municipal reposant en grande partie sur des activités de protection rémunérées et des relations fonctionnelles entre élus légitimes et groupes mafieux. Trois facteurs principaux contribuent à ce déclin : les réformes institutionnelles amorcées par Roosevelt, mais aussi la transformation des villes (déconcentration en grands faubourgs résidentiels) et la croissance de l’idéologie d’une classe moyenne états-unienne.
21Il s’interroge aussi sur la persistance de certaines pratiques, ce qui pose la question des possibilités de réforme des systèmes anticorruption. Quels sont les facteurs de rupture des activités de corruption ? Bell distingue des facteurs politiques externes (changements d’équipe, et surtout de parti) et internes (guerre de clans au sein de l’appareil politique, changements d’alliance). Selon lui, il est nécessaire de prendre en compte le long terme et de considérer que la venue au pouvoir d’une équipe réformiste ou la réalisation d’un programme de réformes sont d’abord la résultante d’un long processus d’extension, de rationalisation et de stabilisation des agences administratives. Mais il faut aussi inverser la question et se demander quel peut être le rôle des actions réformistes dans le renouveau, la redynamisation d’un système de corruption. Sa conclusion est critique vis-à-vis des analyses qui estiment que globalement la société devient toujours plus propre : « Conceivably not – not necessarily » (Bell 1953 : 154). Le cycle de mobilité de nouveaux immigrants (assimilation et socialisation des Portoricains par exemple), après celui des Irlandais, des juifs d’Europe et des Italiens, « is a process full of corruption and full of vitality. What we know about those groups may well give us the clues we need for plotting what is still to come » (1953: 149).
Entre culturalisme et fonctionnalisme
22Dès la fin des années 60, le bilan des perspectives d’analyse de la corruption est très diversifié. S’appuyant sur les travaux de la Massachusetts Crime Commission, James Q. Wilson effectue en 1966 une synthèse qui distingue trois théories de la corruption, renvoyant à trois conceptions du politique et des systèmes de valeurs.
23Un premier type de théorisation est centré sur la notion de conflit culturel. Prenant comme point de départ l’existence d’un political ethos attachant peu d’importance aux valeurs de probité et de traitement égalitaire (non-personnalisé) et accordant une valeur supérieure aux faveurs, à la loyauté interpersonnelle et au gain individuel, cette conception du rapport au politique s’observerait surtout chez les immigrants récents à faible statut économique qui se trouvent confrontés à un univers social étranger et en partie hostile : « Ils recherchent plus une aide que la justice » (J. Q. Wilson 1966 : 591). Ainsi, les Irlandais et les Siciliens, qui ont expérimenté dans leur pays d’origine une longue situation de domination par une puissance étrangère, tendraient à reproduire sur la terre d’immigration une sous-culture défensive et des relations de pouvoir informelles leur permettant de s’adapter tout en résistant aux contraintes formelles de la société dominante. D’où l’importance des conflits culturels avec les old-stock Anglo-Saxon Protestant Americans.
24Les besoins et les valeurs de ces citoyens porteurs d’une culture d’immigration produiraient une très forte incitation au favoritisme et par là à la corruption. La difficile insertion de l’afflux massif de populations d’origine étrangère dans les grandes cités aurait remis en question les solidarités et les hiérarchies traditionnelles et incité à des modes informels d’accès au pouvoir et à sa protection. Enfin, les culturalistes soulignent l’importance des phénomènes de relation et de mimétisme entre upperworld et underworld. Contrairement à la vision traditionnelle qui insiste sur l’opposition radicale entre la société normale et la société déviante, les auteurs de ce courant montrent que ces deux milieux communiquent entre eux, en particulier à travers les appareils politiques, et qu’ils ont aussi beaucoup de valeurs en commun en termes de réussite, d’honneur et d’ascension sociale. Les activités délinquantes ou corrompues constitueraient en fait des moyens sous-culturels d’atteindre des objectifs sociaux légitimes.
25Un deuxième type de théorisation développe l’approche fonctionnaliste et met l’accent sur les questions d’opportunité différentielle ; c’est la thèse amorcée par le pionnier Steffens lorsqu’il récuse les approches strictement individualistes qui raisonnent en simples termes de faille morale personnelle. Dans cette perspective, la corruption est le produit logique d’une situation qui accorde aux élus de très importantes ressources en matière de pouvoir, de statut et d’accès aux richesses. Ce sont les interactions entre acteurs politiques et économiques, le jeu des offres et demandes réciproques, qui créent les structures d’opportunité favorables à la corruption.
26A partir des années 50, un courant continu de travaux inspirés par l’approche mertonienne va s’attacher à démontrer l’« utilité sociale » de la corruption, c’est-à-dire son insertion dans les fonctions sociales légitimes – cet objectivisme américain sera plus tard traité par les radicaux de courant « révisionniste » (Acosta 1985 : 337). Les travaux fonctionnalistes voient ainsi dans la corruption une « dysfonction fonctionnelle » (G.E. Caiden and N.J. Caiden 1977) participant au développement économique par la redistribution des richesses ; à l’intégration nationale par l’accès à des ressources culturelles et économiques rares (logement, exercice du commerce, titre de séjour) ; à l’efficacité de l’appareil gouvernemental par le dépassement des contraintes bureaucratiques. Les pays en développement serviront le laboratoire grandeur nature de ce type d’approche. En 1961, McMullan publie le premier article sur la corruption des services publics britanniques dans les colonies et ex-colonies d’Afrique de l’Ouest, basé sur des rapports d’enquête officiels réalisés à partir de 1953 : « Par analogie avec le développement économique et social des Etats-Unis, la corruption est pensée comme une étape nécessaire du processus de modernisation » (McMullan 1961 : 184)5
27Dans ces trois types de théorisation, la forme du gouvernement et des institutions politiques ne fait pas, ou peu, de différence. Ce qui paraît déterminant, ce sont les modalités concrètes d’exercice du pouvoir. La seule voie pour abolir la corruption est la transformation du système social qui la récompense. En ce sens, deux grandes voies se dessinent à la in des années 60, l’une de réforme institutionnelle, l’autre de type marxiste.
Du réformisme institutionnel à la critique marxiste
28L’approche institutionnelle est indissociable d’une théorisation politique lorsqu’il s’agit d’expliquer pourquoi la corruption serait plus fréquente aux Etats-Unis qu’en Europe et d’en déduire des programmes de réforme. Ce type d’interrogation est présent dès le début du siècle chez Ford (1904), qui s’attache à comprendre les liens entre institutions gouvernementales et corruption. Selon lui, le système politique états-unien se différencie des systèmes centralisés de type anglais et français en établissant une forte séparation des pouvoirs qui demande un contrôle réciproque. L’action gouvernementale exige une entente entre les acteurs politiques sous peine de paralysie au niveau décisionnel. Chacun dispose donc de ressources tangibles et monnaie ses appuis : « Le gouvernement américain est constitué de telle sorte qu’il ne peut avancer sans corruption » (Ford 1904 : 683). Il en résulte que les institutions comme les factions politiques peuvent se bloquer les unes les autres et n’hésitent pas à recourir à ces moyens de pression. Seul l’échange régulier de faveurs permet de compenser cet aléa permanent. Aucun changement des mœurs politiques ne peut intervenir sans réforme institutionnelle redéfinissant la répartition des pouvoirs, au niveau tant municipal que de chaque Etat.
29Dans la lignée de ce précurseur, un courant continu d’analyses historiques6 et surtout de théorie politique7 s’est développé pour envisager le problème du traitement de la corruption via des réformes institutionnelles, juridiques et administratives. Ces travaux débattent de façon récurrente sur les questions de concentration et de renforcement des pouvoirs afin que les gouvernements, surtout au niveau municipal et à celui des différents Etats, soient assurés d’une autorité puissante, soutenue par une majorité stable. Il s’agit au fond de limiter les ressources d’influence dont disposent les groupes politiques afin d’ôter à la corruption l’essentiel de son utilité. Les leaders doivent disposer de pouvoir en suffisance pour ne pas avoir besoin d’appuis clandestins ; cela augmenterait aussi de façon économiquement dissuasive le prix des détournements de procédure. Une attention particulière est donnée à la capacité de résistance des élus et des fonctionnaires, qui dépendrait de trois facteurs principaux : tout d’abord, l’état des structures institutionnelles ; ensuite, le type de comportements que les élus et les fonctionnaires observent autour d’eux ; enfin, l’existence d’un système de surveillance effectif. La socialisation professionnelle et l’intensité des activités de contrôle déterminent le degré d’honnêteté des pratiques.
30A la fin des années 60, deux sous-courants se distinguent : l’un, théorique, veut appliquer l’approche institutionnelle de la corruption en termes de rational choice afin de définir un cadre institutionnel qui ôte à la corruption l’essentiel de son attractivité ; l’autre, qui se veut plus opérationnel, propose et teste des solutions par le renforcement des inspections, des audits, des « contrôles et double contrôles ». Au niveau fédéral, c’est le mode plus centralisé d’exercice du pouvoir qui expliquerait la moindre corruption : le président dispose de suffisamment de pouvoir pour mener à bien sa politique et il est trop visible pour que sa corruption ne soit pas dangereuse, tant pour lui que pour ses éventuels solliciteurs. Par contre, le problème resterait important au niveau des instances représentatives, en particulier au Congrès. Des travaux ont montré qu’au-delà de la corruption individuelle des représentants par des groupes d’intérêts, il faut également envisager le problème de ce qu’ils nomment une « corruption institutionnelle » (H.H. Wilson 1951 ; Thompson 1995).
31Mais l’affaire du Watergate (1972-1974) va créer un moment de rupture intellectuelle et politique qui se traduira par la diffusion soudaine de travaux néomarxistes jusque-là très minoritaires. Les approches institutionnelles sont mises en cause pour leur idéalisme, leur rhétorique réformiste, et finalement leur aveuglement face à l’état réel des pratiques politiques et administratives à tous les niveaux de l’Etat (Hawkins, Pingree and Roberts 1975). Une forte mobilisation intellectuelle se manifeste, reprochant à la recherche en sciences sociales son déni, plus ou moins bien rationalisé, de ce que Bell avait appelé en 1953 déjà le « American way of graft » (Bell 1953 : 131 ; sur le débat, voir Peters and Welch 1978). Et la question majeure des capacités réelles des gouvernements à s’autoréformer devient dès lors incontournable et ne cessera plus de l’être (J.Q. Wilson and Rachal 1977), d’autant plus que les accusations de corruption portées à l’encontre des politiciens n’ont qu’un faible impact sur le vote des électeurs, ce qui conduit à s’interroger sur la portée réelle de la responsabilisation politique via la sanction électorale (Runquist, Strom and Peters 1977). Cependant, après ce moment de déstabilisation, le courant fonctionnaliste reprend de plus belle, avec un accent mis sur les autorités centrales (institutions de Washington), la relance d’un important mouvement de réformisme municipal (Anechiarico and Jacobs 1992) et, enfin, la réalisation de multiples enquêtes sur le crime organisé, sur la corruption dans la police et sur les activités corruptrices menées par les grandes entreprises (Ermann and Lundman 1978). Ainsi, une enquête menée par le Sénat sur les 200 plus grandes entreprises états-uniennes et leurs activités à l’étranger, suite au scandale suscité par l’affaire Lockheed8 au Japon et aux Pays-Bas, entraîne la réforme du Securities Exchange Act de 1934, qui devient le Foreign Corrupt Practices Act de 1977.
32Dans les travaux récents inspirés par ce courant, les spécificités de l’environnement sociopolitique constituent toujours une variable déterminante qui conduit à envisager l’élite politique et administrative comme le reflet des rapports de pouvoir dans la communauté environnante. Les approches inspirées du culturalisme (intégration différentielle des idéaux wasp par les groupes d’immigration plus récents) et du fonctionnalisme (limites de l’apprentissage et de la socialisation) trouvent toujours de nouveaux adeptes.
Approches néomarxistes
33Ces approches constituent l’apport principal des années 70 à notre sujet, et leur influence se fait toujours ressentir tant dans les objets de recherche retenus que dans les questionnements qui leur sont appliqués. C’est le pionner Steffens9 qui, vers la fin de sa vie (il mourut en 1936), avait amorcé une perspective socialisante : suite à l’échec de Woodrow Wilson à la Conférence de la paix à Paris (1919) et à la victoire des bolcheviks en Russie, il se radicalisa et devint explicitement socialiste, rompant avec son réformisme moral antérieur et se rapprochant des analyses marxistes. Après sa première visite en Union soviétique, il estima que la corruption n’y était pas absente, mais moindre, car « le dictateur n’est jamais incité à faire le mal » (Steffens 1931 : 865).
34Les analyses néomarxistes se développent au cours des années 60 conjointement avec la formulation du courant de la « criminologie critique », qui refuse de restreindre le champ d’études de la déviance aux seuls comportements des classes populaires et s’attache à l’analyse concrète des systèmes de contrôle et à leurs interactions avec les groupes étiquetés comme délinquants. Un repère essentiel est constitué par le travail de Chambliss, « Vice, Corruption, Bureaucracy and Power », publié en 1971, résultat d’une enquête sur le crime organisé menée pendant sept ans (de 1962 à 1969) à Seattle, sur la base d’observations participantes. L’auteur s’oppose aux approches fonctionnalistes, et démontre que les « syndicats du crime italo-américains » constituent un mythe et que la corruption repose sur de vastes réseaux où s’interpénètrent profondément les activités de délinquants et d’élus, de marginaux autant que de fonctionnaires et d’hommes d’affaires. Pour lui, la corruption politique et bureaucratique et le crime organisé vivent en symbiose : les relations qui se nouent entre les acteurs des deux milieux ne sont pas de simples rapports fonctionnels, mais sont constitutives d’une criminalité spécifique reposant sur des lois constantes.
35Le crime organisé, loin d’être un univers social hors des structures sociales ordinaires, en est au contraire le produit, à travers les pratiques constantes des pouvoirs (qui ont toujours besoin d’hommes et de zones d’ombre pour réaliser leurs desseins), à travers la loi (qui qualifie les actes de manière différentielle), à travers les pratiques policières et judiciaires (qui sanctionnent les actes de manière différentielle). Les recherches néomarxistes démontrent l’interdépendance constante entre ordre et délinquance, l’interpénétration indissociable des comportements conformes et transgressifs. La principale critique que l’on peut émettre à leur égard est de dissoudre la corruption politique dans un vaste panorama des multiples formes de clientélisme et des activités transgressives à tous les niveaux décisionnels.
36L’affaire du Watergate va donner au courant néomarxiste une grande ampleur, et les textes empiriques sur les comportements transgressifs des élites économiques, politiques et administratives se multiplient (Clinard and Quinney 1977). Un courant de travaux se démarque des descriptions et des mises en cause au premier degré pour s’attacher à l’analyse critique des commissions d’enquête sur le crime organisé et la corruption. Il aborde les activités de ces commissions comme un système qui constitue par lui-même une régulation politique dans la mesure où il organise une représentation de l’opprobre social, opère une sanction symbolique de boucs émissaires et permet ainsi le maintien des structures de pouvoir existantes (Brodeur 1979, 1984). Plus largement se trouve également posée la question récurrente des entreprises de lutte contre la corruption envisagées comme des actions symboliques légitimant les institutions et leurs acteurs sans parvenir à remettre en cause leurs modes de fonctionnement (Gillespie and Okuhlick 1991).
37En conclusion, il faut souligner l’intérêt qu’il y a à ne pas méconnaître l’importance des travaux nord-américains, ne serait-ce que par la diversité des perspectives qu’ils ont développées en un siècle. Beaucoup de pistes ont déjà été explorées et la réflexion à leur propos permet de faire l’économie de certaines innocences. La construction prospective de ce champ de recherche met tout d’abord en valeur l’apport décisif de l’accumulation des monographies systématiques et des observations empiriques. Ces études de cas précises ont permis d’objectiver les réseaux d’interdépendance entre acteurs, les processus d’exposition/occultation de leurs échanges, et les systèmes différenciés des règlements des situations litigieuses. Ensuite, la multiplicité des fondements théoriques des travaux effectués conduit à bien distinguer les logiques spécifiques de chacun d’entre eux. Il s’agit d’éviter un syncrétisme mou qui emprunte de façon utilitaire les concepts et hypothèses selon les besoins de la démonstration. Au contraire, il est important de se situer face à l’existence de thèses concurrentes et bien distinguables.
38Je soulignerai pour finir l’évolution du contenu donné au terme de corruption, qui, de la décomposition des fondements d’un régime politique, est progressivement passé à l’existence d’un système informel d’échange de faveurs. D’une réflexion sur la subversion des valeurs, beaucoup d’approches sont passées à l’analyse des modalités d’accès à des ressources rares. De multiples études ont ainsi quitté les perspectives de philosophie politique pour des approches politico-administratives. Le pragmatisme à visée réformiste qui ne s’interroge pas sur les enjeux idéologiques auxquels il participe constitue sans doute un des risques de ce secteur de recherche, un autre risque consistant en la dilution de l’objet de recherche lorsque la délimitation de celui-ci n’est pas suffisamment claire. Ainsi, de nombreux travaux qui ne veulent connaître que les processus de construction sociale des activités de corruption en tant qu’enjeu politique problématique, voire en tant que scandale, tendent alors à mêler tous les comportements d’arrangement et de détournement des règles publiques. Pour ma part, il me semble prioritaire d’envisager les pratiques de corruption à partir de la construction et de la mise en œuvre des régulations publiques, par l’analyse des controverses que suscitent ces processus, des ajustements d’intérêts qui caractérisent les décisions, et des argumentaires qui font de la lutte contre la corruption une des conditions de l’exercice légitime du pouvoir.
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Notes de bas de page
1 Le premier code pénal est toscan et date de 1786, le premier français date de 1791 (Poncela et Lascoumes 1989).
2 Littéralement « racleur de boue », en langage populaire « fouille-merde ».
3 Le président Wilson est surtout connu pour sa politique étrangère pacifiste, ne s’engageant pas contre l’Allemagne avant 1917, et pour son plan de paix « en 14 points » établi l’année suivante, dont on retient essentiellement la création de la SDN (Walker 1989).
4 Merton a relativisé le fonctionnalisme de Malinowski. Pour lui, il n’y a pas d’unité fonctionnelle de la société. Un élément peut avoir plusieurs fonctions, et une même fonction peut être assurée par des éléments différents. Il s’attache aux conséquences observables, basant l’interprétation des faits sur l’étude de leurs conséquences sur les structures plus larges où elles sont impliquées. Ces conséquences, qui contribuent à l’adaptation ou à l’ajustement d’un système donné, sont des fonctions ; mais il existe aussi des dysfonctions, soit des conséquences inverses. Merton fait aussi une distinction entre fonctions manifestes et fonctions latentes.
5 Parmi de très nombreux travaux, voir McMullan (1961) ; Wraight and Simpkins (1963) ; Bayley (1966) ; Nye (1967) ; Scott (1969).
6 Keller (1979) ; Mc Cormick (1981).
7 Banfield (1961, 1975) ; Braibanti (1962) ; Friedrich (1963) ; J.Q. Wilson (1966) ; Wilson and Banfield (1971) ; Dobel (1972).
8 L’entreprise Lockheed versa 7 millions de dollars au parti conservateur afin d’obtenir un marché d’avions de combat. C’est autant la contribution d’une entreprise états-unienne au réarmement japonais que la corruption qui firent le scandale.
9 En 1914, il se rendit au Mexique pour rendre compte de la révolution qui s’y déroulait, puis visita l’URSS à trois reprises, en 1917, 1919 et 1923.
Auteur
Politologue ; directeur de recherche au CNRS, GAPP (Groupe d’analyse des politiques publiques) UPR CNRS 268, Cachan.
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