Mondialiser le non sens
p. 43-66
Note de l’auteur
Ce texte, rédigé à l’origine pour ce Cahier, est paru séparément à L’Age d’Homme (Lausanne), en octobre 2001.
Texte intégral
« La bonne volonté n’a plus de dénominateur commun avec le cours du monde. »
Peter Sloterdijk
1Un registre plus étroit, un clavier auquel il manque des touches, un vocabulaire qui s’appauvrit, un amoindrissement de la force d’expression, un aplatissement des tonalités et un laminage des formes entament, c’est certain, la réceptivité des sens et de l’intelligence.
2Tout se passe comme si le réel qu’on ne saurait nommer mais qui existe pourtant, s’effarouche, se fait discret, disparaît parfois ou s’esquive sous une couche de maquillage médiatique et numérique. Certains référents plus farouches que d’autres mettent même la clé sous la porte du sens.
3Y aurait-il aujourd’hui quelque chose comme une situation de non-assistance à langage en danger ?
4Ce dont les poètes avaient l’intuition et l’expérience depuis toujours, les sciences sociales, même « molles », même en crise, sont parvenues à l’affirmer, preuve à l’appui. A savoir qu’aucun discours ne peut revendiquer une quelconque innocence, une immunité, une neutralité. Le « mélange matériel entre mot et monde »1, le malaxage incessant des textes, des paroles par les pratiques et inversement, la pâte qui en résulte, gonfle et donne forme à des enjeux qu’il convient de remettre en lumière en un temps où une folie prolixe autant qu’inexpressive accompagne la mondialisation en marche.
5Puisque la langue n’est qu’un découpage approximatif et indéfiniment incomplet du réel, est-ce une raison pour la traiter aussi mal, ou pour ignorer les mondes qu’elle et nous avons à charge d’évoquer malgré tout ? Plus généralement, quels sont les effets sur le langage de la péroraison sur tout et sur rien, compulsive et vaine, de la saturation de dits, de bruits et d’objets algorithmés, infiniment binarisés qui nous traversent sans même nous voir ?
6Si le principe de précaution s’appliquait aux discours, certains d’entre eux seraient bâillonnés en attendant la preuve de leur nocivité ou de leur pertinence, à défaut d’innocence.
7En son absence, la langue mondiale, la seule capable, tel un prestidigitateur, de faire apparaître cet étrange objet imaginaire qu’est un consensus à l’échelle planétaire, obtient un résultat au prix d’un sacrifice exorbitant arraché au langage. Celui de renoncer au sens, de faire comme si les acteurs sociaux n’existaient pas, de prétendre que l’invraisemblable a même valeur que l’expérience, que le « n’importe quoi » convient mieux que le rien qu’il recouvre et que le mépris de l’intelligence que supposent ces procédés est à ignorer comme tel.
8Le plus grand dénominateur tant recherché finit – lorsqu’on parvient à le mettre en mots – par ne plus rien signifier. Serait-ce là le meilleur moyen de temporiser face à de véritables problèmes dont on préfère ne décrire en larmoyant que les symptômes ? Il est infiniment plus facile de faire semblant de dire pour éviter d’avoir à faire. L’essentiel est alors, pour les auteurs de textes mondiaux, épris de consensus ou condamnés à se mettre d’accord, que ces textes passent pour communs et donc autorisés. S’ils ne soulèvent aucune protestation, ni même la moindre réaction, c’est qu’à l’aune de la diplomatie mondiale, le succès est au rendez-vous. Nul sens, nulle vague.
9Plutôt que de dénoncer le caractère vide et verbeux du texte international, et contribuer ainsi à son corps défendant à la logorrhée généralisée, le parti est pris ici d’approcher les raisons du vertige et de l’ennui crépusculaire qui nous saisissent à leur lecture. A travers eux, qu’est-ce qui se cache, qu’est-ce qui se montre, qu’est-ce qui est méprisé, promis, ordonné, exhibé, soustrait ?
10L’intention est d’indiquer en quelques touches comment le comble du comble, pour cette langue passe-partout, c’est d’aller nulle part.
Un texte pré-texte
11« Des baudruches : voilà à quoi semblent se résumer les belles intentions creuses du Sommet social de Genève. » « L’ONU n’a plus un gramme de crédibilité. » « L’avenir du monde ne se décide plus à l’ONU qui s’est ouvertement agenouillée devant le pouvoir de l’argent. » Ces propos, tenus dans la presse genevoise au lendemain du 26 juin 2000 à la suite de la distribution à Genève d’Un monde meilleur pour tous, visent cette plaquette, signée conjointement par les plus hautes autorités politiques, économiques et financières de la planète2.
12Afin de marquer non seulement leur désenchantement mais leur indignation, les représentants des ONG réunis pour le Forum et le Sommet alternatif n’ont pas hésité à jeter publiquement ce texte à la poubelle. Peut-on considérer qu’il s’agit d’un événement lorsqu’à l’occasion d’une opération de marketing international, les premiers destinataires d’une plaquette promise à une large publicité la rejettent sans formes ni gants ?
13Comment expliquer cet échec des leaders internationaux dans leur obligation de – bien – communiquer3, alors que de partout fusent les injonctions visant à échanger toujours plus de messages, d’informations, de données ? Le toujours plus n’est pas synonyme de toujours mieux, mais cette constatation banalissime est loin d’être admise.
14A Genève, ce jour-là, il y a eu délégitimation publique d’un discours mondialisé qui était censé s’adresser à tous, geste de rejet qui exposait l’inefficacité d’une parole écrite dont les destinataires n’ont reconnu ni la pertinence du fond, ni la légitimité des signataires. La croyance et la confiance ayant fait défaut, le texte tombe à vide, il est délesté de son pouvoir symbolique, c’est-à-dire de sa capacité de substituer « du signe au réel dont il est l’émanation »4.
15Par la manière dont il a été traité, ce texte marque un point de rupture. Même s’il ne constitue qu’un épisode parmi beaucoup d’autres dans le fil des contestations de la mondialisation et des acteurs institutionnels qui la renforcent et l’accélèrent, s’il n’est qu’un grain de sable sur la vaste plage des discours, ce petit texte a eu un effet déclencheur et, à ce titre, il peut permettre de comprendre comment et à quoi joue la langue mondiale.
16Parler de la « langue de bois des organisations internationales » est à l’heure actuelle devenu un pléonasme5. C’est toujours l’autre qui parle en langue de bois, d’où le danger pour le lecteur critique de s’illusionner lui-même en pensant détenir une langue s’apparentant au parler vrai. Utilisée dans un mouvement d’accablement ou de connivence avec un interlocuteur qui perçoit, lui aussi, l’inanité des discours incriminés, l’expression « langue de bois des organisations internationales » en est venue à évoquer un ennui sidéral doublé d’une dangereuse impuissance. Le parler des organisations internationales, lorsqu’il s’adresse à tous, est bien plutôt à rapporter à la langue de coton6, celle-ci ayant déjà pris – elle aussi – le soin « de dénoncer la langue de bois, son lointain ancêtre »7.
« Un monde meilleur pour tous » : ni utopie, ni idéologie
17En ouverture, quelques questions : qui trouverait à redire à la perspective d’un monde meilleur pour tous ? Qui pourrait s’inscrire en faux face à un tel projet qui se présente à la fois comme souhait, promesse et objectif ? De même, qui oserait, en Europe, sans encourir un ostracisme définitif, s’ériger sérieusement contre les droits de l’homme, contre la paix, se prononcer pour la peine de mort, en faveur de la pauvreté, ou s’afficher contre la vie ? Les matons (politiquement corrects) de Panurge veillent à la bienséance des moutons consensuels. Cependant, une fois enjambée la barrière dressée par le terrorisme primaire des bons sentiments, exorcisée l’hypnose d’un bien évident et fumeux, et raillée une telle promesse qui n’engage à rien, ce titre apparaît pour ce qu’il est, c’est-à-dire obscène : hors scène, à côté de la scène du monde.
18Sur la couverture de la plaquette (voir page précédente), un chiffre s’affiche (2000), un titre (Un monde meilleur pour tous) et un sous-titre (Poursuite des objectifs internationaux de développement). Ce dernier épouse le bas d’une figure graphique circulaire représentant une cible. Une flèche verticale allant du haut vers le bas plonge résolument sur la cible.
19Le texte débute ainsi : « La pauvreté sous toutes ses formes est le plus important défi auquel doit faire face la communauté internationale. Une cause particulière de préoccupation est le cas des 1,2 milliard d’êtres humains qui ont moins d’un dollar par jour pour vivre, et des 1,6 milliard d’autres qui ont moins de deux dollars par jour. Le progrès à cet égard passe nécessairement par la définition d’objectifs de lutte contre la pauvreté. Issus des grandes conférences et des sommets mondiaux organisés par l’ONU dans les années 90, les objectifs de développement présentés ici sont des objectifs généraux pour le monde entier. Ils visent certains des nombreux aspects de la pauvreté, et ses effets sur la vie des êtres humains. En les faisant siens, la communauté internationale s’engage vis-à-vis des personnes les plus pauvres et les plus vulnérables du monde – et aussi vis-à-vis d’elle-même. »
20Ainsi les trois forces majeures dans la lutte contre la pauvreté sont présentes d’entrée de jeu : la promesse, le défi et la mobilisation. Elles mettent en quelque sorte le texte en mouvement8.
21Significativement, Un monde meilleur pour tous fait écho au classique de l’utopie mortifère, Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley9. Non qu’Un monde meilleur pour tous soit un texte que l’on puisse qualifier d’utopique, car l’utopie (bonne ou mauvaise) propose toujours un changement extraordinaire assorti d’un choix possible de société et c’est « par cette proposition que l’utopie constitue la réplique la plus radicale à la fonction intégrative de l’idéologie »10. Ce n’est pas le cas du texte en question. Ce dernier ne remplit pas non plus une fonction intégrative. Le seul fait de s’adresser à tous de la même façon ne produit pas d’effet notoire sur une identité globale fantasmée, n’enjoint nulle puissance particulière, nulle entité politique significative, nulle alliance sociale, à se mobiliser pour atteindre ce fameux horizon qui recule. La promesse contenue n’engagerait-elle que ceux qui l’écoutent, ou tout le monde, c’est-à-dire personne ?
L’ère des défis…
22Pour être consensuel, un texte ne doit traiter ni des causes des phénomènes ou des événements, ni surtout des acteurs, car le risque serait d’avoir à les nommer. Et en effet, si la pauvreté a des « formes », des « aspects », des « effets », elle semble par contre ne pas avoir de causes. Le défi que constituent la pauvreté et la lutte à laquelle il est censé engager est une figure commode des discours qui traitent d’un problème grave et/ou mondial : le défi de l’effet de serre, le défi des inégalités, le défi du développement, le défi de la démographie, le défi de la violence, les défis du troisième millénaire… Avant même d’avoir été lancé à la face du monde, le défi est orphelin. Un défi est devenu, en langage mondial, un problème à résoudre dont on se garde de chercher l’origine11. Ainsi en va-t-il de la pauvreté, défi « auquel doit faire face la communauté internationale ». Le défi est en fait lancé par une entité inconnue, vaguement assimilable à un destin, à une « nature » ou à la force des choses. Le défi est le plus souvent « incontournable »12, comme on le dit de la mondialisation13, d’où l’accentuation du caractère fatal de sa nature.
23« La pauvreté sous toutes ses formes est le plus important défi » : assertion, fondée sur un argument d’autorité implicite. Les phrases de cet extrait ont, pour sujet, une notion abstraite et générale : « la pauvreté est […] », « une cause particulière de préoccupations est […] », « le progrès passe nécessairement par la définition […] », « les objectifs de développement sont […] ». Elles adoptent le verbe être qui convient bien à la naturalisation des phénomènes ; seul le progrès a droit à un verbe d’action, de mouvement, car « il passe nécessairement par […] ».
24Ces affirmations ne sont ni agressives ni intensives (contrairement à ce qui se produit dans le genre propre au pamphlet), elles décrètent tout naturellement, et c’est de l’évidence trompeuse qu’elles tirent leur force tranquille. Elles confondent « la preuve et l’aplomb »14.
25La pauvreté n’occupe pas la place de complément d’objet direct d’un verbe qui ferait intervenir une cause ou un acteur social et partant provoquerait un questionnement, mettrait à jour des contradictions ; non, la pauvreté est cantonnée au rôle de sujet grammatical et d’objet de préoccupation. Aux verbes d’action (exclure, appauvrir, prétériter, etc.) le langage international préfère le constat (la pauvreté existe), et élude l’attribution d’une responsabilité (collective, sociale, causale) à l’égard des 1,2 milliard d’êtres humains qui ont moins d’un dollar par jour pour vivre. Être pauvre, c’est entrer dans une catégorie prédéterminée par le destin : un ou deux dollars par jour pour vivre. Le pauvre est un survivant défini par sa valeur en dollar(s). En l’absence de sujets sociaux et d’éléments de causalité, ces personnes sont présentées comme « tout simplement » démunies sans que l’on sache à quoi ou à qui elles doivent imputer leur sort. Tout se passe comme si la pauvreté était à elle-même sa propre cause.
La mise au secret des injustices sociales
26La notion de pauvreté et celle de lutte contre la pauvreté font « oublier » la réalité des rapports sociaux.
27Si, comme le dit Angenot, « la force persuasive de la plupart des textes opinables est […] dans leurs lacunes, dans ce qu’ils ne disent pas expressément »15, l’absence de la référence à la richesse joue un rôle clé, sa mise à l’écart est hautement suspecte, en dépit du fait que l’abondance des uns n’est pas toujours et nécessairement le pendant exact de la destitution des autres.
28On pourrait, à tort, en déduire que le parler mondial cherche par là à abandonner les dichotomies « problématiques », ces « couples notionnels » (Angenot), propres au mode de penser occidental et scientifique (logique du tiers exclu). Or, si les couples notionnels sont parfois critiqués à bon escient en raison de leur caractère ethnocentrique, ils sont indispensables à titre heuristique. Mais ici, le « sentiment d’évidence qui naît de la simplicité des contrastes »16 fait défaut car l’opposition structurante et structurelle entre richesse et pauvreté est effacée ou minorée. Or, dans toute appréhension du réel, c’est l’écart entre des phénomènes ou des concepts différents qui, à la fois, met à distance « deux termes » et les fait exister l’un par rapport à l’autre. La perspective éloignée et la mise en rapport sont au fondement du sens. Ainsi, pour créer un effet d’évidence (qui n’est rien d’autre qu’une illusion), il s’agit de procéder à l’élision préalable d’un des termes, d’abolir l’écart qui avait précisément pour mission de faire exister l’autre à partir d’un espace, d’une tension. Comme le montre la traduction autorisée de l’expression nietzschéenne Par-delà Bien et Mal, le choix (celui de supprimer les articles définis, le Bien et le Mal) veut souligner que le Bien ne se pense pas en dehors de la présence du Mal et réciproquement. Il en est de même pour le couple pauvreté et richesse. Vouloir éluder leurs rapports crée un angle mort. Alors, faute de tenir compte de la pauvreté dans sa relation structurelle avec la richesse, de la croissance infinie dans son rapport logique avec la destruction et la mort, ce texte considère la pauvreté comme un « problème », un en-soi quasi ontologique.
29Lors de la conquête de l’Amérique latine et de l’Ouest américain, et à sa suite, on a beaucoup glosé à propos du « problème indien ». Il n’y avait que les conquérants ou les États-Uniens blancs, sûrs de leur bon droit, pour ne pas voir le « problème » dans cette expression même, elle qui faisait peser la charge de la responsabilité pour la situation incriminée sur les victimes elles-mêmes. L’esclavage, et plus tard la question des droits civiques ont fait partie de ce qui était à nouveau qualifié de façon euphémique le « problème noir » aux États-Unis.
Prendre le signifiant en otage : la réplique des ONG
30Better World for All or Bretton Woods for All ?17 Il suffisait de tordre un tout petit peu la version anglaise du titre de la plaquette pour obtenir Bretton Woods for All à la place de A Better World for All. Formule condensée, obtenue par voie de détournement phonique, et qui souligne l’auto-élimination des Nations unies de leur position de sujet d’une part, et la soumission obligatoire de tous (All) aux règles et à l’ordre économiques et financiers internationaux, de l’autre. Il suffisait d’écrire Bretton à la place de Better, de remplacer World par Woods et le tour était joué, l’économie des mots était maximale. Ainsi, le jeu sur les signifiants, la valorisation de leur proximité acoustique (allitération), tout comme, dans l’ordre des signifiés, le remplacement du vague et général Better World, sans référent particulier, par le corps de règles très précises édictées à Bretton Woods, se révèlent fort efficaces en tant que procédés polémiques.
31Mais au-delà de la provocation, ces jeux de langage (sur les signifiants et les signifiés) ouvrent la voie à une interprétation qui prétend à une valeur descriptive et contestataire de la vision officielle du monde souhaitable. En cela, ils opposent à une valeur informe (quelque chose de « meilleur ») l’évocation d’un ensemble de faits (les accords de Bretton Woods et les pratiques qui en découlent, l’effacement de l’ONU et des pays du Sud). Ce jeu de mots avec une telle économie de moyens n’est pas possible en français…
La langue mondiale n’a pas horreur du vide, mais des sujets
32Parler de la lutte contre la pauvreté, en faire le défi le plus important, c’est par ailleurs préjuger d’une réponse dans « les termes mêmes dans lesquels on formule un problème »18. La pauvreté existe, nous devons lutter contre elle ; à l’aide de cette formulation, on impose la solution en faisant comme si elle se trouvait dans la lutte même contre la pauvreté. On préjuge ainsi de la solution en la formulant dans les mêmes termes que le problème, ce qui permet de faire l’impasse sur le reste.
33Le procédé qui fait du destinataire « tout le monde » et personne en particulier, qui inclut tout un chacun et n’exclut personne, est créateur d’un vide rhétorique. L’absence de jeu entre identité et différence, exclusion et inclusion, engendre un sentiment de malaise face à des invraisemblances émaillant le texte comme autant de « données prétendument factuelles ».
34En revanche, on donnera la liste des « obstacles » dans la lutte contre la pauvreté : « Une faible gouvernance. Des politiques mal conçues. Les atteintes aux droits de la personne. Les conflits, les catastrophes et autres chocs externes. La progression de l’épidémie du VIH et du sida. L’inaction face aux inégalités de revenus, d’éducation et d’accès aux soins de santé, face aux disparités entre hommes et femmes »19, ainsi que l’endettement, l’aide qui a diminué, les débouchés limités sur les marchés mondiaux. Catalogue qui certes désigne, mais n’explicite, ni n’analyse.
35Là aussi, les acteurs disparaissent à la faveur d’une énumération qui mêle le politique, les atteintes aux droits de la personne, les conflits, les catastrophes, les chocs externes (sic), le sida, l’inaction face aux inégalités.
36Même si l’étymologie ne donne pas le fin mot de l’histoire, elle permet toutefois de mesurer le chemin parcouru entre le sens originel et le sens actuel d’un terme ou d’une notion. Ainsi de la notion de « s’engager » qui, étymologiquement, signifie « se donner en gage ». Qu’en reste-t-il dans la phrase suivante : « En les faisant siens [les objectifs généraux de lutte contre la pauvreté], la communauté internationale s’engage vis-à-vis des personnes les plus pauvres et les plus vulnérables du monde – et aussi vis-à-vis d’elle-même » ?20 Si l’on peut comprendre au premier degré la syntaxe d’une telle phrase et son contenu sous sa forme de souhait, ce dernier est cependant irrecevable pour qui ne se laisse pas séduire par son caractère de vœu pieux et sa nature circulaire : tout le monde (la communauté internationale) s’engage envers tous les pauvres et envers elle-même… Ces bons sentiments font partie de cette morale volatile de l’éphémère et de la mise en spectacle, propre à cette époque où l’éthique de l’intention est aussi celle de l’image, au sens que lui donne le marketing.
37Par ailleurs, le seul « sujet » convoqué ici (la communauté internationale) n’en est pas vraiment un et ne peut en conséquence constituer l’exception qui confirme la règle de la langue de coton selon laquelle sont bons « tous les procédés qui permettent d’éviter de dire qui fait quoi »21.
38Car en quoi la communauté internationale constitue-t-elle un sujet crédible, autre que le produit d’un montage institutionnel ou politique, à géométrie variable ? N’est-ce pas le plus souvent une fiction, un effet de sens qui fait partie du « mondialement correct » ou du globalement nécessaire ? Dans un texte comme celui-ci, la notion est inclusive et comprend « tout le monde », alors que dans d’autres situations lors de la guerre du Golfe ou au Kosovo, elle était composée de l’Europe et des États-Unis.
39Lorsqu’elle parle « des femmes », « des femmes pauvres », « des pauvres », « des personnes les plus vulnérables », etc., la langue mondiale crée des pseudo-sujets fruits d’une série d’amalgames dont la bonne conscience n’a d’égal que la non-conscience socio-anthropologique. En réalité, le seul fait qu’ils soient « pauvres » économiquement ne renvoie à aucun groupe anthropologique ou social précis, mais à une catégorie statistique, celle regroupant ceux qui vivent avec moins d’un ou de deux dollars par jour. Par conséquent, exit, là aussi, le sujet politique ou social.
Alternance et alliance du clair et du flou
40Le texte fait alterner le clair et le flou. Le clair est ce qui paraît évident ; il est présenté sous forme de statistiques, de graphiques, et par une abondance de tableaux (39) qui sont autant d’affiches d’expertise et de scientificité22.
41Le flou quant à lui naît de l’usage généreux qui est fait de « vocables à faible définition »23, c’est-à-dire de termes, d’une part, dont le signifié est général, indécidable, équivoque et vague et, d’autre part, qui sont d’ordinaire mobilisés par tous les bords confondus. Signifiants à valeur phatique, sans contenu spécifique, ils se nomment ici « communauté internationale », « progrès », « concertation nationale », « développement durable », « partenariat authentique », « engagement soutenu », « utilisation efficace et équitable des ressources aux fins du développement », dépenser « de manière effective », « avec sagacité », « à bon escient », « dur labeur », « monde meilleur pour tous », « plus de voix pour les pauvres », « croissance favorable aux pauvres », etc. Une des particularités de ces vocables ou expressions à faible définition est leur connotation positive acquise d’office. Il est donc facile de les débusquer : il suffit de s’y opposer en décrétant que l’on est contre (le progrès, le partenariat, la concertation, la sagesse, l’effort) pour se voir, d’un seul coup, désavoué par les tenants de la bienséance internationale valable pour tous.
42Un flou, gage de consensus, et une clarté, à la fois nécessaire et convaincante, un équilibre entre un texte par endroits incantatoire, agrémenté de photos d’êtres humains des deux sexes, de différentes provenances, générations et cultures, et un nombre adéquat de tableaux munis de leurs courbes, de leurs statistiques, tels sont les procédés censés garantir de bonnes conditions de réceptivité au texte.
43Les graphiques et les statistiques (le clair) mettent en avant, d’une part, une situation antérieure et, de l’autre, l’objectif à atteindre dans un avenir précisé (2015). « L’effet de délai » systématiquement convoqué contribue à faire comme si les objectifs étaient réalisables puisqu’un délai leur a été imparti. Qui en effet s’amuserait à fixer un objectif impossible à atteindre ?24 Le premier d’entre eux (il y en a sept en tout) est celui de « réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population qui vit dans l’extrême pauvreté »25. L’effet de délai a un caractère performatif. La mise par écrit et la représentation graphique d’une année cible (2015) suscitent la croyance selon laquelle le délai – puisqu’il existe – est réaliste, pertinent et peut être respecté. Il doit contribuer à la mobilisation des États, des organisations internationales, il est la cible en fonction de laquelle les stratégies et les politiques seront mises en œuvre. Il concrétise le défi, le rend visible, donc crédible.
44L’effet de délai est d’autant plus significatif que l’amélioration (depuis 1990) est visible sur les tableaux, même si elle ne colle pas nécessairement à la courbe ascendante qui, progressivement, devrait permettre d’atteindre la cible en plein cœur. Dire que les objectifs sont ambitieux ne contribue d’habitude pas à les décrédibiliser, au contraire, le sens commun mondial veut que tout objectif soit par nature ambitieux : « L’objectif […] de réduire de moitié la proportion de la population vivant dans une pauvreté extrême d’ici à 2015 est ambitieux, concède le G7. »26
L’hypothèse d’un « auditoire universel »27 et l’absence de l’autre
45Un texte mondial s’adresse à tous28. Le monde devrait donc être meilleur pour tous : tous, c’est qui ? Sérieusement, de quoi serait fait le monde meilleur d’un artiste suisse, d’une paysanne burkinabé, d’un fonctionnaire colombien, d’un chômeur sud-africain, d’un banquier londonien, d’une enseignante argentine, d’un marabout sénégalais, d’un nomade touareg, d’une nonne sicilienne, d’un entrepreneur japonais, d’un maire d’une commune basque, d’un chaman kogi, d’un retraité texan et ainsi de suite à l’infini et en introduisant systématiquement les variables de sexe, d’âge, de classe, de religion – à supposer qu’on le leur demande ?
46Que serait un monde meilleur, et meilleur que quoi, par rapport à quoi, en quoi et pour qui ? Aucune de ces questions ne se pose lorsque l’on parle d’un seul monde, car la complexité est évacuée, et d’abord celle qui relève des avis divers et divergents des premiers concernés. Mais qui est concerné ? Tout le monde « en bloc », ou tous « les pauvres » amalgamés dans une même catégorie, ceux qui ont été homogénéisés à l’intérieur de la catégorie « dollar » ? « On peut tout faire, tout utiliser, et finalement la langue est dégradée à tel point qu’elle est devenue inutilisable. Et alors, en définitive, on devient la proie de toutes les pulsions, des instincts les plus bestiaux, bref, on devient la proie de l’économie. »29
47La conviction affirmée dans la brochure prétend que le jour où les sept objectifs énoncés seront atteints, le monde sera meilleur pour tous, indistinctement. Mais, par ailleurs, le texte oscille entre un monde meilleur pour les pauvres et un monde meilleur pour tous. De toute façon, les objectifs qui définissent l’augmentation de la qualité de vie sont établis selon les critères fixés par les organisations internationales.
Déproblématiser le monde et ignorer la réalité encombrante
48Il y a des questions apparemment toutes simples qui débouchent sur des problématiques complexes. C’est précisément ce qu’un texte consensuel se doit d’éviter à tout prix puisque sa mission consiste à déproblématiser le réel pour le rendre consommable par n’importe qui. Mission impossible car le parler mondial, tout mondial qu’il prétend être, est pourtant culturellement marqué. L’auditoire universel comme tel n’existe pas, il correspond à une vue (ethnocentrique) de l’esprit.
49Si donc, en regard de chaque énonciation d’objectif, on s’avisait d’adjoindre les questions suivantes : pourquoi cet objectif plutôt que tel autre ? Qui en a décidé ? Qui sont les premiers concernés ? Par quoi ? Comment le réaliser ? Au bénéfice de qui ? Au détriment de quoi ? De qui ? A quel prix et pourquoi ? Avec quelles ressources ? Mises à disposition par qui ? Pendant combien de temps ? Avec quel contrôle ?, etc., l’exercice serait très instructif. Cela dit, on n’aurait pas pour autant reproblématisé la question des objectifs à atteindre dans la lutte contre la pauvreté, ni énoncé les moyens d’y parvenir.
50Il est également possible de déproblématiser une question quelconque en recourant à cette figure paradoxale qu’est l’autoréférentialité sans référents. A titre d’exemple de cette sorte de tautologie élargie, la notion d’ouverture, axiome fondamental du texte. Cette notion (dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, sur le plan politique et au niveau économique)30 assure le Bien, c’est-à-dire la bonne gouvernance, la croissance économique et les droits de l’homme. Elle fait partie des « conditions essentielles » pour atteindre les objectifs fixés. L’ouverture est bonne parce qu’elle est ouverture. Ou, encore plus simplement, l’ouverture, c’est l’ouverture. L’efficacité de l’autoréférentialité se mesure à la rigidification et à la naturalisation des évidences ; elle est ainsi solidaire de la langue de coton qui « donne l’illusion que l’on ne fait que constater la force des choses »31.
51Effectivement, une démocratie ouverte favorise probablement une ouverture ( ?) mais cette affirmation ne nous renseigne en fait sur rien que sur elle-même comme proposition de nature tautologique. L’ouverture, c’est quand tout le monde participe à tout : traduit dans les faits, cet exercice n’a pas de sens32.
52« La tautologie, c’est le mouvement par lequel le langage se réfléchit à l’infini sur lui-même, sans jamais faire sa part au monde qui inévitablement le nie. Loin de se référer à un type d’énoncé (a rose is a rose is a rose…), elle joue à l’intérieur de chaque discours qui refuse de s’ouvrir au réel. »33
53Il ne serait donc pas abusif de considérer de larges portions du texte comme relevant de la forme tautologique, et cela à chaque fois que le discours « refuse de s’ouvrir au réel ». Ce refus s’approfondit lorsque la forme normative se substitue à l’analyse, et/ou que l’absence de référent (qui devrait en fait invalider l’énoncé) est patente34.
54Dans le passage qui suit, on observe à la fois une accumulation d’injonctions normatives et une série de référents si improbables et vagues qu’on peut les considérer comme absents (croissance favorable aux pauvres, accès plus large des pauvres aux ressources, meilleures possibilités pour les femmes pauvres, croissance équitable). L’effet d’irréalité est donc principalement créé par des vocables à faible définition, des référents peu crédibles car excessivement flous et un appel à la normativité censée combler le déficit de réalisme congénital au parler mondial.
55« Croissance favorable aux pauvres »
56La croissance économique en soi ne garantit pas la réduction de la pauvreté – c’est un facteur absolument essentiel pour la soutenir à long terme. Il faut que la [cette] croissance soit favorable aux pauvres. Il faut qu’elle crée davantage de possibilités d’emploi productif et bien rémunéré pour les pauvres. Il faut qu’elle donne aux pauvres un accès plus large aux ressources pour qu’ils puissent exploiter leur potentiel productif et subvenir à leurs besoins. Il faut aussi qu’elle soit équitable et crée de meilleures possibilités pour les femmes pauvres. Des mesures devront donc être prises pour renforcer les droits fonciers des femmes, accroître leur pouvoir de négociation et élargir leur accès au crédit, à la formation et aux technologies nouvelles. »35
57L’extrait qui porte sur la « croissance favorable aux pauvres » est composé de douze phrases toutes normatives à l’exception de la première. Six débutent par « il faut », « il faudra » ou « il importe », quatre utilisent le verbe « devoir ». Dans l’ensemble de cette section relative aux objectifs, sur 48 phrases autonomes, 31 comportent le verbe falloir ou devoir (certaines assurent leur nature normative en mettant en avant le caractère « essentiel » ou « indispensable » de l’action ou les conditions de celle-ci). Dans les textes autoritaires, unanimistes ou représentatifs d’une volonté collective, le « il faut » a remplacé le « je pense que », lequel met en lumière la fragilité des propos avancés36.
58Dans l’extrait ci-dessous, on voit à l’œuvre l’effet de renforcement mutuel des référents « rêvés » (tautologiques, c’est-à-dire fruits d’une clôture du discours sur lui-même) et du recours à l’injonction normative qui se substitue au politique, à la méthode, à l’éthique.
59« Ces objectifs37 peuvent être atteints, c’est incontestable. Mais ce sera un dur labeur, et pour y réussir, il faudra avant tout des voix plus fortes pour les pauvres, une croissance et une stabilité économiques favorables aux pauvres, des services sociaux de base pour tous, des marchés ouverts pour le commerce et la technologie et un volume suffisant de ressources pour le développement, bien utilisé. »38
60Dans le champ normatif foisonnent non seulement les formes verbales (devoir, falloir, il importe, il est essentiel, indispensable de, etc.), mais également ce que Marc Abélès nomme les « sémantiques injonctives » et « qui frayent la voie à une normativité nouvelle […] »39.
61Adhérer à la lutte contre la pauvreté, c’est du même coup croire en la notion d’une « croissance favorable aux pauvres », être en faveur d’une « ouverture des marchés », prôner la mise en place de « filets sociaux » et considérer comme évident le concept de « capital social ». Propres à la Banque mondiale, ces notions nomadisent plus largement dans d’autres champs de discours. Le texte considéré avalise un vocabulaire au sujet duquel les responsables de quatre organismes internationaux se sont mis d’accord.
62L’injonction faite à tous les partenaires de s’engager dans « une croissance durable plus rapide qui favorise les pauvres »40, « une croissance économique viable » et qui « ne porte pas atteinte aux ressources naturelles nécessaires à la vie des générations futures sur notre planète »41 est une contradiction dans les termes. Entreprise suicidaire, car même s’il est question ici d’une « croissance viable », non définie, celle-ci reste, en principe, infinie. Or, il n’est simplement pas possible que tous les pays s’engagent dans une course à la croissance économique qui soit à la fois plus rapide, durable, viable et respectueuse des ressources naturelles et des générations futures. Croyance irresponsable en la croissance comme moteur principal de la lutte contre la pauvreté, course à la croissance qui alimente la concurrence à mort à l’échelle du globe. Le monde est fini, et le traiter, à travers la sacralisation de la croissance, comme indéfiniment exploitable, c’est le condamner à disparaître ; on ne peut en effet à la fois invoquer la croissance illimitée et accélérée pour tous et demander que l’on se soucie des générations futures. L’appel à la croissance et la lutte contre la pauvreté sont littéralement parlant des formules magiques tout autant qu’ils sont des mots d’ordre et des mots de passe(-partout). C’est l’idée magique du gâteau dont il suffit d’augmenter la taille pour nourrir tout le monde, et qui rend « innommable » la question de la possible réduction des parts de certains. On le sait, la magie s’exerce par effet de ressemblance en médecine, en sorcellerie, et/ou par effet de répétition (incantation, récitation de formules rituelles, etc.). Les notions magiques (et sacralisées) comme celle de croissance (spécialement rassembleuses car prétendument valables pour tous) s’enracinent dans l’effet de répétition. Elles créent, par leur litanie, un écran à la réflexion ; pire, elles entravent cette dernière. « Je répète, donc je prouve et puisque tout le monde le pense, c’est qu’il y a une bonne raison à cela. » Les discours internationaux à large audience ne font souvent que cela, répéter, en donnant l’illusion de la nouveauté lorsqu’ils lancent une nouvelle expression : « lutte contre la pauvreté » en lieu et place du « développement ». Or, il ne suffit pas de consacrer une nouvelle expression pour forger un concept opératoire.
Toujours plus de tout et le monde sera meilleur pour tous
63Se voulant par endroits descriptif et affirmatif dans sa forme, le texte est aussi – nous l’avons vu – normatif de part en part.
64« La mondialisation offre d’immenses possibilités aux pays en développement – de meilleurs moyens d’utiliser les connaissances mondiales, des technologies plus perfectionnées pour fournir des biens et des services, un accès plus large aux marchés mondiaux. »42 Ce constat est suivi de cinq phrases qui dictent les comportements à adopter par les pays pour réaliser la mondialisation. Chacun de ces syntagmes comporte le verbe devoir à la troisième personne du pluriel : « ils doivent […] ».
65Toute langue possède à son actif des axiomes naturalisés, propres à une époque et à une culture données. Ceux-ci n’ont pas besoin d’être explicités en tant que tels car ils sont présupposés et sont de ce fait structurellement, automatiquement et autoritairement soustraits à la discussion. Ils jouissent d’une impunité totale puisque leur particularité est de rester clandestins. A titre d’exemple, le présupposé axiomatique selon lequel « plus c’est nécessairement mieux » (voir l’extrait cité ci-dessus) est au fondement d’une croyance profondément ancrée dans la culture occidentale (plus de biens de consommation en plus grande variété, plus de technologies, plus de rapidité, plus d’information, plus de communication… c’est forcément mieux). Comment se rendre sensible aux situations où « moins, c’est mieux » et « assez, c’est déjà beaucoup » ?43
66Il faut plus de croissance et qu’elle soit plus rapide, affirment ailleurs les auteurs. Le « plus » engendrant « l’encore plus » partout où cela semble possible, pour avoir plus de croissance, il faut plus d’ouverture économique (sur les marchés) et politique (davantage de démocratie), plus de libertés (droits de l’homme et médias), mais aussi plus de productivité (économique) et plus de participation (des femmes, des minorités, des pauvres). Les pauvres, les femmes participeraient moins que les autres, mais à quoi ? Ou est-ce que les femmes et les pauvres devraient participer plus, sous-entendu : à la vie démocratique ?
67Ainsi, le texte est en conformité totale avec les valeurs essentielles de la culture occidentale. Comme le montrent Lakoff et Johnson, les valeurs fondamentales d’une culture se retrouvent mobilisées par des métaphores indétectables parce que complètement intégrées au langage, au même titre que des présupposés. Ils citent entre autres les métaphores de spatialisation (le haut est privilégié, le bon est en haut, le vrai aussi ainsi que le plus de…, avec pour ce dernier cas des restrictions : en effet, nous ne saurions vouloir plus de ce qui est mauvais).
68« “L’avenir sera meilleur” est une des formulations du concept de progrès. “Vous en aurez plus à l’avenir” s’applique aussi bien à l’accumulation des biens qu’à l’augmentation des salaires. »44
69Les métaphores structurelles proviennent de comportements liés à des pratiques et des expériences culturellement déterminées. Tout ce qui ne correspond pas à ces axiomes cachés dans les métaphores structurelles propres à une culture sera par conséquent absent, masqué ou émasculé.
70La prévalence de métaphores guerrières (ainsi que l’omniprésence dans le document de cibles stylisées) est structurelle au parler mondial comme l’est le « toujours plus, c’est toujours mieux ». Elles constituent une façon de mimer la performativité en faisant preuve d’une combativité par la violence du langage (stratégie, objectifs, lutte, défi, vaincre, se battre, atteindre des cibles, progresser, dépasser les obstacles, mener des campagnes, etc.). Elles font penser à un essai de compenser par leur dynamisme guerrier l’écart béant entre l’idéal-promesse d’un monde meilleur pour tous et les réalités économiques et politiques qui, elles, désignent un monde plus dur pour la majorité de ses habitants.
71Ces métaphores du mouvement et de la lutte sont consubstantielles à l’idéal de croissance comme objectif et comme moyen, et à celui de la pauvreté comme obstacle. Une sorte de leitmotiv implicite et contradictoire court en filigrane au long du texte : « C’est comme ça parce que ce n’est pas autrement, mais si on fait ceci et cela, le monde sera meilleur pour tous. »
72Qu’est-ce qui ne peut être autrement ? L’obéissance au dogme obligatoire de la croissance comme condition de la lutte contre la pauvreté, le caractère obligé de la croyance dans la nécessité d’une « mobilisation infinie »45. Cette mobilisation ne vaut pas pour la seule croissance économique. Le « plus » (de tout : de rapidité, de communication, de mémoire informatique, de variété d’objets quasiment identiques mais apparemment différents, de longévité, d’émotions fortes, etc.) entraîne de fait, et souvent de force, des pans entiers de la vie sociale dans cette folle course-poursuite. Le monde animal, la nature en général – dont les gènes, promus au rang de « ressources » manipulables et rentabilisables – sont également donnés en pâture au marché, sont recrutés, comme à l’armée. Sous le coup de cette galvanisation générale de tout le vivant, et à l’allure à laquelle la mobilisation s’accélère, la notion du « mieux », que ce « plus » était censé apporter, se perd en chemin. Ainsi, en oubliant de s’interroger sur la nature de ce « mieux » écrasé sous le pas de charge des coursiers du profit, le seul mouvement d’un changement répétitif l’emporte : toujours plus de plus et le monde sera mondialisé. Meilleur ? Meilleur que quoi, meilleur pour qui ? Mieux vaut répéter les questions les plus simples, en apparence, car la réflexion qu’elles pourraient susciter (ne parlons pas de « réponses », ni de solutions) concerne, pour faire bref, l’approfondissement des inégalités sociales et la survie de la planète à terme.
Propos conclusifs : la substitution du faire par le dire
73« Quand dire, c’est faire » et que « dire, c’est aussi ne pas faire »46, le texte pourrait répondre à ces deux descriptions apparemment antithétiques. Il est en effet performatif (il fait en disant) notamment par le biais de la promesse implicite, mais il substitue parfois le dire au faire lorsqu’il dit pour ne pas avoir à faire.
74En intitulant la plaquette Un monde meilleur pour tous, les auteurs avancent une affirmation qui tient lieu de promesse, savant mélange de bienfaisance et de bien séance internationales. D’une part, ils font acte de foi à l’égard d’un tour de force (un monde meilleur pour tous) et, de l’autre, ils énoncent une promesse implicite : si ce que nous préconisons est mis en œuvre, alors un monde meilleur pour tous verra le jour. Tel est le performatif majeur du texte dont découlent tous les autres.
75Selon Berrendonner, « si un acte est impossible à accomplir, alors, dire qu’on l’accomplit équivaut à l’accomplir »47. Ce cas très particulier de performatif nous renvoie aux nombreuses déclarations, et à certains documents émanant des organisations internationales. C’est une chose que de déclarer des intentions, et faire appel à la volonté de tous les partenaires dans le développement. C’en est une autre que d’envisager les bouleversements considérables, les changements dans les mentalités et les politiques indispensables si ces intentions ont vocation à ne pas rester de simples bonnes intentions. Mais tout se passe comme si déclarer, dire, était mieux que de ne rien dire, et que finalement, dans ces cas-là, dire équivaut à accomplir. L’acte ne sera alors « que » de langage, la langue comme « système de suppléance »48 se sera substituée à l’action. L’effet de l’énonciation est un ersatz d’action. En d’autres termes, tout se passe comme si l’effet d’énonciation se substituait à l’action elle-même, considérée comme réalisée parce que énoncée.
76Par ailleurs, ce qui a été écarté du texte – à savoir, les acteurs concrets, les définitions précises, l’analyse des causalités, celle des logiques à l’œuvre, la conceptualisation nécessaire, les notions de rapports de force, de justice et d’injustice sociales, etc. – invalide à l’avance non seulement une possible réalisation de la promesse contenue dans le titre, mais aussi la capacité d’une compréhension du monde dont nous faisons partie.
77En cela, les lacunes permettent de laisser dire pour ne rien avoir à faire, de laisser faire sans que rien ne soit dit, de dire pour ne rien avoir à faire. Ce sont de véritables trous qui, dans le texte, font office de trappes dans lesquelles tombe ce qui pourrait donner sens au reste, à l’ensemble.
78Au terme de ces quelques pages, certains lecteurs objecteront : « Après tout, il ne s’agit que d’un texte, un parmi beaucoup d’autres ; n’est-ce pas lui accorder trop d’importance que de le prendre ainsi pour cible de la critique ? Le document n’est-il de toute façon pas déjà oblitéré par d’autres discours écrits ou proférés à la faveur d’un autre sommet mondial, d’une nouvelle décennie internationale, d’une déclaration solennelle proclamée à l’aube (sic) du troisième millénaire ? »
79Il faut donc en conclusion relever brièvement deux points à propos de ce qui est en jeu ici. Premièrement, c’est du langage qu’il s’agit. Les mots creux, les formules stéréotypées49, le vocabulaire indigent ou formaté du parler mondial portent atteinte à la richesse et à la complexité du réel, drapent les problématiques dans un voile d’indifférence. Forme et contenu s’annulent l’une l’autre. Cette atteinte au langage comme créateur et véhicule du sens menace la fragile faculté des hommes à vivre en société. Le second point est relatif au mépris des sujets sociaux que le texte expose, conséquence de son refus de s’ouvrir au réel. C’est à ce prix que le consensus recherché est finalement obtenu.
80Restent une série de questions qui ouvrent sur d’autres problématiques. Y a-t-il des lecteurs pour ce genre de « littérature » ? Comment se fait-il que ce type de documents continue à foisonner alors que leurs auteurs institutionnels ne croient pas vraiment à ce qu’ils écrivent ? Qui est dupe dans cette affaire ? Qui y croit ? On sait bien que les institutions internationales cherchent d’abord à se reproduire comme institutions, mais alors quel est le rôle exact du parler mondial dans cette entreprise ? Un rôle similaire à celui du « grand parler » du chef guarani dont est par définition exclu le sens mais qui – socialement – fait sens ? Cette interprétation fonctionnaliste suffit-elle à expliquer l’impunité du parler mondial ? Y a-t-il une autre raison, et si oui laquelle, d’écrire des textes qui ne sont pas lus ?
81Mais d’abord, retrouver le courage d’une pensée à risques, qui fasse tourner les évidences sur leurs gonds et ouvre un horizon cognitif et politique différent. Et dans les pays dits développés, réfléchir aux promesses contenues, non dans la croissance infinie, mais dans une démobilisation qui serait préalable à l’établissement d’une autre répartition des richesses et à des rapports différents avec la nature. Reste à chercher, comme y incite le philosophe Sloterdijk, une « langue de la démobilisation » pour casser le moule d’une pensée prise dans les rets d’une fable obligatoire et mortifère.
Notes de bas de page
1 Jean-Jacques Lecercle, La violence du langage, PUF, Paris, 1996, p. 232.
2 Le Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, le Secrétaire général de l’OCDE, Donald Johnston, le Directeur général du FMI, Hörst Köhler, le Président de la Banque mondiale, James Wolfensohn.
3 L’argumentaire développé par les ONG contre le contenu et les conditions de légitimation du texte est le suivant. Premièrement, le Secrétaire général des Nations unies n’aurait jamais dû cosigner le texte d’introduction à cette brochure diffusée au moment du bilan intervenant cinq ans après la conférence de Copenhague (1995) sur le développement social. En le faisant, Kofi Annan cautionne les analyses et les pratiques des institutions financières et économiques dominées par les pays du Nord, et engage ainsi l’ONU, sans tenir compte de l’opinion des pays du Sud, bien qu’elle soit l’organisation universelle par excellence. Deuxièmement, comment accepter, sans protester, un texte qui fait de la pauvreté un problème uniquement présent au Sud et qui occulte la responsabilité des institutions financières internationales dans la perpétuation et l’accentuation de cette pauvreté ? Troisièmement, le rapport responsabilise surtout les « pauvres » pour les enjoindre à alimenter la croissance et à augmenter leur productivité ; ses auteurs soulignent par ailleurs la nécessité d’amplifier l’ouverture des marchés des pays du Sud comme un des moyens d’éradiquer la pauvreté. L’ensemble de ce dernier point est inacceptable pour les représentants des ONG.
4 Marc Abélès, « Mises en scène et rituels politiques : une approche critique », Hermès, n° 8-9, 1990, p. 242.
5 Cette expression ne renvoie pas qu’aux discours rigides et codifiés propres à l’URSS de la guerre froide mais de façon plus générale aux propos tenus par l’adversaire. La langue de bois, c’est le parler de l’autre. « Rés.umons les griefs [contre la langue de bois] : troubles de la référence (parler pour ne rien dire), rabâchage (réciter des formules toutes faites), incompréhension de l’auditoire (parler chinois, parler dans le vent), absence de toute possibilité dialogale et critique. Chargée de caractériser un certain discours politique, l’expression langue de bois ne veut-elle pas marquer, tout simplement aujourd’hui, l’échec même du discours ? » Maurice Tournier, Des mots en politique : propos d’étymologie sociale, vol. 2, Klincksieck, Paris, 1997, p. 174.
6 « Elle a réponse à tout parce qu’elle n’énonce presque rien. Ou trop, ce qui revient au même. C’est surtout la langue sans réplique. […] C’est une langue du pouvoir […]. Consensuelle par excellence […], elle sait respecter l’essentiel. » François-Bernard Huyghe, La langue de coton, Laffont, Paris, 1991, p. 12.
7 François-Bernard Huyghe, op. cit., p. 22.
8 Nous partirons de cet extrait pour dégager certaines des caractéristiques du texte en avançant à titre d’hypothèse que celles-ci (ou certaines d’entre elles ?) se retrouvent de façon générale dans des documents à vocation mondiale. Chemin faisant, et pour illustrer ces particularités, nous nous référerons à d’autres citations tirées du même texte, Un monde meilleur pour tous (ci-après MMPT).
9 Aldous Huxley, Le meilleur des mondes, traduit par Jules Castier, Plon, Paris, 1994 [1932], 284 p. Publié en langue anglaise sous le titre A Brave New World, le roman fantastique d’Aldous Huxley est une charge contre le régime stalinien de l’URSS de l’époque, une satire féroce contre l’anti-utopie que représente le totalitarisme ; ce que l’on retient moins, c’est que Huxley donne à Ford (Henry, l’initiateur du fordisme, qui mit en œuvre le taylorisme) un rôle central. Prophète d’un monde où s’installe le culte de la science et de la technique, c’est en son nom que jurent les personnages : « Nom de Ford ! » Le meilleur des mondes est le monde du progrès indéfini : « Mais la civilisation industrielle n’est possible que lorsqu’il n’y a pas de renoncement. La jouissance jusqu’aux limites extrêmes que lui imposent l’hygiène et les lois économiques. Sans quoi les rouages cessent de tourner », rétorque Mustapha Menier au personnage nommé « Le Sauvage » (Le meilleur des mondes, p. 262).
En anglais contemporain, s’exclamer « It’s a Brave New World ! » signifie : « On n’arrête pas le progrès ! » L’expression choisie par Huxley pour intituler son roman est tirée d’une citation du Shakespeare de La Tempête et renvoie d’un seul coup au drame de 1611 et aux États-Unis de 1932, le fameux Nouveau Monde. « How many goodly creatures are there here! / How beateous mankind is! O brave new World! / That has such people in’t! » (Tempest, V, l)
10 Paul Ricœur, Du texte à l’action : essais d’herméneutique II, Seuil, Paris, 1986, p. 389.
11 On notera qu’il s’agit ici de tendances et non de traits absolutisés du langage.
12 « Pour le meilleur et pour le pire » est l’une des formules vides, donc passe-partout, qui accompagnent fréquemment le postulat de l’inéluctabilité de la mondialisation. Parmi ces formules consternantes de niaiserie, on trouve aussi « la mondialisation [mais tout aussi bien, les biotechnologies, Internet, etc.] sera ce que nous en ferons »…
13 Même si certains ultra-libéraux tiennent le discours inverse lorsqu’ils nous mettent en garde vis-à-vis du caractère fragile et réversible de la mondialisation : « Globalization already has its “human face” ; it wears the smile of opportunities created by the lowering of geographical, financial and technological barriers. […] Globalization, far from being a conquering giant, is a tender plant. […] For the poor of the world, that is nothing but bad news. » Rosemary Righter, Seattle and After, communication au colloque sur la contestation et la gouvernance globale, Université de Lausanne, novembre 2000, p. 18.
14 Marc Angenot, La parole pamphlétaire : typologie des discours modernes, Payot, Paris, 1982, p. 238.
15 Ibidem, p. 174.
16 Ibidem, p. 118.
17 Statement by the Development Caucus to the Committee of the Whole at UNGASS on June 26 2000: « Better World for All or Bretton Woods for All? » Le point d’interrogation est ici purement rhétorique, il simule le choix à faire entre les deux termes d’une alternative tout en exposant le dispositif de ce qui est implicitement présenté comme relevant du piège, ou de la tromperie.
18 Michel Mayer, Questions de rhétorique : langage, raison et séduction, Librairie Générale Française, Paris, 1993, p. 122.
19 MMPT, p. 3.
20 MMPT, p. 2.
21 François-Bernard Huyghe, op. cit., p. 108.
22 « Clairs et transparents, ces chiffres serviront de repères pour tracer l’itinéraire menant vers la réalisation des objectifs et suivre les progrès » (MMPT, p. 2).
23 François-Bernard Huyghe, op. cit., p. 27.
24 « Ces objectifs sont définis de manière précise, et chiffrés pour garantir que nul n’élude ses responsabilités » (MMPT, p. 2), mais aussi, pour faire bonne mesure consensuelle, « des objectifs ne s’imposent pas, ils doivent être choisis de tout cœur. Il appartient à chaque pays de définir les siens, de choisir les voies de son développement, et de prendre ses propres engagements, par la concertation nationale » (ibidem). Un coup de mondialisation suivi d’un coup de barre souverainiste.
25 MMPT, p. 5.
26 Christian Losson, « Contorsions sur la dette », Libération, 22-23 juillet 2000.
27 L’expression est de Chaïm Perelman.
28 « Il est essentiel que tous les partenaires de cet effort de développement poursuivent des stratégies de croissance durable plus rapides, qui favorisent les pauvres » (MMPT, p. 2). « Ce combat contre la pauvreté, il nous faut en sortir vainqueurs, et c’est par notre détermination que tous ensemble nous y parviendrons, pour le bien de tous » (p. 3). « La démocratie doit […] inclure les minorités dans tous les aspects de la vie politique » (p. 20). « Tous les efforts entrepris doivent être guidés par un souci d’équité, afin que tous les groupes de la société progressent » (p. 21). (Notre soulignement).
29 Lorenzo Valentin, « Question de politique éditoriale, questions d’une politique éditoriale », in Le Cahier du Refuge, centre international de poésie Marseille, n° 94, mars 2001, p. 8.
30 Il faudra « des marchés ouverts pour le commerce et la technologie » (MMPT, p. 4), « ouverture des marchés aux échanges, à la technologie et aux idées » (p. 22), « les pays doivent réduire leurs tarifs douaniers et autres barrières commerciales » (p. 22), « il faut donner des moyens d’action aux pauvres – offrir des possibilités aux femmes, ouvrir l’espace politique pour permettre aux pauvres de s’organiser » (p. 20), « Ce type de démocratie ouverte à la participation de tous favorise l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’ouverture de la société civile et la liberté des médias – ce qui peut assurer le respect des droits de l’homme et obliger les gouvernements à tenir leurs promesses et à rendre compte de leurs actions » (p. 20). (Notre soulignement.)
31 François-Bernard Huyghe, op. cit., p. 108.
32 « Tous les efforts doivent être guidés par un souci d’équité, afin que tous les groupes de la société progressent » (MMPT, p. 21).
33 Arnaud Rykner, Paroles perdues : faillite du langage et représentation, José Corti, Paris, 2000, pp. 51-52.
34 « Or, l’existence d’un référent, identifiable avec plus ou moins d’évidence, a dans le procès de communication une fonction pragmatique essentielle : celle de valider l’énoncé. Elle permet en effet au destinataire d’accepter l’énoncé comme un discours vrai, en constatant la conformité de son contenu avec l’état des choses », in Alain Berrendonner, Éléments de pragmatique linguistique, Minuit, Paris, 1981, pp. 110-111. C’est précisément ce qu’ont contesté les représentants des ONG à Genève à propos de l’ensemble du texte. Il y avait désaccord sur la nature des référents et leur existence.
35 MMPT, pp. 20-21. (Notre soulignement).
36 « Là encore le langage, en l’espèce le discours politique, traduit bien ce phénomène dans le passage de l’indicatif (“je pense que”) à l’impératif (“il faut que”). Toute contestation de la parole de l’élu équivaut alors à une mise en cause de l’unité du groupe (le Peuple, la Nation). Cette stratégie rhétorique – “l’effet d’oracle” – est révélatrice : elle offre au porte-parole la possibilité de prendre à son compte la transcendance du groupe, tout en jouant de la dénégation (“ce n’est pas moi qui parle…”). » Marc Abélès, article cité, p. 247.
37 Qui sont : réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population qui vit dans l’extrême pauvreté ; scolariser tous les enfants dans l’enseignement primaire d’ici à 2015 ; progresser vers l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ; éliminer les disparités entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire d’ici à 2005 ; réduire des deux tiers les taux de mortalité infantile et juvénile entre 1990 et 2015 ; mettre les services de santé en matière de reproduction à la disposition de tous ceux qui en ont besoin d’ici à 2015 ; appliquer des stratégies nationales axées sur le développement durable d’ici à 2005 de manière à réparer les dommages causés aux ressources environnementales (MMPT, p. 5).
38 MMPT, p. 4.
39 Marc Abélès, « Pour une exploration des sémantiques institutionnelles », Ethnologie française, vol. XXIX, n° 4, 1999, p. 508.
40 MMPT, p. 2.
41 MMPT, p. 21.
42 MMPT, p. 22.
43 Le titre 9 des Cahiers de médiologie, « Less is more : Stratégies du moins », traite des stratégies de la médiation qui consistent à « mettre plus dans le moins » (cf. p. 3) plutôt qu’il ne fait l’apologie du « moins » en tant que tel… Le « moins » dans ce cahier serait apparenté au light, à la légèreté (Gallimard, Paris, premier semestre 2000).
44 George Lakoff et Mark Johnson, Les métaphores dans la vie quotidienne, Minuit, Paris, 1985 [1980], p. 32.
45 Peter Sloterdijk, La mobilisation infinie : vers une critique de la cinétique politique, Bourgois, Paris, 2000 [1989], 332 p
46 Cf. J.L. Austin, Quand dire, c’est faire, Seuil, Paris, 1970 [1962], et Alain Berrendonner, op. cit., le chapitre 3 est intitulé « Quand dire, c’est ne rien faire ou Actes de langage, gestes, et métacommunication ».
47 Alain Berrendonner, op. cit., p. 90.
48 L’expression est de Berrendonner. Nous ne souscrivons pas pour autant à son analyse de la performativité qui tente de faire pièce à celle de J.L. Austin et de Searle.
49 Un tour sur les sites informatiques où se trouvent ces documents internationaux est édifiant à cet égard. On y découvre un véritable kit de formules qui valent pour les situations et les organisations les plus diverses.
Auteur
Politologue ; chargée de cours à l’Institut universitaire d’études du développement (IUED), Genève.
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