Pratiques de la mondialisation. Une perspective ethnologique
p. 208-226
Note de l’auteur
Traduit de l’allemand.
Texte intégral
1Le terme de « mondialisation » a été galvaudé. L’ethnologie tout comme les disciplines voisines l’utilisent à tort et à travers. De plus, l’ethnologie n’offre guère de concepts qui facilitent l’étude empirique et, partant, la comparaison de tout ce que l’on subsume par « mondialisation » ou que l’on associe avec elle. Elle se sert des théories et des concepts classiques tout en prétendant qu’ils ne correspondent plus aux changements socioculturels d’aujourd’hui. Les métaphores destinées à représenter ces changements se sont multipliées : on parle de flux et de réseaux, de land- et d’ethnoscapes, de créolisation et d’hybridité, de compression et de distanciation, pour ne mentionner que quelques expressions répandues. Le discours lié à ces termes témoigne du caractère peu cohérent et embrouillé de la mondialisation comme nouveau paradigme théorique en ethnologie. La confusion ne règne donc pas seulement quant aux processus de mondialisation eux-mêmes, mais elle affecte encore les discours élaborés à leur sujet.
2D’une manière générale, on transpose l’intensification, à l’échelle mondiale, des réseaux d’activités économiques aux autres sphères de la vie sociale. A la mobilité accrue du capital correspond celle des biens, des personnes, des institutions sociales et de la culture. Dans tous ces domaines, la mondialisation est comprise à la fois comme un processus de dissolution des liens locaux et comme un état (mondialité), où les pratiques des acteurs – entreprises, associations, individus – ne sont plus contenues par les frontières et les entités spatiales existantes. C’est le cas des marchés nationaux, soit de biens, soit financiers, soit du travail et des services, mais aussi de toutes les autres sphères de la vie sociale, telles que la religion, la morale ou encore la culture. Un caractère transnational, voire globalisé, n’est pas seulement le propre des grandes entreprises (comme Nestlé, Maggi, Chevron, Shell…) ou encore des fournisseurs de services comme les banques et les assurances. Leurs « adversaires », à savoir des organisations environnementales ou d’entraide, telles que Greenpeace ou Amnesty International, fonctionnent également sur un mode transnational. Même les grandes associations antimondialistes comme Attac1 s’organisent typiquement de façon transnationale, voire globalisée. Les processus de mondialisation semblent donc inéluctables et proprement englobants. Par ailleurs, ils entraînent des conséquences spécifiques calquées sur les réseaux transnationaux, dont nous ne considérons toutefois ici que celles qui ont retenu l’intérêt des ethnologues et des spécialistes de la culture2. D’une manière générale, il faut mettre l’accent sur deux changements affectant les modes de vivre dans l’ensemble, ainsi que leur reproduction :
l’internationalisation de la culture propre à l’industrie des biens et à celle du divertissement3 – processus souvent désigné par des slogans du genre McWorld ; et
l’appartenance à la fois globale et locale des identités individuelles, restituée généralement à l’aide de métaphores quelque peu maladroites, telles « hybridation » et « glocalisation ».
3Bien que ces mutations ne soient, au fond, que des effets induits de la mondialisation, on s’en sert souvent pour définir cette dernière. Cette observation vaut également pour une série de conséquences affectant l’expérience individuelle, selon l’hypothèse que l’imbrication mutuelle des champs d’action au travers de la mondialisation serait vécue d’une manière spécifique. Souvent, des expériences typiques de la mondialisation sont décrites par des notions telles que la « déterritorialisation », la « multilocalité », le « rétrécissement de la planète », la « compression de l’espace » ou encore l’« accélération du temps » – les deux dernières expressions relatives au changement dans la perception de l’espace et du temps étant souvent dotées d’une validité universelle. Le changement en question peut être décrit de la manière suivante :
la compression de l’espace, c’est-à-dire l’accessibilité croissante de (presque) tous les endroits de la planète, fait disparaître l’isolement et les possibilités de retrait ;
l’accélération du temps, c’est-à-dire l’utilisation croissante de laps de temps même les plus courts, réduit le temps dont on peut disposer librement.
4On dit souvent que les conséquences générales de la mondialisation pour les pratiques quotidiennes aussi bien que la manière dont elles se manifestent dans le contexte spécifique des expériences individuelles n’ont pas seulement amené une transformation quantitative de la sociabilité de l’être humain et de son vécu, mais qu’elles y ont provoqué un changement d’échelle d’ordre qualitatif. En effet, elles se répercutent dans les sociétés locales à travers le monde, tout en exerçant une influence de plus en plus forte sur les contextes dans lesquels se déploient les pratiques individuelles. Et il importe peu ici de savoir si les acteurs ont pris conscience ou non de la mondialisation et de ses effets : qu’ils le veuillent ou non, ils sont bien obligés de l’affronter ou de s’arranger avec elle.
5Parmi les nombreux angles d’approche que l’on peut adopter au sujet de la mondialisation, rares sont ceux qui ont pour point de mire les pratiques, afin de soumettre les présupposés généralisant et souvent peu vérifiés quant aux effets induits de la mondialisation à des considérations d’ordre empirique et réflexif. Ce constat vaut également pour l’ethnologie, qui devrait pourtant y voir un intérêt particulier, axée qu’elle est sur la formation et la reproduction de la localité4. Dans le présent essai, je ne cherche cependant pas à combler cette lacune mais plutôt à montrer comment on peut formuler des questions empiriques à partir d’une perspective de recherche axée sur les pratiques. Ce ne sont pas les résultats eux-mêmes qui m’importent mais la voie qui y mène.
Quoi de neuf dans la mondialisation ?
6Les caractéristiques générales des processus de mondialisation que je viens d’esquisser sont problématiques. Ainsi en est-il de l’affirmation fort ambiguë selon laquelle les changements qu’ils provoquent ont entraîné, du point de vue des pratiques, non seulement un changement quantitatif mais aussi un saut qualitatif : impossible de la vérifier sans autre, ni de l’infirmer. Elle n’en soulève pas moins une série de questions importantes, dont une doit surtout être évoquée : en partant des pratiques, est-il facile de distinguer la mondialisation des autres processus de changement social ? Autrement dit, le terme de « mondialisation » désigne-t-il véritablement un phénomène nouveau ou ne fait-il pas plutôt référence à une nouvelle manière de décrire un changement qui a toujours eu lieu mais qui s’est simplement accéléré au cours du demi-siècle passé ? Inutile de polémiquer ici : ces questions ne sont guère superflues, car c’est seulement en cherchant à y répondre qu’il deviendra possible de rendre pertinent le débat sur la mondialisation, au-delà de son effet de mode intellectuelle.
7Les transformations déjà mentionnées quant à la perception de l’espace et du temps désignent des tendances qu’il est difficile de distinguer, au demeurant, des effets entraînés par d’autres processus de changement social. Ainsi convient-il de souligner que l’accessibilité croissante d’endroits même reculés n’est que le prolongement des progrès techniques réalisés dès l’Antiquité dans le domaine des moyens de transport : voilà un processus qui a provoqué une transformation de la perception du monde et une « compression de l’espace » longtemps avant que le terme de « mondialisation » ne soit lancé. Reste à savoir si la perception actuelle du rétrécissement de la planète diffère par degré ou par nature de celle dont les générations antérieures ont fait l’expérience. Du point de vue ethnologique, il faut se demander également si une perception de l’espace et du temps qui aurait été, en un sens, « globalisée » exerce véritablement une influence déterminante et grandissante sur les pratiques en contexte local, comme l’affirment notamment certaines théoriciens de la mondialisation.
8Par ailleurs, on relève des problèmes conceptuels dans la manière précitée de restituer le changement social en général. En parlant par exemple de la 212 « mondialisation de la culture », on méconnaît que toute attribution de sens présuppose nécessairement une appropriation locale. Un exemple classique est le cube Maggi5. Souvent invoqué pour illustrer ce que l’on imagine être un processus d’uniformisation du goût à l’échelle mondiale, il est produit en réalité en diverses variantes locales qui ne sont pas commercialisées au-delà des régions concernées. Ainsi le cube Maggi africain fort piquant, agrémenté de piment, est inconnu en Europe. On voit clairement que les biens doivent acquérir un sens dans un espace local même s’ils proviennent du marché mondialisé6. De ce point de vue, les craintes d’une uniformisation culturelle du monde, formulées parfois en des termes proprement catastrophistes, ne semblent guère fondées. On s’attendrait plutôt à voir se réaliser un métissage permanent des cultures, correspondant à la seconde tendance mentionnée plus haut.
9Mais le concept même de métissage renvoie à un autre problème conceptuel encore plus lourd de conséquences. Car l’« emprunt » tout comme ses compléments, soit l’« appropriation » et l’« hybridation », présupposent l’existence de deux entités clairement délimitées. C’est seulement sur cette base que l’on peut parler de l’appropriation d’un bien, d’une idée ou d’une institution des uns par les autres. D’une manière similaire, le métissage des cultures présuppose que se soudent des cultures ou des sociétés préalablement distinctes. Par ailleurs, la mondialité désigne un état où, du point de vue des pratiques, il devient impossible de déterminer ce qui appartient à soi et ce qui appartient à l’Autre. Aborder mondialisation et mondialité de cette manière soulève des contradictions, et toute tentative de dépasser celles-ci équivaut à une remise en cause des deux concepts eux-mêmes, voire des présupposés qui les fondent. D’où de nouvelles questions qu’il vaut la peine d’aborder en dépit des difficultés qu’elles soulèvent. Par exemple, on pourrait se demander à partir de quand les attributs de soi et ceux de l’Autre se brouillent au point de ne plus être pertinents socialement. De plus, il s’agirait de savoir s’il n’y a pas toujours eu métissage à un degré variable. On peut enfin se demander dans quelle mesure le concept en question est véritablement utile pour décrire les contextes locaux dans lesquels se déploient les pratiques.
10Impossible de tester le concept de mondialisation là où il s’est formé, par exemple dans les global cities ou dans les milieux où le changement saisonnier du domicile est devenu coutumier7. Il faut plutôt prouver sa validité là où les réseaux transnationaux ne sont guère une évidence même si nous pouvons admettre qu’ils existent ou sont en voie de formation. C’est pourquoi il est plus intéressant d’explorer les processus de mondialisation là où on ne peut pas d’emblée supposer leur existence. Il faut souligner également que le débat sur la mondialisation mène à des résultats contradictoires dans un contexte où ces processus ne sont pas liés à une modernité antérieure, voire au discours correspondant relatif aux théories de la modernisation.
11A cet égard, l’Afrique revêt une importance particulière, qui renvoie également à son positionnement ambivalent par rapport à la modernité. D’un côté, l’Afrique a toujours été considérée comme l’exemple type d’une région « arriérée], comme un continent à jamais resté à la traîne de la modernité. D’un autre côté, l’Afrique a pu être décrite comme un « laboratoire de la modernité], comme un espace social où « tradition] et « modernité] sont en collision directe et ont constitué une relation spécifique, une « modernité africaine]8. Un raisonnement analogue a été proposé au sujet de la mondialisation, selon l’idée que le cas africain montre de manière exacerbée ce qui caractérise les processus en question partout dans le monde. Ainsi, la manière dont s’imbriquent le « local] et le « global] en Afrique caractériserait ces processus dans l’ensemble, même si nous ne nous en rendons pas compte au regard de notre environnement immédiat. Poussée plus loin, cette idée signifie qu’en Afrique, les contradictions et les problèmes de la mondialisation sont éclairés comme par un projecteur, si bien que l’Afrique devrait constituer l’objet privilégié de toute étude empirique9.
Présupposés concernant la mondialisation
12Pour mieux comprendre en quoi consiste une perspective axée sur les pratiques, il faut d’abord expliciter les présupposés qui sous-tendent implicitement ou explicitement la manière dont on se représente la mondialisation. Certains d’entre eux ont déjà été mentionnés et demandent maintenant à être précisés.
13D’une manière générale, on affirme que la mondialisation n’est pas seulement un objet d’étude nouveau en sciences sociales, en histoire ou en sciences de la culture, mais qu’elle décrit une forme inédite du changement social, liée à son tour à une typique10 tout aussi nouvelle des pratiques sociales et des vécus individuels. Cette affirmation, rarement explicitée, suscite des interrogations qui ne sont pas seulement réitérées lors de chaque colloque consacré à la mondialisation, mais qui exigent encore d’être prises en compte d’un point de vue empirique. Plus spécifiquement, elles portent sur les points suivants :
La nouveauté du changement social. L’argument est que le changement social caractérise aussi les époques antérieures et qu’il diffère par degré plutôt que par nature du changement actuel qualifié de mondialisation. S’il y a des différences dans la vitesse et l’étendue du changement, celles-ci sont d’ordre quantitatif et non qualitatif. Dès lors, il importe peu de savoir si on est face à la mondialisation ou à tout autre processus « habituel » de changement, pourvu que ce processus puisse faire l’objet d’une analyse empirique. Voilà une objection fondamentale : le concept de mondialisation est impropre à décrire le changement social parce qu’il fait intervenir une altérité illusoire.
La nouveauté des pratiques sociales. L’argument est que, même si le concept de mondialisation désigne une forme inédite de changement social, cela n’a aucune importance pour les pratiques locales. En d’autres termes : le caractère novateur du changement social ne peut être décrit que sur le plan macrosocial, alors que le plan local, où interagissent acteurs sociaux et individuels, s’y soustrait. Du point de vue de la société, il importe peu de savoir si le changement s’impose dans un monde transformé par la mondialisation ou à la suite, simplement, du « contact culturel », du « contact linguistique », etc. Dès lors, le concept de mondialisation est sans valeur pour décrire et analyser les pratiques locales ; il ne devient utile qu’à un niveau élevé d’abstraction.
La nouveauté de l’expérience et de l’orientation individuelles des pratiques. Les objections à ce présupposé partent de l’idée que, quel que soit le processus de changement social, les expériences de l’acteur individuel sont fondamentalement similaires. En tout temps, l’individu se débat avec l’Autre, mais les manières dont il le fait demeurent comparables en raison des invariants anthropologiques et des potentialités sociales de l’être humain. Si le changement social accéléré est susceptible de structurer l’expérience individuelle, c’est en termes quantitatifs et non qualitatifs. Du point de vue de l’acteur, le changement s’accélère (compression du temps), les distances sociales subjectivement perçues diminuent (compression de l’espace), mais ces processus n’affectent pas fondamentalement la perception du monde et les pratiques individuelles. Bien évidemment, il faut apprendre à se mouvoir dans une mégapole africaine par exemple, mais pour y parvenir on emploie les mêmes moyens que ceux dont on disposait auparavant. On se débrouille au mieux qu’on peut.
14Ces interrogations ont donné lieu à une série de réflexions théoriques, puis méthodologiques, qui renvoient pour la plupart à des questions que je me suis posées en rapport avec mes recherches sur la peinture locale dans les villes de Côte d’Ivoire et du Cameroun. Ma réflexion part de trois questions :
Est-il possible de différencier analytiquement entre la mondialisation et les processus antérieurs de changement social ? (Comme je m’intéresse ici principalement aux pratiques, cette question n’est pas prioritaire, mais elle sera abordée accessoirement à plusieurs reprises.)
Les pratiques sociales relatives à la mondialisation ou qui lui ressortissent diffèrent-elles par essence de celles propres à d’autres processus de changement social ? Relèvent-elles d’une typique ou même d’une classification ? En d’autres termes, est-il possible d’identifier comme telles les pratiques sociales liées à la mondialisation et peut-on les distinguer clairement de toute autre pratique sociale ?
La manière dont l’individu structure son expérience du changement social résultant de la mondialisation diffère-t-elle par nature ou par degré de celle qui accompagne d’autres formes de changement social ? Dans l’affirmative, en quoi consistent ces différences ?
15Tout d’abord, les doutes évoqués plus haut, ainsi que les questions qu’ils suscitent, montrent une chose : la mondialisation fait partie de ces concepts envahissants et généralisateurs qui se réduisent parfois à néant au moment où l’on tente de les appliquer dans une recherche empirique. Indépendamment de la question de savoir si un tel concept fait sens ou non, s’il est nécessaire ou superflu, il convient de réfléchir à la manière dont il pourrait être intégré à une approche critique des rapports sociaux actuels – ce qui ne devient possible, à mon sens, qu’en tenant compte des trois aspects suivants, qui renvoient à leur tour aux présupposés relatifs à la mondialisation :
La circulation. Les processus de mondialisation sont décentrés. La dichotomie centre/périphérie devient obsolète, au même titre que la perspective qu’elle offre sur les rapports de dépendance et de domination. Celui qui s’intéresse prioritairement à la circulation des marchandises, des idées, etc., doit compléter cette perspective par une autre, à savoir celle de
la marchandisation. On ne peut donc retrouver une perspective critique que si l’on prend en compte les divers processus de marchandisation qui vont de pair avec la mondialisation (marchandisation des biens, des services et, par extension, de la culture et du temps). Cependant, les perspectives de la circulation et de la marchandisation se retrouvent aussi dans les théories de la modernisation, si bien qu’elles ne suffisent pas à rendre compte des processus de mondialisation. Il faut donc considérer également
l’expansion. Seule l’intégration de cette troisième perspective permet d’aborder les processus de mondialisation – même s’il n’est pas impossible que l’on puisse distinguer nettement entre la mondialisation et les autres processus de changement social.
Présupposés concernant le changement social
16On a coutume de penser que les choses et les idées que nous associons à la mondialisation agissent de l’extérieur sur les sociétés locales. Tout au moins pense-t-on que les acteurs les identifient de la sorte, qu’ils les considèrent comme quelque chose qui est autre, qui est différent de ce qui leur est propre. D’où l’idée que la mondialisation, étant extérieure aux sociétés « locales », leur impose le changement historique. On est pris ici au piège de la contradiction déjà évoquée : si on ne parvient plus à distinguer dans la mondialisation entre ce qui est intérieur et ce qui est extérieur, ces deux attributs ne peuvent plus guère servir de base d’analyse – ce qui n’empêche pas bon nombre de représentants des sciences sociales de se fier à cet argument ad hoc lorsqu’ils abordent la mondialisation du point de vue des pratiques.
17Gerd Spittler nous donne un exemple qui illustre bien ce problème11. Lorsqu’il a commencé sa recherche de terrain chez les Touaregs Kel Ewey au Niger, il était horrifié de voir chez des nobles que le thé était servi sur un couvercle de toilette retourné, alors que la famille avait sans doute les moyens de s’acheter un plateau en argent. Or, de toute évidence, ses hôtes ne le voyaient pas ainsi. Ils ne considéraient pas l’objet rond en plastique au bord élégamment recourbé comme quelque chose venant de l’extérieur ; leur rapport à cet objet était simplement autre.
18L’idée que la mondialisation impose des contraintes externes aux sociétés locales fait suite à tout un ensemble de concepts et de théories mobilisés dans l’étude du changement social. Jadis, ce dernier était attribué à des conditions ou transformations propres à la nature, à la situation historique, à la lutte des classes, à la technologie, aux règles discursives ou textuelles et, enfin, à la différence – le changement social se faisant par adaptation, par appropriation ou par toute autre stratégie appropriée. Ce sont désormais les sociétés locales qui affrontent le « défi » de la mondialisation, si bien que celle-ci apparaît comme le moteur du changement historique qui, de surcroît, active ces sociétés de l’extérieur. Si les sociétés elles-mêmes ont le choix de s’ouvrir au changement et de l’accueillir ou, au contraire, d’y résister, la mondialisation n’en semble pas moins échapper aux pratiques locales ; de cette manière, implacablement, elle semble déterminer le sort de sociétés individuelles tout en façonnant notre époque dans l’ensemble.
19Pour ma part, je dirais que les acteurs sociaux ont différentes façons d’affronter cette notion d’une culture qui serait de l’intérieur et qui leur serait propre, alors que le moteur « réel » du changement résiderait à l’extérieur. On peut imaginer tout un éventail d’autres options réalisées peut-être plus fréquemment encore par les acteurs sociaux, qu’il ne faut pas perdre de vue. Il ne faut pas non plus oublier que les processus de mondialisation exercent une contrainte par le fait qu’ils traversent les pratiques locales.
20En règle générale, l’hypothèse de la mondialisation en tant que contrainte externe va de pair avec une autre hypothèse, à savoir qu’une société ne change pas à moins d’y être poussée, voire contrainte sous l’emprise d’événements ou d’une nécessité imposée de l’extérieur. Voilà ce que j’appelle l’hypothèse de l’inertie12, qui, au fond, dérive de la mécanique newtonienne : les corps demeurent fixes ou se déplacent de manière uniforme tant qu’aucune force externe ne s’exerce sur eux. Seule une impulsion externe les met en mouvement ou affecte leur direction. D’une manière analogue, les sociétés africaines reproduisent invariablement les structures sociales qui leur sont propres tant qu’une influence externe, en l’occurrence d’ordre global, ne les en empêche. En revanche, la créativité intrasociétale apparaît comme une exception majeure qui se manifeste notamment dans le développement unique de l’Europe moderne.
21Tandis que la théorie sociologique aborde la question de la créativité intra-sociétale (déjà chez Max Weber, dans son traitement du gouvernement charismatique), l’ethnologie semble privilégier l’étude de sociétés tendant perpétuellement vers un équilibre que seul un apport étranger parvient à rompre. Cette conception ne peut pas être dissociée de l’histoire de la discipline, la longue prédominance des modèles d’équilibre étant liée à une centration sur les sociétés segmentaires et la dynamique de leurs structures internes. Mais il ne s’agit pas de substituer les présupposés sous-tendant telle théorie de la société par ceux de telle autre. On sait qu’il existe des sociétés qui s’insurgent de manière répétée et parfois désespérée contre le changement historique. Pour décrire ces cas-là, l’hypothèse de l’inertie peut se révéler pertinente. De même, les figures rhétoriques allant de pair avec l’hypothèse concernée permettent de formuler certaines questions empiriques. On songe ici au processus qui consiste à « exclure » ou à « enclore » ce qui est étranger ou autre dans le but de l’isoler afin de préserver le statu quo : voilà des modes de structuration des pratiques qui, selon des modalités encore à préciser, orientent la manière dont on fait face aux influences externes. Il faut comprendre et étudier l’établissement d’une frontière entre l’intérieur et l’extérieur comme le résultat de pratiques sociales ; on ne peut guère le présupposer comme allant de soi.
22Pour l’étude de toute autre forme de société, l’hypothèse de l’inertie induit plutôt en erreur. Il existe des sociétés qui s’approprient activement ce que d’autres cherchent à exclure ou à enclore ; et il existe des sociétés qui ne considèrent pas comme étant autre ou étranger ce que nous concevons de la sorte, mais qui y voient, au contraire, quelque chose de nouveau qui leur est propre. Il s’ensuit que la mondialisation ne doit pas seulement être comprise comme une manière d’affronter l’Autre. Du point de vue des pratiques, la question est plutôt de savoir comment se forment et se transforment les stratégies et les structurations mises en œuvre.
Les pratiques sociales dans la mondialisation
23Les présupposés généraux au sujet du changement social induit par la mondialisation vont souvent de pair avec des présupposés portant sur les pratiques 219 sociales et individuelles, lesquels ne sont guère plus explicités que les premiers. Sur la base de la réflexion menée jusqu’ici, on peut élaborer une typique complète des pratiques en rapport avec l’Autre au sein des processus de mondialisation ; il me paraît également possible de fonder une typologie sur ces mêmes données. La typique se présente à peu près comme ceci :
24Cette typique oppose aux intentions des acteurs le cours que peuvent prendre les pratiques sociales. Ces processus sont fondamentalement ouverts et soulèvent des questions que seule une étude empirique peut résoudre. Pour déterminer si, dans un contexte d’action donné, on s’approprie ou on exclut ce qui est autre, il faut explorer les pratiques réelles de tous les acteurs concernés. Il peut y avoir alternance de pratiques individuelles, qui finissent par donner lieu, dans l’ensemble, à une forme d’« expérimentation » plus ou moins poussée et d’une durée variable. Bien évidemment, ce processus peut se solder par la remise en cause de données et de valeurs culturelles (par exemple le fait de qualifier quelque chose de nouveau comme « dangereux » ou, inversement, comme « souhaitable »). Les pratiques en question sont donc réversibles.
25En outre, il est possible de formuler pour les différentes pratiques individuelles certaines conditions qui présupposent toujours une action, même en cas d’hétérogénéité ou de réception passive. Pour qu’il y ait appropriation active, il faut par exemple que ce qui est autre soit valorisé ou que l’on y aspire. Inversement, le fait de renoncer à l’ancien présuppose que l’on attribue une valeur négative à ce qui est à soi. L’attribution de telles valeurs est une forme de pratique qui possède son histoire propre et doit être soumise à une étude empirique.
26Mais tous ces éléments ne suffisent pas à caractériser les pratiques sociales dans les processus de mondialisation. Car la typique esquissée ici s’applique aussi à d’autres modèles du changement social, par exemple le « contact culturel ». Comme il a déjà été dit, pour déterminer la pertinence de la mondialisation pour les pratiques locales, il faut pouvoir identifier des critères permettant de différencier entre la mondialisation et d’autres processus de changement social. Je propose de formuler ces critères en tenant compte de l’intensification des réseaux transnationaux tout en les rapportant à la variabilité des champs d’action individuelle. Dès lors, étudier les pratiques de la mondialisation signifie mettre en relief l’interdépendance entre
l’imbrication croissante des contextes locaux dans lesquels se déploient les pratiques à travers des distances sociales et spatiales qui ne permettent plus un échange direct entre acteurs mais conduisent à une compression grandissante de l’expérience mutuelle ;
la dissolution progressive des champs de structuration des pratiques individuelles et sociales et, partant, une nécessité accrue de renégocier la capacité d’action sur le plan individuel et collectif (c’est-à-dire l’identité) dans un monde où tout se mêle et se confond.
27Abordé sous cet angle, le concept de mondialisation n’est pas confiné à une époque historique donnée mais se réfère à une tendance générale du changement social que l’on peut observer longtemps avant l’introduction du concept. Il n’évoque pas non plus un processus téléologique dont le résultat pourrait être anticipé ou interprété en termes d’« uniformisation » ou de « particularisation ».
28Il n’en devient pas moins possible de saisir le changement qualitatif affectant la structuration de l’expérience sociale, culturelle et individuelle du processus en question. Sur le plan individuel, on peut établir un rapport entre des cadres typiques d’expérience et l’échange toujours plus indirect parmi les acteurs, allant de pair avec une dislocation des champs d’action. De toute évidence, il faut donc s’interroger sur les effets induits de la mondialisation qui, comme il a déjà été dit, sont souvent mis à contribution lorsqu’il s’agit de définir la mondialisation :
Il devient toujours plus difficile de faire une différence entre sa patrie et d’autres régions, pays ou continents et leurs habitants. D’où diverses formes de multilocalité et, inversement, des tentatives toujours plus poussées de se replier sur ce qui est à soi, considéré jusqu’ici comme étant en lieu sûr, face à l’Autre menaçant.
Il devient de plus en plus difficile de déterminer son identité propre – comprise ici comme la certitude intuitive de sa propre compétence d’action – face à l’Autre.
La sédimentation du savoir local ne présente plus le même degré de fiabilité ; les connaissances acquises perdent de plus en plus rapidement de leur validité.
L’élaboration de projets de vie devient de plus en plus incertaine ; le besoin de les réviser et de les adapter aux conditions changeantes se fait sentir à des intervalles de plus en plus rapprochés.
29Il s’ensuit que la mondialisation peut être considérée comme une rupture irréversible avec le passé, étant donné le caractère simultané des expériences faites d’une telle transformation du monde, des modalités changeantes de la percevoir et d’y concevoir des possibilités d’action. Mais on peut tout aussi bien y voir un changement accéléré dont les racines remontent plus loin dans le temps. Du point de vue des pratiques, la question de savoir si une société ou des milieux spécifiques sont parties prenantes de la mondialisation et dans quelle mesure ce changement qualitatif est vécu comme une rupture ou comme une continuité ne peut être résolue qu’à l’aide d’études de cas susceptibles de servir, à leur tour, de base de comparaison.
Un exemple : télévision et vidéo en Afrique de l’ouest
30L’utilisation de la télévision et de la vidéo en Afrique de l’Ouest montre les modalités d’imbrication des processus et des champs d’action à la fois locaux et globaux. L’expansion rapide de la télévision, avec en particulier la diffusion de séries occidentales – dont de nombreux soap operas –, est souvent invoquée comme l’exemple type de la domination mondiale de l’industrie occidentale de la culture13. Dans de nombreux pays en Afrique de l’Ouest, citadins et même ruraux ne sont guère moins familiarisés avec Dallas et Dynasty que les habitants des banlieues d’une métropole américaine ou européenne14.
31L’extraordinaire popularité des séries importées a peu retenu l’intérêt des ethnologues, qui ont tendance à privilégier la production culturelle locale. Cela est dû en partie à l’histoire d’une discipline vouée en particulier à l’étude de la « tradition », si bien qu’elle a tendance a considérer tout apport externe comme une déviation de la culture authentique. En d’autres termes : l’important, c’est l’originalité et l’« authenticité » dans lesquelles on cherche souvent à enfermer les membres de ces sociétés15. De cette manière, l’approche, déjà évoquée, des cultures en tant qu’entités spatiales et sociales distinctes inter-agissant entre elles a conduit à l’exclusion d’éléments culturels non produits localement, qui sont qualifiés implicitement comme étant dépourvus de pertinence16. Une autre raison expliquant le manque d’intérêt des ethnologues envers les produits de l’industrie internationale de la culture tient aux méthodes de l’ethnologie classique : l’entretien et l’observation participante n’offrent qu’un accès partiel à la production et à l’utilisation de tels médias. La solution de facilité consiste donc à dénoncer les séries internationales comme l’expression de l’impérialisme culturel de l’Occident qui, à la longue, risque de balayer les cultures locales. De cette manière, on reproduit toutefois le modèle d’interprétation que l’on prétend récuser : d’un côté un Occident monolithique déterminant le sort du reste de la planète, de l’autre une panoplie de sociétés locales subalternes.
32Ce dont ce modèle ne rend pas compte, c’est que la plupart des séries ne viennent plus de l’Occident, notamment des Etats-Unis. La plupart des stations nationales de télévision diffusent maintenant des telenovelas du Brésil. Dans le nord du Nigeria, ce sont les films indiens qui ont trouvé un public de masse. Contrairement à l’Afrique de l’Est, leur expansion ne peut pas être expliquée par une diaspora influente de commerçants originaires de l’Inde ; or, ces films ont trouvé leur public parmi les Haussa, établis dans la région depuis des siècles – milieu pourtant loin de chercher à se faire une image de ses propres origine et identité culturelles à l’aide de ces films. Une explication de l’expansion massive des films indiens est à chercher du côté de la technique. La plupart des films sont diffusés aujourd’hui par vidéocassette. Tandis que les familles aisées peuvent visionner les cassettes chez elles, les gens ayant des moyens plus limités se rendent dans ce qu’on appelle les video parlors. Il s’agit de salles rarement plus grandes qu’un séjour normal, munies d’un magnétoscope et d’une télévision ainsi que de quelques rangées de chaises ; l’entrée est bon marché17.
33Il faut s’intéresser ici notamment aux processus que les spectateurs locaux mettent en œuvre pour se faire une image, à proprement parler, de l’univers décrit dans de tels films ou séries. Les médias, en particulier les médias électroniques de l’image, créent un lien entre différentes sociétés et leurs cultures. Ce qui apparaît à l’écran en Afrique de l’Ouest, ce ne sont pas seulement d’autres êtres humains, mais aussi des images d’autres sociétés et d’autres cultures. Bien évidemment, tout ce qu’on y voit n’est pas toujours pertinent pour la vie en Afrique de l’Ouest. Mais il serait erroné de rejeter les séries télévisées comme étant dépourvues de sens pour le spectateur ouest-africain. Comment expliquer sinon le succès des soap operas et des telenovelas à travers toute l’Afrique de l’Ouest ? En établissant des liens entre différentes cultures, ces films offrent une illustration éloquente de certains changements qui affectent la structuration des pratiques sous l’emprise de la mondialisation, telle l’imbrication croissante des champs d’action locaux par-delà les distances sociales et spatiales. Bien qu’il n’y ait pas d’échange direct entre acteurs, l’expérience d’autres sociétés et cultures s’étoffe – même si ces dernières sont le plus souvent des produits de l’imagination18.
34Il faut admettre toutefois que l’emprise des séries télévisées dépend de certaines conditions. Pour que le spectateur les voie, les vive et les (re)connaisse en tant que modèles de rechange de sa propre société, il faut que les formes d’organisation sociale et les normes culturelles mises en scène renvoient à un contexte plus ou moins stable de rapports sociaux. Autrement dit, il faut que les films adoptent un modèle narratif que le spectateur peut appréhender comme tel – le qualificatif de « narratif » n’étant pas à prendre ici au sens littéral ; il se réfère plutôt au fait que la conception et l’enchaînement de l’action puissent être compris sans recours à un récit transmis dans une langue que l’on maîtrise.
35On le voit avec la manière dont le public haussa au Nord du Nigeria s’approprie les films indiens19. Dans les grands cinémas, ces films sont montrés avec des sous-titres anglais. Mais nettement plus fréquente est leur diffusion par des vidéocassettes qui arrivent dans le Nord du Nigeria par toutes sortes de chemins. Le public, qu’il regarde ces cassettes à la maison ou dans un video parlor, est plus nombreux que celui qui fréquente les cinémas officiels. Les cassettes sont en hindi et sans sous-titres, si bien que la grande majorité des spectateurs n’est pas en mesure de suivre les dialogues – ce qui n’a pas empêché l’extraordinaire succès des films indiens. Dans le nord du Nigeria, ceux-ci ont ainsi fini par se substituer aux films américains, à tel point qu’il n’y a plus aujourd’hui de diffusion de films américains au Nigeria20.
36Pour expliquer ce phénomène, il faut distinguer deux aspects, à savoir les conditions de la pratique esthétique et les conditions sociales de l’expérience du vécu. Les films indiens se caractérisent par un style spécifique et se fondent sur une structure narrative facilement reconnaissable. Le plus souvent, ils sont tirés des épopées religieuses du Mahabharata et du Ramayana, d’où leur haut degré de continuité. Les lignes directrices du récit suivent des modèles bien connus et les épisodes individuels sont faciles à reconnaître. D’une manière similaire, chaque protagoniste – le héros, la mère, l’ami, etc. – incarne des valeurs morales spécifiques. Une fois qu’on s’est familiarisé avec la structure narrative des films indiens, il devient aisé de les traduire dans les termes d’une autre culture – même si on ne maîtrise pas le hindi.
37Par ailleurs, il y a des parallèles dans le vécu, du moins du point de vue des Haussa. Un thème récurrent des films indiens est la confrontation entre les valeurs de sa propre société, en bref, la « tradition », et celles de la modernité et de l’Occident. Par exemple, de part et d’autre se pose la question de savoir s’il faut recourir à sa langue (là le hindi, ici le haussa) ou à l’anglais lorsqu’on traite avec les autorités ; il en va de même pour la question de savoir s’il faut se marier par amour ou suivre les conventions instituées au fil des générations en fonction des rapports d’alliance. En dépit de tout ce qui sépare la société hindoue de l’Inde et celle des Haussa musulmans du Nigeria, les films indiens sont susceptibles de créer un espace social imaginaire où l’on peut explorer les frontières entre ce qui est souhaitable du point de vue individuel, ce qui est défendable du point de vue moral et ce qui est acceptable du point de vue social. C’est l’utilisation des films, non les films eux-mêmes, qui reflète l’un des traits structurels de la mondialisation déjà évoqués, à savoir la dissolution progressive des champs de structuration des pratiques individuelles et sociales et, partant, une nécessité accrue de renégocier l’identité individuelle et collective dans un monde qui devient de moins en moins lisible.
38Bien sûr, il ne suffit pas de décrire de tels processus simplement à l’aide d’artefacts importés, comme le montre d’ailleurs tout l’éventail des possibilités qui existent pour un seul média. Dans le Sud du Nigeria, les films indiens ne sont de loin pas aussi répandus que dans le Nord. On y rencontre plutôt une industrie locale de la vidéo, très prolifique21, qui utilise les grandes langues véhiculaires du Sud et l’anglais. Parmi les producteurs, on trouve d’anciens élèves de divers cours de cinématographie, des entrepreneurs privés, mais aussi les nouvelles Eglises. Ces vidéos abordent également des thèmes de la vie moderne, notamment dans les grandes villes, à propos desquelles plusieurs genres ont émergé, dont les city life videos22. Les vidéos religieuses sont un autre genre qui, tout en mettant en scène les conflits caractéristiques du monde contemporain, n’offre cependant comme solution que la religion. Certains producteurs occupent en même temps des postes à responsabilité dans les Eglises, d’autres ont écrit les scénarios et jouent divers rôles dans les films23. On ne peut guère parler ici d’« instillation » ni d’« appropriation » de formes culturelles existantes par la mondialisation. On constate plutôt l’émergence de quelque chose d’inédit qui ne se réduit pas à un amalgame de l’ancien et du nouveau. Dès lors, repenser ce genre de phénomène, c’est relever véritablement le défi que la mondialisation représente pour l’ethnologie.
Notes de bas de page
1 Association pour une taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens et citoyennes. Le slogan Le monde n’est pas une marchandise ou encore The world is not for sale, sur la page d’accueil d’Attac, est significatif à cet égard (voir <www.attac.org/indexla.htm>, 17 mars 2003).
2 Mis à part l’ouvrage de Jörg Dürrschmidt, Globalisierung, Bielefeld, Transcript Verlag, 2002, voir aussi, pour une introduction à ces hypothèses fondamentales – et en dépit de toute critique – Ulrich Beck, Was ist Globalisierung ; Irrtümer des Globalismus – Antworten auf Globalisierung, Frankfurt a.M., Suhrkamp, 2001, et idem (ed.), Die Modernisierung der Moderne, Frankfurt a.M., Suhrkamp, 2001 ; pour un point de vue ethnologique, voir également Arjun Appadurai, Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation, Paris, Payot, 2001 (trad. française de Modernity at Large : Cultural Dimensions of Globalization, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1996), et Brigitta Hauser-Scháublin, Ulrich Braukámper (eds.), Ethnologie der Globalisierung, Berlin, Reimer, 2002.
3 Voir, entre autres, l’ouvrage collectif de Diana Crane, Global Culture, London ; New York, Routledge, 2002, ainsi que La mondialisation culturelle, de Gérard Leclerc, Paris, Presses Universitaires de France, 2000.
4 C’est à Arjun Appadurai (op. cit.) que nous devons le cadre d’analyse à appliquer à cette problématique centrée le plus souvent sur les processus d’appropriation.
5 Voir Monique Pivot, Maggi et la magie du bouillon Kub, Paris, Hoëbeke, 2001, et les essais brillants d’Al Imfeld.
6 En ethnologie, c’est à Arjun Appadurai (op. cit., pp. 178-200) que l’on doit une première théorisation de cette « production de la localité ». Pour une illustration éloquente de tels processus en Afrique, voir Kurt Beck, « Die Aneignung der Maschine », in New Heimat, Karl-Heinz Kohl (ed.), New York, Lukas & Sternberg, 2002, pp. 66-77.
7 Pour une approche générale, voir par exemple Saskia Sassen, Global Cities, Frankfurt a.M., Iko-Verlag, 2001.
8 Voir, entre autres, Jean Comaroff, John Comaroff (eds.), Modernity and Its Malcontents: Ritual and Power in Post-Colonial Africa, Chicago, University of Chicago Press, 1993 ; Jan Georg Deutsch et al. (eds.), African Modernities, Oxford, James Currey, 2002.
9 Approche illustrée jusqu’à un certain point par Jean-Loup Amselle, « Globalization and the Future of Anthropology », African Affairs, nº 101, 2002, pp. 213-229.
10 A ce stade, il me paraît essentiel de distinguer entre les nouveaux modes d’interaction sociale, qui obéissent à une « typique » différente (en allemand Typik), et la typologie que les ethnologues construisent pour caractériser les modalités du changement social. La première est un fait de la vie quotidienne, la seconde le résultat de l’analyse du social.
11 Gerd Spittler, « Globale Waren – Lokale Aneignungen », in Brigitta Hauser-Schäublin, Ulrich Braukämper (eds.), Ethnologie weltweiter Verfiechtungen, Berlin, Reimer, 2002, pp. 15-30.
12 On en trouve un exemple dans la force d’inertie des sociétés contemporaines face au changement climatique : les sociétés occidentales ne changeront pas tant qu’elles n’y seront pas forcées sous l’emprise d’événements externes probablement catastrophiques.
13 Voir à ce sujet les diverses contributions dans James Curran, Michael Gurevitch (eds.), Mass Media and Society, London, Edward Arnold, 1991.
14 A côté des soap operas américains, d’autres produits d’exportation ayant du succès en Afrique sont des séries allemandes plus anciennes, comme Der Kommissar et Derrik.
15 Voir la critique fondamentale formulée à ce sujet par Johannes Fabian, Time and the Other, New York, Columbia University Press, 1983.
16 Une grande partie du débat sur la culture populaire en Afrique est aux prises avec cette dichotomie. Voir par exemple l’introduction de Karin Barber à son ouvrage bien connu, Readings in African Popular Culture (Oxford, James Currey, 1992).
17 Les données relatives à l’étendue et au degré d’utilisation des différentes formes de diffusion sont peu fiables. La plupart des publications concernent la production de vidéos locales (voir par exemple Nwachukwu Frank Ukadike, Black African Cinema, Berkeley, CA, University of California Press, 1994 ; Hyginus Ekwuazi, Film in Nigeria, Bodija, Ibadan, Moonlight Publishers, 1987). C’est seulement au cours de la dernière décennie que l’on s’est intéressé à l’utilisation et au visionnement des vidéos (voir par exemple Brian Larkin, « Indian Films and Nigerian Lovers : Media and the Creation of Parallel Modernities », Africa, vol. 67, nº 3, 1997, pp. 406-439 ; Jonathan Haynes (ed.), Nigerian Video Films, Jos, Ibadan, Kraft Books, 1997; Till Förster, Onookome Okome (eds.), Modes of Seeing and the Video Film in Africa, Basel, à paraître).
18 Pour une approche générale, voir David Morley, Kevin Robins, Spaces of Identity : Global Media, Electronic Landscapes, and Cultural Boundaries, London, Routledge, 1995.
19 Pour cet exemple, je me base sur Brian Larkin (op. cit.) et Mohammed M. Munkaila, Emman Frank Idoko, « Hausa Video Films and the Globalisation Process », in Modes of Seeing and the Video Film in Africa, Till Förster, Onookome Okome (eds.), Basel, à paraître.
20 Michel Issa, responsable, Cinema Distribution Circuit, 1995 (entretien dans Brian Larkin, op. cit.).
21 Etant donné l’apparition rapide de copies pirates, il faut qu’un film rapporte du profit en très peu de temps. Après deux ou trois semaines déjà, les copies pirates se substituent aux originaux (Hyginus Ekwuazi, directeur du National Film Institute Jos, communication personnelle, 2002). Ce qui explique en grande partie la productivité exceptionnelle, en termes numériques, de l’industrie nigériane de la vidéo, laquelle met chaque semaine plusieurs nouveaux films sur le marché.
22 Un film typique et déjà ancien de ce genre est Onome, tourné en anglais mais dont tous les acteurs viennent du delta du Niger et sont des Urhobo (cf. Onookome Okome, « Onome : Ethnicity, Class, Gender », in Jonathan Haynes [ed.], op. cit., pp. 83-92).
23 Citons le cas de Helen Ukpabio de Calabar, dont les films, tel The End of the Wicked, suivent tous le même schéma : après maints excès de sorcellerie, c’est elle qui, en tant que représentante de son Eglise, apporte le salut aux personnes concernées. Ses films sont produits en anglais, mais de nombreux films de ce genre, que l’on pourrait qualifier de « vidéos alléluia », sont tournés dans les grandes langues du Sud, notamment le yoruba et l’igbo.
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Côté jardin, côté cour
Ce livre est cité par
- Meloni, Pietro. (2017) Advances in Media, Entertainment, and the Arts Design Innovations for Contemporary Interiors and Civic Art. DOI: 10.4018/978-1-5225-0666-9.ch004
- (2005) A propos.... Innovations, 21. DOI: 10.3917/inno.021.0273
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