Partie I. La bonne foi et les sources du droit international – Section III. Bonne foi et actes unilatéraux
p. 323-338
Texte intégral
1. La notion d’acte juridique unilatéral
1L’acte juridique unilatéral est difficile à définir car ses facteurs constitutifs ne relèvent pas d’un donné immédiat mais d’une construction de l’esprit. Tout acte composite peut être décomposé en une série d’actes isolés et unilatéraux. Pour circonscrire la notion spécifique d’actes juridiques unilatéraux en droit international d’importants efforts de définition sont nécessaires1. Le caractère fuyant de cette notion essentiellement relative lui confère une plasticité extraordinaire.
2Les actes unilatéraux connurent une première faveur doctrinale à la suite de l’arrêt rendu par la CPJI sur le Groënland Oriental (1933). La Cour y consacra une déclaration unilatérale du ministre des affaires étrangères norvégien portant sur la reconnaissance de droits souverains territoriaux2. C’est surtout les doctrines allemande et italienne qui s’en préoccupèrent. Ces écoles étaient portées à l’analyse conceptuelle et dotées d’une puissante tradition civiliste de l’acte juridique (Rechtsgeschäft, negozio giuridico)3. Fortement influencés par le volontarisme dont étaient empreintes ces cultures juridiques au début du siècle, les auteurs eurent tendance à expliquer le régime de ces actes en ayant recours au concept de volonté. Mais il était difficile de maintenir ainsi l’autonomie de ces actes. Les tentatives de les bilatéraliser, de les ramener au giron conventionnel, pour ainsi mieux les intégrer dans les constructions acceptées du phénomène juridique, ne manquèrent pas4. Dans d’autres cas, l’effort de maintenir une autonomie juridique à ces actes s’est traduit par des définitions négatives : « Transactions other than negotiations and treaties fall under the broad category of unilateral acts… »5. Notre problème n’étant pas celui de la définition de ces actes, il suffira de préciser ce qui suit à propos de leur nature.
3– L’acte unilatéral dont il s’agit ici est un acte juridique, c’est-à-dire une manifestation de volonté émanant d’un ou de plusieurs sujets de droit international et destinée à créer des effets juridiques correspondant à la volonté exprimée. Il s’agit d’une procédure normatrice régie par le droit international6.
4– L’acte unilatéral se caractérise ensuite par l’imputation juridique à un seul sujet de droit international ou à une pluralité de sujets coordonnés entre eux (unus latus ; actes collégiaux) dans la perspective d’effets de droit non pas inter se, mais envers des sujets tiers. L’acte unilatéral ne se caractérise pas par le nombre de sujets participants ou de volontés exprimées, mais par la situation ou la localisation des auteurs de l’acte au regard des normes posées. L’acte sera unilatéral non parce qu’il émane d’un sujet unique, mais parce qu’il a pour destinataire(s) des sujets extérieurs au cercle des auteurs7.
5– L’acte unilatéral normateur se caractérise aussi, quant à son efficacité juridique, par une certaine autonomie par rapport à d’autres manifestations de volonté. En cas contraire il s’agit d’actes unilatéraux dépendants, le plus souvent conventionnels. Tel est le cas de la signature, de la ratification, de l’adhésion ou des réserves dans le contexte du droit des traités8.
6– Il y a ensuite les conditions de validité de l’acte unilatéral qui ne font plus à strictement parler partie de sa définition. Sont évoqués à ce titre des questions d’imputabilité et de capacité subjectives, de licéité de l’objet, de convenance des formes (publicité), de la nécessité de réception, de l’intention de créer une norme de conduite juridique et non seulement politique, de précision suffisante de l’engagement, etc.9
7La classification des actes unilatéraux fait généralement appel à des catégories perçues sous l’angle du sujet déclarant : création d’une nouvelle obligation ; abandon de droits ; confirmation de droits10. Sont constitutifs de nouvelles obligations la promesse et la reconnaissance. La renonciation fait partie de la deuxième catégorie. La protestation relève de la troisième catégorie, car elle préserve les droits menacés par les principes du silence qualifié ou de la prescription. La position de la notification est controversée car certains auteurs refusent de la considérer comme étant un acte juridique11.
8La question qui nous intéresse est la suivante : les actes juridiques unilatéraux sont-ils obligatoires ? Quelle est la base juridique de leur caractère obligatoire ? Une fois de plus la lutte est engagée entre les explications subjectives et le fondement objectif résidant dans la bonne foi12.
2. Le fondement juridique d’une obligation issue d’actes juridiques unilatéraux
9La question de la valeur et du fondement des actes unilatéraux a été parmi les plus controversées en droit international. Les théories les plus diverses ont été soutenues (notamment par la doctrine italienne), si bien que l’on a pu s’interroger sur la possibilité de soumettre en définitive le régime de ces actes à une conceptualisation juridique. En soumettant cette corne d’abondance à un examen serré, on s’aperçoit que les explications proposées peuvent être ramenées à six théories13.
a) La théorie de l’absence de force obligatoire
10Selon une première manière de voir, l’acte unilatéral n’a aucun statut juridique indépendant en droit international. Quelle que soit sa valeur politique, il n’oblige pas en droit14. L’acte unilatéral n’a de valeur en droit que pour autant qu’une norme lui attribue un pouvoir juridique particulier. En droit interne c’est le fait de la loi. En droit international l’acte unilatéral n’est pris en compte que dans le contexte conventionnel, car on ne saurait créer une norme internationale sans le consentement des sujets parties au rapport juridique15. Le dogme consensualiste du droit international commande la mise à l’écart des actes unilatéraux en tant que source indépendante d’obligations.
b) La théorie du processus conventionnel
11D’autres auteurs, proches de cette première catégorie, n’attribuent de force juridique à l’acte unilatéral que pour autant qu’il s’inscrit dans un processus conventionnel. L’acte unilatéral est une offre. Son statut normatif dépend de l’acceptation16. La différence qui justifie la mention indépendante de ce groupe d’auteurs est qu’ils se montrent plus favorables à l’acte unilatéral en assouplissant la forme de l’acceptation : celle-ci peut être tacite, et même, en cas d’avantages conférés par l’acte en question, se présumer17. L’accord sombre ainsi dans la fiction et l’acte jouit en fait sinon en théorie de tous les attributs de l’unilatéralité.
c) La théorie de l’obligatoriété fondée sur la volonté unilatérale du déclarant
12Un troisième courant doctrinal fonde l’obligatoriété de l’acte unilatéral sur la volonté unilatérale du déclarant, susceptible de créer une norme par l’imposition de devoirs à ce déclarant et l’attribution de droits correspondants à un bénéficiaire. Cette construction prend appui sur la doctrine de la pollicitatio développée par le droit romain de l’époque de Justinien18. Parfois elle s’appuie sur l’ancienne doctrine de l’autolimitation19.
d) La théorie de l’obligatoriété fondée sur une norme coutumière ou un principe général de droit (promissio est servanda)
13Une série d’auteurs fondent la valeur obligatoire des actes unilatéraux sur une coutume ou un principe général de droit. Ils invoquent à l’appui la pratique20. La norme invoquée est une norme blanc-seing. Elle n’a aucun contenu matériel, se résumant à conférer force obligatoire à l’expression d’une volonté : pollicitatio est servanda ; promissio est servanda.
e) La théorie de l’obligatoriété fondée sur l’estoppel
14Certains auteurs attribuent un contenu matériel au principe qui confère force obligatoire aux actes unilatéraux. Souvent ils s’arrêtent au principe d’estoppel qui fait une large place à des considérations de confiance légitime. Le sujet déclarant crée les conditions pour que d’autres sujets se fondent sur son acte. Dès lors il n’est plus libre de revenir sur son acte, de le modifier ou de le révoquer au détriment d’autrui21.
15Le recours à l’estoppel pour fonder le caractère obligatoire des actes unilatéraux sans l’appui d’autres concepts rencontre certaines difficultés. Il est des critiques qui ne semblent pas décisives. C’est le cas quand on affirme que trop d’incertitudes entourent la notion d’estoppel sur le plan du droit international pour qu’il soit bon d’y recourir afin d’expliquer le fondement d’une catégorie d’actes juridiques22. Si l’on s’en tient à la pratique, force est de constater que malgré quelques incertitudes propres à tout concept général, la doctrine de l’estoppel est solidement assise dans l’ordre juridique international.
16Il est d’autres critiques plus importantes. Certains auteurs estiment que l’opération du principe d’estoppel est exclue lorsqu’il s’agit d’actes juridiques (volontaires) et non de comportements de fait. L’acte juridique, contrairement aux comportements de fait, est par définition obligatoire en vertu de la volonté de créer des effets de droit. Puisque la volonté qualifiée par une règle de droit créé elle-même le servandum, l’estoppel ne saurait faire que double emploi23. Cette argumentation repose sur une équivoque. En premier lieu, tout acte étatique, normateur ou non, volontaire ou non, est aussi un fait. C’est un problème de définition de savoir si une telle catégorie de faits est accessible à une forclusion. En serrant encore davantage la question apparaît l’équivoque : les auteurs qui excluent l’opération de l’estoppel estiment que l’acte unilatéral est obligatoire à cause de la seule volonté du déclarant. Au contraire, ceux qui recourent à l’estoppel ne versent guère dans le superflu, car ils s’opposent à attribuer un rôle décisif à la volonté et estiment que l’obligation ne découle que de l’effet de forclusion lui-même.
f) La théorie du fondement de la bonne foi
17De nombreux auteurs font une place considérable dans leurs développements sur le fondement du caractère obligatoire des actes unilatéraux à la bonne foi objective, à la stabilité et à la confiance nécessaires aux rapports internationaux. L’estoppel garde un rôle important, mais il s’inscrit désormais dans le creuset plus général de la bonne foi-confiance. A titre d’exemple, voici comment s’exprime Reuter : « Cette affirmation [du caractère obligatoire de la promesse] est basée sur le principe de la bonne foi et plus spécialement sur l’obligation de respecter les convictions que l’on fait naître par son comportement »24. Cette position est défendue par la majorité de la doctrine récente. L’un des premiers auteurs à aller dans ce sens fut Stowell25. Il a été suivi par Leutert26, Müller27, Sicault28, Suy29, Venturini30, De Nova31, Carbone32, Khosla33, Franck34, Fastenrath35, Verdross/Simma36, et bien d’autres37.
3. Pratique diplomatique et jurisprudence dégageant le critère de la bonne foi
18La pratique et la jurisprudence nationale et internationale38 ont assez fréquemment eu à connaître de situations impliquant des actes unilatéraux tels qu’une reconnaissance ou une protestation39. Il est plus rare que des juridictions appelées à trancher ces litiges se soient exprimées sur le fondement juridique des actes unilatéraux. C’est encore plus rarement que la pratique diplomatique fournit d’utiles informations à cet égard. Mentionnons toutefois certaines prises de position dans le contexte de l’annexion française de Madagascar le 6 août 1896, suivie du rejet de traités préexistants par la République française. En cela la France suivit une pratique bien établie40, ce qui fut reconnu par les juristes de la Couronne de Sa Majesté britannique. Sir Robert Finlay contesta cette façon de voir sur la base de certaines assurances unilatérales qui auraient été données par la France et qui rendraient son comportement « incompatible avec la bonne foi »41. D’une manière plus nette, la Direction du droit international public du Département politique fédéral suisse, dans une note en date du 2 avril 1979, fit savoir qu’à son avis les actes unilatéraux engagent l’Etat sur la base de la bonne foi et de la protection de la confiance42.
19Quelques affaires relevant de tribunaux internes font état de la bonne foi comme fondement du caractère obligatoire des actes unilatéraux. Ainsi, dans l’affaire West Rand Central Gold Mining (1905) dont a connu la King’s Bench Division anglaise, Lord Alverstone, juge rapporteur, s’exprimait comme suit : « We can well understand that, if by public proclamation or by convention the conquering country has promised something that is inconsistent with the repudiation of particular liabilities, good faith should prevent such repudiation »43. Le rôle fondateur de la bonne foi est reconnu aussi dans quelques plaidoiries44 et opinions individuelles de juges à la Cour de La Haye45. Parfois la validité d’une promesse unilatérale est admise sans plus46.
20Le locus classicus en la matière est constitué par les arrêts dans les affaires des Essais nucléaires de 197447. Entre 1966 et le début des années 1970 la France procédait à des essais nucléaires atmosphériques dans les sites de la Polynésie française. Quelques Etats du Pacifique Sud s’estimant lésés par l’effet des retombées nucléaires et invoquant l’entorse faite au principe de la liberté des mers tentèrent d’obtenir de la France l’abandon de ce type d’essais. Suite à l’information qu’une nouvelle série de tels essais devait commencer dès 1973, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, après protestation, portèrent l’affaire devant la Cour internationale de Justice. Lorsque l’affaire était ainsi pendante, diverses déclarations françaises faites devant divers organes et par voie de presse accréditèrent la thèse selon laquelle la présente série d’essais serait « normalement »48 la dernière de ce type et que la France serait désormais en mesure de passer au stade des tirs souterrains49. La Cour a soumis ces déclarations françaises à une analyse juridique serrée couvrant les paragraphes 42 à 46, afin de pouvoir répondre à la question s’il subsistait encore un différend ou si la demande des deux Etats du Pacifique était devenue sans objet. Cette analyse se décompose en cinq temps.
21(l) En premier lieu la Cour reconnaît la valeur obligatoire d’actes unilatéraux. En tant qu’actes juridiques, la volonté de créer des effets de droit en est un élément constitutif. La Cour s’exprime comme suit :
« Il est reconnu que des déclarations revêtant la forme d’actes unilatéraux et concernant des situations de droit ou de fait peuvent avoir pour effet de créer des obligations juridiques (…) Quand l’Etat auteur de la déclaration entend être lié conformément à ses termes, cette intention confère à sa prise de position le caractère d’un engagement juridique, l’Etat intéressé étant désormais tenu en droit de suivre une ligne de conduite conforme à sa déclaration ».
22(2) Les actes en question sont purement unilatéraux. Tout élément de bilatéralisation doit, selon la Cour, être exclu :
« Dans ces conditions, aucune contrepartie n’est nécessaire pour que la déclaration prenne effet, non plus qu’une acceptation ultérieure ni même une réplique ou une réaction d’autres Etats, car cela serait incompatible avec la nature strictement unilatérale de l’acte juridique par lequel l’Etat s’est prononcé »50.
23(3) La renonciation à un droit ne se présume pas51. Pour cette raison une interprétation restrictive est de mise :
« Lorsque des Etats font des déclarations qui limitent leur liberté d’action future, une interprétation restrictive s’impose »52.
24(4) Cette restrictivité est tempérée par l’absence de formalisme. La renonciation est une question d’espèce. La Cour dit :
« Pour ce qui est de la forme, il convient de noter que ce n’est pas là un domaine dans lequel le droit international impose des règles strictes ou spéciales (…). La forme n’est donc pas décisive »53.
25(5) Vient enfin un paragraphe capital, le fameux paragraphe 46. Il traite du fondement du caractère obligatoire des actes unilatéraux. La Cour est sans aucune ambiguïté. Elle dégage ce fondement qu’elle perçoit très justement dans la bonne loi et la confiance légitime54 :
« L’un des principes de base qui président à la création et à l’exécution d’obligations juridiques, quelle qu’en soit la source, est celui de la bonne foi ».
26La Cour enchaîne immédiatement, pour montrer qu’elle ne pense pas à la bonne foi en tant que notion subjective55 :
« La confiance réciproque est une condition inhérente de la coopération internationale, surtout à une époque où, dans bien des domaines, cette coopération est de plus en plus indispensable. Tout comme la règle du droit des traités pacta sunt servanda elle-même, le caractère obligatoire d’un engagement international assumé par déclaration unilatérale repose sur la bonne foi. Les Etats intéressés peuvent donc tenir compte des déclarations unilatérales et tabler sur elles ; ils sont fondés à exiger que l’obligation ainsi créée soit respectée »56.
4. Analyse de l’interaction des divers éléments (intention, estoppel, bonne foi-confiance)
a) Promissio est servanda ?
27On pourrait songer à un fondement autonome des actes unilatéraux exprimé par une règle qui correspondrait à pacta sunt servanda. Ce serait par exemple promissio est servanda57.
28Il nous semble que l’ambiguïté et la fluidité de la notion d’acte unilatéral ne permettent pas l’opération d’un principe aussi absolu, calqué sur l’accord de volontés. La liberté étatique se trouverait injustifiablement limitée si l’on devait construire une obligation juridique découlant de toutes sortes de déclarations ayant un caractère toujours en premier lieu politique. Si une promesse unilatérale ne saurait être considérée comme étant intrinsèquement obligatoire, il faut dégager un critère qualifié qui, s’ajoutant à l’acte, lui attache l’effet d’obligation. Le critère peut être soit subjectif (volonté de conférer l’effet d’obligation) soit objectif (la protection de la confiance légitime).
b) Le rapport entre intention et bonne foi-confiance
29Quel est le rapport exact entre l’intention, qu’y compris la Cour a jugée nécessaire en la matière, et la bonne foi-confiance ? L’oscillation entre ces deux éléments a été la source de confusions. Ainsi entend-on critiquer l’approche objective parce que ce serait l’intention qui confère à l’acte unilatéral force obligatoire58. Mais l’intention n’est qu’une condition d’existence de l’acte juridique unilatéral, non le fondement de sa validité. L’acte unilatéral, en tant qu’acte juridique, suppose l’intention de l’auteur de créer des effets de droit. Or les conditions d’existence ou de validité d’un acte juridique sont distinctes du fondement juridique de l’obligation qui en découle. Il faut relever à ce propos le texte et l’économie de l’arrêt de la Cour dans les affaires des Essais nucléaires. La Cour dit que pour créer des obligations juridiques à travers des actes unilatéraux il faut une intention de leur conférer des effets de droit. Elle le fait dans le paragraphe où elle parle des conditions qui distinguent l’acte juridique de pures déclarations politiques59. Quand elle en arrive à la question du fondement de l’obligation, la Cour ne laisse planer aucun doute : « le caractère obligatoire d’un engagement assumé par déclaration unilatérale repose sur la bonne foi »60.
c) Le rapport entre estoppel et bonne foi-confiance
30Il est nécessaire désormais de se demander si ce qui est en jeu est une confiance selon les conditions strictes de l’estoppel ou s’il s’agit d’une confiance plus standardisée. A cette fin il faut mettre en balance les intérêts de liberté du déclarant avec les intérêts de confiance et de stabilité du receveur. A quelles conditions précises la confiance du tiers est-elle protégée ?
31Considérons d’abord la doctrine plus restrictive, celle de l’estoppel. Un des critères constitutifs de la notion d’estoppel paraît être un dommage consécutif aux dispositions prises en se fondant sur un comportement autrui (detrimental reliance). Cet élément n’est pas incontesté, car de nombreux auteurs61 et quelques décisions juridictionnelles62 ont par le passé dispensé l’estoppel de la réalisation d’un tel dommage. Ils y ont vu plutôt une norme générale de non-contradiction. Dès lors, l’estoppel se confond avec cette confiance abstraite que forme la constance. Nous ne croyons pas que l’estoppel puisse être ainsi appréhendé sans perdre ses contours.
32Dans notre contexte les critères du dommage et de la confiance effective semblent à première vue se heurter au texte des arrêts des Essais nucléaires. En effet, selon la Cour, le caractère obligatoire d’un acte unilatéral ne dépend pas du fait que les destinataires se soient effectivement fiés à la déclaration pour prendre des dispositions dans un sens ou dans un autre63.
33C’est à propos de cet aspect qu’une critique sérieuse a été développée par Fiedler64. Il s’élève contre une explication du fondement des actes unilatéraux qui aurait recours à la confiance légitime et à l’estoppel. Selon Fiedler la construction de la confiance repose sur le ressort trop étroit de la prévention de dommages suscités dans une espèce concrète envers un destinataire concret (Vertrauensschadensabwendung). Il s’ensuit que l’obligatoriété n’est plus que question d’espèce65. Pour savoir si obligation ou non il y a, il faudrait considérer dans quelle mesure un acte a suscité la confiance légitime. Par conséquent, il serait impossible de conférer force obligatoire à des actes unilatéraux en tant que typologie en soi. A une telle construction concrète qui mesure la confiance effective au cas par cas, s’oppose aussi l’impératif de la clarté et de la sécurité juridiques. L’Etat déclarant doit pouvoir lui-même mesurer dès l’instant de sa déclaration s’il assume une obligation ou non. L’estoppel et la protection de la confiance légitime ne peuvent donc avoir qu’une fonction d’appui.
34A ce propos, il faut d’abord relever qu’un retour à la volonté n’apporterait en rien une solution. Elle ne ferait que renverser le bénéfice de la certitude en laissant dans le doute les Etats destinataires sur l’intention réelle du déclarant : la volonté aussi est affaire d’espèce. Tout compte fait, mieux vaut protéger le destinataire qui se fonde légitimement sur une déclaration, que le déclarant, qui ne connaîtrait pas bien, pendant un certain laps de temps, les effets précis que son acte mettra à sa charge. C’est là une responsabilité objective que doit supporter celui dont émane l’acte qu’il n’était pas contraint d’entreprendre66. Cette responsabilité n’est pas bien lourde. Ou bien l’Etat sera lié, parce qu’il y a eu confiance effective ; c’est ce à quoi il devait s’attendre en faisant la déclaration ; mieux même, ce sera souvent le but de sa déclaration. Ou bien il pourra se libérer par voie de révocation unilatérale parce que personne ne se sera fondé en confiance sur son acte. Ce n’est, somme toute, qu’à son propre avantage que l’incertitude peut jouer.
35Or, afin d’assurer un fondement suffisamment clair aux actes unilatéraux, il n’est pas nécessaire de se placer sur le terrain de la confiance effective ou concrète. Il suffit que l’acte soit susceptible d’une confiance abstraite67, c’est-à-dire que compte tenu des circonstances, tout autre sujet de droit international ou tout destinataire plus particulier ait pu légitimement, de bonne foi, tabler sur la déclaration telle qu’elle a été faite. C’est peut-être avec ce critère qu’un équilibre aussi idéal que possible entre liberté et stabilité est atteint68.
d) La subordination de l’intention à la bonne foi-confiance
36Nous avons dit que l’intention n’est qu’un acte-condition alors que la bonne foi est la norme fondamentale régissant la matière. En toute logique, l’intention doit être subordonnée à la norme fondamentale. Cette dernière, quand la confiance le requiert impérativement, peut dispenser d’une intention effective. En d’autres termes, les attentes légitimes l’emportent sur l’intention. Un sujet ne peut pas opposer à un autre l’absence d’une volonté réelle de sa part pour se dégager de toute obligation, quand ses attitudes ne peuvent avoir raisonnablement pour effet que de créer l’attente d’avoir assumé un engagement juridique. Le terrain des actes juridiques est ici abandonné : dans un tel cas de conflit flagrant le rôle de la norme éclipse celui de la volonté. Grotius en avait déjà bien perçu la nécessité69. Comme le dit Franck, « [an] intention cannot be determined solely by reference to the speaker’s state of mind but must also take into account that of the listeners »70. Aussi, « if a state speaks, through an ostensible agent, and the statement contains an express commitment to a course of conduct by that State, it should not be necessary to inquire whether the State intends to be bound but merely whether other States with an interest at stake could reasonably assume that the statement constituted a commitment »71. C’est aussi l’opinion de Khosla72, Mössner73, et avec vigueur particulière, de Fastenrath74.
37L’argument parfois avancé que les critères objectifs sont trop vagues et se prêtent à des constructions arbitraires peu adaptées à une société internationale décentralisée n’a à notre sens que peu de poids. L’abus ne peut jamais être évité. Si l’on s’en tient rigidement à la volonté du déclarant, c’est à lui qu’on permet des constructions abusives. On lui permet d’opposer une prétendue absence de volonté réelle malgré l’incompatibilité avec sa conduite antérieure. L’appréciation d’une conduite pro externo fournit un critère plus satisfaisant et moins aléatoire. Dans une espèce où une partie tenterait de tirer avantage d’une volonté cachée en contradiction avec ses actes clairs, à n’en pas douter, l’opérateur juridique ou le juge donneront préférence à l’élément objectif.
5. Problèmes particuliers
a) Peut-il y avoir des actes unilatéraux tacites ?
38Certains l’admettent75. C’est poser tout le problème de l’expression de volonté tacite ou implicite, car la notion d’acte juridique requiert une telle volonté. Il s’agit d’une affaire d’espèce car si l’on peut difficilement imaginer une protestation tacite, il en est autrement pour la reconnaissance.
39On cite souvent sous le chef d’actes unilatéraux tacites des principes tels que l’acquiescement normatif, voire l’estoppel76. Or ces concepts ne reposent pas sur une volonté tacite. Ils sont des principes de droit dérivés de la bonne foi77. Dans la mesure où une volonté effective (par exemple une acceptation aboutissant à un accord tacite) pourrait être déduite des faits, le recours à tout autre principe de droit prenant sa place, que ce soit l’acquiescement ou l’estoppel, est superflu78.
b) Faculté de revenir sur une déclaration faite par erreur sous réserve d’indemnisation
40La bonne foi commande que le déclarant puisse revenir sur une déclaration faite par erreur, sous réserve d’indemnisation du dommage éventuel79.
c) Inopposabilité de l’absence de notification en cas de connaissance positive
41Une partie ne peut opposer à l’autre l’absence de notification d’une déclaration de volonté si celle-ci en avait déjà eu connaissance par d’autres moyens. Selon Strupp80 il s’agirait d’une exceptio doli du droit des gens. L’internationaliste allemand cite à l’appui l’article 2 de la Convention III de La Haye relative à l’ouverture des hostilités (1907) dont la teneur est la suivante : « L’état de guerre devra être notifié sans retard aux Puissances neutres et ne produira effet à leur égard qu’après réception d’une notification qui pourra être faite même par voie télégraphique. Toutefois les Puissances neutres ne pourraient invoquer l’absence d’une notification, s’il était établi d’une manière non douteuse qu’en fait elles connaissaient effectivement l’état de guerre »81.
Notes de bas de page
1 Cf. Suy, p. 17ss, 26ss. Jacqué, p. 321ss. Sicault, p. 639ss. Peluger, p. 26ss. J. Dehaussy, « Les actes juridiques unilatéraux en droit international public : à propos d’une théorie restrictive », JDI 1965 (92), p. 50ss.
2 CPJI, sér. A/B, no 53, p. 71ss. Cf. Suy, p. 123ss. Ch. De Visscher, Problèmes, p. 186ss. O’Connell, t. I, p. 202-3.
3 Suy, p. vii.
4 Cf. Quadri, Cours, p. 363. Reuter, Principes, p. 532, 574. S. Carbone, « Promise in International Law : A Confirmation of Its Binding Force », It.Yb.I.L 1975 (1), p. 168-9. J.L. Brierly, dans : Yb.I.L.C., 1950-II, p. 227, para. 20. Pour un exposé volontariste classique, cf. Anzilotti, Cours, p. 345ss.
5 Oppenheim, p. 1187.
6 Cf. Suy, p. 17ss. Jacqué, p. 21ss, 70, 181, 322-3. Peluger, p. 26ss. Morelli, Nozioni, p. 288ss. Morelli, Cours, p. 459, 592ss. Rousseau, t. I, p. 417.
7 Sicult, p. 640. Dehaussy, (BS), p. 52ss. Jacqué, p. 322-3, 326. Se réfère encore à un sujet unique, Suy, p. 28. Voir aussi Pfluger, p. 31ss.
8 Suy, p. 30ss, 111ss, 154ss. Jacqué, p. 323ss. Sicault, p. 640ss. Venturini, p. 400ss. Dehaussy, (BS), p. 57ss. Oppenheim, p. 1189.
9 W. Fiedler, « Zur Verbindlichkeit einseitiger Versprechen im Völkerrecht », GYIL 1976 (19), p. 59ss. Sicault, p. 656ss. Rousseau, t. I, p. 418-9.
10 Suy, p. 42-3. Jacqué, p. 335ss
11 En ce sens p.e. Suy, p. 100ss. Jacqué, p. 335 (pas de manifestation de volonté créant l’effet de droit).
12 Bentz, p. 67ss.
13 Cf. Carbone, Promessa, (BS), p. 11ss. Carbone, Promise, (BS), p. 166ss.
14 Cf. P. Ziccardi, La costituzione dell’ordinamento internazionale, Milan, 1943, p. 418-9. Biscottini, (BS), p. 158ss. G. Cansacchi, Istituzioni di diritto internazionale pubblico, 5e éd., Turin, 1963, p. 216. J.W. Garner, « The International Binding Force of Unilateral Oral Declarations », AJIL 1922 (27), p. 493. En jurisprudence, cf. l’affaire de l’île de Lamu (1889), dans H. La Fontaine, Pasicrisie internationale, Berne, 1902, p. 335ss et Coussirat-Coustère/Eisemann, t. I, p. 47. Cf. aussi Suy, p. 128.
15 Carbone, Promessa, (BS), p. 11ss, 31ss.
16 Cf. Sereni, t. III, p. 1350ss. Quadri, Promessa, (BS), p. 91ss. Quadri, Diritto, p. 569ss. Voir en général Carbone, Promessa, (BS), p. 34ss.
17 Cf. A. Gigante, « The Effect of Unilateral State Acts in International Law », New York University Journal of International Law and Politics, 1969 (2), p. 346-7. Rubin, p. 11. Contra : Bentz, p. 73ss.
18 Sur cette notion cf. E. Albertario, La pollicitatio, Milan, 1929. G.G. Archi, « La pollicitatio nel diritto romano », Rivista italiana di scienze giuridiche, 1933 (8), p. 363ss. J. Roussier, « Le sens du mot pollicitatio chez les juristes romains », Mélanges F. De Visscher, t. II, Bruxelles, 1949, p. 295ss. Carbone, Promessa, (BS), p. 37ss. L’acte unilatéral en droit international est construit dans le sens de la pollicitatio encore récemment par A. Tommasi di Vignano, L’ordinamento della Comunità internazionale, Palerme, 1987, p. 71-2.
19 G. Salvioli, « Il riconoscimento degli Stati », RDI 1926 (18), p. 356ss. G. Bosco, « Il fondamento giuridico del valore obbligatorio del diritto internazionale », Rivista di diritto pubblico, 1938 (30), p. 626ss, p. 633-4. Cf. en général Carbone, Promessa, (BS), p. 43ss.
20 Cf. Rousseau, t. I, p. 416ss. Balladore Pallieri, Diritto, p. 324ss. Wengler, t. I. p. 304ss. Ottolenghi, p. 376-7. G. Bosco, Lezioni di diritto internazionale pubblico, Florence, 1938, p. 91-2.Voir aussi L. Cavaré, Le droit international public positif, 3e éd., t. II, Paris, 1969, p. 59ss. Brownlie, Principles, p. 637ss. Dans le sens d’un principe général de droit Verdross, Völkerrecht, p. 157. P. De Visscher, Cours, p. 120ss estime que l’obligatoriété des actes unilatéraux découle autant de normes conventionnelles et coutumières que de principes généraux de droit (acquiescement/estoppel).
21 G. Schwarzenberger, International Law – As Applied by International Courts and Tribunals, vol. I, Londres, 1957, p. 553 : « The typical minimum effect of unilateral acts is to create an estoppel. It prevents the subject of international law, to which the unilateral act is imputable, from acting contrary to its declared intent ». Schwarzenberger, Manual, p. 172. Schwarzenberger, Fundamental, p. 312-3. Voir aussi G. Schwarzenberger, International Law and Order, Londres, 1971, p. 92 où l’auteur estime que « in the formative stage of this rule [the binding character of unilateral acts], the obnoxiousness of self-contradictory behaviour (venire contra factum proprium) assisted in creating the requisite opinio iuris sive necessitatis which marks the borderline between international comity and international customary law ». Dans le sens de l’estoppel aussi M. Diez de Velasco, p. 179-80, p. 179. Mössner, p. 19. K. Skubiszewski, dans : M. Bedjaoui (éd.), Droit international – Bilan et Perspectives, t. I, Paris, 1991, p. 249. G.G. Fitzmaurice, « The Law and Procedure of the ICJ, 1951-54 : Treaty Interpretation and Other Treaty Points », BYIL 1957 (33), p. 230 : [A Declaration will be binding if it is held out] as an instrument on which others may rely and under which the declarant purports to assume such obligation. Particularity will this be so where other countries have, on the faith of the Declaration, changed their position or taken action on the basis of it ». M. Bothe, « Rechtsfragen der Rüstungskontrolle im Vertragsvölkerrecht der Gegenwart », Berichte der deutschen Gesellschaft für Völkerrecht, t. 30, Heidelberg, 1990, p. 71 : « Solche politisch verbindlichen Erklärungen [dans le domaine du désarmement] können dazu über den Weg des Vertrauensschutzes, auf der Grundlage des estoppel-Prinzips, rechtliche Verbindlichkeit erlangen. Hierzu ist aber erforderlich, dass eine Vertrauenssituation geschaffen wurde und dass derjenige, der auf die Erklärung der anderen Seite vertraut hat, selbst im Hinblick auf dieses Vertrauen eigene Positionen verändert hat ». H. Damian, Staatenimmunität und Gerichtszwang, BaöRV, vol. 89, Berlin, 1985, p. 41. A. Miaja de la Muela, « Los actos unilaterales en las relaciones internacionales », REDI 1967 (20), p. 431. Pour une critique de cette conception, cf. Rubin, p. 16ss, 30.
22 Rubin, p. 16ss. Higgins, p. 65.
23 Cf. Martin, p. 205-6. Venturini, p. 369ss, 391-2. Dominicé, p. 362ss. Vallée, p. 973ss. Mosconi, p. 407ss.
24 P. Reuter, Droit international public, 6e éd., Paris, 1983, p. 164
25 E.C. Stoweli, International Law, New York, 1931, p. 131, 134ss
26 J. Leutert, Einseitige Erklärungen im Völkerrecht : Ein Beitrag zur Lehre vom Vertrauensschutz (thèse, Berne), Diessenhofen, 1979.
27 Müller, Vertrauensschutz, p. 112.
28 Sicault, p. 683ss.
29 Suy, p. 151 : « C’est dans cette confiance dans la parole donnée que se trouve le fondement de validité de la promesse (…). L’intérêt supérieur de la sécurité des rapports internationaux exige que la promesse soit obligatoire des qu’elle est connue par les sujets intéressés et cet intérêt se traduit dans le principe de la bonne foi qui doit régir toutes les relations internationales ». Pour d’autres actes unilatéraux l’auteur tend vers le fondement coutumier (p. 44ss) sans toutefois exclure que ce même principe de bonne foi régisse la norme coutumière comme elle régit le principe pacta sunt servanda.
30 Venturini, p. 402ss, p. 402 : « C’est à ce point de vue [la bonne foi et la sécurité des rapports internationaux] que se justifie le caractère obligatoire de la promesse unilatérale tout comme le caractère obligatoire du traité… ».
31 R. De Nova, « Considerazioni sulla neutralità permanente dell’Austria », Comunicazioni e studi, vol. VIII, Milan, 1956, p. 11 : « L’atto di notifica fa uscire la dichiarazione (…) dalla sfera del promittente et la immette come autentica promessa nel circuito internazionale facendo sorgere corrispondenti aspettative e determinando quel concreto affidamento in cui si può scorgere la ragione d’essere della obbligatorietà della promessa ».
32 Carbone, Promessa, (BS), p. 53ss, 132ss. Carbone, Promise, (BS), p. 169-70 (« raise a founded expectation »).
33 D. Khosla, « Nuclear Test Cases : Judicial Valour v. Judicial Discretion », Indian J.I.L., 1978 (18), p. 322-3, p. 342ss ; l’auteur voit dans les reasonable expectations et non dans la volonté le fondement des actes unilatéraux et de tout droit.
34 T.M. Franck, « Word Made Law : The Decision of the ICJ in the Nuclear Test Cases », AJIL 1975 (69), p. 616ss (reliance plutôt que intention).
35 Fastenrath, p. 104ss, 210.
36 Verdross/Simma, p. 430.
37 Voir p.e. Lachs, Development, p. 198. Dahm, t. III, p. 168. Ch. De Visscher, Problèmes, p. 187. Mössner, p. 19 (dans le sens de l’estoppel). Pfluger, p. 61-2. B. Bollecker-Stern, « L’affaire des Essais nucléaires français devant la CIJ », AFDI 1974 (20), p. 330-1. B.S. Murty, The International Law of Diplomacy, The Diplomatic Instrument and World Public Order, Dordrecht/Boston/Londres, 1989, p. 601ss. K. Zemanek, « The Legal Foundations of the International System – General Course on Public International Law », RCADI 1997 (266), p. 199, 201. Carreau, p. 222 : « Le fondement du caractère obligatoire d’un acte unilatéral de ce type [la référence étant faite à l’affaire des essais nucléaires français] réside dans le principe de bonne foi. Une telle déclaration engendre, en effet, pour les pays tiers une confiance légitime qui va les inciter à adopter une conduite en conséquence ». Tommasi di Vignano, L’ordinamento, p. 72 : « Il suo fondamento di obbligatorietà [de l’acte unilatéral] non può dunque essere logicamente rinvenuto nella norma, di natura costituzionale, “pacta sunt servanda”, bensì in un altra, sempre avente tale natura, secondo cui gli Stati sarebbero tenuti a rispettare, secondo il principio della buona fede, le legittime aspettative sorte nei terzi, destinatari della pollicitatio medesima ». Ne mentionnent que la bonne foi : Schwarzenberger, International, t. I, p. 550-1 : « In the course of a prolonged State practice, which has received judicial approbation, unilateral acts have come to be governed by the jus aequum rule and, in particular, by the rules underlying the principle of good faith ». Kimminich, p. 318. Voir aussi les développements théoriques de A. Rosmini Serbati, Filosofia del diritto, vol. I, Milan, 1844, p. 496. W. Cesarini Sforza, « Promessa e giuramento », Mélanges F. Carnelutti, vol. I, Padoue, 1950, p. 224 : « Promettere significa affidare un proprio comportamento possibile (…) che pone il comportamento possibile in uno stato di obbligo ».
38 Pour une analyse globale, cf. Suy, p. 61ss, 114ss, 159ss. Carbone, Promessa, (BS), p. 61ss. Rubin, p. 3ss. Rousseau, t. I, p. 425ss. Oppenheim, p. 1188ss.
39 Dans une longue série d’affaires liées à la souveraineté territoriale, les juridictions internationales ont eu à analyser la valeur de protestations et de silences par rapport à l’établissement d’un titre sur le territoire ; cf. l’affaire des pêcheries norvégiennes, CIJ, Rec., 1951, p. 139 (voir toutefois l’Op. diss. McNair, ibid., p. 176ss). Affaire du Temple de Préah Vihéar, CIJ, Rec., 1962, p. 22ss, 27ss. Affaire Palmas (1928), RSA, vol. II, p. 866. Affaire Taba (1988), ILR, vol. 80, p. 306. Cf. aussi les sentences du Tribunal fédéral suisse, Canton du Valais c. Canton du Tessin (1980), ILR, vol. 75, p. 114ss et Canton du Valais c. Canton de Berne (1994), RSDIE 1995 (5), p. 617ss. Cf. aussi R. Jennings, The Acquisition of Territory in International Law, Manchester/New York, 1963, p. 36ss. Le mécanisme de protestations et d’acquiescement joue un grand rôle aussi dans d’autres domaines ; cf. p.e. l’affaire de l’interprétation de l’accord aérien (Etats-Unis c. France) (1978), ILR, vol. 38, p. 249-50 (modification de droits de transport par tolérance et absence de protestation). Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Compétence et recevabilité), CIJ, Rec., 1984, p. 408ss (établissement de la compétence de la Cour par acquiescement), etc.
40 D. Bardonnet, La succession d’Etats à Madagascar, Paris, 1970, p. 86.
41 Ibid., p. 93.
42 ASDI 1983 (39), p. 186.
43 L.C. Green, International Law through Cases, 4e éd., New York, 1978, p. 41, obiter, à propos de certains devoirs de restitution d’une quantité d’or par un gouvernement qui a succédé par conquête à un autre dans la gestion des affaires d’un territoire.
44 Cf. la Réplique danoise dans l’affaire du Groënland Oriental (1933), CPJI, sér. C, no 63, p. 856, 876, 880-1 : « La liberté de forme des déclarations de volonté obligatoire est donc la règle universellement reconnue dans le droit international comme dans beaucoup de législations nationales (…). Partout au Danemark et en Norvège on considérerait un pareil point de vue [de l’absence de valeur obligatoire d’une promesse verbale] comme contraire à la bona fides » (p. 856). Cette promesse doit en tout cas être valable sous peine de porter atteinte à « la bona fides, la confiance réciproque qui est la condition fondamentale de toute collaboration et de toute évolution juridique entre les nations ». Non moins claire aussi la Réplique du Honduras dans l’affaire de la sentence arbitrale rendue par le Roi d’Espagne le 23 décembre 1906 (1960), CIJ, Mémoires, Plaidoiries et Documents, 1960, vol. I, p. 514 : « La sécurité des rapports internationaux commande impérieusement que les Etats puissent accorder crédit aux déclarations officielles des Gouvernements étrangers et ne soient pas trompés dans la légitime confiance qu’ils ont accordée à de telles déclarations ». Ce passage suit de longs développements sur la bonne foi.
45 Op. ind. Jessup, affaires du Sud-Ouest Africain (Ethiopie/Libéria c. Afrique du Sud) (Exceptions préliminaires), CIJ, Rec., 1962, p. 419 (engagement pris par l’Afrique du Sud de considérer que la dissolution de la Société des Nations ne diminue pas les obligations qui découlent du mandat). Op. ind. Ammoun, affaires du plateau continental de la mer du Nord, CIJ, Rec., 1969, p. 102, 120 (certaines déclarations de l’Allemagne a propos de la norme coutumière sur la délimitation du plateau continental auraient du être analysées par la Cour sous l’angle des actes unilatéraux et de la bonne foi).
46 Cf. l’affaire G. Croft (Portugal c. Royaume-Uni) (1856), Coussirat-Coustère/Eisemann, t. I, p. 46, ou A. De Lapradelle/N. Politis, Recueil des arbitrages internationaux, vol. II, Paris, 1923, p. 25-6 : « Si à un moment quelconque le gouvernement portugais, ou son représentant légal, avait donné au gouvernement britannique, suivant les formes usitées dans les rapports internationaux, la promesse que M. Croft obtiendrait satisfaction ou serait indemnisé avec son appui, il n’y a pas de doute qu’un droit parfaitement valable eût pris naissance… ». Cf. aussi l’affaire relative à certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, CPJI, sér. A, no 7, p. 13. Affaire Mavrommatis (Concessions à Jérusalem), CPJI, sér. A, no 5, p. 37. Affaire des Zones franches, CPJI, sér. A/B, no 46, p. 169-70. Cf. Suy, p. 129ss. Rubin, p. 3, note 6. Fiedler, Zur Verbindlichkeit, (BS), p. 42. Voir aussi, dans le contexte de l’expulsion d’étrangers, l’affaire Rizzo (1954), Commission de Conciliation franco-italienne, ILR, vol. 22 (1955), p. 505-6 : « By this unilateral declaration of intention, relative to the interpretation of the Treaty of Peace with Italy, in a given case, the French Government, in promising to follow a given line of conduct, had assumed and had created in favour of the Italian Government the obligation which it had declared that it would undertake ».
47 CIJ, Rec., 1974, p. 253ss, 457ss. B. Bollecker-Stern, « L’affaire des essais nucléaires français devant la CIJ », AFDI 1974 (20), p. 299ss. S. Sur, « Les affaires des essais nucléaires », RGDIP 1975 (79), p. 972ss. P. Lellouche, « The Nuclear Test Cases : Judicial Silence v. Atomic Blasts », Harvard International Law Journal, 1975 (16), p. 614ss. T.M. Franck, « Word Made Law : The Decision of the ICJ in the Nuclear Test Cases », AJIL 1975 (69), p. 612ss. W.A. Kewenig, « Der Internationale Gerichtshof und die französischen Kernwaffenversuche », Mélanges E. Menzel, Berlin, 1975, p. 323ss. R. Macdonald/B. Hough, « The Nuclear Test Case Revisited », GYIL 1977 (20), p. 337ss. Sur cet arrêt cf. H. Falsafi, L’affaire des essais nucléaires devant la CIJ, thèse, Neuchâtel, 1978. D. Khosla, « Nuclear Test Cases : Judicial Valour v. Judicial Discretion », Indian J.I.L., 1978 (18), p. 322ss. P. De Visscher, « Remarques sur l’évolution de la jurisprudence de la CIJ relative au fondement obligatoire de certains actes unilatéraux », Mélanges M. Lachs, La Haye/Boston/Lancaster, 1984, p. 459ss. Rubin, p. 24ss. Carbone, Promise, (BS), p. 166ss. Sicault, p. 677ss. Oppenheim, p. 1191-2. Thirlway, The Law (1989), p. 8ss. Dans les notes suivantes référence sera faite aux textes ici cités par le nom de l’auteur et le terme op. cit.
48 CIJ, Rec., 1974, p. 266.
49 Déclarations de la Présidence de la République ; note diplomatique de l’ambassade française ; déclarations du Ministre de la Défense et du Ministre des Affaires étrangères y compris devant l’Assemblée générale des Nations Unies, etc. ; CIJ, Rec., 1974, p. 265ss.
50 CIJ, Rec., 1974, p. 267, para. 43 et p. 472, para. 46.
51 Suy, p. 159ss. Rousseau, t. I, p. 429. Sicault, p. 654.
52 CIJ, Rec., 1974, p. 267, para. 44 et p. 472-3, para. 47.
53 CIJ, Rec., 1974, p. 267-8, para. 45 et p. 473, para. 48.
54 Si ces arrêts de la Cour ont souvent été appréciés défavorablement, ce n’est que rarement pour ce qui est de l’analyse juridique des actes unilatéraux ; cf. l’Op. diss. commune Dillard, Jiménez de Aréchaga, Waldock, CIJ, Rec., 1974, p. 312ss. Kewenig, op. cit., p. 323ss. Falsafi, op. cit., p. 52ss. C’est l’interprétation de l’intention (réelle) de la France et de l’objet précis de la requête judiciaire qui a été fréquemment contestée ; cf. l’Op. diss. De Castro, CIJ, Rec., 1974, p. 374-5. Sur, op. cit., p. 999ss. Macdonald/Hough, op. cit., p. 352-3, 357. Lellouche, op. cit., p. 623ss. Falsafi, op. cit., p. 85ss. Pour une excellente critique contraire sur le point de l’intention, cf. Franck, op. cit., p. 616-7.
55 Contra, Zoller, La bonne foi, p. 340ss. En sens objectif, Sicault, p. 680ss.
56 CIJ, Rec., 1974, p. 268, para. 46 et p. 473, para. 49, italiques sur « confiance réciproque » ajoutées. Thirlway, The Law (1989), p. 17 conclut que l’arrêt a été rendu en des termes peut-être trop absolus. Rubin, p. 28-9, dans une critique virulente, estime que la décision est ultra vires parce qu’elle ne repose sur aucune source énumérée par le Statut de la Cour ; la construction n’est pour lui qu’une création judiciaire de toutes pièces. En réponse à ces critiques voir Sicault, p. 678-9.
57 Cf. Quadri, Cours, p. 364. Carbone, Promise, (BS), p. 167. Carbone, Promessa, (BS), p. 43ss. Fiedler, (BS), p. 38.
58 Sur, op. cit., p. 998ss, p. 1002 (la confiance et la bonne foi sont de nature plutôt diplomatique que juridique). Bollecker-Stern, op. cit., p. 329 à comparer avec p. 330-1. Thirlway, The Law (1989), p. 10-1, 14ss. Zoller, La bonne foi, p. 340ss, 347. Falsafi, op. cit., p. 85. Macdonald/Hough, op. cit., p. 352ss, p. 357 : « In finding that the French statements constituted a legal undertaking, the Court either made a dubious finding of the fact (…) or changed the law in this area without acknowledging that it was doing so, by replacing the doctrine of intentionality with a normative doctrine ».
59 CIJ, Rec., 1974, p. 267, para. 43 et p. 472, para. 46.
60 CIJ, Rec., 1974, p. 268, para. 46 et p. 473, para. 49.
61 Cf. Schwarzenberger, International, t. I, p. 51, 608-9, 626ss, etc. Schwarzenberger, Fundamental, p. 253. Cf. aussi Cheng, p. 141-2. H. Lauterpacht, Private, p. 203ss. Martin, p. 173ss.
62 Affaire Sharpe (1871) ; affaire des Fonds Pieux de Californie (1902) ; affaire El Triunfo (1902) ; affaire Landreau (1922), etc., cf. Martin, p. 78ss.
63 CIJ, Rec., 1974, p. 267, para. 43 et p. 472, para. 46. Voir à ce propos Sicault, p. 652. Franck, op. cit., p. 619. Suy, p. 150.
64 Fiedler, (BS), p. 47-8. Cf. aussi M. Koskenniemi, From Apology to Utopia : The Structure of International Legal Argument, Helsinki, 1989, p. 303-311, sur les ambiguïtés entre solutions subjectives et objectives.
65 Ibid., p. 47 : « … wird von Fall zu Fall gemessen ».
66 Il n’est pas clair si Fiedler veut revenir au critère de l’intention. En opposition avec sa thèse de la sécurité juridique, il semble estimer que tout dépend en la matière d’une pesée des circonstances de l’espèce (« Einzelsituationsabwägung ») ; ibid., p. 68ss. Mais il conclut comme suit : « Nicht das aus Treu und Glauben ad hoc zu erfüllende “Versprechen”, sondern, die mit der Abgabe einseitiger Erklärungen bewusst und von vornherein übernommene rechtliche Verantwortung bildet die angemessene Orientierungsbasis » (p. 70).
67 Sicault, p. 684 : « La confiance dont il s’agit ici n’est pas, en effet, la confiance effective des destinataires de la promesse (reliance) mais la confiance qu’ils doivent pouvoir avoir dans le caractère obligatoire de la promesse ». Franck, op. cit., p. 620.
68 L’autonomie des actes unilatéraux ne doit pas être interprétée comme interdisant d’avoir égard à l’effet extérieur de l’acte sous l’angle de la confiance abstraite (cf. Fastenrath, p. 105).
69 De iure belli ac pacis, lib. II, cap. XVI, para. 1 : « Sed quia interni actus per se spectabiles non sunt et certi aliquid statuendum est, ne nulla sit obligatio si quisque sensum quem vellet sibi affingendo liberate se posset, ipsa dictante naturali ratione ius est ei, cui quid promissum est, promissorem cogere ad id, quod recta interpretatio suggerit » (en français : Mais puisque des actes internes ne sont pas en eux-mêmes perceptibles et qu’un certain degré de certitude doit pouvoir être obtenu – à défaut de quoi il ne pourrait y avoir d’obligation contraignante, car chacun pourrait se libérer en invoquant le sens des mots désiré –, la raison naturelle requiert que celui à qui la promesse a été faite est en droit de demander au promettant la conduite qu’une interprétation correcte établit comme étant due »).
70 Franck, op. cit., p. 616.
71 Ibid., p. 617.
72 Khosla, op. cit., p. 322-3, 342ss.
73 Mössner, p. 19 pour qui la confiance légitime jugée par rapport aux tiers l’emporte sur l’animus sibi vincolandi.
74 Fastenrath, p. 105-6, 210.
75 Rousseau, t. I, p. 430ss. Jacqué, p. 210ss.
76 Ibid.
77 Barale, p. 421.
78 Selon Sicault, p. 672-3 un Etat ne petit s’engager unilatéralement par voie de silence, car le silence ne peut emporter des conséquences juridiques que quand il est mis en relation avec le comportement et les réactions d’un autre sujet. Dans la mesure où il faut considérer le comportement d’un autre sujet, l’acte n’est plus unilatéral (autonome). Peut-être est-il plus simple de dire que la volonté tacite n’est pas déterminante, car même en son absence, des principes de droit international attribuent au silence une certaine valeur. Il s’agit alors de l’opération de normes de droit et non d’actes juridiques subjectifs.
79 Affaire Schlessiger (1935), RSA, vol. III, p. 1654, dans le contexte du droit conventionnel et obiter : « Dans ce cas, le Gouvernement allemand ne pouvait compter sur la libération que dans la mesure où les conditions matérielles de l’accord étaient réalisées pour cette créance ; et si, ces conditions n’étant pas réalisées, le Gouvernement roumain avait, par erreur, admis la libération, l’équité et la bonne foi que se doivent les parties à une convention eussent exigé qu’il puisse revenir sur sa décision ». Ces principes doivent être appliqués par analogie aux actes unilatéraux.
80 Strupp, Règles, p. 364.
81 Cf. D. Schindler/J. Toman, Droit des conflits armés, Genève, 1996, p. 60.
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