V. Le problème de la pluralité de droits découlant de la procédure de liquidation d'une entreprise individuelle ou d'une personne morale titulaire du droit fondant la réclamation internationale
p. 181-190
Texte intégral
1En droit continental, la liquidation d'une entreprise individuelle ou d'une personne morale n'a pas d'incidence fondamentale sur la nature des droits que possède sur son patrimoine la société — ou l'entreprise — dissoute. Bien entendu, celle-ci voit son pouvoir de disposition sur les biens à liquider restreint dans une mesure importante puisque c'est aux liquidateurs qu'il incombe de réaliser les actifs et de payer les dettes1. Mais les droits de propriété sur la masse restent en main du titulaire originaire pendant toute la période de liquidation.
2Il n'en va pas ainsi en droit anglo-saxon, dont on a déjà souligné la complexité, s'agissant de l'instauration de certains rapports juridiques intéressant plusieurs personnes mais un seul objet. De même qu'en cas de succession pour cause de mort, les biens d'une personne morale ou d'une entreprise commerciale individuelle sur le point d'être dissoute vont, pendant la phase de liquidation, faire l'objet de droits de nature différente répartis entre plusieurs personnes. Le droit que l'entité posséderait contre un Etat en raison d'un acte illicite n'échappera pas à cette division. Plus précisément, le droit anglo-saxon confère des droits et des pouvoirs étendus à titre provisoire à une personne chargée d'administrer les biens en cause dans l'intérêt de tous ceux qui possèdent des droits sur la masse.
3Aussi bien, le droit international devra-t-il choisir parmi les divers intéressés celui qu'il revêtira de la qualité de titulaire du droit fondant la réclamation internationale. Au cas où une personne autre que le titulaire originaire serait investie de cette qualité, une rupture de la continuité de l'identité du titulaire du droit se produira si le nouveau titulaire désigné possède une nationalité différente de celle de l'ancien. Le droit en cause sera en effet considéré comme ayant passé des mains de l'entité en liquidation à celles du liquidateur.
1. Législation applicable à la constitution des droits sur la masse
4C'est bien sûr le droit étatique — ici le droit anglo-saxon — qui va décider de la répartition à faire. On sait que les intérêts de la société et de ses membres s'opposent à ceux des créanciers sociaux. Le rôle du liquidateur sera d'administrer les biens à la satisfaction de tous, mais en désintéressant prioritairement les créanciers.
5Le droit anglais distingue deux procédures2 en fonction de la nature de l'entité : la faillite (“bankruptcy”), qui ne s'applique pas aux sociétés mais à la liquidation des biens d'une entreprise individuelle ou “partnership” insolvable3, et la liquidation ordinaire (“winding up”) qui vise les sociétés (“companies”), solvables ou non4. Cette seconde procédure nécessite la nomination d'un liquidateur (“liquidator”) chargé de procéder à la répartition des biens entre les divers créanciers sociaux, puis de distribuer le surplus éventuel entre les membres de l'entité5.
a) Liquidation ordinaire
6L’”Insolvency Act 1986” prévoit deux procédures de liquidation : la “voluntary winding up” — dont l'impulsion revient à la société elle-même ou à ses créanciers — et la “compulsory winding up” (ou “winding up by the Court”). Quelles qu'en soient les différences, l'essentiel pour notre propos est de souligner que le liquidateur6 détient sur les biens des droits de même nature dans les deux hypothèses7. En effet, si le tribunal en décide ainsi, le liquidateur devient “legal owner” d'une partie ou de tous les biens de la société8, les créanciers et les membres étant considérés comme “bénéficial owners”9. Si le tribunal n'investit pas le liquidateur de cette qualité, c'est la personne morale qui reste titulaire des droits en cause et qui doit en user au profit des créanciers et des sociétaires10.
7Se pose alors la question de savoir qui peut être considéré comme titulaire du droit fondant la réclamation internationale, à supposer que la société lésée par l'acte internationalement illicite entre en liquidation. Le droit interne habilite le “legal owner” à exercer l'action en justice au cas où l'entité posséderait une réclamation contre un tiers. Seulement, le “legal owner” — le liquidateur ou la personne morale — ne saurait disposer de l'indemnité obtenue ; l'argent sert en premier lieu à désintéresser les créanciers, le surplus éventuel devant être distribué entre les membres de la société11.
b) Faillite (“Bankruptcy”)
8En cas de faillite d'une entreprise individuelle ou d'une “partnership”, les droits du failli sur la masse passent au “trustee in bankruptcy”12. La situation de ce personnage s'apparente davantage à celle du “trustee” ordinaire qu'à celle du liquidateur13. Comme ce dernier pourtant, il devra réaliser les actifs sociaux et effectuer toutes les opérations nécessaires à la liquidation dans l'intérêt des créanciers et des sociétaires (“beneficial owners”). En tant que “legal owner”, c'est donc lui qui sera habilité à
“... bring, institute or defend any action or legal proceedings relating to the property...”14
9On se demandera à nouveau si le titre relatif au droit fondant la réclamation internationale revient au “legal owner” — “le trustee in bankruptcy” — ou aux “beneficial owners” — les créanciers et le failli (ou les sociétaires en cas de faillite d'une “partnership”).
10Voyons si le droit international a fait un choix en faveur de l'une ou l'autre de ces personnes.
2. Le problème du choix du titulaire du droit
11La pratique internationale ne nous donne pas beaucoup d'indications à ce sujet, mais cela ne doit pas surprendre si l'on songe que la liquidation est une procédure limitée dans le temps : au moment où le juge international sera enfin saisi, la société aura le plus souvent été liquidée15.
12Dans l'affaire Ruty16 (MCC franco-américaine, Convention du 15 janvier 1880), un citoyen français qui possédait une réclamation contre les Etats-Unis était tombé en faillite. Du coté français, on prétendit que le failli restait le titulaire de la demande. Cela fut contesté par la partie adverse qui affirmait que, par application de la loi américaine, la réclamation avait passé au cessionnaire de la faillite (“assignee in bankruptcy”). Moore, se référant à Boutwell, nous apprend que ce fut ce dernier avis qui l'emporta :
“.. it is reasonable to assume that the commissioners... were of opinion that the assignment in bankruptcy passed the title from the bankrupt to the assignee.”17
13Dans l'affaire Christern & Co.18 (MCC germano-vénézuélienne créée par le Protocole du 13 février 1903), que nous analyserons plus loin19, on trouve dans un obiter dictum l'opinion selon laquelle
“... it is a familiar rule of law that assignees for the benefit of creditors are bona fide purchasers for value, and that after the assignment the assignors have no title whatever to the as-signed property...”20
14Par contre, la sentence Bance21 (MCC américano-vénézuélienne créée par le Traité du 17 février 1903) propose une solution différente : la Commission considéra que le failli gardait la titularité du droit fondant la réclamation et estima inacceptable l'intervention du “receiver” en faveur des créanciers :
“The failure only deprives the bankrupt party of the administration of his property, which then goes to his creditors, represented by the receiver, but in no way does it alter the essence of the property, rights and actions, which continue to belong to the said bankrupt until an agreement is arrived at, and, failing this, until the final liquidation and adjudication of the property amongst the creditors....”22
15Dans l'affaire Phelps, Assignées v. McDonald23 (Cour suprême des Etats-Unis), qui s'est déroulée en deux phases, l'une internationale, l'autre interne, les faits étaient les suivants : McDonald, citoyen britannique domicilié aux Etats-Unis, avait fait faillite en 1868. Parmi les biens qu'on liquidait au profit de ses créanciers se trouvait un droit de réclamation contre les Etats-Unis en raison de dommages subis au cours de la Guerre de sécession. Grâce à un intermédiaire, McDonald racheta son propre droit lors de la vente de ses biens, puis il fit soumettre sa demande par la Grande-Bretagne à la “Civil War Claim Commission”24, qui lui accorda une indemnité. Sur le plan interne, Phelps, “assignée in bankruptcy”, demanda à McDonald la restitution de cette somme au profit des créanciers de la masse en faillite. La Cour suprême admit sa requête25.
16Il était logique que la Cour suprême, instance interne, ne s'intéressât pas à la question de la nationalité ; mais la décision rendue par la Commission américano-britannique, elle, ne pouvait éviter le problème. Dans la mesure où elle admit la demande, on pourrait penser qu'elle jugea que le failli avait gardé la titularité du droit après le jugement de faillite. En réalité, il semble plutôt que la faillite de McDonald lui avait été cachée26 ; par conséquent, lui seul pouvait apparaître alors comme titulaire du droit en cause et prétendre à une indemnité.
17Dans ces circonstances, ce cas ne possède pas la même valeur que l'affaire Bance pour étayer le choix du failli27.
18Il semble en définitive que la pratique n'a pas pris clairement position.
3. Ruptures de la continuité de l'identité du titulaire du droit
a) Cas où la société est solvable
19Lorsque la société est solvable, la liquidation peut fort bien être terminée avant que le droit fondant la réclamation internationale ait été exercé28. Le sort de celui-ci est alors le suivant : en tant que créance faisant partie de l'actif, il peut être attribué à l'un, à plusieurs ou à la totalité des membres de l'entité29. Du point de vue de la continuité, cela signifie qu'en cas de différence dans les nationalités de la société et du (ou des) membre (s) titulaire (s) du droit, une rupture sera consommée au moment de l'attribution de ce droit. Dans l'hypothèse où celui-ci aurait été décerné à plusieurs sociétaires ou à la totalité d'entre eux, chacun étant admis à se payer en proportion de ses intérêts sur la somme convoitée, se pose le problème de savoir quelle est la nationalité à prendre en considération. Chaque Etat national devra vraisemblablement intervenir en faveur de son propre ressortissant, à concurrence de l'intérêt que possède celui-ci dans l'indemnité éventuelle. Mais la règle de la continuité opposera son veto à toute demande émanant de l'Etat national d'un membre étranger de l'entité. Si l'un des membres possède la même nationalité que la société, la réclamation de son gouvernement a des chances d'aboutir dans la mesure où elle concerne cette personne, mais elle risque d'échouer si, présentée globalement, elle veut également prendre en compte les droits des membres étrangers. C'est encore la règle de la continuité qui lui fera obstacle.
b) Cas où la société est insolvable
20Dans cette situation, la liquidation de la société ne peut en principe être terminée avant que tous les actifs aient été recouvrés, ceci pour garantir le désintéressement de tous les créanciers. Ainsi, le droit fondant la réclamation internationale devra être exercé, sans quoi la dissolution de l'entité ne pourra pas être prononcée.
21En droit continental, c'est à l'administration de la masse qu'il incombera d'exercer ce droit pour le compte de celle-ci, mais la société en liquidation en demeure titulaire, comme de tous les biens tombés dans la masse30. Dès lors, la continuité n'est pas mise en péril par cette substitution, qui ne porte que sur la qualité pour agir.
22Au contraire, en droit anglais, la société en liquidation peut perdre le “legal ownership” sur le droit en cause, comme nous l'avons vu. Si c'est le “legal owner” — le liquidateur ou le “trustee in bankruptcy” — qu'on considère comme le véritable titulaire, la continuité sera rompue en cas de différence de nationalité entre cette personne et l'entité. La situation est identique si l'on opte pour le “beneficial owner” (un ou plusieurs créanciers, par exemple) et s'il existe, là aussi, des nationalités différentes.
23Ce sont les faits de l'affaire Christern & Co. qui illustrent le mieux notre hypothèse, quand bien même la décision elle-même ne sanctionna pas la rupture de la continuité .
24Minlos, Witzke & Co., entité vénézuélienne composée d'un ressortissant danois et d'un citoyen allemand, possédait une réclamation contre le Venezuela. A la suite de sa faillite, la demande passa aux associés de Christern & Co., tous de nationalité allemande. Il semble qu'ils la détenaient en qualité de “assignees in bankruptcy” au bénéfice des créanciers de la Minlos, Witzke & Co.31.
25Le Commissaire vénézuélien excipa du “défaut de caractère national de la requête”, l'un des deux membres de la Minlos, Witzke & Co. étant danois. Au lieu de diviser la demande en deux et d'allouer une indemnité à concurrence de la part détenue par l'associé allemand de l'entité, le surarbitre fit entièrement droit à la requête, sans vraiment justifier sa prise de position32.
26Dans la mesure où on peut se fier à elle, cette décision constitue une exception partielle à l'application de la règle de la continuité33.
27Il faut reprendre maintenant l'affaire Phelps, Assignée v. McDonald. Sous l'angle de la continuité, la question pertinente était celle-ci : le fait que le droit en cause était tombé dans la masse avant d'être racheté par une personne mandatée par McDonald avait-il brisé momentanément la continuité ?
28La réponse dépendait de l'identité et de la nationalité du nouvel acquéreur. Or, comme on lui avait dissimulé la faillite, la Commission ne pouvait accorder la titularité à une autre personne qu'à McDonald. La demande satisfaisait dès lors à la condition de la continuité.
4. La doctrine
29Force est de constater que la doctrine ne s'est pas intéressée dans le détail à ces problèmes. On ne trouve que quelques auteurs qui, d'une façon générale, déclarent que c'est la nationalité du “beneficial owner”34 qui doit être prise en considération par le juge international. Ces juristes ne distinguent pas suivant qu'on a affaire à une procédure de faillite, de liquidation ordinaire ou à un trust35.
30Concernant l'éventualité d'une rupture de la continuité qui serait issue de la différence entre la nationalité de la personne en liquidation et celle du “liquidator” ou “trustee in bankruptcy” — nouveaux titulaires du droit en cause si l'on retient le critère du “legal ownership” — aucune voix ne s'est fait entendre. Pourtant, il ne serait guère juste qu'une demande bien fondée se heurte à la règle de la continuité parce qu'elle émane par exemple de l'Etat national de l'entité. Les créanciers seraient ainsi frustrés du droit qu'ils ont acquis en compensation de leur créance. En cas de liquidation consécutive à l'acte illicite, tout soupçon relatif à un abus de la protection diplomatique est sans fondements. Il paraît irréaliste, en effet, d'imaginer qu'on puisse choisir un “liquidator” d'une nationalité déterminée dans le but de bénéficier de la protection de l'Etat national de celui-ci : ce n'est certes pas en prévision d'une pareille situation que la règle de la continuité fut adoptée. Il ne faudrait donc pas traiter les créanciers sociaux autrement que les héritiers ou les assureurs.
31S'agissant d'un rapport juridique éphémère, tout comme en cas de succession anglo-saxonne, le droit international ne devrait pas se montrer formaliste. Ainsi, nous prônons encore le rejet de la règle de la continuité, mais c'est l'Etat national de la personne morale (ou de l'entreprise individuelle) en liquidation que nous investissons du droit d'exercer la protection diplomatique. Il ne nous semble pas en effet qu'il faille ici apporter une exception au principe général du droit d'intervention de l'Etat national à l'origine parce que, contrairement à ce qui se passe dans l'hypothèse du décès de la personne lésée, il n'y a pas cette fois disparition du titulaire du droit au seuil de la période de liquidation. Il paraît donc préférable d'admettre que l'Etat national de l'entité garde son droit d'intervention, même au cas où l'entité serait par la suite dissoute. L'important est qu'au moment de l'endossement, la personne morale existe encore36. Une autre raison de recommander cette solution est que celle-ci présente l'avantage de la simplicité. En choisissant l'Etat national du nouveau titulaire, on risque de se trouver confronté au problème déjà évoqué de la multiplicité des titulaires — les créanciers ou les membres de l'entité, par exemple. Si le droit est attribué à plusieurs personnes dotées de diverses nationalités, chacune ayant son propre intérêt pécuniaire dans l'affaire, quel sera l'Etat habilité à exercer, le cas échéant, la protection diplomatique ? Nous l'avons dit, à moins d'une action conjointe des Etats intéressés, chacun sera enclin à intervenir pour défendre l'intérêt exclusif de son ressortissant. Si l'on adopte notre proposition, l'Etat national de la société pourra au contraire demander réparation pour l'ensemble du préjudice, la somme allouée étant par la suite distribuée entre les divers intéressés en conformité à la législation interne applicable.
Notes de bas de page
1 En cas de faillite, c'est généralement une instance officielle, l'administration de la masse (cf. art. 740, al. 5, du Code suisse des obligations), qui accomplit ces tâches.
2 Nous ne donnerons que des indications générales et nécessaires pour notre propos, la matière étant en elle-même substantielle.
La distinction annoncée s'impose pour la raison suivante : les liquidateurs n'ont pas, malgré la similitude de leur rôle, les mêmes droits et pouvoirs dans le cas de la liquidation ordinaire et dans celui de la faillite.
3 Farrar, Company Law, Londres, Butterworths, 1985, p. 559. Il faut cependant relever que si la “partnership” comprend plus de sept membres, la procédure de liquidation peut être utilisée (ibid., p. 687). On pourra s'étonner de voir que nous faisons référence ici aux données contemporaines du droit anglo-saxon — anglais essentiellement — plutôt qu'à celles des anciennes législations. Cette démarche se justifie à un double titre : d'une part, il existe une indéniable continuité entre le droit en vigueur avant et après 1883 (date du “Bankruptcy Act”, qui introduisit d'importantes modifications dans le système) ; il paraît donc inutile et anachronique de se reporter aux anciennes législations. D'autre part, la pratique sur laquelle nous nous appuierons est postérieure à 1883, à l'exception d'une seule affaire (l'affaire Ruty) ; par ailleurs, sur les questions qui nous intéressent — à savoir la titularité des droits sur les biens en liquidation — les solutions sont très voisines. (Voir Lindley, The Law of Partnership, 15e éd. par E. Scamell, Londres, Sweet & Maxwell, 1984, p. 774).
4 Si la société est insolvable, certaines règles en matière de faillite s'appliquent à la liquidation (Pennington, Company Law, 4e éd., Londres, Butterworths, 1979, p. 762).
5 Le liquidateur est généralement désigné par la société elle-même, sauf dans le cas de la liquidation judiciaire, qui se déroule sous l'autorité d'un “official receiver” contrôlé par la “High Court” (voir les §§ 399 à 401 de l’“insolvency Act 1986”). Pour un bon résumé des différences existant entre les diverses procédures de liquidation prévues par cette législation, voir Tunc, Le droit anglais des sociétés anonymes, 3e éd., Paris, Dalloz, 1987, pp. 322-337.
6 En cas de “compulsory winding up”, la position du liquidateur peut être comparée à celles : 1° d'un “officer of the Court”, en ce sens qu'il doit “... act in an honest and impartial mariner and is responsible to the court for the performance of his duties” ; 2° d'un “agent for the company”, car il peut engager la société “... without tncurring personal liability” ; 3° d'un ”trustée” agissant au bénéfice des créanciers et des sociétaires. L'analogie avec le “trustée” se limite surtout à l'aspect fiduciaire de la relation existant entre le liquidateur et les divers intéressés (voir Palmer, Company Law, éd. par Clive Schmitthoff, Londres, Stevens & Sons, 1982, vol. I, p. 1151). La ressemblance est loin d'être parfaite ; pour Palmer, le liquidateur “is a distinct species of fiduciary whose office is an amalgam of statu tory rules and agency and trust principles.” (ibid., pp. 1151-1152).
Indépendamment de la nature de la liquidation, le liquidateur possède notamment le pouvoir de réaliser les biens en liquidation (ibid., p. 1153). C'est encore lui qui est habilité à exercer toute action en justice, en son nom propre mais au bénéfice de l'entité (voir le § 145 ainsi que l'Annexe IV de l’”lnsolvency Act 1986”).
En cas de “voluntary winding up”, le liquidateur apparaît davantage comme un “agent of the company” nanti de “statutory duties” à l'égard des bénéficiaires dans l'intérêt desquels il doit administrer les biens (Palmer, ibid., p. 1129). De plus, ses pouvoirs de disposition sur les biens sont plus étendus qu'en cas de “winding up by the Court” (Northey & Leigh, An Introduction to Company Law, 3e éd., Londres, Butterworths, 1983, p. 453).
7 Toutefois, le moment de naissance des droits du liquidateur sur la masse n'est pas nécessairement identique dans les deux cas. La décision du tribunal de conférer ces droits au liquidateur “... only applies in terms to a winding up by the court; but the liquidator can apply to the court to exercise this power in a voluntary liquidation”. (Palmer, ibid., p. 1230). Autrement dit, l'apparition des droits du liquidateur sera généralement un peu plus tardive en cas de “voluntary winding up” qu'en cas de “compulsory winding up”.
8 Voir le § 145 de l'“Insolvency Act 1986”.
Comme le souligne Pennington, “... it is rarely necessary for the court to make such vesting orders, because the liquidator can dispose of the company's assets and enforce rights of action vested in it under his statutory power to act in the company's name.” (op. cit. note 4, p. 737).
9 A la différence du “beneficial owner” d'un rapport de trust classique, ces personnes “... have no specific equitable interests in the company's assets until their claims have been quantified and the appropriate authorization for payment given...” (ibid.).
10 Ibid.
11 Palmer, op. cit. note 6, p. 1152.
12 Le § 306 de l'“Insolvency Act” stipule que: “1) The estate shall vest in the trustee immediately on his appointment taking effect or, in the case of the official receiver, on his becoming trustee. 2) ...”.
Le § 311 précise en son chiffre 4 que: “Whero any part of the estate consists of things in action, there are deemed to have been assigned to the trustee...”.
Le “trustée in bankruptcy”, originairement appelé “assignée in bankruptcy”, peut être designé par les créanciers ou les membres de la société en faillite. Il se peut aussi qu'un “official receiver” soit nommé, à titre intérimaire (en attendant le “Bankruptcy Order”, qui prononce la faillite, puis la nomination du “trustée”) ou à la place du “trustée in bankruptcy” (il en a alors les droits et pouvoirs).
13 Pennington, op. cit. note 4, p. 737. Pourtant, l'analogie avec le “trustee” n'est que partielle. D'après Snell, le “trustee in bankruptcy” “... is primarily not a trustee for the bankruptcy but an assignee of his assets for the benefit of his creditors” (Principtes of Equity, éd. par Sir Robert Megarry et P. Baker, Londres, Sweet & Maxwell, 1973, p. 205). Charlesworth & Cain le comparent plus volontiers à l'exécuteur ou à l'administrateur de la succession (Company Law, 12e éd. par G. Morse, Londreses, Stevens & Sons, 1983, P. 190.)
14 Berry & Bailey, Bankruptcy: Law & Practice, Londres, Butterworths, 1987, p. 223. Ces auteurs ajoutent que: “If there are distinct and separate causes of action in respect of the different heads of loss, the trustee will be entitled to bring an action in respect of the damage to the property, while the bankrupt will retain the right to sue in respect of the loss or injury which he himself has suffered. If the causes of action cannot be severed, the bankrupt will loose his right of action, and the trustee alone will be entitled to institute proceedings.” (p. 413). Ils précisent encore: “In appropriate circumstances he [the trustee] may assign his rights in litigation.” (p. 223).
15 Cette assertion doit être nuancée : en cas d'insolvabilité, par exemple si la société tombe en faillite, la procédure de liquidation ne peut en principe être terminée avant que toutes les créances ne soient recouvrées (voir infra, p. 187).
16 Moore, International Arbitrations, vol. III. p. 2401.
17 Moore, (ibid.) cite le Boutwell's Report, French-American Claims Commission, House Executive Document 235, 48th Congress, 2nd Session, p. 108. Borchard (Diplomatic Protection of Citizens Abroad, New York, The Banks Law Publishing Co., 1927, p. 641) constate que la solution adoptée dans l'affaire Ruty correspond à la tendance dominante.
18 Décision de 1903. RSA, vol. X, pp. 435-436.
19 Voir p. 188.
20 RSA, vol. X, p. 436.
21 Décision de 1903. RSA, vol. IX, pp. 233-234.
22 Ibid., p. 234.
Borchard remarque que: “Receivers and liquidators of bankrupts have in international law practically the same legal position as assignees [in bankruptcy]” (op. cit. note 17, p. 642). Au surplus, il approuve la décision rendue dans l'affaire Bance : “... il paraîtrait plus juste de s'enquérir de la nationalité des créanciers, qui sont les véritables bénéficiaires de la sentence ; mais comme ceci est souvent impossible ou impraticable, il semble que l'on ne devrait s'inquiéter que de la nationalité du failli.” (AIDI, vol. 36, 1931-1, p. 334).
23 Décision de 1879 (référence chez Briggs, “Exposé préliminaire”, AIDI, vol. 51, 1965-1, p. 73), qui cite Hale's Report, British-American Claims Commission, Foreign Relations 1873, vol. 3, House Executive Documents, 43rd Congress, 1st Session, 1874, pp. 54-55.
24 Créée par le Traité du 8 mai 1871.
25 Briggs, op. cit. note 23, p. 73.
26 Cf. Hurst, “Nationality of Claims”, BYIL, vol. 3, 1926, p. 172.
27 C'est aussi l'avis de Hurst (ibid.).
28 En effet, après désintéressement des créanciers, le surplus est distribué entre les membres. La société peut s'éteindre même si certaines créances, dont le recouvrement est incertain, restent impayées ; comme il n'y a plus de créanciers à protéger, rien ne s'oppose à l'extinction de l'entité.
Sur ce point, il n'y a pas lieu de distinguer entre les systèmes continentaux et anglais.
29 En droit suisse — pour les sociétés anonymes —, c'est l'art. 745, al. 1er, du Code des obligations qui donne le principe de la répartition : “Après paiement des dettes, l'actif de la société dissoute est, sauf disposition contraire des statuts, réparti entre les actionnaires dans la mesure de leurs versements et en proportion des droits attachés à leurs actions”.
30 En droit suisse encore, le failli ne perd que le pouvoir de disposer de ses biens (cf. Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, Lausanne, Collection juridique romande, Payot, 1985, p. 270).
Concernant les réclamations tombées dans la masse, l'administration de celle-ci peut, si elle ne désire pas intenter ou continuer l'action à la place du failli, céder ce droit à un créancier, sous certaines conditions : “En réalité, ensuite de la cession opérée, le créancier n'a pas acquis la prétention litigieuse, mais seulement le droit d'action de la masse, comme représentant et mandataire de celle-ci” (ibid., p. 276. Voir l'art. 260 de la Loi sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889). Le créancier n'acquiert que le droit de se faire payer en priorité sur le produit éventuel du procès, le surplus devant être versé à la masse.
31 Le texte de la décision n'est pas limpide. Voir RSA, vol. X, p. 436.
32 II se borna à dire que: “Certainly if Minlos, Witzke & Co. had sold and conveyed this claim to Christern & Co., the fact that one of the former was a Danish subject could not affect the latter's right to recover” (ibid.).
33 Briggs (op. cit. note 23, p. 63 n. 1) se pose la question de la valeur d'exception de cette affaire et la laisse ouverte au motif que “[l]'analyse de la décision manque de clarté”.
34 Cf. par exemple Brownlie, Principles of Public International Law, Oxford, Clarendon Press, 1966, p. 396.
35 Voir cependant l'art. 15, lettre b, chiffre 2, du “Harvard Research Draft” de 1929, dont le commentaire nous dit que les termes “by opération of law” désignent aussi le transfert du droit par “assignment in bankruptcy”. Ainsi, ce texte propose d'écarter dans ce cas la règle de la continuité (AJL, vol. 23, 1929. p. 199. Pour la teneur de cette disposition, voir supra, p. 93 n.30).
Raestad recommande de traiter les cas de faillite et de liquidation d'une personne morale de la même manière que la succession dans les droits du défunt. En d'autres termes, “...pendant toute la durée de la liquidation forcée, le droit d'intervenir diplomatiquement ne cesse d'appartenir à l'Etat dont relevait la société en liquidation” (“La protection diplomatique des nationaux à l'étranger”, Revue de droit international, vol. 11, 1933-1, p. 527).
36 Sur la question de la protection des membres de la société après la disparition juridique de celle-ci, voir infra, chap. 6, où une solution différente est proposée, en raison justement de la dissolution de l'entité avant l'endossement de la requête.

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