V. La perte de la nationalité et le problème de son effectivité
p. 119-132
Texte intégral
1Lorsqu’une personne perd sa nationalité sans en acquérir une nouvelle, elle devient apatride. Nous devons alors nous demander si, dans notre perspective, il convient d’assimiler cette situation aux changements de nationalité et, par conséquent, de traiter la perte de nationalité comme une rupture dans la continuité. Nous nous poserons la même question à propos d’une nationalité qui ne serait pas « effective » d’après certains critères développés par la pratique internationale.
A. Perte de la nationalité
2La perte d’une nationalité sans acquisition d’une autre résulte de diverses situations habituellement rangées dans les deux rubriques suivantes :
31. Perte de nationalité par acte volontaire de l’individu, c’est-à-dire par une renonciation expresse. Cet acte intervient généralement lorsque la personne en cause s’est installée dans un autre pays et se trouve sur le point d’en acquérir la nationalité1.
42. Perte de nationalité par acte étatique, catégorie qui englobe la privation automatique en application du droit interne (par exemple dans l’hypothèse de l’engagement dans les forces armées d’un autre pays) et la privation par acte individuel et concret de l’Etat national2 (par exemple au cas où une personne se serait rendue coupable d’un crime grave contre les intérêts de cet Etat).
5Il faut ajouter à ces situations le cas particulier d’une personne privée de nationalité de par le jeu des règles de conflits de lois en matière d’acquisition de la nationalité ou à cause des lacunes contenues dans certaines conventions internationales3.
6Dans la perspective qui est la nôtre, il faut soigneusement distinguer deux hypothèses. Dans la première, la personne lésée a déjà perdu sa nationalité à l’époque à laquelle l’acte illicite a été commis ; dans la seconde, étant ressortissante d’un Etat à cette date, elle est devenue apatride un peu plus tard.
1. La personne était apatride à l’origine
7A proprement parler, le cas où la victime de l’acte illicite est apatride exorbite le cadre traditionnel de la protection diplomatique tel que l’histoire l’a façonné. A l’origine, la protection diplomatique a été une institution reposant sur un lien de nationalité, lien dont l’existence au moment de l’acte illicite habilite l’Etat à intervenir au profit de son ressortissant. Dans l’hypothèse envisagée ici, aucun droit ne saurait naître en faveur d’un Etat quelconque parce que, en infligeant un préjudice à l’apatride, l’Etat en cause ne viole pas l’obligation de respecter le droit international en la personne d’un ressortissant d’un autre Etat4. Or, dans la conception classique, c’est la transgression de cette obligation qui confère à l’Etat national de la victime un « droit propre », fondement de la réclamation internationale.
8Il ne faut dès lors pas s’étonner de la quasi-inexistence de précédents anciens dans ce domaine. En réalité, la protection internationale des apatrides nécessite une approche différente (dans l’hypothèse envisagée tout au moins) et doit prendre appui sur la notion de droits de l’homme, droits dont l’existence ne dépend pas de la possession d’une nationalité5. Dans la perspective de la protection internationale de ces droits, seules des questions d’opportunité font que tel Etat plutôt que tel autre interviendra en faveur de l’apatride6. On est en somme très proche de la théorie « moderne » de la protection diplomatique pour laquelle le rôle de l’Etat intervenant s’apparente à celui d’un mandataire qui fait valoir les droits d’une autre personne. Si l’apatride a acquis une nationalité avant la date de la présentation de sa requête sur le plan international, il semble que l’intervention de l’Etat national soit la solution la plus pratique7. Nous ne pensons pas que la règle de la continuité puisse s’appliquer et faire échec à la demande, cette situation sortant, répétons-le, du cadre traditionnel de la protection diplomatique8.
2. La personne est devenue apatride entre le moment de commission de l’acte illicite et celui de la présentation de la réclamation internationale
9Lorsqu’une personne perd, entre les dates critiques, son unique nationalité sans en acquérir une nouvelle, doit-on considérer cette modification de son statut comme constitutive d’une rupture de la continuité de la nationalité ? La question est, cette fois, pertinente, car l’Etat national à l’origine peut se prévaloir d’un droit propre à exercer la protection diplomatique.
10Si l’on se réfère à sa justification principale, à savoir la répression des abus de la protection diplomatique, il y aurait quelque chose d’absurde à appliquer la règle de la continuité à la situation envisagée. Le particulier ne saurait évidemment être soupçonné de vouloir faire passer la réclamation à un autre Etat lorsqu’il devient apatride. Cependant, d’un point de vue technique, on ne peut considérer la perte de la nationalité qui engendre l’apatridie autrement que comme une rupture de la continuité de la nationalité9.
11En l’absence d’indications de la pratique internationale, il faudrait à notre avis écarter la règle de la continuité et admettre l’intervention de l’ex-Etat national de l’apatride.
B. Le problème de l’effectivité de la nationalité
12Nous ne pouvions laisser ce point de côté, dès lors qu’il touche de fort près à la question de la continuité de la nationalité. Certes, refuser de prendre en compte la nationalité qui unit une personne à un Etat, sous prétexte qu’elle n’est pas « effective », n’équivaut pas exactement à en constater l’inexistence et, partant, à conclure à une rupture de la continuité. Quant aux effets déployés par la nationalité sur le plan international, la situation relative à la réclamation est un peu différente, en ce sens que le manque d’effectivité de la nationalité ne sera pas assimilé par le juge à l’inexistence de celle-ci. La nationalité sera, le cas échéant, déclarée inopposable à l’Etat défendeur. Mais dans la mesure où l’inopposabilité fait échec à la réclamation sur la base d’un relâchement du lien de nationalité10, on se situe dans le proche voisinage de la règle de la continuité.
13Avant de définir la notion d’effectivité, voyons dans quels domaines du droit international elle trouve application.
1. La théorie de l’effectivité en cas de nationalités multiples
a) Le champ d’application du principe de l’effectivité de la nationalité
14C’est dans le but de résoudre les conflits résultant de l’existence de plusieurs nationalités attribuées à la même personne qu’on a tout d’abord posé, en droit international, l’exigence d’une nationalité effective11.
15Cette règle a fonctionné, dans le cadre de la protection diplomatique, en concurrence avec une autre norme coutumière – découlant du principe de l’égalité souveraine des Etats – selon laquelle un Etat n’est pas habilité à formuler une réclamation en faveur d’un de ses ressortissants vis-à-vis d’un autre Etat dont l’intéressé possède également la nationalité12. Le contenu même du principe en précise la portée : il ne régit que les cas où la personne protégée possède les nationalités des deux Etats parties à la procédure en cours.
16Laquelle des deux règles citées l’a-t-elle emporté sur l’autre dans la pratique ? La question est controversée13.
17i) L’effectivité de la nationalité dans le cas où l’intéressé jouit des nationalités des Etats demandeur et défendeur :
18Nous ne pouvons présenter ici une analyse détaillée de la jurisprudence14, mais nous dirons tout d’abord deux mots de la célèbre affaire Canevaro15 (Tribunal arbitral créé par le Protocole du 25 avril 1910 entre l’Italie et le Pérou).
19L’Italie intervenait en faveur des frères Canevaro et du comte Raphaël Canevaro. Ce dernier était le fils d’un ressortissant italien, mais il naquit au Pérou. La demande était dirigée contre le Pérou. Le Tribunal, constatant que Raphaël Canevaro avait agi à plusieurs reprises en s’appuyant sur sa citoyenneté péruvienne (il avait posé sa candidature aux élections sénatoriales du Pérou et exercé la charge de consul de ce pays), jugea que la nationalité péruvienne revêtait un caractère plus effectif que la nationalité italienne. En conséquence, il débouta l’Etat demandeur de sa prétention dans la mesure où elle se rapportait à Raphaël Canevaro16.
20Le Tribunal américano-iranien mis sur pied en application de la « Claims Settlement Declaration » adoptée le 19 janvier 1981 rendit, le 6 avril 1984, la Décision A/1817, qui va dans le même sens que celle du Tribunal italo-péruvien. A la question de savoir s’il était compétent
« … over claims against Iran filed by persons who, during the relevant period which is from the date the claim arose until 19 January 1981, were Iranian citizens under the law of Iran and United States citizens under the law of the United States »18,
21le Tribunal donna une réponse positive. Pour parvenir à ce résultat, il dut recourir au droit international général, les dispositions pertinentes de la « Claims Settlement Declaration » n’étant pas, à son avis, suffisamment explicites19. Pour le Tribunal, le droit international a évolué depuis 1930, date de l’adoption de l’article 4 de la Convention de La Haye sur les conflits de lois en matière de nationalité, qui consacre le principe de l’irrecevabilité des requêtes dans le cas où la personne lésée possède la nationalité des deux Etats parties au différend20. La pratique internationale de l’après-guerre montre, selon lui, que le principe de l’effectivité a supplanté l’ancienne règle de l’article 4. Dès lors, les demandes de personnes possédant les nationalités iranienne et américaine, mais dont la nationalité dominante n’est pas celle de l’Etat défendeur, entrent dans le cadre de la compétence du Tribunal21.
22ii) L’effectivité de la nationalité dans le cas où l’intéressé jouit des nationalités de l’Etat demandeur et d’un Etat tiers.
23Il nous faut distinguer deux problèmes :
241. Peut-on résoudre, grâce à la théorie de l’effectivité, un conflit qui s’élèverait entre les Etats nationaux du lésé, désireux tous deux d’exercer la protection diplomatique en sa faveur ?22
252. L’Etat défendeur a-t-il le droit d’exciper d’un rattachement plus intime qui unirait la personne à un Etat tiers, par rapport à la relation que l’Etat demandeur entretient avec elle ?
26Sur le premier point, précisons d’abord qu’une solution basée sur une action conjointe des deux Etats nationaux paraît peu réaliste23.
27La question ne s’est pas véritablement posée jusqu’ici, si bien qu’en l’absence de toute indication, on pourrait être tenté d’avancer la thèse selon laquelle le premier Etat qui intervient sur le plan juridictionnel jouit de la priorité grâce à la litispendance ainsi créée.
28Quant au second point, il semble que la pratique ait tout d’abord tranché par la négative : dans l’affaire Salem24, le Tribunal prétendit que
« … the rule of International Law [is] that in a case of double-nationality a third power is not entitled to contest the claim of one of the two powers whose national is interested in the case by referring to the nationality of the other power »25.
29L’affaire Flegenherimer26 (Commission de conciliation créée en vertu de l’article 83 du Traité de paix du 10 février 1947 signé par les Etats-Unis et l’Italie) confirme cet avis : la Commission y affirma dans un obiter dictum que la théorie de la nationalité effective ne s’applique que si la victime possède les nationalités des deux Etats parties au litige, et non dans le cas où celle-ci serait ressortissante de l’Etat demandeur et d’un Etat tiers27.
30Entre-temps, bien sûr, fut jugée l’affaire Nottebohm qui s’inscrit en faux28 contre la solution adoptée dans l’affaire Salem. On ne saurait dès lors donner une réponse définitive à la question posée en s’appuyant sur la jurisprudence internationale. Au demeurant, la doctrine est également divisée29.
b) Le contenu de la notion d’effectivité de la nationalité
31Nous avons vu, en évoquant l’affaire Canevaro, que les critères du lieu où l’intéressé déployait son activité professionnelle et où il participait activement à la vie publique avaient pesé lourd dans la balance de l’effectivité.
32Ces critères furent d’ailleurs repris dans l’affaire de Born30 (TAM hungaro-serbo-croate-slovène, 1926). Le Tribunal y ajouta celui du domicile31, qui joua un rôle décisif dans de nombreuses autres affaires32.
33Dans l’arrêt rendu en la cause Nottebohm33, la CIJ a prétendu que l’effectivité de la nationalité devait résulter de l’ensemble des circonstances du cas et que des données tant objectives que subjectives intervenaient pour aider le juge à se forger une opinion34.
34Aussi bien, les critères du lieu de résidence habituel, du lieu de participation à la vie publique et du lieu où la personne concentre ses intérêts économiques témoignent de l’aspect objectif de l’effectivité ; sur le plan subjectif, il faut voir à l’égard de quel Etat l’individu nourrit des attaches sentimentales, familiales et culturelles profondes35.
2. La théorie de l’effectivité en cas de nationalité unique
35A première vue, il paraît singulier de songer à vérifier l’effectivité d’une seule nationalité ; c’est pourtant une question que l’arrêt Nottebohm autorise à formuler. Il ne saurait s’agir pour nous de procéder à une analyse globale des nombreuses questions que suscite l’affaire36 ; nous nous limiterons au problème, important pour notre propos, de sa portée.
36Il nous faudra tenter de résoudre cinq questions :
371. La théorie de l’effectivité régit-elle les cas de nationalité unique ? En cas de réponse positive,
382. Le degré d’effectivité d’une nationalité se mesure-t-il exclusivement en comparaison avec la relation qu’entretient l’individu avec l’Etat défendeur ou aussi par référence à celle qui l’attacherait à n’importe quel autre Etat ?
393. La théorie de l’effectivité est elle applicable à tous les modes d’acquisition de la nationalité ou seulement à la naturalisation ?
404. A quel(s) moment(s) la nationalité doit-elle présenter un caractère effectif ?
415. La théorie de l’effectivité s’applique-t-elle à la nationalité des personnes morales ?
42Des faits de la cause, déjà rapportés37, rappelons seulement que Nottebohm avait été naturalisé en 1939 au Liechtenstein et qu’il avait résidé au Guatemala de 1905 à 1943. Les premières atteintes portées contre ses droits et intérêts avaient commencé en 1942, et ne prirent fin qu’un 1950. En 1946, après trois ans de détention aux Etats-Unis, il avait gagné le Liechtenstein, où il demeurait toujours au jour de la saisine de la CIJ.
431. La majorité de la doctrine a déduit de l’arrêt l’extension de l’exigence de l’effectivité au domaine de la nationalité unique38. Cette conclusion est inévitable39, dès lors que Nottebohm avait perdu sa citoyenneté allemande40 et n’avait jamais acquis la nationalité guatémaltèque.
44Une réponse positive doit donc être apportée à notre première question.
452. A quelle aune faut-il mesurer le degré d’effectivité ? En cas de nationalités multiples, le principe de l’effectivité ne semble s’appliquer que si la victime possède les nationalités des deux Etats parties au litige, avons-nous dit. L’arrêt Nottebohm paraît aller plus loin, et permettre à l’Etat défendeur d’invoquer une relation tierce, alléguée plus effective41.
46La Cour dit en effet qu’elle examinera
« … si le rattachement de fait existant entre Nottebohm et le Liechtenstein… apparaît comme suffisamment étroit, comme si prépondérant par rapport au rattachement pouvant exister entre lui et tel ou tel autre Etat… »42 (souligné par nous).
47Plus loin, elle se demande si,
« [a]u moment de sa naturalisation, Nottebohm apparaît… comme plus attaché… au Liechtenstein qu’à tout autre Etat »43.
48L’élargissement effectué par la Cour de la doctrine de l’effectivité, déjà abusivement transposée à la nationalité unique, est critiquable : si elle était ainsi étendue, cette doctrine donnerait à l’Etat défendeur la possibilité de contester systématiquement la réalité des rapports liant la victime à l’Etat demandeur en invoquant tout lien de fait pouvant unir la personne concernée à un autre Etat. Au vu des problèmes que soulèvent les fluctuations de l’effectivité d’une nationalité, une pareille arme accordée à l’Etat défendeur ferait trop de dégâts44.
493. Doit-on appliquer la théorie de l’effectivité à tous les modes d’acquisition de la nationalité45 ?
50En cas de nationalités multiples, la théorie de l’effectivité trouve application, dans la mesure où l’on admet qu’elle l’emporte sur le principe découlant de l’égalité souveraine des Etats. Quel que soit le mode d’acquisition des nationalités de l’intéressé, c’est le lien réputé le plus effectif qui sera pris en compte.
51En cas de nationalité unique, en revanche, il paraît excessif de permettre à l’Etat défendeur de contester, en dehors de la situation d’une naturalisation46, l’effectivité du lien de nationalité unissant la personne protégée à l’Etat demandeur. Si le lésé a acquis sa nationalité jure soli, par exemple, l’Etat défendeur ne devrait pas pouvoir entraîner le juge sur le terrain de l’effectivité. L’arrêt Nottebohm, si tant est qu’on veuille le suivre, doit être interprété restrictivement, c’est-à-dire comme n’accordant la possibilité de contester l’effectivité de la nationalité que dans une situation analogue à celle de M. Nottebohm, à savoir en cas de naturalisation.
524. A quel(s) moment(s) jugera-t-on de l’effectivité d’une nationalité ?
53Ce point est fort délicat, car la notion même d’effectivité appliquée à la nationalité présuppose nécessairement un certain écoulement de temps. Cela résulte en effet des critères utilisés pour la mesurer : comment juger le domicile, le centre des activités professionnelle et économique ou le degré d’attachement culturel à un pays autrement que sur des mois, voire des années ? L’examen relatif à la continuité de la nationalité porte sur la période incluse entre la date de survenance du préjudice et celle du dépôt de la requête auprès du juge international. Une condition supplémentaire relative à l’effectivité devrait-elle porter sur le même intervalle ? Ou exigera-t-on qu’elle soit réalisée seulement au moment de la naturalisation ?
54Voyons si l’arrêt Nottebohm nous offre des éléments de réponse.
55Pour juger de l’effectivité, la Cour s’est placée « … à l’époque précédant, entourant et suivant la naturalisation »47. Considérant la période qui s’étale de 1905 à 1939, la Cour estime qu’au moment de sa naturalisation, Nottebohm a entretenu des liens plus étroits avec le Guatemala. Puis la Cour dédaigne les années postérieures à 1946, date à laquelle il peut enfin regagner le Liechtenstein, parce que
« [s]i Nottebohm s’est rendu en 1946 au Liechtenstein, c’est en conséquence du refus de l’accueillir au Guatemala »48.
56Ainsi, par le biais d’une interprétation subjective, la Cour négligea la période allant de 1946 au 17 décembre 1951, date du dépôt de la requête.
57Rappelons maintenant que le préjudice subi a résulté d’une succession d’actes dommageables (mesures de confiscation et d’expropriation) qui s’étalaient entre 1942 et 195049. La conclusion s’impose d’elle-même : la Cour ne s’est en tout cas pas confinée dans l’intervalle séparant la date du préjudice de celle de la présentation de la requête50. Bien plus, ce sont les années précédant la naturalisation, davantage que le moment de la naturalisation elle-même, qui ont joué un rôle décisif51.
58A quel résultat aboutirait-on si l’examen de l’effectivité se faisait comme celui de la continuité de la nationalité ?
59Il est difficile d’attribuer une pérennité à la notion d’effectivité sans risquer de trahir la réalité, la privant de sa dimension dynamique et fluctuante52. Constater l’existence d’un titre juridique réputé représentatif d’une certaine relation unissant une personne à un pays est une chose aisée ; mesurer l’intensité de cette relation à l’aide de divers critères préétablis sur une distance temporelle donnée est un exercice aléatoire, surtout si l’on tient compte d’éléments subjectifs.
60Ce n’est donc pas le moindre des paradoxes de l’effectivité de la nationalité que de ne pouvoir être appréhendée ni à une date précise, ni sur une longue durée.
61Ces considérations nous poussent à prôner le rejet de la théorie de l’effectivité en cas de nationalité unique : elle engendrerait trop d’incertitudes sous l’angle de la sécurité juridique53.
625. L’application de la doctrine de l’effectivité à la nationalité des personnes morales.
63Ce point a été soulevé en doctrine54, mais pas par la CIJ dans l’arrêt Nottebohm. Dans son arrêt rendu dans l’affaire de la Barcelona Traction, la Cour se borna à déclarer que les références à l’arrêt Nottebohm faites par les parties en cours de procédure n’étaient pas pertinentes, vu « le manque d’analogie entre les deux affaires »55.
64Le problème central découlant de l’extrapolation en question réside évidemment dans la transposition aux sociétés des critères dégagés à propos des personnes physiques. Cette transposition est néanmoins possible56.
65Nous ne ferons ici que quelques remarques générales :
66– les critères du siège administratif réel et du centre d’exploitation des affaires présentent un certain degré d’effectivité parce qu’ils correspondent à peu près aux notions de domicile et de centre des activités professionnelle et économique57, utilisées dans le domaine des personnes physiques ;
67– l’incorporation, par contre, manifeste des liens plus lâches, et on peut se demander si l’Etat défendeur dont certains ressortissants contrôleraient la société, ou sur le territoire duquel elle aurait installé son siège social, ne pourrait pas opposer à l’Etat de l’incorporation le défaut d’effectivité de la nationalité58 ;
68– le critère du contrôle, lui, témoigne sans doute d’une grande effectivité59. On peut même affirmer que c’est le critère qui en présente le plus, ce qui, dans une application large de la théorie de l’effectivité, conduirait à admettre la protection diplomatique de l’Etat national des personnes qui contrôlent économiquement l’entité. En l’état actuel du droit positif, cette possibilité doit toutefois être rejetée60.
69Dans l’arrêt rendu par la CIJ dans l’affaire de la Barcelona Traction, on peut lire à ce sujet que
« … sur le plan particulier de la protection diplomatique des personnes morales, aucun critère absolu applicable au lien effectif n’a été accepté de manière générale »61.
70On voit que la Cour n’a pas voulu entrer dans le débat.
71Il nous reste encore à voir si les bouleversements provoqués par l’arrêt Nottebohm ont eu des répercussions sur la pratique ultérieure et si la condition de l’effectivité d’une naturalisation fait bien partie du droit des gens.
72L’affaire Flegenheimer nous fournit des indications : la Commission refusa de tenir compte de l’arrêt Nottebohm ; elle soutint qu’il ne devait pas être compris extensivement et que le principe de l’effectivité n’avait pas de portée générale62. Elle n’accrédita donc pas l’argumentation de l’Etat défendeur, qui avait prétendu que la nationalité de la personne protégée ne revêtait pas un caractère suffisamment effectif63.
73Il appartiendra à la pratique internationale de suivre ou non la solution proposée par l’arrêt Nottebohm.
74Le principe de la nationalité effective a cependant été repris dans certains textes64 : il figure notamment à l’article 23, chiffre 3, du Projet de la « Harvard Law School », du 15 avril 1961, qui stipule :
« A state is not entitled to present a claim on behalf of a natural person who is its national if that person lacks a genuine connection of sentiment, residence, or other interests with that State… »65.
Notes de bas de page
1 Weis, Nationality and Statelessness in International Law, 2e éd., Alphen aan-den-Rijn, Sijthoff & Noordhoff, 1979, pp. 115-116.
Mais le séjour prolongé à l’étranger figure parfois dans le droit étatique comme motif de perte – automatique ou par acte juridique – de la nationalité (ibid., p. 116). On tombe alors dans la seconde catégorie décrite.
2 L’histoire a malheureusement aussi connu des cas où les privations de nationalité ont été effectuées par un Etat de façon collective, comme en témoigne l’Ordonnance adoptée le 25 novembre 1941 par le Reich allemand en vertu de laquelle les juifs allemands résidant à l’étranger furent privés de nationalité. Voir Weis, ibid., pp. 119-120.
3 Dans le cadre des réglementations sur le mariage, une femme peut devenir apatride si elle épouse le ressortissant d’un pays dont la législation exclut l’acquisition automatique de la nationalité par le mariage, alors que le droit du pays d’origine de l’épouse prévoit la perte de la nationalité de plein droit des femmes qui se marient avec des étrangers.
Il se peut aussi qu’une personne n’ait jamais possédé de nationalité, par exemple si ses parents sont apatrides. Mais ce cas sort de l’hypothèse qui nous intéresse et qui vise uniquement la perte de la nationalité.
4 Cf. Briggs, « Exposé préliminaire », AIDI, vol. 51, 1965-I, p. 147.
5 C’est pourquoi une étude de la pratique internationale récente sur ce point sortirait du cadre de notre travail.
6 En 1936, l’Institut de droit international adopta une Résolution sur le statut juridique des apatrides et des réfugiés, dont l’article 7 vise la protection des apatrides : « L’Etat sur le territoire duquel un apatride a établi son domicile ou, à défaut, sa résidence habituelle, pourra exercer, dans l’intérêt de celui-ci, la protection diplomatique en conséquence de tout fait survenu après cet établissement » (AIDI, vol. 39, 1936-II, p. 297).
C’est donc l’Etat sur le territoire duquel réside l’apatride au moment de la survenance de l’acte illicite qui peut intervenir. Mais cette disposition n’envisage pas le cas où ce serait justement cet Etat qui aurait causé le préjudice à l’apatride.
Sur la protection des réfugiés, voir Reiterer, The Protection of Refugees by Their State of Asylum, Mémoire de l’Institut d’HEI (Genève), Vienne, Braumuller, 1984, spéc. pp. 43ss.
Cf. aussi la « Note du Département politique fédérale suisse du 26 janvier 1978 » in ASDI, vol. 34, 1978, pp. 111-119.
7 Il faut souligner que, dans son intervention, le nouvel Etat national ne ferait valoir aucun droit qu’il posséderait lui-même. Au cas où la personne lésée resterait apatride, n’importe quel Etat autre que celui de sa résidence (auteur par hypothèse de l’acte illicite) serait susceptible d’intervenir pour le compte de cette personne.
8 La Convention relative au statut des apatrides adoptée en 1954 dans le cadre des Nations Unies ne dit rien sur la protection diplomatique des apatrides, son objectif étant plutôt de restreindre, voire d’éliminer les cas d’apatridie. L’apatridie n’est toutefois pas contraire au droit des gens.
9 Dans le même sens, voir van Panhuys, The Role of Nationality in International Law, Leiden, Sijthoff, 1959, p. 88.
Pour Raestad – qui admet, contrairement à nous, la règle de la continuité au sens strict – même si l’apatride recouvrait la nationalité perdue ou en acquérait une autre après la date du préjudice subi, il ne pourrait faire triompher sa cause (« La protection diplomatique des nationaux à l’étranger », Revue de droit international, vol. 11, 1933-I, p. 517). Contra : Feinberg, qui rejette l’application de la règle de la continuité lorsque la personne est devenue apatride (AIDI, vol. 51, 1965-I, pp. 194-195).
10 Voir l’affaire Nottebohm (infra, pp. 126ss).
11 Appelé également « principe de la nationalité active ».
12 C’est peut-être aussi l’idée selon laquelle un Etat ne saurait être contraint à indemniser son propre ressortissant dans une procédure internationale qui sous-tend cette dernière règle. Cette idée revient à brandir l’étendard de la non-ingérence dans les affaires internes. Nous avions aussi établi un rapport entre elle et la règle qui précise qu’un Etat ne transgresse pas le droit international en portant préjudice à l’un de ses ressortissants (cf. supra, p. 42 n. 31). Sur les similitudes et différences existant entre cette dernière règle et l’argument selon lequel un Etat peut refuser d’indemniser une personne figurant parmi ses nationaux, voir infra, pp. 251ss).
13 Selon Weis, le principe de l’effectivité de la nationalité ne constitue pas, à la différence de l’autre règle, un principe général du droit international coutumier (op. cit. note 1, pp. 195-197). Dans le même sens G. Perrin (« Les conditions de validité de la nationalité en droit international public », Mélanges P. Guggenheim, Genève, Publications de l’Université et de l’Institut universitaire de hautes études internationales, 1968, p. 871).
Ces auteurs ont l’approbation de Blaser (La nationalité et la protection juridique internationale de l’individu, thèse, Lausanne, Imprimerie Rencontre, 1962, p. 60).
14 Pour cela, consulter par exemple Blaser (ibid., pp. 54-77) ou Weis (op. cit. note 1, pp. 170-186).
Les anciennes affaires qui consacrent le principe de l’effectivité sont, d’après la doctrine (cf. par exemple Borchard, « Rapport », AIDI, vol. 36, 1931-I, p. 291), surtout les affaires Stevenson (voir infra, p. 157), Miliani (MCC italo-vénézuélienne créée par le Protocole du 13 février 1903. RSA, vol. X, pp. 584-591), de Born (voir infra, p. 126) et Barthez de Montfort (TAM franco-allemand établi en vertu du Traité de Versailles, décision du 10 juillet 1926, Rec. TAM, vol. V, pp. 806-810). Mais dans l’affaire Salem (Tribunal arbitral créé par la Convention du 20 janvier 1931, Etats-Unis-Egypte, décision du 8 juin 1932, RSA, vol. V, pp. 1162-1203), le Tribunal contesta expressément que l’effectivité avait seule valeur de règle coutumière (voir infra, p. 125).
15 Décision du 13 mai 1912. RSA, vol. XI, pp. 397-410.
16 Ibid. p. 410. S’agissant des frères Canevaro, la demande fut reçue. Pour une solution identique à partir d’un raisonnement différent, voir l’affaire Strunsky-Mergé (Commission de conciliation italo-américaine établie en vertu de l’article 78 du Traité de paix de 1947. Décision du 10 juin 1955. ILR, 1955, p. 443-457). La Commission essaya d’y démontrer que les deux règles se complètent plus qu’elles ne s’excluent, et qu’une priorité devrait être accordée à la règle de l’effectivité si la nationalité liant l’individu à l’Etat demandeur semble la plus effective (!) Pour une critique d’une argumentation qui défie la logique, voir Bar-Yaacov (Dual Nationality, Londres, Stevens & Sons Ltd., 1961, p. 237), Knapp (« Quelques considérations sur la jurisprudence de la CIJ en matière de nationalité », ASDI, vol. 17, 1960, p. 176) ou Blaser (op. cit. note 13, p. 63).
17 ILM, vol. 23, 1984, pp. 490-502.
18 Ibid., p. 491.
19 Il s’agissait des articles 2, chiffre 1er, et 7, chiffre 1er, lettre a, de la « Claims Settlement Declaration ».
L’article 2, chiffre 1er, stipule que
« An international arbitral tribunal (the Iran-United States Claims Tribunal) is hereby established for the purpose of deciding claims of nationals of the United States against Iran and claims of nationals of Iran against the United States… ».
Quant à l’article 7, chiffre 1er, letter a, il précise :
« A national of Iran or the United States, as the case may be, means a) a natural person who is a citizen of Iran or the United States… » (ibid.).
20 Outre ce développement récent du droit international, le Tribunal estima que l’application de la règle posée par l’article 4 n’était pas pertinente dans le cadre des affaires de son ressort parce que celles-ci s’écartaient du domaine de la protection diplomatique auquel ressort le principe exprimé par cette disposition. Selon lui, « … it is the rights of the claimants, not of his nation, that are to be determined by the Tribunal » (ibid., p. 498).
21 Pour une critique de cette décision, voir Stern, « Le problème de nationalité des personnes physiques et de contrôle des personnes morales devant le Tribunal des différends irano-américains », AFDI, vol. 30, 1984, pp. 438-440.
22 Pareil conflit pourrait survenir, puisque l’Etat a théoriquement le droit d’exercer la protection diplomatique proprio motu, sans l’assentiment de la personne privée. En outre, il est imaginable que le lésé fasse appel à ses deux Etats nationaux afin d’augmenter ses chances de succès.
23 Cf. Blaser (op. cit. note 13, p. 55). On trouve pourtant dans la pratique quelques exemples d’action conjointe de deux Etats : voir les affaires Tlahualilo (Grande-Bretagne et Etats-Unis contre Mexique ; le litige fut réglé au stade diplomatique. Voir Caflisch, La protection des sociétés commerciales et des intérêts indirects en droit international public, thèse, La Haye, Nijhoff, 1969, p. 197) et Chemin de fer de la baie de Delagoa (infra, p. 292).
24 Référence à la n. 14.
25 RSA, vol. V, p. 1188.
26 Décision du 20 septembre 1958. Voir ASDI, vol. 18, 1962, pp. 155-228.
27 Ibid., p. 213. En l’espèce, la Commission considéra que l’intéressé ne jouissait que d’une seule nationalité, à savoir la nationalité allemande. Dès lors, on ne pouvait le tenir pour un ressortissant des « Nations Unies », selon les termes de l’article 78, chiffre 9, lettre a, du Traité de paix (pour la teneur de cette disposition, cf. infra, p. 208 n. 27). La requête fut donc déclarée irrecevable.
L’article 5 de la Convention de La Haye sur les conflits de lois en matière de nationalité (texte par exemple chez Blaser, op. cit. note 13, p. 59) adopte le principe de la nationalité effective pour le cas où l’individu qui réside sur le territoire de l’Etat défendeur possède les nationalités d’autres Etats : l’Etat défendeur pourra ne reconnaître que la nationalité la plus effective. On peut se demander avec Perrin (op. cit. note 13, p. 873) si l’Etat défendeur aurait le droit, en vertu de ce principe, d’opposer à l’Etat demandeur le rattachement plus effectif qui lierait la victime à un Etat tiers.
Comme le dit Perrin (ibid.), on ne sait si cette norme reflète le droit positif. A notre avis, et pour des raisons exposées plus loin (voir infra, pp. 127-130), il faudrait répondre par la négative.
28 Voir ci-dessous.
29 Si, par exemple, van Panhuys (op. cit. note 9, p. 81) se prononce dans le sens de la décision rendue dans l’affaire Salem, l’article 4, lettre b, de la Résolution de 1965 de l’Institut de droit international suit l’arrêt Nottebohm (voir AIDI, vol. 51, 1965-II, p. 262).
30 Rec. TAM, vol. VI, pp. 499-505.
31 Ibid. p. 503.
32 Cf. par exemple les affaires Stevenson, Lebret, Massiani ou Barthez de Montfort (précitées).
33 Sur cette affaire, voir aussi supra, p. 22.
34 CIJ, Rec. 1955, p. 23.
35 Pour une critique de l’introduction de critères subjectifs, voir Guggenheim (Opp. diss., ibid., p. 57).
36 Voir à ce sujet par exemple Bastid (« L’affaire Nottebohm devant la Cour internationale de Justice », Rev. crit., vol. 45, 1956, pp. 607-633), Golsong (« Nationalité et protection diplomatique », Jahrbuch für internationales Rechts, vol. 45, 1959, pp. 258-266) ou Kunz (« The Nottebohm Judgment », AJIL, vol. 54, 1960, pp. 536-571).
37 Cf. supra, p. 22.
38 Voir par exemple Grossen (« Nationalité et protection diplomatique », Festschrift für Max Gutzwiller, Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 1959, p. 500), Knapp (op. cit. note 16, p. 158) ou Guggenheim (Op. diss., affaire Nottebohm, CIJ, Rec. 1955, p. 59).
39 Comme Guggenheim l’a souligné (ibid. p. 60), cette extrapolation revient à dissocier nationalité et protection diplomatique de telle manière qu’une catégorie d’« apatrides internationaux » prend naissance. Voir aussi Grossen (op. cit. note 38, p. 493) ou de Hochepied (La protection diplomatique des sociétés et des actionnaires, Paris, Pedone, 1965, p. 23). Pour d’autres critiques, notamment sur le problème de l’opposabilité d’une nationalité selon l’arrêt, voir encore Knapp (op. cit. note 16, pp. 168-171).
40 Cf. la loi allemande sur la nationalité du 22 juillet 1913, art. 25, citée par Guggenheim, ibid., p. 55.
41 Contra : Harris (« The Protection of Companies in International Law in the Light of the Nottebohm Case », ICLQ, vol. 18, 1969, p. 290). Pour lui, la Cour n’a eu en vue que la relation existant entre Nottebohm et l’Etat défendeur (le Guatemala). Pourtant, la nature des liens qui rattachaient Nottebohm à l’Allemagne fut également décrite par la Cour, brièvement il est vrai (CIJ, Rec. 1955, p. 25).
Bien entendu, le Guatemala n’avait pas centré son argumentation sur la question de l’effectivité (il s’agissait d’un cas de nationalité unique, répétons-le), mais bien sur le caractère frauduleux de la naturalisation et sur la violation des prescriptions internes à l’occasion de son octroi (ibid., p. 11).
42 Ibid., p. 24.
43 Ibid.
44 Voir ci-dessous, chiffre 4.
45 Guggenheim s’était même demandé si les autres effets déployés par la nationalité sur le plan international seraient affectés par la théorie de l’effectivité (Op. diss., CIJ, Rec. 1955, p. 63).
Avec la majorité de la doctrine (cf. par exemple Kunz, op. cit. note 36, p. 540, ou Blaser, op. cit. note 13, p. 74), nous sommes en faveur d’une interprétation restrictive de l’arrêt, excluant tout à fait cette éventualité.
46 Il serait absurde d’exiger une effectivité pour les autres modes d’acquisition de la nationalité parce que, précisément, ils n’en reflètent souvent aucune. Par exemple, la nationalité acquise par mariage ne suppose pas nécessairement l’existence de liens entre l’épouse et l’Etat national du mari. Il en va de même pour la nationalité reçue jure sanguinis. Kunz n’est pas très loin de la vérité lorsque, poussant le raisonnement jusqu’au bout, il affirme que seul l’Etat du domicile de la victime aurait qualité, du point de vue de l’effectivité, pour exercer la protection diplomatique (op. cit. note 36, p. 556).
47 CIJ, Rec. 1944, p. 24.
48 Ibid. p. 25. Les années 1942 à 1946 ne sont pas révélatrices pour un examen de l’effectivité de la nationalité : Nottebohm les passa en détention aux Etats-Unis.
49 Cf. Guggenheim (ibid. p. 61).
50 Examiner l’effectivité à l’un et à l’autre de ces moments sans tenir compte du temps qui les sépare n’aurait aucun sens, du fait de la continuité temporelle qu’implique cette notion, comme on l’a déjà dit.
51 Voir CIJ, Rec. 1955, p. 25.
52 Dans ce sens Perrin, op. cit., note 13, p. 881.
53 Dans l’affaire Flegenheimer, la Commission italo-américaine résuma parfaitement le problème : « Il n’existe en effet aucun critérium d’une efficacité éprouvée pour déceler l’effectivité du rattachement à une collectivité publique, et les personnes qui, étant donné les facilités de déplacement dans le monde moderne, ont, par milliers, la nationalité juridiquement certaine d’un Etat, mais vivent dans des Etats où se trouve leur domicile, le centre de leur vie familiale et économique, seraient exposées à la méconnaissance, sur le plan international, de la nationalité qu’elles possèdent incontestablement en vertu des lois de leur Etat national, si cette doctrine était généralisée » (extrait de ASDI, vol. 18, 1961, p. 214).
54 Voir par exemple Harris (op. cit., note 41, pp. 292-295), P. De Visscher (« La protection diplomatique des personnes morales », RCADI, vol. 102, 1961-I, pp. 451-457), Diez De Velasco (« La protection diplomatique des sociétés et des actionnaires », RCADI, vol. 141, 1974-I, pp. 125-128) ou Caflisch (op. cit. note 23, pp. 138-140).
Pour P. De Visscher, le manque d’effectivité de la nationalité de l’entité pourrait légitimer une intervention de l’Etat national des actionnaires (ibid., p. 476).
55 CIJ, Rec. 1970, p. 142.
56 S’agissant des critères subjectifs, rappelons que la distinction, issue du droit international privé, entre siège social réel et siège social fictif présuppose l’existence d’une volonté de la personne morale.
57 D’après Harris (op. cit. note 41, p. 293), les facteurs économiques tels que la contribution de la société à l’économie nationale revêtent une grande importance sous l’angle de l’effectivité.
58 Dans ce sens Caflisch (op. cit. note 23, p. 140). Voir aussi l’affaire de l’« I’m Alone », infra, pp. 176-177ss.
59 Cf. Caflisch (ibid., p. 139) et Lévy (La nationalité des sociétés, Paris, LGDJ, 1984, p. 128).
60 Dans ce sens, P. De Visscher (op. cit. note 54, p. 460) ou Leben (« Une tentative de perception globale : le recours à la nationalité des sociétés », in : L’entreprise multinationale face au droit, Paris, Librairies Techniques, 1977, p. 204). Voir aussi supra, p. 108.
61 CIJ, Rec. 1970, p. 42.
62 Voir ASDI, vol. 18, 1961, p. 212.
63 Ibid., p. 211.
64 Ainsi l’article 4, lettre c, de la Résolution de l’Institut de droit international de 1965 stipule : « Une réclamation internationale présentée par un Etat en raison d’un dommage subi par un individu peut être rejetée par l’Etat requis ou déclarée irrecevable lorsque, compte tenu des circonstances propres à la cause, il apparaît que la naturalisation a été octroyée à cet individu en l’absence de tout lien de rattachement » (AIDI, vol. 51, 1965-II, p. 262). Il faut relever que l’expression « en l’absence de tout lien de rattachement » constitue une restriction très importante à l’admission du critère de l’effectivité. En effet, rares sont les cas où aucun lien de rattachement n’existe entre la personne naturalisée et l’Etat. Il en irait différemment si l’on avait exigé un « lien de rattachement suffisant », par exemple.
65 AJIL, vol. 55, 1961, p. 551.

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