Chapitre 2. Souveraineté et pouvoir
p. 189-210
Texte intégral
§ 15 Pouvoir et force
a) La problématique
11 En quoi le paiement des impôts par les contribuables se distingue-t-il de la remise du contenu des coffres par les employés agissant sous la menace des revolvers que les gangsters braquent sur eux ?
2La réponse à cette question est la suivante : on doit payer ses impôts parce qu’il s’agit d’une obligation juridique, tandis qu’on remet l’argent des coffres aux gangsters parce qu’on y est contraint. Cette réponse n’est toutefois pas entièrement satisfaisante puisque le contribuable peut aussi se voir contraint de payer ses impôts par une procédure d’exécution forcée. La différence doit donc se trouver dans la définition de « l’obligation juridique ».
32 Qu’est-ce qu’une obligation juridique ? Il y a une telle obligation lorsque celle-ci est déduite d’une loi, par exemple de la loi fiscale. Cependant en quoi une loi fiscale diffère-t-elle du « racket » d’un gang de la mafia qui exige 30 % des recettes encaissées par les salons de jeu d’un quartier de la ville. La réponse à cette nouvelle question n’est autre que... parce que la loi est « valable », tandis que les injonctions et les menaces de la mafia ne sont pas « valables ». Mais que signifie donc la « validité juridique » ?
43 Que pensons-nous lorsque nous disons qu’une disposition légale est en vigueur et qu’elle est donc valable ou valide ? Il y a diverses réponses à cette question. L’école de philosophie du droit d’Uppsala (A. Ross, etc.) part de l’idée qu’est valable tout droit dont l’application est hautement vraisemblable. Selon cette théorie, la validité dépend par conséquent du pronostic sur l’application du droit. De telles prévisions sont toutefois également possibles en ce qui concerne les injonctions de la mafia. De surcroît, l’école d’Uppsala ne répond pas à la question de savoir pourquoi le juge et, à tout le moins, le juge suprême applique le droit. Pour ce dernier le pronostic n’est pas déterminant puisqu’il a lui-même à décider si le pronostic d’applicabilité formulé par exemple par les avocats est ou non pertinent1.
54 Pour Kelsen, la loi est « valable » parce qu’elle a été édictée selon la procédure en vigueur pour la législation et parce qu’elle est en harmonie avec le droit qui lui est supérieur, par exemple avec la constitution ou le droit international public. De la sorte, on déplace l’interrogation plus avant, à savoir au sujet de la « validité » du droit fondamental, c’est-à-dire la constitution. Selon Kelsen, pourquoi la constitution est-elle alors valable ? Parce qu’on peut la déduire d’une norme de base admise par cet auteur. Une telle norme tout à fait fondamentale n’a toutefois aucun contenu matériel et signifie uniquement que des obligations normatives, donc des normes de devoir ou règles morales peuvent coexister avec « l’Etre » et qu’en définitive tout droit est fondé dans le devoir, comme tout fait concret a son fondement dans la catégorie abstraite de l’être.
65 Si donc la mafia structure un système relatif à la procédure visant à édicter des injonctions, celles-ci seront aussi du « droit » pour autant qu’elles n’entrent pas en concurrence avec d’autres normes ou règles d’un système juridique déjà donné. Cela ne serait, cependant, plus le cas dans un Etat sous l’empire de la mafia.
76 La philosophie du droit d’Austin apporte une troisième réponse à la question de la validité juridique. Pour cet auteur, le droit et les lois « valent » parce qu’on peut le ou les déduire de la souveraineté de l’Etat et le ou les imposer par le pouvoir de l’Etat. Selon Austin, il existe un lien très étroit entre, d’une part, la validité du droit et, d’autre part, la souveraineté de l’Etat et son pouvoir d’imposer le droit.
87 Ce lien intime entre le droit et le pouvoir qui impose celui-ci est manifeste. C’est pourquoi nous allons commencer par devoir nous occuper de la relation entre la souveraineté et le pouvoir, phénomène fondamental de l’ordre juridique.
98 Dans ce contexte, il importe de montrer au préalable que le pouvoir de l’Etat n’est qu’en partie déterminé par sa force militaire ou policière. Une grande part de son pouvoir repose sur la légitimité rationnelle. C’est pourquoi nous distinguerons entre la force coercitive de l’Etat et son pouvoir afin de discerner pleinement les rapports entre le droit et le pouvoir.
109 L’employé de banque remet l’argent au gangster parce qu’il y est contraint. Le contribuable ne se sent pas seulement forcé de payer ses impôts, mais encore moralement obligé de le faire. Il reconnaît en effet la légitimité des lois qui l’obligent à payer en vertu de leur rationalité.
1110 Si la souveraineté de l’Etat ne dépend pas uniquement du pouvoir de celui-ci, mais encore nécessite une légitimité lnterne, il y a également un pouvoir qui revêt la forme de celui de l’Etat mais n’établit ni le droit ni la justice, mais au contraire l’injustice. Le camp de concentration d’Auschwitz ou le génocide perpétré au Cambodge par les Khmers rouges sont de tristes exemples d’un tel comportement illégitime des organes de l’Etat. Quelle est alors l’attitude que doit adopter le citoyen face à cet Etat inique et illégitime ? A-t-il le droit ou même le devoir d’opposer une résistance active ou passive ? Ce problème du droit de résistance revêt une importance cruciale et mérite d’être traité séparément à la fin du présent chapitre.
b) Identité du pouvoir et du droit
1211 Quels sont les rapports entre le droit et le pouvoir ? Celui qui détient le pouvoir a-t-il le droit de régir l’Etat ? On sait que Bodin a aussi attribué à celui qui exerce le pouvoir suprême dans l’Etat l’auréole de la souveraineté. Dès lors, la notion de souveraineté a-t-elle été créée pour légitimer le pouvoir de fait au sein de l’Etat ?
1312 Ce pouvoir effectif trouve sa justification, de façon très conséquente, dans la théorie d’Austin, empreinte d’une logique rigoureuse : “If a determinant human superior, not in a habit of obedience to a like superior, receive habitual obedience form the bulb of a given society, that determinate superior is sovereign in that society, and the society political and independent2.”
1413 La souveraineté se détermine donc par l’adhésion ou la soumission d’un peuple envers son gouvernement. La manière dont l’obéissance est obtenue, à savoir par la carotte ou le bâton ou encore par la persuasion et l’information n’est pas décisive. Ce qui l’est en revanche, c’est le fait que le peuple soit soumis (oboedientia facit imperantem).
1514 Mais qui donc est souverain ? D’après Austin, est souverain celui qui possède le pouvoir suprême et est indépendant, c’est-à-dire ne doit pas obéir à un autre gouvernement. Lorsqu’un gouvernement doit se soumettre à un autre pouvoir qui lui est supérieur, c’est alors ce dernier qui est souverain. Un autre élément important est constitué par la docilité. La majorité d’un peuple doit périodiquement obéissance à son souverain. Par exemple, lorsqu’un pays n’est occupé par des troupes étrangères que pour peu de temps, selon Austin, la souveraineté ne passe pas d’un souverain à un autre. “A given society therefore is not a society political unless the generality of its members be in a habit of obedience to a determinate and common superior3.” Pour Austin, souveraineté politique et souveraineté juridique sont donc identiques.
1615 Austin fait découler le droit positif de la souveraineté. Les obligations juridiques sont des ordres. En quoi se distinguent donc les commandements du droit de l’injonction d’un voleur qui menace le caissier avec son revolver et réclame le contenu de la caisse. La différence décisive tient au fait que les commandements du droit proviennent du souverain, tandis que ceux du voleur n’émanent que de lui. “But every positive law, or every law strictly so called, is a direct or circuitous command of a monarch or sovereign number in the character of political superior: that is to say, a direct or circuitous command of a monarch or sovereign number to a person or persons in a state of subjection to its author. And being a command (and therefore flowing from a determinate source), every positive law is a law proper, or a law properly so called4.”
1716 Ces considérations d’Austin datent de 1832 et constituent le prolongement du positivisme juridique instauré par Hobbes. Austin ne conteste pas l’existence du droit divin, ni celle de Dieu, source dudit droit. Austin est même un moraliste des plus stricts. Pourtant, à ses yeux, il faut distinguer le droit divin du droit positif, qui émane du souverain, ainsi que des normes de la morale qui recoupent certes partiellement les règles du droit positif, mais sont en partie imparfaites, parce qu’elles ne proviennent pas du souverain et ne peuvent donc être imposées par lui.
1817 De la sorte, la sécularisation du droit est définitivement achevée. Si, dans l’Antiquité, le droit était immédiatement d’origine divine, depuis Bodin, ce même droit découle du souverain, celui-ci tenant son pouvoir de Dieu et demeurant lié au droit divin. En revanche, Austin sépare définitivement le droit positif du droit divin. Il déduit ce droit positif de la souveraineté de l’Etat, celle-ci étant de son côté une conséquence de l’obéissance du peuple. Cette soumission populaire repose donc sur la reconnaissance spontanée ou contrainte de l’autorité par le peuple.
1918 Les théories positivistes modernes sont inconcevables sans la doctrine d’Austin sur la souveraineté et celle d’Hobbes sur le contrat social. Elles ont été développées plus avant encore au cours de ce siècle. L’auteur le plus proche d’Austin est certainement Hart5. Selon ses vues, la souveraineté ne s’explique pas uniquement par l’obéissance, la coutume et les commandements. En effet, le souverain doit s’en tenir à certaines règles lorsqu’il veut édicter des lois et doit respecter certaines prescriptions de procédure. Cela vaut bien sûr dans une démocratie au sein de laquelle divers organes ont part à la souveraineté de l’Etat, mais cela est aussi valable pour un Etat dirigé par un dictateur unique. De surcroît, tous les Etats souverains sont liés par le droit international public. D’après Hart, le droit n’est pas réductible à la notion d’injonction. Le droit implique un caractère impératif ou obligatoire qui ne repose pas exclusivement sur la puissance ou la peur de la sanction, mais dépend surtout de la reconnaissance du bien-fondé et de la conviction de la justesse de la mesure.
c) Le pouvoir seul ne suffit pas
2019 Cette reconnaissance d’un caractère obligatoire qui tient à la nature même du droit ouvre de nouveaux horizons à la théorie du droit et à celle de la souveraineté. Robinson peut ordonner certaines choses à Vendredi. Tant que celui-ci les acceptera comme droit, il obéira aux commandements. S’il est convaincu que les ordres sont mauvais, il ne s’y soumettra que sous la contrainte ; dans ce cas le caractère obligatoire propre et interne au droit fait défaut. Ainsi n’est pas souverain celui qui possède le pouvoir dans sa plénitude suprême, mais au contraire celui qui édicte des lois conformes aux règles prescrites, lois dont le peuple approuve le caractère obligatoire. Plus le pouvoir se révèle cruel et totalitaire, moins sa légitimité est reconnue et donc plus incertaine sa survie. La souveraineté n’implique pas, par conséquent, l’existence d’un pouvoir absolu habilitant le souverain à édicter des lois arbitraires. La souveraineté autorise seulement à légiférer de telle manière que le peuple reconnaisse le caractère obligatoire de la législation. Si le dictateur veut donner des ordres considérés comme mauvais et iniques, il devra user de la crainte et de la terreur. En d’autres termes, le tyran n’est pas au-dessus du droit et il ne peut donc pas modifier à sa guise les vues populaires en matière de droit et d’injustice. Dans ce sens, son pouvoir est limité. S’il veut aller à l’encontre de ce que la conscience populaire considère comme juste et impératif, il devra imposer ses ordres en se servant toujours plus d’une police secrète fidèle à son service.
2120 Le pillage d’une banque ne deviendra pas non plus une expropriation légitime parce qu’il aura été ordonné par le dictateur, voire commis par lui-même. Il y a donc certains principes juridiques élémentaires que le souverain doit également respecter. Celui-ci ne peut pas changer la nature de l’homme et ordonner par exemple que les hommes ne soient dorénavant autorisés à se rendre à leur travail qu’en volant dans les airs, tels des oiseaux. Il ne peut pas non plus contraindre les parents à tuer leurs enfants ou forcer des chrétiens à se convertir à l’Islam.
2221 Tandis que la première des exigences précitées (voler pour se rendre au travail) est impossible en raison des lois de la physique, la deuxième et la troisième sont contraires aux sentiments naturels les plus élémentaires chez l’homme.
23En effet, on ne saurait obliger l’être humain à violer des principes naturels universellement reconnus. Le droit et donc le souverain sont liés par les lois de la nature ainsi que par le comportement psychique normal et naturel de l’être humain, c’est-à-dire universellement admis. La souveraineté formelle ne légitime pas n’importe quelle injonction de l’Etat.
2422 Cependant, le souverain, par exemple le législateur, n’a pas besoin de motiver sa décision de façon détaillée dans chaque cas, avant de la faire entrer en vigueur. Il y a, en effet, présomption de légitimité et de légalité. En outre, on ne saurait conclure des considérations précédentes que l’Etat n’a nul besoin de son pouvoir pour imposer le droit ou encore que lorsque ledit droit doit être imposé par le recours à la puissance publique, il se transforme ipso facto en injustice. La sécularisation du droit et son positivisme, qui sont nés de la doctrine de Bodin sur la souveraineté, ne devraient toutefois pas conduire les Etats à surestimer leurs possibilités à cet égard. Ils peuvent certes légiférer dans un cadre fort large, mais sont absolument liés par certaines limites touchant à la nature humaine, aux facultés et possibilités de l’homme ainsi qu’à l’impératif d’humanité ; ce n’est pas impunément qu’un Etat et son législateur transgressent de telles limites.
d) Le rapport sociologique entre le droit et le pouvoir
2523 Lorsqu’au sein d’un Etat, deux ou encore un nombre plus élevé de groupes se disputent la souveraineté, cela conduit à l’anarchie et à la guerre civile. Les hommes doivent savoir que le droit s’applique également contre leur volonté, ce avec l’autorité de l’Etat et, au besoin, par la force publique. Si, un jour, la conviction selon laquelle l’Etat allait renoncer aux impôts qui n’ont pas été acquittés, s’installait, plus personne ne paierait alors ses impôts, car chacun supposerait que son voisin fait de même. En revanche, lorsque les contribuables savent que les impôts dus sont encaissés sans exception, ils veillent jalousement à ce que chacun paie ses impôts et ne puisse profiter d’une négligence des autorités fiscales. Pour qu’il puisse s’appliquer, et s’imposer, le droit a donc besoin du pouvoir de l’Etat. Mais, le plus souvent, il suffit de savoir que l’Etat usera au besoin de sa puissance, voire de sa force, pour inciter la grande majorité des citoyens à contribuer à faire triompher le droit.
2624 A l’inverse, les premiers signes d’une corruption de l’administration publique peuvent avoir des répercussions catastrophiques. Chacun va dès lors tenter d’acheter les fonctionnaires à son profit, ce qui sape l’autorité de l’Etat et mine le respect du droit. Une fois le règne de la corruption bien établi, le droit ne sera plus appliqué qu’aux personnes économiquement faibles, mais alors dans toute sa rigueur ; cela favorise la lutte des classes, la justice de classe et l’apparition d’un Etat caractérisé par les grands fossés entre classes sociales.
2725 Il y a donc lieu de s’interroger : que faut-il entendre par pouvoir étatique ? Un parlementaire détient le pouvoir lorsqu’il est en mesure de faire changer d’idées et d’aligner sur ses positions d’autres parlementaires qui avaient initialement des opinions divergentes. Si nous désirons mesurer ou définir le pouvoir de ce parlementaire, nous constaterons que ledit pouvoir se détermine d’après la probabilité ou la chance que le parlementaire a de faire changer d’avis ses collègues. Robert Dahl6 va encore plus loin et définit le pouvoir comme il suit : “as the difference between the probability of an event given certain actions by A and the probability of the event given no such action by A7”.
2826 Pris dans un sens aussi général, le pouvoir est déterminé par plusieurs facteurs. A vrai dire, il peut reposer sur l’éventualité d’un recours à la force. En tant que possibilité d’exercer une influence, le pouvoir dépend pourtant en premier lieu de la force de persuasion, de la confiance et des dispositions de chaque individu à convaincre. L’un est-il économiquement faible qu’il dépend alors d’un meilleur revenu ; est-il psychiquement faible, qu’il n’est pas prêt à prendre un grand risque ; est-il habitué à se laisser guider et à obéir qu’il sera plus facile à celui qui veut exercer le pouvoir de le gagner à sa cause que s’il avait en face de lui un adversaire économiquement indépendant, ayant le goût du risque et bien équilibré psychiquement.
2927 Tout comme le pouvoir du parlementaire, celui de l’Etat est déterminé par divers facteurs. Le citoyen paie ses impôts parce qu’il craint l’exécution forcée dans une certaine mesure. Il a donc peur du pouvoir public qui se cache derrière les lois. Mais, pour une bonne part, il est aussi intimement convaincu de la nécessité de payer des impôts parce qu’il naît à la justesse de la loi. En effet, celle-ci a été édictée selon une procédure correcte et contient des prescriptions équitables. Le droit d’édicter de telles lois, le législateur le possède parce qu’il a été traditionnellement reconnu par le peuple comme faisant autorité en raison de son charisme ou de sa rationalité, c’est-à-dire de son caractère raisonnable (M. Weber).
3028 Le pouvoir de l’Etat se subdivise donc en force publique, d’une part, et autorité publique, d’autre part. Commençons par examiner la force publique. La force revient à utiliser des moyens de contrainte physique. Seuls les organes de l’Etat peuvent recourir à des moyens tels que la privation de liberté ou l’exécution forcée (la saisie p. ex.). L’Etat n’a certes pas le monopole de la puissance, mais bien celui de force. Ce monopole de la force publique caractérise l’Etat moderne comparativement aux Etats des temps plus anciens. L’ancien droit du seigneur qui pouvait par exemple châtier ses valets a été abrogé. L’usage de la force est réservé exclusivement aux organes de l’Etat.
3129 La force publique est inflexible. Le citoyen s’y expose sans interruption. Celui qui se rend coupable sera puni s’il tombe aux mains de l’autorité chargée des poursuites pénales. C’est pourquoi il importe également de s’assurer que les autorités qui sont détentrices de la force publique soient contrôlées. En effet, la force publique ne doit s’exercer que dans les limites des lois. L’homme qui dispose de la force sans être soumis lui-même à un contrôle devient très souvent inhumain et cruel.
3230 Le recours à la force est légitime lorsqu’il a lieu au nom de l’autorité publique. L’Etat doit donc disposer de la force en dernier recours (ultima ratio). Si des particuliers séquestrent une personne, ils agissent illégalement et illicitement ; par contre, les autorités chargées de la répression pénale ont le droit d’emprisonner une personne condamnée par un jugement d’un tribunal. Ce droit est toutefois limité et soumis à des contrôles.
3331 Il est toutefois rare que l’Etat fasse usage de la force. Dans les Etats totalitaires la menace du recours à la force et la crainte de l’arbitraire du pouvoir suffisent. Dans les Etats ou règne la liberté, l’Etat peut s’imposer face aux citoyens par d’autres moyens, notamment par son autorité.
3432 En quoi consiste l’autorité de l’Etat ? Max Weber distingue trois sortes de pouvoir légitime : le pouvoir légal, le pouvoir traditionnel ou coutumier et le pouvoir charismatique8. A mon avis, l’autorité de l’Etat repose sur la confiance que les organes de l’Etat inspirent aux citoyens. Cette confiance dépend de la rationalité ou caractère raisonnable de leurs décisions9, du processus de décision, de la tradition ainsi que du charisme dans certains Etats.
3533 Le pouvoir implique nécessairement l’existence d’une relation entre deux ou plusieurs personnes. Il est fondé sur la vigueur et la supériorité d’une partie et, simultanément, sur la dépendance et la faiblesse de l’autre partie. La dépendance d’ordre économique constitue l’un des principaux facteurs de pouvoir. Dans les Etats où l’économie est centralisée et nationalisée, la dépendance économique peut être utilisée, en plus de la force et de l’autorité de l’Etat, pour imposer les décisions des pouvoirs publics. Dans un tel Etat, celui dont le sort dépend d’un emploi, d’un logement ou d’une place d’étude à l’Université se comportera correctement sans qu’il soit nécessaire de recourir à la force publique, parce que sinon il devra prendre en compte des inconvénients qu’il n’est pas prêt à supporter. Il en va de même dans les Etats où règne la liberté lorsque l’individu dépend de l’octroi d’une subvention, d’une bourse d’étude ou d’une autre prestation des pouvoirs publics.
3634 Il importe que le pouvoir économique de l’Etat soit soumis au même contrôle que l’exercice de la force publique. En effet, ce pouvoir doit s’appliquer selon les principes de la légalité et de l’égalité de traitement. On ne saurait refuser une bourse d’étude à un étudiant parce qu’il n’appartient pas au « bon » parti. La rente de vieillesse ne saurait être réduite parce que la personne concernée a subi une condamnation ou vient de commettre un délit. Une des tâches importantes du législateur consiste donc à veiller à ce que l’administration n’abuse pas de la dépendance économique de certains citoyens et crée ainsi, de fait, de nouvelles atteintes aux libertés.
3735 Quels sont donc les rapports et les imbrications entre la force publique, la dépendance économique, l’autorité de l’Etat et le droit ? Les liens étroits qui unissent ces éléments dynamiques sont plus aisément définissables à l’aide d’une image. La lumière brille lorsqu’une ampoule électrique en état de fonctionnement est reliée au courant. La force publique et le pouvoir économique sont comparables à ce courant électrique. Celui-ci ne donnera toutefois de la lumière que par l’intermédiaire de l’ampoule. La lumière, c’est-à-dire le droit, ne naît que lorsque l’ampoule, à savoir l’autorité publique, fonctionne. Certes, la force peut s’exercer sans légitimité étatique ; en revanche un tel exercice ne crée aucun droit. Si l’autorité publique occupe une position élevée, c’est-à-dire lorsqu’elle est respectée, elle peut régir en faisant un usage modéré et discret de la force publique. Une bonne lampe consomme peu de courant. En revanche, lorsque l’autorité de l’Etat est faible, il faut alors beaucoup de courant, c’est-à-dire de force publique ou de pouvoir économique, pour obtenir la lumière, à savoir le droit. Enfin, lorsque l’autorité publique (l’ampoule) disparaît, le meilleur courant n’est plus à même de produire le moindre droit.
3836 Tzeu Koung interrogea Confucius sur l’administration des affaires publiques. Le Maître répondit : « (Celui qui administre les affaires publiques), doit avoir soin que les vivres ne manquent pas, que les forces militaires soient suffisantes, que le peuple lui donne sa confiance. » Tzeu Koung dit : « S’il est absolument nécessaire de négliger une de ces trois choses, laquelle convient-il de négliger ? » « Les forces militaires », répondit Confucius. « Et s’il est absolument nécessaire d’en négliger encore une seconde », dit Tzeu Koung, « quelle sera-t-elle ? » « Les vivres », répondit Confucius. (Sans doute, les vivres manquants, la famine fera des victimes ; mais de tout temps les hommes ont été sujets à la mort). « Si le peuple n’a pas confiance en ceux qui le gouvernent, c’en est fait de lui10. » Cette ancienne sagesse chinoise en dit plus long sur les rapports entre le droit et le pouvoir que maintes dissertations scientifiques fort ennuyeuses. L’armée ou la police incarne la force publique, la nourriture personnifie la dépendance économique, tandis que la confiance illustre l’autorité de l’Etat. Pour Confucius dont la pensée est marquée par un certain idéalisme, la légitimité intérieure est la plus importante. En revanche, pour Machiavel, celle-ci joue un rôle secondaire. A la longue, toutefois, aucun souverain ne se maintient sans cette légalité intérieure. Tôt ou tard, il devra chercher à asseoir son pouvoir sur une telle légitimité.
3937 Le droit ne peut se consolider et se développer qu’au sein d’un Etat qui est fort économiquement et militairement et qui jouit de la confiance du peuple. La souveraineté ne dépend pas seulement des armes. Plus d’un gouvernement a fait l’erreur de croire que la police et l’armée suffisaient à rétablir la confiance au sein de la population. Un dicton populaire dit qu’on peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’asseoir dessus. La souveraineté doit donc reposer sur la confiance que le peuple place dans la légitimité des activités gouvernementales.
Bibliographie
a) Auteurs classiques
40Confucius, Les Quatre livres, vol III : Entretiens de Confucius et de ses disciples, trad. S. Couvreur, Paris, « Les Belles Lettres », 1949
41Weber, M., Die drei reinen Typen der legitimen Herrschaft, in : Ibid., Gesammelte Aufsätze zur Wissenschaftslehre, éd. J. Winckelmann, 3e éd., Tübingen 1968
b) Autres auteurs
42Austin, J., The Province of Jurisprudence etc., New York 1965
43Burckhardt, C. J., Zum Begriff der Macht, Zürich 1972
44Clegg, S., Power, Rule and Domination. A Critical and Empirical Understanding of Power in Sociological Theory and Organizational Life, London 1975
45Dahl, R., The Concept of Power, Chicago 1961
46Deutsch, K. W., The Nerves of Government, Models of Political Communication and Control, 2nde éd., Toronto 1967
47Eschenburg, Th., Ueber Autorität, 2nde éd., Frankfurt a.M. 1969
48Fleiner, Th., Norm und Wirklichkeit, in : ZSR 93 (1974), 2e fasc., p. 279 ss.
49Friedrich, C. J., Constitutional Government and Democracy, 4e éd., Waltham/Mass. 1968
50Ibid., Man and his Government, New York 1963
51Gunst, D., Verfassungspolitik zwischen Macht und Recht, Mainz 1976
52Hart, H. L. A., The Concept of Law, Oxford 1961
53Kriele, M., Einführung in die Staatslehre, Hamburg 1975
54Ibid., Recht und praktische Vernunft, Göttingen 1979
55Lasswell, H., Kaplan, A., Power and Society: A Framework for Political Inquiry, New Haven 1950
56Patridge, P. H., Some Notes on the Concept of Power, in : Political Studies 1963, p. 107 ss.
57Peczenik, A., The Structure of a Legal System, in : Rechtstheorie 6 (1975), p. 1 ss.
58Recht und Macht in Politik und Wirtschaft. Sozialwissenschaftliche Studien für das Schweizerische Institut für Auslandsforschung, Zürich 1976
59Sternberger, D., Grund und Abgrund der Macht. Kritik der Rechtmässigkeit heutiger Regierungen, Frankfurt a.M. 1962
60Stone, J., Social Dimensions of Law and Justice, London 1966
§ 16 Souveraineté et légitimation du droit
611 Qui confère l’autorité intrinsèque à la force publique, à l’Etat et au droit ? Les citoyens concernés, le peuple. L’autorité naît de leur reconnaissance par le peuple. Une communauté revêt le caractère d’Etat lorsque seuls les organes étatiques peuvent avoir recours à la force et que, ce faisant, ils jouissent parmi le peuple de l’autorité nécessaire, c’est-à-dire d’une reconnaissance populaire. L’origine véritable de « l’Etatéité », à savoir la souveraineté, réside dans le peuple. Sans celui-ci on peut certes exercer la force, mais non point l’autorité. En tant que fondement de la légitimité de l’autorité dont jouit l’Etat, la souveraineté émane donc en définitive du peuple. Comment en est-on arrivé à ce tournant dans la doctrine de la souveraineté et que signifie-t-il ?
a) De la souveraineté du monarque à celle du peuple
622 Depuis Bodin, les conceptions de la souveraineté se sont profondément modifiées. L’évolution démocratique, notamment la doctrine du contrat social a fait passer la souveraineté du monarque, souverain traditionnel, au peuple, nouveau détenteur de la souveraineté. Bodin, dont la pensée a marqué de façon décisive la conception de la souveraineté pour les siècles suivants a assimilé – consciemment ou non – la souveraineté organique du monarque à la souveraineté tout court. Par la suite, Rousseau transféra la souveraineté des mains du monarque dans celles du peuple. Chez lui, la souveraineté s’incarne dans la « volonté générale » qui est toujours équitable et juste ; cette idéologie recèle toutefois en elle le danger d’aboutir à une démocratie absolue et totalitaire ou, à tout le moins, d’être interprétée dans ce sens11. On ne doit cependant pas perdre de vue que, dans ses réflexions sur la démocratie, Rousseau est toujours parti de l’idée d’une petite communauté restreinte et n’a jamais songé à une grande démocratie centralisée et bureaucratique12.
633 Un fait revêt toutefois une importance certaine dans le passage de la souveraineté du monarque à la souveraineté populaire. En effet, alors que chez Bodin les liens du monarque avec le droit divin sont encore essentiels, cette relation transcendantale disparaît avec l’avènement de la souveraineté populaire. Cela conduit à des affirmations du genre de celles qui suivent : le peuple a toujours raison ; les intérêts du peuple prévalent systématiquement ; le peuple ou l’Etat ne commet jamais d’injustice lorsque la décision est prise dans l’intérêt de l’Etat ou de la nation. Avec de telles affirmations, les régimes totalitaires, tant fascistes que communistes, ont poussé la souveraineté populaire jusqu’à l’absurde.
644 La souveraineté du monarque n’est guère comparable à celle du peuple pour une autre raison encore. En effet, si, dans le cas du monarque, il est relativement aisé d’établir dans quelles mains se trouve la souveraineté juridique et politique, c’est-à-dire le pouvoir effectif, le gouvernement du peuple ou régime populaire est une notion plutôt abstraite. Ce qui constituait autrefois le pouvoir du monarque n’est pas, dans le système de la souveraineté populaire, réparti de façon égale entre tous les citoyens, bien que chaque voix soit égale. Les innombrables dépendances des citoyens au sein de l’Etat moderne, les structures complexes du pouvoir, qui sont souvent impénétrables, et la multiplication des différents centres de pouvoir ont plutôt conduit à une situation où il est fréquent que le peuple ne se sente pas souverain, mais ait au contraire le sentiment désagréable d’être le jouet de puissances inconnues13.
655 Aujourd’hui, le droit et le pouvoir paraissent largement séparés. Juridiquement, le peuple est compétent dans de nombreux domaines ; de fait, il est fréquent qu’il se sente berné. Le peuple n’a pas le sentiment que le gouvernement est à son service, mais que c’est plutôt le contraire.
666 Le peuple ne s’identifie pas à l’Etat ni à la souveraineté de celui-ci. C’est pourquoi il est si facile de faire de l’Etat un ennemi responsable de tous les maux et de maudire la bureaucratie qui administre un tel Etat.
677 Même au sein d’une petite démocratie reposant sur l’institution de la „Landsgemeinde“, on ne peut pas comparer la souveraineté du peuple avec celle du monarque puisque dans une démocratie directe également, les minorités et les majorités peuvent se modifier à tout moment et que ce ne sont pas toujours les mêmes citoyens qui se sentent prêts à assumer durablement des responsabilités dans le domaine des activités publiques et des décisions y relatives. Le moment est-il donc venu d’abandonner la notion de souveraineté qui serait par conséquent désuète ?
b) Le peuple à l’origine du pouvoir légitime de l’Etat
688 Il ne fait pas de doute que la souveraineté, entendue comme plénitude du pouvoir, est, dans la démocratie moderne, partagée de fait entre divers groupes et autorités, ce qui était encore inconcevable pour Bodin. Aucun d’eux n’a un pouvoir de domination absolu ou suprême. En revanche, le pouvoir de l’Etat, ses compétences sont réparties entre les organes des pouvoirs publics, entre l’Etat fédéral et les Etats membres. Cela a conduit certains théoriciens de l’Etat à conférer la souveraineté à organe ayant la compétence de déterminer les compétences. Par conséquent, celui qui aurait la compétence de la compétence, détiendrait la souveraineté juridique. Cependant, on réduit de la sorte le débat sur la notion de souveraineté à sa dimension purement juridique et on détache alors cette définition de la notion de plénitude du pouvoir (cf. Z. Giacometti).
699 En réalité, la souveraineté de l’Etat moderne est très limitée. Ses possibilités dans les domaines de l’économie, de la politique et de la technique sont réduites. En outre, l’Etat ne peut pas faire abstraction de son histoire, des convictions populaires et des lois et coutumes existantes. De surcroît, il doit prendre ses décisions selon une procédure dans laquelle les divers centres de pouvoir peuvent exercer leur influence. La constitution et les lois imposent à l’Etat des limites précises dans sa liberté d’action. Que reste-t-il aujourd’hui de la conception de Bodin selon laquelle le monarque règne sur son peuple de façon absolument souveraine ?
7010 Si nous nous interrogeons encore une fois au sujet de ce qui fut finalement à l’origine de la doctrine de la souveraineté professée par Bodin, nous constatons qu’il s’agissait pour lui de fonder la légitimité. Dès lors, avec la souveraineté du monarque, Bodin visait à justifier, c’est-à-dire légitimer le règne du roi ou du prince sur son peuple : celui qui a la plénitude du pouvoir, celui qui dans un pays est la dernière et suprême instance a également le droit de régner sur le peuple. Les pleins pouvoirs donnent au monarque le droit d’édicter les lois, d’abroger le droit coutumier et de donner des ordres qui sont sans appel. Son pouvoir le légitime.
7111 Le peuple d’un Etat démocratique n’a plus ce besoin de légitimité. Le peuple déduit sa légitimation non point de la souveraineté, mais du principe de la démocratie et de la majorité. Celle-ci a le droit de décider contre l’avis de la minorité. Elle est légitimée à le faire non pas parce qu’elle détient le pouvoir, mais parce que la majorité l’emporte sur la minorité par l’étendue de ses droits14.
7212 D’où le juge tire-t-il le droit de condamner le coupable ? Naturellement de la loi qui lui donne ce droit. D’où le législateur détient-il le droit de condamner certains comportements humains et de charger le juge de juger des accusés ? Evidemment de la constitution. Mais alors d’où le constituant déduit-il le droit de donner au législateur la compétence d’édicter des lois ? Réponse : du droit démocratique à l’autodétermination et non pas de la souveraineté.
7313 La grande importance accordée à la souveraineté et la manière dont celle-ci a été comprise ont souvent conduit les Etats à surestimer énormément leur pouvoir de domination. Ils ont cru que la société humaine pouvait être modifiée et guidée à leur gré et qu’ils étaient appelés à détenir la souveraineté. En réalité, les hommes sont peu malléables et ne se laissent guider que dans d’étroites limites. La tâche des Etats consiste à trouver la bonne voie, le juste milieu parmi les possibilités qui subsistent. A cet effet, l’Etat a besoin d’organes qui puissent prendre des décisions à caractère obligatoire pour la population, mais il lui faut également ce pouvoir qui lui est propre et qui lui est nécessaire pour imposer ses décisions. Quant aux organes de l’Etat, du législateur au juge suprême, tous doivent pouvoir légitimer leurs actes. Cette légitimation des activités étatiques est conférée par le peuple, par la décision populaire et non par la souveraineté. La légitimation disparaît dès que les organes outrepassent les limites prescrites par le peuple. Toutefois, les décisions de la majorité ne sont pas non plus légitimées sans restriction aucune. En effet, la majorité n’a pas le droit d’opprimer les minorités ou de fouler aux pieds des libertés fondamentales. C’est seulement dans un cadre donné et compte tenu des convictions populaires léguées par l’histoire que la majorité peut attribuer des compétences aux organes de l’Etat.
7414 Ainsi comprise, la légitimation par le peuple n’aboutit pas à une conception erronée, voire totalitaire de l’autodétermination. Le peuple ne peut pas se régir lui-même, mais il peut en revanche légitimer le gouvernement et l’activité de celui-ci.
c) Est souverain, celui qui peut légitimer l’utilisation du pouvoir et de la force
7515 Bodin a légitimé le pouvoir du monarque et son usage en expliquant que celui-là est le représentant de Dieu dans les affaires de ce monde. Hobbes a complètement sécularisé la force publique et l’a légitimée par le contrat social ; cette doctrine du contrat social a commencé alors à triompher. La suppression du lien moral et religieux inhérent à la force de l’Etat signifiait du même coup la disparition d’un contre poids dans l’exercice du pouvoir ; de la sorte, il ne restait plus grand chose au peuple pour s’affirmer contre le pouvoir puisque, par le contrat social il avait définitivement et irrévocablement conféré force et pouvoir au monarque.
7616 La sécularisation du pouvoir de l’Etat a fait croître le besoin d’une légitimation de ce pouvoir par l’Etat lui-même. Le contrat social a offert la légitimité souhaitée. Ce faisant, c’est également le contenu du pouvoir qui se modifiait. En effet, aussi longtemps que le pouvoir étatique était lié à une légitimation d’origine divine, il fallait que son contenu reste en harmonie avec les lois divines. En revanche, le contrat social se bornait désormais à légitimer le pouvoir en tant que tel, mais se gardait bien de définir son contenu. Par conséquent, le monarque n’était lié par aucune directive dans l’exécution du contrat social. D’après Hobbes, il pouvait exercer son pouvoir sans restriction aucune, tandis que selon Locke sa puissance n’était limitée que par les droits naturels qui sont inaliénables. Dans ce cadre, le monarque dispose cependant d’un pouvoir discrétionnaire.
7717 La légitimation de la domination par le contrat social (prince « par la volonté du peuple ») pose toutefois deux autres problèmes essentiels qui, aujourd’hui encore, n’ont rien perdu de leur actualité. D’abord, il y a lieu de s’interroger pour savoir qui fait partie de ce peuple. Celui-ci est-il délimité par le territoire en question ou s’agit-il du peuple historique, réalité sociologique ? A mon avis, appartiennent d’abord à un « peuple » tous les hommes envers lesquels il existe un minimum de solidarité du côté de la majorité. Lorsqu’un peuple veut discriminer complètement une race et l’exterminer – les Juifs par exemple – il perd alors son droit à la légitimité face à cette minorité. Les « Aryens » n’ont pas pu légitimer la force publique brutale dont ils ont usé envers les Juifs. Les ethnies ou autres minorités envers lesquelles il n’existe aucune disposition à la solidarité ne peuvent donc être comptées comme appartenant à un « peuple ».
7818 Ainsi, nous en arrivons au second problème : celui qui légitime le pouvoir par une autorité transcendantale, c’est-à-dire supérieure aux hommes, n’a pas besoin de légitimer ladite autorité. Par contre, celui qui fait reposer le pouvoir sur le peuple, c’est-à-dire y place sa légitimité, devra forcément répondre aussi à la question de savoir pourquoi le peuple a donc le « droit » de légitimer « l’autorité juridique » et le pouvoir de l’Etat. En définitive, cela ne peut découler que du droit des peuples à l’autodétermination qui lui-même n’est ni explicable ni légitimable plus avant. En effet, ce droit des peuples à l’autodétermination n’est pas illimité. Par exemple, la souveraineté traditionnelle du peuple suisse a toujours été entendue comme une souveraineté limitée et liée à Dieu en fin de compte (préambule de la constitution fédérale et de diverses constitutions cantonales) ; à mon avis, le droit à l’autodétermination n’est donc pas un droit absolu15.
7919 Dans quelle mesure le peuple est-il pourtant souverain ? Pour légitimer le pouvoir de l’Etat il n’est pas besoin d’autre fondement de la légitimité que la souveraineté. Est donc souverain tout peuple qui est le fondement dernier et suprême de la légitimation dont le pouvoir de l’Etat ne peut se passer.
8020 Si, pour Bodin et sa doctrine de la souveraineté, il s’agissait de conférer au prince, détenteur effectif du pouvoir de l’Etat, la légitimation dans l’exercice dudit pouvoir, il importe aujourd’hui de distinguer la souveraineté du peuple de celle des différents organes de l’Etat qui sont chacun détenteurs d’une part de son pouvoir. La légitimité des pouvoirs publics dont ces organes sont investis ne leur est pas conférée par la souveraineté de l’Etat, mais au contraire par le peuple. Cependant, pour légitimer cette délégation de pouvoir, il faut que le peuple soit souverain, c’est-à-dire qu’il n’ait plus besoin d’une autre légitimation pour sauvegarder son droit à l’autodétermination.
d) L’Etat comme source du droit
1. Peut-on créer le droit ?
8121 La conception sécularisée de la souveraineté a également conduit à un autre entendement du droit : celui-ci peut être créé, c’est-à-dire qu’il est modifiable. Si à l’origine le droit était traditionnel, coutumier et préexistant, il fut désormais possible au souverain, selon la doctrine de Bodin, de le modifier, de l’abroger ou de l’édicter par le biais de la législation. D’après Hobbes, le droit et l’injustice ne naissent vraiment qu’au moment de la conclusion du contrat social. Seul l’Etat peut créer le droit et l’injustice. Pour ce philosophe, l’Etat est l’unique source du droit.
8222 Ainsi naquirent les conditions dont dépend le positivisme juridique qui, au sens d’Austin16 ramène et réduit le droit au souverain et ne reconnaît comme règles juridiques que celles qui proviennent du souverain. Il est sans aucun doute juste que seul l’Etat souverain a le droit de recourir à la force publique pour imposer le droit. Seul l’Etat est habilité à faire triompher le droit par la contrainte si nécessaire. Cependant, peut-il modifier le droit à sa guise, l’abroger et le compléter comme il lui plaît ? Le droit ne naît-il donc qu’au moment où l’Etat apparaît ? N’existe-t-il que par lui ? Peut-on se fonder sur le monopole de l’Etat en matière de force publique pour conclure à son monopole dans le domaine du droit ?
8323 Poser ces questions, c’est y répondre du même coup. En effet, le droit et le pouvoir ne sont pas identiques. L’obligation juridique demeure même lorsqu’elle n’est pas imposée. Le criminel qui échappe à l’autorité chargée de la poursuite pénale et dont les crimes sont prescrits a toutefois violé une obligation juridique, bien qu’il ne soit plus puni pour cela. Le droit est une donnée qui est certes liée au pouvoir de l’Etat, mais n’est point identique à celui-ci ; de même l’Etat ne peut pas modifier cette donnée selon son bon plaisir.
8424 Puisque seul l’Etat est habilité à imposer le droit, il est certain que l’Etat constitue une source importante, mais non pas l’unique source du droit. L’Etat doit absolument pouvoir modeler et modifier le droit en tenant compte du caractère et des besoins du peuple, des conditions géographiques et du genre d’organisation ainsi que des conceptions prévalant en matière de liberté et de justice. Toutefois, l’Etat ne saurait disposer du droit à volonté. Une injustice flagrante ne deviendra jamais juste, même lorsque l’Etat décrète cela. La force publique coercitive n’est pas partout ni toujours force contraignante, légitime pour imposer n’importe quel commandement. L’Etat est lié par les limites qu’impose un comportement empreint d’humanité.
8525 Une question reste cependant en suspens : comment discerner les limites de la souveraineté, c’est-à-dire de la « faisabilité » du droit. Quelles sont les règles d’humanité qui devraient être inviolables ?
8626 Les sciences juridiques qui seraient certainement appelées à répondre à cette question se sont trop longtemps laissées guider par des critères propres aux sciences naturelles, bien qu’elles-mêmes constituent une discipline des sciences humaines et n’ont donc retenu et reconnu que ce qui était discernable et démontrable avec une clarté absolue. Pourtant la connaissance scientifique du droit ne peut être aussi « pure » qu’en renonçant du même coup à des aspects relatifs au contenu et à la nature du droit et de la justice.
8727 Récemment, Martin Kriele a prôné une réhabilitation de la raison pratique, de la vertu de prudence (prudentia) face à la science pure (scientia)17. Si les faits établis par la raison pratique sont également reconnus comme connaissances scientifiques, la science du droit peut alors formuler des postulats de fond et non pas seulement de forme envers les règles du droit positif. A tout le moins, on déduira des sciences juridiques ce qui doit être considéré comme « injustice » et qui demeurera une injustice même si elle est exigée par une règle unique du droit positif. En fait on ne voit pas pourquoi le génocide systématique de peuples entiers, la persécution et la torture de prisonniers sans défense et la discrimination consciente des minorités – actes qui, tous, sont contraires aux conclusions élémentaires de la raison pratique et qui constituent donc des injustices criantes – devrait être considérée comme des obligations juridiques.
8828 Il est certain qu’on ne peut pas déduire chaque règle de droit de la raison ou de la nature humaine, ainsi que l’ont cru les adeptes de la doctrine du droit naturel professée par la philosophie des lumières. En revanche, les attributions de l’Etat ont des limites qui sont discernables au moyen de la raison pratique parce que ces limites se heurtent aux principes moraux universellement reconnus. Les méthodes par lesquelles il est possible de tracer ces limites à la souveraineté sont ce principe de la généralisation, déjà énoncé par Kant, et le débat, c’est-à-dire la discussion socratique sans préjugés de part et d’autre, au cours de laquelle des partenaires égaux échangent arguments et contre-arguments18. Des principes qui sont généralisables, qui sortent victorieux d’un débat ouvert et qui sont par conséquent applicables à la réalité humaine ainsi qu’explicables à l’opinion publique résistent à l’examen de la raison pratique.
8929 La raison pratique ne détermine pourtant pas chacune des décisions d’espèce prises par l’Etat. On ne peut déduire de la raison pratique que les limites que celle-ci impose à l’Etat en ce qui concerne la liberté de décider dont disposent les pouvoirs publics. Dès lors, le droit est créé par l’Etat dans le respect des limites que la raison pratique permet de discerner. Celles-ci doivent laisser à l’Etat un pouvoir d’appréciation suffisamment étendu. Puisque l’Etat, par sa propre force publique de nature coercitive, confère au droit un caractère plus impératif que celui dont les principes moraux sont revêtus, il assume sa propre responsabilité en matière de législation. Il doit donc, compte tenu de cette responsabilité, édicter des lois dans un cadre restreint, mais ces lois doivent être en harmonie avec les données réelles, la sensibilité populaire et les possibilités concrètes ; il importe également que les organes de l’Etat soient en mesure de les appliquer. L’Etat doit donc avoir la possibilité de disposer largement de sa compétence de légiférer.
9030 En plus des évidences de la raison pratique et de la souveraineté de l’Etat, il y a encore lieu de mentionner les normes ou règles du droit des gens19 comme autre source du droit. Ces diverses sources imposent des limites à la souveraineté de l’Etat et, partant, à la « faisabilité » du droit. Si les Etats souverains peuvent légiférer sur le plan interne, en revanche le droit qu’en leur qualité d’Etats souverains ils ont déclaré obligatoire d’un commun accord, ne le devient qu’au moment où ils reconnaissent ce droit comme leur étant supérieur.
2. Le droit de résistance
9131 Si nous partons de l’idée selon laquelle la souveraineté de l’Etat a des limites, la question qui se pose alors est de savoir dans quelle mesure les hommes ont le droit de résister au pouvoir coercitif de l’Etat qui crée l’injustice au lieu du droit.
9232 La question du droit de résistance est l’un des problèmes les plus difficiles que la théorie de l’Etat doive résoudre. Tout comme pour les autres questions brûlantes, il y a une vive controverse entre les doctrines des différentes époques ainsi qu’entre les auteurs.
9333 Au Moyen Age, la théorie de l’Etat était placée sous le signe de l’autorité royale, à la fois surnaturelle et conférée par Dieu. Le roi était tenu de réaliser les lois divines. Comment les sujets devaient-ils toutefois se comporter envers des monarques qui violaient les lois divines ? Les traditions et les doctrines médiévales donnent diverses réponses à cette question. Thomas d’Aquin rejetait l’idée d’assassiner le monarque héréditaire qui se comporte de façon tyrannique parce qu’il estimait que, le plus souvent, le tyran assassiné était remplacé par un plus mauvais tyran encore et que la résistance accentuait forcément la brutalité du pouvoir. En revanche, dans le cas du monarque élu par le peuple et qui n’exerce donc qu’une “potestas concessa”, la résistance se justifie. En effet, le peuple qui a choisi un monarque peut aussi le déposer lorsque celui-ci abuse de son pouvoir20. A l’opposé, Jean de Salisbury, l’auteur de la doctrine des deux glaives, explique dans son ouvrage Polycratius que le meurtre du tyran est en principe légitime lorsque celui-ci enfreint les lois divines.
9434 Avec la théorie du contrat social, l’optique se modifie considérablement. Tandis que les uns (p. ex. Hobbes) sont d’avis que la conclusion du contrat social confère tous les droits au monarque, les autres (J. Locke notamment) estiment que les individus ont des droits inaliénables. Si l’Etat peut disposer de tous les droits y compris des libertés fondamentales et des droits de l’homme, il ne peut alors pas créer d’injustice puisque le droit ne naît que par l’Etat. Par conséquent, un droit quelconque de résistance est exclu. La résistance au pouvoir coercitif de l’Etat est donc éventuellement une question de morale, mais non point de droit.
9535 Les représentants de la doctrine du contrat social pour lesquels ledit contrat ne confère à l’Etat que des droits limités répondent diverséeent à la question du droit de résistance. Selon eux, l’homme jouit donc de droits inaliénables auxquels le tyran lui-même ne saurait toucher. En toute logique, Locke, fondateur de la doctrine du contrat social restreint, prône un droit à la résistance, à tout le moins en dernière extrêéité. Par contre, Kant dénie l’existence d’un véritable droit de résistance.
9636 Dans son essai paru en 1849 et intitulé The Resistence to Civil Government, Henry David Thoreau (1817-1862) se prononce en faveur d’un droit de résistance étendu face à l’Etat. A ses yeux, l’individu est même moralement obligé de désobéir à l’Etat lorsque celui-ci commet une injustice. En conscience et pour des raisons d’équité, l’individu se doit d’opposer une résistance à l’Etat en refusant de payer l’impôt21. Cette philosophie d’une résistance non-violente mais illégale a exercé une grande influence sur plus d’un mouvement politique au xxe iècle. Le Mahatma Gandhi (1869-1948) a résisté par la non-violence à la domination anglaise sur les Indes en s’inspirant de cette philosophie, tout comme l’a fait la jeunesse américaine durant la guerre du Vietnam22.
9737 La philosophie des lumières a inspiré la fondation d’Etats qui, au cours du xixe siècle furent en partie hostiles à la religion. Cette évolution a créé une situation où c’est avant tout l’Eglise catholique qui s’est prononcée en faveur d’un droit de résistance relativement étendu. Ainsi, dans son encyclique “Sapientiae christianae” de 1890, le Pape Léon XIII déclare : « Mais, si les lois de l’Etat sont en contradiction ouverte avec la loi divine, si elles renferment des dispositions préjudiciables à l’Eglise, ou des prescriptions contraires aux devoirs imposés par la religion ; si elles violent dans le Pontife suprême l’autorité de Jésus-Christ, dans tous ces cas, il y a obligation de résister, et obéir serait un crime dont les conséquences retomberaient sur l’Etat lui-même. Car l’Etat subit le contrecoup de toute offense faite à la religion23. » Nous trouvons une réflexion similaire dans l’Encyclique “Redemptor hominis” du Pape Jean-Paul II. « Ce bien commun, au service duquel est l’autorité dans l’Etat, ne trouve sa pleine réalisation que lorsque tous les citoyens sont assurés de leurs droits. Autrement, on arrive à la désagrégation de la société, à l’opposition des citoyens à l’autorité, ou alors à une situation d’oppression, d’intimidation, de violence, de terrorisme, dont les totalitarismes de notre siècle nous ont fourni de nombreux exemples24. »
9838 Les Eglises protestantes vont en revanche moins loin. Luther est d’avis qu’il faut obéir même à un Etat injuste, pour autant que celui-ci permette la pratique religieuse.
9939 Les expériences douloureuses faites avec les Etats totalitaires du xxe siècle ainsi que les atteintes croissantes aux droits de l’homme les plus élémentaires – tortures, emprisonnements arbitraires et camps de concentration – ont abouti à une nouvelle appréciation du droit de résistance. En se fondant sur le droit naturel, les juges des tribunaux d’exception de Nuremberg et de Tokyo ont condamné les chefs du national-socialisme et du fascisme. Les accusés n’ont pas pu invoquer le fait qu’ils avaient appliqué des lois édictées régulièrement et exécuté des ordres donnés légalement. Puisqu’aucun Etat n’a le droit de sommer quelqu’un de commettre un crime, il est non seulement permis de résister à de telles injonctions, mais c’est un devoir que de le faire.
10040 Kriele se prononce également en faveur d’un droit de résistance face au pouvoir qui porte de graves atteintes aux principes de la raison pratique25. Etant donné que les grandes lignes d’un régime de droit positif se déduisent de la raison pratique, un tel régime n’est légitime que pour autant qu’il reste en harmonie avec ces grandes lignes. Si le pouvoir étatique viole ces principes, l’individu pourra alors déduire un droit de résistance à partir du droit antérieur à l’Etat et à ses règles positives parce que ce droit est discernable par la raison pratique. Après la seconde guerre mondiale, les criminels de guerre nazis ont été traduits devant le Tribunal de Nuremberg.
101Mais d’où ce tribunal tira-t-il le droit de punir ces criminels ? Ceux-ci ont invoqué pour leur défense le fait qu’ils s’étaient conformés au droit positif en vigueur sous le régime national-socialiste de l’Allemagne. Un châtiment ne se justifiait que si l’on partait de l’idée que ces règles de droit positif étaient nulles parce qu’elles portaient atteinte au droit fondamental, celui qui est antérieur à l’Etat. Cette hypothèse ne fut pourtant pas suffisante pour les condamner. En effet, le tribunal a dû prendre pour prétexte le fait que les criminels nazis étaient obligés en vertu du droit préétatique de refuser par une résistance passive les ordres prévus par les règles du droit positif, mais qui leur enjoignaient de commettre des actes criminels. Le Tribunal de Nuremberg a donc présupposé l’existence d’un droit à la résistance et même d’un devoir de résistance.
10241 Tout droit à la résistance entraîne un dilemme ; c’est là une évidence. En effet, le fait que chaque citoyen puisse invoquer son droit à la résistance pour refuser d’obéir à l’autorité publique risquerait de mener à l’anarchie complète. Lorsque chaque citoyen peut remettre en question la légitimité de l’autorité de l’Etat, celui-ci devient ingouvernable. C’est pourquoi le droit à la résistance ne saurait être purement et simplement reporté sur le plan de la morale. En agissant de la sorte, on aboutit à des résultats tout aussi absurdes, par exemple son approbation sans réserve.
10342 La résistance n’est certes admissible que contre des injustices extrêmes. C’est pourquoi l’autorité publique doit constamment faire ses preuves face aux esprits critiques qui invitent à la contradiction, voire à la contestation. Lorsqu’un peuple conserve son esprit critique envers ses autorités, le danger d’abus de pouvoir est très restreint. Pourtant, en pareil cas, le peuple peut se défendre suffisamment tôt contre l’abus d’autorité. En règle générale, le droit de résistance exclut le recours à la violence. Lorsqu’une autorité publique commet une injustice par l’usage de la force, cela ne légitime pas qu’un mouvement de résistance ait recours à la force et à la violence. D’innombrables exemples de révolutions récentes montrent, en outre, à l’évidence que, dans la plupart des cas, un nouveau régime de terreur succède à celui qu’on vient d’abattre. Les révolutions dévorent leurs propres rejetons. L’emploi de la force ne se justifie donc qu’en dernière extrémité, uniquement lorsqu’on est sûr de pouvoir installer par ce coup de force et sans bain de sang une nouvelle autorité légitime, c’est-à-dire reconnue par le peuple.
Bibliographie
a) Auteurs classiques
104Thomas d’Aquin, Du Royaume, trad. M. M. Cottier, Paris, Egloff 1947
b) Autres auteurs
105Austin, J., The Province of Jurisprudence etc., New York 1965
106Bäumlin, R., Jean-Jacques Rousseau und die Theorie des demokratischen Rechtsstaats, in : Berner Festgabe zum schweizerischen Juristentag 1979, p. 13 ss.
107Ibid., Lebendige oder gebändigte Demokratie, Basel 1978
108Beyme, K. von, Die verfassungsgebende Gewalt des Volkes. Demokratische Doktrin und politische Wirklichkeit, Tübingen 1968
109Comes, H., Der rechtsfreie Raum. Zur Frage der normativen Grenzen des Rechts, Berlin 1976
110La documentation catholique, Bayard-Presse, Paris 1919 ss.
111Dunn, Th., Die richtige Verfassung. Ein Beitrag zum Problem des richtigen Rechts, Zürich 1972
112Emerson, Th. I., The System of Freedom of Expression, New York 1970
113Fleiner, Th., Norm und Wirklichkeit, in : ZSR 93 (1974), 2e fasc, p. 279 ss.
114Görlitz, A., Politische Funktionen des Rechts, Wiesbaden 1976
115Hofmann, H., Legitimität und Rechtsgeltung, Berlin 1977
116Honoré, A. M., Groups, Laws and Obedience, in : Oxford Essays in Jurisprudence, Second Series, Oxford 1973
117Jakobs, G. (éd.), Rechtsgeltung und Konsens, Berlin 1976
118Kelsen, H., Reine Rechtslehre, 2nde éd., Wien 1960
119Kettembeil, K., Die Frage nach dem „richtigen Recht“ als Strukturproblem, Bern 1976
120Kielmansegg, P. G., Volkssouveränität, Stuttgart 1977
121Kriele, M., Recht und praktische Vernunft, Göttingen 1979
122Kurz, H. (éd.), Volkssouveränität und Staatssouveränität, Darmstadt 1970
123Ibid., Volkssouveränität und Volksrepräsentation, Köln 1965
124Maritain, J., The Concept of Sovereignty, in : The American Political Science Review, 1950, p. 343 ss.
125Murhard, F., Die Volkssouveränität. Im Gegensatz der sogenannten Legitimität. Réimpression de l’édition de 1832, Aalen 1969
126Reibstein, E., Volkssouveränität und Freiheitsrechte. Texte und Studien zur politischen Theorie des 14. bis 19. Jahrhunderts, 2 vol., Freiburg i.Br. 1971
127Schnatz, H. (éd.), Päpstliche Verlautbarungen zu Staat und Gesellschaft, Darmstadt 1973
128Thoreau, H. D., Ueber die Pflicht zum Ungehorsam gegen den Staat, Zürich 1973
129Utz, A. F., La doctrine sociale de l’Eglise à travers les siècles, Fribourg/Paris 1969
Notes de bas de page
1 cf. à ce sujet e.a. M. Kriele, Einführung in die Staatslehre, p. 19 ss., A. Peczenik, p. 1 ss. et Th. Fleiner, p. 279 ss.
2 J. Austin, p. 194.
3 J. Austin, p. 196.
4 J. Austin, p. 134.
5 cf. H. L. A. Hart.
6 R. Dahl, p. 214.
7 cf. aussi K. W. Deutsch, p. 114.
8 M. Weber, p. 475 ss.
9 M. Kriele, Recht und praktische Vernunft, p. 117.
10 Confucius, livre VI, chap. 12, n° 7.
11 cf. à ce sujet J. Maritain, p. 343 ss.
12 cf. § 25/2.
13 cf. à ce sujet R. Baeumlin.
14 cf. le § 25 à propos de la légitimation de la démocratie.
15 cf. § 12/21 ss. ; 16/18 ss.
16 cf. § 15/12 ss.
17 M. Kriele, p. 17 ss.
18 cf. M. Kriele, p. 30 ss.
19 cf. § 18/1 ss.
20 cf. Th. d’Aquin, Livre I, chap. 6, p. 57 ss.
21 H. D. Thoreau, p. 15 ss.
22 cf. à ce sujet Th. I. merson, p. 340 ss.
23 In : A. F. Utz, XXIII n° 5, p. 2149.
24 La Documentation catholique, tome LXXVI, 1979, p. 313.
25 M. Kriele, p. 111 ss.

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