Introduction générale
p. XIX-XXI
Texte intégral
1. Objet et intérêt de l’ouvrage
1L’eau est un élément vital pour la vie de l’homme et tout son environnement. Depuis des temps immémoriaux, les cours d’eau ont servi à des fins diverses, allant des utilisations domestiques, sanitaires et religieuses à la navigation, sans oublier la pêche, l’irrigation, etc. On peut du reste remarquer que les plus grandes civilisations historiques se sont bâties autour des cours d’eau comme le Tigre/Euphrate, le Nil et le Tibre. Cependant, si les fleuves et lacs ont constitué des pôles d’attraction et de rassemblement des populations, ils ont également été à la base de nombreuses rivalités. Les conflits entre populations riveraines d’un même cours d’eau se sont accrus à mesure que les utilisations se sont multipliées et diversifiées et que se sont constitués de nombreux Etats dont les frontières sont partiellement déterminées par des cours d’eau. L’un des conflits majeurs de notre époque, celui du Moyen-Orient, est doublé d’une « guerre de l’eau », à propos de l’utilisation des eaux du Jourdain. L’Iraq, la Syrie et la Turquie entretiennent des relations tendues à propos de l’Euphrate. Il y a quelques années, l’Egypte a menacé d’attaquer l’Ethiopie si celle-ci mettait à exécution ses projets d’utilisation énergétique des eaux du Nil.
2Dans le passé, plusieurs théories, qui s’appuyaient en particulier sur la doctrine du droit naturel, ont été émises, surtout à l’époque de Grotius, Vattel et Pufendorf, et ont soutenu le point de vue selon lequel les cours d’eau devaient être laissés à l’usage de toutes les nations, riveraines et non riveraines. Aujourd’hui, la plupart des Etats riverains des cours d’eau séparant ou traversant plusieurs pays ont mis en place des structures de coopération. Celles-ci ont commencé dans le domaine de la navigation, en particulier en Europe dès le xixe siècle pour se réaliser ensuite dans d’autres secteurs (irrigation, pêche, hydro-électrique, etc.) et sur toute la planète. Certains pays riverains, en particulier dans le Tiers-Monde, sont allés plus loin dans le domaine de l’utilisation des cours d’eau internationaux, en adoptant des structures d’exploitation intégrée des ressources en eau. Une telle politique exige évidemment un véritable aménagement juridique et institutionnel. D’où l’adoption de nombreux traités bilatéraux et/ou multilatéraux régissant les aspects de l’utilisation des cours d’eau internationaux.
3La présente étude a pour objet d’examiner l’évolution du droit des cours d’eau internationaux, un accent étant mis sur ses développements les plus récents. En effet, le droit fluvial international a récemment fait l’objet d’un intense effort de codification et de développement progressif au sein de la CDI, qui a abouti à un texte adopté par elle en deuxième lecture en 1994. A côté de ce système universel, il faut mentionner l’existence d’approches régionales. Dans le domaine de la navigation par exemple, alors qu’en Europe la liberté de navigation s’impose au titre de règle générale, elle apparaît, aux Amériques, comme relevant plutôt d’un régime de « concession spéciale », alors qu’elle bénéficie aux seuls riverains en Afrique et en Asie. Cette tendance à la régionalisation du droit des cours d’eau internationaux n’a pas épargné le continent africain, où l’utilisation des eaux des bassins fluviaux et lacustres est devenue un élément à part entière des efforts d’intégration économique sous-régionale et régionale.
4Dans l’examen du droit des cours d’eau internationaux en Afrique, une attention particulière sera accordée à l’étude du régime juridique et institutionnel du bassin du Congo/Zaïre1 de 1885 à nos jours. Le Congo/Zaïre, bien qu’étant l’un des fleuves importants de la planète, n’a pas encore fait l’objet d’une réglementation générale à l’époque postcoloniale. Ensuite, très peu de choses ont été écrites sur son régime juridique. Les quelques rares études qui existent se sont limitées à l’analyse du seul aspect de la navigation2, l’accent ayant du reste été mis sur la période où le fleuve était régi par l’Acte général de Berlin de 18853 et la convention de Saint-Germain-en-Laye de 19194. Par conséquent, il semble utile que les intéressés puissent disposer de certains éléments qui fassent le point de la situation actuelle et ce à la lumière de l’évolution du droit des cours d’eau internationaux sur le continent africain5.
2. Approche choisie et subdivisions de l’ouvrage
5Dans la première partie, on examinera les aspects juridiques généraux de l’utilisation des cours d’eau internationaux. Il s’agira de savoir quelles sont les règles du droit international - coutumières et/ou conventionnelles - qui fondent les droits et obligations des pays riverains des cours d’eau internationaux. L’examen sera d’ailleurs étendu à la lex ferenda, une attention particulière étant accordée au projet d’accord-cadre élaboré par la CDI relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation. La seconde partie de l’étude sera consacrée à l’évolution du droit international fluvial sur le continent africain. Dans ce cadre seront examinés les différents régimes (passé, actuel et futur) du bassin du Congo/Zaïre6, en les évaluant à la lumière du développement du droit des cours d’eau internationaux aux plans universel et régional africain. Un accent sera mis sur l’analyse du régime de lege ferenda du bassin en le comparant, d’une part, avec l’ancien régime de Berlin et de Saint-Germain-en-Laye, et, d’autre part, avec la situation qui prévaut actuellement dans le bassin. Enfin, en conclusion, on terminera par une note sur les perspectives d’avenir du droit des cours d’eau internationaux au tournant du xxie siècle.
Notes de bas de page
1 Le terme « Zaïre » a été adopté en 1971 par le Zaïre, principal Etat riverain, pour désigner l’ancien bassin du Congo. Pour la commodité de l’exposé et le respect des documents historiques, nous utiliserons le nom « Congo » pour désigner le fleuve pendant l’époque coloniale, alors que la dénomination « Zaïre » sera utilisée pour l’époque postcoloniale.
2 LEVACHER, C., Le Congo, fleuve international, et les régions riveraines, thèse, Rennes, 1902 ; BUKASA, J., Le régime international du fleuve Congo, thèse, Université de Paris I, 1972 ; MBEMBE, I., Le régime juridique du fleuve Zaïre, mémoire de licence, Kinshasa, 1981 ; et MALUWA, T., “The Origins and Development of International Fluvial Law in Africa: A Study of the International Legal Regimes of the Congo and Niger Rivers from 1885 to 1960”, NILR, vol. 19, 1982, p. 368-400.
3 Texte dans NGUYA-NDILA, C., Indépendance de la République Démocratique du Congo et les engagements internationaux antérieurs, Kinshasa, Publications de l’Université de Kinshasa, 1971, p. 205.
4 DE MARTENS, G.-F., de, NRC, 3e série, vol. 11, p. 691.
5 Voir GODANA, B.A., African’s Shared Natural Resources, Legal and Institutionnal Aspects of the Nile, Niger and Senegal River Systems, Londres, Frances Pinter, 1985.
6 Textes des deux projets de convention relatifs au statut du bassin du Congo/Zaïre et à la création d’une autorité du bassin du fleuve Congo/Zaïre dans Nations Unies, Conseil économique et social. « Rapport de la réunion intergouvemementale d’experts sur la mise en valeur du fleuve Congo/Zaïre (Kinshasa, 12-17 novembre 1987) », doc. ECA/TRANS/56, 17 décembre 1987.
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